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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Solidarité et renouvellement urbains. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 1689).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1689)

MM. Pierre Cardo, Daniel Marcovitch, Serge Poignant, Mme Janine Jambu,

MM. Marc-Philippe Daubresse, Jean-Michel Marchand, Alain Cacheux, Robert Poujade, Michel Destot, Jean-Marie Morisset, Aloyse Warhouver, Jean-Jacques Filleul, Jean-Luc Warsmann, Michel Vaxès, Léonce Deprez, Yves Dauge, Michel Bouvard, Jean Espilondo, Etienne Pinte, Gilbert Biessy, Christian Estrosi.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1722).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (nos 2131, 2229).

Discussion générale

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo, premier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, monsieur le ministre délégué à la ville, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, monsieur le président de la production et des échanges et monsieur le rapporteur de la commission de la production et des échanges, mes chers collègues, nous voici enfin amenés à examiner en première lecture le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

En préambule, je dirai que, préambule s'agissant d'un texte de cette importance, les délais impartis pour une étude sérieuse sont, comme souvent dans nos travaux parlementaires, un peu courts. D'autant plus que le sujet est vaste, au point que l'on a l'impression d'un texte un peu fourre-tout, d'une sorte de patchwork, qui reprend un peu de la politique de la ville, un peu de l'urbanisme, un peu des transports et bien d'autres choses.

Cependant, malgré son large spectre, on peut dire autant de ce qu'il contient que de ce qu'il ne contient pas. Reste quesi la critique est aisée - et je ne m'en priverai pas - l'art est difficile, et ceux qui ont gouverné avant vous le savent, qu'ils soient de droite ou de gauche. Ce texte est la reconnaissance explicite des échecs successifs des politiques de l'urbanisme, du logement et, plus généralement, de la politique de la ville de ces dernières décennies.

Je n'entrerai pas dans le détail des articles et n'aborderai pas la totalité des chapitres même car le temps qui m'est imparti m'oblige à faire des choix. Le débat article par article nous évitera dans les jours à venir toute frustration, compte tenu du nombre d'amendements déposés : plus de 2000 ! Par titre Ier , vous voulez renforcer la cohérence des politiques urbaines. A cet effet et afin de rendre, comme vous dites, les politiques plus claires et plus démocratiques, vous renforcez de fait le rôle de l'Etat et, par le biais des enquêtes publiques systématiques, celui des habitants, sur les documents d'urbanisme.

Si la suppression de certaines procédures et leur simplification ne peuvent être que positives, on peut s'interroger en revanche sur l'appauvrissement du rôle que vous laissez à l'élu local dans cette démarche. La demarche contribuera-t-elle vraiment à plus de démocratie locale ? Le maire que je suis reste perplexe. Au moment où la responsabilité du maire, voire sa culpabilité, est de plus en plus affirmée par les tribunaux, à une époque où, faute de réponses institutionnelles claires, le maire reste le seul représentant accessible et reconnu de l'autorité sur le terrain qui soit reconnu, et où souvent on attend tout de lui, est-ce réellement le chemin à prendre ? Ce chemin ne va-t-il pas contribuer à décourager les vocations ? Dans les petites villes, j'entends, car il en va différemment à Paris ou à Lyon...

La suite de votre texte affirme votre volonté de donner aux agglomérations les moyens de définir leur politique urbaine. Apparemment, les instruments supracommunaux actuels ne donnent pas satisfaction, trop centrés, ditesvous, sur la planification spatiale. C'est une opinion.

Vous transformez donc les schémas directeurs d'aménagement urbain, les SDAU, en schémas de cohérence territoriale, précisant, à partir d'un projet de développement économique et social, les grands objectifs d'aménagement et d'urbanisme prenant en compte les politiques d'habitat, de loisirs, de services, d'infrastructures.

C'est bien. Intellectuellement, ce raisonnement paraît satisfaisant, mais l'hypothèse que vous posez au départ est-elle bonne ? Ou la seule envisageable ? Je ne le crois pas.

Etes-vous sûr que l'échec du passé n'est dû qu'à cette prise en compte trop étroite de la planification spatiale ? Croyez-vous vraiment que la réussite d'un projet de développement harmonieux, global et durable ne dépende que de cette cohérence que vous appelez de vos voeux ? A moins que les mots inscrits dans la loi n'aient un effet magique - ce qui est peu probable -, nous risquerons, dans de nombreux cas, où la cohérence n'a pas montré le bout du nez, de l'attendre encore. Car, si les SDAU ont manqué de cohérence en bien des endroits, c'est que chaque commune concernée défendait son plan d'occupation des sols ou, plus exactement, ses projets spécifiques, sans rien concéder au voisin.

Partout où il n'y aura pas de volonté politique autour d'un projet cohérent, il n'y aura pas de cohérence. Là se situe une des faiblesses de ce texte qui, comme on le retrouve dans le rapport Sueur, tente de trouver, par le biais de l'agglomération, une réponse efficace à l'égoïsme de certaines villes ou à leurs intérêts très différents.


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Je prends un exemple dans ma circonscription. Une commune moyenne qui, à elle seule, dispose de 80 % de logement social, plutôt dégradé, est entourée par des villes de même importance qui en ont très peu. Que croyezvous que ces dernières aient fait jusqu'à présent, sinon se regrouper entre communes n'ayant pas trop de problèmes ? Et quelle intercommunalité la ville comportant autant de logement social va-t-elle pouvoir construire ? Sur quel projet cohérent sera-t-elle d'accord avec ses voisines qui n'en veulent pas ? Si les communes favorisées élaborent ensemble un schéma de cohérence territoriale, sur quelle base sera jugée la commune isolée ? Et, en supposant qu'une communauté de communes voie le jour et soit construite entre toutes ces villes, quel sera le pouvoir d'orientation de la commune siège des logements sociaux sur un projet cohérent qui prendrait en compte sérieusement sa problématique ? Je ne vous reproche pas d'avoir engagé cette réforme.

Je dis simplement qu'elle ne permettra pas plus qu'avant de régler les problèmes d'incompatibilité d'intérêts entre les communes. Car telle est la vraie raison des échecs successifs et de ceux à venir.

J'en arrive à l'article 3 de la loi qui simplifie les procédures des POS en créant des plans locaux de l'urbanisme qui paraissent donner aux élus locaux plus de moyens pour mettre en oeuvre des projets d'aménagement et de renouvellement urbains. Il impose une obligation de cohérence de ces documents avec la politique intercommunale d'aménagement urbain, d'habitat et de déplacement.

Si, toujours dans l'exemple que je viens de citer, les villes sans problème se sont réunies pour être cohérentes entre elles et non par rapport à la ville en difficulté sociale, comment sera jugée, dans ce contexte, la cohérence du projet de cette dernière ? Votre loi n'a pas prévu, me semble-t-il de garde-fou permettant de protéger les plus faibles d'une mauvaise application toujours possible des textes. Ici encore, l'examen des articles permettra d'approfondir cette question.

Je vais passer maintenant à la section 2, sur le financement de l'urbanisme. Une partie de vos propositions tendant à faire participer aux frais de la collectivité ceux qui bénéficient en premier des investissements me paraît réellement positive. Toutefois, lorsque vous proposez aux communes la possibilité d'augmenter la valeur locative cadastrale d'une valeur forfaitaire allant jusqu'à cinq francs le mètre carré afin de leur permettre, dites-vous, de financer leurs opérations de renouvellement urbain et de réhabilitation du patrimoine ancien, je ne peux m'empêcher de sourire.

Dans de nombreux cas, et particulièrement en zone urbaine, la recette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties sera faible, faute de mètres carrés. J'espère que nous ne devons pas interpréter cette largesse de l'Etat comme préparant, dans ce domaine d'action, un futur désengagement financier.

Si votre texte prévoit bien la construction de logements sociaux là où il n'y en a pas, ou très peu, ainsi que leur financement par le biais d'amendes forfaitaires, on ne saisit pas bien comment se fera le financement d'opérations lourdes dans les quartiers difficiles s'il n'est assis que sur cette taxe.

L'Etat devra sérieusement mettre la main à la poche.

Mais, fait curieux dans une loi de solidarité, cela n'apparaît pas clairement, pas plus que n'apparaît d'ailleurs une solidarité financière assumée par l'Etat en faveur des communes connaissant des déficits structurels, dus non pas à une mauvaise gestion mais à une trop forte concentration de logements sociaux dégradés.

Venons-en au titre II qui concerne la politique de la ville et, plus particulièrement, la solidarité entre les communes en matière d'habitat.

Vous dressez d'abord un constat d'échec des politiques antérieures et vous avez raison. Nombre d'intervenants, locaux et nationaux, y ont d'ailleurs parfois contribué.

Cela étant, vous brandissez, comme beaucoup d'élus de droite ou de gauche, le principe de la mixité sociale comme un remède miracle à la difficulté du logement social et au mal de vivre d'une société urbaine. Je me demande, depuis le temps que ce terme est mis en avant par beaucoup, y compris par certains d'entre nous dans cet hémicycle, s'il relève de la pratique incantatoire ou de l'annonce déculpabilisante. Cela revient en effet à dire :

« je ne traite pas le mal, mais je le répartis. »

R ésumons cette politique de mixité sociale. Elle consiste à construire, de gré ou de force, du logement social chez ceux qui en ont peu. Je ne remets pas en cause les amendes prévues pour les mauvais élèves et trouve même que la progressivité fixée pour la construction permettra d'éviter nombre de désagréments et surtout de concentrations. Vous avez été prudent et vous avez eu raison.

Cela dit, je voudrais vous faire partager la petite inquiétude d'un maire de banlieue ayant observé l'évolution des quartiers difficiles depuis près de trente ans.

Nous allons donc construire des logements sociaux dans des secteurs nouveaux et, a priori, dans un environnement favorable. On y installera quelques familles mal logées. Mais pas trop ! Il ne faudra pas effrayer les élus et les habitants de ces cités tranquilles. Et puis on voudra éviter les erreurs commises ailleurs - la concentration de trop de familles à problèmes. C'est logique et normal.

Viendront donc s'y installer aussi des familles de nos cités difficiles qui, ne supportant plus vraiment leurs conditions de vie et ayant réussi une ascension sociale, y trouveront le début de leur itinéraire résidentiel.

Et, là, se fera dans nos quartiers un nouvel écrémage de nos populations. Le premier écrémage a été obtenu par le développement de l'accession à la propriété des années 70 et 80, entraînant l'appauvrissement social, culturel et économique de nos grandes cités. Il aura autant que le chômage contribué à la ghettoïsation des grands ensembles exportant dans les zones pavillonnaires toutes ces couches sociales moyennes qui tenaient les quartiers et leur lien social par l'associatif, le syndicalisme, la politique.

M. Daniel Marcovitch.

Tout à fait !

M. Pierre Cardo.

Ce second appel d'air risque de contribuer fortement à une accentuation de la paupérisation de certains quartiers. Nous en discuterons au cours de l'examen des articles.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est un problème, en effet !

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Voilà une argumentation intelligente, monsieur Cardo !

M. Pierre Cardo.

Le titre III de la loi est consacré à la politique de déplacement au service du développement durable.

Il est normal que le transport soit intégré dans un projet d'aménagement que vous voulez cohérent. Pour cela, vous ouvrez un certain nombre de possibilités et d'outils


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qui permettront sans doute d'apporter des réponses là où elles manquent. Cela dit, je ne peux m'empêcher d'avoir un oeil critique, voire méfiant, sur certaines de vos mesures.

Je citerai simplement la disposition relative aux transports collectifs d'intérêt régional. Vous transférez aux régions l'organisation et le financement des services des voyageurs. Vous appelez cela de la régionalisation et du transfert de compétences. Et j'ai noté que beaucoup sur ces bancs s'en réjouissaient. Au vu de l'expérience d'autres transferts de l'Etat, cela pourrait bien être du délestage de charge à court ou moyen terme. Comme la SNCF doit être heureuse de se débarrasser de lignes ferroviaires non rentables qu'elle n'aura pas à fermer ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est le contraire, nous allons rouvrir des lignes !

M. Pierre Cardo.

L'Etat garantira, bien sûr, l'équilibre.

Les contribuables régionaux prendront la suite.

J'en arrive, pour finir, au titre IV, qui veut assurer une offre d'habitat diversifiée et de qualité.

J'apprécie qu'on se penche enfin sur l'habitat insalubre ou menaçant de ruine et que l'on se dote des moyens de lutter contre des pratiques inacceptables qui relèvent souvent de marchands de sommeil.

Je suis par contre surpris par deux choses. La première est que vous envisagiez des sanctions financières pour l'attribution de logements HLM à des personnes excédant les plafonds de ressources.

Faut-il éliminer toute possibilité de maintien ou d'accès des classes moyennes aux HLM quand on a dit regretter autant leur départ ? Ne serait-il pas plus judicieux de prévoir un pourcentage maximum dans le patrimoine social de familles excédant les plafonds au-delà desquels une contribution serait versée ?

M. Daniel Marcovitch.

C'est le plus !

M. Pierre Cardo.

Je trouve amusant qu'on aspire tant à la mixité sociale dans l'esprit de ce texte et que, dans la pratique, on aille à l'inverse.

La seconde mesure qui me surprend est la péréquation entre organismes HLM. Pourquoi l'Etat, qui montre bien dans cette loi combien il veut s'imposer là où ça l'intéresse et déléguer là où ça l'embête, adopte-t-il cet te attitude à l'égard des offices ? Pour ma part, je suis pour une politique plus contractuelle avec un cahier des charges et une évaluation de la gestion des impayés et de l'entretien du patrimoine. Cette politique éviterait des égarements dont souffrent beaucoup les locataires et maintiendrait le ministère du logement dans la réalité du quotidien. Il y aurait un rôle d'arbitre à tenir mais je ne suis pas sûr que vous soyez preneur, monsieur le ministre.

J'ai porté, par mon analyse, un regard critique sur le contenu de votre projet de loi. Je voudrais conclure sur ce qu'il ne contient pas. La présentation qui en a été faite laisse apparaître une grande ambition de votre part pour lutter contre de nombreux phénomènes de notre société urbaine, et je ne peux que vous en féliciter. Mais la méthode et les moyens ne sont pas tout à fait à la hauteur des enjeux.

J'aurais souhaité que ce projet insiste davantage sur la notion d'itinéraire résidentiel, notamment dans les quartiers à forte concentration de logement social, et que, derrière ce principe, soient accrochés les moyens d'intervention, notamment financiers, de l'Etat, permettant aux communes de les réaliser rapidement. Ce n'est pas la taxe sur le foncier non bâti qui permettra de le faire, en tout cas dans de nombreux endroits. Or ce serait le seul moyen pour éviter que l'écrémage dont je parlais précédemment ne se fasse à l'extérieur de la commune. Et cela dissiperait quelques peurs.

Pour le reste, je suis toujours persuadé que le plus urgent n'est pas de réaliser de nouveaux logements sociaux, dispersés à droite ou à gauche, même si nous en sommes bien d'accord, il faut le faire. Ce qui est urgent c'est de se donner vraiment les moyens de faire mieux vivre le logement social existant qui comporte de 10 à 20 % de logements vacants, tout de suite disponibles mais dont personne ne veut, ce qui représente de quoi loger beaucoup de monde.

La réponse ne passe pas uniquement par des solutions d'urbanisme. Ce n'est pas lui qui est défaillant, c'est l'urbanité. Et l'urbanité, cela signifie de la part de l'Etat qu'il assume ses responsabilités. J'entends par là ses responsabilités en matière d'éducation, de police et de justice. Combien de fois en avons-nous discuté, messieurs les ministres ? Je suis exigeant, je le sais, mais j'y insiste, ça passe par là.

M. le ministre délégué à la ville.

Par là aussi !

M. Pierre Cardo.

Ça passe surtout par là. Tant qu'un tiers des gosses dans nos quartiers ne saura ni lire ni écrire en sixième, cela signifiera qu'il y a un problème dans l'éducation nationale.

M. le ministre délégué à la ville.

C'est vrai !

M. Pierre Cardo.

Ce ne sont pas les financements que le ministère de la ville nous délègue pour faire du soutien scolaire et de l'aide aux devoirs qui suffiront à compenser les dysfonctionnements d'une institution complète. Et on pourrait parler d'autres institutions, bien sûr.

M. le ministre délégué à la ville.

Je ne suis pas en désaccord !

M. le président.

Monsieur Cardo, veuillez conclure.

M. Pierre Cardo.

J'y arrive, monsieur le président.

Excusez-moi. Je m'étais égaré !

M. le ministre délégué à la ville.

Non ! Non !

M. Pierre Cardo.

Dans ces trois domaines - l'éducation, la police et la justice - ce que je peux affirmer avec force, aujourd'hui encore plus qu'hier, c'est que ce n'est pas pour contrôler ce que font les élus et vérifier la cohérence de leurs actions ou de leurs projets que l'on a le plus besoin d'un Etat présent. Il le faut, mais à dose homéopathique. L'Etat se doit d'abord d'assumer, notamment dans les quartiers, sa présence institutionnelle afin d'y ramener la réussite scolaire, la sécurité et la justice.

Cela signifie moins d'argent pour le béton et plus de financement pour les acteurs, moins d'énergie sur les textes de loi mais davantage de volonté à se remettre en cause dans ses interventions institutionnelles sur les quartiers en difficulté notamment.

C'est avec cet état d'esprit que nous apporterons de vraies réponses à notre société urbaine.

C'est pour cette raison que, malgré l'intérêt porté à certaines mesures de votre texte, le groupe Démocratie libérale votera majoritairement contre ce projet de loi.

M. le ministre délégué à la ville.

Le « majoritairement » est à souligner !

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marcovitch.


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Je demande à tous les orateurs de respecter leur temps de parole car la discussion sera longue.

M. Daniel Marcovitch.

Je vais tenter de respecter votre souhait.

Messieurs le ministres, chers collègues, tant de choses ont été dites sur ce projet de loi avant même qu'il ne soit publié ! On a même parlé à un moment de boîte à outils des lois Chevènement et Voynet, comme si une boîte à outils était capable de faire de la politique. Car c'est bien de politique qu'il s'agit aujourd'hui : politique au sens noble du terme - politique de la ville, politique de l'urbanisme, politique de nos concitoyens - mais également politique au sens normal et habituel du terme car il y a bien un véritable clivage entre la droite et la gauche sur ce projet de loi.

Que nous disent nos collègues de droite ? Ceci. Regardez nos petites villes comme elles sont belles, composées de petits pavillons dans lesquels habitent de gentils retraités, modestes mais honnêtes et sans problèmes. Et regardez vos villes, regardez ces cités tentaculaires dans lesquelles des dizaines de milliers de familles, jeunes souvent, aux origines et aux couleurs un peu bizarres volent, brûlent des voitures, vendent de la drogue ! C'est ce modèle de société que vous voulez nous imposez ?

M. Germain Gengenwin.

Vous faites de la caricature !

M. Daniel Marcovitch.

Mais, mes chers collègues, cette situation c'est le fruit d'une politique qui remonte aux années 60 : en faisant de la ségrégation sociale et spatiale, elle a justement permis d'obtenir que des petites villes pavillonnaires gardent leur calme. Elle a permis qu'une ville comme Paris exporte dans la périphérie sa misère et ses problèmes sociaux grâce à certaines sociétés d'économie mixte. C'est cette politique que nous voulons remettre en cause aujourd'hui.

M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Très bien !

M. Daniel Marcovitch.

Que dit cette loi ? Elle parle de renouvellement et de solidarité. Renouvellement, parce que nous ne voulons plus voir les villes telles qu'elles ont été faites. Renouvellement, parce que la politique menée jusqu'à présent par nos prédécesseurs en général, mais plus précisément par vos amis la plupart du temps, nous ne voulons plus la revoir. Nous ne voulons plus de ces cités dans lesquelles le crime est latent, parce que la cité elle-même est devenue criminogène. Parce qu'il n'y a pas d'animation. Parce qu'on ne peut pas vivre dans des espaces fermés. Parce qu'on ne peut pas habiter indéfiniment dans des appartements trop petits. Ce que nous voulons, c'est que cette solidarité - grand et noble mot puisse se partager. C'est donc à un véritable choix politique que nous sommes confrontés.

Rappelons au passage que ce projet de loi, en dépit de tout ce qu'on en écrit dans les médias, ne se limite pas à son seul article 25. On paraît surpris de s'apercevoir qu'il faudrait 20 % de logements sociaux dans certaines grandes agglomérations. Pour commencer, il s'agit tout simplement de la loi de 1991, que certains de nos collègues font mine de découvrir aujourd'hui et aimeraient enfin voir appliquer, après l'avoir dénaturée... A côté de l'article 25, il y a encore quatre-vingt-six autres articles, dont certains fondamentaux pour la vie de nos concitoyens, qui parlent - ou parleront, car nous aussi avons bien l'intention d'améliorer ce texte qui a déjà bien des qualités, afin de lui en donner d'autres encore -,...

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

C'est vrai !

M. Daniel Marcovitch.

... qui parlent ou parleront de logement décent, de tous ces îlots insalubres qui forment autant d'abcès de misère et d'inhumanité, où des marchands de sommeil exploitent nos concitoyens. Oui, il faut définir ce qu'est un logement décent pour permettre effectivement aux gens de se défendre, de refuser de vivre dans de mauvaises conditions. Il faut donner les moyens a ux petits copropriétaires de ne pas laisser leurs immeubles se dégrader et devenir de nouveaux endroits de misère où s'accumuleront charges, impayés et expulsions, où s'instaurera une nouvelle ségrégation au sein de nos villes. Voilà tous les éléments qui feront la loi qui sortira de notre assemblée ! On parle évidemment beaucoup de ce qui est le plus apparent, de ces quelques centaines de logements qu'il f audra peut-être construire dans les vingt ans qui viennent dans certaines cités, de ce retour de l'Etat qui menace une décentralisation que nous avons voulue - et que vous avez combattue. Mais, la décentralisation, Alain Cacheux le rappelait hier, ce n'est pas la mort de l'Etat.

L'Etat est le garant de la solidarité et de l'intérêt national ; et cette solidarité, lui seul peut l'imposer.

Vingt pour cent de logements locatifs sur les 60 à 70 % que représentent globalement les logements aidés dans le marché de la construction, est-ce vraiment si difficile à accepter ? Est-ce cela qui rendra la loi bonne ou mauvaise ? Vingt pour cent, en effet. Mais pas 20 % pour n'importe qui.

Pierre Cardo a remarqué que cette loi pouvait receler un danger : celui de voir les classes moyennes « aspirés » dans les nouvelles zones où se construiront des logements plus agréables. C'est en effet sur les villes déjà surdensifiées qu'il faut faire porter notre effort. Ce sont celles-là qu'il faut refaire ; à cet égard, les financements pour la construction-démolition représenteront certainement une clé primordiale.

Il faudra en effet imposer, non des barres ni des tours, mais une volonté politique qui proclame que tous nos concitoyens sont égaux, que tous ont le droit de vivre décemment, que dans le parcours d'habitation auquel chaque famille a droit, il faut ménager une place pour le locatif social.

Certes, cela ne couvrira pas tous les besoins. J'ai rendu, voilà peu de temps, M. le rapporteur le rappelait hier, un rapport sur le volet logement de la loi contre les exclusions. Et j'y montrais qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, que les lenteurs, les pesanteurs, les insuffisances de moyens, voire de personnel ne permettent pas encore d'appliquer réellement la loi, que les plus démunis attendent encore à nos portes que nous les aidions. Ce projet de loi doit y contribuer. Cette loi de solidarité doit permettre d'instaurer un cadre renouvelé, de retrouver des villes et des agglomérations cohérentes, où tout un chacun n'ira pas se mettre à laisser construire un hypermarché, un centre commercial ou encore un multiplex au seul motif que cela rapportera de la taxe professionnelle, au détriment des commerçants et de toutes les activités des communes alentour.

Oui, il faudra de la cohérence. Oui, il faudra que ces villes se reconstruisent avec davantage de solidarité entre elles, non au profit des élus locaux, mais au bénéfice de nos concitoyens, au bénéfice de ce qui doit faire la solidarité nationale. Le voilà, le maître mot de cette nouvelle loi.

Il est clair, mes chers collègues, que vous devez la voter. Nous entendons évidemment l'améliorer. Je pense en particulier qu'il conviendra peut-être de vérifier et au


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besoin de revoir, pour la province, les taux et les seuils de population à partir desquels devront s'appliquer les nouvelles dispositions. De même, la cotisation que les villes devront acquitter pour insuffisance de logement mériterat-elle d'être modulée en fonction de leur potentiel fiscal.

Il n'est pas normal que Neuilly ait à payer la même somme qu'une petite ville pavillonnaire aux faibles revenus, c'est clair ; mais cela fera partie du débat et des amendements. C'est précisément là qu'intervient le travail parlementaire.

Ne commencez pas, mes chers collègues, par déclarer a priori que vous ne voterez pas ce texte. Ou alors, à quoi servons-nous ? Considérons qu'il reste encore beaucoup de choses à faire. Il y aura une navette, peut-être le Sénat apportera-t-il également sa pierre à l'édifice.

