N° 959 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 1998. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) SUR LE PROJET DE LOI (N° 677), portant réforme du code de justice militaire, PAR M. Jean MICHEL, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Justice. La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Eric Besson, Bernard Birsinger, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Yves Bur, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Hervé de Charette, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, Germain Gengenwin, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierrre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jacques Peyrat, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane. S O M M A I R E Pages INTRODUCTION 7 I. - JUSTICE MILITAIRE, JUSTICE ET MILITAIRES : DES SPÉCIFICITÉS TOUJOURS PLUS ATTENUÉES 9 A. - LA RUPTURE INTRODUITE PAR LA RÉFORME DE 1982 9 1. - La justice militaire en temps de paix : une évolution radicale10 a - Sur le territoire de la République : le principe de l'applica- tion du droit commun 10 (1) L'organisation du dispositif 11 (2) Les règles de compétence 11 (3) La procédure 13 b - Hors du territoire de la République : des spécificités encore importantes 14 (1) L'organisation des juridictions 14 (2) Les règles de compétence 16 (3) La procédure 17 2. - La justice militaire en temps de guerre : l'impératif de survie de la collectivité nationale 19 a - Une organisation judiciaire d'exception 20 b - Une procédure d'exception 21 B. - UN DISPOSITIF COMPLEXE, DEVENU INADAPTÉ 22 1. - Des règles de compétence et d'organisation complexes 22 a - Sur le territoire de la République : le critère du service 22 b - Hors du territoire de la République : un dispositif sans homogénéité 23 2. - Un dispositif inadapté à l'armée de demain 24 a - Les effets de la professionnalisation : le devoir de rappro- chement entre l'armée et la Nation 24 b - Le développement de la projection et des opérations exté- rieures : la nécessité de règles claires 24 II. - UN PROJET DE LOI NÉCESSAIRE MAIS PARADOXAL 27 A. - L'OBJECTIF PRINCIPAL DE LA RÉFORME : LE RENFORCEMENT DES DROITS DES JUSTICIABLES 27 1. - L'extension de l'application de la procédure pénale de droit commun 28 2. - Le maintien de spécificités : une réforme inachevée ? 29 a - Les exceptions prévues par le code de procédure pénale 29 b - Les exceptions prévues par le code de justice militaire 29 B. - DES DISPOSITIONS DIVERSES QUI VIENNENT TROUBLER LA PHILO- SOPHIE INITIALE DU PROJET DE LOI 30 1. - Les règles de compétence juridictionnelle : un dispositif hybride et contestable 30 a - L'extension contestable de la compétence des chambres spécialisées pour les infractions commises sur le territoire de la République 30 b - La simplification incomplète des règles de compétence pour les infractions commises hors du territoire de la République 31 2. - L'extension des cas d'intervention du Ministre de la Défense 32 C. - LA JUSTICE MILITAIRE EN TEMPS DE GUERRE 32 1. - Une continuité anachronique ? 32 2. - Un code difficilement applicable 32 TRAVAUX DE LA COMMISSION 35 I. - AUDITION DE MME ÉLISABETH GUIGOU, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE 35 II. - DISCUSSION GÉNÉRALE 42 EXAMEN DES ARTICLES 47 Article 1 : Principes généraux d'organisation de la justice militaire en temps de paix pour les infractions commises hors du territoire de la République 47 Article 2 : Règles applicables devant les tribunaux aux armées 49 Article additionnel après l'article 2 : Application du code de justice militaire en temps de guerre 52 Article additionnel après l'article 2 : Modification d'un intitulé du code de justice militaire 54 Article additionnel après l'article 2 : Etablissement du tribunal aux armées de Paris54 Article 3 : Organisation du tribunal aux armées et détermination de la cour d'appel compétente 54 Article additionnel après l'article 3 : Dispositions applicables au tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne 55 Article 4 : Renvoi devant le tribunal aux armées de Paris 56 Article 5 : Composition du tribunal aux armées 57 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 60 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 60 Article additionnel après l'article 5 : Conséquence de la suppression des tribunaux aux armées hors du territoire de la République 60 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 61 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 61 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 61 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 62 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 62 Article additionnel après l'article 5 : Modification de la terminologie 62 Article additionnel après l'article 5 : Dénomination de la juridiction visée par l'article 22 du code de justice militaire 63 Article 6 : Qualité des défenseurs devant le tribunal aux armées 63 Article additionnel après l'article 6 : Nouvelle rédaction partielle de l'article 59 du code de justice militaire 64 Article additionnel après l'article 6 : Nouvelle rédaction partielle de l'article 64 du code de justice militaire 64 Article 7 : Abrogation partielle de l'article 69 du code de justice militaire 65 Article 8 : Adaptation du code de justice militaire au code de procédure pénale 66 Article 9 : Adaptation du code de justice militaire au code de procédure pénale 66 Article 10 : Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale en matière d'enquête préliminaire 66 Article 11 : Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale relatives à la mise en examen 68 Article 12 : Abrogation de l'article 89 du code de justice militaire 68 Article 13 : Règles applicables en matière de mise en mouvement de l'action publique69 Article 14 : Abrogation de l'article 92 du code de justice militaire 70 Article 15 : Adaptation du code de justice militaire au code de procédure pénale 71 Article 16 : Abrogation des articles 96 à 98 et 100 du code de justice militaire 72 Article 17 : Règles relatives à l'instruction des infractions relevant de la compétence du tribunal aux armées 72 Article 18 : Abrogation des articles 102 à 108 du code de justice militaire 73 Article 19 : Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale relatives à la mise en examen 73 Article 20 : Abrogation des articles 113 à 130 du code de justice militaire 74 Article 21 : Règles relatives à la détention provisoire 74 Article 22 : Abrogation des articles 132 à 134 du code de justice militaire 74 Article 23 : Conséquences de la suppression de l'ordre d'incarcération provisoire et de l'application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la mise en examen 75 Article 24 : Abrogation complète des articles 136, 138 à 149 et partielle de l'article 137 du code de justice militaire 75 Article 25 : Règles applicables à la chambre de contrôle de l'instruction 76 Article 26 : Nouvelle rédaction d'intitulé et de l'article 151 du code de justice militaire et abrogation des articles 152 à 164 du même code 77 Article 27 : Règles de procédure applicables devant le tribunal aux armées 78 Article 202 du code de justice militaire : Principe de base 78 Article 203 du code de justice militaire : Institution de l'appel 79 Article 204 du code de justice militaire : Saisine du tribunal aux fins d'annulation 79 Article 28 : Abrogation des articles 205 à 210 du code de justice militaire 80 Article 29 : Pourvoi en cassation 80 Article 30 : Abrogation des articles 264 à 271 du code de justice militaire 81 Article 31 : Demandes en révision 82 Article 32 : Abrogation des articles 274 et 275 du code de justice militaire 82 Article additionnel après l'article 32 : Suppression de la référence à l'assignation 83 Article 33 : Règles applicables aux citations et significations 83 Article 34 : Abrogation des articles 278 à 282, 284 et 285 du code de justice militaire et suppression de la référence à l'assignation 83 Article 35 : Abrogation de chapitres devenus inutiles 84 Article 36 : Exécution des jugements : principe 85 Article 37 : Exécution des jugements : modalités particulières - Abrogation d'articles divers 86 Article additionnel après l'article 37 : Conséquence de la suppression des tribunaux aux armées hors du territoire de la République 87 Article additionnel après l'article 37 : Conséquence de la suppression des tribunaux aux armées hors du territoire de la République 88 Article 38 : Application de la suppression des frais de justice aux tribunaux prévôtaux 88 Article 39 : Recouvrement des amendes 89 Article 40 : Introduction de l'appel devant les juridictions prévôtales 89 TITRE II DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE Article 41 : Possibilité de décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt 90 Article 42 : Elargissement des compétences des chambres spécialisées 90 Article 43 : Conséquence de la compétence du tribunal aux armées de Paris 95 Article 44 : Correction rédactionnelle due à l'introduction d'un nouvel article 96 Article 45 : Restriction de la notion de flagrance au regard de l'avis du Ministre de la Défense 96 Article 46 : Demande d'avis du Ministre de la Défense en cas d'engagement des poursuites sur plainte ou constitution de parties civiles 97 Article 47 : Abrogation d'articles divers 101 Article 48 : Décision d'audience à huis clos 101 TITRE III DISPOSITIONS DIVERSES Article 49 : Abrogation d'un article 103 Article 50 : Recouvrement des droits fixes de procédure 104 Article 51 : Modification de la loi du 21 juillet 1982 105 Article 52 : Application du code de justice militaire en temps de guerre 106 Article additionnel après l'article 52 : Recodification du code de justice militaire avant le 1er janvier 2002 106 Article 53 : Application aux territoires d'outre-mer et à Mayotte 107 TABLEAU COMPARATIF 109 AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 187 ANNEXES 189 ANNEXE 1 : Code de procédure pénale 189 ANNEXE 2 : Code de justice militaire 193 ANNEXE 3 : La justice militaire en temps de paix : règles de compétence 197 Mesdames, Messieurs, Le projet de loi réformant le code de justice militaire est un projet attendu. Lors de la dernière grande réforme de la procédure pénale 11) destinée à renforcer les garanties accordées aux justiciables, les dispositions relatives à la justice militaire n'ont, en effet, pas été modifiées. L'article 229 de la loi du 4 janvier 1993 prévoit néanmoins d'appliquer à la justice militaire les dispositions du nouveau code de procédure pénale avant le 1er janvier 1999, échéance qui, après deux reports successifs, a été définitivement fixée par la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national. * C'est en vertu de cette disposition qu'intervient le présent projet de loi, qui vise à mettre fin à l'écart entre la procédure suivie devant les juridictions relevant du code de justice militaire et celle définie par le code de procédure pénale. Votre rapporteur se félicite de l'intervention de ce texte, qui témoigne du souci du Gouvernement de respecter un engagement pris devant le Parlement. Plus encore, en faisant de ce texte un pan de la réforme de la justice, ainsi que l'a souligné le Garde des sceaux devant la commission de la défense, les pouvoirs publics renforcent la cohérence du système judiciaire. Car, hors circonstances exceptionnelles, la justice est une, en dépit des différentes épithètes qui peuvent lui être adjointes. Si, dans le passé, la notion même de justice militaire a pu faire sourire, force est de constater qu'aujourd'hui, les boutades qu'elle a pu susciter appartiennent à l'histoire. Cette réforme s'insère également dans l'ensemble des mutations qui affectent les armées. En déclinant le principe selon lequel le justiciable militaire est avant tout un justiciable, le projet de loi contribue à la redéfinition du lien entre l'armée et la Nation. * Le projet de loi proposé par le Gouvernement va cependant bien au-delà des prescriptions de l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993. Loin de se cantonner à la stricte transcription de la réforme de la procédure pénale au code de justice militaire, le projet de loi poursuit d'autres objectifs, le Gouvernement saisissant " l'occasion " offerte, comme il est dit dans l'exposé des motifs, pour améliorer le fonctionnement d'un dispositif qui concerne l'ensemble de la communauté militaire, soit environ 450 000 personnes en 1998, sans compter les personnes dites " à la suite de l'armée " relevant, elles aussi, du code de justice militaire. Tout d'abord, le projet de loi étend les garanties des justiciables au-delà même de la seule application des dispositions de la réforme de 1993. Votre rapporteur ne peut ainsi que se réjouir de voir que, désormais, les décisions rendues par les tribunaux aux armées et les tribunaux prévôtaux pourront être frappées d'appel. De plus, le projet de loi s'efforce de corriger les dysfonctionnements les plus apparents d'un système dont la complexité se révèle parfois redoutable : ainsi en est-il des règles de compétence applicables aux infractions commises en temps de paix et hors du territoire de la République. Enfin, dépassant le cadre de la justice militaire, stricto sensu, il modifie, sur des points importants, les dispositions de la réforme de 1982 qui avait généralisé le principe d'application du droit commun sur le territoire de la République : peuvent être cités à cet égard l'extension de compétence des chambres spécialisées des juridictions de droit commun ou l'élargissement du champ d'intervention de l'avis du Ministre de la défense. Ces dispositions, connexes au regard de l'objectif premier du projet de loi, sont loin d'être secondaires. Relevant cependant de logiques parfois contradictoires, elles brouillent quelque peu la philosophie initiale du texte et incitent à s'interroger sur sa cohérence d'ensemble. En mêlant plusieurs objectifs qui ne paraissent pas toujours procéder d'une réflexion d'ensemble, le projet perd parfois de sa force. C'est précisément afin de mieux satisfaire à son objectif initial, à savoir l'amélioration des garanties offertes aux justiciables, que votre rapporteur propose un certain nombre de modifications susceptibles de renforcer la cohérence d'un texte qui contribue à la lente construction de l'édifice, jamais achevé, des libertés publiques. * Longtemps irréductibles l'une à l'autre, justice militaire et justice de droit commun ont vu les frontières qui les séparent devenir peu à peu moins étanches en temps de paix. Si le projet de loi vient encore atténuer, sur certains points, les spécificités de la justice militaire du temps de paix, il maintient, voire renforce, paradoxalement, certains traits caractéristiques du lien entre la justice et le monde militaire, sans que la justification en apparaisse aisément. I. - JUSTICE MILITAIRE, JUSTICE ET MILITAIRES : DES SPÉCIFI-CITÉS TOUJOURS PLUS ATTÉNUÉES L'histoire de la justice militaire est marquée par une restriction toujours plus importante du champ d'application de la notion. Jusqu'en 1982, en effet, relevait de la justice militaire le jugement des infractions commises en temps de guerre et en temps de paix par les militaires et certains civils, que ce soit sur le territoire de la République ou hors des frontières nationales. Aujourd'hui, au sens strict, la justice militaire ne concerne que deux cas de figure : les infractions commises en temps de paix et hors du territoire de la République par les justiciables mentionnés aux articles 59 et suivants du code de justice militaire et les infractions commises en temps de guerre par les justiciables définis aux articles 68 et suivants du même code. Depuis 1982, le jugement des infractions commises en temps de paix sur le territoire de la République ne relève plus de la justice militaire, mais du droit commun, et donc du code de procédure pénale (articles 697 à 698-8), sous réserve de certaines spécificités. Ce code traite également, en renvoyant aux dispositions du code de justice militaire, en ses articles 699, 699-1 et 700, " des juridictions compétentes en cas de guerre, de mobilisation, d'état de siège ou d'état d'urgence ". Il s'agit là sans nul doute d'un système complexe, tant au regard des règles de compétence qu'il institue que de ses principes d'organisation. Si, sur certains points, la complexité est inhérente à la spécificité de la matière, sur d'autres, il faut bien admettre qu'elle est inadaptée au fonctionnement des armées qui s'inscrit désormais dans un contexte renouvelé. A. - LA RUPTURE INTRODUITE PAR LA RÉFORME DE 1982 L'histoire de la justice militaire est jalonnée d'un petit nombre de dates-phares. C'est à partir de la Révolution Française que se mettent en place les problématiques principales qui les conditionnent (distinction entre infractions de droit commun et infractions militaires, nature des juridictions militaires et des règles de procédure), même s'il faut attendre 1857 pour que soit promulgué le premier code de justice militaire. Ce dernier consacra le système très contesté de la compétence personnelle, les militaires étant, par principe, justiciables de la juridiction militaire. La transformation de l'armée, la réalité du " soldat-citoyen ", consacrée par la première guerre mondiale, et la progression de l'idée selon laquelle le justiciable militaire a droit aux mêmes garanties que le justiciable civil rendirent nécessaire une refonte de ce premier code. Le code de justice militaire du 9 mars 1928 est inspiré par ces principes. Cependant, l'inadaptation de cette législation sans cohérence, les armées de Terre, de l'Air et la Marine ayant chacune leur régime propre, se fit de plus en plus sentir. C'est pourquoi le Parlement eut en 1965 21), lors de l'adoption d'un nouveau code de justice militaire, le souci d'unifier la législation. Il fallut cependant attendre 1982 pour voir évoluer, sur le fond, la notion même de justice militaire. Même si elle ne concerne que la justice militaire rendue en temps de paix sur le territoire de la République, la réforme de 1982 fait assurément partie des grandes dates qui marquent son histoire. 1. - La justice militaire en temps de paix : une évolution radicale Depuis 1982, le droit pénal opère une distinction très nette, en temps de paix, entre le territoire national et les lieux d'interventions extérieures. Alors que le régime juridique des infractions commises en temps de paix sur le territoire de la République est défini par le code de procédure pénale, les infractions commises en temps de paix, mais hors du territoire de la République relèvent du code de justice militaire. a) Sur le territoire de la République : le principe de l'application du droit commun La loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 a supprimé les juridictions militaires établies en temps de paix, sur le territoire de la République. Jusqu'à cette date, en effet, se trouvaient compétents, en temps de paix, des tribunaux permanents des forces armées (TPFA), dont la chambre de jugement était composée de deux magistrats civils et de trois juges militaires. Existait, par ailleurs, une chambre de contrôle de l'instruction où siégeaient deux magistrats civils ainsi qu'un officier et qui statuait comme juridiction d'appel des ordonnances du juge d'instruction. Les TPFA disposaient, en outre, d'une large compétence puisqu'ils jugeaient non seulement l'ensemble des infractions militaires mais également toutes les infractions de droit commun commises pendant le service ou dans un établissement militaire. Quant à la procédure, elle était largement comparable à celle suivie devant les cours d'assises, le jugement n'étant susceptible que d'une voie de recours, à savoir le pourvoi en cassation devant la chambre criminelle. La rupture introduite par la réforme de 1982 fut radicale, " historique " comme le soulignèrent à maintes reprises les différents intervenants lors de la discussion parlementaire. Comme l'indiquait le Garde des Sceaux lors de la première lecture devant l'Assemblée nationale, il s'agissait de mettre un terme " à plus de six siècles de droit et de procédure militaires " au nom de l'unité de la justice, de l'inadéquation des procédures d'exception aux circonstances ordinaires et de la distinction entre répression pénale et répression disciplinaire. Désormais, les infractions qui relevaient auparavant de la compétence des TPFA sont instruites et jugées par les tribunaux ordinaires et selon les règles du code de procédure pénale. Il n'en reste pas moins que tant en termes d'organisation que de compétence ou de procédure, certaines spécificités subsistent, dessinant un équilibre complexe. (1) L'organisation du dispositif Au sein des juridictions de droit commun, sont instituées des formations spécialisées qui connaissent des infractions militaires et des infractions de droit commun commises dans l'exécution du service par des militaires (article 697 du code de procédure pénale). La carte judiciaire de ces chambres spécialisées est dérogatoire au droit commun : c'est au pouvoir réglementaire qu'il revient de désigner, dans le ressort de chaque cour d'appel, un tribunal de grande instance et une cour d'assises pour le jugement desdits crimes et délits. Au sein du tribunal de grande instance compétent, des magistrats sont affectés aux formations de jugement spécialisées en matière militaire. Quant à la cour d'assises, elle n'en a parfois que le nom puisque, dans un certain nombre de cas, elle ne comporte pas de jury populaire. (2) Les règles de compétence · Les juridictions spécialisées qu'institue l'article 697 du code de procédure pénale ont une compétence d'attribution définie à l'article 697-1 du même code. Relèvent d'abord de la compétence de ces chambres les infractions militaires prévues par le livre troisième du code de justice militaire, parmi lesquelles peuvent être citées l'insoumission (article 397), la désertion (articles 398 à 413) ou encore la capitulation (article 421). En outre, certaines infractions de droit commun commises par les militaires relèvent également de la compétence de ces juridictions. Le législateur a, en 1982, limité cette compétence aux infractions commises dans l'exécution du service, abandonnant le critère de l'établissement militaire. Si les règles de compétence relatives aux délits de droit commun, commis dans l'exécution du service par les militaires, sont relativement claires, il existe toutefois un doute sur les règles régissant les crimes de cette catégorie. Deux interprétations semblent prévaloir en ce domaine. D'une part, certains auteurs 31) considèrent que les juridictions spécialisées sont compétentes à l'égard des crimes de droit commun commis par les militaires dans l'exécution du service, à la condition qu'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. A contrario donc, le critère du service cède devant l'absence de risque de violation du secret de la défense nationale, la compétence revenant, dans ces circonstances, à une cour d'assises normale. La seconde interprétation, qui semble plus juste au regard des dispositions de l'ensemble du chapitre Ier du titre onzième du code de procédure pénale, conduit à distinguer entre la cour d'assises spécialisée (au sens de l'article 697) et, au sein de cette cour d'assises spécialisée, la cour d'assises spéciale (au sens de l'article 698-6) : s'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale, c'est la cour d'assises spécialisée, composée de manière spéciale, qui est compétente pour le jugement d'un crime de droit commun commis par un militaire dans l'exécution du service ; dans le cas contraire, c'est la cour spécialisée mentionnée à l'article 697, composée normalement, qui est compétente. Enfin, les juridictions mentionnées à l'article 697 se voient reconnaître une compétence d'attribution à l'égard des crimes et délits commis contre les intérêts fondamentaux de la Nation. · En matière de compétence personnelle, les juridictions spécialisées sont compétentes à l'égard des militaires tels que définis par les articles 61 à 63 du code de justice militaire. Outre les militaires de carrière, ceux qui servent en vertu d'un contrat ou ceux qui accomplissent le service militaire, existent des catégories de justiciables assimilées à des militaires, telles, par exemple, les personnes qui, sans être liées légalement ou contractuellement aux forces armées, sont portées sur les contrôles et accomplissent du service. Il est à noter, enfin, que toute personne majeure complice ou coauteur desdites infractions relève de la compétence de cette même juridiction. Ainsi, contrairement à l'état antérieur du droit, c'est le militaire qui attire le civil, ce renversement du critère de compétence trouvant son origine dans l'identité de nature entre les juridictions compétentes, qui sont, dans les deux cas, de droit commun. · Enfin, les règles de compétence territoriale régissant ces juridictions procèdent du droit commun (articles 43, 53, 382 et 663 du code de procédure pénale) et des règles spécifiques, définies à l'article 697-3 du même code. Peuvent ainsi être également compétentes les juridictions du lieu d'affectation du militaire ou de débarquement de son unité. Il convient, en outre, de noter que la compétence de ces juridictions s'étend, dans certains cas, aux infractions commises à l'étranger. Dans l'hypothèse où n'existe pas, sur le lieu de stationnement ou d'opération d'une force armée, de tribunal aux armées, les crimes ou délits qui seraient de la compétence de ce dernier sont, en effet, portés devant l'une des juridictions spécialisées siégeant sur le territoire national, en vertu de l'article 697-2, sous réserve d'un accord international bilatéral fixant la compétence d'un tribunal militaire. (3) La procédure La spécificité de ces juridictions tient enfin aux règles de procédure suivies devant elles : si, en règle générale, le droit commun est applicable, certains traits de procédure sont tout à fait dérogatoires au droit commun. · Au stade de l'enquête, l'article 698-3 du code de procédure pénale impose des réquisitions préalables à l'entrée des enquêteurs dans les établissements militaires, au nom du respect des prescriptions relatives au secret militaire. Outre que ces réquisitions doivent " préciser la nature et les motifs des investigations jugées nécessaires ", un représentant de l'autorité militaire, accompagnant le procureur de la République, le juge d'instruction et les officiers de police judiciaire, est tenu d'assister à ces opérations. · Pour ce qui concerne la mise en mouvement de l'action publique, la règle de droit commun définie aux articles 40 à 43 du code de procédure pénale est assortie de deux réserves importantes. Sauf en cas de crime ou délit flagrant, tout acte de poursuite doit, en effet, être précédé d'une dénonciation de l'infraction par l'autorité militaire ou d'un avis de cette même autorité. Lors de l'examen par le Parlement de la réforme du code de justice militaire en 1982, M. Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, avait justifié cette dérogation par la nécessité de tenir compte de la spécificité militaire : " l'autorité militaire doit être informée des intentions du parquet et pouvoir faire connaître son opinion ", avait-il déclaré alors. La seconde dérogation en la matière tient à la limitation apportée à la capacité, pour la partie civile, de mettre en mouvement l'action publique. Jusqu'en 1992, la partie civile n'avait aucune possibilité de mettre en mouvement l'action publique. Ce choix, dont le Garde des Sceaux s'était longuement expliqué en 1982, invoquant en particulier " la possibilité d'entreprises de déstabilisation de l'armée républicaine ", est apparu peu justifié au législateur qui, en 1992, a cependant limité aux " cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente " (article 698-2 du code de procédure pénale), les hypothèses dans lesquelles la partie civile peut exercer ce pouvoir que lui reconnaît, sans limitation, le droit commun. * Au total, en dépit de spécificités marquées, dont le maintien est plus ou moins justifié au regard de l'évolution de la société et du fonctionnement de la justice, les règles d'organisation, de procédure et de compétence qui régissent les infractions commises par les militaires en temps de paix et sur le territoire de la République sont proches du droit commun. Sans aller jusqu'à déclarer, avec le rapporteur de la loi de 1982 devant l'Assemblée nationale, que la justice militaire devenait une justice ordinaire, force est de convenir qu'en quittant le terrain de l'exception, la justice militaire de temps de paix devenait une justice quasi-ordinaire. b) Hors du territoire de la République : des spécificités encore importantes Depuis la réforme de 1982, la justice militaire de temps de paix, stricto sensu, a vu sa compétence réduite à l'instruction et au jugement des infractions commises hors du territoire national. Le législateur, en transférant au code de procédure pénale des dispositions applicables aux infractions commises sur le territoire de la République, a ainsi introduit une rupture dans le régime juridique applicable aux militaires en temps de paix, que ce soit en termes d'organisation, de compétence ou de procédure. Cette rupture s'est d'ailleurs accentuée au fur et à mesure que les personnes justiciables du code de procédure pénale voyaient leurs garanties étendues par les réformes successives de la procédure pénale, alors que les dispositions régissant le code de justice militaire restaient inchangées. (1) L'organisation des juridictions Lors de l'examen par le Parlement de la réforme du code de justice militaire en 1982, le Garde des Sceaux avait, dès le début de la discussion générale, souligné les limites de l'exercice : " ce retour au droit commun est (...) limité aux juridictions militaires qui ont leur siège sur le territoire de la République ". Ce maintien de l'organisation antérieure fut justifié, à l'époque, par la nécessité de respecter les engagements internationaux de la France. En vertu de la Convention de Londres du 19 juin 1951 et de l'accord complémentaire du 3 août 1959, les ressortissants français bénéficient, en effet, du privilège de juridiction en Allemagne. La suppression des juridictions militaires installées à l'étranger et, donc, du tribunal militaire aux armées ayant son siège à Baden-Baden et des tribunaux prévôtaux installés en République fédérale d'Allemagne, aurait donc eu pour conséquence la perte de ce privilège. C'est sur le fondement de cette argumentation qu'ont été maintenus les tribunaux aux armées et, pour les infractions de police hormis les contraventions de la cinquième classe, les tribunaux prévôtaux. L'organisation de la justice militaire en temps de paix et hors du territoire de la République apparaît aujourd'hui singulièrement complexe et peu compatible avec la possibilité d'un traitement homogène des justiciables. C'est pourtant un système en apparence très simple que le code de justice militaire institue : la compétence de principe pour le jugement des infractions commises dans ce cadre revient aux tribunaux aux armées établis hors du territoire de la République (article premier du code de justice militaire), lorsque des troupes stationnent ou opèrent hors du territoire de la République (article 3 du code de justice militaire). A défaut, puisqu'il ne s'agit là que d'une possibilité laissée à la discrétion du pouvoir réglementaire 41), les affaires relevant de la justice militaire sont portées devant la juridiction compétente, à savoir les formations spécialisées des juridictions de droit commun établies sur le territoire national. Tel est le dispositif qui ressort de la lecture combinée des articles premier, 3 et 5 du code de justice militaire. La réalité est cependant plus complexe. Si des accords internationaux prévoient une attribution expresse de compétence au profit des juridictions militaires françaises et si aucune juridiction militaire n'a été établie sur le territoire de stationnement ou d'opérations des forces françaises, c'est un tribunal des forces armées dont le siège est à Paris qui est compétent (article 10 de la loi du 21 juillet 1982). Or, plusieurs accords conclus avec certains Etats d'Afrique prévoient une attribution de compétence au profit des juridictions militaires françaises. Le tableau suivant résume les grandes lignes de cette organisation.
