N° 3490
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 décembre 2001.
PROPOSITION DE LOI

tendant, par la création d'un contrat de garde conjointe et bénévole pour les enfants de moins de trois ans, à assurer la protection juridique des parents.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Jean de GAULLE,
Député.

Famille.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La France compte aujourd'hui près de 2 200 000 enfants de moins de trois ans (1). Or, de très nombreuses mères de famille exercent aujourd'hui une activité professionnelle, et à la joie qu'une nouvelle naissance apporte dans un foyer se mêle trop souvent l'inquiétude des parents sur la difficile question de la garde de leur enfant, une fois le congé de maternité arrivé à son terme.
Près de la moitié des enfants de moins de trois ans que compte notre pays est gardée par un membre de la famille (ascendant, collatéral...) et 200 000 d'entre eux sont accueillis en crèche. En outre, 300 000 d'entre eux sont gardés par une assistante maternelle agréée, 34 000 sont pris en charge par une assistante au domicile de leurs parents, et 250 000 sont scolarisés entre deux et trois ans. Reste donc 300 000 enfants hors de ces catégories (2), dont la garde est assumée par des solutions trouvées au jour le jour, par des voisins ou des amis, ou qui sont, hélas, laissés à eux-mêmes.
Pour ces derniers, l'absence de recours au système de garde peut s'expliquer par deux constats. En premier lieu, la disponibilité des crèches est insuffisante, notamment en zone rurale. Mais cette déficience ne pourra être résolue que par un effort soutenu des pouvoirs publics, qui ne peut s'envisager que sur le long terme. En second lieu, le recours à la garde d'enfants s'avère souvent financièrement impossible pour les personnes à faible revenu.
L'exemple de la garde d'enfants à domicile est particulièrement parlant. Celle-ci est assurée par les auxiliaires parentales, dont la compétence est très appréciée par les parents de jeunes enfants et à qui il convient ici de rendre hommage. Toutefois, le recours à ce mode de garde est souvent hors de portée de nombreux foyers. Le recours aux assistantes maternelles, qui assurent la garde de plusieurs enfants à leur domicile, est également trop onéreux pour de nombreuses familles à revenu modeste.
Toutefois, la garde à domicile offre de nombreux avantages. Elle garantit une certaine flexibilité aux femmes exerçant une profession et permet à l'enfant de s'épanouir dans son milieu de vie habituel.
C'est pourquoi il serait nécessaire de contribuer au développement d'autres modes de garde. La garde conjointe, qui consiste à confier à tour de rôle et de manière équitable les enfants de deux ou trois familles à la garde des membres de l'une d'entre elles, pourrait remédier à cette situation. De très nombreuses familles ont déjà adopté, faute de mieux, ce mode de garde. Il semble donc nécessaire de leur offrir un cadre juridique précis destiné à régler l'ensemble des questions que peut poser la garde conjointe. C'est l'objet de la présente proposition de loi.
La garde conjointe, dont le principe est énoncé dans l'article 1er de la présente proposition de loi, pourra être assurée par les cocontractants ou leurs conjoints ou concubins. Mais il convient de ne pas restreindre la liberté dont doivent jouir les parties à cette convention et d'ouvrir la possibilité de cette garde aux ascendants et descendants des parties, âgés de plus de seize ans. Nombre de grands-parents contribuent d'ailleurs déjà à l'exercice de ce mode de garde, et les mères de familles confient également leurs enfants à la garde de grands enfants de leur famille ou de leurs relations. Cette ouverture de la garde partagée sera bien entendu soumise à la condition d'une mention expresse dans la convention.
La garde devra en outre avoir lieu au domicile de l'un des parents, afin de garantir aux enfants une certaine stabilité de leur milieu de vie. C'est l'objet des articles 2 et 3 de la présente proposition de loi qui prévoient en outre, afin de permettre aux pouvoirs publics d'être informés sur ces pratiques, que cette convention doit faire l'objet d'une déclaration à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS).
Il appartiendra alors aux services de la DDASS de vérifier si les personnes pouvant avoir en charge la garde des enfants ont subi l'ensemble des vaccinations imposées par la loi pour l'exercice de la profession de nourrice agréée, si elles disposent de conditions de logement adéquates pour assumer la garde des enfants et si ceux-ci ont également subi les vaccinations requises pour bénéficier d'une place en crèche.
Si l'objectif de cette réforme est d'instaurer un cadre juridique permettant la mise en _uvre de la liberté contractuelle des parties, il convient néanmoins de définir précisément les contours de ce cadre et de préciser les modalités de la réalisation de la garde conjointe. L'article 4 fait état de ces éléments. Le caractère bénévole de la convention y est affirmé, ainsi que les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles la garde doit avoir lieu. Il paraît ainsi nécessaire d'exclure les horaires nocturnes et de réduire cette possibilité aux moments de la journée pendant lesquels la majorité des actifs se trouvent sur leur lieu de travail ou sur le trajet qui y mène, c'est-à-dire de 7 heures à 20 heures. La garde, pour éviter les abus et les mauvaises surprises des contractants confrontés à la décharge abusive du devoir de garde par l'autre partie sur une personne non mentionnée dans la convention, devra avoir lieu exclusivement au domicile des parties au contrat. L'équilibre des enfants, dont le cadre de vie sera stabilisé, pourra ainsi être préservé.
Le principe fondateur de cette convention, que l'article 5 rappelle solennellement, consiste en l'équité de la répartition de la charge de la garde. Cette notion, aux contours volontairement larges, est destinée à préserver autant que possible la liberté des parties dans l'appréciation de l'équité. Si le partage de la charge de la garde doit essentiellement reposer sur le temps passé et le nombre d'enfants confiés, les parties pourront librement interpréter les obligations de chacun au regard des contraintes pesant individuellement sur chacune des parties. En outre, afin de laisser libre cours à l'expression de la liberté contractuelle et de préserver la notion de réciprocité, qui doit être considérée comme un des principes fondateurs du contrat, la convention pourra être dénoncée à tout moment par les parties, sans préjudice, naturellement, des restrictions à cette liberté fondées sur l'interdiction de la rupture dans des conditions abusives.
Enfin, la question majeure de la responsabilité doit être évoquée. Dans une perspective de prévention des différends, il convient de créer une nouvelle catégorie d'assurance obligatoire : les parties aux conventions de garde conjointe devront ainsi contracter une assurance en responsabilité civile.
Cette obligation imposée aux parties, qui se traduira dans la plupart des cas par la modification des clauses de contrats d'assurance existant, aura un coût pour les familles. Il semble nécessaire qu'à l'instar des autres modes de garde la garde conjointe doive être encouragée par un mécanisme de solidarité nationale. L'article 9 de la présente proposition de loi prévoit donc que les foyers fiscaux parties à un contrat de garde conjointe pourront bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu. Destiné à couvrir les frais d'assurance, ce crédit d'impôts sera fixé forfaitairement à 200 euros.
Visant à résoudre partiellement la question de la garde des jeunes enfants, cette proposition de loi, fondée sur des relations bénévoles et de réciprocité entre les parties, aurait un coût des plus modestes qui pourrait être compensé par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et  A du code général des impôts.
Son utilité sociale serait indéniable et elle contribuerait en outre à renforcer les solidarités de proximité comme les solidarités familiales et ainsi à redynamiser les liens fondateurs et essentiels du tissu social.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Il est institué un contrat de garde conjointe dont l'objet est de régir les rapports contractuels entre les familles souhaitant assumer à tour de rôle la garde des enfants de chacun, âgés de moins de trois ans.