M. Jean-Louis Dumont.

Comment ?

M. Daniel Marcovitch.

C'est ainsi que nous bâtirons une loi pour les vingt ou trente ans à venir, une loi qui redessinera le visage de la France et l'avenir de tous nos concitoyens. Une loi véritablement politique en ce qu'elle s'attaquera à la politique de la ville, à la vie de tous les jours. Une nouvelle loi issue de tous nos rangs, une loi dont, je l'espère, nous serons fiers et dont nous pourrons parler à nos enfants, dans des villes renouvelées, plus solidaires et tout simplement plus humaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains arrive aujourd'hui en discussion, tout juste un mois après son adoption en conseil des ministres.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est vrai.

M. Serge Poignant.

Sur la forme, permettez-moi de regretter vivement, messieurs les ministres, cette précipitation, sans véritable préparation, qui empêche le travail parlementaire de s'exercer correctement.

Combien d'auditions, monsieur le président de la commission de la production et des échanges, avons-nous effectuées, mis à part celles des ministres concernés en février ? Dans quelles mauvaises conditions les commissaires, par manque de temps, par votre faute, ont-ils dû t ravailler malgré les vingt-deux heures de réunions comptabilisées ?

Ce projet de loi, qui mélange refonte de l'urbanisme, habitat et transports, n'a pas fait l'objet du débat sérieux qu'il nécessitait, ni de la concertation que vous affirmez pourtant avoir organisée, monsieur le ministre Gayssot.

L'association des maires de France notamment s'est vivement étonnée de n'avoir pas été consultée préalablement sur des dispositions dont l'application sera de la responsabilité des maires et présidents d'intercommunalités.

Le Gouvernement a par ailleurs décidé de recourir à la procédure d'urgence sur ce texte pour limiter, là encore, le débat qui pourtant s'imposait, comme il l'avait fait pour le projet de loi d'aménagement et de développement durable du territoire et pour le projet de loi sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale. Trois textes d'importance pour les collectivités locales, trois textes qui présentent systématiquement le fait urbain comme un élément majeur de l'aménagement du territoire, trois textes examinés sans aucun souci de cohérence à quelques mois d'intervalle, sans s'interroger sur la désertification rurale et sur le besoin de maintenir des populations dans l'ensemble de nos communes au lieu de les concentrer dans les grandes villes.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Qui a dit cela ?

M. Serge Poignant.

Sur le fond, messieurs les ministres, vous comprendrez très vite notre désaccord.

La première partie de ce projet de loi vise à rénover le cadre juridique des politiques d'aménagement de l'espace.

Le schéma de cohérence territoriale devient un élément f édérateur de tous les plans qui s'imposent aux communes.

M. Pierre Cohen.

C'est une bonne chose !

M. Serge Poignant.

Les plans locaux d'urbanisme, explans d'occupation des sols, ou encore les cartes communales devront être en cohérence avec les schémas de cohérence territoriale, limitant par là-même la maîtrise des sols à l'origine dévolue aux communes.

Sous couvert de simplification, la moitié du code de l'urbanisme est modifiée. Vous allégez très dangereusement les contraintes bénéfiques jusqu'alors imposées par les plans d'occupation des sols et, dans le même temps, vous multipliez les interventions du préfet dans les procédures d'urbanisme et d'habitat.

Le transfert des compétences d'urbanisme de l'Etat vers les communes, affirmé en 1983, se voit remis en cause.

Vous portez ainsi atteinte à l'autonomie des collectivités locales en recentralisant les procédures, alors même qu'une commission sur la décentralisation, présidée par M. Mauroy, vient d'être créée pour définir les contours de cette décentralisation du

XXIe siècle. Où est la cohérence ? Vous donnez par ailleurs aux cartes communales une portée juridique équivalente à celle du plan local d'urbanisme, sans le dire vraiment, en alourdissant la procédure a dministrative d'enquête publique. Elles donneront, certes, compétence aux maires pour délivrer, au nom de la commune, les permis, les autorisations de lotir, mais c eux-ci devront également assumer la responsabilité contentieuse qui jusqu'à ce jour incombait à l'Etat.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

C'est juste !

M. Alain Tourret.

C'est normal !

M. Serge Poignant.

Est-ce là aider les plus petites communes dépourvues de moyens et de services suffisamment étoffés ? Pour ce qui concerne l'urbanisme, vous décidez, au motif de simplification, de supprimer les déclarations de travaux. J'ai défendu en commission un amendement visant à rétablir cette procédure, simple et rapide, qui permet de fixer certaines règles d'urbanisme et d'environnement indispensables aux communes dès lors qu'elles veulent préserver une certaine homogénéité, une certaine qualité des constructions et garantir ainsi une insertion harmonieuse dans l'environnement.

M. Germain Gengenwin.

Très juste ! C'est important !

M. Serge Poignant.

Toujours à propos d'environnement, vous supprimez la taxe compensant la nonréalisation de parkings ; cette participation permet pourtant aux communes de réaliser en contrepartie des aménagements publics, notamment paysagers.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

Le second volet de votre projet de loi porte sur l'habitat. Vous prônez l'image d'une ville dense qui privilégie les constructions collectives, locatives, sociales, modifiant sensiblement la loi d'orientation pour la ville sans qu'aucun bilan précis d'application n'en ait été élaboré.

Vous privilégiez d'autorité la « gestion économe » de l'espace par rapport à la gestion équilibrée ; en d'autres termes, vous faites passer la quantité avant la qualité.

Comment peut-on aujourd'hui, au regard de l'expérience acquise, se borner à prôner, quoi que vous en disiez, une gestion économe de l'espace ? Pourquoi vouloir concentrer davantage encore dans les villes les Français qui justement aspirent au calme, à un environnement verdoyant et à la sécurité, alors même que nombre de communes en milieu rural se dépeuplent ? Le recensement de mars 1999 aurait dû orienter votre texte, messieurs les ministres.

L'ensemble de ce projet de loi répond à un seul objectif : construire de plus en plus de logements sociaux collectifs gérés par le mouvement HLM. Il ne reconnaît pas à l'accession sociale sa véritable place à côté du locatif social, ce qui permettrait de répondre au besoin de mixité sociale et à l'attente des Français : accéder un jour à la propriété. Il fait par ailleurs abstraction du volet économique. Or la mixité s'entend aussi par rapport à l'emploi et au développement des commerces et services de proximité dans les villes.

Ce projet de loi se traduit par une contrainte financière excessive pour les communes. Les élus locaux, qui n'ont pas été consultés sur cette disposition, demandent que le seuil des 20 % de logements sociaux référence minimale - soit modulé selon les situations locales, en tenant compte non seulement du rapport entre offre et demande, des caractéristiques foncières, techniques ou environnementales de chaque commune, mais aussi des projets intercommunaux dans lesquels celle-ci se trouve engagée. Y a-t-il dans cette affirmation matière à qualifier de caricaturales et d'égoïstes certaines de nos interventions, au demeurant parfaitement comprises par plusieurs élus de votre majorité plurielle ? Ne nous mont rons-nous pas réalistes en affirmant que certaines communes n'ont plus de foncier et ne pourront jamais respecter ce chiffre technocratique et autoritaire de 20 % ? Remarquons par ailleurs que la loi Chevènement préconise une intercommunalité maximum communautés de communes, d'agglomération ou urbaines - et oblige à la réalisation de PLH communautaires alors que votre loi fixe un pourcentage pour chaque commune prise individuellement. Où est la cohérence ? Enfin, la dernière partie de votre texte porte sur les déplacements urbains. Si le rôle des PDU est certes renforcé, la répartition des compétences mériterait d'être clarifiée pour offrir davantage de lisibilité. Les départements, pour ce qui concerne les transports scolaires et le réseau routier, doivent être associés à l'élaboration et à l'approbation de ces plans, tout comme les régions, au coeur du dispositif des schémas nationaux de services collectifs de transport déclinés en schémas régionaux d'aménagement du territoire et en schémas régionaux des transports.

Faut-il préciser que c'est Bernard Pons, alors ministre des transports, qui avait eu le courage en 1995 d'engager une réforme sur la régionalisation des transports voyageurs, dont la deuxième étape se voit hypothéquée par les larges insuffisances qui demeurent dans ce texte ? Pour ce qui est du versement transport, la perception de cette taxe parafiscale assise sur l'emploi pèse déjà lourdement sur les employeurs.

M. Germain Gengenwin.

Tout à fait !

M. Serge Poignant.

L'élargissement de la zone de perception en vigueur serait une erreur. Il conviendrait plutôt de rechercher une autre source de financement. Un fonds spécifique pour les transports publics routiers de voyageurs urbains et interurbains pourrait, par exemple, être mis en place à l'exemple du fonds d'investissement pour les transports terrestres et les voies navigables.

Je conclurai, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, par une double question - et une double réponse.

Sommes-nous contre la mixité sociale ? Assurément non, quoi qu'il vous plaise d'affirmer. Sommes-nous pour votre projet de loi ? Non, tout aussi assurément ! Et si nous n'étions déjà assurés du bien fondé de notre opposition, la présentation qu'en a fait hier M. le ministre Claude Bartolone aurait fini de nous en convaincre, tant elle était édifiante.

Quant à la réponse, monsieur le ministre Gayssot, que vous avez apportée mercredi dernier à la question d'actualité de mon collègue Gilles Carrez, elle s'est bornée à prôner la multiplication du logement collectif, social et bien sûr locatif.

Pour vous, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, seules doivent compter les attentes de nos concitoyens.

Dans ces conditions, dois-je vous rappeler qu'un sondage récent a montré que 85 % des Français rejettent les logements collectifs et souhaitent accéder à la propriété et acquérir une maison individuelle, fût-elle modeste ? Vous éludez les problèmes que posent les grands ensembles existants, messieurs les ministres. Vous ne vous attaquez pas aux causes de la mauvaise réputation des logements HLM. Votre texte ne contient aucune politique d'aide à une vaste réhabilitation, pourtant indispensable et salutaire. Vous ne ferez que diluer les problèmes en les multipliant, sans vraiment vous attaquer aux causes du mal-vivre de certains de nos concitoyens. Pierre Cardo l'a parfaitement rappelé juste avant moi, et c'est un point sur lequel je suis d'accord avec notre collègue Marcovitch : il faut d'abord nous attaquer à l'existant. Or laissez-nous vous dire, messieurs les ministres, même si cela ne vous plaît pas, que votre texte est un mélange de technocratie et d'idéologie centralisatrice, et de ce fait porteur de profondes incohérences.

M. Alain Cacheux.

C'est excessif !

M. Serge Poignant.

Et n'allez pas répondre que nous caricaturons...

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

C'est portant le moins que l'on puisse dire !

M. Serge Poignant.

Monsieur le ministre Bartolone, vous n'avez pas vraiment de leçons à nous donner dans ce domaine ! N'est-ce pas vous qui nous avez parlé hier de ghettos de résidences de standing, de ghettos de logements privés, de riches avec les riches, de pauvres avec les pauvres ?

M. le ministre délégué à la ville.

C'est pourtant la réalité ! Je vous donnerai les chiffres quand vous voudrez !

M. Serge Poignant.

N'est-ce pas vous qui laissez entendre que les moins aisés des Français sont écoutés seulement par vous, et non par la droite ?

M. le ministre délégué à la ville.

Dans ce cas, logezles !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. Serge Poignant.

Cette caricature-là, nous ne l'acceptons pas ! Ces Français ne vous appartiennent pas, monsieur le ministre. Permettez-nous d'avoir à leur égard des desseins aussi vertueux que les vôtres.

M. Alain Cacheux.

A condition de ne pas les loger dans vos communes ! Dites-le !

M. Serge Poignant.

Laissez-nous aussi vous dire, messieurs les ministres, que votre texte est dangereusement densificateur pour l'environnement et le cadre de vie, et dangereusement ouvert à l'anarchie des constructions lorsqu'il fait disparaître le côté normatif des POS, quelles que soient les bonnes intentions des PLU et quoi que vous en disiez, monsieur le secrétaire d'Etat. Vos partenaires de la majorité plurielle, les Verts, entendent bien dénoncer l'absurdité de l'examen en urgence d'un texte qui modifie en profondeur l'urbanisme, allant jusqu'à parler c'est eux qui l'écrivent - du pire quand il s'agit des PLU. Pour ma part, je ne vais pas aussi loin, je me contente de vous mettre en garde : les PLU peuvent s'avérer dangereux si vous supprimez tout ce qui est normatif. Vous risquez d'aller à l'inverse du but recherché en favorisant l'anarchie des constructions.

M. Jean-Claude Viollet.

Au contraire !

M. le président.

Monsieur Poignant, veuillez conclure.

M. Serge Poignant.

Je termine, monsieur le président.

« Mascarade idéologique quand il s'agit d'accentuer une politique de bétonnage »...

M. Alain Cacheux.

C'est excessif !

M. Serge Poignant.

Ce n'est pas moi qui le dis et qui dénonce le risque de densification ! C'est une partie de votre majorité plurielle qui l'écrit, dont je ne fais que reprendre les termes.

M. Alain Cacheux.

Vous n'avez pas assisté au débat !

M. Serge Poignant.

Monsieur le ministre Gayssot, vous avez déclaré à la fin de votre intervention que vous entendiez aborder la discussion dans un esprit constructif et ouvert au dialogue.

M. Alain Cacheux.

C'est souvent son cas !

M. Serge Poignant.

Nous en prenons acte et nous dialoguerons. Mais vous comprendrez que nous saurions partager votre présentation presque idyllique et assurément démagogique d'un texte qui, à nos yeux, ne saurait atteindre le louable but de meilleur bien-être du maximum de nos concitoyens. Le groupe du Rassemblement pour la République votera donc contre ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Cacheux.

On s'en doutait un peu !

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe communiste.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est une forte ambition qui traverse le projet de loi que nous examinons, car il touche, dans toutes ses dimensions, à la vie quotidienne de millions de nos concitoyens. Des millions de femmes et d'hommes qui, à la fois, aiment la ville mais la vivent mal, qui en subissent les inégalités et les déséquilibres, qui sont confrontés aux difficultés de déplacement pour se rendre au travail ou accéder aux loisirs et à la culture, qui veulent agir sur leur environnement et sur la qualité de leur vie, maîtriser les choix d'aménagement et qui ont de fortes attentes en matière de logement, un logement qu'ils souhaitent accessible et de qualité.

C'est à la confluence de ces millions d'aspirations et de besoins que se situe la nécessité de prendre des mesures nouvelles, tendant à rompre avec les logiques inégalitaires qui accentuent déséquilibres, discriminations et insatisfactions, et c'est une responsabilité forte de ce gouvernement de la gauche que d'impulser des choix nouveaux en ce domaine.

Bien sûr, il ne s'agit que d'une loi, avec ses contraintes et ses limites, mais il faudra saisir toutes les possibilités qu'elle ouvrira, tous les points d'appui qui s'en dégageront, pour aider les citoyens et les élus à changer la ville, pour aujourd'hui et pour demain.

Il faut aussi mettre en rapport les dispositions proposées avec les moyens financiers. Si quelques articles touchent aux questions de financement, l'essentiel est renvoyé aux choix budgétaires, à la politique de la ville et aux mesures déjà prises en matière de logement et de transports. Cette mise en cohérence ne saurait masquer l'insuffisance des moyens. Nous saurons le dire dans le débat et intervenir à nouveau dans le cadre de la loi de finances pour 2001, qui devra permettre la mise en oeuvre concrète des mesures que nous aurons adoptées dans la présente loi.

Enfin, travailler à ce que chacun trouve sa place et s'épanouisse dans la vie urbaine renvoie à un ensemble de choix économiques et sociaux, en particulier à une politique de l'emploi qui dépasse la seule visée de ce texte.

Si tout est lié, tout n'est pas dans tout. Le projet de loi nous est d'abord apparu comme marqué par une forte technicité et une grande complexité...

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

Mme Janine Jambu.

... mais nous en dégageons, après analyse, des lignes de force articulées autour de deux thèmes : la démocratie et la solidarité. Ce sont ces valeurs que nous avons cherché à faire progresser concrètement par nos amendements, dans tous les domaines : urbanisme, habitat et transport.

Cette loi, le groupe communiste en est convaincu, est un texte essentiel pour la majorité plurielle.

M. Alain Cacheux.

C'est exact !

M me Janine Jambu.

Les députés communistes l'abordent avec la volonté de prendre en compte ses avancées, de lever ses ambiguïtés et de pousser le plus loin possible son contenu.

Mes collègues Michel Vaxes, député des Bouches-duRhône, et Gilbert Biessy, député de l'Isère traiteront tout à l'heure plus particulièrement des volets urbanisme et transports, où les exigences démocratiques sont fortes et où il faut trouver des réponses aux besoins. Je vais, pour ma part, développer le volet logement qui constitue le gros des articles, c'est-à-dire les titres II et IV et qui concerne tant le secteur privé que le secteur social.

J'aborderai, en premier lieu, ce qui suscite les plus vives réactions sur les bancs de l'opposition : les dispositions relatives à la solidarité entre les communes en matière d'habitat, à la pénalisation financière de celles qui ne contribuent pas à l'effort de construction de logements sociaux et la possibilité d'intervention du préfet en cas de carence.

Pour être élue du département des Hauts-de-Seine, je sais ce que sont les contrastes et déséquilibres en ce domaine et combien est intense la pression sur les communes qui ont un important parc social.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

Nous souhaitions que la LOV, qui avait été considérablement dénaturée par la droite, soit rendue plus efficace et plus contraignante. Il ne suffira plus de s'exonérer en payant, il faudra satisfaire à l'obligation de « réalisation effective » de logements sociaux, à un rythme programmé.

L'Etat assure sa mission de garant de la solidarité et i ntervient en cas d'immobilisme absolu. C'est une contrainte légitime si l'on a véritablement la volonté politique de s'attaquer aux inégalités et d'assurer à chaque citoyen la liberté de choisir de son lieu et son mode d'habitat.

Nous avons, par nos amendements, proposé d'encadrer plus strictement encore le dispositif afin d'éviter les dérives précédemment constatées, et afin d'élargir son champ d'application : abaissement du seuil de l'agglomération à 30 000 habitants ; modulation à la hausse de la pénalité en fonction de la richesse des communes - en prenant en compte le potentiel fiscal et le revenu moyen par habitant ; affectation du fonds régional d'aménagement urbain aux opérations de restructuration et de requalification urbaines ; affirmation de la compétence liée du préfet avec un délai en cas de carence ; avis de la conférence communale du logement ou, à défaut, du maire sur les attributions dans les communes les plus sociales.

Nous avons été, je dois le reconnaître, entendus par la c ommission puisqu'elle a accepté qu'on prenne en compte un potentiel fiscal supérieur à 5 000 francs par habitant, pour appliquer une surtaxe aux villes les plus aisées.

Nous demanderons à nouveau, dans le cours du débat, que soit bien clairement identifié l'effort plus particulier en faveur de la requalification urbaine et l'affectation du fonds régionalisé à cet objet, car c'est indispensable au rééquilibrage et à la mixité.

De même, nous proposerons que soit fixé, dans le cadre des agglomérations, un seuil minimum de réalisations obligatoires par commune - nous l'avions établi à 10 % dans notre amendement - afin qu'aucune d'entre elles ne puisse se retrancher derrière une communauté

« d'opportunité » ou derrière la moyenne de 20 % requise de l'agglomération.

L'intégration des logements du parc privé conventionné « ANAH » dans le calcul des 20 % de logements sociaux risque d'atténuer l'impact du dispositif. Nous préférions la définition d'origine, car il y a une différence essentielle entre logement social et logement privé aidé, tant pour ce qui concerne les financements que les contreparties sociales.

Nous reviendrons aussi dans nos propositions sur deux notions, à nos yeux, fondamentales, si l'on veut vraiment favoriser la mixité spatiale et sociale : la conception même du logement social et de son rôle, ainsi que les politiques de peuplement.

Nous voulons, grâce au débat national autour de ce projet de loi, casser l'image caricaturale et dévalorisante dont souffre le logement social. Il faut cesser de lui accoler les normes réduites qui seraient réservées aux plus démunis, avec ses corollaires, les barres et les tours.

C'est évident, il faut ouvrir d'immenses chantiers de requalification dans les quartiers issus de l'urbanisme des années 60, qui concentrent tous les handicaps.

Mais les programmes récents de logements sociaux menés dans les villes, qui en ont fait le choix, comportent aussi de petites unités, des créations architecturales bien insérées dans la ville et dans les quartiers, et qui n'ont rien à envier à la densification et au bétonnage de « standing » conduits par la promotion immobilière privée.

De nombreux ménages des couches moyennes et supérieures, souhaitent aussi, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, un logement de qualité, moderne et à un loyer accessible.

C'est la raison pour laquelle, sans méconnaître les pas accomplis, nous poserons à nouveau les questions de relèvement des plafonds et d'abrogation du surloyer. Cela contribuerait à la fois à assurer l'équilibre social dans la construction sociale neuve...

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

Mme Janine Jambu.

... à le maintenir dans le parc social existant, en évitant la fuite de ceux qui seraient soumis au surloyer, et à le rétablir dans les opérations de requalification.

M. Alain Cacheux.

C'est juste !

Mme Janine Jambu.

Je traiterai plus brièvement des mesures relatives aux copropriétés dégradées, à l'insalubrité et au péril. Elles participent de cette volonté d'assurer la liberté de choix du mode d'habitat, mais pas dans n'importe quelles conditions, et de mettre fin aux pratiques insupportables des marchands de sommeil et aux conditions inhumaines d'habitat auxquelles sont soumises nombre de ménages et leurs enfants.

Les nouvelles dispositions destinées à protéger l'acquéreur en copropriété entre autres la possibilité de faire intervenir le FSL pour les dettes de charges des copropriétaires occupants modestes, vont dans ce sens. Si l'on v eut encourager les opérations de réhabilitation et, souvent, mais pas seulement, de revivification des quartiers anciens, il faudra aller plus loin en matière de financement pour les copropriétaires les plus modestes : soit par des prêts spéciaux, soit en abondant les fonds de l'ANAH qui, devenue AFAH, voit sa compétence élargie aux copropriétaires occupants, mais dispose des mêmes lignes budgétaires : les 2,2 milliards de l'ANAH et les 800 millions de la PAH.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Ces crédits vont s'additionner !

Mme Janine Jambu.

Pour lutter contre l'insalubrité et le péril, nous sommes favorables aux mesures coercitives à l'encontre des propriétaires, tant en ce qui concerne les obligations de travaux que de relogement.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme Janine Jambu.

Nous souhaitons que les élus - de nombreuses communes de proche banlieue sont confrontées avec acuité à ce problème - puissent être associé s à ces actions et deviennent partie prenante dans la résorption définitive de l'habitat insalubre et dans la rénovation urbaine. Dans le relogement des familles concernées, qui sont souvent très démunies, il faut veiller aussi à préserver les équilibres sociaux.

A la façon dont s'est engagée la discussion en commission, on peut penser que ce texte devrait nous permettre de progresser, puisque les groupes de la majorité plurielle en ont la volonté commune, de définir le logement décent et des normes d'habitabilité. Nous nous en réjouissons et nous contribuerons à faire aboutir ces propositions.

J'en viens à la dernière partie de mon propos : la politique d'aide au logement, la pérennisation du logement social, la solidarité entre les organismes et les droits des locataires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

Si les différentes modalités de la politique publique d'aide au logement - PLUS, PTZ, PALULOS, ANAH, APL, statut du bailleur privé - ont fait l'objet d'améliorations ces trois dernières années, nous l'avons souligné, avec un début de rétablissement de l'aide à la pierre, il faudra une réforme de fond pour inverser la logique initiée depuis 1977 qui nourrissait le déséquilibre entre l'aide à la pierre, laquelle avait quasiment disparu, et l'aide à la personne.

Nous nous félicitons que soit inscrit dans la loi l'engagement de pérenniser le patrimoine social. Il vient contrecarrer le développement de pratiques de vente, de déconventionnement et de mises sur le marché libre, qui le « rabougrissent », faisant surgir de nouvelles difficultés et de nouveaux déséquilibres, pour les locataires et les communes, et accentuant le déficit de réponses aux besoins.

Voilà qui explique l'importance que nous attachons à ce que soit affirmée la notion de « missions de service public » des organismes. Il faut, selon nous que les SEM et la SCIC, filiale immobilière de la Caisse des dépôts, soient inclues dans le dispositif de pérennisation. Notre amendement en ce sens a été retenu en commission.

Nous souhaitons qu'il le soit en séance.

De même pour le statut des offices, OPHLM ou OPAC, nous sommes très attachés au respect de la liberté de choix des outils, que ce choix soit communal ou intercommunal. Ce qui ne signifie pas le statu quo pour l'un et l'autre, qu'il soit établissement public administratif ou industriel ou commercial ; les pratiques doivent évoluer parce qu'elles sont obsolètes ou pas assez démocratiques.

Cela ne sera pas réglé dans le cadre du présent texte et nécessite plus de réflexion et de concertation.

Des garanties sont inscrites dans la loi quant à l'avancement de carrière des personnels relevant de la fonction publique dans les OPAC, c'est un bon point.