(2) Les règles de compétence Selon que le justiciable est renvoyé devant une juridiction militaire ou devant une juridiction de droit commun spécialisée, des règles de compétence différentes s'appliquent. En effet, la compétence des tribunaux aux armées et du tribunal des forces armées de Paris est sensiblement plus large que celle des juridictions spécialisées. Tout d'abord, il n'est pas distingué entre les infractions militaires et les infractions de droit commun, la compétence de ces juridictions s'étendant aux infractions de toute nature. De plus, les règles de compétence personnelle accroissent encore la compétence de ces juridictions. Aux termes des articles 59 à 66 du code de justice militaire, relèvent de ces juridictions non seulement les justiciables militaires mais également " les personnes à la suite de l'armée en vertu d'une autorisation ", notamment des " personnels civils employés à titre statutaire ou contractuel par les forces armées ainsi que les personnes à leur charge lorsqu'elles accompagnent le chef de famille hors du territoire de la République ". Ces juridictions sont également compétentes à l'égard des mineurs de 18 ans s'ils sont membres des forces armées ou lorsqu'aucune juridiction française des mineurs ne peut être saisie ou encore s'ils sont ressortissants d'un Etat occupé ou ennemi à l'époque des faits reprochés. Enfin, sont également justiciables de ces juridictions tous auteurs ou complices d'une infraction contre les forces armées françaises ou contre leurs établissements. Enfin, ratione loci, sont compétents les tribunaux aux armées du lieu de l'infraction, de l'affectation, du débarquement ou de l'arrestation de tout auteur ou complice, ou encore du lieu le plus proche de la résidence. (3) La procédure Sans attenter aux règles fixées par les conventions internationales, le législateur a toutefois souhaité rapprocher autant que possible du droit commun les règles régissant la justice militaire en temps de paix et hors du territoire de la République. Dans cette optique, cinq modifications majeures ont été introduites en 1982 : - les règles de composition du tribunal de Landau ont été modifiées au profit d'une composition exclusivement civile ; - la direction de la police judiciaire et le pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites sont attribués à un commissaire du Gouvernement exerçant, sous l'autorité du Garde des Sceaux, les attributions et prérogatives reconnues au procureur de la République par les articles 41 et 42 du code de procédure pénale ; - les modalités de la garde à vue sont celles prévues par le code de procédure pénale, tel qu'il existait en 1982 ; - les victimes d'infractions peuvent se constituer parties civiles devant les juridictions d'instruction ou de jugement ; - en matière correctionnelle et contraventionnelle, le tribunal statue par jugement motivé et, en matière criminelle, la procédure d'information comporte, comme en droit commun, un double degré de juridiction. Il n'en reste pas moins que la justice militaire en temps de paix et hors du territoire de la République est avant tout caractérisée par ses spécificités au regard du droit commun. Ceci résulte, non seulement du choix fait par le législateur en 1982 mais également du fait que les réformes successives du code de procédure pénale depuis cette date n'ont pas été appliquées au code de justice militaire, d'où un fossé croissant entre deux procédures différentes dès l'origine. · Au stade de l'enquête, les autorités militaires sont assistées par les officiers de police judiciaire des forces armées, énumérés par l'article 82 du code de justice militaire. La catégorie d'officier de police judiciaire des forces armées est tout à la fois plus large et plus restrictive que la catégorie d'officier de police judiciaire dont les titulaires sont définis par l'article 16 du code de procédure pénale. Ainsi, s'agissant des militaires de la gendarmerie, la qualité d'officier de police judiciaire des forces armées concerne un plus grand nombre de militaires que celle d'officier de police judiciaire définie par le code de procédure pénale puisque, outre ces derniers, elle comprend les gendarmes servant dans les prévôtés sans condition d'ancienneté ni de désignation par arrêté. Les gendarmes affectés en prévôtés, notamment dans le cadre des opérations extérieures, n'étant pas nécessairement officiers de police judiciaire au sens de l'article 16 du code de procédure pénale, cette disposition permet de ne pas compromettre l'efficacité des missions de police judiciaire malgré un manque éventuel de personnels, tout en maintenant les officiers de police judiciaire des forces armées sous l'autorité du commissaire du Gouvernement. Quant aux règles régissant la garde à vue, longtemps très proches de celles du code de procédure pénale, elles sont, depuis la réforme de 1993 qui a profondément amélioré la garantie des droits de la personne gardée à vue, très dérogatoires au droit commun. · Les règles relatives à l'exercice de l'action publique dérogent au droit commun sur deux points essentiels. En premier lieu, la mise en mouvement de l'action publique par le commissaire du Gouvernement est, comme dans le cas des juridictions spécialisées, assortie de conditions spécifiques : dès lors que l'autorité militaire a dénoncé l'infraction, le commissaire du Gouvernement perd son pouvoir d'appréciation sur la suite à donner aux faits portés à sa connaissance et est tenu de poursuivre ; à défaut de dénonciation, il faut, préalablement à tout acte de poursuite, demander l'avis de l'autorité militaire, sauf cas de flagrance. En second lieu, comme devant les chambres spécialisées des juridictions de droit commun, la faculté, pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique, introduite par le législateur en 1992, est limitée aux trois cas de décès, mutilation et infirmité permanente. · En matière de détention provisoire et de contrôle judiciaire, d'importantes spécificités peuvent également être relevées. Tout d'abord, la privation de liberté peut résulter de pièces autres que les mandats. Les justiciables des tribunaux aux armées sont aussi susceptibles d'être détenus pendant cinq jours au plus sur ordre d'incarcération provisoire émanant du commissaire du Gouvernement, et ce jusqu'à décision sur la suite à donner à l'affaire. A l'expiration de ce délai ou si le commissaire du Gouvernement lève l'ordre d'incarcération provisoire, l'intéressé est mis en liberté. Si des poursuites sont ouvertes, il revient au président du tribunal ou au juge d'instruction délégué par lui de confirmer ou non l'ordre d'incarcération, dont la validité peut atteindre au maximum soixante jours, délai à l'issue duquel le prévenu est mis en liberté. En deuxième lieu, en matière correctionnelle, la détention peut être ordonnée, outre les cas énumérés par le code de procédure pénale, " lorsqu'elle est rendue nécessaire par la discipline des armées " (article 134 du code de justice militaire). Quant au contrôle judiciaire, il est formellement exclu par l'article 137 du code de justice militaire, au motif que ses conséquences sont incompatibles avec les fonctions exercées par les militaires et assimilés. Le contrôle judiciaire entraîne en effet en particulier l'interdiction de port d'armes. En outre, il est généralement estimé que les obligations du service se substituent efficacement au contrôle judiciaire. · Les dernières spécificités notables tiennent aux modalités des voies de recours. Depuis la loi du 8 juillet 1965 portant institution du code de justice militaire, l'ensemble des décisions rendues par les juridictions des forces armées peuvent faire l'objet d'un pourvoi, jugé par la Cour de cassation. Ainsi, l'article 1er du code de justice militaire dispose que " la justice militaire est rendue sous le contrôle de la Cour de cassation ". Toutefois, les jugements rendus par les juridictions des forces armées ne sont pas susceptibles d'appel, même en temps de paix. 2. - La justice militaire en temps de guerre : l'impératif de survie de la collectivité nationale En 1982, le législateur n'a pas souhaité modifier les règles de droit pénal militaire applicables au temps de guerre, au nom du principe général de l'exception qui conduit à un dessaisissement du judiciaire. " Dans le temps de l'exception, l'impératif de survie de la collectivité nationale l'emporte sur toute autre considération ", avait rappelé alors le Garde des Sceaux. Ce " temps de l'exception " recouvre en réalité cinq cas de figure distincts : - le temps de guerre, tel qu'il résulte des dispositions de l'article 35 de la Constitution. Il convient d'observer que n'existe pas de définition juridique satisfaisante du temps de guerre, hormis un essai de définition quelque peu tautologique qui considère que le temps de guerre existe dès lors que le Parlement a voté la déclaration de guerre ; - la mobilisation et la mise en garde, conformément aux dispositions de l'article 699-1 du code de procédure pénale qui donne compétence au pouvoir réglementaire pour renvoyer au code de justice militaire dès lors que des mesures de mobilisation ou de mise en garde ont été prises, dans les conditions prévues par l'ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense ; - l'état de siège et l'état d'urgence, régis respectivement par la loi du 8 août 1849 et par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955. a) Une organisation judiciaire d'exception · Sur le territoire de la République, il existe deux catégories de juridictions militaires en temps de guerre : les tribunaux territoriaux des forces armées et le haut tribunal des forces armées. Etabli par décret en Conseil d'Etat sur le rapport du Ministre de la Défense qui détermine son ressort, le tribunal territorial des forces armées (TTFA) est composé de cinq membres, deux civils et trois militaires. Le président est choisi parmi les magistrats du siège d'une cour d'appel ou d'un tribunal supérieur d'appel dont le ressort coïncide en totalité ou en partie avec celui du TTFA, à savoir une ou plusieurs régions militaires ou circonscriptions militaires d'outre-mer. L'assesseur judiciaire est également un magistrat du siège désigné par le premier président de la cour d'appel. Quant aux trois autres juges, ce sont des militaires désignés pour six mois par l'autorité militaire, selon le principe hiérarchique. Quant au haut tribunal des forces armées, juridiction d'exception unique, il est compétent pour juger les maréchaux et amiraux de France, les officiers généraux et assimilés ainsi que les membres du contrôle général des armées. Si son siège est, de manière habituelle, établi à Paris, il peut cependant se réunir en tout lieu du territoire de la République. Egalement composé de cinq membres, son président et l'assesseur sont tous deux des magistrats du siège, les trois juges militaires étant désignés selon les mêmes principes que pour les TTFA. Les règles de compétence de ces deux juridictions sont identiques, la seule originalité du haut tribunal des forces armées tenant à la qualité des personnes qu'il doit juger. Pour le reste, il s'agit d'une compétence avant tout personnelle puisque relèvent de ces juridictions les membres des forces armées et les personnes à la suite des armées, ces notions étant identiques à celles qui prévalent pour la justice militaire de temps de paix. Toutefois, ces tribunaux sont également compétents à l'encontre de civils, qu'il s'agisse de nationaux ennemis, de ceux qui commettent des infractions contre les nationaux, des protégés français ou des apatrides vivant sur le territoire national. · Lorsqu'en temps de guerre, des troupes stationnent ou opèrent hors du territoire de la République, des tribunaux militaires aux armées peuvent être établis. Cette disposition est une transcription intégrale du droit antérieur défini par la loi précitée de 1965. Les règles de composition de ce tribunal suivent le principe déjà observé selon lequel la spécificité s'accroît avec l'éloignement des justiciables par rapport au territoire national. Ce tribunal est, en effet, composé de cinq membres, un président et quatre assesseurs militaires, le président étant lui-même soit un magistrat militaire, soit un magistrat judiciaire mobilisé, soit un magistrat du corps des magistrats militaires versé dans les réserves et mobilisé. Quant aux règles de compétence applicables devant ces juridictions, elles sont identiques à celles des TTFA. Enfin, des prévôtés sont établies en temps de guerre, non seulement lorsque des unités stationnent ou opèrent hors du territoire de la République -comme en temps de paix-, mais également sur le territoire de la République. Quant à la constitution des tribunaux prévôtaux compétents pour le jugement des contraventions, autres que celles de la cinquième classe, elle obéit aux mêmes conditions que pour le temps de paix et est, de ce fait, conditionnée par l'existence d'une juridiction militaire hors du territoire national. b) Une procédure d'exception Au regard de la procédure suivie en temps de paix devant les juridictions militaires, dont le caractère dérogatoire par rapport au droit commun a été souligné, les règles applicables pour le temps de guerre sont caractérisées par un degré supplémentaire de spécificité. De manière générale, la procédure de jugement s'inspire assez directement de celle suivie en cour d'assises (système des questions), le président de la juridiction disposant d'un pouvoir discrétionnaire pour parvenir à la manifestation de la vérité. Ainsi, antérieurement à l'audience, la principale dérogation concerne l'entière dévolution des pouvoirs conférés, en temps de paix, au procureur de la République ou au commissaire du Gouvernement, au Ministre chargé de la Défense et aux autorités militaires compétentes. Tel est également le cas des fonctions de police judiciaire militaire. Le rôle du commissaire du Gouvernement apparaît donc singulièrement diminué en matière de déclenchement des poursuites puisque, conseiller des autorités militaires, il se borne à donner son avis sur toutes les questions concernant la mise en mouvement de l'action publique. Pour ce qui est de l'instruction préparatoire, les règles applicables devant les tribunaux aux armées sont généralement applicables, sous réserve de dispositions particulières. Il peut être, par exemple, relevé que la défense des justiciables peut être assurée par un officier défenseur assimilé spécial du service de la justice militaire. Quant aux voies de recours, il convient d'observer qu'elles obéissent pour l'essentiel aux règles applicables devant les tribunaux aux armées, sous réserve d'une réduction importante des délais d'opposition (cinq jours au lieu de quinze) et de pourvoi en cassation (vingt-quatre heures au lieu de cinq jours). B. - UN DISPOSITIF COMPLEXE, DEVENU INADAPTÉ Les rapports entre la justice et le monde militaire sont définis par un équilibre complexe, dans lequel la prégnance des héritages de l'histoire le dispute aux tentatives de réforme et de simplification. Mal nécessaire sur certains points, la complexité du dispositif se révèle, sur d'autres points, inadapté aux réformes de la défense actuellement mises en oeuvre. 1. - Des règles de compétence et d'organisation complexes a) Sur le territoire de la République : le critère du service La justice militaire, bien qu'ayant été profondément transformée par la réforme de 1982, reste cependant conditionnée par des problématiques dont les termes ont, en définitive, assez peu changé. Ainsi, depuis l'abandon du critère exclusif de compétence personnelle qu'avait consacré le code de justice militaire de 1857, se pose de façon récurrente la question des frontières de compétence entre juridictions de droit commun et formations spécialisées. En l'état actuel du droit, si le critère de compétence personnelle est généralement nécessaire pour entraîner la compétence des formations spécialisées, il n'est pas suffisant et doit être combiné avec celui de l'exécution du service ; d'une certaine façon, le critère de la compétence personnelle cède devant le critère de la compétence matérielle. Le critère de l'exécution du service, même précisé par le législateur, lors de l'examen de la loi du 21 juillet 1982, a pu soulever des difficultés d'application, comme en témoigne la jurisprudence qu'il a suscitée. Toutefois, à défaut de critères plus satisfaisants, il paraît souhaitable de le conserver. b) Hors du territoire de la République : un dispositif sans homogénéité L'organisation actuelle de la justice militaire en temps de paix ne permet pas d'assurer un traitement équitable des justiciables, tant les règles qui la régissent sont complexes. Plus particulièrement, deux problèmes apparaissent. En premier lieu, le système, en mêlant justice militaire et justice de droit commun, fait intervenir deux procédures qui sont, à l'heure actuelle, très différentes : les justiciables jugés devant un tribunal aux armées se voient appliquer la procédure définie dans le code de justice militaire, alors que les affaires renvoyées devant les chambres spécialisées sont jugées selon les règles définies par les articles 697 et suivants du code de procédure pénale. Ainsi, par exemple, pour le jugement d'un crime de même nature, un justiciable peut relever d'un tribunal composé exclusivement de magistrats alors qu'un autre, jugé par une chambre spécialisée, bénéficie de la présence d'un jury populaire, sauf risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. En second lieu, le droit actuel est confus quant au statut des tribunaux aux armées. Alors que l'article premier du code de justice militaire laisse penser que les tribunaux aux armées sont nécessairement établis hors du territoire, l'article 3 dispose que ces tribunaux peuvent être établis lorsque les armées stationnent ou opèrent hors du territoire, ce qui permet d'établir ces tribunaux sur le territoire de la République. C'est en vertu de cette disposition qu'a d'ailleurs pu être créé le tribunal des forces armées de Paris. La situation actuelle est d'autant plus regrettable que, hors du territoire de la République, le champ d'intervention des juridictions spécialisées s'élargit ; sont, en effet, considérés comme membres des forces armées non seulement les militaires proprement dits mais également " les personnels civils employés à titre statutaire ou contractuel par les forces armées, ainsi que les personnes à leur charge, lorsqu'elles accompagnent le chef de famille hors du territoire de la République. " (article 60 du code de justice militaire). 2. - Un dispositif inadapté à l'armée de demain a) Les effets de la professionnalisation : le devoir de rapprochement entre l'armée et la Nation A l'heure de la suspension de la conscription, il importe de définir les nouvelles modalités permettant de maintenir le lien entre l'armée et la Nation. Les règles applicables aux membres des forces armées en matière pénale ne sont pas étrangères à cette problématique. Ainsi, en ce qui concerne les règles applicables aux militaires pour le jugement des infractions qu'ils commettent sur le territoire de la République, il importe de limiter au maximum leur spécificité à ce qui est strictement nécessaire à l'exercice de la mission particulière qu'ils assument. L'existence de chambres spécialisées au sein des formations de jugement de droit commun répond à cet objectif : la spécialisation des magistrats qu'elle suppose permet à ces derniers de juger en connaissance de cause (prise en compte d'éventuelles sanctions disciplinaires, par exemple). Faut-il aller jusqu'à prévoir des procédures aussi spécifiques que la limitation apportée à la faculté, pour la partie lésée, de mettre en mouvement l'action publique ? Votre rapporteur n'en est pas convaincu : le justiciable militaire est un justiciable avant d'être un militaire. Il importe de distinguer le droit disciplinaire du droit pénal dont les objectifs sont fort différents : alors que le premier s'inscrit dans l'exercice du pouvoir hiérarchique et correspond à une mesure d'organisation interne à la vie militaire, le second, à travers le procès pénal, a pour objet principal de faire mettre fin au trouble apporté à l'ordre social et fait de la société elle-même l'acteur principal de ce processus. b) Le développement de la projection et des opérations extérieures : la nécessité de règles claires Le Livre blanc sur la Défense de 1994 fait de la projection l'une des principales missions assignées aux armées. De fait, le bouleversement du contexte géostratégique et les interventions croissantes de la communauté internationale ont conduit à une multiplication des interventions armées hors du territoire national. Dans ce contexte, il importe que les justiciables militaires et les personnes à la suite des armées voient leur situation juridique mieux définie. La clarification des règles de compétence juridictionnelle en matière pénale participe sans nul doute de l'édification de ce statut. Faut-il souligner qu'actuellement, les justiciables relevant du code de justice militaire au titre de la participation de la France à l'IFOR puis à la SFOR sont jugés, le cas échéant, par les chambres spécialisées des juridictions de droit commun du lieu d'implantation de leur régiment, d'où des différences de traitement parfois peu justifiées, notamment dans le cas d'infractions commises en commun ? Là encore, une nécessaire modernisation s'impose. II. - UN PROJET DE LOI NÉCESSAIRE MAIS PARADOXAL En satisfaisant aux prescriptions de l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993, le présent projet de loi fait avancer à grands pas le lent mouvement d'adaptation du droit pénal militaire au droit commun. Les droits des justiciables sont également renforcés par des dispositions qui dépassent le seul objet de l'article 229 : telle est notamment la conséquence de l'instauration d'un droit d'appel devant les juridictions spécifiques chargées de connaître des infractions commises hors du territoire de la République. Au-delà de ces modifications du code de justice militaire, contenues dans un titre premier, le projet de loi, dans son titre deuxième, vient également modifier le code de procédure pénale, soit qu'il tire les conséquences des changements apportés au code de justice militaire, soit qu'il modifie d'autres dispositions autonomes par rapport au code de justice militaire. Il est ainsi proposé d'étendre la compétence des chambres spécialisées des juridictions de droit commun, d'instaurer une obligation de demander l'avis du Ministre de la Défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée ou encore de prévoir la possibilité d'instaurer un huis clos des débats devant une juridiction de jugement lorsqu'existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. Enfin, le dernier titre du projet de loi contient des dispositions diverses non codifiées, dont, en particulier, un article qui traite du droit applicable en temps de guerre. En définitive, au-delà de son objectif principal d'extension des garanties de la procédure pénale de droit commun aux justiciables militaires, le projet de loi introduit certaines modifications substantielles dans le droit pénal applicable aux militaires, qui viennent parfois brouiller la philosophie initiale du projet. A. - L'OBJECTIF PRINCIPAL DE LA RÉFORME : LE RENFORCEMENT DES DROITS DES JUSTICIABLES Le principal objectif du projet de loi est d'étendre aux justiciables relevant du code de justice militaire le bénéfice des réformes de la procédure pénale. 1. - L'extension de l'application de la procédure pénale de droit commun Pour étendre les garanties de la procédure pénale de droit commun aux justiciables relevant du code de justice militaire, le projet de loi abroge une partie importante des dispositions de ce code, en créant des articles de principe qui renvoient au code de procédure pénale, ainsi que d'autres qui correspondent aux spécificités de procédure qui sont maintenues. Est ainsi décliné tout au long du projet de loi le principe posé à l'article 2 de ce dernier : l'application du code de procédure pénale devient la règle, sous réserve, d'une part, des dispositions particulières de ce même code et, d'autre part, des dispositions édictées par le code de justice militaire. Le présent projet de loi ne vise cependant pas à restreindre encore le champ d'application de la justice militaire : il n'est pas question de faire sortir le jugement des infractions commises en temps de paix et hors du territoire de la République du domaine de la justice militaire. Néanmoins, si d'un point de vue formel, ces infractions continuent de relever du code de justice militaire, sur le fond, le système de renvois organisé par le projet de loi entre le code de justice militaire et le code de procédure pénale diminue très fortement la portée de la notion de justice militaire en temps de paix. " Rapprocher la procédure suivie devant les juridictions militaires du droit commun procédural " : il eût été inconcevable de mener à bien cet objectif assigné au projet de loi par la seule application au code de justice militaire des dispositions de la réforme de la procédure pénale. Mais il convenait également de procéder à un " rattrapage " plus global du code de justice militaire sur les évolutions du code de procédure pénale, sans quoi la réforme proposée eût perdu une partie de sa pertinence. Aussi le projet de loi introduit-il une modification très importante dans le droit pénal militaire, avec l'instauration d'un double degré de juridiction tout au long de la procédure. Jusqu'alors, en effet, l'appel n'existait pas devant les tribunaux aux armées ou les tribunaux prévôtaux, le seul recours étant, dans les deux cas, le pourvoi en cassation. Le projet de loi met heureusement fin à cette anomalie dont certains spécialistes estimaient qu'elle était contraire à l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le projet de loi étend également au profit des justiciables relevant du code de justice militaire le bénéfice des réformes récentes de la procédure pénale, notamment celles qui sont issues de la loi du 4 janvier 1993, modifiée par la loi du 24 août 1993. La loi du 4 janvier 1993, élaborée à la suite des travaux de la Commission " Justice pénale et droits de l'homme " présidée par Mme Mireille Delmas-Marty, a en effet introduit de profondes améliorations des garanties offertes aux justiciables au cours de la procédure pénale, principalement en matière de garde à vue et de déroulement de l'instruction préparatoire. 