Document mis en distribution le 4 avril 2000 N° 2302 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mars 2000. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR LE SÉNAT EN DEUXIÈME LECTURE, relatif au référé devant les juridictions administratives, PAR M. FRANÇOIS COLCOMBET, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : Sénat : 1re lecture : 269, 380 et T.A. 149 (1998-1999). 2e lecture : 136, 210, 227 et T.A. 89 (1999-2000). Assemblée nationale : 1re lecture : 1682, 2002 et T.A. 412. 2e lecture : 2186. Justice. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gérin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Noël Mamère, Thierry Mariani, Jean-Michel Marchand, Jean-François Mattei, Roger Meï, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 EXAMEN DES ARTICLES 9 TITRE II - DU JUGE DES RÉFÉRÉS STATUANT EN URGENCE 9 Article 3 : Référé-suspension 9 Article 4 : Référé-injonction 10 Article 7 : Procédure applicable lorsque le juge des référés statue en urgence 11 TITRE III - DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À CERTAINS CONTENTIEUX 14 Article 16 (art. 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976) : Suspension de décisions en vue d'assurer la protection de l'environnement 14 Article 17 (art. 17-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984) : Suspension de l'exécution des actes des fédérations sportives sur l'initiative du ministre chargé des sports 15 Article 17 bis : Appel des décisions du juge des référés devant le président de la cour administrative d'appel 16 Article 17 ter (lois nos 83-634 du 13 juillet 1983 et 72-662 du 13 juillet 1972) : Recours administratif préalable pour les fonctionnaires 16 TITRE IV - DISPOSITIONS FINALES 17 Article 18 : Abrogations 17 Article 19 : Application outre-mer 17 TABLEAU COMPARATIF 19 AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 25 MESDAMES, MESSIEURS, Examiné en première lecture par le Sénat le 8 juin 1999 et par l'Assemblée nationale le 14 décembre 1999, adopté en deuxième lecture par le Sénat le 22 février dernier, le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives revient aujourd'hui devant l'Assemblée pour une seconde lecture. Ce texte propose une réforme profonde des procédures de référés devant le juge administratif afin de garantir aux justiciables l'accès à un juge qui, statuant seul, puisse, dans l'attente du jugement au fond du litige, ordonner efficacement les mesures provisoires nécessaires. Au terme d'une première lecture, treize articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées. C'est ainsi qu'un accord a pu être trouvé sur certains aspects de la procédure applicable lorsque le juge des référés statue en urgence : la possibilité de modifier à tout moment, au vu d'un élément nouveau, les mesures qu'il a prononcées lui a été reconnue (art. 6), les demandes qui lui sont présentées sont dispensées de l'acquittement de la formalité du droit de timbre (art. 8) ; la procédure de référé conservatoire est rénovée afin que ne pèse plus sur le juge la contrainte de ne pas porter préjudice au principal (art. 5). L'Assemblée nationale et le Sénat ont, en outre, entériné le maintien de nombreuses procédures de référé dérogatoires au droit commun (art. 11, 12, 14 et 15), renforcé l'efficacité des référés précontractuels (art. 10) et approuvé les dispositions relatives à l'entrée en vigueur de la présente loi (art. 20 et 21). Enfin, notre assemblée a approuvé les articles additionnels judicieusement introduits par le Sénat afin d'adapter le code des communes de la Nouvelle-Calédonie à la nouvelle procédure de référé-suspension (art. 19 bis, ter et quater). En deuxième lecture, le Sénat a adopté quatre articles dans le texte de l'Assemblée nationale, confirmant la convergence des préoccupations des deux assemblées. Dans le souci de garantir aux justiciables une justice rapide, le Sénat a ainsi approuvé la modification apportée par l'Assemblée nationale à la définition des compétences du juge des référés, qui devra statuer « dans les meilleurs délais » (art. 1er). Dans le même esprit, il a précisé que, lorsque le juge des référés statue en premier ressort sur une demande de référé-injonction, il se prononce dans les quarante-huit heures (art. 4) ; le Sénat a également accepté un amendement du Gouvernement, imposant au juge d'informer les parties de la date et de l'heure des audiences publiques, inscrivant ainsi dans la loi le souci d'assurer une meilleure lisibilité du calendrier de la procédure devant le juge des référés (art. 7). Les deux assemblées ont également manifesté le souci commun de faciliter