Quant à la solidarité entre organismes de logement social, nous savons que tous ne sont pas logés à la même enseigne du point de vue des politiques de gestion et de la trésorerie. La réforme de la CGLS, caisse de garantie du logement social, reçoit notre approbation, sous réserve que des mesures spécifiques soient prévues pour les organismes les plus sociaux et que son conseil d'administration soit démocratisé. Cela vaut aussi pour le lien des collectivités territoriales, qui assument souvent les garanties d'emprunts, avec les SA et pour la participation des locataires au conseil d'administration des SEM.

Je termine par la dimension démocratique essentielle : il faut faire entendre la voix des locataires et faire respecter leurs droits, ainsi qu'améliorer les procédures de conciliation et de concertation. Il faut bien veiller, dans ce cadre, à réaffirmer, dans la continuité de la loi de lutte contre les exclusions, la place et le rôle des organisations représentatives de locataires, de la représentation élue, mais aussi de la consultation directe de l'ensemble des locataires.

Pour mener à bien ces missions nouvelles et revivifier la vie associative de ce secteur décisif, il faut résoudre les problèmes de moyens, de statut et de disponibilité qui se posent aux militants associatifs du logement. Nous avançons une proposition en ce sens et nous souhaitons que le ministère s'engage à en discuter avec les associations concernées et à la faire aboutir.

Je m'en tiendrai à ces appréciations et propositions du groupe communiste, qui témoignent suffisamment de notre état d'esprit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis, ce matin, pour ce qui aurait pu être un grand moment de démocratie si, d'une part, le Gouvernement n'avait pas déclaré l'urgence sur un texte qui, à l'évidence, nécessite un débat serein et approfondi et si, d'autre part, la commission de la production avait accepté - elle n'en a pas, pour l'instant, montré la volonté - les amendements, souvent techniques, déposés par l'opposition, qu'elle a systématiquement rejetés uniquement parce qu'ils émanaient de l'opposition.

M. Germain Gengenwin.

On connaît le procédé !

M. Alain Cacheux et M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Ce n'est pas vrai !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Pourtant, en commission, M. Bartolone ne nous avait-il pas proposé de « faire ensemble le pari de l'intelligence par la mixité sociale » ? Nous y sommes prêts car le groupe UDF reconnaît que c'est un objectif pertinent.

M. le ministre délégué à la ville.

Chiche !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Mais - et nous l'avons bien senti dans l'intervention de M. Marcovitch - la question ne porte pas sur les objectifs. Nous ne contestons pas les objectifs de ce texte ni les principes sur lesquels il repose. Sur le fond, nous partageons la volonté de refonder un urbanisme qui rende la ville plus agréable à vivre, qui améliore la qualité des déplacements, qui contribue, dans la mesure du possible, à cette mixité sociale dont nous venons de parler, qui entraîne la réalisation de logements à vocation sociale, mais à condition qu'ils soient harmonieusement intégrés dans des quartiers où voisinent le locatif et l'accession à la petite propriété.

Nos divergences portent non pas sur le diagnostic, ni même sur les objectifs et les principes, mais sur la méthode.

Monsieur Marcovitch nous a fait une démonstration...

M. Patrick Rimbert, rapporteur, et M. Alain Cacheux.

Excellente !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... qui m'a sidéré : tout en rejetant cet urbanisme des années soixante, avec ses cités champignons, la ghettoïsation et les problèmes qui en ont résulté pour des populations défavorisées, auxquelles on a imposé un surcroît de souffrances et de difficultés à vivre, il en tire la conclusion... qu'il faut importer ce modèle dans d'autres cités !

M. Alain Cacheux.

Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Qu'il faut y rajouter des tours et du béton !

M. Daniel Marcovitch.

Vous aurez du mal à tenir le pari sur l'intelligence, monsieur Daubresse !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Au frontispice de votre l oi, vous avez écrit : « solidarité et renouvellement urbains ». Vous proposez en fait une loi RCD : recentraliser, complexifier, densifier.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Vous nous invitez, monsieur Gayssot, à essayer, ensemble, d'enrichir le texte. Je vous l'affirme, je ne sais pas encore, à cette heure, comment votera le groupe UDF, qui est en accord avec les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

principes, mais pas avec la méthode. Sa position sera de bon sens : selon que les principes fondamentaux que nous défendons seront ou non pris en considération, et que nos amendements seront ou non retenus, nous voterons ou nous ne voterons pas le projet de loi.

Personne ici ne veut avoir un débat droite-gauche idéologique. Gilles Carrez le rappelait hier, les groupes de l'opposition n'étaient pas d'accord en première lecture avec le projet de loi sur l'intercommunalité ; mais nous avons vu une ouverture de la part des ministres et, grâce à un travail positif en commission mixte paritaire, nous avons, en définitive, voté le texte.

M. Alain Cacheux.

Il l'a mal appliqué au Perreux-surMarne, M. Carrez !

M. Marc-Philippe Daubresse.

En tout cas, moi, je l'applique à Lille.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Sommes-nous prêts, les uns et les autres, à essayer de dégager des points d'accord ?

S'agissant de la méthode, est-il bon d'appliquer, sur un sujet aussi sensible que celui de l'urbanisme et du logement social, la même que pour les 35 heures, en soumettant toutes les villes à la même toise égalitaire, sans tenir compte de leur potentiel fiscal ? Un amendement a été déposé par le groupe communiste à ce sujet.

Le projet ne prend pas du tout en compte le potentiel fiscal des villes les plus défavorisées, qui n'ont pas les moyens d'agir.

M. Alain Cacheux.

Les communistes vont faire des propositions, c'est bien.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous aimerions, et c'est un problème constitutionnel, que s'engage une réflexion sur les villes à très faible potentiel fiscal.

Le projet ne prend pas en compte non plus l'espace dont disposent ces villes.

Mme Janine Jambu.

Mais si !

M. le ministre délégué à la ville.

Mais c'est une bonne idée !

M. Alain Cacheux.

Très bonne idée des communistes.

Comme souvent d'ailleurs !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Les villes ne peuvent pas passer sous la même toise.

Au lieu d'inciter à l'expérimentation et de favoriser la responsabilité, vous préférez alourdir la contrainte et aggraver la rigidité. Vous faites en permanence appel, dans tous les articles, qu'il s'agisse de la réforme du code de l'urbanisme ou du logement social, à des pouvoirs extérieurs - nous l'avons bien vu hier lors du débat sur les motions de procédure.

Le préfet est toujours là pour menacer d'un coup de règle sur les doigts si les choses ne marchent pas comme il veut. Et le juge administratif sera régulièrement mis à contribution parce que les contentieux vont se multiplier.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Alors, il faut supprimer l'Etat et les juges ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Monsieur le rapporteur, je vous donne rendez-vous dans cinq ou dix ans. Vous constaterez, si vous êtes encore là, l'alourdissement des contentieux.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Nous serons là !

M. Alain Cacheux.

Oui, nous, nous y serons encore !

M. le président.

Monsieur Daubresse, veuillez poursuivre.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Mais enfin sur le fond et non plus sur la forme !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous aurons doublé ou triplé le nombre des contentieux et considérablement allongé le délai des procédures.

M. Pierre Cohen.

De toute façon, les contentieux existent déjà !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Le groupe UDF, sans renier en rien les objectifs sous-jacents dans ce projet, vous propose de faire ensemble le pari de l'intelligence, de l'intelligence de la méthode, en privilégiant la simplification sur la complexification, la responsabilité sur la contrainte, l'initiative de terrain sur la recentralisation.

Faites confiance aux maires, faites confiance aux élus des communautés d'agglomération - que vous avez voulu créer - et qui vont se retrouver confrontés à des problèmes de ce genre.

Nous sommes pour le renforcement du pouvoir d'agglomération. J'ai même déposé dans ce sens une dizaine d'amendements qui n'ont pas été retenus en commission.

M. Alain Cacheux.

Nous allons les examiner, monsieur Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Oui, faites confiance à l'initiative sur le terrain.

En définitive, notre objectif commun n'est-il pas de mettre en place un véritable renouvellement urbain ? Vous en avez parlé, monsieur Marcovitch, mais moi, je suis tout le temps face à ce problème parce que j'ai en charge précisément dans mon secteur les politiques foncières, les friches industrielles, la dépollution. Il est nécessaire que nous injections beaucoup d'argent public dans les tissus les plus dégradés.

Si le titre du projet évoque bien le renouvellement urbain, nulle part dans le texte on n'en trouve une définition. Nulle part, on ne donne aux élus, notamment aux élus des communautés urbaines et des communautés d'agglomération, les moyens d'agir.

Plus que des mots, nous voulons des actes montrant que vous avez la volonté de changer en profondeur le tissu dégradé des villes - nous connaissons tous très bien le problème, vous et nous.

Sans une véritable politique de mixité, sans la volonté d'encourager non seulement le logement locatif mais aussi l'accession à la propriété, on ne pourra pas résoudre le problème des zones les plus urbanisées.

Nous ne pouvons imaginer que le Gouvernement reste sourd au bon sens et aveugle aux leçons d'un passé encore si proche.

Le développement de nos villes ne s'est pas fait de manière uniforme, chacun le sait. Après la guerre, dans les années de la reconstruction anarchique, l'urgence primait sur la cohérence de l'urbanisme et la qualité du bâti.

Ce fut l'exode massif vers la ville, le développement du commerce en périphérie. Ce texte ne se préoccupe pourtant pas des schémas d'urbanisme commercial.

M. Yves Dauge. Mais si ! M. Marc-Philippe Daubresse. Il entend rendre les PDU contraignants. Les maires s'entendront dire : « Oh, mais attention ! La largeur de la rue que vous voulez tracer, la largeur des bordures de trottoir ne sont pas compatibles


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avec le PDU ! » Ça commence dans ma commune ! Personne ne dira au maire que le schéma d'urbanisme commercial, pourtant pensé au niveau de l'agglomération, est contraignant. Personne ne vous dira qu'il faut imposer un certain nombre d'éléments pour éviter la fuite des petits commerces du centre-ville au profit de ces grands ensembles de la grande distribution qui ont abouti à ces ghettos que nous connaissons tous.

M. le ministre délégué à la ville.

Mais si, nous le disons ! M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, vous affichez des principes que vous ne traduisez pas dans les actes ! M. Daniel Marcovitch. Nous les traduirons dans les amendements ! M. Marc-Philippe Daubresse. Ces cités-champignons ont fini par cumuler tout ce que notre civilisation avait pu accumuler de handicaps - l'exclusion, la violence et la délinquance - qui ne sont évidemment pas propres, monsieur Marcovitch, aux populations modestes et aux populations les plus démunies, qui méritent d'être respectées, estimées et considérées.

M. Daniel Marcovitch. Il faut le dire au maire du Vésinet ! M. Marc-Philippe Daubresse. Ces handicapés sont les fruits d'un urbanisme inadapté, qu'il ne faut pas prendre comme un modèle universel susceptible de résoudre tous les problèmes, au contraire ! Favorisons donc la petite accession à la propriété, l'insertion de petits ensembles locatifs sociaux au sein des villes et des quartiers résidentiels. Chaque année, je construis dans ma ville des logements sociaux insérés, par petites unités de quarante ou cinquante, au sein de quartiers résidentiels. Et tout se passe très bien ! M. Pierre Cohen. Dites-le à Eric Raoult.

M. Marc-Philippe Daubresse. Voilà ce qu'est la mixité sociale, ce que nous souhaitons.

M. le ministre délégué à la ville.

C'est bien ce qui est prévu dans le texte.

M. Marc-Philippe Daubresse. Non, ce n'est pas ce qui est dans votre texte, monsieur le ministre. Avec la méthode que vous préconisez, avec les outils dont vous vous dotez, et avec les coercitions que vous imposez, l'aboutissement de fait sera la densification.

M. le ministre délégué à la ville.

Sur 88 logements, il ne vous aurait été demandé que 44 logements sociaux !

M. Marc-Philippe Daubresse.

La volonté de rendre plus cohérente, plus harmonieuse la politique d'agglomération implique notamment de penser simultanément l'urbanisme, le schéma de cohérence territoriale et les transports.

S'agissant des transports publics, le texte est assez consensuel et nous semble tout à fait positif, nous l'avons déjà dit hier.

L'expérience de régionalisation du ferroviaire, lancée par Bernard Pons et Anne-Marie Idrac dans le précédent gouvernement, a paru très intéressante aux élus locaux.

Des décisions fortes ont pu être prises. Les besoins et les moyens du transport régional peuvent désormais être gérés en partenariat avec la SNCF et Réseau ferré de France. Il serait donc opportun d'étendre le système à toutes les régions de France et nous sommes parfaitement d'accord pour généraliser le système - test au 1er janvier 2002 - on pourrait même le faire dès 2001 puisque l'Etat a rempli sa part du contrat, du moins jusqu'à présent.

Mais il est une autre question, latente sur tous nos bancs. L'Association des régions de France, qui comprend tous les élus régionaux, de toutes tendances politiques du moins tous les démocrates de ce pays - est dans le souci, voire dans l'anxiété. Elle voudrait savoir si elle va pouvoir bénéficier des ressources indexées correspondantes pour assumer les charges de la régionalisation du transport ferroviaire, qui englobe le transport des voyageurs, évidemment, mais aussi, demain, le transport de marchandises, qui pose un problème important sur lequel nous nous penchons régulièrement et qu'il ne faut pas négliger. Les articles 51 à 59, sur les modalités de la généralisation, nous paraissent correspondre aux souhaits localement exprimés. Mais nous déposerons des amendements pour donner aux régions les moyens d'assumer les nouvelles charges.

Jusqu'à présent, nous n'avons guère entendu les Verts dans ce débat, mais je vois M. Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Je ne suis pas encore monté à la tribune !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Quand vous y serez, je vous écouterai avec intérêt, puisque nous sommes d'accord sur quelques sujets.

M. Daniel Marcovitch.

M. Marchand, lui, il était en commission !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Nous y étions aussi, monsieur Marcovitch ! Nous ne pouvons pas, pas plus que vous, je pense, accepter que le texte programme de manière inéluctable la réduction du transfert du tout-routier sur le ferroviaire, sans prévoir les moyens correspondants. Le développement durable exige des moyens. Les amendements qui g arantissent l'indexation des ressources des régions devraient donc être acceptés sur tous les bancs. En tout cas, il y aurait là un geste d'ouverture auquel nous serions sensibles - de même que nous serons attentifs aux éléments de régulation des autorités de transport.

Vous le savez bien, monsieur le ministre, il n'y a pas que les conflits financiers : il y a aussi les conflits d'affectation des sillons ferroviaires ! Il faut mettre au point des mécanismes pour que les régions puissent faire prévaloir certaines de leurs positions, quand elles souhaitent déterminer, en matière de transport voyageurs, des priorités sur lesquelles la SNCF n'est pas forcément d'accord, eu égard à sa politique extrêmement centralisée.

Il paraît donc utile, dans ce débat, d'apporter à l'extension de l'expérience de régionalisation l'éclairage de quatre années de pratiques quotidiennes dans plusieurs régions, en particulier la région Alsace dirigée par M. Zeller qui a, je crois, dégagé bien des éléments positifs à l'occasion de son expérience.

M. Germain Gengenwin.

Belle réussite, l'Alsace !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Pour ce qui touche à la politique des déplacements urbains, il est impératif, on l'aura bien compris, que les nouveaux schémas de cohérence territoriale précèdent les PDU dans l'ordre prédictif, car les PDU ne doivent pas devenir des outils destinés à gérer l'extrême proximité. Au contraire, ils doivent prendre des positions fondamentales pour les villes : transport collectif, stationnement, arrêt des véhicules et livraisons dans les villes. Je déposerai des amendements à ce sujet, car la diffusion du transport de marchandises


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dans les centres-villes et les zones urbaines est aussi uns ujet important sur lequel nous pouvons prendre ensemble des positions au-delà des clivages politiques. Ce n'est au fond qu'un problème de bon sens et de société.

J'en viens à la réforme du code de l'urbanisme. Alors que chacun s'attendait à une simplification, nous allons, au contraire, mettre en oeuvre une formidable complexification des échelons de décision et des procédures, Gilles Carrez en a fait la démonstration hier soir. Le sujet vaut de s'y attarder, et pas seulement parce que j'y ai travaillé de manière très approfondie lorsque Bernard Bosson était ministre de l'équipement. Je retrouve dans les éléments de réforme du code de l'urbanisme bien des propositions formulées déjà à l'époque, notamment par un certain nombre de hauts fonctionnaires. Les élus locaux les refusaient alors, comme nous allons les refuser aujourd'hui.

Le problème, ce n'est pas de supprimer une cinquantaine d'articles du code de l'urbanisme, il est d'éviter l'empilement des procédures, l'allongement des recours, la multiplication des contentieux. Choisir la démocratie et la transparence, avec la concertation en amont et les enquêtes publiques en aval, c'est réduire le champ du contentieux. Refuser la transparence, c'est, au contraire, ouvrir aux citoyens le champ du recours contentieux.

Pour être, comme d'autres ici, un praticien au quotidien des SDAU et des POS, je puis vous dire qu'entre le moment où vous délibérerez sur les orientations du schéma de cohérence territoriale, avec les recours inévitables, et le moment où vous mettrez en pratique les premiers éléments d'un programme local d'urbanisme, il s'écoulera une dizaine d'années.

M. Aloyse Warhouver.

Tout à fait.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Je prends les paris dès maintenant, à cette tribune ! C'est totalement irréaliste ! Le mandat des communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communes est de six ans, c'est bien dans ces six ans que devront être lancés les nouveaux POS et les nouvelles politiques voulues par l'équipe qui aura gagné les élections.

M. Aloyse Warhouver.

Bien sûr !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Il faudra lancer des politiques susceptibles d'aboutir avant la fin du mandat. La bonne durée est bien de six ans. Des amendements du RPR et de l'UDF tendront à concrétiser cette orientation.

Eviter l'empilement des procédures mais ne pas chercher non plus les changements de titres à tout prix.

Quel intérêt y a-t-il à utiliser l'expression « schéma de cohérence » de préférence à l'expression que recouvre le sigle SDAU ? D'ores et déjà, le SDAU est bel et bien un

« schéma de cohérence » ! Modifier l'appellation ne résout rien.

Plus grave, et Serge Poignant l'a expliqué, transformer les POS en PLU, c'est effacer l'aspect normatif du POS, un aspect pourtant essentiel.

M. Pierre Cohen.

Qui est source de contentieux !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Pédagogiquement, le SDAU avait été parfaitement compris par nos concitoyens. Voilà pourquoi, et je pense que je pourrais être suivi, je déposerai un amendement pour que les COS soient respectés non seulement dans les zones à urbaniser mais dans les zones déjà urbaines. Le maire doit pouvoir éviter la densification, qu'elle affecte le logement social locatif ou le logement privé. Nous sommes en effet tout aussi opposés à la densification du logement privé qu'à celle du logement public HLM !

M. Germain Gengenwin.

Eh oui, voilà !

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est la qualité de vie de nos concitoyens qui est ici en cause ! Nous voulons disposer dans le code de l'urbanisme des mêmes outils que pour le logement social.

Par ailleurs, l'intégration des ZAC dans les PLU porte atteinte à un outil essentiel de l'aménagement urbain.

C'est priver de toute liberté de conception l'aménagement de territoires étendus. Là encore, compte tenu de ce qu'il faut mettre dans les ZAC, on va aboutir à des procédures longues, très longues, qui ne donneront pas la souplesse nécessaire pour lancer des programmes.

Enfin, la suppression du versement pour dépassement du coefficient légal de densité, qu'est-ce d'autre qu'un outil pour densifier et bétonner ?

M. Francis Delattre.

C'est en effet un encouragement à densifier !

M. Marc-Philippe Daubresse.

J'en viens à ce qui constitue apparemment, selon la presse, le noeud de ce débat, je veux dire la nouvelle politique du logement que vous voulez imposer, coûte que coûte, au nom de la sacro-sainte mixité sociale, sur laquelle nous sommes au demeurant d'accord, je le répète.

Je ne reviendrai ni sur les évolutions contrastées de l'habitat, ni sur les principes de solidarité, de renouvellement urbain, je les ai exposés précédemment. Mais pourquoi mettez-vous en place un dispositif inutilement coercitif et rétroactivement centralisateur qui, outre le fait de c omporter des incohérences, ne propose finalement aucune réflexion globale sur la politique de la ville et se borne à une sorte de gesticulation idéologique en direction des médias ? D'un côté, toutes les villes du style Neuilly, de l'autre, toutes les villes du style La Courneuve.

Vous le savez bien, le tissu urbain est essentiellement composé de villes petites et moyennes dans lesquelles sont imbriquées des populations d'origine diverse, qui ont chacune leurs problèmes. La mixité sociale est d'ores et déjà réalisée. L'aspiration de ces populations, c'est d'abord et avant tout d'être aspirées vers le haut et non tirées vers le bas et de pouvoir accéder, à terme, à la petite propriété.

Nous considérerions comme un geste très significatif le fait de faire figurer la petite accession à la propriété dans le logement social parce que telle est véritablement l'aspiration de la majorité de nos compatriotes.

M. Daniel Marcovitch.

Mais pas dans les 20 % !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Que faites-vous de ceux qui ne peuvent pas acheter ?

M. le président.

Il faut penser à conclure, monsieur Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Je vais conclure, monsieur le président.

De même, il y a une incohérence manifeste lorsque, pour atteindre les objectifs imposés en matière de réalisation de logements sociaux, les communes qui ne disposent d'aucune réserve foncière devront procéder à des expropriations, voire à des démolitions sélectives de logements existants, pour construire ces logements supplémentaires que votre loi exige ! Vous ne tenez pas compte de la notion d'espace. Il faudrait, et je déposerai un amendement en ce sens qui sera, je l'espère, accepté, que la contribution versée par une commune urbaine soit prioritairement affectée à la réalisation de logements sociaux sur le territoire de cette commune. Ce n'est pas le cas dans le texte. Une communauté urbaine peut capter cet argent pour faire autre chose.


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M. Pierre Cohen.

Elle peut le faire directement !

M. le ministre délégué à la ville.

Vous ne faites pas confiance aux élus ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Avec vous, monsieur Gayssot, nous aurions aimé relever les trois défis que vous avez évoqués dans votre discours de présentation, les défis de la solidarité, du développement durable et de la décentralisation. Avec vous, monsieur Bartolone, nous sommes prêts à faire le pari de l'intelligence, si la méthode, elle aussi, est intelligente.

Nous voulons éviter le discours de la lutte des classes que nous avons entendu hier avec les références d'Eugène Sue, Hector Malot, et même l'abbé Pierre. Nous aimons bien l'abbé Pierre, mais nous ne sommes plus au

XIXe siècle ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen.

XIXe siècle ? Ça ne va pas faire plaisir à l'abbé Pierre !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Je parlais d'Eugène Sue et d'Hector Malot ! Nous voulons construire la ville du

XXIe siècle.

Aussi, dans le cadre des améliorations que nous proposons d'apporter à un texte dont, je le rappelle, nous partageons certains objectifs majeurs mais dont nous refusons les méthodes brutales, le groupe UDF souhaite savoir si oui ou non vous êtes prêts : à faire confiance aux acteurs locaux que sont les maires et les élus des communautés d'agglomération pour réussir le pari de la mixité et de l'harmonie sociale, plutôt que de faire intervenir le préfet, en revenant trente ans en arrière sur la décentralisation, dont le groupe UDF a toujours été un partisan actif ; à faire le pari de la responsabilité, en laissant aux communautés d'agglomération le soin d'établir des programmes locaux de l'habitat harmonieux, plutôt que de pénaliser des communes qui n'ont souvent ni les terrains, ni les moyens pour agir ; à faire le pari de la qualité, en assurant une mixité sociale qui écarte tout risque de densification et qui permette l'initiative publique et privée ; enfin, et j'insiste sur ce point...

M. le président.

Concluez avec ce point, monsieur Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

... car il est capital pour l e vote final qu'émettra l'UDF, êtes-vous prêt à reconnaître la nécessité de favoriser l'accession à la petite propriété, en l'intégrant au dispositif prévu à l'article 25

Bref, êtes-vous prêts à réaliser une réforme de l'urbanisme, des déplacements et du renouvellement urbains, par une méthode qui privilégie l'initiative, la responsabilité et la souplesse, plutôt que la contrainte, l'assistanat et la coercition ? En introduisant dans ce texte un peu moins d'idéologie et un peu plus de courage politique, nous pourrions gagner, ensemble, le pari de l'intelligence.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi se situe dans le prolongement de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, de celle relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et de la loi de lutte contre les exclusions. Il s'agit bien d'un texte à caractère structurant pour les territoires, visant à réaménager le tissu urbain, et à caractère social dans le mesure où il a pour ambition d'influer sur le tissu social de nos cités.

Ce texte aux objectifs ambitieux - il s'agit, entre autres, de refondre une grande partie du code de l'urbanisme, rien de moins ! - préconise une approche globale des questions et vise à définir les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales. Il n'oublie pas les citoyens, certes, mais il ne fait pas toute la places ouhaitable et souhaitée aux associations dans les domaines très sensibles de l'urbanisme et des transports collectifs, en particulier urbains.