2. - Le maintien de spécificités : une réforme inachevée ? L'alignement du code de justice militaire sur le code de procédure pénale n'est cependant pas total. Certaines spécificités de la procédure pénale militaire sont maintenues ou renforcées, sans que la justification en soit d'ailleurs toujours évidente. a) Les exceptions prévues par le code de procédure pénale Les dispositions particulières prévues par le code de procédure pénale sont maintenues, voire accentuées. Si cette spécificité est justifiée sur certains points (réquisitions pour enquêter dans les établissements militaires, détention dans des locaux séparés, composition spéciale de la cour d'assises en cas de risque de divulgation d'une information couverte par le secret de la défense nationale, instauration du huis clos dans cette même hypothèse), elle est beaucoup plus discutable sur d'autres points, tels que la limitation des cas de déclenchement de l'action publique par la partie lésée aux cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente de celle-ci. L'évolution du contexte incite à réfléchir à la pertinence d'une telle spécificité, dont les justifications n'apparaissent pas de toute évidence. La grande réforme de 1982 au regard du droit des victimes fut la reconnaissance de leur possibilité de se constituer partie civile. La réforme que votre rapporteur vous soumet procède du même souffle : n'est-ce pas s'inscrire dans ce même esprit réformateur que de permettre, désormais, à la partie lésée de mettre l'action publique en mouvement sans restriction ? b) Les exceptions prévues par le code de justice militaire Les règles dérogatoires à la procédure pénale de droit commun qui subsistent dans le code de justice militaire sont très peu nombreuses et adaptées au contexte dans lequel les infractions interviennent. Toutefois, la pertinence du maintien des dispositions de l'article 95 pose problème. Cet article comporte deux dispositions distinctes. D'une part, il prévoit que l'action publique ne peut être déclenchée que sur dénonciation ou après avis du Ministre de la Défense à l'encontre de certains justiciables (maréchaux et amiraux de France, officiers généraux ou assimilés, membres du contrôle général des armées et magistrats militaires). Cette disposition déroge à la disposition particulière du code de procédure pénale, qui exclut ces dérogations dans le cas des infractions flagrantes. D'autre part, l'article 95 prévoit que l'avis du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, doit être recueilli préalablement aux poursuites contre les magistrats du corps judiciaire détachés. Alors que le privilège de juridiction dont bénéficiaient certaines professions, dont les magistrats, a été supprimé par la loi du 4 janvier 1993, comment justifier que les magistrats du corps judiciaire détachés se voient appliquer une mesure dont l'utilité est pour le moins sujette à caution ? Il convient de s'interroger, en effet, sur l'apport de l'avis rendu par le Ministre de la Justice. Votre rapporteur vous propose donc de supprimer cette disposition. B. - DES DISPOSITIONS DIVERSES QUI VIENNENT TROUBLER LA PHILOSOPHIE INITIALE DU PROJET DE LOI Le Gouvernement saisit l'occasion offerte par la prescription prévue par l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993 pour modifier, sur certains points, les règles de compétence ou de procédure qui régissent le droit pénal militaire. Toutefois, les modifications proposées brouillent quelque peu l'objectif initial d'extension des garanties des droits des justiciables, quand elles ne vont pas à l'encontre de cet objectif. 1. - Les règles de compétence juridictionnelle : un dispositif hybride et contestable a) L'extension contestable de la compétence des chambres spécialisées pour les infractions commises sur le territoire de la République Le projet de loi, en proposant d'étendre la compétence des chambres spécialisées aux infractions commises à l'intérieur des établissements militaires, vient relancer le débat sur la ligne de partage entre juridictions spécialisées et juridictions de droit commun. Après l'intervention de la réforme de 1982 qui avait limité la compétence des chambres spécialisées des juridictions de droit commun aux infractions de droit commun commises dans l'exécution du service, le juge judiciaire avait confirmé l'abandon du critère de l'établissement militaire. Dans un arrêt du 2 octobre 1987, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait ainsi décidé que les juridictions visées à l'article 697 du code de procédure pénale n'étaient pas compétentes pour connaître des infractions de droit commun commises à l'intérieur d'un établissement militaire par des militaires qui n'étaient affectés à aucune tâche et n'accomplissaient aucun service (il s'agissait en l'espèce de militaires qui s'étaient livrés à des attentats à la pudeur à l'encontre d'un de leurs camarades). C'est, aux termes de l'exposé des motifs, dans un souci de " simplification " que le Gouvernement propose de distinguer deux critères : l'établissement militaire et, en dehors de cet établissement, l'exécution du service. Ce retour à l'état du droit antérieur à la réforme de 1982 est, pour le moins, surprenant, voire contestable au regard de l'objectif de simplification recherché. Car si la difficulté liée à la notion d'exécution du service, que la jurisprudence éclaircit petit à petit, est maintenue, se trouve ajoutée une nouvelle source de complexité avec la notion d' " établissement militaire ". Là encore, celle-ci avait, durant plus d'un siècle, suscité une abondante jurisprudence. Une telle modification serait en outre préjudiciable au traitement équitable des justiciables, notamment en matière criminelle, au regard des règles de composition des chambres spécialisées, alors que l'infraction commise n'aurait rien à voir avec les contraintes de la vie militaire. b) La simplification incomplète des règles de compétence pour les infractions commises hors du territoire de la République La simplification opérée en matière de compétence pour le jugement des infractions commises hors du territoire de la République est paradoxale. Alors que l'article 5 du projet de loi fait de la compétence des tribunaux aux armées établis hors du territoire le principe et de celle du tribunal aux armées de Paris l'exception, c'est l'inverse qui prévaudra dans les faits. La compétence de principe revient au tribunal aux armées de Paris, les tribunaux aux armées n'ayant qu'une compétence d'exception. Il n'est d'ailleurs pas prévu d'en créer, pour les forces prépositionnées par exemple, bien au contraire. Le tribunal aux armées de Landau, sis à Baden-Baden, est amené à disparaître à moyen terme. Dans un souci de véritable simplification, votre rapporteur propose de faire coïncider le droit et le fait en remettant la compétence de principe au tribunal aux armées de Paris, qui pourra d'ailleurs tenir des audiences foraines en tant que de besoin. Toutefois, pour ne pas priver les ressortissants français du privilège de juridiction qui leur est reconnu par les conventions internationales, des dispositions spécifiques seront maintenues. 2. - L'extension des cas d'intervention du Ministre de la Défense L'intervention de l'avis du Ministre de la Défense en préalable au déclenchement des poursuites représente l'une des spécificités les plus notables de la procédure pénale applicable aux militaires. Le projet de loi propose de l'étendre, là encore dans un souci de mise en cohérence et d'homogénéité de la procédure, aux cas où l'action publique est déclenchée par la partie lésée. Cette disposition, qui conduit à accroître la spécificité de la procédure applicable aux militaires, semble aller quelque peu à l'encontre de l'objectif initial du projet de loi. Le Gouvernement fait toutefois valoir la nécessité de donner une assise juridique au dialogue entre les ministères de la Défense et de la Justice. C. - LA JUSTICE MILITAIRE EN TEMPS DE GUERRE 1. - Une continuité anachronique ? En 1982, en ce qui concerne le fonctionnement de la justice militaire en temps de guerre, les pouvoirs publics avaient choisi le statu quo. Le Gouvernement fait encore ce choix aujourd'hui en invoquant à nouveau " l'impératif de survie de la collectivité nationale ". Votre rapporteur ne souhaite pas remettre en cause cette décision, qui procède d'une prudence compréhensible face à des événements d'une gravité exceptionnelle, ainsi que d'une faille de la réflexion juridique qui a jusqu'alors échoué à définir la notion de temps de guerre et de temps de crise. 2. - Un code difficilement applicable Même s'il n'est pas question ici d'aborder au fond la question de la justice militaire en temps de guerre, il est nécessaire de s'interroger sur les conséquences des dispositions de l'article 52 du projet de loi qui propose de " geler ", pour le temps de guerre, l'état du droit en matière de justice militaire au 21 juillet 1982 pour l'application du code de justice militaire, et au 3 janvier 1993 pour le code de procédure pénale. Pour ces circonstances exceptionnelles, la réforme qui est proposée à notre Assemblée n'est pas applicable, ni d'ailleurs celle qui a été promulguée le 4 janvier 1993. Cette solution, inédite dans notre droit français, mais qui a reçu l'aval du Conseil d'Etat, n'est pas satisfaisante : le code de justice militaire étant construit sur un système de renvois complexes entre le temps de paix et le temps de guerre d'une part, et vers le code de procédure pénale d'autre part, le dispositif proposé rend le droit pénal militaire en temps de guerre illisible et d'application malaisée. Certes, il s'agit là -espérons-le !- d'un débat largement théorique. Cependant, il faut rappeler que le temps de guerre déborde le seul cas de l'article 36 puisque les dispositions du code de justice militaire peuvent être mises en application, par le pouvoir réglementaire, en cas de mobilisation, de mise en garde, d'état de siège ou d'état d'urgence. Or, l'histoire a montré que ce dernier cas de figure n'était pas un cas d'école. La solution idéale aurait été de réécrire le texte, même à droit constant. C'est ce qui a été fait en 1982 : le Garde des Sceaux, regrettant à l'époque de ne pouvoir soumettre au Parlement un texte plus concis, avait invoqué le fait qu'il avait " fallu procéder à un travail formel de réécriture du code de justice militaire, rendu nécessaire par la survivance de la justice militaire à l'étranger (...) et, évidemment, en temps de guerre ". Il est cependant compréhensible, au regard de l'ordre du jour chargé des assemblées, que le temps ait manqué à ce long ouvrage et que le Gouvernement ait fait primer le souci d'étendre les droits des justiciables sur des questions formelles. Il convient, en conséquence, d'améliorer la solution proposée par le Gouvernement et d'atténuer les défauts d'une solution dont chacun s'accorde à reconnaître les limites. * En temps de paix, le droit pénal militaire doit-il rester, dans une certaine mesure, un " droit disciplinaire d'essence supérieure " 51) ou devenir une branche du droit pénal ? " Accorder les exigences de la discipline sans laquelle il n'y a pas d'armée avec les exigences du droit sans lequel il n'y a pas de justice. " Ces mots du rapporteur de la loi réformant le code de justice militaire de 1928 n'ont rien perdu de leur pertinence. Si les problématiques demeurent, elles n'en reçoivent pas moins des solutions différentes selon le contexte. Aujourd'hui toutefois, alors que s'impose plus fortement le devoir de rapprochement entre l'armée et la Nation, les deux exigences de discipline et de droit plaident en faveur d'un rapprochement accru de la procédure pénale de droit commun et du droit pénal militaire. TRAVAUX DE LA COMMISSION I. - AUDITION DE MME ÉLISABETH GUIGOU, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE La Commission a entendu, lors de sa réunion du 12 mai 1998, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, a rappelé que le projet de loi portant réforme du code de justice militaire s'inscrivait dans le cadre plus général de la réforme de la justice, dont les principales orientations ont été exposées devant l'Assemblée nationale en janvier dernier. Elle a souligné que ce texte, bien que ne représentant qu'une petite partie d'un ensemble plus vaste, n'en revêtait pas moins, compte tenu de son objet, une importance particulière. La Ministre de la Justice a tout d'abord rappelé les principales dispositions du droit actuel et souligné que le terme général de procédure pénale applicable en matière militaire recouvrait, en réalité, trois cas de figure distincts. Le premier de ces cas de figure concerne les infractions militaires -comme par exemple la désertion ou le refus d'obéissance- et les infractions de droit commun commises par des militaires dans l'exécution du service, sur le territoire national et en temps de paix. Ces infractions sont de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées, régies par les articles 697 et suivants du code de procédure pénale. La composition des juridictions et la procédure suivie sont celles du droit commun, sous réserve de quelques règles spécifiques dont la Ministre a présenté les principales : - une compétence géographique étendue des juridictions -une par cour d'appel- ; - l'attribution au parquet du pouvoir exclusif de mettre en mouvement l'action publique, hormis les cas d'infractions graves contre les personnes (décès, infirmité permanente ou mutilation) dans lesquels la partie civile peut également, à titre dérogatoire, engager les poursuites ; - l'exigence, sauf en cas de flagrance, d'un avis du Ministre de la Défense, préalablement à l'engagement des poursuites ; - l'absence de jury dans les cours d'assises, dès lors qu'existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. Le deuxième cas de figure concerne les infractions militaires ou les infractions de droit commun commises par des militaires, en temps de paix mais hors du territoire national. Ces faits sont jugés, soit selon les procédures spécifiques du code de justice militaire, par les tribunaux aux armées institués à l'étranger -dont il n'existe aujourd'hui qu'un seul exemple, en Allemagne- soit, à défaut, par les juridictions de droit commun spécialisées. Toutefois, en application d'accords de coopération passés avec plusieurs Etats africains, les infractions commises sur le territoire de ces Etats sont jugées selon les procédures du code de justice militaire par le tribunal des forces armées de Paris. Mme Elisabeth Guigou a souligné que la procédure suivie devant les tribunaux aux armées et le tribunal des forces armées de Paris présentait une spécificité plus grande que celle suivie devant les juridictions de droit commun spécialisées, dans la mesure où elle ne comportait pas de droit d'appel et où les modifications intervenues ces dernières années -notamment le remplacement de l'inculpation par la mise en examen et la création des nouveaux droits de la défense qui y sont attachés- n'y étaient pas applicables. Elle a fait valoir que le fossé entre le droit commun et la procédure pénale militaire s'était ainsi élargi dans la période récente. Le troisième cas de figure concerne les infractions commises en temps de guerre, dont le code de justice militaire prévoit qu'elles sont jugées par des tribunaux territoriaux des forces armées et par des tribunaux militaires aux armées, composés à la fois de magistrats militaires et de juges militaires, selon des procédures simplifiées. La Ministre de la Justice a précisé que l'application de ces dispositions du code de justice militaire, qui datent de 1965, était subordonnée à une déclaration de guerre au sens de l'article 35 de la Constitution et qu'elles présentaient par nature, en droit comme en pratique, un caractère plus qu'exceptionnel dont il fallait espérer qu'elles ne s'appliqueraient pas plus dans l'avenir qu'elles ne s'étaient appliquées dans le passé. Après avoir souligné que la réforme proposée par le Gouvernement ne concernait que les infractions commises en temps de paix, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que, s'agissant de la procédure concernant les infractions commises hors du territoire, le projet de loi visait, d'une part, à y introduire un mécanisme d'appel et, d'autre part, à lui appliquer les réformes intervenues ces dernières années. Elle a ajouté que le projet de loi visait par ailleurs à renforcer la cohérence générale des dispositions concernant le jugement des infractions relevant du code de justice militaire et des articles 697 et suivants du code de procédure pénale. Elle a fait valoir qu'en rapprochant, souvent jusqu'à les confondre, la procédure militaire et la procédure de droit commun, le projet de loi s'inscrivait dans la continuité de la réforme de 1982 qui avait supprimé les tribunaux permanents des forces armées. Elle a souligné que le projet de loi aurait ainsi pour conséquence d'apporter à la justice militaire les nouvelles et nombreuses garanties qu'offre le code de procédure pénale depuis 1993, et notamment l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue, le remplacement de l'inculpation par la mise en examen, le renforcement des droits de la défense au cours de l'instruction et les dispositions sur le référé-liberté en matière de détention provisoire. Elle a également mis en exergue les avantages, pour les justiciables, de la nouvelle présentation du code de justice militaire résultant du projet de loi, les différentes parties de ce code commençant désormais par un article renvoyant aux dispositions de droit commun, à l'exception de quelques rares cas où des dispositions particulières préciseront la nature des règles spécifiques à la matière militaire, ce qui entraînera l'extension de plein droit des réformes de procédure pénale à venir aux personnes jugées en application du code de justice militaire, pour des infractions commises en temps de paix. Elle a fait observer que, de la sorte, les projets de réforme en cours de préparation, en vue notamment d'instituer des délais d'enquête ou d'instruction ou de prévoir l'intervention d'un avocat dès le début de la garde à vue, seront automatiquement et sans délai applicables, dès leur adoption par le Parlement, à la procédure pénale militaire en temps de paix. Mme Elisabeth Guigou a ensuite abordé l'exposé des dispositions du projet visant à renforcer la cohérence de la procédure pénale en matière militaire. Elle a indiqué à ce propos que la compétence du tribunal aux armées de Paris -actuellement dénommé tribunal des forces armées de Paris- serait étendue aux infractions commises par des militaires hors du territoire lorsqu'aucun tribunal aux armées n'a été institué, estimant que ce regroupement des procédures éviterait des difficultés pour le jugement d'infractions commises à l'étranger par des militaires originaires de régiments différents. Elle a ensuite fait valoir que la disposition requérant l'avis du Ministre de la Défense, lorsque des poursuites sont engagées par la victime, participait également de l'objectif de renforcement de la cohérence du droit, tout comme la possibilité de prononcer le huis clos des débats en cas de risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. Elle a souligné que la même préoccupation de cohérence avait conduit le Gouvernement à proposer d'étendre la compétence des juridictions de droit commun spécialisées aux infractions commises par des militaires dans une enceinte militaire et de définir de manière plus restrictive la notion de flagrance, qui permet la mise en mouvement de l'action publique sans avis préalable du Ministre de la Défense. Sur ces deux derniers points, Mme Elisabeth Guigou a toutefois précisé que la position du Gouvernement était susceptible d'être modifiée, notamment au vu des observations formulées par M. Jean Michel, rapporteur du projet de loi. Concluant son exposé, la Ministre de la Justice a souligné qu'il paraissait indispensable au Gouvernement de maintenir une certaine spécificité à la procédure pénale militaire, même si cette spécificité devenait extrêmement limitée. Après avoir cité la déclaration faite par le Président de la République, en février 1996, à l'Ecole militaire, selon laquelle la France devait être capable de projeter dans des délais très courts, partout où la situation l'exigerait, une force significative, la Ministre a estimé que le projet de loi, tout en préservant les conditions de mise en oeuvre de cet objectif fondamental, limitait la spécificité du droit militaire en temps de paix à ce qui était strictement nécessaire à la vie des armées, en y incorporant, dans toute la mesure du possible, les garanties nouvelles offertes à l'ensemble des justiciables et en répondant aux exigences de l'Etat de droit, telles qu'elles sont prévues par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. M. Jean Michel, rapporteur, s'est tout d'abord interrogé sur l'application du code de justice militaire en temps de guerre. Il a relevé à ce propos que, d'après l'article 52 du projet de loi, il serait fait application des dispositions du code de justice militaire " tel qu'il résulte de la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et du code de procédure pénale en vigueur avant l'entrée en application de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant de la réforme de la procédure pénale ", ce qui signifie qu'il était fait, dans le dispositif proposé, référence à des textes abrogés par le projet de loi lui-même. Abordant les dispositions relatives à la justice militaire en temps de paix hors du territoire de la République, et rappelant qu'il n'avait été établi qu'un seul tribunal aux armées, à Landau, alors que les forces françaises stationnaient dans d'autres territoires, il s'est félicité que le projet mette fin à la complexité des compétences juridictionnelles. Il s'est cependant demandé s'il n'était pas souhaitable de supprimer toute possibilité de création d'un tribunal aux armées en dehors du territoire de la République et de confier la compétence du jugement des infractions commises en temps de paix hors du territoire de la République au seul tribunal aux armées de Paris. De même, il s'est interrogé sur le maintien, en première instance, des juridictions spécialisées alors que seules seront compétentes en appel des formations de droit commun. M. Jean Michel a également exprimé ses réserves à l'égard de la disposition étendant la compétence des chambres spécialisées aux infractions commises dans un établissement militaire. Il a souligné les risques de distorsion de traitement liés à l'introduction de ce second critère qui s'ajouterait à celui de l'infraction commise dans l'exécution du service. Evoquant le projet de loi portant réforme de la procédure pénale qui devrait renforcer l'indépendance des magistrats du parquet vis-à-vis du Garde des Sceaux, il s'est demandé si l'exigence d'avis préalable du Ministre de la Défense, en cas de mise en examen d'un militaire, ne devait pas être restreinte aux infractions militaires. Il s'est enfin prononcé en faveur d'une extension de la possibilité, pour la partie lésée, de déclencher l'action publique. Mme Elisabeth Guigou a reconnu que faire référence à des textes abrogés ne constituait pas une solution satisfaisante et qu'il conviendrait sans doute de réformer le code de justice militaire pour le temps de guerre. Elle a indiqué que le Gouvernement ne serait pas hostile à un amendement fixant, pour cette réforme, un délai raisonnable. Elle a précisé que la diminution du nombre de troupes françaises stationnées en RFA et le tarissement du contentieux en résultant entraîneraient, à terme, la suppression du tribunal aux armées de Landau. Elle ne s'est toutefois pas déclarée favorable à une suppression précipitée de cette juridiction. Evoquant l'hypothèse de violences conjugales commises dans un établissement militaire par un militaire ou celui de crimes commis par des militaires dans un établissement militaire, sans relation avec le service, qui seraient alors jugés par des juridictions de droit commun spécialisées et, éventuellement, des cours d'assises composées seulement de six magistrats professionnels pour les affaires criminelles dans lesquelles existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale, elle a convenu que le projet d'extension de la compétence des juridictions spécialisées de droit commun par l'introduction du critère de l'établissement militaire présentait plus d'inconvénients que d'avantages. Elle a alors précisé qu'elle ne serait pas opposée à un amendement tendant à supprimer cette disposition dans le texte en discussion. Indiquant que l'un des projets de loi portant réforme de la procédure pénale prévoyait de supprimer, de façon générale, la notion de flagrance par assimilation, elle a reconnu que, dans cette perspective, la disposition du projet qui limite aux hypothèses de flagrance véritable les exceptions à l'exigence d'un avis préalable du Ministre de la Défense pourrait devenir sans objet. Se félicitant que la réforme du code de justice militaire fasse l'objet d'un projet de loi et non d'une ordonnance prise en application d'une disposition annexée à une loi relative à l'organisation de la défense nationale, comme cela avait été tout d'abord envisagé, M. René Galy-Dejean a estimé que les droits des justiciables militaires, tout comme leurs intérêts spécifiques ne pourraient qu'y trouver leur compte. Rappelant que l'appel sous les drapeaux était simplement suspendu et qu'il pourrait donc être rétabli si des événements tels que, par exemple, une déclaration de guerre l'exigeaient, il a demandé si les dispositions du projet de loi relatives au temps de guerre s'appliqueraient alors seulement à l'armée professionnalisée