Article 2

Le contrat de garde conjointe est une convention de bénévolat qui peut être passée entre deux ou trois parents légitimes, naturels ou adoptifs, tuteur ou tout autre représentant légal d'un ou plusieurs enfants de moins de trois ans non scolarisé afin d'organiser une garde des enfants de chacune des familles, exercée à tour de rôle par chacun des cocontractants, leur conjoint ou leur concubin notoire, ou leur ascendant ou descendant âgé de plus de seize ans.
La conclusion d'un tel contrat devra faire l'objet d'une déclaration à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales du département de résidence de l'une des parties.

Article 3

La convention devra préciser l'identité des personnes habilitées à assumer la garde des enfants et les horaires pendant lesquelles la garde sera effectuée.
Les parties devront être en mesure de produire un certificat médical garantissant que les personnes ayant ou pouvant avoir en charge la garde des enfants ont subi l'ensemble des vaccinations légales imposées aux nourrices agréées.
Elles devront en outre garantir des conditions de logement suffisantes pour pouvoir accueillir les enfants dont elles auront ou pourront avoir la garde.
Les enfants devront avoir subi les vaccinations obligatoires préalablement à une entrée en crèche.

Article 4

La convention ne saurait en aucun cas donner lieu à une rémunération des personnes ayant en charge la garde des enfants.
Les enfants pourront être confiés aux personnes en charge de leur garde pendant la journée entre 7 heures et 20 heures.
La garde conjointe sera successivement effectuée au domicile de chacune des parties à la convention.

Article 5

Le temps passé à garder les enfants devra être équitablement réparti entre les familles.

Article 6

Les responsables légaux des enfants seront tenus de contracter une assurance de responsabilité civile couvrant les dommages qui pourraient être causés par l'enfant au détriment de la personne assurant sa garde en vertu de la convention.
Les personnes effectuant une garde conjointe d'enfants seront en outre tenus de contracter une assurance de responsabilité civile couvrant les dommages qu'ils pourraient infliger aux enfants dont ils ont la garde.

Article 7

La convention pourra être dénoncée unilatéralement à tout moment par chacune des parties.

Article 8

Le contenu du contrat de garde conjointe sera précisé par décret.
Les parties pourront retirer un exemplaire type de ce contrat auprès de la mairie de leur lieu de résidence.

Article 9

L'article 199 quater D du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«Les foyers fiscaux de personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B et parties à un contrat de garde conjointe peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à  euros.»

Article 10

Les pertes de recettes générées par la présente proposition de loi seront compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et, s'il en était besoin, par une taxe de 20% prélevée sur les gains versés par la Française des jeux.

____________

N° 3490.- Proposition de loi de M. Jean de Gaulle tendant, par la création d'un contrat de garde conjointe et bénévole pour les enfants de moins de trois ans, à assurer la protection juridique des parents (renvoyée à la commission des lois).


© Assemblée nationale