Le texte affiche la volonté de rénover les politiques urbaines en donnant une cohérence aux outils de l'urbanisme et en les simplifiant, mais cette simplification ne doit entraîner ni renoncement ni facilité. Le projet de loi vise à remplacer les schémas directeurs par les schémas de cohérence territoriale qui coordonneront, pour l'ensemble de l'agglomération, les politiques d'habitat et de déplacement, et à instaurer des documents dont la principale vocation est de créer un véritable projet d'urbanisme qui dépasse la simple occupation des sols.

Pour conforter la politique de la ville, le texte prévoit des dispositions de solidarité entre les communes en matière d'habitat, ainsi que l'amélioration des régimes de copropriété et des mesures de protection de l'acquéreur immobilier. Mais le plus important, c'est la volonté affichée par le Gouvernement de promouvoir la mixité sociale et surtout de s'en donner les moyens. L'objectif est d'avoir 20 % de logements sociaux au terme des vingt prochaines années. Ce n'est une contrainte insurmontable pour personne. En revanche, c'est l'affirmation d'une vraie volonté politique et que celle-ci ne soit pas partagée par tous ici n'étonnera personne. Mais s'il subsiste demain, ou plutôt après-demain car il faudra du temps, des zones d'apartheid social, chacun devra répondre des décisions qu'il aura prises. C'est là l'important et c'est là aussi qu'interviennent les moyens que nous nous donnons, c'est-à-dire les contraintes financières et les procédures de substitution, l'Etat assumant alors ses responsabilités en passant une convention avec un organisme pour la construction ou l'acquisition-réhabilitation de logem ents sociaux. Ces contraintes financières doivent prendre en compte non seulement les engagements des communes, mais aussi leur richesse, c'est-à-dire le potentiel fiscal de chacune d'entre elles.

N'oublions pas les particularités des villes de Paris, Lyon, Marseille et leurs arrondissements ou secteurs.

C'est au niveau de ces arrondissements et secteurs que doit être prise en compte la répartition des logements sociaux afin de réduire une discrimination par trop criante, qui se traduit par une concentration ici et par une quasi-absence là.

Pour développer les transports collectifs, le texte fixe les premiers objectifs : coordination des politiques de déplacements urbains avec les documents d'urbanisme, développement de la multimodalité des transports, prise en compte de modes de transport alternatifs cela aura pour conséquence de diminuer la place trop importante occupée par la voiture, et c'est une excellente chose -, subordination de la création de nouvelles zones d'habitation à la desserte de ces nouveaux lieux de vie par des transports en commun et recherche d'une meilleure gestion des flux de marchandises au sein des zones urbaines par l'intermédiaire, notamment, de plates-formes de chargement-déchargement c'est une des solutions qui per-


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mettra d'en finir avec la saturation des centres villes. En prenant en compte les priorités et les contraintes environnementales, ces différents objectifs servent directement le développement durable.

S'agissant du volet habitat, le texte apporte des réponses précises aux préoccupations de nos concitoyens.

Les mesures portant sur l'habitat insalubre ou déclaré en péril visent à mieux protéger les personnes concernées en renforçant les pouvoirs d'intervention du maire et du préfet, qui pourront prendre les mesures nécessaires et se substituer au propriétaire défaillant pour ordonner les travaux indispensables ou pourvoir à l'évacuation des locaux et au relogement des familles, qui ne peut se faire dans n'importe quelles conditions. Par ailleurs, les droits des locataires sont renforcés par des mesures visant à favoriser le règlement amiable des conflits et le développement des procédures de concertation.

En revanche, il faut faire mieux et plus pour les copropriétés dégradées en prévoyant un audit préalable au clas sement d'un immeuble ou d'un groupe d'immeubles comme copropriété en difficulté, une commission de consultation et l'instauration d'un carnet d'entretien et de relations plus claires entre les copropriétaires et le syndic.

M. Daniel Marcovitch et M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Jean-Michel Marchand.

Il faut ramener dans le droit commun les résidents des foyers-logements où habitent les travailleurs migrants.

M. Jean-Louis Dumont.

Nous avons déposé des amendements à ce sujet !

M. Jean-Michel Marchand.

Mais ces objectifs ambitieux ne mettent pas le projet de loi à l'abri d'imperfections, de lacunes, de modifications dommageables, voire de négligences condamnables qui compromettent sa lisibilité et son efficacité.

Modifier plus d'une centaine d'articles de loi ouvre des champs tellement vastes et complexes que le risque de ne pas aboutir à des solutions concrètes aux problèmes rencontrés sur le terrain est réel. Que l'urgence soit déclarée sur un tel projet, messieurs les ministres, ne permet pas un examen sérieux d'un texte destiné à renforcer en profondeur les politiques d'urbanisme.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. Jean-Michel Marchand.

C'est dans l'hémicycle que nous aurons les débats nécessaires à l'amélioration de ce texte.

C'est le volet urbanisme qui pose le plus de problèmes.

Remplacer les plans d'occupation des sols POS -, docum ents normatifs, par les plans locaux d'urbanisme PLU -, moins contraignants, présente des dangers. En effet, les documents seront certes plus faciles à élaborer, mais aussi plus souples quant aux dispositions qui les composent, et l'on peut craindre qu'ils ne soient vidés de trop de leurs prescriptions obligatoires.

M. Robert Poujade.

Tout à fait !

M. Jean-Michel Marchand.

L'objectif ne peut pas être de réduire le nombre des contentieux. Le POS était le dispositif clef de voûte du droit de l'urbanisme pour l'utilisation des sols, donc pour la protection du patrimoine naturel ou urbain.

M. Serge Poignant.

Exactement !

M. Jean-Michel Marchand.

Il convenait d'en renforcer les exigences sur le plan du contenu. Rien n'oblige les PLU à prendre en compte des éléments indispensables comme la protection de l'environnement, les caractéristiques des voies de circulation ou les coefficients d'occupation des sols.

M. Serge Poignant.

Eh oui !

M. Jean-Michel Marchand.

Par ailleurs, le remplacement du POS par le PLU supprime de fait toutes les avancées obtenues par les luttes des citoyens et des associations et qui font jurisprudence. Ces décisions sont des remparts contre les urbanisations désordonnées dans des milieux ruraux, naturels ou agricoles à protéger d'autant plus qu'on est en zone urbaine la zone urbaine ne se limite pas aux grandes villes, Paris et autres ; il y a aussi des villes dans le monde rural. Les villes ont besoin de ces poumons verts. Il faut, soit maintenir les POS tels qu'ils existent, soit, et c'est un impératif, prévoir les dispositions qui lient les PLU aux POS afin que la jurisprudence continue à s'appliquer.

M. Robert Poujade.

Très bien !

M. Serge Poignant.

Il a raison !

M. Jean-Michel Marchand.

Cela donnerait une cohérence historique et juridique à la réforme proposée et permettrait aux associations de conserver les droits acquis, contentieux par contentieux. Ces contentieux sont l'expression du droit de recours des citoyens contre des mesures qui les concernent très directement et qui ne sont, trop souvent, exemptes ni de critiques ni d'irrégularités.

De plus, ce projet de loi ne prend pas en compte les recommandations du Conseil d'Etat dans son rapport adopté en janvier 1992 et intitulé L'urbanisme, pour un droit plus efficace ». Ce rapport, établi sous la présidence de M. Daniel Labetoulle, fait état des dysfonctionnements du droit de l'urbanisme qui regroupent « les affaires douteuses et les atteintes à l'environnement ».

Mais ce rapport ne préconise pas une déréglementation, bien au contraire. Il considère que les POS sont des documents qui permettent une réglementation efficace de l'utilisation de l'espace. Mais leur instabilité amène le Conseil d'Etat à préconiser un renforcement juridique du POS en l'encadrant par des règles de procédure plus contraignantes. En revanche, il ne préconise pas de rendre son contenu plus imprécis.

V ouloir supprimer les nids de contentieux, c'est prendre le risque d'instaurer une politique de libéralisation et de déréglementation des POS, et plus largement des différents documents d'urbanisme. La loi Bosson de 1994 avait notamment abrogé les programmes de référence inscrits dans la LOV, qui visaient à protéger les tissus anciens fragiles en obligeant les collectivités à n'agir qu'après avoir fait réaliser un diagnostic complet, aussi bien urbain que social. Il convient donc de réaffirmer avec force que les objectifs qui étaient visés par cette disposition sont plus que jamais d'actualité, d'autant qu'ils correspondent parfaitement aux préoccupations affichées par le projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains.

Le programme de référence, disposition clef du droit à la ville pour les populations les plus modestes, permet de protéger le tissu social des quartiers et de lutter contre les exclusions. Il est donc indispensable de le réintroduire dans le code de l'urbanisme. De la même manière, certains dispositifs supprimés en 1994 doivent être rétablis, comme la restriction sur l'exception d'illégalité.

Le Gouvernement, dans sa présentation du projet, affirme vouloir privilégier, d'une part, la concertation et, d'autre part, la préservation de l'environnement. Voilà


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deux points fondamentaux de l'élaboration des documents d'urbanisme. Or certains acteurs ne sont pas associés à cette élaboration. Ils sont, au mieux, consultés à certaines étapes du processus. Il est essentiel d'associer les citoyens et leurs associations à toutes les étapes de l'élaboration des documents d'urbanisme. Cette implication doit se faire non seulement en amont, le plus en amont possible, dès l'acte de commande d'une étude, mais aussi en aval des décisions, dans le suivi des réalisations sur le terrain.

Quant à la préservation de l'environnement, elle n'est pas affirmée avec force. Aucune mesure n'est obligatoire dans les PLU et rien n'est inscrit pour donner priorité à la préservation de l'environnement, des écosystèmes, ainsi qu'au principe d'évaluation des incidences sur l'environnement. Or le comité des politiques de l'environnement de la commission économique pour l'Europe, lors de sa quatrième conférence ministérielle, en juin 1998, a établi une convention, dite convention d'Aarhus - ville du Danemark -, qui affirme des exigences fortes que nous ne retrouvons pas dans ce projet. L'article 1er de cette convention est ainsi rédigé : « Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque partie garantit les droits d'accès à l'information sur l'environnement, de participation du public au processus décisionnel et d'accès à la justice en matière d'environnement, conformément aux dispositions de la présente convention. »

Vous l'aurez compris, messieurs les ministres, le titre 1er du projet de loi, qui vise à renforcer la cohérence des politiques urbaines, mais qui met à mal le code de l'urbanisme et en détruit des pans entiers, ne peut nous satisfaire.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.

C'est frappé au coin du bon sens !

M. Jean-Michel Marchand.

Les députés Verts ne peuvent cautionner le texte tel qu'il est rédigé actuellement et ne le voteront pas en l'état. Ce premier volet ne nous convient donc pas. Nous attendons des modifications essentielles. Ce sera l'objet des amendements que nous défendrons.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. Jean-Michel Marchand.

Cependant, loin de moi l'idée de jeter l'opprobre sur l'ensemble du texte qui, sur d'autres points, comporte des aspects intéressants...

M. Francis Delattre.

Il faut les chercher à la loupe !

M. Jean-Michel Marchand.

... que nous ne manquerons pas de développer et d'approfondir au cours du débat.

Le volet Transport vise à améliorer les dispositifs actuels en favorisant le développement des transports en commun et en incitant les collectivités à s'entendre pour définir leurs politiques de déplacements. Nous nous réjouissons de voir la voiture et les nuisances qu'elle occasionne perdre, dans les volontés affirmées, la place prioritaire qu'elle occupe dans les transports urbains et de constater que l'on ne pensera plus la ville et ses infrastructures au travers de ce filtre déformant.

Mais il faut des moyens financiers conséquents. Vous en avez annoncé, monsieur le ministre, aux autorités organisatrices des transports collectifs. Le versement transport, qu'il faudra étendre aux petites villes, l'exonération de la taxe de consommation des produits pétroliers, la possibilité de nouvelles ressources financières pour les nouveaux syndicats mixtes de transport, dès lors qu'ils assureront le service en lieu et place des départements et régions : voilà des pistes qu'il nous faudra creuser. Proposer une alternative à la voiture c'est, avec le transport en commun, favoriser d'autres types de déplacement : le vélo, la marche à pied, les rollers.

M. le président.

Pensez à conclure, monsieur Marchand ! M. Jean-Michel Marchand. C'est aussi utiliser les voies ferrées et les voies fluviales. Si l'on veut permettre une véritable intermodalité des moyens de déplacement, c'est aussi aux infrastructures qu'il faut réfléchir. A qui et à quoi veut-on les destiner ?

Une politique des transports ne peut oublier ni le problème du stationnement et de la livraison des marchandises ni les déplacements périurbains. Les plates-formes de chargement-déchargement, qu'il faudra installer à la périphérie des villes et hors des zones d'habitation, permettront de désengorger les centres villes mais après, pour rejoindre les lieux à ravitailler, il faut penser véhicules propres. Maîtriser l'urbanisation urbaine et périurbaine, d'une part, créer et gérer des infrastructures de transports en commun, d'autre part, doivent être des objectifs étroitement coordonnés. C'est là que l'intercommunalité prend tout son sens.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Marchand !

M. Francis Delattre.

C'est très intéressant !

M. Jean-Michel Marchand.

La politique des transports urbains est intimement liée à l'amélioration des conditions de vie en zone urbaine. La qualité de l'air, de l'eau, des paysages doit se combiner avec la recherche de la qualité de l'habitat. C'est pourquoi nous vous proposerons d'insérer, dans les objectifs de la politique d'aide au logement, la notion de « haute qualité environnementale ».

Des équipements collectifs, des commerces, des espaces verts facilement accessibles, où l'on peut se rendre à pied, participent d'une refonte du tissu urbain en ayant constamment à l'esprit le bien-être de ceux qui y vivent.

L'apartheid social, la logique débridée d'un urbanisme de promoteurs ne sont pas acceptables.

M. le président.

Je dois vous interrompre, monsieur Marchand !

M. Jean-Michel Marchand.

Je vais conclure en deux phrases, monsieur le président !

M. le président.

Pas plus !

M. Jean-Michel Marchand.

Les ambitions qui ont présidé à la rédaction de ce texte semble s'être noyées dans l'ampleur de la réforme à opérer et dans la multiplicité des domaines à couvrir. Les notions de solidarité et renouvellement urbains se retrouvent effectivement dans le texte, mais elles ne se conjuguent pas suffisamment.

Elles se juxtaposent trop souvent.

Vous l'aurez compris, messieurs les ministres, les députés Verts attendent beaucoup des réponses que vous leur ferez.

M. Francis Delattre et M. Robert Poujade.

Très bien !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous demande de respecter votre temps de parole, parce que le débat va être très long ; je ne suis pas sûr que vous en ayez bien conscience. En quinze minutes, il me semble qu'on a le temps de dire bien des choses !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

La parole est à M. Alain Cacheux, pour dix minutes.

M. Alain Cacheux.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi Gayssot de solidarité et de renouvellement urbains, dont nous avons entamé hier après-midi l'examen en première lecture, se voulait être le projet permettant de définir la ville du

XXIe siècle. L'objectif était très ambitieux et je ne suis pas sûr que nous l'ayons aujourd'hui totalement atteint.

Il reste que ce texte se fixe trois objectifs politiques ambitieux.

Le premier est d'assurer la mixité urbaine et sociale dans toutes les agglomérations françaises définies par les projets Voynet et Chevènement. Il s'agit donc de solidarité nationale, de la mise en application d'un principe simple : les villes du

XXIe siècle seront d'autant plus harmonieuses que toutes les catégories sociales de population pourront s'y retrouver. Cette volonté de faire en sorte que nos concitoyens d'origine et de condition sociale différentes se rencontrent, qu'ils puissent échanger et dialoguer à partir de préoccupations forcément différentes est un point très positif.

S'agissant plus particulièrement des populations marginalisées, le texte du projet de loi part de l'idée simple selon laquelle les problèmes de logement des personnes ou familles à problèmes se régleront d'autant plus facilement, et sans trop de perturbations pour leurs voisins, que chaque commune d'une même agglomération prendra sa part dans le logement de ces personnes. C'est tout le débat que nous aurons sur l'article 25, en particulier sur le pourcentage de logements sociaux que chaque commune se doit d'atteindre dans une agglomération.

Ces dispositions ne sont rien d'autre que la réactualisation de la loi d'orientation sur la ville de Michel Delebarre de 1991, que la droite, dès son retour au pouvoir en 1993, s'était appliquée à différer, puis à vider de son contenu. Vous avez souhaité, monsieur le ministre délégué à la ville, reprendre et actualiser ces idées fortes. J'entends parfois dire que cette loi de 1991 n'a pas été efficace,...

M. Francis Delattre.

Si !

M. Alain Cacheux.

... notamment pour aboutir à une répartition plus équilibrée des logements sociaux. En réalité, cette loi n'a jamais été mise en application puisque la droite n'en a pas voulu.

M. Francis Delattre.

C'est faux ! C'est caricatural ! Nous avons voté le dispositif !

M. Alain Cacheux.

Au-delà de la pénalité financière, que le projet de loi tend d'ailleurs à aggraver, il y avait une stigmatisation du comportement de certains élus, qui les avait fait rapidement réagir. J'ai pu le constater dans la métropole lilloise.

Nous aurons ce débat à l'article 25 et nous essaierons de faire la distinction entre les élus, moins nombreux qu'ils ne le disent, qui ne peuvent pas et ceux, plus nombreux, qui ne veulent pas et qui ne veulent pas non plus que cela se voie trop.

Le deuxième objectif du projet de loi vise à favoriser le développement cohérent des agglomérations définies et voulues par la loi Voynet, qu'elles soient organisées ou non selon les règles de la loi Chevènement.

Il est vrai que j'aurais souhaité un nom plus dynamique que celui de « schéma de cohérence territoriale » pour traduire l'ambition nouvelle des agglomérations françaises suscitée par le grand succès de la loi Chevènement. Mais là n'est pas l'essentiel, car le projet de loi met justement l'accent sur la nécessité d'assurer un développement cohérent des agglomérations. Depuis quelques années, on a vu, en effet, à côté des schémas directeurs et de développement, se multiplier des textes qui n'avaient pas l'obligation d'être compatibles entre eux : loi sur l'air, loi sur l'eau, plan local de l'habitat, plan de déplacements urbains, et bien d'autres encore. En insistant sur la cohérence, en prévoyant que le PLH et le PDU devront être compatibles avec le schéma de cohérence territoriale, le projet de loi met heureusement l'accent sur la nécessité de la maîtrise harmonieuse des agglomérations selon la volonté des élus.

Il est, de ce point de vue, un peu curieux que le projet de loi évoque si peu le commerce, dont chacun sait bien que le développement, notamment en périphérie, est venu gravement perturber l'organisation des agglomérations françaises. Je sais que des dispositions adoptées par la commission de la production et des échanges ont pour objet de corriger ce regrettable oubli dans la logique du texte Gayssot, celle de la cohérence territoriale.

Enfin, le troisième objectif de ce texte est d'améliorer la qualité de l'habitat dans le parc privé, en luttant notamment contre l'insalubrité et les marchands de sommeil et en précisant les dispositions relatives aux logements sociaux et donc aux organismes HLM.

Si le projet de loi comporte des dispositions heureuses visant à améliorer le fonctionnement et à préciser les responsabilités des organismes HLM, il me paraît très important de reconnaître le rôle déterminant qu'ils jouent dans les quartiers difficiles. Ils maintiennent un minimum de cohésion sociale, en apportant des réponses aux difficultés de beaucoup de nos concitoyens qui s'approchent dangereusement de la marginalité et de l'exclusion. Ce sont par ailleurs des acteurs incontournables de la requalification et du renouvellement urbains, notamment, mais pas seulement, dans les quartiers difficiles.

Si ces organismes assument très largement leurs responsabilités à l'égard des plus démunis, il ne faut pas les cantonner au logement des pauvres, des démunis et des exclus. Ce serait aller inexorablement et de manière accélérée vers la constitution de ghettos, que nous aurions ensuite le plus grand mal à résorber.

C'était d'ailleurs la politique de M. Périssol, qui entendait les limiter à ce rôle, à charge pour le secteur privé de régler le problème du logement de tous les autres. Cela ne peut pas être, évidemment, la politique d'un gouvernement de gauche et cela n'est pas la politique du gouvernement de Lionel Jospin.

Il faut, bien au contraire, dans le respect de leur vocation historique, les rendre acteurs d'une diversité géographique et sociale. Il faut donc qu'ils puissent loger, certes des démunis, mais aussi des gens modestes et des salariés. C'est d'ailleurs ce qu'a fait le Gouvernement lorsqu'il a décidé un relèvement significatif des plafonds de ressources en juillet 1998, à la suite des échanges que nous avions eus dans le cadre de la loi sur l'exclusion.

Les organismes HLM doivent aussi pouvoir faire réellement de l'accession sociale, ne serait-ce que parce que cela s'inscrit parfaitement dans le parcours résidentiel d'un locataire, dont la légitime ambition est d'accéder à la propriété. Il est important que cette accession sociale soit contenue dans la notion de service d'intérêt général,...

M. Jean-Louis Dumont.

Très bien !

M. Alain Cacheux.

... concept européen défini ces dernières années en matière de service public, en fonction duquel sont ensuite déterminées les politiques nationales


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

qu'il est possible d'appliquer. Cela s'est vu en matière d'énergie, en particulier pour l'électricité - nous en avons discuté ces dernières semaines à l'Assemblée nationale -, et pour le gaz également : nous en parlerons dans les mois qui viennent.

Or la Commission européenne doit définir cette année le service d'intérêt général en matière de logement social.

Il importe donc que, dans cette loi, nous précisions les conceptions françaises en la matière. Cela inclut pour moi tout autant l'accession sociale que le locatif social.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. Alain Cacheux.

Enfin, ceux qui animent les organismes HLM doivent être réhabilités, car ces dizaines de milliers de personnes effectuent, à longueur d'année, dans le plus parfait bénévolat, une mission d'intérêt général au service exclusif de leurs concitoyens. L'idée que l'opinion doit avoir de leur travail ne peut se résumer aux dérives, d'ailleurs fort isolées, de quelques organismes qui occupent à l'excès le champ médiatique.

E nfin, les organismes HLM sont des opérateurs urbains indispensables pour amorcer la restructuration des quartiers, quand le secteur privé hésite encore à prendre le risque de la promotion et n'investit ensuite que lorsque la requalification a été largement amorcée.

S'agissant de l'habitat privé, le texte du projet de loi contient des dispositions heureuses visant à rapprocher et à simplifier les procédures d'insalubrité et de péril. Nous y gagnerons du temps, ce qui n'est pas inutile, même si cela risque d'être encore assez long.

Il est proposé, par ailleurs, d'autoriser le locataire à suspendre le paiement de son loyer lorsque le propriétaire d'un logement insalubre refuse d'effectuer les travaux.

Cette disposition sympathique risque cependant de rester largement inappliquée. En effet, le rapport de forces entre le propriétaire d'un logement insalubre, usant bien souvent de moyens illégaux, et le locataire, souvent une famille démunie qui loge là faute d'une autre solution, est tel que peu de locataires seront en situation de poursuivre leur propriétaire devant les tribunaux.

Il reste que ces dispositions positives se situent toutes dans une logique curative et qu'il serait préférable d'adopter une logique préventive. En effet, les élus locaux sont lassés de régler, par le biais des organismes HLM, les cas dramatiques de familles exploitées qui viennent les voir dans leurs permanences, pour constater dès le lendemain que d'autres familles ont pris leur place dans les logements insalubres.

M. Jean-Jacques Filleul.

C'est aux services de l'Etat, aux DDASS de s'en occuper !

M. Alain Cacheux.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que soit instauré, sous le contrôle des élus, un

« permis de louer », que l'on pourrait aussi appeler « certificat de mise en location » ou « certificat de contrôle technique ». Les élus auraient ainsi les moyens d'une véritable police municipale de l'habitat, comme c'est le cas pour le stationnement, voire la tranquillité publique.

Le projet de loi Gayssot contient donc de très bonnes dispositions, qu'il convient maintenant d'enrichir dans la logique du travail parlementaire effectué sur chaque projet de loi. Le ministre nous a d'ailleurs invités à le faire.

Il convient également, sans doute, de corriger ce texte pour lui donner une tonalité plus conforme à la logique de décentralisation...

M. Marc-Philippe Daubresse.

Absolument !

M. Alain Cacheux.

... voulue par le Premier ministre à travers la loi Chevènement. Cette loi connaît un grand succès, que le Premier ministre entend sans doute amplifier sur la base des propositions de la commission de décentralisation qu'il a installée et dont il a confié la présidence à M. Pierre Mauroy.

C'est tout le problème de la place respective de l'Etat et des collectivités locales en matière d'urbanisme, d'habitat et de politique de la ville qui est posé dans le projet Gayssot.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Eh oui !