le règlement non contentieux des différends : le Sénat a ainsi entériné le principe, adopté par l'Assemblée nationale, d'un recours administratif pour les agents de la fonction publique préalablement à l'introduction d'une action contentieuse contre certaines mesures touchant leur situation personnelle et a étendu ce dispositif aux agents relevant du statut général des militaires (art. 17 bis). Enfin, le Sénat et l'Assemblée nationale se sont retrouvés dans leur souci d'apporter des garanties aux justiciables. Le Sénat a ainsi approuvé le choix fait par l'Assemblée nationale d'harmoniser les conditions dans lesquelles la compétence de juge des référés peut être déléguée par le président de la juridiction à un magistrat, qui devra remplir certaines conditions de grade et d'ancienneté, l'expérience des magistrats étant considérée comme un gage de la qualité des décisions rendues (art. 2). Il a également accepté l'extension du champ d'application du référé-suspension aux décisions administratives de rejet ainsi qu'au contentieux de la réformation et renoncé à limiter la durée de la suspension prononcée à une durée maximale d'un an, ce qui était une source d'insécurité juridique pour les parties (art. 3). De même, le Sénat et l'Assemblée nationale ont utilement modifié la rédaction de l'article 9 qui organise le « tri » des demandes adressées au juge des référés lorsqu'il statue en urgence, afin de conserver toute son efficacité à cette procédure, tout en évitant un tri excessif des demandes. Enfin, les deux assemblées se sont accordées sur le principe de l'appel des décisions prises par le juge administratif dans le cadre d'un référé-injonction (art. 7). Bien qu'elles soient animées par les mêmes objectifs, les deux assemblées n'ont pu encore parvenir à un accord sur certaines dispositions du projet de loi. C'est ainsi que l'Assemblée nationale se trouve saisie de neuf articles qui restent en navette. Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois est revenue au texte adopté par l'Assemblée nationale sur la définition du référé-injonction (art. 4), sur la possibilité de suspendre l'exécution d'une décision lorsque l'étude d'impact sur laquelle elle est fondée est insuffisante (art. 16), ainsi que sur la simplification de la procédure d'examen des appels contre des décisions prises dans le cadre de certaines procédures d'urgence non visées dans le projet de loi, aujourd'hui formés devant les cours administratives d'appel (art. 17 bis). Enfin, la Commission a approuvé la solution retenue par le Sénat quant au choix de la juridiction compétente pour connaître des recours contre les décisions prises dans le cadre d'un référé-injonction. * * * TITRE II Cet article prévoit une procédure dite de « référé-suspension » qui, se substituant aux procédures de sursis à exécution et de suspension provisoire d'exécution, permet au juge administratif des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative, « lorsque l'urgence le justifie et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Le Sénat, en deuxième lecture, a approuvé les précisions apportées par l'Assemblée nationale quant au champ d'application de cette procédure afin d'y inclure, d'une part, le contentieux de la réformation et, d'autre part, les décisions administratives de rejet. Sur ce dernier point, comme l'ont fort justement souligné M. René Garrec, rapporteur pour la commission des Lois, dans son rapport, et la garde des sceaux, lors du débat en séance publique, on observera que la suspension d'une décision de rejet par le juge des référés pourra être accompagnée d'une injonction provisoire faite à l'administration de prendre une décision positive de sens contraire, dès lors que la loi n° 95-125 du 8 février 1995 a conféré au juge administratif le pouvoir d'injonction à l'égard de l'administration. Mais, de même que cette loi n'autorise l'exercice de cette prérogative que lorsque l'arrêt ou le jugement « implique nécessairement [...] une mesure d'exécution dans un sens déterminé », l'exercice de cette prérogative par le juge des référés ne sera possible que si la décision de suspension l'implique nécessairement. S'agissant de la durée de la suspension, le Sénat avait, en première lecture, adopté une rédaction imposant, lorsque la suspension de l'exécution d'une décision est prononcée, de statuer sur la requête principale dans un délai d'un an, à l'issue duquel la suspension prendrait fin. Il avait ainsi entendu éviter la pérennisation de ces mesures de suspension. Tout en partageant cet objectif, l'Assemblée nationale n'a pas, lors de l'examen du projet de loi en première