ou aussi aux appelés. Exposant ensuite que l'armée professionnalisée allait comporter une part notable de civils, il a souhaité savoir si, en temps de paix, les civils employés à l'intérieur des enceintes militaires seraient soumis aux dispositions du code de justice militaire ou s'ils continueraient à relever du droit commun. M. Arthur Paecht a, tout d'abord, avoué sa perplexité devant la philosophie du projet de loi. Faisant remarquer que les guerres n'étaient plus déclarées, il s'est demandé si les dispositions sur l'état de guerre pourraient jamais trouver à s'appliquer et si le projet de loi se référait non seulement à des textes abrogés mais aussi à une situation d'un autre temps. Il s'est alors interrogé sur le fait de savoir s'il ne fallait pas redéfinir la notion de " temps de guerre ". Il a ensuite estimé qu'en temps de paix et sur le territoire national, dans ou hors des enceintes militaires, il ne pouvait exister que deux possibilités. Soit un militaire commet une infraction de droit commun, et dans ce cas, on ne voit pas pourquoi il ne serait pas soumis aux dispositions et aux juridictions de droit commun ; soit il s'écarte des règles auxquelles il a volontairement souscrit en signant son contrat d'engagement et, dans ce cas, c'est dans le cadre de dispositions disciplinaires qu'il doit être sanctionné. Il a jugé que seuls ne devaient dès lors relever des juridictions militaires que les cas où des militaires auraient accédé ès qualités à des informations intéressant la sécurité nationale et auraient commis des infractions dans ce cadre, sachant cependant qu'en tout état de cause, des civils pourraient se trouver dans la même situation. M. Arthur Paecht a alors suggéré de mettre en place un système simple dans lequel les militaires seraient traduits devant les juridictions de droit commun, sauf dans le cas d'atteinte au secret de la défense nationale. Rappelant qu'il avait déjà, en tant que rapporteur pour avis du projet de loi relatif au livre quatrième du code pénal, soulevé la question de ne maintenir une justice militaire que pour des infractions de nature spécifique, il a regretté que le texte proposé paraisse plus l'expression d'un compromis que d'une volonté de réforme claire et affirmée. Le Garde des Sceaux a apporté les éléments de réponse suivants : - en cas de rappel sous les drapeaux, les appelés, qui deviennent alors des militaires, seront soumis au code de justice militaire ; - les civils travaillant dans les enceintes militaires ne relèveront du code de justice militaire que s'ils sont complices de militaires ; - on pourrait considérer que les infractions de droit commun devraient relever d'une justice unique ; le Gouvernement a cependant préféré maintenir une certaine spécificité de la justice militaire, tout en ayant le souci de réduire l'écart qu'elle présente par rapport au droit commun. M. Robert Poujade a alors jugé qu'en examinant le projet de loi portant réforme du code de justice militaire, la Commission débattait de la lente extinction d'un archaïsme indispensable. II. - DISCUSSION GÉNÉRALE Lors de sa réunion du 3 juin 1998, la Commission a procédé à l'examen du projet de loi portant réforme du code de justice militaire sur le rapport de M. Jean Michel, rapporteur. M. Jean Michel, rapporteur, a rappelé que le projet de loi réformant le code de justice militaire était attendu depuis cinq ans, l'échéance fixée par l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993, réformant le code de procédure pénale, qui prévoit de transposer dans le code de justice militaire les nouvelles dispositions du code de procédure pénale avant le 1er janvier 1999, ayant été repoussée à trois reprises. Il a indiqué que le projet de loi visait essentiellement à mettre fin à l'écart entre les procédures suivies devant les juridictions relevant du code de justice militaire d'une part et devant les juridictions de droit commun d'autre part. Après avoir brièvement retracé les grandes étapes de l'histoire de la justice militaire, marquée par l'adoption successive de trois codes en 1857, 1928 et 1965, il a souligné qu'elle était caractérisée par une restriction croissante des spécificités qui la distinguent du droit commun. Il a rappelé que la réforme de 1982, en supprimant les tribunaux permanents des forces armées, avait radicalement transformé la justice militaire en consacrant le principe de l'application du droit commun pour le jugement des infractions commises en temps de paix et sur le territoire de la République. Il a indiqué que subsistaient, toutefois, des spécificités importantes ayant trait notamment à la nécessité de réquisitions lors des enquêtes préliminaires, à la limitation de la possibilité de mettre en mouvement l'action publique, à l'obligation, pour le procureur de la République, de demander l'avis du Ministre de la Défense avant d'engager des poursuites et à la composition de la cour d'assises pour le jugement des crimes. Pour ce qui concerne la justice militaire de temps de paix hors du territoire de la République, M. Jean Michel a rappelé que ses spécificités, plus importantes encore, en matière d'exercice de l'action publique, de détention provisoire, de contrôle judiciaire ou encore de voie de recours (absence d'appel), avaient été maintenues par la réforme de 1982, tout comme la compétence des tribunaux aux armées et des tribunaux prévôtaux lorsque des forces stationnent ou agissent en dehors du territoire de la République. Il a fait observer que M. Robert Badinter, Garde des Sceaux, avait justifié, à l'époque, le maintien de cette compétence par la nécessité de satisfaire aux engagements internationaux de la France, notamment au regard des traités régissant le statut des forces françaises stationnées en Allemagne. M. Jean Michel a alors fait valoir que ce système, en apparence simple puisque la compétence de principe revenait aux tribunaux aux armées établis hors de France et, à défaut de la constitution de ceux-ci, aux formations spécialisées des juridictions de droit commun, était en réalité très complexe du fait de l'existence d'accords internationaux établissant, au profit des justiciables relevant du code de justice militaire, des privilèges de juridiction qui attribuaient au tribunal des forces armées siégeant à Paris la compétence de jugement des infractions commises hors du territoire national. Abordant l'examen des dispositions du projet de loi, M. Jean Michel a observé que la réforme proposée par le Gouvernement était d'autant plus attendue que le dispositif actuel fixait des règles complexes de compétence comme d'organisation, qu'il manquait d'homogénéité et paraissait inadapté aux évolutions des armées. Il a fait remarquer que le projet de loi, loin de se cantonner aux prescriptions de l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993, poursuivait d'autres objectifs, le Gouvernement saisissant l'occasion offerte pour améliorer le fonctionnement d'un dispositif qui concerne l'ensemble de la communauté militaire, soit environ 450 000 personnes en 1998, sans compter les personnes dites " à la suite de l'armée ". Il s'est tout d'abord réjoui que le projet de loi, étendant les garanties des justiciables bien au-delà de la réforme de 1993, institue un droit d'appel contre les décisions rendues par les tribunaux aux armées et les tribunaux prévôtaux. Il a indiqué ensuite que le projet, en modifiant les règles de compétence en matière de jugement des infractions commises en temps de paix et hors du territoire de la République, s'efforçait de corriger les dysfonctionnements les plus apparents d'un système dont la complexité se révélait parfois redoutable. Il a enfin noté qu'il dépassait le cadre de la justice militaire, stricto sensu, en modifiant sur des points importants tels que la compétence des chambres spécialisées des juridictions de droit commun ou l'élargissement du champ d'intervention de l'avis du Ministre de la Défense, les dispositions de la réforme de 1982. Il a fait observer que ces dispositions, connexes au regard de l'objectif initial du projet de loi, n'étaient pas secondaires pour autant et qu'elles brouillaient quelque peu la philosophie du texte. Il a précisé, à cet égard, qu'il proposerait un certain nombre de modifications destinées à satisfaire à l'objectif initial d'amélioration des garanties offertes aux justiciables, ce qui renforcerait la cohérence d'un texte qui contribue à la lente construction de l'édifice, jamais achevé, des libertés publiques. Donnant son sentiment sur l'ensemble du projet de loi, M. Jean Michel a estimé que l'objectif principal de la réforme, à savoir le renforcement des droits des justiciables, n'était pas complètement atteint, certaines spécificités étant maintenues, voire renforcées, sans que la justification en soit toujours évidente. Il a regretté que le texte proposé manque de souffle et ne poursuive pas l'entreprise menée depuis la grande réforme de 1982. Il s'est en particulier interrogé sur le maintien de l'intervention du Ministre de la Défense dans le déclenchement des poursuites ou de la limitation des possibilités de déclenchement de l'action publique par la partie lésée, ainsi que sur la pertinence de l'extension de compétence des chambres spécialisées. En ce qui concerne les infractions commises hors du territoire de la République, il a déploré que le projet de loi ne simplifie que partiellement les règles de compétence et d'organisation des juridictions, faisant valoir qu'il convenait, dans ce domaine, de reconnaître la seule compétence du tribunal aux armées de Paris. Abordant enfin la question du temps de guerre, il a indiqué que le Gouvernement avait, sur ce point, fait le choix de maintenir le statu quo, ce qui procédait assurément d'une prudence compréhensible en l'absence de toute définition juridique satisfaisante des notions de temps de guerre et de temps de crise. Il a, toutefois, fait observer que les modifications apportées aux règles du temps de paix rendaient les dispositions relatives au temps de guerre difficilement lisibles, en raison de l'absence de coordination des rédactions de ces deux parties du code. Il a, pour remédier à ce défaut, proposé que soit établie, avant le 1er janvier 2002, une nouvelle codification de l'ensemble du code de justice militaire. Après avoir souligné, en conclusion, que les deux exigences de discipline et de droit plaidaient, tout autant que la nécessité de resserrer les liens entre l'armée et la Nation, en faveur d'un rapprochement accru entre la procédure pénale de droit commun et le droit pénal militaire, M. Jean Michel s'est déclaré favorable à l'adoption du projet de loi portant réforme du code de justice militaire, sous réserve des amendements dont il avait présenté la teneur. Après avoir déclaré qu'il trouvait le projet de loi difficilement compréhensible mais qu'il n'en rendait pas responsable pour autant Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, M. Arthur Paecht a indiqué à la Commission qu'il avait demandé au Président du groupe UDF de s'opposer à la procédure d'examen simplifié dont le projet de loi doit faire l'objet et qu'il déposerait en conséquence une motion de renvoi en commission. Rappelant qu'il avait, en 1991, présenté un avis au nom de la Commission de la Défense sur le projet de loi portant réforme du code pénal, il a précisé qu'il avait alors proposé une nouvelle approche des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et qu'il continuait à souhaiter une requalification de ce type d'incriminations. Il a souhaité que la Commission délibère de manière plus approfondie sur le texte présenté par le Gouvernement afin de réexaminer l'ensemble du code de justice militaire et d'harmoniser ses dispositions avec l'évolution des infractions et avec la nouvelle réalité du temps de crise. Il s'est en particulier interrogé sur l'absence de définition du temps de paix et du temps de guerre, soulignant que les interventions actuelles des armées françaises en dehors du territoire de la République avaient lieu, juridiquement en temps de paix, et en fait dans une situation intermédiaire qu'il a qualifiée de temps de crise. Il a enfin fait valoir que le texte ne pourrait pas être examiné par le Sénat avant la fin de la présente session et qu'en conséquence, l'Assemblée nationale pouvait prolonger son examen en première lecture. M. Guy-Michel Chauveau a estimé au contraire qu'il était nécessaire de se prononcer sans attendre sur la transposition dans le code de justice militaire de la réforme du code de procédure pénale adoptée en 1993. Il a considéré que le retard mis à présenter le texte n'était pas de la responsabilité du Gouvernement actuel et qu'il était possible d'attendre la fin de la période de professionnalisation des armées pour procéder à une refonte complète de la procédure pénale militaire. M. René Galy-Dejean a rappelé que le Gouvernement avait proposé au Parlement de modifier par ordonnance le code de justice militaire et les dispositions du code de procédure pénale relatives aux crimes et délits en matière militaire, mais que la Commission de la Défense avait souhaité un texte spécifique adopté selon la procédure législative de droit commun en raison des implications pour les libertés publiques. Le rapporteur a souligné que le programme de travail prévisionnel de l'Assemblée nationale ne permettait pas de consacrer de nombreuses séances à la réforme du code de justice militaire avant la fin de la présente session. Tout en regrettant que le projet de loi reste partiel, il a jugé qu'il ne fallait pas pour autant refuser de l'examiner estimant que la justice militaire n'évoluait " qu'à pas comptés " et qu'il convenait de ne pas refuser des améliorations liées à une réforme datant de 1993. Il a précisé que les problèmes relatifs à la justice militaire en temps de guerre n'étaient pas abordés par le projet de loi et qu'en conséquence, il proposait qu'une nouvelle codification permette de combler cette lacune avant le 1er janvier 2002. Il a rappelé à cet égard que les dispositions relatives à la justice militaire en temps de guerre n'avaient pas non plus été réformées en 1982, exprimant par ailleurs le voeu qu'elles n'aient jamais à être appliquées. Il a précisé que les infractions commises par des militaires au cours d'une intervention extérieure n'étaient pas régies par les dispositions du temps de guerre mais par celles de la justice militaire en temps de paix hors du territoire de la République. A cet égard, il a indiqué qu'il arrivait que des militaires français opérant dans les pays de l'ex-Yougoslavie soient rapatriés sur le territoire national et jugés, soit par le tribunal des forces armées de Paris, soit par les chambres spécialisées des juridictions de droit commun. En réponse à une demande complémentaire de M. Charles Cova sur les cas de désertion en temps de paix, M. Jean Michel a précisé que le lieu de stationnement initial du régiment auquel appartenait le militaire mis en examen déterminait la compétence de la chambre spécialisée de la juridiction de droit commun. Il a également souligné qu'il était plus facile de rapatrier les militaires ayant commis des infractions en dehors du territoire national que d'envoyer à l'étranger des juridictions de jugement. Après que M. Arthur Paecht eut souhaité que la procédure pénale distingue mieux les règles disciplinaires et la justice militaire proprement dite, M. Jean Michel a rappelé que l'article 398 du code de justice militaire déterminait précisément les cas de désertion en temps de paix. Après avoir constaté la dilution des frontières entre temps de guerre et temps de paix et exprimé son accord avec M. Arthur Paecht sur la nécessité de définir le temps de crise, M. Bernard Grasset s'est interrogé sur la place de la justice militaire dans l'ensemble des règles pénales. Il a en outre considéré que la prise en compte de nouvelles menaces contre les intérêts fondamentaux de la Nation nécessiterait un important travail de refonte législative dans une optique bien éloignée de l'objectif, somme toute modeste, du projet de loi. Le Président Paul Quilès, après avoir regretté que le Parlement soit rarement consulté sur la participation des armées aux opérations militaires extérieures, a souligné l'ambiguïté des opérations de maintien de la paix conduites dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l'ONU, eu égard aux notions fondamentales de temps de guerre et de temps de crise, qu'il estime nécessaire de mieux définir. Relevant que le projet de loi ne constituait qu'une mise à jour d'un code de procédure pénale et non une fin en soi, il a proposé à la Commission de la Défense une réflexion approfondie sur la légitimité et les conditions du recours à la force armée en dehors du temps de guerre. EXAMEN DES ARTICLES Article 1 Principes généraux d'organisation de la justice militaire en temps de paix pour les infractions commises hors du territoire de la République L'article premier du projet de loi, en modifiant les règles de compétence, en première instance, pour le jugement des infractions commises en temps de paix et hors du territoire de la République et en instaurant un double degré de juridiction dans ce domaine, opère une clarification très opportune, tout en accroissant les garanties offertes au justiciable. L'ambiguïté du dispositif actuel concernant la répartition des compétences entre les tribunaux aux armées établis hors du territoire de la République et les tribunaux qui, en vertu de l'article 3 du code de justice militaire, peuvent être établis aux armées lorsque celles-ci stationnent ou opèrent hors du territoire de la République, est ainsi levée. Le projet de loi codifie l'existence du tribunal des forces armées de Paris actuellement régi par l'article 10 de la loi du 21 juillet 1982, dont l'appellation est modifiée au profit de celle de " tribunal aux armées de Paris ", qui unifie la terminologie. Les règles de compétence en matière de justice militaire proposées par le projet de loi sont les suivantes : - en temps de paix, ce sont les tribunaux aux armées et le tribunal aux armées de Paris qui rendent la justice militaire. Des tribunaux prévôtaux peuvent également être établis lorsqu'existent des tribunaux aux armées hors du territoire de la République ; - en temps de guerre, la compétence revient aux tribunaux territoriaux des forces armées et aux tribunaux militaires aux armées, avec là encore, une éventuelle compétence des tribunaux prévôtaux. * Est-on cependant allé au bout de la clarification des grandes règles d'organisation de la justice militaire ? Le texte actuel, qui présente l'exception -les tribunaux aux armées établis hors du territoire de la République- comme étant la règle, et la règle -tribunal des forces armées de Paris- comme une disposition incidente (article 3), prête à confusion. La rédaction proposée par le projet de loi maintient, dans une certaine mesure, cette confusion puisque, une fois encore, les tribunaux aux armées sont présentés comme étant le principe (articles 1er et 5) et le tribunal aux armées de Paris comme l'exception, alors que, dans la réalité, la compétence de principe reviendra au tribunal établi à Paris, la création de tribunaux aux armées étant potentielle. Se pose, en définitive, la question de la pertinence du maintien des tribunaux aux armées : en dehors du tribunal aux armées des forces stationnées en Allemagne, dont la création s'explique par un contexte historique tout à fait spécifique, aujourd'hui révolu, et qui est, de ce fait, appelé à disparaître à moyen terme, jamais aucun tribunal aux armées n'a été créé, ni dans les pays dans lesquelles se trouvent des troupes prépositionnées de longue date, ni dans les pays où la France intervient de manière ponctuelle (guerre du Golfe) ou plus durable (ex-Yougoslavie). N'est-il pas, dans ces conditions, plus rationnel de ne conserver que le seul tribunal aux armées de Paris, tout en préservant la base juridique nécessaire au maintien du tribunal de Baden-Baden ? Trois arguments plaident en faveur d'une telle solution : - il est nécessaire que les soldats intervenant sur des théâtres extérieurs bénéficient d'un statut clair ; - la célérité de la justice n'en sera pas affectée, étant donné qu'il est beaucoup plus long de constituer un tribunal aux armées, qui regroupe au minimum douze personnes, que de renvoyer un prévenu à Paris ; - si besoin est, le tribunal aux armées de Paris pourra tenir sur place des audiences foraines pour juger sur place les infractions relevant de sa compétence. En termes d'utilisation optimale des ressources et d'efficacité, il vaut mieux qu'une chambre d'un tribunal déjà constitué et expérimenté se déplace pour juger une affaire, plutôt que soit constitué un tribunal ad hoc. La Commission a examiné deux amendements en discussion commune, l'un du rapporteur visant à reconnaître la seule compétence du tribunal aux armées de Paris pour le jugement des infractions commises en temps de paix et hors du territoire de la République et prévoyant, en cas d'appel, la compétence de la cour d'appel de Paris (amendement n° 1), l'autre de M. Arthur Paecht ayant le même objet. M. Jean Michel ayant fait valoir que son amendement clarifiait les règles de compétence applicables, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur, puis a adopté l'article 1 ainsi modifié. Article 2 Règles applicables devant les tribunaux aux armées L'objet de cet article est de préciser les règles applicables devant les tribunaux aux armées. Il s'agit en quelque sorte d'un guide de fonctionnement et de lecture du code de justice militaire qui, plus encore après l'intervention de la présente réforme, fonctionne, en temps de paix, à de nombreux égards comme un appendice du code de procédure pénale. · Le premier alinéa de l'article 2 nouveau du code de justice militaire pose le principe de l'application des dispositions du code de procédure pénale pour l'instruction et le jugement des infractions de la compétence des tribunaux aux armées, sous réserve des dispositions particulières, soit du code de procédure pénale, soit du code de justice militaire. Trois types de dispositions sont ainsi susceptibles d'être appliquées aux justiciables relevant des tribunaux aux armées : - le principe est l'application des dispositions générales du code de procédure pénale. Il s'agit là d'une évolution très importante. En temps de paix, le droit pénal militaire est désormais considéré comme une branche, à part entière, du droit pénal général, et perd son caractère de droit disciplinaire, le troisième alinéa de ce même article illustrant d'ailleurs ce principe ; - l'application des dispositions particulières contenues dans les articles 698-1 à 698-8 du code de procédure pénale constitue un premier niveau d'exception. Ces dispositions sont celles qui s'appliquent aux chambres spécialisées des juridictions de droit commun. Sur ce point, une modification technique du projet de loi s'impose afin de tenir compte du nouvel article 698-9 du code de procédure pénale relatif au huis clos, proposé à l'article 48 du projet de loi ; - l'application du code de justice militaire constitue un troisième niveau et n'intervient qu'à défaut de l'application du code de procédure pénale. Le dispositif proposé présente l'avantage de rendre désormais automatiquement applicable aux justiciables des tribunaux aux armées les réformes ultérieures du code de procédure pénale. La Commission a successivement adopté deux amendements du rapporteur : - le premier substituant l'expression de " tribunal aux armées " à celle de " tribunaux aux armées ", en conséquence de la modification de l'article premier (amendement n° 2) ; - le deuxième de nature rédactionnelle (amendement n° 3). · Le second alinéa de l'article 2 du code de justice militaire précise les équivalences fonctionnelles entre les juridictions de droit commun et le tribunal aux armées. Il existe en effet une terminologie spécifique aux juridictions militaires.
L'actuel projet de loi se propose de réduire au strict nécessaire les spécificités du droit pénal militaire de temps de paix. Il convient en conséquence de s'interroger sur la pertinence du maintien d'une terminologie aussi spécifique, notamment du fait qu'il n'existe pas de magistrats militaires en temps de paix : les magistrats affectés au sein du tribunal aux armées sont des magistrats judiciaires détachés. Pour les appellations de juge d'instruction, de procureur de la République, de président du tribunal et de président de la cour d'assises, votre rapporteur propose d'unifier la terminologie actuelle en adoptant un principe simple : le titre est conservé mais lui est adjoint le nom de la juridiction en question (tribunal aux armées). Ces appellations correspondent aux principes mêmes de fonctionnement de la justice militaire, à laquelle s'appliquent, en principe, les procédures de droit commun et, à titre d'exception, les procédures définies par le code de justice militaire. Pour ce qui concerne le cas spécifique du titre de " commissaire du Gouvernement ", votre rapporteur n'est pas favorable à son maintien. Il n'est pas souhaitable de multiplier, dans notre droit, les occurrences de ce titre déjà utilisé dans divers cas -conseillers du Ministre lors des débats parlementaires, membres du Conseil d'État- dont les fonctions diffèrent selon le contexte. Par ailleurs, alors que la réforme de la justice engagée par le Garde des Sceaux vise précisément à renforcer l'autonomie du parquet, il est pour le moins regrettable que cette appellation, ambiguë, soit conservée, plus encore quand le droit commun devient applicable au tribunal aux armées. Enfin, ce titre témoigne d'une époque révolue où la justice militaire était conçue selon des principes tout à fait dérogatoires au droit commun. En dernier lieu, il n'est pas non plus souhaitable de maintenir l'appellation de " chambre de contrôle de l'instruction ", d'autant que la substitution de l'expression de droit commun " chambre d'accusation " ne crée aucune confusion dans le reste du code de justice militaire. Le tableau d'équivalence ci-dessous résume les propositions de la Commission.
La Commission a conjointement examiné deux amendements, l'un du rapporteur au deuxième alinéa de l'article 2 rapprochant les appellations fonctionnelles utilisées devant le tribunal aux armées des appellations du droit commun (amendement n° 4), l'autre de M. Arthur Paecht alignant totalement ces appellations sur celles du droit commun. M. Jean Michel ayant fait observer que l'alignement total sur le droit commun risquait de créer des confusions, M. Arthur Paecht a retiré son amendement. La Commission a alors adopté l'amendement du rapporteur. · Le troisième alinéa de l'article 2 du code de justice militaire précise que les attributions du procureur général vis-à-vis de la juridiction des forces armées sont semblables à celles qui lui sont dévolues par le code de procédure pénale à l'égard des juridictions de droit commun. Cet alinéa souligne l'unité du pouvoir judiciaire et contribue à renforcer le rapprochement entre la justice militaire qui s'exerce en temps de paix pour le jugement d'infractions commises hors du territoire de la République et la justice de droit commun. Après avoir adopté un amendement du rapporteur substituant au terme de " juridiction des forces armées " celui de " tribunal aux armées " au dernier alinéa de l'article 2 (amendement n° 5), la Commission a adopté l'article 2 ainsi modifié. Article additionnel après l'article 2 Article 2-1 Application du code de justice militaire en temps de guerre Désormais, le principe de fonctionnement du code de justice militaire est que les règles de droit commun s'appliquent au temps de paix, sous réserve de dispositions particulières, mais qu'elles ne sont pas transposables au temps de guerre. L'application de ce principe a entraîné, dans le présent projet de loi, l'abrogation de dispositions qui visent également le temps de guerre. Le présent projet de loi n'a pas comme objectif de réformer les dispositions du code de justice militaire pour le temps de guerre. Toutefois, les modifications apportées aux dispositions du temps de paix ont des conséquences pour le temps de guerre, soit que les articles contenus dans des parties spécifiques au temps de guerre fassent référence à des dispositions du temps de paix que le projet de loi abroge ou modifie, soit que les dispositions du code communes au temps de paix et au temps de guerre soient abrogées. Pour lever cette difficulté, l'article 52 du projet de loi prévoit un dispositif " balai " assez simple dans son principe mais dont les conséquences sont d'une redoutable complexité. Il prévoit, en effet, d'appliquer, pour le temps de guerre, les dispositions du code de justice militaire tel qu'issues de la réforme de 1982 ainsi que celles du code de procédure pénale antérieures à la réforme du 4 janvier 1993. L'abrogation de certaines dispositions applicables en temps de paix n'a donc plus qu'un effet relatif puisqu'elles seraient considérées comme rétablies en temps de guerre. Ainsi, l'article 52 fait référence : - pour le code de justice militaire, à la situation juridique résultant de la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982, c'est-à-dire après la réforme de 1982 et avant toutes celles qui ont suivi ; - pour le code de procédure pénale, au texte en vigueur avant l'entrée en application (au 1er janvier 1994) de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993. Les réformes de la procédure pénale entre 1982 et 1993 n'ayant pas été traduites dans le code de justice militaire et aucune coordination n'ayant été opérée, la disposition prévue renvoie à un mélange de textes en vigueur à différentes époques et, de ce fait, non rassemblés dans un même code. Ce dispositif ne peut être que transitoire. Il nécessite une refonte complète du code de justice militaire en temps de guerre. Pour " neutraliser " autant que possible un dispositif d'une complexité aussi redoutable, deux aménagements, qui ne préjugent pas de la nature de la codification ultérieure, peuvent ainsi être envisagés. Il convient, en premier lieu, de codifier l'article 52, afin d'intégrer les dispositions qu'il contient dans le code de justice militaire étant donné qu'elles en constituent une véritable grille de lecture. Sans doute, la codification d'une disposition temporaire n'est-elle pas satisfaisante. Néanmoins, le caractère novateur du dispositif proposé et la complexité de lecture qui y est afférente plaident en faveur de cette nécessaire clarification. En conséquence, votre rapporteur propose de codifier l'article 52 dans le titre préliminaire du code de justice militaire. Lors de l'élaboration du présent projet, les dispositions actuellement contenues dans l'article 52 avaient, d'ailleurs, été initialement placées au début du texte. En second lieu, le caractère nécessairement temporaire des dispositions de l'article 52 doit être mis en exergue. Il importe de limiter dans le temps les effets de cet article en prévoyant une date butoir, à l'échéance de laquelle il aura été procédé à une recodification du code de justice militaire. Le 1er janvier 2002 peut être considéré comme une échéance réaliste. Après que M. Arthur Paecht eut retiré un amendement de portée analogue, la Commission a adopté un amendement du rapporteur créant un article additionnel après l'article 2 et codifiant les dispositions de l'article 52 du projet de loi dans le titre préliminaire du code de justice militaire (amendement n° 6). Article additionnel après l'article 2 Modification d'un intitulé du code de justice militaire Etant donné qu'il n'existe plus dans le dispositif adopté par la Commission qu'un tribunal aux armées, celui de Paris, il est nécessaire d'en tirer les conséquences dans l'ensemble du code de justice militaire. En l'occurrence, l'intitulé du premier chapitre du titre premier du livre premier du code doit être modifié. La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel après l'article 2 et modifiant l'intitulé du chapitre 1er du livre 1er du code de justice militaire (amendement n° 7). Article additionnel après l'article 2 Etablissement du tribunal aux armées de Paris Compte tenu de la compétence de principe du tribunal aux armées de Paris telle qu'elle est définie dans le titre préliminaire du projet de loi, ce nouvel article a pour objet de codifier l'existence du tribunal aux armées de Paris, alors que l'article 10 de la loi du 21 juillet 1982 qui l'instaurait est abrogé par l'article 51 du présent projet. Quant aux règles de fonctionnement et d'organisation de cette juridiction, elles relèvent du pouvoir réglementaire, ainsi qu'il est dit à l'article 3 du projet de loi. La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel après l'article 2 et établissant le tribunal aux armées de Paris (amendement n° 8). Article 3 Organisation du tribunal aux armées et détermination de la cour d'appel compétente Cet article tire la conséquence des nouvelles règles de compétence et de l'instauration d'un double degré de juridiction édictées à l'article premier du présent projet de loi. Il prévoit que le nombre de tribunaux aux armées et, à l'intérieur de chaque tribunal, des chambres de jugement, le ressort dans lequel s'exerce leur juridiction et les cours d'appel compétentes seront fixés par décret pris sur le rapport conjoint du Garde des Sceaux et du Ministre de la Défense. Tout comme dans le cas des juridictions spécialisées, la carte judiciaire de ces juridictions est spécifique et correspond à un souci de bonne administration. Toutefois, dans le cas des tribunaux aux armées, cette carte est d'autant plus spécifique qu'elle est susceptible d'être étendue au-delà des frontières nationales -c'est déjà le cas actuellement avec le tribunal aux armées de Landau, sis à Baden-Baden, rattaché, pour la chambre de contrôle de l'instruction, à la cour d'appel de Colmar. La Commission de la Défense nationale ayant opté pour la suppression de toute possibilité de créer, à l'avenir, des tribunaux aux armées hors du territoire national et pour la compétence de principe du tribunal aux armées de Paris, il convient de modifier l'article en conséquence. Après que M. Arthur Paecht eut retiré un amendement similaire, la Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur relatif aux nouvelles règles de compétences du tribunal aux armées et de la cour statuant en appel (amendement n° 9). La Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié. Article additionnel après l'article 3 Dispositions applicables au tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne Dans son souci de simplification de la règle de droit, votre rapporteur aurait souhaité faire du principe de la compétence du tribunal aux armées de Paris un principe absolu. Toutefois, les accords internationaux 61) ayant présidé à la création du tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne lient toujours la France. Même si l'entrée en vigueur de nouveaux accords, notamment dans le cadre du corps européen, pourrait conduire à leur remise en cause, il n'est pas possible de préjuger de leur disparition. Le présent article additionnel vise, par conséquent, à adapter la norme législative à la norme internationale, sans toutefois remettre en cause la ligne directrice adoptée par votre rapporteur, et à maintenir, dans le code de justice militaire, une base juridique pour le tribunal de Landau. Les règles générales d'organisation du tribunal aux armées de Paris, énoncées à l'article 2 du présent projet de loi, sont bien évidemment applicables au tribunal de Landau. Il importe toutefois de tenir compte de l'instauration de l'appel devant les juridictions des forces armées établies à l'étranger. Par conséquent, en écho au dispositif proposé à l'article 3, le second alinéa du présent article additionnel prévoit qu'un décret, pris sur le rapport conjoint du Garde des Sceaux et du Ministre de la Défense, détermine la cour d'appel compétente pour connaître des recours en appel formés contre les décisions rendues par ces juridictions. Il est vraisemblable qu'en l'occurrence, la cour d'appel de Colmar se verra attribuer cette compétence. La Commission a adopté un amendement du rapporteur créant un article additionnel après l'article 3 et prévoyant que les juridictions des forces armées établies hors du territoire national en vertu de conventions internationales étaient maintenues (amendement n° 10). Article 4 Renvoi devant le tribunal aux armées de Paris Cet article, modifiant l'article 5 du code de justice militaire, précise l'architecture de la justice militaire en temps de paix. · Dans le premier alinéa de l'article 5 du code de justice militaire, tel qu'il résulte du présent projet de loi sont posés le principe et l'exception : en principe, la justice militaire est rendue par les tribunaux aux armées établis hors du territoire de la République ; par exception, elle l'est par le tribunal aux armées de Paris. La compétence de ces tribunaux est large : l'article 59 du code de justice militaire auquel il est fait référence dispose qu'ils " connaissent des infractions de toute nature commises par les membres des forces armées ou les personnes à la suite de l'armée en vertu d'une autorisation ". Compte tenu de la suppression proposée par la Commission de la possibilité d'établir des tribunaux aux armées hors du territoire de la République, on peut s'interroger sur la pertinence du maintien de cette disposition. Il convient cependant de garder présent à l'esprit que, dans le cadre des conventions internationales conclues avec un certain nombre d'Etats africains, notamment, et instaurant un privilège de juridiction en faveur des ressortissants français militaires ou assimilés, la France aurait pu établir de tels tribunaux, mais ne l'a jamais fait. C'est pourquoi cette disposition, précisée par le rappel du contexte juridique dans lequel s'inscrirait la création d'éventuels tribunaux aux armées, doit être maintenue. La Commission a adopté un amendement de M. Arthur Paecht, sous-amendé par le rapporteur (amendement n° 11), relatif au maintien d'un tribunal des forces armées en Allemagne. · Par ailleurs, une juridiction des forces armées étant maintenue en Allemagne, il est nécessaire de prévoir les conditions dans lesquelles s'effectuerait le renvoi des affaires pendantes devant un tribunal aux armées qui cesse de fonctionner vers le tribunal aux armées de Paris. Or ces conditions sont d'ores et déjà prévues par le second alinéa de l'article 5 du code de justice militaire dans sa rédaction actuelle, que le présent projet de loi ne modifie pas. La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié. Article 5 Composition du tribunal aux armées L'objet du présent article est de préciser la composition du tribunal aux armées de Paris. Si, pour le jugement des contraventions et des délits, le dispositif proposé rejoint le droit commun, force est de constater que, pour le jugement des crimes, la spécificité des règles de composition s'affirme nettement. · Pour le jugement des contraventions, le tribunal aux armées est composé de son président ou d'un magistrat qu'il délègue. Cette disposition fait écho à l'article 523 du code de procédure pénale qui prévoit que le tribunal de police est constitué par un seul juge, le juge du tribunal d'instance, assisté d'un greffier. · Pour le jugement des délits, deux hypothèses doivent être envisagées qui, là encore, reprennent le droit commun. En principe, le tribunal aux armées de Paris est, dans ce cas, composé d'un président et de deux assesseurs ; rappelons qu'aux termes du premier alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel est composé de trois magistrats du tribunal de grande instance, dont un président et deux juges. Toutefois, dans les cas prévus à l'article 398-1 du code de procédure pénale où le tribunal correctionnel peut ne comporter qu'un juge unique, le tribunal aux armées de Paris est composé de même d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président. L'intervention d'un juge unique en matière correctionnelle, apparue récemment dans notre droit pénal, répond notamment à une volonté d'améliorer la célérité de la justice. Cet argument vaut-il en matière de justice militaire, alors que les délais de jugement y sont généralement moindres que dans l'ensemble de l'appareil judiciaire ? En réalité, la vraie question est celle de la compatibilité entre juge unique et garantie des droits du justiciable. Or, il apparaît que l'absence de collégialité ne peut être considérée comme comportant en elle-même un risque d'arbitraire, comme en témoigne le fait que le taux d'appel contre les décisions rendues par le juge unique n'est pas supérieur au taux d'appel global. · En matière criminelle, la composition du tribunal aux armées de Paris est, en revanche, plus problématique puisqu'il est prévu une composition tout à fait spécifique au regard des principes du droit pénal en matière criminelle, marquée par l'absence de jury populaire. Dans ce cas de figure, en effet, le tribunal est composé d'un président et de six assesseurs. Si le tribunal aux armées de Paris ne reçoit pas, pour le jugement des crimes, la dénomination de " cour d'assises ", c'est pourtant bien au regard des règles de composition de la cour d'assises qu'il faut raisonner, le jugement des crimes appelant, dans notre tradition pénale, l'existence d'une formation de jugement incluant des citoyens. L'hypothèse d'une cour d'assises sans jury existe d'ores et déjà dans notre droit : par une dérogation à la règle selon laquelle la cour d'assises connaît une composition hétérogène, associant, à côté de magistrats professionnels, des éléments non professionnels, les articles 698-6 et 698-7 du code de procédure pénale, issus de la loi du 21 juillet 1982, prévoient que la cour d'assises spécialisée, définie à l'article 697 de ce même code, doit être composée d'un président et de six assesseurs magistrats choisis, soit parmi les conseillers de la cour d'appel, soit parmi les présidents, vice-présidents ou juges du tribunal de grande instance, lorsqu'elle connaît de crimes militaires. En revanche, quand elle a à connaître de crimes de droit commun, donc de crimes non militaires commis dans l'exécution du service, elle peut être composée selon les mêmes règles dérogatoires si la chambre d'accusation a estimé qu'il existait un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale ; dans le cas contraire, c'est toujours la cour d'assises spécialisée, au sens de l'article 697 du code de procédure pénale, qui est compétente, mais dans une composition de droit commun. La loi du 6 décembre 1992 donne également compétence à une cour d'assises sans jury pour le jugement des crimes liés au terrorisme (article 706-25 du code de procédure pénale). Votre rapporteur ne conteste pas le principe même d'une composition de la cour d'assises dérogeant au droit commun, justifiée dans certaines matières. Il souhaite cependant qu'en l'occurrence, soit appliqué un principe de proportionnalité entre la nature du crime commis et le degré de dérogation par rapport au droit commun. N'est-ce pas, d'ailleurs, l'analyse qui avait prévalu lors de l'examen de la loi du 21 juillet 1982 ? Le projet de loi présenté par le Gouvernement prévoyait que la cour d'assises sans jury était compétente dans tous les cas, qu'il s'agisse d'un crime militaire ou d'un crime de droit commun commis dans l'exécution du service. Toutefois, se rendant aux arguments de la Commission de la Défense, le Gouvernement avait admis qu'il existait des crimes à propos desquels le problème de la divulgation d'un secret de la défense nationale pouvait ne pas se poser. C'est précisément ce même raisonnement que votre rapporteur vous propose d'adopter : l'éloignement du lieu où est commise l'infraction ne modifie en rien la validité du raisonnement. D'ailleurs, faut-il rappeler qu'à l'heure actuelle, les crimes commis hors du territoire de la République, dans des pays avec lesquels n'existent pas de conventions internationales prévoyant que les justiciables doivent être jugés par des juridictions spécifiques, sont jugés par les chambres spécialisées des juridictions de droit commun, donc selon les règles définies aux articles 698-6 et 698-7 du code de procédure pénale ? Il pourra être objecté que le tribunal aux armées de Paris ne pourra organiser la tenue d'audiences foraines pour juger sur place, dès lors que seront en cause des crimes de droit commun, sans lien avec le secret de la défense nationale. Faut-il cependant écarter un principe protecteur de la majorité des justiciables au nom d'un argument technique qui se réfère à des hypothèses ponctuelles ? En outre, le besoin de tenir des audiences foraines ne s'est, jusqu'alors, jamais fait sentir. En conséquence, il convient d'étendre au tribunal aux armées de Paris les dispositions des articles 698-6 et 698-7. Sans doute, un tribunal jugeant de crimes composé d'un jury et ne recevant pas la qualification de " cour d'assises " est également une innovation juridique -d'aucuns diront " un monstre juridique "- : dès lors qu'est en cause la garantie des droits des justiciables, l'innovation n'est cependant pas à blâmer. Après que le rapporteur eut retiré un amendement similaire, la Commission a adopté un amendement de M. Arthur Paecht, sous-amendé par le rapporteur, visant à modifier la composition du tribunal aux armées de Paris pour le jugement des crimes en y instaurant un jury populaire, sauf lorsqu'existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale (amendement n° 12). La Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié. Article additionnel après l'article 5 (article 10 du code de justice militaire) Modification de la terminologie La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun (amendement n° 13). Article additionnel après l'article 5 (avant l'article 11 du code de justice militaire) Modification de la terminologie La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun (amendement n° 14). Article additionnel après l'article 5 (article 11 du code de justice militaire) Conséquence de la suppression des tribunaux aux armées hors du territoire de la République La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et visant à prendre en compte la modification des règles de compétence pour la justice militaire de temps de paix (amendement n° 15). Article additionnel après l'article 5 (articles 12 et 21 du code de justice militaire) Modification de la terminologie La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun au premier alinéa de l'article 12 du code de justice militaire et à l'article 21 du même code (amendement n° 16). Article additionnel après l'article 5 (article 12 du code de justice militaire) Modification de la terminologie La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun au dernier alinéa de l'article 12 du code de justice militaire (amendement n° 17). Article additionnel après l'article 5 (article 13 du code de justice militaire) Modification de la terminologie La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun à l'article 13 du code de justice militaire (amendement n° 18). Article additionnel après l'article 5 (articles 14, 65 et 66 du code de justice militaire) Modification de la terminologie La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun aux articles 14, 65 et 66 du code de justice militaire (amendement n° 19 rectifié). Article additionnel après l'article 5 Modification de la terminologie (article 15 du code de justice militaire) La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun aux premier alinéa et troisième alinéas de l'article 15 du code de justice militaire (amendement n° 20 rectifié). Article additionnel après l'article 5 Modification de la terminologie La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur créant un article additionnel et rapprochant la terminologie employée devant le tribunal aux armées de celle utilisée devant les juridictions de droit commun aux articles 16, 17, 21, 82, 83, 86, 87 et 90 du code de justice militaire (amendement n° 21). Article additionnel après l'article 5 (article 22 du code de justice militaire) Dénomination de la juridiction visée par l'article 22 du code de justice militaire La Commission a adopté un amendement de nature rédactionnelle du rapporteur précisant la juridiction visée par l'article 22 du code de justice militaire (amendement n° 22 rectifié). Article 6 Qualité des défenseurs devant le tribunal aux armées Le présent article concerne les conditions de défense des justiciables devant le tribunal aux armées et, plus particulièrement, la qualité des défenseurs autorisés à intervenir devant ces juridictions. Eu égard à l'éventuel éloignement géographique, des dispositions spécifiques doivent, en effet, être prévues pour assurer la défense des prévenus. Le dispositif actuel est structuré autour de deux principes. En premier lieu, le défenseur peut être un civil ou un militaire : il s'agit soit d'un avocat inscrit au barreau ou admis en stage, soit d'un militaire agréé par l'autorité militaire. En second lieu, le recours à des avocats de nationalité étrangère est explicitement exclu, sous réserve toutefois des dispositions particulières prévues par les conventions internationales. Le présent projet de loi propose de modifier ces règles, au profit d'un accroissement des garanties des justiciables. Dans le dispositif proposé, la défense des personnes mentionnées aux articles 59 à 66 du code de justice militaire est en principe assurée par un avocat. Toutefois, si l'éloignement rend impossible l'intervention d'un avocat, c'est à un militaire qu'il revient d'assumer la fonction de défenseur. A la différence du dispositif actuel cependant, ce dernier est choisi sur une liste établie par le président de la juridiction des forces armées qui, dans les tribunaux aux armées, est un civil. Faut-il, dans le cadre de la seule compétence du tribunal aux armées de Paris, supprimer la dérogation permettant à un militaire d'assumer la fonction de défenseur, qui ne s'applique qu'en cas d'éloignement géographique important ? De même, le maintien du tribunal de Landau ne semble pas justifier une telle dérogation du fait de la proximité de la France. Toutefois, l'éventuelle tenue d'audiences foraines du tribunal aux armées de Paris incite à maintenir l'ensemble du dispositif proposé. La Commission a adopté à cet article un amendement de nature rédactionnelle présenté par le rapporteur (amendement n° 23). Elle a adopté l'article 6 ainsi modifié. Article additionnel après l'article 6 Nouvelle rédaction partielle de l'article 59 du code de justice militaire La Commission a adopté un amendement du rapporteur créant un article additionnel après l'article 6 en vue d'améliorer la rédaction de l'article 59 du code de justice militaire relatif au champ de compétence du tribunal aux armées (amendement n° 24). Article additionnel après l'article 6 Nouvelle rédaction partielle de l'article 64 du code de justice militaire La Commission a adopté un amendement du rapporteur créant un article additionnel après l'article 6 en vue d'améliorer la rédaction de l'article 64 du code de justice militaire relatif au champ de compétence du tribunal aux armées (amendement n° 25). Article 7 Abrogation partielle de l'article 67 du code de justice militaire Cet article a pour objet de tirer les conséquences des nouvelles règles de compétence prévues par le présent projet de loi. Les dispositions de son article 5 rendent en effet sans objet le cinquième alinéa de cet article qui prévoit la compétence par défaut du tribunal aux armées de Paris. Eu égard aux propositions de la Commission, il convient de modifier par ailleurs le premier alinéa de cet article qui fait référence aux tribunaux aux armées. La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur visant à préciser que les règles de compétence applicables aux anciens tribunaux aux armées s'appliquent au tribunal de Baden-Baden (amendement n° 26). La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié. Article 8 Adaptation du code de justice militaire au code de procédure pénale L'objet de cet article est d'appliquer aux justiciables relevant du code de justice militaire le bénéfice d'une partie des dispositions de l'article 665 du code de procédure pénale, qui traite du renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Dans sa rédaction actuelle, l'article 76 du code de justice militaire ne tire pas la conséquence des modifications issues de la réforme du 4 janvier 1993. Il fait, en effet, référence aux dispositions de l'article 662 ancien, qui traitait du renvoi d'une juridiction à une autre dans trois cas (impossibilité de composer légalement la juridiction compétente, interruption du cours de la justice pour d'autres motifs ou suspicion légitime). L'hypothèse à laquelle s'applique l'article 76 -cas d'un justiciable ayant établi sa résidence hors du ressort de la juridiction saisie, postérieurement à l'ouverture des poursuites devant une juridiction- entrait d'ailleurs bien dans le cadre de l'article 662 ancien du code de procédure pénale. L'article 662 a été modifié par la réforme de 1993 : le seul cas envisagé dans cet article est désormais celui du renvoi pour suspicion légitime 71). C'est désormais l'article 665 (alinéas 2 à 4) qui s'applique dans l'hypothèse d'un renvoi pour changement de résidence, puisqu'il traite des renvois dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Il est pour le moins étonnant qu'en la matière, le projet de loi ne prévoie pas d'appliquer aux justiciables relevant du code de justice militaire les dispositions du troisième alinéa de l'article 665 qui traite du recours contre la décision de renvoyer. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 27). Elle a adopté l'article 8 ainsi modifié. Article 9 Adaptation du code de justice militaire au code de procédure pénale Il s'agit, là encore, dans cet article, d'adapter le code de justice militaire au code de procédure pénale. En l'occurrence, la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 réformant la procédure pénale, complétée par la loi n° 87-962 du 30 novembre 1987 a étendu les attributions du procureur de la République en lui donnant compétence pour décider de la restitution d'objets placés sous main de justice. L'article 9 étend ces dispositions au procureur de la République placé près le tribunal aux armées. La Commission a adopté un amendement de conséquence présenté par le rapporteur et relatif à la terminologie fonctionnelle utilisée devant le tribunal aux armées au premier alinéa de l'article 80 du code de justice militaire (amendement n° 28). La Commission a adopté l'article 9 ainsi modifié. Article 10 Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale en matière d'enquête préliminaire L'article 82 du code de justice militaire traite des officiers de police judiciaire des forces armées. Les militaires ayant la qualité d'officier de police judiciaire des forces armées sont énumérés par les trois premiers alinéas de cet article. Il s'agit : - des officiers et gradés de la gendarmerie ; - des gendarmes désignés comme officiers de police judiciaire en application des dispositions de l'article 16 du code de procédure pénale ; - des gendarmes servant dans les prévôtés ; - des officiers, sous-officiers et agents assermentés des différents services des armées, pour l'exécution des missions particulières qui leur sont dévolues par les lois ou règlements, si la loi leur reconnaît des attributions attachées à ladite qualité. La catégorie des militaires ayant le statut d'officiers de police judiciaire est donc plus large que dans le droit commun. Si l'on écarte les maires et leurs adjoints, les fonctionnaires de police et les agents de certaines administrations, pour ne retenir que les personnels de la gendarmerie, le texte de l'article 16 du code de procédure pénale dispose en effet qu'ont seuls la qualité d'officier de police judiciaire : - les officiers et les gradés de la gendarmerie ; - les gendarmes comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, nominativement désignés par arrêté des Ministres de la Justice et de la Défense, après avis conforme d'une commission. Cet élargissement de la catégorie d'officiers de police judiciaire permet aux gendarmes affectés temporairement en prévôté, c'est-à-dire auprès d'une armée stationnée ou opérant hors du territoire de la République, d'exercer les prérogatives d'officier de police judiciaire afin de constater des infractions et de conduire des enquêtes sur place. L'article 82 du code de justice militaire, dans ses alinéas 4 à 9, traite des compétences des officiers de police judiciaire des forces armées, que l'article 10 du projet de loi se propose d'adapter aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale en matière d'enquête préliminaire. La loi donne en effet à la police judiciaire le pouvoir de procéder à des enquêtes, soit en cas d'infractions flagrantes, soit hors cas de flagrance. Il s'agit, dans ce cas, d'une enquête préliminaire. La loi du 4 janvier 1993 a nettement renforcé le contrôle qu'exerce, à cette occasion, le procureur de la République : si traditionnellement, la police judiciaire est exercée sous la direction du Procureur de la République, la loi du 4 janvier 1993 est venue spécifier que ce dernier contrôlait les mesures de garde à vue, de même qu'elle a institué une procédure de notation des officiers de police judiciaire par le procureur général du ressort dont ils dépendent. Après avoir adopté un amendement du rapporteur de nature rédactionnelle (amendement n° 29), la Commission a adopté l'article 10 ainsi modifié. Article 11 Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale relatives à la mise en examen Le présent article substitue au terme " inculpation " l'expression de " mise en examen ". Avant la réforme de 1993, le terme était celui d'inculpé, utilisé dans notre droit pénal depuis plus de deux siècles. Le législateur a cependant estimé que sa parenté linguistique avec le terme de " culpabilité " heurtait le principe de la présomption d'innocence. Cette disposition s'inscrit dans l'importante réforme de l'instruction préparatoire opérée en 1993. Outre l'instauration de la " mise en examen " et le remaniement de ses modalités par rapport à celles de l'inculpation, l'instruction préparatoire, sans être contradictoire pour autant, s'efforce désormais de placer la personne poursuivie et la partie civile sur un pied de quasi-égalité. Enfin, l'avocat a désormais un accès plus large à la procédure. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 12 Abrogation de l'article 89 du code de justice militaire Le présent article met fin à une pratique dérogatoire au droit commun et largement contraire à la garantie des droits des justiciables : la rétention des justiciables dans des locaux disciplinaires. Cette mesure, qui équivalait à une garde à vue dans des locaux disciplinaires, était tout à fait symptomatique de l'ambiguïté de la nature du droit pénal militaire qui, sur un certain nombre de points, relevait davantage d'un droit disciplinaire que d'une branche spécifique du droit pénal. L'abrogation de cette disposition contribue à l'amélioration des garanties offertes au justiciable dans une phase particulièrement critique de la procédure pénale. Sont, en effet, désormais appliquées aux justiciables relevant du code de justice militaire l'ensemble des dispositions de droit commun en matière de garde à vue, que la réforme de 1993 a modifié de façon importante. La personne gardée à vue se voit reconnaître des droits importants : - le droit au silence (art. 62 du code de procédure pénale). Même si ce droit n'est pas expressément reconnu, il est significatif que la mention de l'obligation de déposer, qui existait auparavant, ait été abrogée ; - le droit à l'information sur ses droits (art. 63-1 du code de procédure pénale). La personne doit être informée des dispositions relatives à la durée de sa garde à vue, de ses droits à faire aviser sa famille, à demander la visite d'un médecin et à solliciter la présence d'un avocat. Cette information doit être faite dans une langue que connaît la personne et doit être mentionnée au procès-verbal ; - le droit de faire aviser sa famille (art. 63-2 du code de procédure pénale). La personne gardée à vue peut faire prévenir par téléphone un membre de sa famille ; - le droit d'être visité par un médecin (art. 63-3 du code de procédure pénale). La personne peut demander un examen médical dès le début de la garde à vue en le choisissant sur une liste établie par le procureur. Un certificat médical, devant mentionner l'aptitude au maintien en garde à vue est joint au dossier ; - le droit à un entretien avec un avocat (art. 63-4 du code de procédure pénale). A l'issue des vingt premières heures de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat choisi ou désigné par le bâtonnier. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 13 Règles applicables en matière de mise en mouvement de l'action publique Le présent article renvoie aux dispositions générales du code de procédure pénale en matière de mise en mouvement de l'action publique et d'exercice de l'action civile, sous réserve des dispositions particulières de ce code et de celles édictées par les articles 93, 94, 95 et 99 du code de justice militaire. Se trouve ainsi décliné à chaque phase de la procédure pénale le principe général énoncé à l'article 2 du projet de loi, qui fait de l'application des dispositions générales du code de procédure pénale le principe, et des dispositions particulières du code de procédure pénale et du code de justice militaire, l'exception. D'un point de vue normatif, la force de cet article est donc réduite ; d'un point de vue symbolique et pratique -facilité de lecture du code de justice militaire notamment-, il est utile de marquer le lien organique entre les deux codes. Il convient cependant de ne pas minimiser, du fait de cet effet de " trompe-l'oeil ", le poids des spécificités de la justice militaire, fortes en l'occurrence. Comme il est spécifié à l'article 698-2 du code de procédure pénale, applicable aux infractions commises sur le territoire de la République, et qui n'est pas modifié par le projet de loi, la partie lésée ne se voit reconnaître le droit de mettre en mouvement l'action publique que dans des cas limitativement énumérés. La réserve que constitue l'application des dispositions particulières du code de procédure pénale, relativise ainsi singulièrement l'affirmation de principe. Quant aux réserves instituées par le code de justice militaire, elles concernent : - les règles de prescription (article 93 et 94 du code de justice militaire) ; - les poursuites à l'encontre de certains justiciables militaires et des magistrats du corps judiciaire détachés (article 95 du code de justice militaire) ; - la présomption de compétence en faveur du tribunal aux armées lorsque les auteurs d'une infraction de la compétence de cette juridiction sont inconnus (article 99 du code de justice militaire). Après que M. Arthur Paecht eut retiré un amendement alignant sur celles des juridictions de droit commun l'ensemble des procédures applicables en matière d'exercice de l'action publique devant le tribunal aux armées, la Commission a adopté cet article sans modification. Article 14 Abrogation de l'article 92 du code de justice militaire En conséquence de l'article 13, le présent article abroge l'article 92 du code de justice militaire relatif au pouvoir de dénonciation et d'avis de l'autorité militaire, disposition devenue sans objet maintenant que s'applique l'article 698-1 du code de procédure pénale qui traite de ce sujet. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 15 Adaptation du code de justice militaire au code de procédure pénale Cet article vise à adapter le code de justice militaire au code de procédure pénale, les articles 679 et 681 de ce dernier code, auquel il est fait référence à l'article 95 du code de justice militaire, ayant été abrogés par la loi du 4 janvier 1993 qui a supprimé le privilège de juridiction dont bénéficiaient les magistrats. L'article 95 du code de justice militaire fait toutefois partie des dispositions dérogatoires au droit commun qui sont maintenues par le présent projet de loi. Dans son premier alinéa, il dispose que, par dérogation aux règles relatives à la mise en mouvement de l'action publique, elles-mêmes dérogatoires au droit commun, les poursuites à l'encontre de certains justiciables militaires (maréchaux et amiraux de France, officiers généraux ou assimilés, membres du contrôle général aux armées et magistrats militaires) ne peuvent être ouvertes que sur dénonciation ou après avis du Ministre chargé de la Défense. Cette règle déroge au droit applicable sur trois points : - la mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée est exclue, même dans des cas limitativement énumérés ; - la seule autorité militaire compétente pour dénoncer l'infraction ou donner un avis est le Ministre de la Défense ; - même en cas d'infraction flagrante, l'intervention préalable de la dénonciation ou l'avis du Ministre est obligatoire. Le niveau hiérarchique justifie-t-il le renforcement de la spécificité de la justice militaire ? La restriction de la capacité à déclencher l'action publique paraît peu justifiée : quel que soit le niveau hiérarchique de l'auteur de l'infraction, la partie lésée doit disposer du droit de pouvoir mettre en mouvement l'action publique. De même, la flagrance ne s'accommode pas d'une approche hiérarchique. Dans son deuxième alinéa, tel que modifié par le projet de loi, l'article 95 reconnaît le droit au Ministre de la Justice le droit de donner un avis préalablement aux poursuites à l'encontre d'un magistrat du corps judiciaire détaché. Là encore, votre rapporteur s'interroge sur la pertinence du maintien d'une telle disposition : pourquoi, plus encore au moment où la procédure suivie devant le tribunal aux armées se rapproche de celle du droit commun, conserver une disposition unique dans le statut des magistrats ? Si l'objectif est d'informer le Ministre de la Justice qu'un magistrat du corps judiciaire doit faire l'objet de poursuites, une telle disposition est inutile. En pratique, en effet, un tel cas sera signalé et remontera de ce fait jusqu'à la Chancellerie. Enfin, le maintien de cette disposition irait à l'encontre de l'esprit de la réforme de 1993 qui, en supprimant les privilèges de juridiction dont bénéficiaient les magistrats, a entendu signifier l'égalité des justiciables face aux règles du droit pénal. Après avoir examiné conjointement un amendement du rapporteur supprimant l'article 95 du code de justice militaire (amendement n° 30) et un amendement identique de M. Arthur Paecht, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur puis elle a adopté l'article 15 ainsi modifié. Article 16 Abrogation des articles 96 à 98 et 100 du code de justice militaire En conséquence de l'article 91 qui aligne le code de justice militaire sur le code de procédure pénale, l'article 16 abroge les articles 96, 97, 98 et 100 du code de justice militaire qui traitent des pouvoirs du commissaire du Gouvernement dans la mise en mouvement de l'action publique et qui deviennent sans objet, du fait de l'application du code de procédure pénale. Après que M. Arthur Paecht eut retiré un amendement abrogeant l'article 99 du code de justice militaire, le rapporteur ayant fait valoir la nécessité de maintenir la présomption de compétence du tribunal aux armées quand les auteurs de l'infraction sont inconnus, la Commission a adopté cet article sans modification. Article 17 Règles relatives à l'instruction des infractions relevant de la compétence du tribunal aux armées De la même façon que l'article 13, le présent article renvoie au code de procédure pénale en matière d'instruction des infractions, sous réserve des dispositions particulières du code de justice militaire. A la différence toutefois de l'article 13, il n'est pas fait référence aux dispositions générales du code de procédure pénale, mais seulement à l'article 697, qui traite du cas spécifique des infractions commises par les militaires en temps de paix et sur le territoire de la République. Les " prescriptions particulières de la présente section " mentionnées dans cet article sont peu nombreuses, la très grande majorité des dispositions du code de justice militaire en matière d'instruction étant abrogée par le présent projet. Elles concernent : - les citations de témoins (article 109 du code de justice militaire) ; - le choix des experts (article 110 du code de justice militaire) ; - les mandats d'arrêt, d'amener et de dépôts (articles 111 et 112 du code de justice militaire). La Commission a adopté cet article sans modification. Article 18 Abrogation des articles 102 à 108 du code de justice militaire L'article 18 tire les conséquences des dispositions de l'article précédent en abrogeant les articles 102 à 108 du code de justice militaire. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 19 Adaptation du code de justice militaire aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale relatives à la mise en examen Comme l'article 11, le présent article tire les conséquences de la réforme du code de procédure pénale en substituant au terme d' " inculpé " celui de " personne mise en examen ". Après avoir adopté un amendement du rapporteur de nature rédactionnelle (amendement n° 31), la Commission a adopté l'article 19 ainsi modifié. Article 20 Abrogation des articles 113 à 130 du code de justice militaire Le présent article abroge les articles 113 à 130 du code de justice militaire, relatifs à l'instruction préparatoire, les dispositions applicables en la matière étant désormais, aux termes de l'article 17 du projet de loi, celles de l'article 697 du code de procédure pénale. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 21 Règles relatives à la détention provisoire Selon la même démarche qu'aux articles 13 et 17, le présent article renvoie aux dispositions du code de procédure pénale en matière de détention provisoire, sous réserve de certaines dispositions particulières, notamment relatives aux conditions de détention des militaires (article 135 du code de justice militaire) et au contrôle judiciaire (article 137 du même code). Quant à l'article 150 auquel il est fait référence, il concerne les règles relatives à la chambre de contrôle de l'instruction et n'a donc pas sa place à l'article 131. La Commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle du rapporteur, supprimant la référence à l'article 150 du code de justice militaire (amendement n° 32). Article 22 Abrogation des articles 132 à 134 du code de justice militaire En conséquence de l'application du code de procédure pénale en matière de détention provisoire, le présent article abroge les dispositions spécifiques prévues par les articles 132 à 134 du code de justice militaire. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 23 Conséquences de la suppression de l'ordre d'incarcération provisoire et de l'application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la mise en examen L'article 135 du code de justice militaire relatif à la détention provisoire est, avec l'article 137 du même code, la seule spécificité maintenue en la matière. Il doit toutefois être modifié pour tenir compte de la disparition de l'ordre d'incarcération provisoire, régi par les articles 131 et suivants, réécrits ou abrogés par le présent projet de loi. L'ordre d'incarcération provisoire était une disposition totalement dérogatoire au droit commun qui permettait au commissaire du Gouvernement de faire incarcérer un justiciable pendant soixante jours au plus, sans préjudice des dispositions relatives à la détention provisoire. En matière de détention provisoire des militaires et autres justiciables du code de justice militaire, trois hypothèses doivent être envisagées, qui reflètent la spécificité de leur situation : - s'ils sont en détention provisoire dans une maison d'arrêt, ils doivent être détenus dans un quartier spécial réservé aux militaires ; - ils peuvent également être détenus dans une prison prévôtale ; - ils peuvent enfin, en cas d'impossibilité, être détenus dans un établissement militaire désigné par l'autorité militaire dans les conditions prévues par un décret pris sur rapport du Ministre chargé de la Défense. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 24 Abrogation complète des articles 136, 138 à 149 et partielle de l'article 137 du code de justice militaire En conséquence des dispositions de l'article 21, le présent article abroge les articles 136, les deuxième à cinquième alinéas de l'article 137 et les articles 138 à 149 du code de justice militaire. Sont en revanche maintenues les dispositions du premier alinéa de l'article 137, excluant l'application, aux militaires et assimilés visés aux articles 61 et 63 du code de justice militaire, du contrôle judiciaire régi par les articles 138 et suivants du code de procédure pénale. Le contrôle judiciaire, tel qu'il est envisagé par ce code, a le plus souvent pour but d'assurer le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice et d'éviter que, par ses actions, elle puisse compromettre le bon déroulement des investigations. A ces fins, il est constitué d'une série d'obligations énumérées par l'article 138 du code de procédure pénale, auxquelles le juge d'instruction peut astreindre la personne mise en examen. La plupart de ces obligations entraîne une atteinte importante à la liberté d'aller et de venir (interdiction de sortir de certaines limites territoriales, de fréquenter certains lieux, de s'absenter de son domicile, obligation d'informer le magistrat de tout déplacement au-delà de certaines limites, de déférer aux convocations des autorités ou personnes désignées par le magistrat, de se présenter périodiquement aux services désignés par ce dernier, de remettre son passeport). Les contraintes inhérentes au contrôle judiciaire sont considérées comme incompatibles avec les missions dévolues aux militaires (interdiction de port d'armes, notamment). Il est en outre considéré que les obligations liées au service et les conditions d'exécution de celui-ci pallient l'absence de contrôle judiciaire. La Commission a adopté deux amendements du rapporteur : - l'un de nature rédactionnelle (amendement n° 33) ; - l'autre, lié à deux autres amendements aux articles 25 et 26 du présent projet de loi, visant à améliorer la présentation formelle du code de justice militaire en consacrant le nouvel article 151 aux règles applicables à la chambre d'accusation et le nouvel article 152 à la réouverture de l'information pour charges nouvelles (amendement n° 34). La Commission a adopté l'article 24 ainsi modifié. Article 25 Règles applicables à la chambre de contrôle de l'instruction Le présent article aligne les règles applicables à la chambre de contrôle de l'instruction sur celles de la chambre d'accusation mentionnée à l'alinéa second de l'article 698-7 du code de procédure pénale. L'article 2 du projet de loi avait déjà précisé que " les attributions conférées à la chambre d'accusation (...) sont exercées par (...) la chambre de contrôle de l'instruction ", ce qui correspond à un simple changement de terminologie. La compétence, les attributions, la procédure prévues au paragraphe 3 de la section IV du chapitre premier du titre premier du livre deuxième du code de justice militaire doivent donc être abrogées puisqu'elles sont devenues inutiles. Ce sera l'un des objectifs de l'article 26 du projet de loi. Elles sont remplacées par le chapitre II du titre III du livre premier du code de procédure pénale relatif à la chambre d'accusation, juridiction d'instruction du second degré. La présentation des articles 25 et 26 n'est pas adaptée car elle rapproche les dispositions relatives à la chambre de contrôle de l'instruction des dispositions du paragraphe 2, qui concerne la détention provisoire, alors qu'il existe dans le code de justice militaire un paragraphe 3 mieux adapté. La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur modifiant la terminologie fonctionnelle applicable devant le tribunal aux armées et améliorant la présentation formelle du code de justice militaire (amendement n° 35). La Commission a adopté l'article 25 ainsi modifié. Article 26 Nouvelle rédaction d'intitulé et de l'article 151 du code de justice militaire et abrogation des articles 152 à 164 du même code Cet article a un double objectif : - il abroge les articles 151 à 164 du code de justice militaire relatifs à la chambre de contrôle de l'instruction mais devenus inutiles ; les articles 191 à 230 du code de procédure pénale s'appliquent sans réserve ; - il crée un nouveau paragraphe relatif à la réouverture de l'information sur charges nouvelles. Celles-ci sont définies à l'article 189 du code de procédure pénale. Dans le droit commun, il appartient au seul ministère public et non à la partie civile de " décider s'il y a lieu de requérir la réouverture de l'information sur charges nouvelles " (article 190 du code de procédure pénale). La spécificité de la justice militaire est double puisqu'il appartient au Ministre chargé de la Défense ou à l'autorité déléguée de dénoncer les charges nouvelles au commissaire du Gouvernement et que celui-ci doit recueillir à nouveau l'avis du Ministre ou de l'autorité déléguée. La Commission a successivement adopté quatre amendements de cohérence rédactionnelle présentés par le rapporteur, créant un nouveau paragraphe relatif à la réouverture de l'information sur charges nouvelles et substituant aux anciennes appellations celles adoptées à l'article 2 (amendements nos 36, 37, 38 et 39). La Commission a adopté l'article 26 ainsi modifié. Article 27 Règles de procédure applicables devant les tribunaux aux armées Le présent article procède à une révision complète des règles de procédure applicables devant le tribunal aux armées contenues dans le chapitre premier du titre deuxième du livre deuxième, le chapitre II du même titre traitant du temps de guerre. Dans la rédaction actuelle du code de justice militaire, par un curieux renversement de présentation, la procédure d'audience applicable devant les juridictions de jugement en temps de paix reprend les dispositions du temps de guerre, figurant aux articles 211 à 262, sous réserve des exceptions contenues aux articles 203 à 210 pour le jugement des délits et des contraventions. Article 202 du code de justice militaire Principe de base Le projet de loi prévoit un alignement de la procédure, en temps de paix et hors du territoire de la République, sur les règles suivies devant les chambres spécialisées : il renvoie en fait, par un jeu de cascades, aux dispositions des articles 698 à 698-8 du code de procédure pénale qui font, elles-mêmes, référence au livre deuxième du code de procédure pénale. Dans la nouvelle rédaction de l'article 202, la mention expresse des juridictions citées à l'article 697 du code de procédure pénale, compétentes pour les crimes et les délits, oblige à une seconde référence aux tribunaux de police, " s'agissant des contraventions ". La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, l'un de cohérence rédactionnelle à l'article 202 du code de justice militaire (amendement n° 40), l'autre, lié à la suppression des tribunaux prévôtaux en temps de paix et à l'attribution d'une compétence générale au tribunal aux armées de Paris (amendement n° 41). Article 203 du code de justice militaire Institution de l'appel Cet article institue la voie de l'appel pour les jugements rendus par les tribunaux aux armées en matière délictuelle (premier alinéa) et en matière contraventionnelle (second alinéa). C'est sans doute l'une des dispositions les plus importantes du projet de loi. L'absence de recours devant une juridiction du second degré constituait, selon de nombreux auteurs, une violation à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon laquelle toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner la déclaration de culpabilité ou de condamnation par une instance supérieure. La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur au premier alinéa de l'article 203 du code de justice militaire (amendement n° 42). Article 204 du code de justice militaire Saisine du tribunal aux fins d'annulation Cet article reprend l'article 302 actuel du code de justice militaire qui disparaîtra avec l'abrogation, par l'article 35 du projet de loi, pour le temps de paix, des chapitres I à IV du titre cinquième du livre deuxième du code de justice militaire. Il s'agit d'une disposition spécifique aux militaires dans le cas d'une " condamnation non définitive prononcée par défaut contre un insoumis ou un déserteur ". Elle permet au ministère public de saisir le tribunal aux fins d'annulation du jugement rendu par défaut, dans des cas où l'absence ne constitue pas forcément un comportement volontaire. Cette procédure est justifiée par plusieurs raisons : - elle concerne souvent des conditions particulières qui excluent une intention délibérée d'enfreindre la loi. C'est notamment le cas des doubles nationaux, vivant à l'étranger sans avoir conservé de lien étroit avec notre pays, et qui se retrouvent condamnés pour désertion ou pour insoumission ; - les décisions rendues ne sont pas, dans la plupart des cas, susceptibles d'être modifiées. Le droit d'opposition, à l'initiative de la personne condamnée, est illusoire dans le cas de citoyens vivant durablement à l'étranger ou hors d'état de faire connaître leurs intentions. De plus, les délais d'appel du ministère public et du procureur général étant souvent expirés, il est opportun de maintenir une possibilité d'annulation des jugements lorsque le ministère public " acquiert la preuve que le condamné défaillant ne se trouvait pas en état d'insoumission ou de désertion " et n'avait donc pas commis l'infraction reprochée. La Commission a adopté l'article 27 ainsi modifié. Article 28 Abrogation des articles 205 à 210 du code de justice militaire En conséquence et en complément de l'article précédent, l'article 28 abroge les articles 205 à 210 du code de justice militaire devenus inutiles en temps de paix et hors du territoire de la République. S'appliqueront les dispositions de droit commun contenues dans le livre deuxième du code de procédure pénale et les dispositions spécifiques prévues, d'une part aux articles 698 à 698-8 du code de procédure pénale, d'autre part aux articles 203 et 204 du code de justice militaire. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 29 Pourvoi en cassation Cet article aligne sur la procédure pénale de droit commun les dispositions relatives au pourvoi en cassation des jugements rendus par les tribunaux aux armées. Il prend acte de l'introduction de l'appel des jugements rendus en première instance et précise que le pourvoi en cassation concerne les jugements rendus " en dernier ressort ". Les articles 567 à 619 du code de procédure pénale sont donc applicables sans réserve. Le chapitre 1er du titre troisième relatif au pourvoi en cassation intéresse l'ensemble des juridictions des forces armées comme l'indique l'ancienne rédaction de l'article 263. Il ne distingue pas le temps de paix du temps de guerre, mais est valable " en tous temps ". La nouvelle rédaction de l'article 263 du code de justice militaire n'a pas pour conséquence d'exclure les tribunaux territoriaux des forces armées et les tribunaux militaires aux armées. Cette exclusion serait en contradiction avec l'article premier du code de justice militaire qui précise que " la justice militaire est rendue sous le contrôle de la Cour de cassation ". La Commission a examiné un amendement présenté par M. Arthur Paecht et substituant, à l'article 263 du code de justice militaire, les termes de juridictions des forces armées à ceux de tribunaux aux armées. M. Arthur Paecht a fait valoir que le pourvoi en cassation concernait toutes les juridictions des forces armées et non les seuls tribunaux aux armées. Le rapporteur s'est montré défavorable à une modification partielle des dispositions relatives au temps de guerre et a proposé un sous-amendement pour restreindre au temps de paix l'appellation de " juridictions des forces armées ". La Commission a alors adopté l'amendement ainsi sous-amendé (amendement n° 43). Puis elle a adopté l'article 29 ainsi modifié. Article 30 Abrogation des articles 264 à 271 du code de justice militaire En conséquence de l'article précédent, l'article 30 abroge les articles 264 à 271 du code de justice militaire devenus inutiles en temps de paix et hors du territoire de la République puisqu'aucune réserve n'est mise à l'application des dispositions du code de procédure pénale (articles 567 à 619). Les spécificités des règles sont maintenues pour le temps de guerre, en particulier la réduction du délai d'opposition à cinq jours et celle du pourvoi en cassation à 24 heures. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 31 Demandes en révision Cet article aligne sur la procédure pénale de droit commun les dispositions relatives aux demandes en révision des jugements rendus par un tribunal aux armées. Les articles 622 à 626 du code de procédure pénale deviennent applicables sans réserve. De même que précédemment, lors de l'examen de l'article 29, il convient de signaler que le chapitre III du titre troisième du code de justice militaire relatif aux demandes en révision intéresse l'ensemble des juridictions des forces armées comme le précise l'article 273 puisqu'il n'y a pas de distinction entre temps de paix et temps de guerre. La nouvelle rédaction de l'article 273 du code de justice militaire n'a pas pour conséquence d'exclure les tribunaux territoriaux des forces armées et les tribunaux militaires aux armées comme on pourrait le croire puisque l'article 52 du projet de loi rétablit la rédaction antérieure des articles 273 à 275 en temps de guerre. Mais la rédaction actuelle de ces articles n'est plus adaptée et nécessite d'être revue. La Commission a adopté un amendement présenté par M. Arthur Paecht et sous-amendé par le rapporteur, substituant, à l'article 273 du code de justice militaire, les termes de " juridictions des forces armées en temps de paix " à ceux de " tribunaux aux armées " (amendement n° 44). La Commission a adopté cet article ainsi modifié. Article 32 Abrogation des articles 274 et 275 du code de justice militaire En conséquence de l'article précédent, l'article 32 abroge les articles 274 et 275 du code de justice militaire devenus inutiles puisqu'aucune réserve n'est mise aux dispositions du code de procédure pénale. La Commission a adopté cet article sans modification. Article additionnel après l'article 32 Suppression de la référence à l'assignation Le nouveau code de procédure pénale ne vise que les citations ou les significations, et ne reprend plus le terme d'" assignations ". L'article 276 permet la notification par les agents publics de toute citation ou signification. Après l'article 32, la Commission a adopté un amendement créant article additionnel et tendant à modifier en conséquence la rédaction de l'intitulé du chapitre et de l'article 276 du code de justice militaire (amendement n° 45). Article 33 Règles applicables aux citations et significations Cet article vise à aligner les dispositions relatives aux " citations, assignations et significations " sur celles du code de procédure pénale, en l'occurrence les articles 550 à 566 du code de procédure pénale qui deviennent applicables sous réserve de l'article 283 du code de justice militaire en temps de paix, et de l'ensemble du titre en temps de guerre. De manière similaire à l'article précédent, la Commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle visant à supprimer le terme d'" assignations " à l'article 277 (amendement n° 46). La Commission a adopté l'article 33 ainsi modifié. Article 34 Abrogation des articles 278 à 282, 284 et 285 du code de justice militaire et suppression de la référence à l'assignation En conséquence de l'article précédent, l'article 34 abroge les articles 278 à 282, 284 et 285 du même titre relatifs aux citations et assignations. Seul reste en vigueur l'article 283 qui institue des dispositions particulières " lorsque les citations et notifications ne peuvent être faites à personne ". De manière similaire à l'article précédent, la Commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle visant à supprimer le terme d'" assignations " à l'article 283 (amendement n° 47). La Commission a adopté l'article 34 ainsi modifié. Article 35 Abrogation de chapitres devenus inutiles L'objectif de cet article est l'abrogation de quatre chapitres (au titre cinquième du livre deuxième) du code de justice militaire par ajustement sur le code de procédure pénale, en temps de paix : - le chapitre premier traite des jugements par défaut ou d'itératif défaut (articles 286 à 306) ; - le chapitre II prévoit les modalités de séquestre et de confiscation des biens du défaillant (articles 307 à 318) ; - le chapitre III vise la reconnaissance d'identité du condamné (article 319) ; - le chapitre IV concerne les règlements de juges et les renvois d'un tribunal à l'autre (articles 320 et 321). Le chapitre V du même titre, élaboré par la loi n °92-1336 du 16 décembre 1992, est maintenu sans modification. Il aurait été concevable de supprimer les titres et la mention de ces quatre chapitres afin qu'ils ne demeurent pas dans le code de justice militaire. Mais, en raison de l'application de ces articles en temps de guerre, il est souhaitable de maintenir la présentation actuelle jusqu'à la prochaine recodification. On peut cependant légitimement s'interroger sur l'absence d'article d'annonce indiquant que les dispositions applicables devant les juridictions en temps de paix suivent, sous certaines réserves, les règles de procédure pénale de droit commun. Là encore se manifeste le manque de cohérence dans la présentation du code de justice militaire. · La combinaison des articles 202 et 345 dans leur rédaction issue du présent projet de loi permet d'appliquer aux juridictions militaires du temps de paix les règles du code de procédure pénale relatives au jugement des infractions de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées et à l'exécution des décisions. Sous réserve de quelques particularités qui ne concernent ni la qualification ni l'exécution des jugements, ces juridictions sont tenues d'appliquer les dispositions du code de procédure pénale. L'alignement sur le code de procédure pénale emporte ainsi l'application : - des articles 381 à 520, 544 et 545, 627 à 641 qui définissent notamment la procédure de contumace et la qualification des jugements ; - des articles 657 à 661 relatifs aux règlements de juges ; - des articles 662 à 667 relatifs aux renvois d'un tribunal à un autre ; - de l'article 748 relatif à la reconnaissance d'identité des individus condamnés. En revanche, sauf dans le cadre de la procédure de contumace, le code de procédure pénale ne connaît pas de dispositions relatives au séquestre et à la confiscation des biens, que la rédaction actuelle du code de justice militaire envisage comme des peines complémentaires obligatoires. L'abrogation du chapitre 2 relatif à ces peines conduira donc à leur suppression. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 36 Exécution des jugements : principe Cet article pose le principe que les jugements rendus par les juridictions des forces armées en temps de paix sont exécutés selon le code de procédure pénale, c'est-à-dire de son livre cinquième, sous réserve de dispositions particulières prévues par le code de justice militaire. Il s'agit là encore d'un article d'annonce. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 37 Exécution des jugements : modalités particulières Abrogation d'articles divers Cet article applique les modifications intervenues dans le code de procédure pénale en ce qui concerne l'exécution des jugements rendus et abroge les articles qui font référence à des notions disparues. Ne sont maintenus que les articles expressément cités à l'article 698-5 du code de procédure pénale et prévoyant souvent des mesures favorables aux justiciables (comme dans le cas des sursis préalables). · Ainsi il est prévu de supprimer : - les articles 346 à 348 relatifs au pourvoi ; - les articles 350 à 355 sur les modalités d'exécution et le recouvrement des frais de justice ; - les articles 365 et 367 relatifs à la libération conditionnelle ; - l'article 378 sur l'usurpation d'identité par un condamné ; - l'article 379 sur la condamnation d'un prévenu aux frais envers l'Etat.
Le chapitre VII qui est maintenu prévoit une disposition particulière pour l'exécution des peines privatives de liberté. Le chapitre VIII sur la suspension de l'exécution des jugements est réservé au temps de guerre et n'est donc pas supprimé. Les chapitres X, XI, XII et XIII sont maintenus. Le chapitre XV disparaît puisque l'article a été supprimé. Par cohérence, il conviendrait de supprimer également son titre pour éviter une " coquille vide ". · L'article 37 abroge également deux articles en totalité et un partiellement dans le titre premier du livre troisième du code de justice militaire : - le troisième alinéa de l'article 384 relatif aux conséquences de la dégradation civique pour un militaire, celle-ci ayant été supprimée par la réforme du code de procédure pénale de 1993 ; - l'article 387 sur la destitution ; - l'article 394 lié à la notion de circonstances atténuantes. La lecture du projet de loi n'est pas facilitée par cette liste d'articles abrogés qui appartiennent à différents livres du code de justice militaire. La Commission a adopté cet article modifié par un amendement de présentation rédactionnelle (amendement n° 48). Article additionnel après l'article 37 Conséquence de la suppression des tribunaux aux armées hors du territoire de la République Le rapporteur ayant fait observer que la suppression des tribunaux aux armées hors du territoire de la République entraînait de facto celle des tribunaux prévôtaux en temps de paix, la Commission a adopté un amendement créant un article additionnel après l'article 37 et supprimant, par cohérence, la référence aux tribunaux des armées à l'article 479 du code de justice militaire (amendement n° 49). Article additionnel après l'article 37 Conséquence de la suppression des tribunaux aux armées hors du territoire de la République La Commission a adopté un amendement créant un article additionnel après l'article 37 et tendant à une nouvelle rédaction des trois premiers alinéas de l'article 482 du code de justice militaire, par cohérence avec l'amendement précédent (amendement n° 50). Article 38 Application de la suppression des frais de justice aux tribunaux prévôtaux Le livre quatrième du code de justice militaire traite de la justice prévôtale ; il convient, en la matière, de distinguer prévôtés et tribunaux prévôtaux. Selon l'article 477, des prévôtés sont constituées par la Gendarmerie nationale, en temps de guerre sur le territoire de la République et en tous temps lorsque de " grandes unités (...) stationnent ou opèrent hors du territoire de la République ". Elles sont chargées des missions de police générale et exercent la police judiciaire militaire, conformément aux articles 81 à 88 en temps de paix, aux articles 166 à 168 en temps de guerre. Selon le code de justice militaire, des tribunaux prévôtaux peuvent être créés dans les forces armées en temps de paix hors du territoire de la République, à partir du moment où a été institué un tribunal des forces armées. Le tribunal prévôtal est compétent pour les contraventions des quatre premières classes commises par les personnes justiciables des tribunaux aux armées ou des tribunaux militaires aux armées. Il a également compétence " pour les infractions aux règlements relatifs à la discipline commises par les justiciables non militaires et les prisonniers de guerre qui ne sont pas officiers " (article 480 du code de justice militaire). Le tribunal est constitué d'un prévôt qui appartient à la Gendarmerie et juge seul, publiquement, assisté d'un militaire assermenté de la Gendarmerie qui remplit les fonctions de greffier. L'article 38 du projet de loi applique la prise en charge des frais de justice par l'Etat, prévue par l'article 800-1 du code de procédure pénale, dans le cas de la justice prévôtale. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 39 Recouvrement des amendes Le second alinéa de l'article 492 du code de justice militaire prévoit que le commissaire du Gouvernement près du tribunal aux armées recouvre les frais de justice et les amendes fixés par les prévôts. En conséquence de la prise en charge par l'Etat des frais de justice, l'article 39 du projet modifie la rédaction de ce second alinéa. La modification du code de justice militaire est cependant incomplète car l'article 37 du projet a également abrogé l'article 355 de ce code, dont il faut donc supprimer la référence. La Commission a adopté cet article modifié par un amendement du rapporteur qui abroge le second alinéa de l'article 492 du code de justice militaire (amendement n° 51). Article 40 Introduction de l'appel devant les juridictions prévôtales Alors que, selon la rédaction ancienne de l'article 493 du code de justice militaire, les jugements des juridictions prévôtales ne pouvaient faire l'objet que d'un pourvoi en cassation, l'article 40 du projet de loi introduit la possibilité d'appel dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. Il s'agit à nouveau de l'application d'un principe essentiel de la réforme dans le cas des juridictions prévôtales. La Commission a adopté un amendement présenté par M. Arthur Paecht et précisant, à l'article 493 du code de justice militaire, que " les jugements des juridictions prévôtales peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation " (amendement n° 52). La Commission a adopté cet article ainsi modifié. TITRE II DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE Article 41 Possibilité de décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt Cet article vise à autoriser un tribunal à décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt contre un prévenu dans le cas d'un délit d'ordre militaire si la peine prononcée est au moins d'une année d'emprisonnement sans sursis. Une telle disposition avait été prise dans le cas des juridictions de droit commun lors de la réforme du code de procédure pénale en 1993 mais son application n'avait pas été étendue au cas d'une infraction militaire. Ce manquement a eu des conséquences défavorables dans un certain nombre d'affaires, notamment en cas d'indiscipline (l'exemple a été cité à votre rapporteur des Témoins de Jéhovah ou des refus d'obéissance d'un engagé ou de non présentation au tribunal). En effet, dans de telles situations, les prévenus n'étaient pas incarcérés mais remis à l'autorité militaire. Ils commettaient alors de nouveau, pour les mêmes raisons qu'auparavant, un refus d'obéissance et ils étaient de nouveau condamnés pour la même infraction. L'ajout prévu à l'article 465 du code de procédure pénale permettra aux juridictions spécialisées d'avoir des prérogatives identiques à celles des juridictions de droit commun et d'éviter la multiplication des décisions inapplicables, notamment en faisant rechercher par mandat d'arrêt les personnes condamnées à des peines élevées, nonobstant leur opposition. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 42 Elargissement des compétences des chambres spécialisées L'article 42 du projet de loi vise à substituer à la notion " d'exécution du service " qui sert de critère de compétence pour les chambres spécialisées, deux nouveaux critères : " l'établissement militaire " et " l'exécution du service en dehors d'un établissement militaire ". Cette modification élargit la compétence des chambres spécialisées en matière militaire mais, contrairement à son objectif, elle ne simplifiera pas les dispositions actuelles. 1. - Les difficultés liées au dispositif en vigueur · L'article 697-1 du code de procédure pénale attribue aux chambres spécialisées des juridictions de droit commun (mentionnées à l'article 697 du même code) la compétence de juger les " infractions militaires prévues par le livre troisième du code de justice militaire " et les " crimes et délits de droit commun commis dans l'exécution du service par les militaires ". Pour les autres infractions commises par les militaires, les juridictions de droit commun sont compétentes. L'infraction doit avoir été commise par un militaire, tels que ceux définis par les articles 61 à 63 du code de justice militaire, et dans l'exécution du service. Mais sont également concernées toutes les personnes majeures, auteurs ou complices, ayant pris part à l'infraction, ce qui inclut les civils, sauf s'ils sont mineurs. En matière pénale, il existe trois composantes des règles de compétence : outre la nature des faits délictueux (compétence ratione materiae) et leur localisation géographique (compétence ratione loci), peuvent également être pris en compte des éléments relatifs à la personne même de l'auteur de l'infraction (compétence personnelle). Dès lors que l'on quitte le terrain de la seule compétence personnelle, deux autres types de critères sont donc susceptibles d'être pris en compte, de manière séparée ou combinée, pour établir la compétence d'une juridiction en matière d'infractions de droit commun. Le code de justice militaire issu de la loi du 8 juillet 1965 prenait en compte l'ensemble de ces critères : en temps de paix et sur le territoire de la République, les juridictions militaires, qui étaient alors les tribunaux permanents des forces armées, étaient compétents pour les infractions militaires et pour les infractions de droit commun commises, par des militaires ou assimilés, soit dans un établissement militaire (ratione loci), soit dans le service (ratione materiae). Ce système trouvait sa justification dans le fait que la commission d'infractions dans des établissements militaires ou pendant le service du militaire portaient atteinte aux intérêts de la discipline. Dès cette époque cependant, l'utilité comme l'opportunité de ces dispositions firent l'objet de vives discussions, notamment du fait qu'avant 1982, la partie lésée n'avait pas le droit de se constituer partie civile. La réforme de 1982 marqua une rupture. Avec le critère personnel, généralement nécessaire sans être toujours suffisant, le critère du service fut désormais reconnu comme le principal critère de compétence d'attribution des juridictions de droit commun. Plus encore, en préférant une formulation plus restrictive (" pendant l'exécution du service ") à des termes plus vagues (" dans le service "), le législateur choisit de restreindre la compétence des chambres spécialisées : " Préciser et restreindre encore un peu plus le champ des compétences de nouvelles juridictions ainsi créées ", tel était l'objectif du texte de 1982, comme le rappela le rapporteur à l'Assemblée nationale 81). · L'absence de définition de la notion d'exécution du service a entraîné des difficultés d'interprétation et la jurisprudence, qui s'est attachée à développer la notion de faute détachable du service, n'a pas évité les interprétations divergentes. Le critère de compétence est surtout difficile à appliquer chaque fois que l'action du militaire ne s'inscrit pas exactement dans le cadre de la mission qui lui a été confiée. Des décisions contradictoires ont été rendues dans des hypothèses où les faits reprochés ne présentaient qu'un lien étroit avec le service, les tribunaux considérant tantôt que le comportement du militaire n'avait pas eu pour effet de le libérer des liens du service, tantôt que les infractions reprochées constituaient, de par leur gravité, des fautes détachables du service. C'est ainsi que, pour justifier la compétence des chambres spécialisées, la Cour de cassation a relevé que les militaires concernés travaillaient sous les ordres de l'autorité militaire, ou sur l'ordre de leur supérieur, et qu'ils se trouvaient soumis à l'autorité militaire en ce qui concerne la discipline. Il a été jugé qu'était justiciable des juridictions militaires l'auteur d'une infraction de droit commun commise au cours d'une absence pendant les heures de service, bien que celui-ci se soit irrégulièrement absenté, car il a été considéré qu'aucune circonstance n'avait pu le libérer des liens du service (arrêt du 1er juillet 1970). Ainsi, constituent des fautes détachables du service les fautes personnelles commises par un militaire dans l'enceinte militaire, hors le cadre de la mission de service qui lui avait été confiée 92) . Dans le cas des crimes et des délits commis en dehors des établissements militaires, la rédaction actuelle de l'article 697-1 conduit à rechercher le lien avec le service. La notion a été définie par la chambre criminelle de la Cour de cassation dont l'arrêt du 2 octobre 1987 fait référence à l'accomplissement " d'une mission déterminée, ou d'une mission générale, ou de l'accomplissement de tâches contrôlées par l'autorité militaire ou contrôlée par elle ". La notion de service en droit pénal est restrictive et ne se confond pas avec celle qui est retenue par le droit social, plus favorable aux intéressés. Ces incertitudes ont conduit à orienter des infractions identiques soit devant les chambres spécialisées, soit devant les juridictions de droit commun. De plus, pour des affaires similaires, plusieurs juridictions peuvent être saisies, par exemple dans le cas où aucun auteur n'est encore formellement identifié et où il est impossible d'appliquer le critère de compétence des juridictions spécialisées. Lorsque le coupable est identifié, les juridictions de droit commun doivent alors transférer la procédure à une chambre spécialisée. Or, il est de l'intérêt de la justice que les faits liés à des affaires similaires soient regroupés et que les juridictions spécialisées disposent de l'ensemble des dossiers afin d'améliorer l'efficacité de la procédure. 2. - Les conséquences du dispositif prévu · Le projet de loi attribue, dans le cadre des crimes et délits de droit commun, une double compétence aux chambres spécialisées des juridictions de droit commun. Celles-ci auront à connaître des infractions commises à l'intérieur d'un établissement militaire ou, hors d'un établissement militaire, dans l'exécution du service. Pour le Gouvernement, le projet de loi permettra de simplifier l'administration de la justice et de diminuer les aléas juridiques dans la mesure où la notion d'exécution de service est plus difficile à établir. De plus, il donnera au Ministre de la Défense, selon les termes mêmes de l'exposé des motifs, " la possibilité d'émettre un avis sur l'ensemble des troubles à la discipline dans les armées survenus à l'intérieur des établissements militaires ". Toujours selon le Gouvernement, la modification prévue, qui tire les conséquences d'une quinzaine d'années de procédures devant les juridictions pénales, sera neutre au point de vue statistique car le nombre d'affaires ne sera pas modifié et, dans tous les cas, celles-ci seront présentées devant un juge de droit commun.
· En réalité, les inconvénients du nouveau système risquent d'être supérieurs à ses avantages car : - les incertitudes liées à la notion d'exécution de service demeureront puisque ce critère continuera à être appliqué lorsque les infractions seront commises en dehors d'un établissement militaire ; - la notion d'établissement militaire n'est ni claire ni objective. Dans de nombreuses situations, il n'est pas certain que la nouvelle rédaction de l'article 697-1 permette une clarification des procédures, notamment en raison de l'imbrication de certains logements et de locaux à usage privatif à l'intérieur des enceintes militaires et de la difficulté de séparer nettement, dans la vie d'un militaire, les activités, les locaux et la durée du service. La notion d'établissement militaire, critère de compétence des juridictions militaires antérieurement à la réforme opérée par la loi du 21 juillet 1982, n'était définie par aucun texte législatif. La jurisprudence qui s'était développée considérait que les infractions de droit commun commises au domicile d'un militaire relevaient de la compétence de la juridiction de droit commun et non de celle de la juridiction militaire, que ce domicile soit situé ou non à l'intérieur d'un établissement militaire. Il en était ainsi d'un logement d'officier (arrêt Dianda du 18 mai 1931), du logement privé occupé par un militaire dans un bâtiment appartenant à l'autorité militaire (arrêt Bresle, règlement de juges n° 1368 du 16 juin 1948), d'un local loué par l'autorité militaire dans un immeuble privé et affecté au logement d'un gendarme et de sa famille (arrêt Petra du 28 juin 1951), d'un local affecté gracieusement et temporairement par l'autorité militaire dans un édifice situé sur un terrain militaire alors qu'il n'est pas constaté que l'occupation dudit logement ait un rapport quelconque avec les fonctions du militaire qui y demeure (arrêt Muravig du 9 juillet 1959). Au cours de son audition devant la Commission de la Défense nationale, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a cité plusieurs situations dans lesquelles le système proposé par le présent projet de loi n'était pas satisfaisant. Elle a évoqué l'hypothèse de violences conjugales commises dans un établissement militaire par un militaire ou celui de crimes commis par des militaires dans un établissement militaire, sans relation avec le service. Si la réforme était acceptée, ces infractions seraient alors jugées par des juridictions de droit commun spécialisées et, éventuellement, des cours d'assises composées seulement de six magistrats professionnels pour les affaires criminelles dans lesquelles existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. Elle a souligné, en outre, que, dans le cas des violences conjugales commises dans un établissement militaire, la combinaison des articles 697-1 et 698-2 du code de procédure pénale restreindrait pour le conjoint lésé la possibilité de mettre en mouvement l'action publique. En conséquence, la Commission a adopté un amendement de suppression de l'article 42 présenté conjointement par le rapporteur et M. Arthur Paecht (amendement n° 53). Article 43 Conséquence de la compétence du tribunal aux armées de Paris L'article 697-2 du code de procédure pénale est devenu inutile en raison de la compétence attribuée de droit au tribunal des armées de Paris. M. Arthur Paecht a retiré deux amendements, l'un de suppression de l'article 43, l'autre tendant à une nouvelle rédaction de l'article 697 du code de procédure pénale, le rapporteur ayant expliqué qu'il était répondu à la préoccupation de M. Paecht par la nouvelle rédaction des premiers articles du code de justice militaire. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 44 Correction rédactionnelle due à l'introduction d'un nouvel article L'article 48 du projet de loi se proposant d'ajouter un nouvel article 698-9 à la fin de la section II du chapitre 1er du titre onzième du livre sixième du code de procédure pénale, le présent article du projet de loi modifie la rédaction du premier alinéa de l'article 698 qui fait référence aux articles 698-1 à 698-8. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 45 Restriction de la notion de flagrance au regard de l'avis du Ministre de la Défense L'article 698-1 du code de procédure pénale prévoit les modalités de mise en mouvement de l'action publique par le Procureur de la République territorialement compétent. Ce dernier apprécie la suite à donner aux faits qui sont portés à sa connaissance. Lorsque ni le Ministre de la Défense ni l'autorité militaire habilitée par lui n'ont dénoncé les faits au Procureur de la République, celui-ci doit demander leur avis préalablement à tout acte de poursuite. Deux cas font exception à cette demande d'avis préalable : les crimes ou délits flagrants. Selon le texte en vigueur, lorsqu'un chef de corps requiert le Procureur de la République en cas de délit flagrant, le Ministre de la Défense est ainsi privé de la possibilité de donner un avis. Pour éviter que le Ministre ne soit privé de cette possibilité, certains chefs de corps ont eu tendance à ne pas dénoncer les faits, à l'encontre de l'article 40 du code de procédure pénale, afin d'éviter les cas de " flagrance par assimilation ". La Cour de cassation a en effet estimé à bon droit que la réquisition du chef de corps justifiait une enquête de flagrance et permettait à la juridiction de ne pas demander l'avis du Ministre. Cette jurisprudence est défavorable à la bonne exécution de la justice et il est donc nécessaire de réduire la portée de la notion de flagrance au regard de l'avis qui doit être sollicité du Ministre de la Défense. C'est pourquoi l'article 45 du projet de loi propose de préciser que le délit flagrant doit être compris de manière restrictive, selon la définition du premier alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale. Les conséquences de cet article seront bénéfiques pour l'ensemble des parties : le parquet gardera la possibilité de faire valoir l'état de flagrance, permettant à l'autorité judiciaire d'avoir une meilleure connaissance des faits, les chefs de corps ne seront plus tentés de ne pas requérir et le Ministre de la Défense aura une meilleure connaissance des faits se déroulant dans les établissements militaires à une époque où les armées sont de plus en plus professionnelles. On retourne ainsi à l'esprit de la loi du 21 juillet 1982 qui n'entendait pas limiter la procédure d'avis du Ministre de la Défense. La réforme de la procédure pénale entreprise par le Garde des Sceaux envisage de supprimer la notion de flagrance par assimilation, figurant au deuxième alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale. Le problème traité par l'article 45 du projet de loi deviendrait donc sans objet. Cependant, tant que cette réforme n'est pas adoptée, il est préférable de restreindre la notion de flagrance aux cas visés par l'article 698-1 du code de procédure pénale. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 46 Demande d'avis du Ministre de la Défense en cas d'engagement des poursuites sur plainte ou constitution de parties civiles · L'article 698-2 du code de procédure pénale précise que l'action civile " en réparation du dommage causé... appartient à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ". Il restreint les possibilités de mettre en mouvement l'action publique pour la partie lésée aux " cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente ". Lors de la réforme de 1982, il avait été considéré comme un " progrès immense que les victimes puissent se constituer partie civile et participer à tout le procès pénal, selon les règles de droit commun ". En revanche, l'hypothèse d'un déclenchement des poursuites avait été explicitement exclue. Si l'on tente de dresser un bilan de l'ouverture des possibilités laissées à la partie civile de déclencher les poursuites en 1982, force est de constater que l'institution militaire ne s'en est pas trouvée déstabilisée pour autant. De plus, au regard de la nature des infractions de droit commun concernées, qui concernent majoritairement des affaires de moeurs, est-il concevable que la victime d'une agression sexuelle, infraction rare, certes, mais pourtant réelle, ne puisse mettre en mouvement l'action publique ? · L'article 46 du projet de loi se propose de compléter l'article 698-2 en prévoyant de demander l'avis du Ministre chargé de la Défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui sur les poursuites engagées. Cet avis peut déjà avoir été demandé conformément à l'article 698-1. Dans tous les cas, un délai d'un mois est prescrit. Cet ajout a été opéré à la demande du Garde des Sceaux afin d'uniformiser les règles applicables en ce domaine et de mieux informer le ministère de la Défense de l'engagement des poursuites. La nouvelle demande d'avis ne fera pas obstacle aux poursuites ni ne suspendra le déroulement de l'information, pas plus qu'elle ne constituera un blocage de la procédure. De plus, l'autorité militaire répond souvent dans les meilleurs délais et celui d'un mois prévu par l'article 46 est souvent réduit dans la pratique. 1.-.Les justifications de l'avis du Ministre En 1982, lors des débats parlementaires sur la réforme du code de justice militaire, le Garde des Sceaux, M. Robert Badinter, avait estimé qu'il était nécessaire que l'autorité militaire éclaire le parquet et fasse valoir son point de vue, notamment pour les raisons suivantes : - dès lors qu'il relève des juridictions spécialisées et présente donc un lien nécessaire et suffisant avec l'institution militaire, tout comportement délictueux met en cause la discipline et l'ordre public au sein des armées. Cette mise en cause justifie que l'autorité militaire continue à faire connaître ses préoccupations ; - en maintenant l'obligation de solliciter l'avis du Ministre de la Défense, le code de justice militaire organise un échange réciproque d'informations entre l'autorité militaire et le ministère public. Cet échange permet à l'autorité militaire d'être informée des faits reprochés et de tenir compte de l'exercice éventuel des poursuites pénales. En effet ces éléments sont susceptibles d'avoir une incidence sur la manière de servir, la disponibilité et la capacité opérationnelle du militaire, surtout s'il s'agit d'un professionnel. L'avis permet également à l'autorité militaire de faire connaître son analyse des faits reprochés et de présenter les données relatives, d'une part aux contraintes de la mission militaire, d'autre part à la personnalité du militaire concerné ; - enfin, l'absence de représentation syndicale confère souvent au seul commandement la responsabilité d'assurer la défense et la sauvegarde des intérêts des personnels militaires, notamment au cours de la phase d'enquête préalable à l'engagement des poursuites pénales. Le Gouvernement considère que l'avis peut être utile au ministère public lors de l'engagement des poursuites comme à la juridiction de jugement, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les poursuites sont engagées par le ministère public ou à l'initiative de la partie lésée. 2.