M. Alain Cacheux.

Si l'Etat a, en matière de solidarité nationale et de respect de la loi, des responsabilités essentielles qu'il doit pleinement exercer, il convient de s'appuyer aussi sur la volonté et l'esprit de responsabilité de nombreux élus locaux, à charge pour les électeurs de les sanctionner par leur vote s'ils ne respectent pas certaines valeurs républicaines largement partagées.

En conclusion, mes chers collègues, un riche débat nous attend pour enrichir sensiblement le texte. Nous pourrons ainsi faire vivre la solidarité territoriale, assurer le développement cohérent des agglomérations et améliorer l'habitat, notamment privé, en luttant contre les marchands de sommeil. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Poujade.

M. Robert Poujade.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'idée de renouvellement urbain est une idée forte. Elle aurait pu ouvrir de larges perspectives et nous libérer d'une image de la ville qui, malheureusement, est trop souvent répulsive et réductrice. Je crains que le rapiéçage hasardeux du manteau d'Arlequin des règlements d'urbanisme n'y suffise pas, pas plus que n'y suffira l'institution de taxes sanctionnant aveuglément le refus, imaginaire ou réel, de la construction de logements sociaux, qui n'est d'ailleurs même pas - Gilles Carrez l'a bien montré hier soir - le fond du problème.

Je voudrais croire - même si le propos peut paraître un peu perfide - que ce projet de loi est pavé de bonnes intentions. Mais, dans ce cas, on lui ferait sans doute plus de crédit. Et, quoi qu'il en soit, s'il était vraiment de nature à répondre sans faux-semblants ou sans effets pervers aux problèmes de la société urbaine, il aurait d'emblée suscité un large consensus.

Il faut sortir du manichéisme. La mixité sociale, la solidarité dans l'intercommunalité, le partage équilibré de l'espace urbain, et de ses voies de communication, la très grande majorité des maires concernés en ont fait leur projet avant même ce projet de loi. Rien de tout cela n'est facile. On le sait quand on vient de construire, non sans obstacles, une grande communauté de communes. On le sait quand on a introduit, non sans opposition, car c'est sans doute le moins facile, le logement social, et en particulier les HLM, au coeur du secteur sauvegardé de sa ville.

C'est dire que les propositions faites pour rendre ce projet moins idéologique, car il l'est, et moins technocratique, il l'est aussi, pour le rendre plus proche des réalités du terrain, ces propositions procèdent non pas de l' a priori mais de l'expérience. Pour ma part, j'ai abordé ce texte sans a priori.

J'ajouterai sans aucune intention malicieuse que dire tout haut ce que certains pensent sans le dire, c'est un des services que peut rendre l'opposition. La semaine dernière, n'ai-je pas constaté - comme certains d'entre vous,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

messieurs les ministres, ont pu aussi le faire -, parmi mes collègues, maires de grandes villes, des convergences raisonnables auxquelles il convient d'être attentif. Et cette nuit, une intervention d'une rigueur et d'une honnêteté intellectuelle impressionnantes - j'en rends hommage à Gilles Carrez -...

M. Alain Cacheux.

N'exagérons rien !

M. Robert Poujade.

... n'a pu laisser aucun de nous indifférent.

M. Alain Cacheux.

Certes !

M. Robert Poujade.

La définition trop restrictive du logement social - c'est une opinion très largement partagée dans cet hémicycle - rend le texte qui nous est proposé à la fois fallacieux et inéquitable. Dans ma ville, par exemple, cette définition ignore, sans parler du logement social de fait, plus de 1 400 logements qui répondent très exactement, par leur vocation, par leur répartition, par leur affectation à des familles en difficulté, aux intentions affichées sinon aux critères fixés par le projet. On ne peut pas, messieurs les ministres, fonder la loi sur l'ignorance ou le mépris des réalités.

Nous devons aussi être très attentifs aux inquiétudes que fait naître ce projet parmi trop de familles aux revenus modestes, qui redoutent, comme de nombreux élus, la récidive ou l'aggravation d'une densification contre laquelle nous luttons, les uns et les autres, depuis des années, parce qu'elle est l'une des sources des difficultés de certains de nos quartiers. La mixité sociale est une nécessité, souvent difficile à faire admettre. Il y faut des efforts tenaces de persuasion, de psychologie, de créativité dans l'urbanisme. Mais si elle portait en elle, et le risque est évident, la perspective de la priorité du collectif sur l'individuel, du retour du grand ensemble au détriment du pavillonnaire, du refus plus ou moins masqué de l'accession à la propriété, bref si elle était ressentie comme une menace et non comme un remède, la partie serait, je le crains, perdue avant même d'être engagée.

La subvention des PLU aux POS, décidée dans une grande improvisation, préoccupe les maires, les urbanismes et les juristes. La disparition des prescriptions concernant l'affectation des sols, ainsi que des règles concernant le droit d'implanter des constructions, leur destination et leur nature, posera des problèmes juridiques et pratiques, et aboutira à une multiplication des contentieux. Sur quelles bases le maire pourra-t-il désormais refuser un permis de construire ? Que feront les maires là où le POS est en révision ou quand le projet de POS aura été arrêté avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ? Les dispositions transitoires n'ont pas été convenablement étudiées. Il faudrait se demander si, finalement, le PLU n'a pas été inventé pour relâcher la bride à la densification.

Autre grave sujet de préoccupation pour nombre d'urbanistes et d'élus : les menaces qui pèsent sur la loi Malraux. Notre responsabilité, mes chers collègues, serait très lourde, si nous la laissions démanteler. J'ai eu la chance - je ne suis pas le seul ici - de pouvoir travailler sur le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la plupart des villes qu'elle concerne. On peut certes en rendre l'application plus rapide et améliorer certaines de ses dispositions, mais à condition de le faire de manière réfléchie et non à la va-vite.

Qu'il puisse y avoir dans ce projet de loi une volonté de tutelle technico-idéologique des collectivités locales, c'est la crainte qu'ont exprimée ou expriment nombre de nos collègues. Une crainte hélas fondée ! Paradoxalement, à travers une réforme improvisée des plans de sauvegarde et de mise en valeur, l'Etat se retirerait des sites chargés d'histoire : là où sa présence est la plus nécessaire, là où les appétits liés à la spéculat ion sont les plus redoutables, là où les dispositions de sauvegarde doivent être les plus exigeantes, là où la loi Malraux, depuis tant d'années, a permis souvent d'éviter le pire, souvent aussi de garantir le meilleur.

Le risque, c'est de voir disparaître des dispositifs d'évocation et de contrôle, notamment, mais pas seulement, du Conseil d'Etat,...

M. Gilles Carrez.

Le danger est réel !

M. Robert Poujade.

... disparition qui allumerait, et allume même déjà, les convoitises des spéculateurs et des vandales. Si l'on estime que ces procédures sont surannées, pourquoi ne pas supprimer aussi le classement des monuments ou des sites ? Voilà qui simplifierait radicalement la vie administrative !...

Les secteurs sauvegardés sont et doivent rester, dans tous les sens du terme, des lieux d'exception, parce que leur signification patrimoniale est exceptionnelle, non parce qu'ils sont privilégiés. C'est une vue de l'esprit d'imaginer que l'action menée dans les secteurs sauvegardés ne relève que de la cosmétique ou même de l'esthétique. Il n'y a pas que cela, car on y trouve beaucoup de logements sociaux de fait. Du moins, ce qui n'est pas le cas dans ma ville, lorsqu'on n'a pas su y introduire de logements HLM.

Les secteurs sauvegardés résument parfois l'âme d'une ville. La politique de la ville est et doit rester un tout.

Nous devons avoir le même intérêt pour les quartiers en difficulté et pour les secteurs sauvegardés des villes, qui sont parfois eux-mêmes, je pense en particulier au Midi de la France, en très grande difficulté.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes face à un projet dont j'ose dire qu'il aurait besoin d'être entièrement reconstruit, simplement pour être applicable. Ce n'est que dans un dialogue ouvert et loyal, celui que vous semblez nous promettre, qu'il trouvera une chance de vivre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilles Carrez.

Oui, mais pas dans l'urgence !

M. le président.

La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot, Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec près de 90 % de nos concitoyens vivant en zone urbaine, les villes d'aujourd'hui reflètent les inégalités de notre société. Les risques de ghettoïsation et d'éclatement sont bien là. Agir pour nos villes, c'est donc agir contre les inégalités. Voilà un vrai chantier de société ! Il nécessite que les politiques s'inscrivent dans la durée. Et dans un domaine où les temps de réponse sont longs, notre devoir est d'anticiper et de définir, pour les décennies à venir, nos choix de ville, nos choix de vie qui engageront les générations futures de façon souvent irréversible.

C'est dire, messieurs les ministres, si je me félicite de l'approche nouvelle de ce projet de loi qui traite des questions relevant de la solidarité, en termes d'aménagement du territoire, mais aussi d'urbanisme, de transports et de logement, et surtout qui s'efforce de répondre à la demande sociale plutôt qe de se soumettre, une fois de plus, à la seule politique de l'offre - offre immobilière en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

matière d'urbanisme, offre automobile pour les déplacements. C'est une véritable innovation et je tenais à le souligner.

Permettez cependant au maire de la ville centre d'une grande agglomération d'évoquer brièvement deux points.

D'abord celui de la mixité sociale urbaine. Comme cela a été dit, celle-ci constitue le moyen d'assurer, à tous, un droit fondamental et de réduire les phénomènes de ségrégation et de relégation qui mettent en danger le lien social dans nombre de quartiers et de communes. Il n'y aura pas de mixité sociale et urbaine, il n'y aura pas d'équilibre social de l'habitat sans réalisation de logements sociaux là où il y en a pas ou peu.

T rop souvent les égoïsmes locaux continuent de l'emporter. Et je crains, comme beaucoup, que des dispositions généreuses dans leur principes, mais jamais ou mal appliquées, ne modifient pas la situation actuelle.

C'est pourquoi je souhaite que les dispositifs soient renforcés pour que chaque commune se trouve en situation de devoir participer au nécessaire équilibre de l'habitat. Le seuil de 20 %, une fois retenu, devra, bien sûr, tenir compte dans son application des phénomènes de rattrapage. Mais ne retombons pas dans un immobilisme coupable en abaissant ce seuil. Il faut tenir bon, sous peine de donner tort à tous les maires qui ont fait preuve de solidarité en construisant les logements sociaux. Et quand j'entends parler de « recentralisation » à ce sujet, je réponds qu'il est question, au contraire, d'équité républicaine, en faisant en sorte que la loi impose à tous le même effort en faveur du droit au logement - prescription fondamentale de notre République.

En réponse à M. Daubresse, j'ajouterai que cela donnera en outre un cadre législatif qui permettra aux tribunaux administratifs de statuer en fonction de l'intérêt général au lieu de donner suite, comme on le voit souvent, à de trop nombreux recours qui visent à s'opposer à la réalisation de logements sociaux surtout dans les communes ou les zones résidentielles.

Le deuxième point que je veux aborder porte sur les déplacements. Ce chapitre a fait l'objet d'un travail important au sein de l'Association des maires des grandes villes, notamment à la commission « déplacements » que j'ai l'honneur de présider.

Pour des raisons écologiques mais aussi sociales, les villes, aujourd'hui, ne peuvent plus être conçues uniquement pour la voiture et autour d'elle, comme ce fut essentiellement le cas jusqu'à présent.

Nombre de ménages n'ont pas les véhicules nécessaires pour permettre à l'ensemble de la famille de se déplacer.

Les enfants, les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées sont dépendantes des politiques de déplacements collectifs. Une priorité nouvelle doit donc être donnée aux autres modes de déplacement, comme nous avons essayé de le faire dans nombre d'agglomérations, avec les pistes cyclables, les lignes de tramway, les parkings relais attractifs, les zones « 30 » et, demain, le tramtrain.

A cet égard, le présent projet de loi contient de nombreuses avancées, attendues et appréciées par une grande majorité de maires de grandes villes. Il peut toutefois être encore enrichi.

Je soulignerai trois points qui méritent d'être traités dans cette loi.

D'abord, le périmètre des futurs syndicats mixtes. La création des syndicats mixtes, qui favorise l'articulation des interventions des autorités organisatrices des transports urbains, est une très bonne initiative. Elle permettra notamment le développement du transport périurbain des trams-trains. Mais il ne faut pas limiter le périmètre des syndicats aux aires urbaines qui peuvent se révéler trop restrictives. Il doit être adapté aux réalités de terrain, et donc être décidé par les acteurs locaux. Un amendement sera déposé en ce sens.

Je veux également évoquer le financement des grandes infrastructures prévues dans les plans de déplacements urbains.

Les enjeux financiers d'une politique de rééquilibrage entre les déplacements individuels et collectifs sont extrêmement importants. Les crédits nécessaires seront difficiles à dégager dans le cadre des enveloppes classiques, qu'il s'agisse des contrats de plan ou des aides de l'Etat, sauf si l'on retarde encore la réalisation d'infrastructures qui nous font pourtant cruellement défaut, même si les aides, notamment celles inscrites au budget de l'Etat et que vous avez annoncées hier, monsieur le ministre, ont été très fortement augmentées.

M. le président.

Monsieur Destot, veuillez conclure, je vous prie.

M. Michel Destot.

Je propose donc de procéder à des expérimentations permettant de tester des formes de financement mutualisé des infrastructures sur une période donnée et dans des agglomérations volontaires. Ces expérimentations pourraient également s'appuyer sur l'utilisation de monnaie électronique, pour réguler aussi bien le stationnement que la circulation des automobiles.

Enfin, je veux dire un mot de la politique du stationnement. L'Association des maires des grandes villes s'est prononcée à l'unanimité pour que cette question soit traitée dans une perspective franche de décentralisation.

Si je me félicite, à cet égard, des adjonctions proposées par le Gouvernement dans ce domaine, le changement attendu ne sera véritablement significatif, à notre sens, qu'avec la dépénalisation des amendes forfaitaires de 75 francs, qui sont actuellement l'objet de procédures beaucoup trop complexes et beaucoup trop éloignées des décideurs locaux.

En dépénalisant ces amendes, vous redonnerez aux maires à la fois des responsabilités - et ils sont prêts à l es assumer - mais aussi des possibilités d'action beaucoup plus fortes. Cela présentera trois avantages : une meilleure gestion de l'espace public, la possibilité de faire varier le niveau des amendes et une meilleure rotation du stationnement.

Même si ces mesures nouvelles ne sont pas toujours toutes populaires, une telle politique irait dans le bon sens et permettrait d'accomplir un progrès considérable en faveur du financement des transports en commun.

Cela viendrait compléter la très bonne nouvelle que vous avez annoncée hier concernant le doublement du budget des transports en commun dès 2001.

M. le président.

C'est votre conclusion, monsieur Destot.

M. Michel Destot.

En tout cas, nous devons tous nous battre pour rattraper notre retard en matière de politique de déplacements dans les agglomérations françaises. C'est la condition d'un renouvellement urbain porteur à la fois de solidarité sociale, de progrès économique et de développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. Jean-Marie Morisset.

Messieurs les ministres, nous apprécions la volonté du Gouvernement de vouloir simplifier les démarches et les procédures actuelles en termes d'urbanisme. Nul n'ignore, en effet, les difficultés auxquelles sont confrontés les élus lorsqu'ils désirent concevoir ou modifier leurs documents d'urbanisme.

De la même façon, les citoyens n'échappent pas aux méandres de l'administration, lorsqu'ils sont concernés par des procédures d'urbanisme. Quant aux recours juridiques, sans cesse plus nombreux, et sans être toujours justifiés, ils ne s'attachent bien souvent qu'à la forme, et non au fond.

Aussi, sommes-nous favorables à une loi de simplification. Cependant, si, à la lecture de votre projet de loi, nous observons bien quelques changements intéressants, il n'en reste pas moins un certain nombre de points relativement flous et parfois obscurs.

Les longues discussions que nous avons eues en commission sur plusieurs articles démontrent à l'évidence qu'il n'est pas bon de légiférer dans la précipitation et dans l'urgence. Comme vous, nous sommes favorables aux solutions qui prennent en compte les problèmes des banlieues urbaines. Comme vous, nous souhaitons rendre prioritaires les quartiers cumulant les handicaps économiques, sociaux et culturels.

M alheureusement, les dispositifs proposés sont complexes et il est à craindre qu'ils ne permettent ni d'atteindre ces objectifs ni de définir un meilleur équilibre des agglomérations.

Vous reconnaîtrez, en effet, qu'il s'agit essentiellement de dispositifs souvent techniques, dont la lisibilité n'est pas évidente. Nous devons nous assurer en permanence que les outils proposés - schéma de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme, plans de déplacements urbains, programmes locaux de l'habitat, charte de développement - sont en cohérence avec les compétences, les responsabilités et les périmètres d'intervention de chacune des instances - Etat, conseil général, pays, communautés urbaines, communautés d'agglomération, communautés de communes et enfin communes.

Je ne retiendrai qu'un exemple : la charte de développement de la loi Voynet qui va permettre au pays de contractualiser avec l'Etat et la région, tout particulièrement sur le logement, dans le cadre du volet territorial du contrat de plan. Le Premier ministre lui-même l'a confirmé dans les mandats de négociation adressés aux préfets de région. Mais quelle logique y a-t-il, monsieur le ministre, dans ces deux approches bien différentes : une loi qui permet de contractualiser et une autre qui envisage de sanctionner ? Cet empilement des dispositifs, des périmètres, des instances explique les nombreuses interrogations de la commission et le nombre des amendements visant à clarifier les procédures et les responsabilités.

Vous indiquez, par exemple, que les schémas de cohé-r ence territoriale, c'est-à-dire les schémas directeurs actuels, seront des documents de planification, définissant des objectifs que devront prendre en compte les PLU, c'est-à-dire les plans d'occupation des sols actuels. Pourquoi pas ? Mais, vous devez savoir qu'actuellement la plupart des schémas directeurs ne sont que des documents d'assemblage des POS. Il est donc à craindre que les plans locaux d'urbanisme produisent les schémas de cohérence territoriale.

Par ailleurs, le fait que différents dispositifs compatibles n'aient pas le même périmètre d'application, risque d'entraîner incompréhension entre instances et allongement des délais.

Un travail important reste donc à entreprendre pour la mise en place des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d'urbanisme, des programmes locaux de l'habitat et des plans de déplacements urbains. Les services des directions départementales de l'équipement auront-ils les moyens suffisants pour assister les collectivités dans toutes ces démarches ? Vous le savez, le renouvellement urbain contraint à appréhender le bâti comme un élément d'une globalité vivante. Cela nous amène à nous interroger parfois sur la qualité de l'architecture, prise dans son ensemble, afin d'éviter les paysages dégradés, sans identité, voire les quartiers tous bâtis sur le même aspect. Or rien n'est évoqué en termes de projet architectural sinon une presque totale liberté au maître d'ouvrage et maître d'oeuvre.

On peut regretter également l'absence évidente de prise en compte du monde rural sauf à obliger les collectivités à intégrer les schémas de cohérence territoriale. Mais, dans ce cas, quelles assurances auront-elles pour la prise en compte de leurs préoccupations qui sont parfois contradictoires avec les intérêts des unités urbaines.

J'en arrive au second aspect de votre projet de loi.

Vous souhaitez, comme nous tous, qu'il y ait des logements sociaux en nombre suffisant dans toutes les agglomérations et les communes.

Or s'agissant du logement social, force est de constater que les objectifs fixés par votre gouvernement dans ce domaine depuis 1997 n'ont pas été respectés. Vousmême, monsieur le ministre, ne manquez pas d'ailleurs de rappeler régulièrement les mauvais résultats de la construction sociale et très sociale. Cela a justifié la circulaire adressée aux préfets le 31 janvier dernier pour leur rappeler que la relance de la production de logements l ocatifs sociaux sera leur priorité absolue pour l'année 2000.

Si votre objectif est donc fort louable, votre méthode est pour le moins étrange. En effet, vous concevez d'en haut, vous centralisez, vous décidez des mesures autoritaires. Affirmer qu'il faut 20 % de logements locatifs sociaux reste une mesure arbitraire. Pourquoi 20 % ? Pourquoi ne pas prendre en compte la diversité des situations locales ? Pourquoi ne pas s'appuyer sur les besoins réels exprimés par les ménages ? Certes, il importe de rééquilibrer le territoire. Mais il faut alors aller jusqu'au bout de la démarche en diminuant le nombre de logements sociaux là où ils sont trop denses. Il est donc difficile de raisonner par commune aus ein d'une même agglomération. Il faut analyser l'ensemble de l'agglomération à partir d'études objectives prenant en considération le besoin déterminé par le marché locatif global à l'intérieur duquel se situe le marché du locatif social et la propension à l'accession à la propriété.

En fait, le dispositif proposé semble avoir été prévu pour la région parisienne. Nous le démontrerons à l'occasion de la discussion d'un amendement qui prévoit de porter le seuil à 3 500 habitants, sauf pour les communes de la région parisienne, là où le marché est très tendu mais ne correspond certainement pas à des besoins sur le territoire national.

En province, un parc privé important existe et remplit un rôle social et économique non négligeable. Il est diffus et bien réparti géographiquement. Il faut en tenir


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compte, sinon la concurrence aboutira à générer de la vacance, soit dans le parc privé, soit dans le parc public, les deux ayant d'ailleurs bénéficié d'aides publiques. Il apparaît donc indispensable de prendre en compte le parc privé pour définir les objectifs et aboutir à un meilleur équilibre du logement social sur le territoire de chaque bassin d'habitat.

Il existe d'ailleurs un outil relativement approprié pour faciliter les prises de décision : le programme local de l'habitat qui permet de réaliser des estimations quantitatives et qualitatives sur les types de logements et leur répartition. L'utilisation préalable de cet outil aurait pu permettre, avant de définir un éventuel quota, d'aboutir à un projet de loi plus imaginatif et basé sur la contractualisation.

Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur les seuils de population retenus. Pourquoi, en effet, imposer une commune de 1 500 habitants dès lors qu'elle fait partie d'une unité urbaine, alors qu'une commune de 40 000 habitants située dans le même département sera exclue du dispositif ? Pourquoi imposer une commune qui fait partie d'une communauté d'agglomération, alors que l'établissement public à laquelle elle appartient possède un taux de logements sociaux parfois supérieur à 30 % Nous regrettons que, pour arrêter le nombre de logements sociaux manquants, la contribution financière, les objectifs et l'engagement triennal, l'approche se fasse au niveau de chaque commune concernée. Il est vrai toutefois que, dès lors que la commune fait partie d'une communauté, le projet de loi l'oblige à lui verser sa contribution pour permettre de réaliser les logements sociaux manquants que l'EPCI déterminera.

Ainsi que nous l'avons dit en commission, cette confusion ne sera pas facile à gérer. Dans un premier temps, on sanctionne financièrement la commune, alors que, dans la majorité des situations, elle n'aura le pouvoir ni de fixer les objectifs, ni de les planifier et encore moins de prendre les moyens pour les réaliser.

Il faut se rappeler, en effet, qu'une commune qui adhère à une communauté a transféré la politique du logement social dans son ensemble. C'est une compétence obligatoire pour les communautés urbaines et les communautés d'agglomération.

Vous nous avez proposé, monsieur le ministre, d'enrichir le débat. Nous le ferons dans un esprit de responsabilité et de cohérence. L'ensemble des amendements à l'article 25 viseront à proposer que, dès lors qu'une commune fait partie d'une communauté, l'approche devra se faire au niveau de l'établissement public pour définir les communes retenues dans le dispositif, calculer le montant de la contribution, arrêter les orientations et fixer le calcul de l'objectif triennal.

Il faut, en effet, défendre jusqu'au bout la cohérence de la loi Chevènement dont l'objectif est de renforcer et de simplifier la coopération intercommunale.

Comment expliquer que le Gouvernement décide d'inscrire ce projet de loi dans la continuité de la loi Chevènement alors que le dispositif proposé ne tient pas compte des nouvelles instances rendues prioritaires ? Comment imaginer de raisonner au niveau de la seule commune alors que l'outil de planification et de programmation se situe au niveau du programme de l'habitat mis en place et géré par la communauté ? Comment obliger une commune à verser sa contribution à la communauté pour réaliser des logements sur son territoire sachant qu'elle n'aura pas l'assurance de la réalisation effective desdits logements ? Nul n'ignore, en effet, qu'il est impossible pour une collectivité d'affecter dans son budget une recette à une charge.

Comment imaginer de sanctionner ou de constater la carence d'une commune sur une compétence qu'elle a transférée à la communauté ? Elle devra payer sur son budget mais n'aura ensuite ni le pouvoir de décider, ni celui de prévoir ou de programmer. De surcroît, la procédure ne prévoit pas qu'elle puisse s'expliquer ou se justifier.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les pénalités financières relativement dissuasives ne vont pas inciter certaines communes à lancer dans la précipitation des programmes massifs de logements sociaux, faiblement équipés et de qualité médiocre ? Ne faut-il pas s'attendre à ce que, dans certaines collectivités, du fait de l'urgence et dans un souci d'économie, ces programmes, probablement sous-équipés, soient localisés à l'écart des centres de consommation ou de production ? Il y aurait alors une contradiction évidente avec la politique de la ville actuelle, qui vise précisément à promouvoir la qualité du bâti, à partir de petits programmes, bien desservis par les transports, et à installer des équipements et des services de proximité.