lecture, approuvé cette rédaction, considérant qu'elle était une source d'insécurité juridique pour les requérants, l'acte attaqué pouvant être successivement exécutoire et suspendu. Revenant au dispositif prévu dans le projet de loi initial, elle avait donc souhaité que la suspension prenne fin « au plus tard » lorsqu'il est statué au fond. En deuxième lecture, le Sénat a maintenu cette rédaction mais l'a complétée afin d'imposer au juge compétent au fond de statuer « dans les meilleurs délais » lorsque l'exécution de la décision attaquée est suspendue, afin d'accélérer le jugement de la requête principale lorsque la décision attaquée est suspendue. La Commission a adopté cet article sans modification. Principale innovation du projet de loi, cet article permet, en cas d'urgence, au juge administratif des référés d'ordonner « toutes mesures nécessaires » à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle l'administration aurait porté « une atteinte grave et manifestement illégale ». Lors de l'examen de ce texte en première lecture, l'une et l'autre assemblées ont modifié le premier alinéa de cet article afin de lever une ambiguïté de sa rédaction, qui aurait pu faire craindre une remise en cause, à la faveur de l'application de cette procédure de référé, de la compétence reconnue au juge judiciaire en matière de voie de fait. En première lecture, le Sénat a ainsi précisé que les pouvoirs confiés au juge administratif dans le cadre du référé-injonction s'exercent « sans préjudice de la compétence reconnue aux juridictions de l'ordre judiciaire en matière de voie de fait ». Ne souhaitant pas faire figurer dans un texte législatif la notion exclusivement jurisprudentielle de la voie de fait, l'Assemblée nationale avait, à son tour, modifié la rédaction du premier alinéa de l'article 4 afin de préciser que le référé-injonction ne peut être mis en _uvre que lorsque l'administration a porté atteinte à une liberté fondamentale « dans l'exercice d'un de ses pouvoirs ». En deuxième lecture, et avec l'avis favorable du Gouvernement, le Sénat a repris sa rédaction, en supprimant cependant la référence à la notion de voie de fait. Si elle préserve les compétences du juge judiciaire, cette rédaction présente toutefois l'inconvénient de ne pas définir les compétences respectives du juge judiciaire et du juge administratif lorsque l'administration porte atteinte à une liberté fondamentale. La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à revenir à la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale sur la définition du référé-injonction (amendement n° 1). Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, le Sénat a, en outre, précisé que le juge des référés saisi en première instance se prononce dans un délai de quarante-huit heures. Cet ajout semble particulièrement opportun : dès lors que le délai ne s'impose plus seulement au juge d'appel, il assure la symétrie entre le référé-injonction et la procédure dite de sursis d'extrême urgence, prévue par l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, qui permet au représentant de l'Etat d'obtenir, « dans les quarante-huit heures », le prononcé du sursis à l'exécution d'un acte d'une collectivité locale qui serait « de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle ». La brièveté du délai semble justifiée par les intérêts en jeu dans cette procédure de référé qui concerne les libertés fondamentales. On observera qu'en en fixant la durée, le législateur donne un contenu concret à l'obligation faite au juge des référés de se prononcer dans les meilleurs délais, que l'Assemblée nationale a inscrite à l'article premier du projet de loi. Enfin, le Sénat a supprimé le deuxième alinéa de l'article 4 qui permet aux représentants de l'Etat de présenter une demande au titre du La Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié. Article 7 L'objet de cet article est de mettre en place une procédure propre aux référés prévus aux articles 3, 4 et 5 du projet, qui permette au juge administratif de faire face à l'urgence qui caractérise ce type de référés. A cette fin, le projet de loi fait une plus grande place à l'oralité des débats, prévoit que, sauf renvoi à une formation collégiale, les audiences publiques, obligatoires pour les référés injonction et suspension, se déroulent sans conclusions du commissaire du gouvernement et aménage les voies de recours en autorisant seulement le recours en cassation. Lors des deux lectures qu'il a faites de ce texte, le Sénat a modifié les dispositions relatives aux audiences publiques dans un sens favorable aux justiciables : en première lecture, il a étendu l'obligation de convoquer les parties en audience publique aux cas où le juge modifie les mesures qu'il a ordonnées en référé ou y met fin, ce que l'Assemblée nationale a approuvé. En deuxième lecture, souhaitant assurer un traitement rapide des demandes soumises au juge administratif des référés, la commission des Lois a présenté un amendement imposant au juge administratif des référés d'organiser un référé à heure indiquée, identique à celui que pratique le juge civil des référés et qui est l'une des clés de sa rapidité. La garde des sceaux ayant fait valoir les difficultés de transposer cette procédure au juge administratif, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement imposant au juge d'informer sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique prévue pour prononcer les mesures prises dans le cadre des référés suspension et injonction, ainsi que pour les modifier ou y mettre fin. Cette disposition, qui devait figurer, d'après les informations recueillies par le rapporteur, dans le décret d'application de la loi, semble particulièrement opportune. Elle est tout à la fois conforme au souhait de l'Assemblée nationale d'assurer la célérité du juge administratif lorsqu'il est confronté à l'urgence et aux demandes des parties qui souhaitent avoir une meilleure lisibilité du calendrier de la procédure. S'agissant des voies de recours ouvertes contre les décisions du juge des référés statuant en urgence, les deux assemblées ont souhaité maintenir la possibilité d'interjeter appel contre les décisions prises par le juge administratif dans le cadre d'un référé-injonction, tant en raison des matières concernées - les libertés fondamentales - que de l'étendue des pouvoirs dont il dispose dans le cadre de cette procédure. Elles ont toutefois divergé sur le choix de la juridiction d'appel : dans un souci de proximité avec le justiciable, l'Assemblée nationale a, en première lecture, fait le choix des cours administratives d'appel, le président de ces juridictions ou le conseiller délégué à cet effet devant statuer dans les quarante-huit heures, au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Le Sénat, se calquant sur le déféré-liberté prévu dans le code général des collectivités locales, a jugé préférable, en première lecture comme en deuxième lecture, que l'appel soit porté devant le Conseil d'Etat - le président de la section du contentieux de la haute juridiction ou le conseiller d'Etat qu'il désigne à cet effet devant statuer dans les quarante-huit heures - pour assurer une unification du contentieux et une rapidité de jugement que l'engorgement des cours administratives d'appel ne permettait pas de garantir. La Commission a été saisie d'un amendement de M. Emile Blessig tendant à revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Son auteur a souligné que l'ampleur du champ d'application de cette procédure de référé justifiait le respect du principe du contradictoire, le double degré de juridiction, mais aussi la recherche d'une proximité avec les justiciables en cas d'appel. Il a jugé que les arguments tenant à la fois au manque de moyens des cours administratives d'appel et à la nécessité d'assurer une harmonisation de la jurisprudence n'étaient pas convaincants, la crainte d'une dispersion des jurisprudences semblant peu fondée, compte tenu du petit nombre de cours administratives d'appel, toutes présidées par des conseillers d'Etat. Il a jugé qu'il serait regrettable de ne pas se rapprocher sur ce point de l'organisation de la justice judiciaire, alors même que tel est l'objectif du projet de loi. Sans contester le bien-fondé du débat sur le choix de la juridiction compétente pour connaître des recours en matière de référé-injonction, M. François Colcombet a rappelé que ce texte ne pouvait être qu'« un petit pas » vers une amélioration de la juridiction administrative, les réformes en la matière étant toujours empreintes de la plus grande prudence. A l'appui de la rédaction retenue par le Sénat, le rapporteur a rappelé qu'il s'agissait d'assurer un parallélisme avec le déféré-liberté prévu à l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, de réduire les délais d'examen des recours contre les décisions rendues en premier ressort, d'assurer une harmonisation rapide de la jurisprudence dans un domaine délicat, qui suppose une définition des notions d'urgence ou d'atteintes graves aux libertés fondamentales, et de tenir compte enfin de l'engorgement actuel des cours administratives d'appel, dont les stocks s'élèvent encore à près de 34 000 dossiers. Il a contesté l'argument tiré de la proximité des cours administratives d'appel, soulignant que, dans de nombreuses régions, Paris est d'un accès plus facile que le siège de la Cour. Après que M. Claude Goasguen eut contesté la rédaction retenue par le Sénat, estimant qu'elle n'était que le résultat de la pression exercée par le Conseil d'Etat, et jugeant que rien ne justifiait que cette juridiction connaisse de l'appel des référés-injonction, la Commission a rejeté l'amendement de M. Emile Blessig et adopté l'article 7 sans modification. TITRE III Article 16 Cet article modifie la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement ainsi que la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, afin de remplacer les procédures spécifiques de sursis à exécution qu'elles comportent par le référé-suspension nouvellement créé. L'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 impose au juge de suspendre l'exécution d'une décision qui autoriserait ou approuverait un projet pouvant porter atteinte à l'environnement et qui n'aurait pas donné lieu à la réalisation préalable de l'étude d'impact exigée par la loi. En première lecture, l'Assemblée nationale avait souhaité que la suspension de la décision soit prononcée non seulement en cas d'absence d'étude d'impact mais également lorsque celle-ci est insuffisante, se fondant sur la jurisprudence administrative qui assimile à une absence d'étude d'impact le cas où le document présenté est tellement insuffisant au regard des dispositions de la loi qu'il ne saurait être tenu comme constitutif d'une telle étude (Conseil d'Etat, 29 juillet 1983, Comm. de Roquevaire). Malgré l'intérêt de cette disposition pour la protection de l'environnement, le Sénat ne l'a pas approuvée, le rapporteur de la commission des Lois jugeant qu'elle aggraverait « l'incertitude juridique dans le domaine des travaux publics ». La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture sur ce point (amendement n° 2), le rapporteur ayant souligné l'importance des intérêts en jeu et le risque, si l'Assemblée ne revenait pas à sa position initiale, d'entraîner une modification de la jurisprudence administrative qui sanctionne déjà l'insuffisance d'étude d'impact, au même titre que son absence. Article 17 L'article 17-1 de la loi du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, permet au ministre chargé des sports d'accompagner le recours en annulation qu'il forme contre les actes des fédérations sportives d'une demande de sursis à exécution. Le présent article adapte cette procédure au nouveau référé-suspension. Cette coordination n'a toutefois pas été faite à droit constant, le Gouvernement dans le projet de loi initial, puis le Sénat, lorsqu'il a procédé à la première lecture de ce texte, ayant gommé presque toutes les spécificités de la procédure ouverte au ministre chargé des sports. Dans un souci de simplification, l'Assemblée nationale avait donc supprimé l'article 17, tout en maintenant dans l'article 18 la possibilité pour le ministre de présenter une requête en annulation contre les décisions prises par les fédérations sportives. En deuxième lecture, le Sénat a souhaité réintroduire cet article. Répondant au souhait exprimé par sa commission des affaires culturelles lors de l'examen, en première lecture, du projet de loi modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, il a rétabli toute la spécificité qui caractérisait le sursis à exécution d'origine, tout en l'adaptant à la nouvelle procédure de référé-suspension : le sursis est de droit dès lors que l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; le juge des référés dispose d'un mois pour statuer sur cette demande de suspension. Ces spécificités étant réaffirmées, la procédure de suspension est dérogatoire au droit commun et peut donc, à bon escient, être maintenue. On peut cependant s'interroger sur son utilité pratique, le rapporteur de la commission des Affaires culturelles du Sénat, qui se félicitait du rétablissement du référé ouvert au ministre des sports ayant lui-même reconnu, pour le regretter, qu'il n'en fasse pas plus souvent usage (1). La Commission a adopté l'article 17 sans modification. Article 17 bis A côté des référés pour lesquels le juge statue en urgence et dont les voies de recours sont aménagées par le présent projet de loi, il subsiste, des procédures dites d'urgence prévues dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pour lesquelles l'appel est interjeté devant les cours administratives d'appel. Tel est le cas de l'appel contre les décisions prises par le président du tribunal administratif dans le cadre d'un référé-instruction (art. R. 128), d'un référé-provision (art. R. 129) et d'un constat d'urgence (art. R. 136). En première lecture, l'Assemblée nationale avait souhaité, pour accélérer le cours de la justice administrative, que l'appel de ces référés soit désormais examiné par le président de la cour administrative d'appel et non plus par une formation collégiale de cette juridiction. Il convient de rappeler qu'en tout état de cause le président de la cour, face à une affaire particulièrement difficile ou importante, peut renvoyer son examen à une formation collégiale de sa juridiction. Le Sénat n'a pas cependant retenu cette disposition dont il semble avoir mal apprécié la portée. La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir cet article (amendement n° 3). Article 17 ter Afin de favoriser les voies non contentieuses de règlement des différends, l'Assemblée nationale a introduit, pour les agents de la fonction publique de l'Etat ainsi que pour ceux des fonctions publiques hospitalière et territoriale, l'obligation de former un recours administratif avant d'engager une action contentieuse contre les actes relatifs à leur situation personnelle. Ont toutefois été exclus de ce dispositif les actes relatifs au recrutement des agents et à l'exercice du pouvoir disciplinaire, ces mesures étant « les plus lourdes de conséquences du point de vue des agents et _celles_ pour lesquelles l'intervention du juge administratif, pour produire des résultats effectifs, ne doit pas être différée », comme l'a souligné la garde des sceaux lors de la discussion du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale. Le Sénat a entériné cette disposition. Il y a apporté une modification rédactionnelle et l'a étendue aux agents relevant de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, sur proposition de la commission des Lois et du Gouvernement. La Commission a adopté l'article 17 ter sans modification. Adopté sans modification par le Sénat en première lecture, cet article prévoit l'abrogation de plusieurs dispositions législatives rendues inutiles par la mise en place du référé-suspension. Par coordination avec la suppression de l'article 17 relatif à la suspension de l'exécution des décisions des fédérations sportives à la demande du ministre chargé des sports, l'Assemblée nationale avait complété cet article pour y inclure une nouvelle rédaction de l'article 17-1 de la loi du 16 juillet 1984 qui, sans évoquer la possibilité de sursis à exécution, maintenait la possibilité pour le ministre de déférer au juge les actes des fédérations sportives qu'il estimait contraires à la légalité. Par coordination avec la position adoptée sur l'article 17, le Sénat a rétabli, en deuxième lecture, la rédaction initiale de l'article 18. Par coordination avec sa position sur l'article 17, la Commission a adopté l'article 18 sans modification. Article 19 Cet article précise les conditions d'application du projet de loi aux différentes collectivités d'outre-mer qui relèvent du principe de spécialité législative. Par coordination avec le rétablissement de l'article 17, supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture, le Sénat a rétabli la référence à l'article 17 dans le deuxième alinéa de cet article, qui précise les dispositions du titre III applicables à Mayotte. En effet, l'article 17 doit être étendu à cette collectivité dès lors que la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives lui est applicable. Par coordination avec sa position sur l'article 17, la Commission a adopté l'article 19 sans modification. * * * La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié. * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi (n° 2186) modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après. ___
AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION Article 7 Amendement présenté par M. Emile Blessig : Compléter cet article par l'alinéa suivant : « Les décisions rendues en application de l'article 4 sont susceptibles d'appel devant les cours administratives d'appels dans les quinze jours de la notification. En ce cas, le président de la cour administrative d'appel, ou un conseiller délégué à cet effet, statue dans les quarante-huit heures au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. » 2302. Rapport de M. François Colcombet sur le projet de loi adopté par le Sénat avec modifications relatif au référé devant les juridictions administratives (commission des lois) () Rapport (n° 248) du Sénat fait par M. James Bordas au nom de la commission des Affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. © Assemblée nationale |