-.Une procédure spécifique La spécificité de la procédure de l'avis étonne à un double titre. Les procureurs restent maîtres de leur politique pénale. Certes, il est judicieux qu'ils puissent prendre en considération tous les éléments de l'affaire, en particulier les renseignements contenus dans l'avis de l'autorité militaire. De plus, il peut être intéressant pour le procureur d'avoir connaissance des mesures disciplinaires qui ont déjà été décidées et de l'engagement de l'indemnisation des victimes. Mais il est excessif de dire que les magistrats civils ne sont pas conscients des contraintes de la vie militaire et éprouvent des difficultés à recueillir des informations sur la personnalité des militaires poursuivis et à estimer si l'infraction est vraiment constituée. Par ailleurs, dans aucune autre institution, des fonctionnaires ou agents de l'Etat ne bénéficient d'un avis de leur autorité de tutelle en cas de poursuites. Il faut reconnaître cependant que la portée de l'obligation faite au ministère public et, dans certaines hypothèses aux juridictions d'instruction et de jugement, de solliciter l'avis du ministère de la défense est restreinte : - le ministère public est expressément dispensé de solliciter cet avis en cas de crime ou de délit flagrant (article 698-1 du code de procédure pénale), de sorte que l'exercice de poursuites pénales peut alors être immédiat. L'article 46 du projet de loi dispose également que la demande d'avis adressée par la juridiction d'instruction saisie par la victime ne suspend pas le déroulement de l'information ; - en cas d'urgence ou lorsque l'avis n'a pas été formulé dans le délai d'un mois, l'absence de l'avis au dossier n'emporte pas la nullité de la procédure ; - l'avis de l'autorité militaire ne lie pas le ministère public qui décide seul de l'engagement des poursuites. Il résulte de ces dispositions que la procédure d'avis ne saurait devenir le moyen, pour le Ministre de la Défense, de faire obstacle à l'engagement des poursuites ou de compromettre l'efficacité des investigations en en retardant le déclenchement. La Commission a tout d'abord examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Arthur Paecht qui a estimé que le projet de loi éloignait dans ce cas la procédure applicable devant les juridictions militaires de la procédure de droit commun. Il a considéré, d'une part, que la mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée devait être alignée sur les dispositions de droit commun, d'autre part, que la possibilité de demander un avis du Ministre chargé de la Défense ne devait pas être étendue à de nouveaux cas. Le rapporteur a manifesté son accord avec l'alignement des modalités de mise en mouvement de l'action publique en rappelant qu'en 1982, avait été instaurée la possibilité, pour les victimes, de se constituer partie civile, ce qui avait, à l'époque, représenté un grand progrès mais qu'en revanche l'hypothèse d'un déclenchement des poursuites par la partie lésée n'avait été introduite qu'en 1992 dans des cas limitativement énumérés (décès, mutilation et infirmité permanente). Il a fait observer que l'institution militaire ne s'en était pas trouvée déstabilisée pour autant. Estimant peu acceptable que les victimes ne puissent pas mettre en mouvement l'action publique lors d'infractions relatives aux moeurs, il a proposé d'appliquer, en la matière, les dispositions de droit commun fixées aux articles 85 et suivants du code de procédure pénale. Il a toutefois émis des réserves sur la suppression de la demande d'avis du Ministre chargé de la Défense. La Commission a alors adopté l'amendement de suppression de l'article 46 (amendement n° 54). Article 47 Abrogation d'articles divers L'article 698-5 du code de procédure pénale rend expressément applicables certaines dispositions du code de justice militaire dans le cas où les infractions relèvent de la compétence des chambres spécialisées des juridictions de droit commun. Les modifications introduites par le projet de loi au code de justice militaire induisent donc une modification rédactionnelle de cet article. Il est prévu de ne plus faire référence aux articles abrogés (par exemple les numéros 302, 307 à 318) ou de mentionner de nouveaux articles (cas des numéros 204 -qui reprend le 302- ou du 349, ou des numéros 366, 368 et 369 qui n'avaient pas été rendus applicables par la loi du 21 juillet 1982). La Commission a adopté cet article sans modification. Article 48 Décision d'audience à huis clos Le présent article vise à compléter la procédure de l'instruction et du jugement des crimes et délits en matière militaire et en temps de paix en ajoutant un nouvel article 698-9. Celui-ci prévoit que toute chambre spécialisée pourra ordonner " que les débats se tiendront à huis clos si la publicité risque d'entraîner la divulgation d'un secret de la défense ". Deux procédures sont prévues : - la décision de la juridiction de jugement doit être rendue en audience publique ; - la décision sur le fond doit toujours être prononcée en audience publique. Une telle disposition n'avait pas été prévue par la loi du 21 juillet 1982. Il existe un doute quant à la portée de cette disposition. La place de ce nouvel article dans le titre onzième du code de procédure pénale, à la fin du chapitre premier, aurait pu laisser croire que la possibilité de demande de huis clos est restreinte aux seules chambres spécialisées des juridictions de droit commun. En fait, la rédaction de l'article 698-9 vise l'ensemble des juridictions : la disposition prévue serait applicable non seulement devant les juridictions de droit commun spécialisées (en raison de son insertion dans le code de procédure pénale) et devant les juridictions militaires mais aussi devant l'ensemble des juridictions de droit commun. La Commission a examiné de manière conjointe un amendement de suppression de l'article présenté par M. Arthur Paecht et un amendement du rapporteur précisant que la possibilité de décider le huis clos ne concernait que les juridictions de jugement mentionnées à l'article 697 du code de procédure pénale. M. Arthur Paecht a relevé que la disposition prévue par l'article 48 ne trouvait pas sa place dans le titre onzième du livre deuxième du code de procédure pénale puisqu'elle visait l'ensemble des juridictions des forces armées. M. Robert Poujade et le Président Paul Quilès ont alors considéré que la rédaction retenue pour le nouvel article 698-9 du code de procédure pénale ouvrait la voie à une interprétation très extensive et posait la question de l'habilitation des magistrats. M. Robert Poujade a pour sa part exprimé ses réserves à l'égard de la notion qu'il a jugée imprécise de divulgation d'un secret de la défense nationale. Le rapporteur a souligné qu'il aurait été préférable, dans l'esprit du projet, d'insérer des dispositions additionnelles sur le huis clos aux articles 306 et 400 du code de procédure pénale qui traitent respectivement des décisions de huis clos par les cours d'assises et les tribunaux correctionnels. Après avoir repoussé l'amendement de suppression de l'article de M. Arthur Paecht, la Commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur, sous-amendé par un amendement de nature rédactionnelle du Président Paul Quilès (amendement n° 55). La Commission a adopté cet article ainsi modifié. TITRE III DISPOSITIONS DIVERSES Article 49 Abrogation d'un article Lorsqu'est intervenue en 1993 la réforme de la procédure pénale, le droit pénal militaire n'a pas été modifié. L'article 229 de la loi n°93-2 du 4 janvier 1993 prévoyait néanmoins que " Les dispositions de la présente loi seront applicables aux procédures de la compétence des tribunaux énumérés aux livres premier et quatrième du code de justice militaire le 1er janvier 1995. En conséquence, et jusqu'à l'entrée en vigueur de cette loi, les dispositions du code de procédure pénale auxquelles il est fait référence seront applicables dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi ". L'échéance fixée par l'article 229 fut repoussée ensuite à trois reprises, faute d'intervention d'un projet de loi modifiant le code de justice militaire et le code de procédure pénale dans les délais impartis. C'est ainsi que la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure pénale, civile et administrative repoussa la date au 1er mars 1996 et que la loi du 22 juillet 1996 sur la répression du terrorisme fixa l'échéance au 1er janvier 1997. La dernière modification en date fut effectuée par la loi n °97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national qui a fixé l'échéance au 1er janvier 1999. Le report successif des échéances n'est pas satisfaisant, surtout s'il s'agit d'étendre les droits des justiciables. Il a cependant semblé préférable au Parlement de repousser une troisième fois l'échéance lors de l'examen du projet de loi portant réforme du service national plutôt que de réformer la justice militaire par ordonnance, comme l'avait proposé le Gouvernement 101). Estimant cette démarche inadaptée sur le fond -modifier par ordonnance un texte touchant aux libertés publiques- comme sur la forme -imprécision de la demande d'habilitation-, l'Assemblée nationale, suivie par le Sénat, avait repoussé l'échéance au 1er janvier 1999 et supprimé l'article relatif à la demande d'habilitation 111). Plusieurs raisons expliquent le retard mis à la réforme du code de justice militaire. Deux projets de réforme ont en fait été successivement élaborés. Le premier tendait à une réécriture globale du code de justice militaire mais l'objectif était trop ambitieux même s'il demeure souhaitable. Un second projet, moins complexe et plus court tend transposer la réforme du code de procédure pénale pour régler les difficultés les plus urgentes. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 50 Recouvrement des droits fixes de procédure La prise en charge par l'Etat des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police est inscrite à l'article 800-1 du code de procédure pénale (introduit par la réforme du 4 janvier 1993). Le projet de loi, dans les articles 37 à 39, prévoit d'étendre cette prise en charge aux jugements rendus par les juridictions des forces armées. Cette évolution ne signifie pas la gratuité de la justice pénale en raison : - des dépenses qui restent à la charge des parties (dépenses personnelles, honoraires d'avocats etc.) ; - et surtout de l'existence de droit fixe de procédure dû par le condamné. La perception d'un droit forfaitaire abrège le délai de recouvrement, remplace le système complexe et peu productif des frais de justice, et allège la tâche des greffes qui n'ont plus à tenir un état de ces frais. Le montant de ces droits fixes est fixé à l'article 1018 A du code général des impôts. En conséquence des modifications apportées par les articles 37 à 39 du projet de loi, l'article 50 rend applicables les dispositions de l'article 1018 A aux jugements rendus par les juridictions des forces armées. Le caractère très général de cette formule inclut la chambre spécialisée, les tribunaux aux armées et les juridictions du temps de guerre. Il comprend également les tribunaux prévôtaux. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 51 Modification de la loi du 21 juillet 1982 L'objet du présent projet de loi reste limité à la modification des dispositions du code de justice militaire et du code de procédure pénale à l'exclusion de toutes autres dispositions non codifiées si leur abrogation n'est pas indispensable. L'article 51 traduit cette ligne de conduite à l'égard de trois articles de la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et de sûreté de l'Etat. Ces trois articles concernent des dispositions dont le maintien en vigueur pourrait apparaître incompatible avec la création du tribunal aux armées de Paris : - l'article 8 prévoyait les modalités de renvoi à une autre juridiction en cas de suppression d'une juridiction des forces armées ; - l'article 10 instituait la compétence du tribunal des forces armées de Paris et précisait que la composition, le fonctionnement, les personnels de cette juridiction ainsi que la procédure applicable seraient régis par les règles prévues pour les tribunaux aux armées ; - l'article 14 instituait une date d'entrée en vigueur de la réforme (premier alinéa) et le renvoi des procédures en cours devant les tribunaux permanents des forces armées (TPFA) aux juridictions devenues compétentes (deuxième alinéa). Deux questions se posent. D'une part, on peut se demander les raisons du maintien du deuxième alinéa de l'article 14, le transfert des procédures suivies devant les TPFA ne présentant plus aucun intérêt pratique et n'étant plus susceptible d'application. D'autre part, il serait judicieux de conserver, en les modifiant, l'article 8 et le premier alinéa de l'article 10 en raison de leur portée générale. C'est notamment le cas pour le tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne (dont le siège a été fixé à Baden-Baden à compter du 1er septembre 1995 par le décret n° 95-662 du 9 mai 1995). Sa suppression est programmée à terme en raison de la déflation des effectifs des forces françaises en Allemagne et du tarissement du contentieux. La nouvelle rédaction de l'article 5 du code de justice militaire prévoit le renvoi des affaires de sa compétence devant le tribunal aux armées de Paris lorsqu'il viendra à disparaître. Par ailleurs, plusieurs raisons ont justifié de ne pas renvoyer, devant le tribunal aux armées de Paris, les affaires en cours d'instruction devant les chambres spécialisées, en vertu du droit actuellement applicable aux infractions commises hors du territoire de la République et de ne pas prévoir en conséquence de dispositions transitoires résultant de la création du tribunal aux armées de Paris : - d'une part, le Gouvernement n'a pas estimé opportun d'obliger les chambres spécialisées, régulièrement saisies, à transférer de manière générale les procédures en cours devant le tribunal aux armées de Paris sans considération de leur état d'avancement ; - d'autre part, un tel transfert entraînerait un encombrement du tribunal aux armées de Paris, donc un retard dans l'instruction et le jugement des procédures, lié au délai d'acheminement et à la nécessité de délivrer de nouvelles citations. La Commission a adopté cet article sans modification. Article 52 Application du code de justice militaire en temps de guerre En conséquence de la codification de l'article 52 du projet de loi à l'article 3-1 du code de justice militaire, la Commission a adopté un amendement de suppression de cet article présenté conjointement par le rapporteur et M. Arthur Paecht (amendement n° 56). Article additionnel après l'article 52 Recodification du code de justice militaire avant le 1er janvier 2002 Après que le rapporteur eut souligné la nécessité d'une nouvelle codification du code de justice militaire intégrant notamment les dispositions relatives au temps de guerre, la Commission a adopté un amendement du rapporteur créant un article additionnel après l'article 52 et prévoyant cette nouvelle codification avant le 1er janvier 2002 (amendement n° 57). Article 53 Application aux territoires d'outre-mer et à Mayotte En vertu de son article 494, le code de justice militaire " est applicable sur tout le territoire de la République et hors de ce territoire dans les cas et situations qu'il prévoit ". Il s'applique actuellement dans les territoires d'outre-mer et dans celui de la collectivité territoriale de Mayotte. Les articles 697 à 698-8 du code de procédure pénale relatifs à la poursuite, à l'instruction et au jugement des crimes et délits en matière militaire, sont applicables dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna et de la collectivité territoriale de Mayotte. Les seules réserves apportées par les dispositions particulières du code de procédure pénale relatives à ces territoires ne concernent pas l'application de ces articles. Par ailleurs, le décret 83-1202 du 28 décembre 1983 a porté désignation des juridictions de droit commun spécialisées pour l'instruction et le jugement des infractions militaires et des infractions de droit commun commises par des militaires dans l'exécution du service, selon des modalités identiques à celles du droit commun. En application de la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte, les lois nouvelles doivent contenir une mention expresse pour être applicables sur le territoire de la collectivité territoriale de Mayotte. Par ailleurs, les lois édictées pour la France métropolitaine ne sont pas applicables de plein droit aux territoires d'outre-mer, à l'exception des lois de souveraineté, et doivent comporter une mention expresse d'extension. Leur application aux territoires concernés est parfois subordonnée à la consultation des assemblées territoriales. La Commission a adopté cet article sans modification. * La Commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi réformant le code de justice militaire ainsi modifié. TABLEAU COMPARATIF ___
AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION Article 8 Amendement présenté par M. Arthur Paecht : Supprimer cet article. ANNEXE 1 CODE DE PROCÉDURE PÉNALE Art. 398-1 : Sont jugés dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 398 : 1° Les délits prévus par les articles 66 et 69 du décret-loi du 30 octobre 1935 unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux cartes de paiement ; 2° Les délits prévus par le code de la route ainsi que, lorsqu'ils sont commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, par les articles 222-19, 222-20, 223-1 et 434-10 du code pénal : 3 Les délits en matière de coordination des transports ; 4° Les délits prévus par le 2° de l'article 32 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ; 5° Les délits prévus par les articles 222-11, 222-12 (1° à 10°), 222-13 (1° à 10°), 222-16, 222-17, 222-18, 222-32, 227-3 à 227-11, 311-3, 311-4 (1° à 8°), 313-5, 314-5, 314-6, 321-1, 322-1 à 322-4, 322-12, 322-13, 322-14, 433-3, premier alinéa, 433-5 et 521-1 du code pénal et L. 628 du code de la santé publique ; 6° Les délits prévus par le code rural en matière de chasse, de pêche et de protection de la faune et de la flore et les délits prévus par le décret-loi du 9 janvier 1852 en matière de pêche maritime. Toutefois, le tribunal statue obligatoirement dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 398 lorsque le prévenu est en état de détention provisoire lors de sa comparution à l'audience ou lorsqu'il est poursuivi selon la procédure de comparution immédiate. Il statue également dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 398 pour le jugement des délits prévus au présent article lorsque ces délits sont connexes à d'autres délits non prévus par cet article. Art. 662 : En matière criminelle, correctionnelle ou de police, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut dessaisir toute juridiction d'instruction ou de jugement et renvoyer la connaissance de l'affaire à une autre juridiction du même ordre pour cause de suspicion légitime. La requête aux fins de renvoi peut être présentée soit par le procureur général près la Cour de cassation, soit par le ministère public établi près la juridiction saisie, soit par les parties. La requête doit être signifiée à toutes les parties intéressées qui ont un délai de dix jours pour déposer un mémoire au greffe de la Cour de cassation. La présentation de la requête n'a point d'effet suspensif à moins qu'il n'en soit autrement ordonné par la Cour de cassation. Art. 665 : Le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre peut être ordonné pour cause de sûreté publique par la chambre criminelle, mais seulement à la requête du procureur général près la Cour de cassation. Le renvoi peut également être ordonné, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, par la chambre criminelle, soit sur requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège, agissant d'initiative ou sur demande des parties. Dans les dix jours de la réception de la demande et s'il n'y donne pas suite, le procureur général près la cour d'appel informe le demandeur des motifs de sa décision. Ce dernier peut alors former un recours devant le procureur général près la Cour de cassation qui, s'il ne saisit pas la chambre criminelle l'informe des motifs de sa décision. La chambre criminelle statue dans les huit jours de la requête. Art. 697 : Dans le ressort de chaque cour d'appel, un tribunal de grande instance est compétent pour l'instruction et, s'il s'agit de délits, le jugement des infractions mentionnées à l'article 697-1. Des magistrats sont affectés, après avis de l'assemblée générale, aux formations de jugement, spécialisées en matière militaire, de ce tribunal. Dans le même ressort, une cour d'assises est compétente pour le jugement des crimes mentionnés à l'article 697-1. Un décret pris sur le rapport conjoint du garde de sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la défense fixe la liste de ces juridictions. Art. 698-1 : Sans préjudice de l'application de l'article 36, l'action publique est mise en mouvement par le procureur de la République territorialement compétent, qui apprécie la suite à donner aux faits portés à sa connaissance, notamment par la dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui. A défaut de cette dénonciation, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui. Hormis le cas d'urgence, cet avis est donné dans le délai d'un mois. L'avis est demandé par tout moyen dont il est fait mention au dossier de la procédure. La dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence. L'autorité militaire visée au premier alinéa du présent article est habilitée par arrêté du ministre chargé de la défense. Art. 698-2 : L'action civile en réparation du dommage causé par l'une des infractions mentionnées au premier alinéa de l'article 697-1 appartient à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. Sauf en cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente, la partie lésée ne peut toutefois mettre l'action publique en mouvement. Art. 698-3 : Lorsque le procureur de la République, le juge d'instruction et les officiers de police judiciaire sont amenés, soit à constater des infractions dans les établissements militaires, soit à rechercher, en ces mêmes lieux, des personnes ou des objets relatifs à ces infractions, ils doivent adresser à l'autorité militaire des réquisitions tendant à obtenir l'entrée dans ces établissements. Les réquisitions doivent, sauf nécessité, préciser la nature et les motifs des investigations jugées nécessaires. L'autorité militaire est tenue de s'y soumettre et se fait représenter aux opérations. Le procureur de la République, le juge d'instruction et les officiers de police judiciaire veillent, en liaison avec le représentant qualifié de l'autorité militaire, au respect des prescriptions relatives au secret militaire. Le représentant de l'autorité militaire est tenu au respect du secret de l'enquête et de l'instruction. Art. 698-4 : Les supérieurs hiérarchiques doivent satisfaire à la demande des officiers de police judiciaire tendant à mettre à leur disposition un militaire en activité de service, lorsque soit les nécessités de l'enquête, soit l'exécution d'une commission rogatoire ou d'un mandat de justice exigent cette mesure. Art. 698-5 : Les articles 73 à 77, 93, 94, 137, 302, 307 à 318, 357, 371, 374, 375, 377 et 384 alinéa 3 du code de justice militaire sont applicables. Conformément à l'article 135 de ce même code, la personne mise en examen, le prévenu ou le condamné militaire doit être détenu dans des locaux séparés. Art. 698-6 : Par dérogation aux dispositions du titre Ier du livre II, notamment aux articles 240 et 248, premier alinéa, et sous réserve des dispositions de l'article 698-7, la cour d'assises prévue par l'article 697 est composée d'un président et de six assesseurs désignés comme il est dit aux alinéas 2 et 3 de l'article 248 et aux articles 249 à 253. La cour ainsi composée applique les dispositions du titre Ier du livre II sous les réserves suivantes : 1° Il n'est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés ; 2° Les dispositions des articles 254 à 267, 282, 288 à 292, 293, alinéas 2 et 3, 295 à 305 ne sont pas applicables ; 3° Pour l'application des articles 359, 360 et 362, les décisions sont prises à la majorité. Art. 698-7 : Les dispositions de l'article 698-6 ne sont applicables, pour le jugement des crimes de droit commun commis dans l'exécution du service par les militaires, que s'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. Lorsque la mise en accusation est prononcée en application de l'article 214, premier alinéa, la chambre d'accusation constate dans son arrêt, s'il y a lieu, qu'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale et ordonne que la cour d'assises saisie soit composée conformément aux dispositions de l'article 698-6. Art. 698-8 : Les juridictions compétentes pour juger les infractions prévues par le livre III du code de justice militaire peuvent également prononcer les peines militaires de la destitution et de la perte du grade. ANNEXE 2 CODE DE JUSTICE MILITAIRE Art. 59 : Hors du territoire de la République et sous réserve des engagements internationaux, les tribunaux aux armées connaissent des infractions de toute nature commises par les membres des forces armées ou les personnes à la suite de l'armée en vertu d'une autorisation. Art. 60 : Sont considérés comme membres des forces armées pour l'application des dispositions du présent chapitre, les personnes visées aux articles 61 à 63 présentes, à quelque titre que ce soit, sur le territoire étranger, les personnels civils employés à titre statutaire ou contractuel par les forces armées, ainsi que les personnes à leur charge, lorsqu'elles accompagnent le chef de famille hors du territoire de la République. Art. 61 : Les militaires visés par le présent code sont : 1° Les militaires qui possèdent le statut de militaire de carrière ; 2° Les militaires qui servent en vertu d'un contrat ; 3° Les militaires qui accomplissent le service militaire dans les conditions prévues par le code du service national, à l'exception des militaires en position hors-cadre ou de retraite, ainsi que des déserteurs. Art. 62 : Les personnes qui effectuent le service militaire dans les conditions prévues par le code du service national ainsi que les engagés sont soumis aux dispositions du présent code à partir de leur réunion en détachement pour rejoindre leur destination ou, s'ils rejoignent isolément, à partir de leur arrivée à destination, jusqu'au jour inclus où ils sont renvoyés dans leurs foyers. Il en est de même quand, avant d'être incorporés, ils sont placés à titre militaire dans un hôpital, un établissement pénitentiaire ou sous la garde de la force publique ou sont mis en subsistance dans une unité. Art. 63 : Sont également soumis aux dispositions du présent code : 1° Ceux qui sont portés présents, à quelque titre que ce soit, sur le rôle d'équipage d'un bâtiment de la marine ou le manifeste d'un aéronef militaire ; 2° Ceux qui, sans être liés légalement ou contractuellement aux forces armées, sont portés sur les contrôles et accomplissent du service ; 3° Les membres d'un équipage de prise ; 4° Les prisonniers de guerre. Art. 64 : Les tribunaux aux armées sont incompétents à l'égard des mineurs de dix-huit ans, sauf s'ils sont membres des forces armées ou lorsque aucune juridiction française des mineurs n'a compétence à leur égard. Ces mêmes tribunaux sont compétents à l'égard des mineurs de dix-huit ans lorsque ceux-ci sont ressortissants d'un Etat occupé ou d'un Etat ennemi à l'époque des faits reprochés. Art. 65 : Sont justiciables des tribunaux aux armées tous auteurs ou complices d'une infraction contre les forces armées françaises ou contre leurs établissements ou matériels, si elle est réprimée par la loi pénale française. Art. 66 : Sous réserve des dispositions de l'article 64, la compétence des tribunaux aux armées s'étend à tous auteurs ou complices lorsque l'un d'eux est justiciable de ces juridictions. Art. 135 : Qu'il s'agisse d'un ordre d'incarcération, d'un mandat de justice ou d'un jugement, l'inculpé, le prévenu ou le condamné est conduit, soit dans une maison d'arrêt et détenu alors dans un quartier spécial aux militaires, soit dans une prison prévôtale, soit, en cas d'impossibilité, dans un établissement désigné par l'autorité militaire dans les conditions prévues par un décret pris sur le rapport du ministre chargé de la défense. Art. 137 : Le contrôle judiciaire prévu aux articles 138 et suivants du code de procédure pénale n'est pas applicable aux militaires et assimilés visés aux articles 61 et 63 du présent code. Il peut être appliqué auxdits militaires et assimilés qui ont été rendus à la vie civile depuis la date de l'infraction ainsi qu'aux personnes étrangères aux armées et justiciables des juridictions militaires, sous les conditions suivantes : Les attributions conférées par les articles 139, 140 et 141-2, alinéa 1er, du code de procédure pénale au juge d'instruction, au procureur de la République, au procureur général, à la chambre d'accusation sont exercées respectivement par le juge d'instruction militaire, le commissaire du Gouvernement, la chambre de contrôle de l'instruction ; Après dessaisissement du juge d'instruction, les attributions qui lui sont conférées par les articles visés ci-dessus appartiennent, selon l'état de la procédure, au président de la juridiction de jugement ou à la juridiction elle-même ; Lorsque le prévenu est traduit directement devant le tribunal et qu'il est détenu, le président de la juridiction exerce les attributions conférées au juge d'instruction par les articles 139, 140, 141-2, alinéa 1er, du code de procédure pénale dans les conditions prévues à l'article 133, alinéa 4, du présent code. Art. 150 : Les dispositions des articles 149 à 150 du code de procédure pénale sont applicables aux justiciables des juridictions des forces armées qui ont fait l'objet d'un mandat de dépôt ou d'un ordre d'incarcération provisoire, au cours d'une procédure terminée à leur égard par une décision de non-lieu ou d'acquittement devenue définitive.
__________ N° 959.- Rapport de M. Jean Michel (au nom de la commission de la défense) sur le projet de loi (n° 677), portant réforme du code de justice militaire. 1 1) Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993. 2 1) Loi n°65-542 du 8 juillet 1965 portant institution du code de justice militaire. 3 1) Jean-Marie Gonnard, JCP, " Justice militaire ", 1992. 4 1) La liste des tribunaux aux armées, le nombre de leurs chambres de jugement ainsi que les limites territoriales ou maritimes dans lesquelles s'exerce leur juridiction sont fixés par décret, pris sur le rapport du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et du Ministre de la Défense. 5 1) Jean Coucoureux, JCP, " Justice militaire ", 1er août 1975 6 1) Convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces (1951) et accord complémentaire du 3 août 1959 7 1) Voir les articles 662 et 665 du code de procédure pénale en annexe. 8 1) J.O. Débats Assemblée nationale p. 1153, 3ème séance du 14 avril 1982. 9 2) Cas. Crim. 1er février 1989. 10 1) Le Gouvernement avait en effet introduit dans le projet de loi portant réforme du service national un article dans lequel il demandait au Parlement l'autorisation de satisfaire à l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993 par ordonnance, aux termes de l'article 38 de la Constitution. 11 1) Rapport n° 205 de M. Didier Boulaud sur le projet de loi portant réforme du service national, pp. 156-160. © Assemblée nationale |