Quant à la mixité sociale, elle ne peut se développer qu'à travers des interventions ciblées, de petites opérations bien réparties spatialement à l'intérieur même des quartiers. Le logement social est une question bien trop délicate pour la résoudre seulement par des obligations de quotas.

M. le président.

Il vous faut conclure, monsieur Morisset !

M. Jean-Marie Morisset.

Je termine, monsieur le président. Les financements engloutis par une politique de construction intensive, probablement sans augmentation significative du budget, auront sans aucun doute des répercussions sur les engagements de l'Etat en milieu rural.

Vous le savez, une petite commune, pour laquelle un logement locatif social joue pleinement son rôle de logement de transition vers l'accession à la propriété, se voit soumise à toujours plus de conditions et obligée d'utiliser plus de moyens qu'elle ne peut en donner, et ce malgré sa bonne volonté. Même avec la mise en place récente du prêt locatif à usage social, les plans de financement sont souvent difficiles à boucler pour des opérations en milieu rural.

Alors, êtes-vous en mesure de garantir aux communes rurales une simplification des procédures, ainsi que des engagements financiers suffisants ? La solidarité et le renouvellement urbain sont indissociables du milieu rural.

M onsieur le ministre, vous désiriez probablement mettre en oeuvre une refonte des procédures administratives et introduire plus de solidarité et certainement plus de qualité de l'urbain. A la place, vous nous soumettez un texte qui ne bouleverse que peu de choses, et sans garantie sur leur application concrète.

Si l'on s'en tient à son intitulé, ce projet de loi est relatif au renouvellement urbain. Mais n'aurait-il pas fallu d'abord imaginer un texte de fond, qui traite le problème dans sa globalité en intégrant milieu urbain et milieu rural, un projet de vie dans lequel chacun ait sa place ? Le renouvellement urbain, oui, mais à condition qu'il soit affirmé de manière plus claire. La solidarité, oui, mais en tenant compte de la diversité des situations locales. Monsieur le ministre, la solidarité ne se décrète


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pas avec des quotas, elle ne s'impose pas sous la contrainte. La solidarité se vit et se partage dans la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'équipement, monsieur le secrétaire d'Etat au logement, chers collègues, les principes énoncés dans le projet de loi devraient être salutaires pour un rééquilibrage entre les villes et les campagnes, dont la traduction en chiffres devrait voir une évolution du rapport actuel de 80 %-20 % vers un rapport de 70 %-30 % dans les cinq ans à venir. A mon avis, c'est possible.

J'habite une région frontalière qui a la chance de bénéficier de l'influence des deux cultures française et allemande. Cela nous permet de faire des comparaisons instructives, de prendre chez nos voisins ce qui est bon et de laisser ce qui relève de l'erreur.

L'Allemagne, pour citer son exemple, a ceinturé ses villes depuis dix ans en les obligeant à des développements intra-muros fondés sur la mixité de l'habitat, notamment inter-générations, laissant ainsi la possibilité aux citadins d'aller s'installer en milieu rural, ce qu'ils font facilement, y compris en France, sans doute parce qu'il y a moins de contraintes que chez eux. Je me réjouis de trouver dans l'esprit de votre projet, sauf erreur d'analyse de ma part, des orientations analogues qui permettront d'obtenir un développement cohérent de notre territoire national.

Je suis également favorable à la diversification des moyens de transport et à un retour massif aux transports collectifs.

En ce qui concerne le principe numéro deux, « démocratie et décentralisation », j'aurais souhaité que le Gouvernement reprenne un projet ancien de créer des conseils de quartier. Les deux plus petites communes de ma circonscription comptent chacune douze habitants, dont neuf électeurs et neufs conseillers municipaux. Il y a de la suradministration mais, au moins, pas de quartiers en difficulté. (Sourires.)

Par rapport à cela, il est incompréhensible que des quartiers de 10 000 ou 20 000 habitants n'aient pas la moindre représentation par manque de droit de vote. Le conseil de quartier constituerait là, pour les municipalités, un interlocuteur représentatif.

Le principe de solidarité me paraît de rigueur, y compris dans les villes de moindre importance, et le seuil de 50 000 habitants m'apparaît très élevé pour l'application des dispositions relatives à la solidarité entre les communes en matière d'habitat qui sont ciblées dans l'article 25.

En ce qui concerne les objectifs, l'une de mes inquiétudes, dont j'ai pu constater qu'elle était partagée, concerne la définition du schéma de cohérence territoriale.

Les groupements de communes, de villes ou d'agglomérations ayant désormais la compétence d'aménager l'espace, je considère qu'il faut leur faire confiance et ne pas leur imposer des contraintes administratives trop lourdes qui nécessiteront des moyens en personnels et poseront fatalement des problèmes. A titre d'exemple, le département de la Moselle, que je représente ici, a recentralisé les autorisations de lotir au niveau du chef-lieu départemental. Deux fonctionnaires y sont préposés, qui sont totalement débordés. De ce fait, j'attends depuis trois ans un permis de lotir pour dix parcelles.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est comme si c'était fait !

M. Aloyse Warhouver.

Cela pour vous dire que le bon échelon d'administration reste, à mon avis, l'arrondissement avec sa subdivision de l'équipement. Ne recentralisez pas davantage, messieurs les ministres ! Pour la transformation des POS en PLU, il conviendrait de savoir comment passer juridiquement de l'un à l'autre sans recours administratifs continuels, cela a été dit. Quand faut-il arrêter les révisions des POS en cours ? Cela fait l'objet d'une question écrite que je vous ai transmise, monsieur le ministre, et à laquelle vous répondrez sans doute.

En ce qui concerne la carte communale, je pense qu'il faut la rendre obligatoire et je vais insister sur ce point qui me concerne particulièrement en tant que député d'une circonscription qui compte 240 communes rurales.

Quel est le problème qui se pose actuellement au développement des villages ? Nous nous heurtons aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article L. 111-3 du code rural qui ont instauré ce que les agriculteurs appellent la réciprocité : si une exploitation agricole relevant des établissements classés doit être distante de 100 mètres des maisons d'habitation, celles-ci ne peuvent s'approcher à moins de 100 mètres des fermes.

Or, dans beaucoup de régions, et particulièrement en Lorraine, les fermes se sont installées à l'extérieur des agglomérations, encouragées par des subventions. Il en résulte que certaines localités sont totalement encerclées par des établissements classés et n'ont plus aucune possibilité d'extension. Il existe des cas flagrants.

Lorsque ces établissements classés sont à l'intérieur des villages, le problème s'en trouve aggravé car cela crée dese spaces inoccupés qui rendent l'habitat discontinu, contrairement aux prescriptions des MARNU.

C'est pourquoi je pense qu'en obligeant, par la carte communale, les élus à prévoir où ils pourront se développer et autoriser des établissements classés à s'installer, nous n'aurons plus à connaître de tels problèmes.

Monsieur le ministre, il faut repenser la logique de l'habitat rural. Les exploitants, pour des « nécessités de service », doivent pouvoir habiter au milieu de leur ferme et les villageois pouvoir construire dans les espaces disponibles sans trop de contraintes.

Aussi, je propose, par un amendement, que les cartes communales deviennent obligatoires et que les conseils municipaux aient la compétence de déterminer les zones constructibles sans être obligés de se déplacer au chef-lieu départemental pour expliquer un problème rural que la loi ne pourra régler - tant il y a de diversités - mais que le bon sens populaire saura résoudre.

Pour les autres dispositions, je n'ai pas de remarques autres que celles qui ont été formulées.

Je voterai ce texte sous réserve de l'adoption d'amendements introduisant des solutions un peu plus pragmatiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul.

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains introduit d'emblée la notion forte et décisive pour l'avenir de l'intérêt général du « mieux-vivre en ville ».


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La ville de demain sera plus sereine, mieux organisée.

Elle ne tournera plus le dos à ses consoeurs péri-urbaines, au contraire. Dans le vaste débat du schéma de cohérence territoriale, celles-ci seront intégrées dans cette problématique absolue d'une ville, d'une agglomération adaptée aux femmes et aux hommes, propice à l'animation, au commerce, à la sécurité, et propre grâce à l'usage de modes de transport non polluants et durables.

Je m'attarderai volontiers sur cette partie du texte qui est porteuse de beaucoup de progrès : en matière de déplacements en ville, stationnement, livraisons, organisation des voies urbaines, plans de mobilité, PDU prescriptif.

Le projet de loi répond globalement aux nécessités actuelles. Tel est d'ailleurs l'avis que le Conseil supérieur du service public ferroviaire a émis hier par un vote très largement majoritaire.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Très bien !

M. Jean-Jacques Filleul.

Il approuve les principes généraux qui fondent le projet de loi. Je sais, monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, que vous y êtes très sensible, car la composition de ce Conseil supérieur rend pertinent le contenu de cet avis.

Celui-ci salue la recherche, pour la première fois, d'une cohérence entre urbanisme et déplacements ; l'affichage de l'objectif de mise en oeuvre d'une politique de déplacements au service du développement durable et de la cohésion sociale ; la clarification du rôle des autorités organisatrices de transports ; la mise en cohérence des politiques sectorielles sur les aires urbaines ; l'engagement d'une première étape vers l'alignement de l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France sur l'organisation des transports en province ; le renforcement de la décentralisation par le transfert aux régions de l'organisation des services régionaux de voyageurs et la relance du transport ferroviaire, en rapprochant les décisions des besoins des usagers.

Le texte, évidemment complexe, du projet de loi illustre bien le choix du Gouvernement de la qualité pour les acteurs de la vie urbaine et péri-urbaine. Les politiques urbaine et de transports restent, en France, malheureusement trop cloisonnées face à une expansion urbaine difficilement maîtrisée et à la mobilité de plus en plus forte de la population sur des territoires plus étendus et diversifiés. Il apparaît nécessaire d'adapter les instruments juridiques permettant de dépasser les logiques sectorielles. Les plans de déplacements urbains ont pour vocation essentielle la définition d'un système global de déplacement de personnes et de transport de marchandises dans les périmètres de transports urbains, dans un objectif de diminution du trafic automobile.

Le projet permet aussi aux autorités organisatrices de transports de prolonger leurs actions en se regroupant au sein de syndicats mixtes. La possibilité d'ouvrir cette collaboration à la région, au département, en intégrant la communauté d'agglomération, rend opérationnelle, s'il y a volonté locale d'exercer sur un plus grand territoire, la coordination de leurs réseaux de transports respectifs. Ils pourront la réaliser en bénéficiant d'une ressource spécifique : le versement transport. Ce financement illustre bien la volonté gouvernementale d'inciter à la participation à des missions d'intérêt commun, telles que la tarification harmonisée, l'offre nouvelle de transports sur des zones péri-urbaines, l'organisation de systèmes de rabattement, la création de pôles d'échanges entre réseaux, le covoiturage organisé.

Les expérimentations engagées en 1995 ont permis aux six premières régions d'installer un partenariat fort et créateur dans le domaine de compétence des transports ferroviaires régionaux. Elles ont constitué des instruments de développement pour la SNCF et pour les collectivités.

Le TER est ainsi devenu l'un des moyens affirmés du transport collectif, contribuant largement à la relance nationale du mode ferroviaire dans notre pays.

Ce projet de loi marque une nouvelle étape dans la volonté de décentralisation, d'ailleurs reconnue sur les bancs de l'opposition, et met le ferroviaire au coeur de l'intermodalité. Le renouveau du ferroviaire a montré combien l'ancrage local du chemin de fer était un gage essentiel pour l'avenir. L'amélioration du service à l'usager passe par une clarification des responsabilités entre le décideur et le prestataire de services tout en assurant la cohérence et l'unicité du système ferroviaire dont l'Etat reste le garant.

Les succès enregistrés dans certaines régions, particulièrement la région Centre dont je suis issu, devaient conduire à généraliser la compétence ferroviaire régionale.

Les débats autour de cet aboutissement furent marqués par des objections fortes des régions, portant notamment sur l'impossibilité pour la SNCF de présenter des comptes suffisamment précis pour assurer la bonne exécution des diverses conventions passées entre la société nationale et les régions. Il paraît aujourd'hui que ces obstacles seront levés par la volonté de la SNCF de répondre au rendez-vous de la fin 2000 par des comptes agréés et expertisés.

Il reste, monsieur le ministre, que des réponses devront être apportées à la question centrale du financement des transports collectifs urbains et péri-urbains compte tenu des besoins exprimés par les régions.

Je sais que vous ne prenez pas ce problème à la légère.

Toutefois, les parlementaires se heurtent à des blocages continuels de Bercy à propos du reversement d'une part de TIPP qui viendrait utilement accroître les moyens susceptibles de multiplier les initiatives sur le territoire.

Pourquoi, en effet, ne pas affecter le surplus de rentrées fiscales de la TIPP stimulées par la croissance, qui pourraient représenter, selon certains, 4 à 5 milliards de francs, aux moyens d'investissements structuraux pour les régions ? En ce qui concerne la tarification sociale, j'insisterai pour qu'elle puisse s'appliquer à tous les transports collectifs sur la base de règles nationales. L'unification tarifaire, le droit aux transports sont des instruments fédérateurs qui garantissent une égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire. Je reprends sur ce point une proposition du CSSPF qui propose d'étudier, après analyse de l'existant, la mise en place d'un fonds régional qui, comme les fonds de solidarité logement, fournirait des aides à l'accès aux transports collectifs soumises à plafond de ressources.

Pour revenir à la réforme du TER, la création des comités des lignes permettrait d'exercer une vertu de service public : être proche des utilisateurs. La possibilité offerte dans le texte de loi inciterait à cette nécessité de rassembler les acteurs de terrain.

L'extension de la compétence ferroviaire oblige à veiller particulièrement à la cohérence du système ferroviaire et du système tarifaire. A cet effet, il convient, premièrement, de définir les services ferroviaires de voyageurs d'intérêt national, ce qui permet de mieux délimiter le périmètre de compétence de la région. Deuxièmement, de rendre l'Etat partie prenante aux conventions interrégionales afin de garantir que les services d'intérêt régio-


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nal n'empiéteront pas sur les services nationaux. C'est un peu complexe, mais cela fait bien partie des problèmes posés aujourd'hui. Troisièmement, d'encadrer le principe de la liberté tarifaire des régions afin de sauvegarder la cohérence et l'articulation entre tarifs régionaux et tarifs nationaux.

Dans un autre ordre d'idée, lorsque des services ferroviaires devront être transférés sur la route, la SNCF devra, à mon sens, être chargée de la continuité des services.

S'agissant de la gestion de l'affectation des sillons, s'il y a conflit entre une région et la SNCF, un amendement adopté en commission fixe clairement la responsabilité du ministre des transports - la vôtre, monsieur le ministre pour trancher les litiges.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je trancherai !

M. Jean-Jacques Filleul.

Tout autre dispositif, soit alourdirait le processus, soit irait à l'encontre de la cohérence du réseau national et de son exploitation.

M. Francis Delattre.

Ça c'est de la décentralisation !

M. Jean-Jacques Filleul.

Le CSSPF recommande également que le contenu du service public de transport régional soit défini par la région en concertation avec la SNCF. Il paraît judicieux, en effet, que la relation de partenariat qui a présidé à l'élaboration des conventions dans les régions expérimentales soit maintenue dans le cadre de la généralisation. Pour conclure sur ce point, la loi ne devrait-elle pas aussi traiter des questions relatives à l'infrastructure ferroviaire et au rôle de RFF dans ces conventions ?

Il faudra également bien arbitrer sur la gestion des circulations ferroviaires, car il y a des choix à faire entre la circulation des voyageurs et le trafic du fret. De même, se pose, pour tous ceux qui souhaitent consolider le système ferroviaire, le rôle éminent de RFF dont les choix d'investissement ont un impact important sur la qualité des services que la SNCF conventionne avec les régions. En ce qui concerne les points de conventionnement, j'insiste sur la question de l'évaluation des péages d'infrastructures ferroviaires pour qu'ils ne pénalisent pas les relations contractuelles entre les régions et la SNCF.

Par voie amendement, nous avons décidé que les deux compensations de transfert de compétences prévues dans la loi et prises en compte dans la DGD régionale puissent être complétées par le Gouvernement par une dotation annuelle nécessaire à la mise à niveau des gares relevant en tout ou partie du service régional.

Cette partie du projet sur les déplacements est une pièce maîtresse du dispositif. Si nous allons au fond des sujets abordés en enrichissant certains articles, c'est bien pour affirmer notre volonté, monsieur le ministre, de participer au grand mouvement engagé par ce texte, « pour mieux vivre en ville et autour de la ville ». Mais c'est aussi avec l'intention de consolider nos textes législatifs, en marquant une grande vigilance - comme vous d'ailleurs - quant au projet de règlement européen sur les obligations de service public relatives au transport de voyageur par voie ferrée, par route et par voie navigable, dont nous souhaitons qu'il ne soit pas préjudiciable au service public de transports.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul.

Pour conclure, je me réjouis, monsieur le ministre, de l'effort considérable que vous avez annoncé hier pour les transports en commun. Ce milliard supplémentaire est à la hauteur des enjeux de notre société, et je dirai même presque inespéré pour ceux qui, comme moi, travaillent sur cette question.

Tout cela est de bon augure pour la réussite de cet important projet au service de nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour cinq minutes.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté ce matin sur la solidarité urbaine présente plusieurs défauts. J'en soulignerai deux ou trois au cours du bref temps de parole qui m'est imparti.

Première caractéristique et premier défaut, l'affaiblissement du rôle des élus locaux.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est inexact !

M. Jean-Luc Warsmann.

Dès son article 1er , le projet de loi prétend renforcer le rôle du préfet et des services de l'Etat. Dois-je rappeler, mes chers collègues, les difficultés que nous rencontrons dans nos départements respectifs, où nos interlocuteurs au niveau de l'Etat sont souvent en sous-effectif et ont un mal extrême à répondre aux sollicitations, notamment dans les services d'instruction des permis de construire ou de lotir ? Mon collègue Warhouver s'en est, d'ailleurs, déjà plaint.

C ompte tenu des difficultés de fonctionnement actuelles sur le terrain,...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

On va embaucher ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

... je ne peux qu'être inquiet devant un texte qui renforce encore le rôle de l'Etat ! Il affaiblit, disais-je, le rôle des élus locaux, alors même qu'ils bénéficient précisément de l'image la plus positive auprès de nos concitoyens et qu'ils pourraient, à ce titre, être porteurs de la modernisation et des réformes de l'urbanisme.

Monsieur le ministre, nous aurions préféré une loi fondée sur la contractualisation cherchant à convaincre les élus locaux de signer des engagements réciproques.

Au lieu de cela, vous partez dans une logique de seuils qui montre ses limites, voire son absurdité dans certains cas. A quoi rime, en effet, de vouloir imposer des constructions de logements nouveaux dans des communes où il n'y a plus de terrains disponibles ? A quoi rime de viser certaines communes du fait de la taille de l'agglomération dont elles sont membres et d'en laisser d'autres de côté ? M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Citez des exemples !

M. Jean-Luc Warsmann.

Deuxième reproche que nous faisons à ce projet, celui de la « redensification », contraire aux grandes orientations d'urbanisme qui devraient être suivies.

L'enjeu est aujourd'hui de sortir de l'urbanisme des années 50 et 60 et, disons-le clairement, de lancer, en matière de logement social, des opérations de rénovation, de destruction et reconstruction des cités difficiles à vivre.

Aujourd'hui, vous nous proposez d'introduire un quota obligatoire de 20 % de logements sociaux, alors même que nous n'avons jamais construit aussi peu de logements sociaux en France.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. le ministre délégué à la ville.

Justement !

M. Jean-Luc Warsmann.

Les crédits que vous proposez chaque année dans les budgets ne sont jamais consomm és. Nous arrivons à peine à financer 40 000 à 50 000 logements sociaux.

M. Daniel Marcovitch.

51 000 !

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous n'avons jamais consommé aussi peu de crédits ; nous n'avons jamais aussi peu construit et nous ne détruisons que 4 000 logements par an environ. Nous sommes très loin de ce qui serait nécessaire pour satisfaire les besoins. Au lieu de vouloir rendre obligatoire un quota, il serait beaucoup plus judicieux de s'interroger sur la non-utilisation des crédits.

J'ajoute que les limites de telles propositions apparaissent dans des départements comme le mien. Au cheflieu et aux deux communes limitrophes concernées, on va réclamer 71 000 et 90 000 francs par an. Cela me semble bien éloigné du nécessaire rééquilibrage de l'urbanisme dans les départements du type des Ardennes. Au moment où l'on souhaite rétablir l'équilibre entre le monde urbain et le monde rural, au moment où l'on tient des discours sur la sauvegarde du service public dans les zones rurales, il serait incohérent de ne pas se doter des outils adaptés pour favoriser l'urbanisme dans le monde rural.

Enfin, je suis frappé, comme beaucoup de collègues, par la tendance au très grand conservatisme qui semble prévaloir en matière d'urbanisme, tout simplement à cause de la complexification des procédures et de la multiplication des recours. Certes, il est légitime d'associer à cette action les mouvements, les associations intéressés et de développer la concertation. Toutefois, ne soyons pas naïfs : nous savons très bien que certaines associations ne sont créées que pour défendre quelques intérêts particuliers, pour geler ou retarder des programmes.

M. Gilles Carrez.

C'est très réaliste !

M. Daniel Marcovitch.

Parlez-en au maire du Vésinet !

M. Jean-Luc Warsmann.

Aucune réflexion n'a été engagée sur ce sujet. Je crains même que la complexité des nouveaux outils que vous mettez en place et dont nous parlerons en détail dans la discussion des articles ne donne de nouveaux moyens aux procéduriers pour bloquer l'ensemble des modifications. Or leur action est surtout motivée par le conservatisme, c'est-à-dire qu'elle incite à ne rien faire.

En la matière, il y aurait eu place pour une autre politique, dans une autre direction, associant les élus locaux, développant la contractualisation, concernant l'ensemble du territoire national, et non pas seulement quelques secteurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi, porteur d'une triple ambition de cohérence, de solidarité et de démocratie, revêt à nos yeux une très grande importance.

En effet, exigence de solidarité, exigence de développement harmonieux des villes et des territoires sont à l'évidence indispensables à la réalisation de l'objectif majeur de réduction des inégalités sociales et spatiales qu'il se fixe.

Depuis trop longtemps, l'ampleur des difficultés dont souffrent cruellement bon nombre de nos concitoyens, l'apartheid spatial dont ils sont de surcroît les victimes, ajoutent la « mal-ville » à la « mal-vie », la mise au ban territoriale à l'exclusion sociale. Ces deux maux se nourrissent pour amplifier leurs conséquences, jusqu'à les rendre souvent insupportables. Il était grand temps d'ouvrir les chantiers du renouvellement urbain, du développement cohérent, de l'aménagement solidaire.

La tâche est considérable, monsieur le ministre Gayssot. Vous avez eu le courage de l'affronter. Nous nous en félicitons.

Construire la ville de demain avec la préoccupation constante de son développement durable, combattre toutes les formes de ségrégation, construire, sur ce terrain aussi, de nouvelles solidarités, épanouir les valeurs de fraternité et de partage, c'est votre volonté, c'est la volonté du groupe communiste. Pour y parvenir, il n'est d'autres chemins que ceux qui conduisent à rendre les territoires aux citoyens, à rendre la ville aux habitants.

Notre conviction est depuis longtemps établie : il n'est de bon projet de reconquête urbaine et sociale de développement solidaire que ceux portés par la volonté partagée des populations auxquelles ils sont destinés. On ne fait pas le bonheur des femmes et des hommes à leur place ; on le construit avec eux ou l'on se condamne à l'échec.

La présence des citoyens coconstructeurs de leur ville et de leur vie dans la ville reste depuis longtemps, pour nous, la plus sûre des garanties d'une traduction efficace des objectifs généreux de ce projet de loi dans la vie quotidienne de nos concitoyens. A ce titre, monsieur le ministre, nous souscrivons totalement à votre souci de privilégier le dialogue et le débat public sur les procédures. Nous partageons tout à fait votre volonté d'améliorer sensiblement l'information des citoyens.

C'est sans doute aussi pourquoi, monsieur le rapporteur, vous avez pris en compte les objectifs que nous poursuivions, en souhaitant élargir et renforcer les modalités de concertation pour qu'elles permettent une réelle prise en compte des aspirations et des besoins de l'ensemble des populations concernées. Pour une part, vous avez été sensible à nos arguments et avez accepté quelques-unes de nos suggestions. Nous vous en remercions.

Je suis convaincu que le débat qui s'ouvre nous permettra de nous faire entendre encore mieux, notamment lorsque nous suggérons, par exemple, qu'un diagnostic urbain démocratiquement organisé initie la phase d'élabo-r ation des schémas de cohérence territoriale. Nous sommes persuadés qu'il serait le meilleur moyen d'affirmer à la fois les besoins d'intérêt commun et, comme vous le souhaitez, de participer à la résorption des nids à contentieux que vous redoutez légitimement. Il le pourra, simplement parce qu'il aura permis, bien en amont de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale, de faire s'exprimer les aspirations et les besoins d'apprécier les dysfonctionnements et les atouts des territoires concernés afin de mieux poser les prescriptions attendues par les élus et les populations.

La cohérence territoriale, la solidarité spatiale ne pourront trouver leur pleine réalisation que dans des projets de dimension intercommunale. Telle est notre conviction et c'est précisément pour cela que notre intention n'est nullement et dans aucune de nos propositions d'amendements de contrarier cet objectif. Nous tenons au contraire à en assurer le plein épanouissement. Y parvenir suppose impérativement que l'on privilégie le dialogue et la construction partenariale à la contrainte qui est souvent source de conflit et de blocage.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

Cela est possible sans rien céder à la responsabilité de l'Etat et des devoirs de la République d'assurer les objectifs de mixité et d'égalité de traitement des citoyens et des territoires qui ont fort heureusement nourri le projet de loi du Gouvernement.

Cela est nécessaire car l'efficacité dans la mise en oeuvre de la coopération intercommunale appelle l'étroite association de chacune des communes concernées à la définition des projets d'aménagement des agglomérations auxquelles elles appartiennent.

M. le président.

Monsieur Vaxès, il faut conclure.

M. Michel Vaxès.

Je termine, monsieur le président. La loi doit garantir l'exercice de cette concertation. A défaut, c'est l'expression même des solidarités intercommunales qui en pâtirait pour, nous le craignons, de longues années encore.

Avant de conclure, permettez qu'une fois encore nous insistions sur la nécessité d'accompagner l'objectif légitime de construction de logements sociaux partout où ils sont insuffisants par des moyens abondant significativement la dotation de solidarité urbaine afin de financer la requalification urbaine, la réhabilitation de l'habitat et l'amélioration des services de proximité aux habitants des villes dont le taux de logement social est particulièrement élevé.

En ce sens, dans les communes dépassant le taux de 35 % de logement social, pourquoi, par exemple, ne pas envisager pour les organismes de logement social une exonération, entièrement compensée aux communes, du foncier bâti avec obligation pour ces organismes de réinvestir l'intégralité de l'économie que permettrait cette exonération dans le parc social des communes concernées ? Nous avons déposé un amendement à cet effet.

M. le président.

Monsieur Vaxès, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Michel Vaxès.

Je revendique, monsieur le président, le même privilège que M. Morisset, mais pour une durée beaucoup plus courte.

Monsieur le ministre, comme l'a rappelé mon amie Janine Jambu, le groupe communiste s'inscrira positivement dans le débat qui s'ouvre, avec la volonté de contribuer à assurer sa pleine efficacité à un projet de loi qu'il juge d'ores et déjà tout à fait positif dans ses intentions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre.

C'est bien la moindre des choses !

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ainsi que cela a déjà été souligné, le projet de loi qui nous a été présenté vise trois objectifs : parvenir à un aménagement plus harmonieux du territoire des communes et des agglomérations, réussir la mixité sociale dans les quartiers en assurant une offre de logements diversifiée en tout lieu, accorder une meilleure place, dans les plans d'urbanisme, aux déplacements collectifs et privés et au stationnement.

L'idée-force commune à ces trois objectifs est de mieux imprégner la ville d'un esprit de solidarité, c'est-à-dire plus respectueux de ce que doit être une démocratie vécue. En écoutant les propos que vous avez tenus sur ce thème, ce matin sur France Inter, monsieur le ministre...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Vous étiez d'accord !

M. Léonce Deprez.

... je me sentais en accord de pensée avec vous. Je pense d'ailleurs que nous sommes nombreux à l'être aujourd'hui sur ce sujet.

Ces objectifs et cette idée-force pourraient et devraient bénéficier d'un soutien très large à l'Assemblée nationale.

Une politique de renouvellement urbain devrait être l'expression concrète de la meilleure définition que je connaisse de la politique : « Mettre l'intelligence au service du coeur ». Il y a en effet de l'intelligence et du coeur dans tous les rangs de cette assemblée. N'est-il pas possible de les mettre à profit pour nous entendre sur les moyens à mettre en oeuvre afin d'atteindre les objectifs de ce projet de loi pour avoir une ville plus humaine ? Les divergences ne tiennent, en effet, qu'aux moyens proposés pour atteindre les objectifs.

Je suis de ceux qui ont déjà mis en oeuvre les objectifs du projet de loi et son idée-force dans leur propre commune. Je pense, comme bien d'autres maires, avoir réussi à démontrer que la diversité sociale dans un même quartier, dans une même commune, dans des résidences voisines, voire dans une même résidence, pouvait et devait aboutir à donner à une ville le caractère d'une véritable commune.

Une commune ne doit-elle pas, en effet, avoir pour sens, pour raison d'être, de permettre de vivre en commun ? La communauté humaine que doit être toute commune naît de cette possibilité, de cet intérêt de vivre en commun. Même les communes dites touristiques, j'insiste sur ce point, - et je l'ai démontré au Touquet doivent être l'expression de cette mixité sociale, de cet h abitat social diversifié pour offrir une atmosphère humaine chaleureuse. Les accueillis ont besoin d'accueillants, heureux de travailler pour le bonheur de vivre des autres. La population accueillie comme la population accueillante doit éprouver le plaisir de vivre ensemble.

Dans la population accueillante, il y a tous les milieux professionnels, y compris des travailleurs aux budgets modestes, parfois très modestes. Chaque foyer de travailleur ne doit pas, pour trouver un toit, c'est-à-dire pour faire jouer son droit au logement, être obligé de se rendre dans une autre commune.

M. le ministre délégué à la ville.

Très bien !

M. Léonce Deprez.

Je suis de ceux qui n'admettent pas les réponses du type : si vous voulez un logement, allez dans la commune voisine.

M. le ministre délégué à la ville.

Très bien !

M. Léonce Deprez.

Je me limiterai, sur un plan plus g énéral, à formuler quelques réflexions pour faire comprendre que nous voulons, pour atteindre les mêmes objectifs, proposer d'autres moyens.

Première réflexion : il faut ouvrir, avec les années 2000, d'autres perspectives que la réalisation de quartiers entiers de logements sociaux. Je crois que tout le monde est d'accord sur ce sujet. Pour me faire comprendre, je vais rappeler une idée que j'ai entendue en commission et que nous pouvons faire nôtre, en commun : il faut substituer une politique sociale du logement à la politique du logement social. Sur cette idée-force, un consensus serait possible ente nous. Quelle bonne idée la population française aurait de l'Assemblée nationale si l'on parvenait à l'obtenir.

La préoccupation sociale d'offrir un logement pour tout budget doit inspirer toute politique d'aménagement du territoire et d'aménagement urbain. Pour mener une politique sociale du logement il faut encourager la production d'un flux privé de logements diversifiés à loyers


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modérés, venant s'ajouter au parc public de logements sociaux, et assurer l'émergence d'une véritable offre d'habitat différent, mais de qualité, dans les quartiers de villes où elle fait défaut, ou dans des quartiers aux logements obsolètes qui imposent un renouvellement urbain.

Les opérateurs privés ont déjà consenti des efforts en ce sens en procédant à des ventes de logements en état futur d'achèvement à des organismes d'HLM ou en offrant des logements destinés à la location ou à l'accession sociale, en particulier dans le cadre d'opérations financées avec le bénéfice d'un prêt pour le logement locatif social, d'un prêt à l'accession sociale, ou encore d'un prêt à taux zéro.

La finalité sociale de tels logements est incontestable.

M. le président.

Acheminez-vous vers votre conclusion, monsieur Deprez.

M. Léonce Deprez.

Il convient aussi de favoriser l'émulation ente sociétés d'HLM et sociétés privées.

Deuxième réflexion : en ce qui concerne la réforme de l'urbanisme, il faut rappeler que la reconstruction de la ville sur le tissu urbain ne peut se faire que dans un environnement juridique stable, garantissant aux opérateurs qu'ils pourront mener à bien leurs projets sans qu'ils soient perpétuellement remis en cause.

A ce sujet, j'exprime des inquiétudes quant à l'obligation de rendre compatibles tous les autres plans d'aménagement urbain avec le schéma de cohérence territoriale.

Elle sera en effet source de contentieux et il faudra, en cas de contestation, l'intervention du juge pour estimer si tel est bien le cas. Ne donnons pas ce pouvoir aux juges.

C'est nous qui devons l'exercer.

Troisième réflexion : même s'il faut assurer la protection de l'acquéreur immobilier, il convient de ne pas discréditer la fonction des professionnels en laissant croire que, lorsque l'un d'entre eux intervient, l'acheteur a besoin de davantage de protection. Les professionnels de l'immobilier doivent, au contraire, aider le vendeur et l'acquéreur dans cette opération importante qu'est la vente.

M. le président.

Il faut terminer, monsieur Deprez.

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, j'avais cinq minutes pour formuler cinq réflexions, laissez-moi au moins présenter la dernière ! Elle concerne l'objectif de cohérence territoriale que nous devrions avoir en commun. A cet égard, monsieur le ministre, je vous propose de réfléchir à cette idée simple : il convient de ne pas décrocher les textes de loi nouveaux des cadres géographiques des structures créées par d'autres lois concernant l'organisation territoriale.

Mon collègue M. Morisset l'a justement souligné. En effet, la création de communautés de communes, de pays, a répondu, à une certaine cohérence territoriale. Par conséquent les schémas de cohérence territoriale ne d evraient-ils pas nécessairement « coller » soit aux communautés de communes, soit aux communautés urbaines, soit aux pays ou aux communautés d'agglomérations ? Je vous laisse réfléchir à cette question, monsieur le ministre.

Si vous répondez à nos observations, si vous acceptez nos propositions et certains amendements essentiels, vous nous donnerez le plaisir et la satisfaction morale de pouvoir voter ce projet de loi qui recueille notre accord sur les objectifs, mais pas encore sur les moyens !

M. le président.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, un regard critique est incontestablement porté sur l'urbanisation des années passées.

M. Francis Delattre.

Vous en avez été l'un des responsables !

M. Yves Dauge.

Mais nous aurions tort de rejeter ce qui a été fait depuis quarante ans et de présenter le modèle urbain qui a prévalu comme détestable et

« intransformable ». Je vous mets d'ailleurs en garde contre un autre modèle, que certains semblent considérer comme alternatif, consistant en des petits pavillons occupés par de petits propriétaires et consommateurs d'espace en périphérie des villes.

Si nous pouvons remettre en cause le modèle des Années Glorieuses - et nous le faisons tous - nous devons reconnaître que beaucoup de constructions lui survivront. Certes, on démolira, mais l'on ne touchera pas à certains quartiers parce qu'ils sont beaux, bien réussis, et que les gens qui y vivent y sont attachés. Il est un peu rapide de tout vouloir balayer d'un revers de main.

Comme certains l'ont dit avant moi, il y a beaucoup de réalisations intéressantes. Et je veux rendre hommage au travail de ceux qui ont construit les villes nouvelles et bien des quartiers que je connais. Je les connais d'ailleurs presque tous pour y être passé dans le cadre de l'exercice de ma profession avant d'être député.

M. Jean-Claude Mignon.

Mais vous n'y vivez pas !

M. Jean-Luc Warsmann.

Oui, il faut y vivre pour en connaître les problèmes !

M. Yves Dauge.

C'est ma première observation. Si nous pouvons critiquer ce qui a été fait ces dernières années, ne nous dirigeons pas vers un autre modèle qui sera pire, fait d'égoïsme, de petites parcelles, de petites maisons, de petites gens, de petits propriétaires. (Protestations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Quel est ce mépris ?

M. Christian Estrosi.

Qu'avez-vous contre les petites gens ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout le monde n'habite pas le XVIe !

M. Yves Dauge.

Gardons une certaine ambition à la politique urbaine de la France. M.

Gayssot a cité des hommes comme M. Delouvrier, et je trouve cela très bien.

Cela étant dit, je reviendrai sur les interventions de certains collègues qui regardent la France avec les yeux des habitants du Perreux.

Je connais bien le maire du Perreux. C'est un homme très compétent et j'ai beaucoup d'estime pour ce qu'il fait. Mais il me permettra de lui dire amicalement que la France d'aujourd'hui ne se regarde pas seulement avec les yeux des habitants du Perreux, du Raincy ou de SaintMaur.

M. Gilles Carrez.

Nous la regardons avec les yeux des habitants des villes nouvelles et nous sommes conscients des contraintes imposées par le renouvellement urbain, mon cher collègue.

M. Yves Dauge.

La France se regarde aussi avec les yeux des habitants de Mantes, de Chanteloup, de Vénissieux, de Vaulx-en-Velin. Et c'est cette France-là qui est en cause aujourd'hui.


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M. Francis Delattre.

Qu'y a-t-il dans le texte pour ces villes ? Rien !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est parce que tout a déjà été fait !

M. Yves Dauge.

La question est grave. Et ceux qui connaissent bien le problème se sont attachés, depuis vingt ans, à développer une politique remarquable qui a produit des fruits et qui trouve aujourd'hui un épanouissement et des moyens jamais atteints, vous le savez, messieurs de l'opposition.

M. Francis Delattre.

Non !

M. Yves Dauge.

Il suffit de lire les textes de loi pour s'en rendre compte.

Autre point que je veux aborder : la périphérie de nos villes est menacée d'un danger mortel. Par une urbanisation sauvage et une consommation détestable de l'espace et alors que nous avons des villes à reconstruire et que nous manquons cruellement d'équipements, nous détruisons notre milieu pour implanter du pavillonnaire.

Je dis non. Il ne s'agit pas de densifier, mais de faire de vraies villes.

M. Jean-Claude Mignon.

C'est vous qui densifiez !

M. Yves Dauge.

De vraies villes, voilà l'enjeu. Vous nous accusez de vouloir bétonner et densifier. Non ! Nous voulons simplement faire que les gens vivent ensemble.

M. Cardo, dont j'ai beaucoup apprécié l'intervention, a dit, c'est moins le déterminisme urbanistique qui compte que le manque d'urbanité. C'est vrai. C'est tout le sens de la politique de la ville. C'est le relationnel qui importe aujourd'hui. Nous passons d'un monde de l'institutionnel trop dur à un monde du relationnnel que nous ne savons pas construire. Voilà la vérité.

Dernière observation. M. Poujade, pour qui j'ai de l'estime et qui connaît bien les secteurs sauvegardés, vient de nous dire qu'avec ce texte nous les abrogions et que cela est inadmissible. Et il nous a demandé pourquoi nous n'abolissions pas la loi de 1913 pendant que nous y étions.

M. Michel Bouvard.

Il n'a pas dit que nous abrogions les secteurs sauvegardés.

M. Gilles Carrez.

Il a dit que nous ne passions plus par le Conseil d'Etat !

M. Yves Dauge.

Monsieur Carrez, vous avez jugé que l'intervention de M. Poujade était bonne. Elle est bonne en soi parce qu'elle émane d'un homme raisonnable.

Mais quand un homme aussi respectable que M. Poujade vient nous dire - et tout le monde l'a entendu - que nous remettons en cause les secteurs sauvegardés, il dit une contre-vérité, comme vous-même, hier, quand vous m'avez dit qu'à Chinon je ne pourrai plus construire à cause d'une règle qui n'existe pas et que vous avez inventée ?

M. Gilles Carrez.

J'ai simplement dit que vous ne pourriez pas le faire si vous n'avez pas de schéma directeur...

M. Yves Dauge.

Monsieur Carrez, vous êtes un bon professionnel, restez-le et ne laissez pas dire des contrevérités, ni se répandre je ne sais quels fantasmes à travers tout le pays.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est vous qui mentez !

M. Yves Dauge.

M. Poujade a dit une contre-vérité concernant les secteurs sauvegardés. Le texte ne prévoit aucunement leur destruction.

M. Gilles Carrez.

Nous en reparlerons lors de l'examen des articles.

M. Yves Dauge.

Comme nous avons voulu simplifier, nous avons simplement dit que ce n'était pas la peine, quand tout le monde est d'accord, d'attendre quatre ans que le Conseil donne son approbation.

M. Michel Bouvard.

Quatre ans ? C'est rapide. (Sourires.)

M. Yves Dauge.

Nous avons pensé ramener ce délai à quatre mois en demandant, par exemple, aux deux ministres, de constater l'accord général.

S'il n'y a pas d'accord, on laisse le Conseil d'Etat faire comme avant.

M. Gilles Carrez.

Il faut compter quatre ans aussi pour les services de l'Etat !

M. Yves Dauge.

Monsieur Carrez, je vous invite à faire preuve de votre professionnalisme habituel. Ne vous laissez pas emporter par des considérations politiciennes ! Ce n'est pas votre style.

M. Daniel Marcovitch.

Si, c'est son style !

M. Yves Dauge.

Gardez les pieds sur terre, regardez la réalité en face et soyez, comme j'ai la faiblesse de le croire, honnête.

M. Gilles Carrez.

C'est un procès d'intention ?

M. Yves Dauge.

M. Poujade l'était certainement tout à l'heure. Il suffit de rétablir la vérité et de dire véritablement ce qui est. Vous n'avez qu'à lire attentivement le projet de loi pour vérifier mes dires.

Moi qui suis un décentralisateur,...

M. Francis Delattre.

Oui, c'est ça !

M. Yves Dauge.

... je conclurai en disant que je suis bien content de l'intervention de l'Etat. Je souhaiterais d'ailleurs qu'elle soit encore plus forte dans bien des domaines.

Je regrette cependant la faiblesse des investissements pour les études, point qui me tient particulièrement à coeur. La matière grise coûte cher, monsieur le ministre.

Les aides prévues pour les professionnels sont insuffisantes. Les crédits de la planification sont stables depuis vingt ans, ce qui n'est pas normal. Il faudrait veiller à leur revalorisation. C'est l'appel que je me permets de vous faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour cinq minutes.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, messieurs les ministres, plusieurs collègues s'étant exprimés avant moi sur la globalité du texte de solidarité et de renouvellement urbains, je m'attacherai à exposer la préoccupation du groupe RPR sur deux points : l'attente des élus de la montagne d'abord, le volet transport ensuite et, notamment, la régionalisation des services voyageurs de la SNCF.

L'attente des élus de la montagne, tout d'abord. La France, monsieur Dauge, est également faite de petites communes, comme La Salle-les-Alpes, Ax-les-Thermes, Saint-Sorlin-d'Arves, La Bresse, où des problèmes d'urbanisme se posent aussi.

L'attente des élus de la montagne, M. le secrétaire d'Etat Louis Besson a bien voulu l'entendre puisqu'il a reçu le 1er mars une délégation de l'association nationale


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que j'anime avec mon collègue Jean-Louis Idiart. Je le remercie de cette volonté de dialogue car, si l'ambition première affichée par le texte « Agir sur nos villes, construire les villes de demain » ne concerne pas les territoires de montagne, principalement ruraux, des dispositions de celui-ci nous intéressent et sont donc pour nous des sujets d'interrogations auxquelles nous souhaitons que la discussion apporte des réponses.

La substitution du POS au PLU va-t-elle permettre une diminution du contentieux d'urbanisme et une meilleure sécurité juridique des élus ? Les modalités d'élaboration des cartes communales, opportunément requalifiées, permettront-elles aux petites communes qui voudraient s'en doter de le faire matériellement, et comment ? Le nouvel article L.

122-2 du code de l'urbanisme ne constituera-t-il pas une entrave à l'urbanisation des communes rurales isolées ? L'accession sociale à la propriété ou les logements des saisonniers en station seront-ils intégrés à la définition du logement à caractère social ? Au-delà de ces interrogations, nous souhaitons, par le biais d'amendements, profiter de ce texte pour faire avancer des dossiers déjà anciens et régler des difficultés dans trois secteurs : la réhabilitation de l'immobilier de loisir, la constructibilité en montagne, les unités touristiques nouvelles.

La réhabilitation de l'immobilier de loisir tout d'abord.

Il s'agit de compléter les dispositions de l'article 34 de la loi de finances pour 1999 en inscrivant dans la loi la notion d'opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir, de légitimer l'intervention des collectivités territoriales dans ce dispositif et de permettre une pleine association des administrateurs de biens à la constitution de villages résidentiels de tourisme. L'adoption de ces dispositions que nous proposons serait en cohérence avec l'engagement pris par le Premier ministre lors du Conseil national de la montagne d'Ax-les-Thermes il y a un an, et permettrait au dispositif d'être totalement opérationnel dès la sortie des décrets d'application des dispositions de la loi de finances, toujours en attente, depuis plus d'un an, au Conseil d'Etat.

Concernant la constructibilité en montagne, il s'agit de permettre, dans des secteurs où se superposent souvent, trop souvent, des réglementations de protection de l'environnement, de protection contre les risques et diverses dispositions d'urbanisme nationales, de laisser l'espace l égislatif et réglementaire nécessaire pour que les communes puissent satisfaire aux demandes de constructions des jeunes qui veulent rester au pays ou tout simplement aux besoins immobiliers des activités économiques. Nous proposons ainsi de préciser les notions de hameau, de mixité des ZAC, d'adapter la législation sur les bâtiments d'élevage ou les granges isolées, ou sur les constructions en entrées de communes.

M. Pierre Cohen.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

S'agissant des unités touristiques nouvelles, enfin, le vieillissement de la procédure, codifiée dans les articles L.

145-9 à 13 du code de l'urbanisme, est patent.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Michel Bouvard.

Instituée pour s'assurer de la cohérence économique et environnementale de projets de créations de stations de sport d'hiver ou de développement de domaines skiables à une époque de fort développement touristique, elle n'est plus adaptée au contexte actuel.

Ainsi, sans reprendre l'ensemble des articles, ce qui mériterait un texte global et relève d'une démarche de refonte de la loi montagne, que nous espérons, nous proposons des adaptations pour les programmes immobiliers limités et le renouvellement ou le renforcement des remontées mécaniques afin de tenir compte aussi des i nvestissements réalisés par nos concurrents sans contraintes administratives aussi lourdes.

J'en viens au volet transport.

L'intégration d'un volet transport et de recherche d'une cohérence entre urbanisme et déplacement constitue une approche positive que nous ne pouvons que saluer, de même que la volonté d'une clarification du rôle des autorités organisatrices de transports.

Toutefois, sur bien des points, ce texte nous apparaît comme insuffisant et comporte même de réelles absences évoquées par un élu de la majorité, Jean-Jacques Filleul.

Ainsi peut-on regretter une réponse trop partielle par rapport au financement des transports collectifs urbains et périurbains. Les réseaux de transport de province, pour lesquels depuis plusieurs années nous demandons des moyens d'accompagnement réels, apparaissent oubliés et la seule novation est une extension du versement transport aux zones périurbaines qui ne peut nous satisfaire.

Certains prônent, pour répondre à ces questions, la perception d'une partie du produit de la TIPP. Si l'idée peut paraître séduisante, je ne suis pas certain que les conséquences sur un éventuel alourdissement de la TIPP, déjà élevée pour ceux qui n'ont pas d'autres moyens de transport que leur voiture, ne deviennent pas insupportables.

Même en s'inscrivant dans une logique de prélèvement sur la croissance du produit de celle-ci, par ailleurs aléatoire dans la durée, je crains que l'on ne trouve là un prétexte pour ne pas maîtriser cette recette. Aussi, tout en étant favorable à l'idée d'un fonds de développement des transports collectifs, je pense que le mode de financement n'est pas forcément le meilleur et qu'il faudra à la fois que cette réponse soit apportée par un accroissement des crédits budgétaires en faveur des transports publics - pour lequel nous plaidons depuis plusieurs années lors de la discussion du budget des transports - mais aussi par des prêts préférentiels pour les infrastructures qui pourraient être mis en place par la Caisse des dépôts, qui dispose de ressources dans des conditions privilégiées, qui devraient aussi être réinvesties dans les infrastructures de transport, d'autant qu'elle bénéficie du long terme, ce que n'ont pas les établissements financiers traditionnels.

Autre regret : la non-prise en compte des transits de marchandises, aussi bien par le rail que par la route, dans les agglomérations urbaines. C'est un problème, que n'ignore pas le premier adjoint au maire de Chambéry qui est devant moi.

M. le président.

Monsieur Bouvard, puis-je vous demander de conclure ?

M. Michel Bouvard.

Je termine, monsieur le président.

De même, la modification apportée à l'organisation des transports parisiens, avec l'introduction de la région, ne constitue pas à mon sens une véritable réforme et pose toujours le problème de la responsabilité des décideurs sur le choix des investissements. Les récentes observations de la Cour des comptes sont là pour nous le rappeler.


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Je voudrais en terminant évoquer, toujours au titre de ce volet transport, l'aboutissement de la réforme instituant la régionalisation des services voyageurs de la SNCF, engagée avec courage et détermination par Bernard Pons et combattue par une partie de l'opposition de l'époque.

L'expérimentation conduite par les régions pilotes s'est révélée un succès. J'ai pu le vérifier dans ma propre région en Rhône-Alpes. D'autres l'ont vérifié dans la leur.

La décentralisation et la méthode de concertation locale ont permis une meilleure prise en compte de l'intérêt collectif, avec des liaisons régionales en adéquation avec la demande des voyageurs, l'appropriation des décisions par les élus des territoires, des progrès dans la concertation entre acteurs du transport de voyageurs à l'échelle régionale. Le rôle nouveau d'autorité organisatrice des régions et le partenariat avec la SNCF se sont traduits par une augmentation de l'offre de service, une adaptation des TER aux besoins, aux fréquences et aux politiques d'arrêt. C'est une reconquête du rail qui a été enclenchée.

M. le président.

C'est votre conclusion, monsieur Bouvard...

M. Michel Bouvard.

C'est ma conclusion. Des problèmes demeurent qu'il faut régler.

Il s'agit, tout d'abord, de la question de la transparence des comptes de la SNCF. Le président Louis Gallois s'y est engagé devant notre commission des finances, précisant que la SNCF pourrait établir une comptabilité analytique claire pour les comptes 2000 dès avril 2001.

Il s'agit ensuite de la question de la couverture par l'Etat du coût constaté à la charge de la collectivité au moment du transfert sur des bases contradictoires et fiables, comme cela s'est fait pour les régions expérimentales, et l'intégration, notamment, de la politique de rénovation et du renouvellement du matériel roulant, comme celui de la modernisation des gares.

Il s'agit enfin de l'arbitrage dans la gestion des sillons, dont je ne crois pas qu'elle puisse être décidée dans un cadre régional, mais dont je souhaite qu'une règle du jeu et une concertation existent au niveau régional avec la possibilité d'arbitrage, en cas de conflit, par le ministère.

On le voit, les questions restent nombreuses. Nous avons proposé des amendements pour y remédier, comme beaucoup de nos collègues, d'ailleurs, de la majorité.

Des réponses que nous aurons dépendra pour moi le vote que j'exprimerai sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Espilondo.

M. Jean Espilondo.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains que nous examinons depuis hier procède d'abord d'un constat inquiétant : celui du divorce inacceptable entre la ville et la cité.

Pour en saisir les enjeux, il nous faut nous tourner un instant vers l'histoire de la démocratie et nous souvenir, nous, élus du peuple, que la plus grande réforme politique a été une réforme de la ville. C'est Clisthène qui, au VIe siècle avant notre ère, a fondé la cité grecque sur le principe d'équivalence entre égalité géographique et égalité politique.

Née d'une réforme de la ville, la démocratie a tout à perdre de son éclatement et de son étiolement.

M. Jean-Jacques Filleul.

Très bien !

M. Jean Espilondo.

Il nous faut donc aujourd'hui, mes chers collègues, impérativement réconcilier la ville et la cité, et redonner à chaque citadin son statut de citoyen.

M. Jean-Jacques Filleul.

Très bien !

M. Jean Espilondo.

Je concentrerai mon propos sur deux des trois volets de la loi : l'urbanisme et le logement.

Le maître mot en matière d'urbanisme doit être la cohérence territoriale. L'avenir, nous le savons, est à l'intercommunalité. A l'heure du développement solidaire, il était grand temps de dépoussiérer des procédures d'urbanisme vieilles de trente ans et je me réjouis de cette avancée d'ensemble. Une politique urbaine dynamique ne peut exister si elle se heurte sans cesse à des intérêts particuliers. La reconstruction de la ville sur elle-même en vue d'économiser son espace et de prévenir son morcellement ne peut qu'être entravée par la persistance de règles sectorielles dépassées.

Il fallait surtout et cela a été fait - reconnaître en droit à l'agglomération le statut qui lui revient aujourd'hui de fait en matière de cohérence territoriale. En tant qu'élu d'Anglet, qui fait partie d'une agglomération de près de 200 000 habitants, je suis particulièrement sensible à cette reconnaissance. Je réfléchis en effet depuis longtemps en termes d'agglomération au développement du bassin du Bas-Adour maritime. Les schémas de cohérence territoriale introduits par cette loi nous seront particulièrement utiles pour mieux envisager l'avenir en matière de transports, d'urbanisme, de logement et d'équipement commercial à l'échelon le plus pertinent.

Je pense, en particulier, à la nécessité dans ma circonscription de réglementer de façon concertée l'implantation de nouvelles surfaces commerciales. La situation actuelle montre clairement un défaut de régulation entre surfaces marchandes existantes et création de nouvelles surfaces. Comment, sans projet global, maintenir un équilibre équitable en préservant les intérêts légitimes du commerce et de l'artisanat ? C'est tout simplement impossible. C'est pourquoi je me félicite que les schémas de cohérence territoriale intègrent les prescriptions du schéma de développement commercial prévu par la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat.

Le maître mot en matière de logement doit être la justice sociale. Je ne suis d'ailleurs pas surpris d'entendre dans les rangs de la droite les mêmes arguments contre le volontarisme politique que ceux déjà entendus pour la parité ou les 35 heures.

M. Jean-Luc Warsmann.

N'importe quoi ! C'est faux !

M. Jean Espilondo.

Mais, que voulez-vous, messieurs, nous sommes socialistes et on ne se refait pas !

M. Francis Delattre.

Ça, c'est vrai !

M. Jean Espilondo.

Justice sociale, donc, car sa nécessité est impérieuse. Sait-on bien, par exemple, que, dans une ville comme Anglet, dont j'ai l'honneur d'être conseiller municipal et conseiller général, le taux de logement social actuel atteint péniblement les 8 %, sans que la municipalité actuelle, dont je suis un élu minoritaire, ne s'en émeuve outre mesure.

M. Michel Bouvard.

Vous préparez votre campagne !

M. Jean Espilondo.

Sait-on bien aussi que 5 000 dossiers de demande de logements HLM sont en attente dans les Pyrénées-Atlantiques alors que l'offre ne cesse de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

décroître ? Sait-on bien enfin que 70 % des habitants des logements existants perçoivent des revenus mensuels inférieurs à 4 600 francs ? Je livre ces chiffres à la sagacité de tous ceux qui feignent de croire que le laisser-faire est une politique satisfaisante.

Le droit à un logement décent n'est pas un vain mot et cette loi a l'immense mérite d'inscrire ce droit dans les faits pour dire : non à la paupérisation, non à l'exclusion ! Je voudrais, pour clore mon intervention, formuler à l'intention du Gouvernement mon impatience et ma satisfaction. Mon impatience d'abord, car je ne voudrais pas que cette loi, parce que, elle est ambitieuse, soit aussi paresseuse et que sa mise en oeuvre se fasse trop longtemps attendre. Ma satisfaction ensuite, que je formulerai à la manière des informaticiens : avec cette loi, nous disp oserons pour la première fois d'un système d'exploitation cohérent et puissant de nos territoires, dont les trois logiciels s'appelleront loi Voynet, loi Chevènement et loi Gayssot. C'est un remarquable succès.

Mes chers collègues, la cité idéale n'existe pas, mais la ville juste et solidaire du

XXI E siècle est à inventer. Le Gouvernement nous y invite, les exclusions l'exigent, nos convictions l'imposent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Dumont.

Et le peuple aura eu un excellent orateur !

M. le président.

La parole est à M. Etienne Pinte.

M. Etienne Pinte.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, oui, j'ai toujours été favorable au développement équilibré et harmonieux du logement social. Oui, j'ai toujours voulu la mixité sociale, source de convivialité et d'enrichissement humain. C'est parce que nous partageons ces convictions que mes prédécesseurs et moi-même avons pu constater avec satisfaction que notre ville, Versailles, possédait en 1991 plus de 20 % de logements sociaux ; en d'autres termes, que nous remplissions les conditions édictées par la loi d'orientation sur la ville.

Depuis lors, les deux lois de 1996 et votre projet de loi ont considérablement restreint la définition du logement social et instauré des pénalités et des contraintes qui mettent en grande difficulté les villes qui hier, étaient les bons élèves de la classe. Pour toutes celles-là, qui ne peuvent être accusées de refuser le logement social, je souhaite que le projet de loi n'apparaisse pas comme un texte coercitif, mais bien incitatif, et qu'il accompagne positivement les communes au lieu de leur donner l'impression de les punir.

En outre, je suis très surpris d'observer à quel point le texte proposé est malheureusement si souvent éloigné des réalités physiques, juridiques et financières que nous vivons sur le terrain, des objectifs et des missions des organismes constructeurs et gestionnaires de logements sociaux et des aspirations de nos concitoyens.

Je vous poserai donc un certain nombre de questions de fond et je vous ferai des propositions pour améliorer le projet de loi, en particulier pour toutes les villes qui ont déjà répondu positivement aux lois de 1991 et de 1996.

Première question : pourquoi ne pas tenir compte du statut juridique du foncier d'une ville ? A partir du moment où une ville ne maîtrise pas une partie très importante de son territoire communal, il semble inéquitable de l'enfermer à l'intérieur d'une place où toutes les sorties lui seraient interdites, comme l'a si bien décrit Raymond Devos dans l'une de ses histoires à faire rire. La situation paraît encore plus absurde lorsque c'est l'Etat qui possède plus de la moitié d'un territoire communal.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Etienne Pinte.

Deuxième question : pourquoi ne pas prendre en compte les conséquences des lois et règlements qui enserrent 85 villes françaises dans des carcans sur les plans de l'urbanisme et de l'architecture ? Comment voulez-vous que les villes possédant un secteur sauvegardé, des sites inscrits et des sites classés, puissent envisager la construction ou la réhabilitation de logements sociaux dans les mêmes conditions que des cités qui n'ont pas les mêmes contraintes ? Pourquoi ne pas reconnaître l'exemplarité des villes qui ont déjà consenti de très grands efforts par la suppression du plafond légal de densité, par la fixation de la taxe locale d'équipement au taux le plus bas, par le dépassement de la norme d'application du COS en faveur des logements locatifs sociaux, par la réalisation de plusieurs opérations programmées d'amélioration de l'habitat ?

M. Michel Bouvard.

Très juste !

M. Etienne Pinte.

Pourquoi traiter ces cités de la même manière que celles qui n'ont pas accompli les mêmes démarches, et ne pas les faire bénéficier d'un traitement moins rigoureux de la loi ? Pourquoi ne pas admettre qu'une ville qui consacre plus de 80 % du montant de sa dette garantie au logement social pourrait obtenir un moratoire avant que les pénalités ne lui soient appliquées ? Pourquoi exclure de la définition du logement social tous les logements que les collectivités nationales ou locales et les établissements et entreprises publics ont réalisé pour loger dans de bonnes conditions et en centre ville leurs fonctionnaires et agents ? La mixité sociale, c'est aussi cela.

Pourquoi rejeter la notion d'accession de la propriété des logements sociaux déjà cédés par les organismes d'HLM ou dont ils souhaitent la réalisation ? La mixité patrimoniale, c'est aussi cela.

Pourquoi ignorer le poids des coûts du foncier et de la construction, en particulier dans la région Ile-de-France, et les incidences financières des opérations de réhabilitation en secteur historique qui relèvent les prix de 40 % à 50 % ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien ! Très concret !

M. Gilles Carrez.

Très convaincant !

M. Michel Bouvard.

Très juste ! Il faut le souligner !

M. Etienne Pinte.

Je pourrais multiplier les questions et les exemples, mais nous y reviendrons lors de l'examen du texte. Comme je vous l'ai promis, je vais vous faire quelques propositions non exhaustives pour répondre à ces interrogations.

Première proposition : il me paraît indispensable de convenir enfin d'une définition du logement social qui ne change pas tous les cinq ans. Revenir à la définition de la loi d'orientation sur la ville de 1991 serait une mesure de bons sens et d'équité, en particulier pour toutes les villes qui ont consenti des efforts très importants en faveur du logement social pour appliquer ce texte.

Deuxième proposition : il faudrait inclure des logements sociaux en accession à la propriété dans la définition du logement social.


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La troisième mesure que je propose consisterait à exonérer du prélèvement toutes les communes qui avaient au moins 20 % de logements sociaux en 1991 et qui ne les auraient plus aujourd'hui.

La quatrième consisterait en un relèvement des plafonds d'acquisition du foncier et de construction en faveur des organismes d'HLM, en particulier dans la région Ile-de-France.

M. Michel Bouvard.

Et dans les stations de sports d'hiver !

M. Etienne Pinte.

La cinquième tendrait à autoriser les communes redevables du prélèvement pour insuffisance de logement social à consacrer le produit cumulé de celui-ci au financement ultérieur de la construction et de la réhabilitation des logements sociaux sur leur propre territoire.

M. le président.

Monsieur Pinte, veuillez conclure.

M. Etienne Pinte.

En conclusion, c'est en fonction de vos réponses à mes questions et des amendements que vous accepterez que je déterminerai mon vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen va permettre, nous en sommes convaincus, de mieux vivre en ville. Il était essentiel qu'enfin une nouvelle législation vienne combler les insuffisances des textes actuels, afin de ne plus « subir » la ville. Les nouveaux outils offerts par ce texte vont nous donner les moyens d'une maîtrise du développement urbain. La mise en cohérence des questions d'urbanisme et de déplacements constitue à cet égard un point très positif.

En empêchant de nouvelles urbanisations en dehors des schémas de cohérence territoriale, nous pourrons enfin contrôler la périurbanisation, laquelle a connu son apogée dans les années soixante-dix, avec pour conséquence l'accroissement des populations dans les zones précisément les plus mal desservies par les transports en commun.

Mme Janine Jambu.

Très juste !

M. Gilbert Biessy.

Or les transports collectifs ont un effet structurant sur l'organisation de la ville, qu'il n'est plus besoin de prouver. Grâce à l'articulation de ces deux politiques, nous devrions tendre à une meilleure communication entre lieux de travail et lieux de résidence, entre le centre et la périphérie, entre les banlieues elles-mêmes.

La première section du volet déplacement s'attache à renforcer l'efficacité aux plans de déplacements urbains et à renforcer leur rôle. L'amélioration de cet outil, qui place la personne et le droit au transport au centre d'un dispositif de planification, est devenue une urgente nécessité.

Le texte encourage également la coopération entre les autorités chargées de l'organisation des transports urbains, non urbains et ferroviaires de personnes, tout comme il encourage la coordination de leurs réseaux de transports respectifs, en favorisant la création de syndicats mixtes de transports qui pourront être dotés d'une ressource spécifique permettant notamment de financer des missions d'intérêt commun.

Monsieur le ministre des transports, même si l'annonce d'un milliard de francs supplémentaire en 2001, que vous avez faite hier, est extrêmement positive...

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Tout de même ! (Sourires.)

M. Gilbert Biessy.

La question du financement mérite qu'on s'y arrête. En effet, si les dispositions prévues par ce projet de loi tendent à un développement plus harmonieux des transports en commun, elles doivent, pour être efficaces, être complétées par les moyens financiers qui s'imposent. Faute de quoi les améliorations prévues demeureront limitées. C'est pourquoi notre groupe préconise la mise en place de fonds régionaux de soutien au développement des transports collectifs publics, alimentés par une part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et par le produit des amendes routières, qui échappe actuellement aux collectivités territoriales.

Ce dispositif permettrait de contribuer notamment à des investissements de nature à favoriser le développement de modes de transport collectif respectueux de l'environnement, et à l'équilibre de gestion des réseaux de transport. C'est, j'en suis personnellement persuadé, à ce prix et à ce prix seulement que les grandes agglomérations françaises pourront progressivement faire jeu égal avec leurs homologues européennes en matière de transports publics.

Ce souci de ressources nouvelles justifie également notre amendement tendant à offrir la possibilité d'un remboursement d'une part de la TIPP aux entreprises de transports publics, qui pourraient ainsi accentuer leurs efforts de développement.

Dans un troisième temps, le texte oeuvre pour un renforcement de la cohérence des politiques d'aménagement et de transport en Ile-de-France. La réforme institutionnelle prévue donnera à cette région le moyen de faire un indéniable pas en avant. Dans cet esprit, il est prévu de créer un comité des partenaires du transport public où pourront être prises en compte les aspirations de la popul ation francilienne. Nous pensons néanmoins qu'il conviendrait d'étendre son champ de compétences à l'ensemble des aspects intéressant les salariés et les usagers des transports.

La dernière question inscrite dans ce volet relatif aux déplacements est celle de la régionalisation du transport ferroviaire. Il est prévu de généraliser le transfert de la compétence ferroviaire aux régions, tirant les conséquences fructueuses du partenariat qui s'est développé entre la SNCF et les sept régions ayant servi à l'expérimentation menée depuis janvier 1997. Une offre globalement rénovée, une écoute plus attentive à l'expression des besoins : tel est le premier bilan que l'on peut tirer de cette expérience. Du reste, la décentralisation de ces initiatives semble de nature à permettre, tant à la SNCF qu'aux élus, de devenir des forces de proposition s'alimentant l'une l'autre, dans un cadre partenarial. Le succès de ce partenariat justifie la nouvelle étape qu'il est proposé d'impulser.

Nous tenons également à réaffirmer le principe de l'unicité du système ferroviaire garantie par l'Etat. La tarification, la qualité du service et l'information aux usagers ne peuvent être du seul ressort des régions ; elles doivent être mises en cohérence avec les politiques nationales menées par l'entreprise publique SNCF.

Monsieur le ministre des transports, ce projet de loi est très important. Le groupe communiste entend aborder cette première lecture dans un esprit constructif, en proposant des améliorations au texte présenté. Les amende-


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ments que nous avons déposés entendent d'ailleurs donner toute sa mesure à l'ambition affichée par le titre III de votre projet de loi : « Mettre en oeuvre une politique de déplacements au service du développement durable ».

L'enjeu est considérable pour nos villes comme pour nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, on aurait pu croire que le recours à une procédure d'urgence annonçait une grande loi sur l'urbanisme. Il ne me semble malheureusement pas que l'on nous propose une grande loi, mais bien un texte fourre-tout.

Ce projet, trop confus pour être honnête, dissimule en fait, sous une masse de dispositions nouvelles, une volonté d'imposer un modèle d'urbanisme politiquement très marqué.

Mme Janine Jambu.

Ça, c'est vrai !

M. Christian Estrosi.

On devine bien le cheminement du Gouvernement. Après avoir proposé une grande loi d'aménagement du territoire, par l'intermédiaire de Mme la ministre Voynet, qui tendait à vider de sa substance l'ensemble du monde rural et à recentrer les centres d'activité et d'économie sur nos villes, voilà que l'on nous présente un texte de loi sur la ville qui tend à surdensifier nombre de nos grandes cités et à renforcer une sur-urbanisation déjà débordante.

Du reste, en matière de désertification aussi, on mesure ce formidable cheminement. Il n'est pas un jour qui passe sans que l'on ne supprime des postes d'instituteurs dans nos campagnes.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ou une trésorerie !

M. Christian Estrosi.

En ce moment même, votre volonté de réformer Bercy se traduit par la fermeture des trésoreries dans le monde rural. C'est l'ensemble des services publics qui s'y amenuise année par année, votre projet de loi arrivant, en quelque sorte, comme la cerise sur le gâteau.

En matière de densification, les plans locaux d'urbanisme notamment démontrent que les documents d'urbanisme donneront désormais la priorité aux mètres carrés sociaux plutôt qu'à l'aménagement harmonieux de la cité.

Cela met du reste en évidence les profondes contradictions d'une gauche plurielle qui, chaque jour, devient plus hétéroclite. D'un côté, Mme Voynet nous répète sans cesse qu'il y a trop de pollution, que les voitures rejettent trop de monoxyde d'azote,...

M. Daniel Marcovitch.

Pourquoi ? Est-ce faux ?

M. Christian Estrosi.

... qu'il faut imposer des vignettes vertes, que les taux d'ozone dépassent trop souvent les normes fixées par l'Europe ; de l'autre, vous nous promettiez aujourd'hui plus de béton, plus de densification, donc plus de population et plus de circulation dans nos villes. Nous ne pouvons admettre ce double discours.

Mme Janine Jambu.

Assez ! Il n'y a pas de béton à Nice ?

M. Daniel Marcovitch.

Le débat avait un certain niveau jusqu'à ce que vous preniez la parole !

M. Christian Estrosi.

Dans mon département, alors que la génération d'hommes et de femmes politiques à laquelle j'appartiens se bat pour limiter les coefficients d'occupation des sols, pour mettre un terme au bétonnage de nos collines, d'un territoire où la géographie ne permet plus de bâtir, où il faut préserver les derniers espaces verts - alors que, dans le même temps, monsieur le ministre des transports, vous bloquez les grands projets d'axes de communication et de circulation que nous avions initiés, tels l'A 58 ou la nationale 202 bis , qui auraient permis d'oxygéner l'ensemble de la conurbation des Alpes-Maritimes -, vous nous promettez encore plus d'urbanisme, plus de logements, et plus de difficultés dans la vie quotidienne. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Mais qui a bétonné ?

Mme Janine Jambu.

A Nice, c'est du bétonnage de luxe !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Laisse béton ! (Sourires.)

M. Christian Estrosi.

Vous nous parlez de mixité sociale. Mais, pour nous, il ne peut être question d'une politique où il y ait d'un côté les riches et de l'autre les pauvres.

Mme Muguette Jacquaint.

Cachez-nous ces pauvres que l'on ne veut pas voir !

M. Christian Estrosi.

Dans ma circonscription, madame, je connais deux communes notamment, détenues depuis vingt ans par des maires communistes, qui vont devoir payer la taxe - elles sont répertoriées comme telles dans votre rapport ... (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Janine Jambu.

La justice, c'est pour tout le monde !

M. Christian Estrosi.

... et pour un montant d'ores et déjà arrêté. Tout cela parce qu'ils n'ont pas fait la politique que vous vouliez. Ils se rangent aujourd'hui derrière leur député pour défendre les intérêts de leurs concitoyens.

M. Daniel Marcovitch.

Pourquoi le logement social irait-t-il à l'encontre des citoyens ?

M. Christian Estrosi.

Attendez-vous à de sérieux revers et à des lendemains difficiles ! Nous ne saurions davantage accepter vos choix autoritaires.

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Les masques sont tombés !

M. Christian Estrosi.

Ce qu'attendent les populations d es cités en difficulté, c'est qu'on démolisse les immeubles devenus insalubres,...

Mme Muguette Jacquaint.

En fait, vous nous demandez de démolir ce que vous avez construit !

M. Patrick Rimbert, rapporteur.

Tout le monde semblait partager l'objectif ; en voilà enfin un qui dit réellement ce qu'il pense !

M. Christian Estrosi.

... c'est qu'on humanise les cités, qu'on apporte un aménagement harmonieux et une meilleure qualité de vie, un meilleur environnement.

Ce qu'attendent les maires, c'est qu'on leur donne des moyens pour réhabiliter le logement ancien qui pourrait accueillir dans de meilleures conditions celles et ceux qui méritent d'accéder à un logement plus décent. Imposer un taux de 20 %, c'est nier la diversité des villes, de leur histoire, de leurs traditions, c'est ignorer la dimension humaine, c'est refuser de prendre en compte toutes les formes possibles d'accession à un logement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 MARS 2000

M. le président.

Monsieur Estrosi, veuillez conclure.

M. Christian Estrosi.

Je conclus, monsieur le président.

C'est revenir aux années soixante en remettant entre les mains des préfets, représentants de l'Etat, la politique d'urbanisme ; ce n'est pas respecter les citoyens. Car c'est à eux désormais qu'il revient de définir et de choisir la ville qu'ils souhaitent pour demain, en choisissant les hommes politiques qu'ils veulent pour mettre en pratique la politique qu'ils attendent pour garantir le développement harmonieux de leurs cités.

Mme Muguette Jacquaint et M. Pierre Cohen.

C'est ce qu'ils ont fait !

M. Christian Estrosi.

C'est ce pouvoir que vous voulez enlever aux citoyens. Toute la logique de votre texte conduit à reconstruire massivement les cités-ghettos, sources de tant de drames. L'urbanisme d'Etat fait la preuve de son incapacité à répondre aux évolutions de la société. Là où il faudrait laisser plus d'autonomie aux élus pour aménager leur ville,...

M. le ministre délégué à la ville.

Voilà une intervention qui a le mérite d'être claire !

M. Christian Estrosi.

... vous reprenez autoritairement une partie considérable des prérogatives que les lois de décentralisation avaient offertes aux maires. Dans le même temps, vous laissez en jachère l'aménagement du territoire qui permettrait justement de lutter contre la désertification des deux tiers du pays.

M. le président.

Monsieur Estrosi, je vous prie de conclure.

M. Christian Estrosi.

Reconstruire des villes inhumaines et abandonner le monde rural serait une faute très lourde de conséquences pour l'équilibre social de notre pays. Ne nous fourvoyons pas à nouveau. Ce texte aux objectifs politiciens affichés vise, sous couvert de belles intentions...,

Mme Muguette Jacquaint.

C'est du délire !

M. Christian Estrosi.

... à imposer un modèle social dont les Français ne veulent plus. Nous ne pouvons l'accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le ministre délégué à la ville.

M. Estrosi est un grand modéré !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2131, relatif à la solidarité et au renouvellement urbain : M. Patrick Rimbert, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2229).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT