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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 15 novembre 2005

60e séance de la session ordinaire 2005-2006

Question préalable de M. Bocquet : M. Patrick Braouezec. – Rejet par scrutin.

MM. Nicolas Perruchot,


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

logements sociaux

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Je suis élue d’un département, les Hauts-de-Seine, marqué par de profondes inégalités sociales et territoriales. Si Neuilly compte 2,6 % de logements sociaux, Gennevilliers en compte 63 %, et ma commune de Bagneux plus de 51 %.

Quant au revenu moyen annuel par habitant dans cette région, il peut varier du simple au double, par exemple entre Sevran, où l’on dénombre 40 % de logements sociaux, et Le Raincy, qui en compte 5 %.

C’est dire si, avec mes concitoyens et mes collègues parlementaires, j’ai prêté une oreille attentive aux propos tenus hier soir par M. le Président de la République…

M. Jean Leonetti. C’était la sagesse même !

Mme Janine Jambu. …en réponse à la situation d’urgence sociale que nous vivons.

Le chef de l’État a ainsi déclaré : « J’appelle tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d’avoir 20 % au moins de logements sociaux ».

Voilà une proposition…

M. Jean Glavany. Non ! C’est la loi !

Mme Janine Jambu. …que nous défendons avec énergie et ténacité depuis des années, car elle est une réponse efficace et concrète aux besoins de logements pour tous et partout.

Ma question sera donc très simple : monsieur le Premier ministre, quelles mesures coercitives – je dis bien « coercitives » – allez-vous mettre en œuvre pour répondre au vœu exprimé par le chef de l’État, et quelle en sera la traduction dans le budget de la mission « Ville et logement », qui a été revisité et que nous examinerons lundi prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Jambu, je ferai en préalable trois observations.

La première est que, dans ce pays, les logements doivent tous être beaux et bien entretenus. À cet égard, ceux que l’on appelle « aidés » doivent être aussi beaux que les autres. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ma deuxième observation est que leurs habitants sont des citoyens français à part entière et respectables, et ils n’ont pas à être logés dans tel endroit plutôt que dans tel autre.

Mme Jacqueline Fraysse. Bravo !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ma troisième observation, enfin, est qu’il est nécessaire de relancer le logement, en particulier le logement aidé, qui, je le répète, doit être aussi beau que les autres.

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous nous y employons, comme en témoignera le projet de budget.

Quant à la loi – j’en viens à votre question –, elle est appliquée. (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Comme le prévoit l’article 55 de la loi SRU, j’ai saisi les préfets au mois d’août, au terme de la période triennale, afin qu’ils dressent le constat des communes qui doivent rattraper leur retard.

M. Albert Facon. Mais les préfets ont peur de Sarkozy !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dès que la procédure contradictoire aura été menée avec les collectivités locales, les préfets pourront dresser les constats de carence, que j’ai demandé à recevoir pour la fin du mois de décembre. La loi, toute la loi sera donc appliquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

indemnisation des victimes
des violences urbaines

M. le président. La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Mothron. Monsieur le Premier ministre, malgré la tendance à l’accalmie des violences urbaines, et même si la région parisienne semble progressivement retrouver le calme, des villes de province connaissent toujours de nombreux incidents. Il est donc sans doute prudent de proposer, ce dont je vous félicite, le maintien de l’état d’urgence. Malgré moult tentatives d’explications, nous saisissons mal, en effet, comment et pourquoi ces violences démarrent et même comment elles cessent.

La prudence et la fermeté en ce domaine s’imposent. Depuis les débuts des tragiques événements subis dans quelque 300 communes, la comptabilité journalière des infractions est largement médiatisée. Mais n’oublions pas que, derrière chaque dégradation de bien, ce sont certes des collectivités publiques qui en pâtissent mais surtout des particuliers qui souffrent.

Le coût des infrastructures publiques détruites ou dégradées pèsera lourd sur les budgets municipaux, mais les collectivités trouveront toujours, vaille que vaille, les moyens de faire face aux conséquences des incendies pour les écoles, les gymnases et tout autre édifice public ou aménagement de voirie.

Il en va tout autrement pour les plus de 8 000 particuliers dont les véhicules ont été incendiés. Ces personnes, qui se sentent ainsi devenues prisonnières de quartiers sensibles, en éprouvent une certaine injustice. Elles sont aujourd’hui désemparées.

Il est urgent de venir en aide à ces victimes qui se trouvent bien seules face aux assurances pour obtenir un remboursement, et cela dans un délai raisonnable : que peuvent-elles faire en effet aujourd’hui pour reprendre leur activité, sans voiture et sans moyens suffisants pour la remplacer ?

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures envisagez-vous en faveur de nos compatriotes ainsi accablés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ces quinze derniers jours, la France a connu des événements d’une gravité sans précédent, et je sais, monsieur le député, combien votre commune a été frappée par les violences. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 8 500 véhicules incendiés, une centaine de bâtiments publics détruits ou dégradés, et autant d’entreprises privées, 125 policiers blessés, sans oublier les agressions à l’encontre des services de secours, 2 800 personnes interpellées, et 600 écrouées.

Derrière ce bilan se cache la détresse, que vous avez évoquée, de familles, et des situations individuelles parfois dramatiques. Tout est mis en œuvre pour accélérer l’indemnisation des victimes.

Thierry Breton fait chaque jour le point avec les assureurs, qui ont d’ores et déjà accepté d’étendre leurs garanties en faveur des victimes de voitures brûlées. La majorité d’entre eux se sont engagés à indemniser sans franchise, quelles que soient les garanties souscrites.

J’ai demandé à Renaud Dutreil d’examiner avec les artisans et les commerçants les moyens de leur venir en aide et de réparer les dommages qu’ils ont subis.

Par ailleurs, Brice Hortefeux étudie avec les mutuelles comment indemniser la destruction des biens communaux, sachant que l’État apportera les compléments d’aide indispensables.

Cela étant, la priorité du Gouvernement reste, à cette heure encore, le retour à l’ordre républicain. Chacun doit respecter les règles de la République. Toute infraction doit être sanctionnée, et je tiens à saluer ici la détermination du ministre d’État, ministre de l’intérieur, comme celle du garde des sceaux (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ainsi que la mobilisation sans précédent des forces de l’ordre et des magistrats.

La situation reste difficile dans un grand nombre de quartiers. Nous ne pouvons accepter que plus de 200 voitures brûlent chaque nuit. J’ai donc proposé au Président de la République la prorogation – qui vous est soumise aujourd’hui – de la loi de 1955 pour trois mois. Il s’agit d’une mesure de précaution qui permet au préfet, avec l’accord du maire, de disposer des instruments nécessaires au rétablissement de l’ordre si les circonstances l’exigent. C’est également une mesure de protection des populations touchées par les violences.

Comme vous avez pu le constater ces six derniers jours, ce dispositif est utilisé avec un grand discernement, en fonction de la gravité des incidents.

Le Gouvernement pourra par ailleurs y mettre fin par décret dès que le calme sera durablement rétabli.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le Premier ministre. Si la fermeté prévaut donc, l’État républicain fera également preuve d’un esprit de responsabilité. Il aidera tous ceux qui veulent réussir, et nous savons qu’ils sont l’immense majorité dans ces quartiers.

Nous le ferons en renforçant le rôle du maire, pivot de la cohésion sociale, de la sécurité et de la prévention dans chaque commune, mais aussi en luttant contre les discriminations et en donnant un vrai pouvoir de sanction à la Haute autorité. Nous le ferons également en prenant des mesures en faveur du logement, de l’emploi, de l’éducation, qui est bien sûr l’élément central du dispositif. Nous le ferons, enfin, par la création du service civil volontaire, qui redonnera espoir à 50 000 garçons et filles de dix-huit à vingt-cinq ans.

Nous allons travailler tous ensemble – Michèle Alliot-Marie, Gilles de Robien, Jean-Louis Borloo, tout le Gouvernement – pour faire rapidement des propositions concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Que fait donc Nicolas ?

M. le président. Taisez-vous, monsieur Gremetz !

logements sociaux

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et je me fais l’écho de la première question qui a été posée.

Hier soir, le Président de la République a solennellement appelé « tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d’avoir 20 % au moins de logements sociaux. » Pour casser les ghettos urbains, il est en effet essentiel que toutes les communes se mobilisent et assument leur part de solidarité territoriale. Or, depuis trois ans, la majorité tente inlassablement de s’y soustraire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Nous n’avons pas de leçon à recevoir de votre part !

M. le président. Monsieur Mallié, taisez-vous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En septembre dernier, un député-maire de la majorité a même adressé un courrier aux 742 maires qui n’appliquent pas la loi afin qu’ils s’organisent pour défendre ce qu’il faut bien appeler un égoïsme municipal.

Vos gouvernements successifs sont restés passifs (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) et se sont contentés, comme vous venez de le rappeler, de comptabiliser ce que tout le monde connaît parfaitement, en prévision de remontrances qui seront inefficaces.

Monsieur le Premier ministre, quelles initiatives allez-vous prendre très précisément ?

Comptez-vous enfin appliquer la loi en demandant aux préfets de se substituer aux maires défaillants…

M. Richard Mallié. Laissez les maires agir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …pour engager à leur place la construction de logements sociaux ?

Comptez-vous accentuer l’efficacité de cette loi en augmentant les pénalités que les communes défaillantes doivent supporter et en réduisant les aides publiques que l’État leur verse ?

Comptez-vous, enfin, introduire dans la loi un dispositif suspendant dans ces communes les projets immobiliers qui ne comportent pas de logements sociaux ?

« On ne sortira pas de la situation actuelle, si l’on ne met pas en cohérence les discours et les actes », a ajouté le Président de la République. Ma question est donc simple : comment comptez-vous mettre en cohérence le discours présidentiel et les actes gouvernementaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, je crois, très franchement, vous avoir déjà répondu : nous respectons la loi. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J’ai saisi les préfets au mois d’août afin qu’ils dressent les constats de carence qui leur permettront, selon la loi votée ici même, je le rappelle, de se substituer aux maires et de doubler les pénalités.

Mais, monsieur le député, il faut quand même que nos compatriotes le sachent : la crise du logement social est la crise de votre décennie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Tout va bien dans les banlieues, c’est évident.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La collecte pour le logement social prélevée dans le cadre des contrats de travail a alors servi en partie à financer les fins de mois du budget général. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Enfin, le budget de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat permet d’améliorer considérablement le cadre de vie et de remettre chaque année sur le marché 20 000 logements conventionnés dans le parc privé. Au total, nous proposons un doublement de la production de logements conventionnés de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Hausse des tarifs de gaz de france

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, vous avez décidé, voilà quinze jours environ, une augmentation de 12 % des prix du gaz, augmentation très contestable puisque les contrats qui régissent Gaz de France et ses fournisseurs sont conclus sur deux ans et ne subissent pas une telle hausse.

Les 3,8 % affichés ne trompent personne puisqu’en réalité, la baisse du prix de l’abonnement ne diffère qu’un peu l’augmentation que devront subir 7 millions de familles.

Prétendre que l’on peut espérer, pendant cette période, une baisse du prix du pétrole et donc du gaz nous semble non seulement fumeux mais contradictoire avec le discours du Premier ministre sur la fin de l’ère du pétrole et donc le pétrole cher.

Mais il y a pire, monsieur le ministre : les familles qui vivent en logement social ne bénéficieront pas de la baisse temporaire des abonnements puisqu’elles ne sont pas abonnées.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Elles devront donc dès ces jours-ci payer l’augmentation alors qu’on ne parle jamais d’elles quand on évoque l’augmentation affichée aux particuliers. Ce qui vaut pour le logement social vaut d’ailleurs également pour les copropriétés qui sont chauffées collectivement.

L’an dernier, quand on a annoncé une hausse de 3,8 % environ, les locataires vivant en logement social ont en réalité dû subir une augmentation de 9 %. Cette année, ce n’est pas 3,8 % ni 12 % qu’ils vont se voir appliquer, mais, selon les tarifs de Gaz de France, 18 % en moyenne, ce qui représente 150 à 220 euros par famille. Au total, entre novembre 2003 et novembre 2005, les locataires des HLM, c'est-à-dire les familles les plus en difficulté, auront subi une hausse de 34 % à 44 %.

Vous avez souhaité, monsieur le ministre, que des mesures soient prises en faveur des particuliers chauffés à titre individuel. Pourquoi n’est-il prévu aucune mesure en direction des personnes qui connaissent le plus de difficultés dans notre pays ? Où est la « croissance sociale » dont parlait le chef du Gouvernement il y a quelque temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles le gaz a augmenté, je m’en suis déjà longuement expliqué. Que l’on soit de gauche ou de droite, ou même du centre, tout le monde est obligé de procéder de la même façon. Vous le savez, cela fait douze ans qu’il en est ainsi.

M. Christian Bataille. Non !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Pour pallier ce problème, nous avons demandé à Gaz de France, qui l’a accepté bien volontiers, de faire des gestes commerciaux de façon à passer l’hiver.

En ce qui concerne les personnes qui habitent des locaux chauffés par la cogénération, le Gouvernement a décidé de proposer au Parlement, dans une loi de finances rectificative, des dispositions qui permettront aux cogénérateurs d’éviter de répercuter précisément sur leurs clients l’impact du plafonnement du prix d’achat de l’électricité, ce qui bénéficiera notamment aux personnes vivant dans les logements sociaux.

Par ailleurs, nous avons décidé, avec François Loos, de réunir l’ensemble des acteurs du secteur gazier début décembre, de façon à remettre tous ces problèmes sur la table et à les régler une bonne fois pour toutes, ce qui n’a pas été fait depuis douze ans.

M. Jean Glavany. N’importe quoi !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Enfin, je vous signale que le prix du baril du pétrole baisse, puisqu’il est maintenant à 54 dollars, contre 63 dollars il y a un mois et demi.

La baisse est-elle suffisante ? Non ? La tendance va-t-elle dans le bon sens ? Oui. Ce mouvement à la baisse sera-t-il répercuté sur les consommateurs ? Oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Comment ?

immigration clandestine

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe de l’UMP.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

La Guadeloupe, enclave de prospérité dans le bassin caribéen, est plus que jamais confrontée à l’immigration clandestine. Aujourd’hui, le tissu social de ce territoire insulaire et archipélagique se trouve être menacé dans ses équilibres. Je salue à ce propos la création d’une mission d’information à l’Assemblée nationale et d’une commission d’enquête au Sénat. Je regrette toutefois que la mission d’information de l’Assemblée n’ait pas été étendue aux départements de la Guadeloupe et de la Guyane.

L’ampleur du phénomène de l’immigration clandestine appelle une modification des dispositifs législatifs et réglementaires, ainsi qu’un renforcement des moyens de lutte des acteurs de terrain sans lesquels la politique migratoire outre-mer ne pourrait être menée. La régulation des flux migratoires dans notre archipel doit d’urgence faire l’objet d’une politique volontariste adaptée aux réalités locales. Que compte faire le Gouvernement en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Madame la députée, les chiffres des reconduites à la frontière des personnes entrées illégalement sur le territoire français parlent d’eux-mêmes : 15 000 pour la métropole, 15 000 pour l’outre-mer – plus de 8 000 pour Mayotte, plus de 5 000 pour la Guyane, et une augmentation de 53 % entre 2002 et 2004 de leur nombre rien que pour la Guadeloupe, l’objectif étant d’atteindre, là, les 2 000. Ces chiffres sont fixés en coordination avec le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur les directives du Premier ministre.

La lutte contre l’immigration clandestine doit se faire dans la fermeté et le discernement, en combinant la mise en œuvre de dispositifs répressifs et le traitement humain du phénomène. C’est dans cet esprit que nous devons lutter, sans faiblesse, contre ce qui est aujourd’hui une filière économique. Vous n’êtes pas sans savoir, madame Louis-Carabin, puisque vous avez déposé une proposition de loi, que lorsque la police française est sur le point de les interpeller, les organisateurs de ces filières clandestines n’hésitent pas à jeter par-dessus bord, les hommes, les femmes et les enfants qu’ils transportent – nous retrouvons parfois les corps aux frontières guadeloupéennes.

C’est dans cet esprit que, sous l’impulsion du Premier ministre, nous avons décidé de réfléchir, dans le cadre d’une coordination interministérielle, aux moyens juridiques exceptionnels qu’appelle la situation exceptionnelle observée dans ces trois collectivités territoriales.

Ainsi, le comité interministériel a récemment décidé d’appliquer en Guadeloupe les dispositifs qui fonctionnent en Guyane. En outre, à l’issue des travaux de la commission d’enquête sur l’immigration clandestine au Sénat et de la mission sur l’immigration à Mayotte de l’Assemblée, sous l’autorité de la commission des lois, des propositions d’ordre législatif vous seront faites au cours du premier trimestre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

résultats économiques

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, pour le groupe de l’UMP.

M. Georges Tron. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, nous avons eu cette semaine connaissance des chiffres de la croissance pour le troisième trimestre de cette année. Ils sont bons - plus 0,7 % –, ils sont même meilleurs de près d’un tiers au chiffre de 0,5 % qu’avaient programmé les économistes.

Cela veut dire que les prévisions de croissance faites dans la loi de finances initiale pour 2005 seront tenues, et surtout que les prévisions qui vous sont présentées dans le budget pour 2006, entre 2 % et 2,2 %, ont toutes les chances de l’être également.

Cette bonne nouvelle faite suite à d’autres bonnes nouvelles depuis quelques semaines. La production industrielle a en effet crû de 1 % en août et de 0,8 % en septembre. La consommation des ménages est la plus importante depuis 2000. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et, avec un tiers de point de croissance sur la période estivale, l’emploi se redresse : le chiffre du chômage est aujourd’hui inférieur à 10 % – il était de 9,8 % en septembre.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si cette bonne tendance de l’économie française vous semble durable dans le contexte international, et si en particulier le prix du baril et la valeur de l’euro ne risquent pas de l’atténuer dans les prochains mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, les chiffres annoncés par l’INSEE la semaine dernière confirment ce que Jean-François Copé et moi-même annoncions depuis plusieurs mois, à savoir que la conjoncture se retourne.

M. Jean Glavany. Surtout contre vous !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous n’avions pas alors été vraiment entendus, mais tous les indicateurs que nous avons à notre disposition démontrent que l’ensemble des mesures qui ont été prises sous l’impulsion du Premier ministre commencent à porter leurs fruits.

M. Jean Glavany. Oh !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Est-ce suffisant ? Bien sûr que non. Mais la tendance est là, et c’est ce qui compte.

Que n’avions-nous pas entendu pourtant, notamment Jean-François Copé et moi-même, lors de la présentation du budget ici même ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Fromion. Mais oui !

M. Augustin Bonrepaux. Tout va bien !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Par exemple, vous vous en souvenez, monsieur Bonrepaux, qu’on ne ferait pas plus que 1,1 % de croissance en 2005. Or, aujourd’hui, nous en sommes à plus de 1,5 % de croissance acquise après le troisième trimestre. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Que n’avions-nous pas entendu sur l’insincérité des prévisions du budget pour 2006. Elles auraient été trop élevées. Or la tendance annualisée pour 2006 est effectivement de 2,8 %.

M. Maxime Gremetz. À qui ça sert ?

M. André Chassaigne. À qui cela rapporte ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous avons, avec Jean-François Copé, décidé de proposer pour l’année prochaine une valeur médiane à 2,25 %, qui nous semble réaliste et réalisable. L’euro se tient mieux. Le prix du baril baisse un peu, même si ce n’est pas suffisant. Nous allons poursuivre les efforts.

En tout cas, la tendance que nous constatons en France mais également en Europe est porteuse. C’est le signe que l’ensemble des mesures, y compris celles du plan de cohésion sociale, commencent clairement à porter leurs fruits. C’est toute la cohérence de la politique gouvernementale qui se traduit aujourd’hui dans ces chiffres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

situation de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l’emploi a manifestement plus de talent pour faire disparaître les chômeurs que pour faire apparaître de vrais emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il fait disparaître les chômeurs, comme le joueur de flûte de Hamelin faisait disparaître les enfants au son de son instrument. (Huées sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. Minable !

M. Gaëtan Gorce. Depuis juin 2002, le chômage a augmenté de plus de 120 000 personnes. Plus grave encore, le nombre d’emplois marchands a diminué lui de plus de 200 000 – 40 000 entre juin 2004 et juin 2005.

Comment dans ces conditions ne pas voir que la baisse des chiffres du chômage que vous affichez aujourd’hui n’est qu’une baisse statistique, qui ne correspond en rien à la réalité du terrain ?

M. Yves Fromion. Jaloux !

M. Gaëtan Gorce. Vous ne cherchez à soigner que les apparences, pas les victimes du chômage. J’en veux pour preuve la faiblesse du budget de l’emploi que nous venons d’examiner : alors que vous le présentez comme l’une de vos priorités, il n’augmente que de 0,7 %, c'est-à-dire moins que l’inflation.

Au moment où notre pays connaît les difficultés que l’on sait dans nos quartiers, on pouvait espérer que le Gouvernement aurait compris que ce n’est pas avec des effets d’annonce que l’on fait une politique.

Lorsque l’on veut défendre l’emploi dans les zones les plus difficiles, il ne faut pas simplement y mettre des ministres, avec des discours pour le moins contestables, il faut y mettre des moyens, des hommes et des crédits. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. Et qu’a fait Jospin ?

M. Gaëtan Gorce. Je comprends que cela puisse vous énerver, c’est malheureusement la réalité, celle qui est ressentie par les Français.

En entretenant les illusions comme vous le faites aujourd’hui, vous nourrissez le désarroi et la colère de demain. Dans ces conditions, comment pouvez-vous justifier le fossé béant qui sépare encore vos discours sur l’emploi des moyens insuffisants qui lui sont réellement consacrés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, je ne m’étendrai pas sur les joueurs de flûte et les joueurs de pipeau,…

M. Maxime Gremetz. Bien que vous soyez très doué pour jouer de cet instrument.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …ce n’est pas la mélodie que les Français souhaitent entendre. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Plus sérieusement, nous nous sommes efforcés, au travers des mesures que nous avons prises, de considérer toute personne qui cherche un emploi comme une ressource humaine qu’il faut former, mieux former, accompagner, mieux accompagner.

M. Maxime Gremetz. C’est du pipeau !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il faut recevoir les demandeurs d’emploi non pas une fois par an mais une fois par mois, faire les prévisions de besoins par bassin, mettre en œuvre des moyens considérables pour adapter l’offre et la demande, bref rentrer dans une logique de ressources humaines.

Dire que tout et parfait serait exagéré (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais cela ne vous empêche pas d’être favorable, comme nous, au regroupement des services de formation, des ASSEDIC et de l’ANPE. Nous connaissons une baisse du chômage,…

M. Jean Glavany. Mais il n’y a pas de hausse du salariat !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …elle est patente depuis six mois. En tant qu’élu de la représentation nationale, cela devrait vous donner le sourire plutôt que de vous inspirer ce type de discours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Négociations OMC sur les produits
viti-vinicoles

M. le président. La parole est à Philippe-Armand Martin, pour le groupe de l’UMP.

M. Philippe-Armand Martin. Ma question s‘adresse à M. le ministre de l’agriculture et concerne les négociations relatives à la conclusion d’un accord concernant le commerce du vin entre les États-Unis et l’Union européenne.

Dans le cadre de ces négociations, il semblerait que l’Union européenne ait accepté de reconnaître les pratiques œnologiques des producteurs de vin américain, comme notamment l’adjonction d’eau (Exclamations sur divers bancs), la désalcoolisation (Mêmes mouvements) et l’aromatisation (Mêmes mouvements.). En contrepartie les États-Unis auraient consenti à limiter l’usage des appellations considérées comme semi-génériques – parmi lesquelles Sauternes, Chablis, Champagne – aux seules marques qui le pratiquaient antérieurement à l’accord.

Si certains professionnels de la filière viticole se félicitent du contenu de cet accord qui reste à confirmer, il ne faut pas être dupe. A titre personnel et au nom de plusieurs de mes collègues parlementaires représentant des circonscriptions viticoles reconnues en AOC, les termes actuels de cet accord ne peuvent nous satisfaire.

En effet, si dans cet accord il est admis que les États-Unis renoncent à étendre à des marques nouvelles l’utilisation des dix-sept appellations européennes considérées comme semi-génériques, il n’en demeure pas moins que l’appellation semi-générique de champagne californien, par exemple, pourra continuer d’être apposée sur de nombreuses étiquettes de vins effervescents américains, trompant ainsi le consommateur.

Mon intervention, monsieur le ministre, porte évidemment sur la défense des appellations d’origine contrôlée françaises et européennes, parce qu’elles sont le fleuron de la France mais aussi des autres pays européens.

L’Union européenne doit s’engager pour que notre identité viticole soit préservée. En l’état, cet accord m’apparaît déséquilibré dans la mesure où les concessions américaines semblent bien moindres que celles des Européens. En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande si vous avez l’intention de demander à la commission européenne de procéder à une déclaration conjointe avec les États-Unis sur le fait que la fameuse « clause du grand-père » permettant aux marques américaines antérieures à l’accord de continuer à utiliser nos appellations ne soit en aucun cas définitive et que les Américains s’engagent dans la seconde phase des négociations à accepter des dates précises de fin d’utilisation de ces appellations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, si cet accord n’avait pas été signé, le risque était gros que les Américains imposent sur nos exportations de vins et spiritueux une nouvelle certification qui aurait considérablement gêné nos exportations. Pour donner un ordre de grandeur, nos exportations globales de vins et spiritueux représentent chaque année l’équivalent de 100 Airbus A320 ou de 400 TGV Duplex ; elles se montent sur le marché américain à 1,6 milliard d’euros par an. C’est dire leur importance pour notre commerce extérieur.

L’Europe a donc accepté un certain nombre de concessions sur ces indications, à condition que les États-Unis s’engagent dans les six mois à revenir en arrière sur l’utilisation de certaines appellations telles celles de Champagne ou de Chablis, utilisées de manière anormale et illégale.

Nous avons six mois pour mener cet accord à terme. Si rien ne se passe pendant cette période, c'est-à-dire si les États-Unis ne modifient pas l’amendement d’Amato et leur législation, nous demanderons naturellement à la Commission européenne de ne pas signer cet accord en l’état.

J’élargis ma réponse aux indications géographiques. Dans le combat que nous menons, sous l’autorité du Premier ministre, pour défendre les intérêts de la France à l’OMC, la protection de nos indications géographiques, de nos AOC, de tout ce qui fait la spécificité de notre agriculture est une de nos priorités. Sur ce plan-là comme sur les autres, la France n’est pas isolée. Notre ligne est partagée par de grands pays européens, mais aussi par le Japon ou la Chine, qui défendent eux aussi les indications géographiques. Dans le cadre de ces négociations, nous défendrons les intérêts français et européens sur les indications géographiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Fonction publique

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’UMP.

M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre de la fonction publique, vous venez de remettre aux organisations syndicales un document cadre qui servira de base aux négociations que vous allez conduire dans les prochaines semaines. Dans ma circonscription rurale du nord de la Mayenne, les habitants sont très attachés à leur service public. Cet attachement est partagé par tous les Français aussi bien pour les services de l’État que pour ceux des collectivités locales ou des hôpitaux. Tous savent que les fonctionnaires remplissent chaque jour une mission souvent difficile et qu’il le font pour le service de l’intérêt général.

Pour autant, l’État employeur doit permettre à ses salariés de connaître des évolutions de carrière et des parcours professionnels attractifs incitant les agents à s’impliquer davantage et à être encore plus performants.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale de la teneur des propositions que vous avez remises aux organisations syndicales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le député, vous avez raison de rendre hommage à l’ensemble des fonctionnaires et tout particulièrement, dans ces temps difficiles, aux policiers et aux gendarmes, mais également au personnel des centres de secours et des hôpitaux, aux sapeurs-pompiers ou encore aux enseignants et à l’ensemble des agents territoriaux, qui, dans des conditions particulièrement difficiles, ont assuré la présence de l’État sur l’ensemble du territoire aux cotés de nos élus locaux.

Notre responsabilité est de faire en sorte que cette fonction publique soit attractive et valorisante pour ses agents. Dans cette optique et avec le souci de l’évolution de leur pouvoir d’achat, nous travaillons avec les organisations syndicales sur trois axes : un volet social, d’abord, doit traiter des surcoûts en matière notamment de logement ou de garde d’enfants engendrés par l’obligation de mobilité des fonctionnaires ; un volet statutaire, ensuite, concerne la reconnaissance des acquis de l’expérience, de manière à mieux faire fonctionner l’ascenseur social, c'est-à-dire à permettre à des fonctionnaires ayant une expérience reconnue sur le terrain de pouvoir la valoriser pour accéder à un grade ou une catégorie supérieure ; enfin, un volet salarial.

Voila les trois thèmes que nous avons mis en discussion avec les organisations syndicales depuis maintenant plusieurs semaines. Ils sont repris dans le document cadre remis la semaine dernière, et une première réunion est prévue le 6 décembre prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

réforme fiscale et collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les collectivités locales jouent un rôle irremplaçable pour garantir la cohésion sociale. Elles assurent les services publics de proximité, l’action sociale, le soutien aux associations, victimes de vos réductions de crédits et de la suppression des emplois-jeunes.

M. Richard Mallié. Demain, on rase gratis !

M. Augustin Bonrepaux. Par leurs investissements, elles améliorent l’attractivité de notre pays et soutiennent la croissance et l’emploi. Mais vous exigez toujours plus d’elles, en leur transférant les charges de la décentralisation sans leur donner les moyens de les financer. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Et vous, qu’avez-vous fait en 1983 ?

M. Augustin Bonrepaux. Vous les appelez à l’aide pour assurer le financement de services publics dont vous réduisez les moyens, et voilà qu’aujourd’hui c’est encore aux élus locaux que vous faites appel pour vous aider à rétablir l’ordre et la cohésion sociale dans les banlieues.

Dans une esprit de grande responsabilité, les élus essaient de faire face à toutes ces difficultés qui s’accumulent pour servir au mieux leurs administrés avec les maigres moyens que vous leur accordez.

M. Richard Mallié. Ne cherchez donc pas de prétexte à la hausse des impôts locaux !

M. Augustin Bonrepaux. Pourtant, vous ne cessez de les mettre en accusation en cherchant à les rendre responsables de l’échec de votre politique. Par votre réforme fiscale vous allez davantage encore les priver de moyens et paralyser leur action. C’est indécent ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Au moment où vous leur demandez davantage d’efforts, c’est particulièrement injuste, car ce sont les zones les plus en difficulté, celles qui sont confrontées aux crises industrielles, celles qui rencontrent les problèmes des banlieues…

M. Richard Mallié. Les banlieues de l’Ariège !

M. Augustin Bonrepaux. …que vous allez contraindre à alourdir les impôts des ménages.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous cesser ce double langage et cette politique ambiguë ? Allez-vous reconnaître le rôle fondamental des collectivités locales et leur donner les moyens d’agir ? Allez-vous retirer cette réforme fiscale aussi dangereuse qu’injuste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. On ne peut pas d’un côté travailler ensemble, à gauche comme à droite, pour baisser le chômage, encourager l’investissement, développer la croissance et, de l’autre, s’opposer à une réforme fiscale dont l’objectif principal est d’augmenter le pouvoir d’achat et de favoriser l’investissement dans le pays. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Une réforme injuste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On ne peut pas verser des larmes de crocodile quand les entreprises se délocalisent et s’opposer dans le même temps à une réforme qui va enfin plafonner la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

On ne peut pas enfin vouloir que la France soit compétitive et s’opposer à une réforme qui aligne notre système fiscal sur les standards européens et internationaux. (Mêmes mouvements.)

Parmi les mesures que Thierry Breton et moi-même proposons à votre assemblée, le plafonnement à 60 % des revenus des impôts payés par chaque Français doit intégrer les impôts locaux. (Mêmes mouvements.) Nous saurons prendre garde aux injustices et il n’est pas question que les collectivités locales paient si c’est l’État qui augmente les impôts. (Mêmes mouvements.)

En dernier lieu, je voudrais livrer à votre information un sondage très intéressant, qui montre que 71 % des Français approuvent le plafonnement et qu’une écrasante majorité d’entre eux est favorable à la totalité des mesures fiscales que nous allons vous soumettre demain.

M. François Lamy. Nous, ce n’est pas des sondages que l’on fait, mais des élections !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Puisque vous avez un congrès à la fin de la semaine, je vous offre ce sondage. Ce sera peut-être l’occasion de nourrir vos débats, d’en finir avec l’idéologie, et de vous souvenir qu’il y a maintenant cent trente ans que Karl Marx est mort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Glavany. C’est de la démagogie !

Emploi des jeunes

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Pierre Grand. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi et de la cohésion sociale.

Le Premier ministre a rappelé avec force à plusieurs reprises la double responsabilité du Gouvernement : d’une part, rétablir et garantir l’ordre public ; d’autre part, faire des quartiers dits sensibles des territoires comme tous les autres dans la République, avec les mêmes services publics, les mêmes perspectives d’avenir, et donc les mêmes chances pour tous.

Dans ce sens, en matière d’insertion professionnelle, le Premier ministre a décidé de renforcer l’incitation de retour à l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux, de réserver 20 000 contrats d’accompagnement pour l’emploi et contrats d’avenir aux habitants de ces quartiers, d’inciter les collectivités locales et les entreprises à embaucher. Il a également annoncé la création de 15 zones franches urbaines en plus des 85 déjà existantes.

Le Premier ministre a également décidé de mobiliser les agences pour l’emploi dans les 750 zones urbaines sensibles, afin qu’une solution spécifique – contrat-formation ou stage – soit proposée dans les trois mois à chaque jeune qui fait la démarche de se rendre à un entretien approfondi avec un conseiller.

Comme j’ai pu le constater dans mon département de l’Hérault, où sévit un fort chômage des jeunes, un tel accompagnement par des agents de l’ANPE, compétents et totalement mobilisés, est indispensable pour aider ceux qui cherchent à s’en sortir en trouvant un emploi ou en réalisant un projet.

Monsieur le ministre, nous sommes interrogés à la fois par les maires, les familles et les jeunes à la recherche d’un emploi. Pouvez-vous nous en dire plus sur les mesures que vous envisagez et nous indiquer comment vous comptez mobiliser rapidement et efficacement les services de l’État pour aider les plus jeunes de nos concitoyens au chômage ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député Jean-Pierre Grand, vous avez parlé de rénovation urbaine et d’emploi pour les jeunes dans ces quartiers. Cette journée est celle des bonnes nouvelles. Nous venons en effet d’apprendre, par une dépêche de l’AFP, que les partenaires sociaux approuvent la hausse de 20 à 30 milliards d’euros des moyens consacrés au programme national de rénovation urbaine pour que nous puissions définitivement régler ce problème. Permettez-moi de les en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mais nous ne réussirons que si la lutte contre les discriminations et celle en faveur de l’emploi des jeunes vont de pair. Le Président de la République a annoncé hier la création d’un service civil volontaire. De plus, sur la demande du Premier ministre, je mobiliserai l’ANPE, qui offrira 20 000 contrats réservés aux jeunes des quartiers en difficulté et 20 000 places d’apprentissage dans les trois fonctions publiques. Par ailleurs, plus de 80 000 jeunes ont été reçus dans les missions locales et, dans un délai de trois mois, il sera proposé un contrat, un stage ou une formation à tous ceux qui ne sont pas couverts par les dispositifs actuels. C’est l’urbain et l’humain qui nous permettront de résoudre ce problème. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

couverture numérique du territoire

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour le groupe de l’UMP.

M. Emmanuel Hamelin. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, vous avez fait une déclaration en conseil des ministres sur l’aménagement numérique du territoire. Je me réjouis bien sûr de l’objectif ambitieux du Gouvernement, qui est de couvrir 100 % du pays d’ici à 2007 en matière de téléphonie mobile et de haut débit. Vous entendez ainsi supprimer la fracture numérique qui existe encore et qui pénalise notamment les territoires ruraux.

Mais d’autres préoccupations se font jour. Depuis octobre dernier, quinze nouveaux sites d’émission ont été mis en service afin d’apporter la télévision numérique terrestre à 50 % du pays – dix-huit chaînes gratuites et une offre payante dès le début de l’année prochaine. Le succès est au rendez-vous puisque le nombre d’adaptateurs vendus est déjà estimé à près d’un million. L’objectif affiché du Gouvernement est de couvrir 85 % du territoire dès 2007. Mais l’on ne peut imaginer, monsieur le ministre, que 15 % du pays soient exclus durablement de ces nouveaux services pour des raisons tenant principalement au relief ou à la spécificité de certaines zones frontalières.

A l’instar de ce que vous avez fait pour la téléphonie mobile et le haut débit, il est nécessaire de résorber les zones blanches de la télévision numérique terrestre. Vous vous êtes récemment engagé à le faire dans des délais rapides. Pouvez-vous nous préciser selon quelles modalités et quel calendrier vous comptez y parvenir ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député Hamelin, la télévision numérique terrestre représente une véritable révolution pour notre télévision. Alors qu’elle n’a été lancée qu’en mars dernier, nous sommes sur le point de dépasser le million de foyers équipés. Mais notre ambition, c’est d’atteindre les 100 % de couverture de notre territoire et de foyers pouvant être équipés. C’est une exigence d’équité.

Vous l’avez rappelé, le plan de déploiement initial prévoyait une couverture de 85 % du territoire d’ici à 2007 avec 115 sites équipés. Le Premier ministre m’a demandé de l’accélérer afin de parvenir, d’ici là, à couvrir 100 % du territoire.

A cette fin, le Gouvernement prend actuellement les dispositions nécessaires pour débloquer certaines fréquences dans les zones frontalières et étudie la possibilité d’utiliser des technologies alternatives comme le câble ou le haut débit. Pour autant, il nous faudra faire preuve d’inventivité. Ma conviction est que, pour desservir l’intégralité du territoire, il faudra, comme pour la téléphonie mobile ou le haut débit, équiper un bouquet satellitaire. C’est la seule solution pragmatique.

Vous le voyez, monsieur le député, alors que la France était, avant 2002, un véritable désert numérique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), elle est aujourd’hui, avec 46 millions d’abonnés au téléphone mobile et 8 millions au haut débit, le pays de l’Union européenne le plus dynamique en matière d’équipement numérique. Avec l’objectif d’une couverture à l’horizon 2007 de 100 % du territoire en matière de téléphonie mobile, de haut débit et de télévision numérique terrestre, nous entendons bien rester le premier pays de l’Union européenne en matière de couverture numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Prorogation de l’application
de la loi du 3 AVRIL 1955

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (nos 2673, 2675).

Mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que le débat serait organisé ainsi : après l’intervention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, puis celle du président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, chaque groupe parlementaire disposera de quarante minutes, motions de procédure comprises, et les non-inscrits de cinq minutes. Le Gouvernement répondra ensuite. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à quinze minutes du centre de Paris et parfois au cœur de nos métropoles régionales, des voitures flambent, des écoles sont détruites, des gymnases sont incendiés.

À quinze minutes du centre de Paris…

M. Maxime Gremetz. Aux Champs-Élysées !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et parfois au cœur de nos métropoles régionales, des Français, de toutes conditions, baissent le regard dans la rue, verrouillent leur porte à triple tour lorsqu’ils rentrent chez eux, vivent – ou plutôt survivent – avec la peur au ventre, et cela depuis trop d’années.

M. Maxime Gremetz. C’est la guerre !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La violence engendre l’angoisse ; l’angoisse engendre le repli ; le repli engendre la désillusion et l’amertume. Telle est la mécanique infernale qui cadence la vie de certains des quartiers de nos cités.

Cette situation n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisons, sur tous les bancs, de la République : une République fraternelle, ambitieuse, protectrice, au sein de laquelle la réalité des droits est équilibrée par le respect scrupuleux des devoirs. Sans dramatiser à l’excès, il convient cependant de regarder lucidement les faits tels qu’ils sont.

M. Maxime Gremetz. Pyromane !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous sommes en présence de l’une des crises urbaines les plus aiguës et les plus complexes que nous ayons eu à affronter. Elle exige de la fermeté – et celle-ci a été appelée sur quasiment tous les bancs de cette assemblée –, du sang-froid et un sursaut national dont chacun doit se sentir partie prenante. Car nul n’a le droit de détourner le regard, nul ne peut croire que ces événements se déroulent à la périphérie de notre destin collectif.

Les quartiers, ce n’est pas la France d’ailleurs.

Les quartiers, ce n’est pas la France d’à côté.

Les quartiers, ce n’est pas la France de la télévision.

Les quartiers, c’est la France telle qu’elle est, telle que nous l’avons construite et gérée depuis trente ans.

Cette lucidité partagée doit nous conduire à aborder l’épreuve avec le sens de l’intérêt général et de l’unité nationale, car aucun gouvernement, aucune majorité, ne peut éluder ses responsabilités.

Responsables, nous le sommes tous d’avoir construit ou laissé construire des cités-dortoirs.

Responsables, nous le sommes tous de ne pas avoir dénoncé avec force tous ceux qui minaient la vie de nos concitoyens sous prétexte que l’intégration exigeait de la complaisance.

Responsables, nous le sommes tous d’avoir longtemps prétendu que l’insécurité était un sentiment et non une réalité.

Responsables, nous le sommes sans doute tous d’avoir, par facilité, esquivé la grande question de l’immigration dans notre pays.

Responsables, nous le sommes tous de ne pas avoir réglé la question de la discrimination raciale qui touche y compris les plus méritants dans nos banlieues.

Responsables, nous le sommes sans doute tous d’avoir laissé moquer et bafouer les valeurs nationales et républicaines. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Responsables, nous le sommes tous de ne pas avoir mieux évalué les politiques publiques et les financements multiples et massifs déversés dans nos cités…

M. Maxime Gremetz. Moi, je ne le suis pas. Les responsables, ce sont le MEDEF et les gouvernements !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. … sans que les résultats soient à la hauteur des sacrifices financiers demandés aux contribuables de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Chacun doit regarder les faits en face et balayer devant sa porte. Nous le devons à tous nos compatriotes qui, dans le calme et le respect des lois, vivent dans ces quartiers comme ils le peuvent depuis des années.

Mesdames, messieurs les députés, pourquoi cette révolte urbaine ? Plusieurs facteurs, notamment économiques et sociaux l’expliquent, dont il nous faut prendre toute la mesure, sans pour autant la justifier et encore moins l’excuser. Vivre dans un quartier populaire, être le fils de parents ou de grands-parents immigrés n’autorise nullement à fabriquer des cocktails Molotov, à lancer des pierres sur la police et les pompiers. Prétendre le contraire serait insulter toutes celles et tous ceux qui, dans des conditions d’existence identiques, se comportent en citoyens et non en voyous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’amalgame, c’est d’abord d’expliquer uniquement par un contexte social et économique des comportements qui sont pénalement répréhensibles.

Au-delà des facteurs économiques et sociaux, il en est un autre qui me paraît central, c’est la volonté de ceux qui ont fait de la délinquance leur activité principale de résister à l’ambition de la République de réinstaller son ordre, celui de ses lois, dans leurs territoires. Il n’est pas indifférent que 75 à 80 % des personnes interpellées durant cette crise pour des faits de violence urbaine étaient connues pour de nombreux méfaits.

M. Maxime Gremetz. Et alors ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’étaient déjà des délinquants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Pourquoi les avez-vous laissé faire ?

M. Bernard Derosier. C’est l’échec de votre politique, monsieur le ministre !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Le dire, c’est s’interdire de regarder cette situation avec naïveté et complaisance.

Depuis trois ans, nous avons fait de la lutte contre les violences une priorité politique, comme aucun autre gouvernement ne l’avait fait auparavant. La baisse de 7 % des crimes et des délits ainsi que l’augmentation du taux d’élucidation, qui est passé de 25 % en 2001 à 33 % aujourd’hui, témoignent de notre détermination.

Bien sûr, je ne prétends pas que notre combat soit gagné, loin de là. Mais, je l’affirme, ce combat, nous l’avons engagé sans complaisance et sans circonvolutions. Le temps des hésitations est bel et bien terminé, celui des excuses et de l’impunité aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. Vous avez mis le temps !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La restauration de la sécurité, nous l’avons engagée sur tout le territoire national, y compris dans ce que l’on appelle depuis des décennies des « zones de non-droit ».

M. Maxime Gremetz. Quand on a 2 % de logements sociaux dans sa ville, on se tait ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En ces lieux, nous avons bousculé les habitudes les plus discutables, nous avons traqué les trafics, contesté la logique des rapports de force, dénoncé la culture de l’irrespect.

Par le passé, la police et la gendarmerie n’ont pas eu pour consigne claire et résolue d’agir en profondeur sur le terrain des banlieues. Entre 1997 et 2002, il y a eu vingt-cinq journées d’émeutes et de casse, mais aucune interpellation. Face à la crise actuelle, vous l’avez remarqué, certains observateurs, habitués qu’ils étaient à la démission de l’État, suggéraient de retirer les forces de police et de gendarmerie et m’invitaient à regarder passivement le spectacle.

M. Jean-Claude Lenoir. Inadmissible !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Tant de commentateurs ont expliqué que les violences étaient dues à la présence de la police et de la gendarmerie ! Voilà le signe révélateur d’un état d’esprit qui a longtemps, trop longtemps, prévalu dans notre pays, celui de la passivité et de l’impunité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cette conception hésitante et accommodante de l’action publique n’est pas la nôtre. Avec les GIR, dont le Président de la République avait proposé la création lors de sa campagne en 2002, nous avons renforcé notre action contre les bandes et les trafiquants, pour lesquels les quartiers dits sensibles ne sont rien d’autre que des bases de repli. Mille six cents enquêtes, 12 000 interpellations, 3 205 incarcérations, 27 millions d’euros saisis, 1 500 armes confisquées, 5 tonnes de cannabis, 100 kilos de cocaïne et 1 300 voitures volées récupérés : tel est le bilan des GIR dans les cités.

Dans les lieux qui font l’actualité, nous avons frappé tout au long de ces dernières semaines. En Seine-Saint-Denis, à Sevran, dans la cité des Beaudottes, en septembre, la police a démantelé un trafic de contrefaçon : 6 500 objets ont été saisis. En septembre toujours, à Montfermeil, un réseau d’aide à l’immigration irrégulière a été démantelé : 26 personnes ont été placées en garde à vue, 10 ont été expulsées, 4 ont été écrouées. Le 25 octobre, un autre réseau, de trafic de cannabis celui-là, sévissant sur les secteurs de Montfermeil, du Raincy, de Clichy-sous-Bois a été démantelé : 4 de ses membres ont été écroués, 38 kilos de cannabis, 5 000 euros et une Mercedes ont été saisis.

M. Maxime Gremetz. Et à Neuilly ?

M. Richard Mallié. Jaloux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Dans le Nord, à Roubaix, 25 individus ont été placés en garde à vue, 12 écroués et 26 armes ont été saisies.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes dans l’illégalité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. À Dijon, fin septembre, un réseau a été brisé : 12 individus écroués. À ce jour, dix opérations lourdes sont programmées dans nos cités. Elles concernent les trafics de toute nature et vont conduire dans les jours qui viennent à l’interpellation de plusieurs dizaines d’individus suspects.

Voilà ce qui fut fait au cours de ces derniers mois et voilà ce qui continuera à être fait. Il n’est pas question que, sous prétexte que les violences urbaines diminuent, l’action de la police et de la gendarmerie recule.

M. Guy Geoffroy et M. Gérard Léonard. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Notre stratégie est une stratégie offensive qui se prolongera le temps qu’il faudra pour éradiquer les trafics et les trafiquants et qui se structurera par le maintien durable, sur le terrain, dans vos quartiers, de vingt compagnies républicaines de sécurité et d’escadrons de gendarmerie. Ces unités ont reçu une formation spécifique axée sur la mobilité et l’interpellation. De façon permanente, elles se trouvent désormais déchargées de la mission du maintien de l’ordre au profit de la sécurité quotidienne de nos concitoyens dans les quartiers les plus exposés à la violence et à l’insécurité.

Je ne prétends pas que la carte de nos réussites en matière d’arrestation et de démantèlement de réseaux recoupe en tous points celle des émeutes urbaines mais, je veux le dire à la représentation nationale, il est incontestable que certaines bandes se rebiffent dès lors que la République reconquiert les territoires qui ont été trop longtemps délaissés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Je le dis comme je le pense : le retour de l’autorité républicaine n’est pas indifférent à l’agitation de certaines cités, dont une minorité d’individus se pensaient les seuls maîtres. Entre le monde de la violence et celui de la paix publique, entre les codes qui régissent l’univers de certains quartiers et les règles qui orchestrent la République, l’heure de vérité a sonné. L’enjeu est considérable car, si ce n’est pas l’ordre de la République qui règne dans les quartiers, ce sera l’ordre des bandes ou celui des extrémistes, ce que nous ne voulons à aucun prix. La République ne peut pas céder, la République ne peut pas reculer.

M. Maxime Gremetz. Sauf devant les patrons voyous !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette heure de vérité, c’est celle du triomphe de l’ordre républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Cette épreuve, il faut l’aborder avec fermeté et justice. L’autorité républicaine puis la responsabilité : voilà l’axe du Chef de l’État, du Premier ministre et du Gouvernement.

Partis de Seine-Saint-Denis, les événements ont gagné plusieurs départements d’Île-de-France et se sont étendus, au plus fort de la crise, à plus de 300 communes. Des violences d’une exceptionnelle gravité ont atteint sans distinction les personnes et les biens. Des citoyens honnêtes qui n’avaient commis d’autres méfaits que celui de vaquer à leurs occupations ont été attaqués par des délinquants sans scrupule. Des fonctionnaires de la police, des militaires de la gendarmerie nationale, des pompiers, des médecins en mission ont été la cible de jets de pierre, ont été blessés, quand ils n’ont pas été intentionnellement visés par des tirs d’arme à feu. Huit mille véhicules, privés ou affectés au service public, ont été incendiés. Des édifices publics – dont des crèches, des écoles, des hôpitaux, des gymnases, des commissariats de police – ont été détruits. Des lieux de culte de toutes confessions ont fait l’objet d’attaques indignes et inacceptables. Des dégâts considérables ont été portés à des dizaines de bâtiments et d’installations privés – entrepôts, locaux commerciaux –, mettant en péril l’activité et l’emploi de centaines de personnes et perturbant gravement la vie quotidienne de milliers de Français.

Face à cette crise, le Président de la République et le Gouvernement ont décidé d’assurer la sécurité de nos concitoyens et de rétablir l’autorité de l’État.

Cette détermination s'est traduite, en premier lieu, par une présence massive des forces de l'ordre sur la voie publique : plus de 11 000 policiers et gendarmes sont mobilisés chaque nuit. Toutes les formations politiques représentées à l’Assemblée nationale doivent rendre l’hommage qu’ils méritent aux policiers et aux gendarmes, qui ont rempli leurs missions avec courage, maîtrise, compétence et mesure dans des conditions extraordinairement difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Manuel Valls. En effet !

M. Jacques Domergue. L’opposition n’applaudit pas : c’est lamentable !

Mme Nadine Morano. En effet, c’est lamentable !

M. Henri Emmanuelli. Nous leur rendrons hommage nous-mêmes !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Une activité de police judiciaire déterminée a été conduite avec le concours du garde des sceaux, ministre de la justice. Ainsi, plus de 2 700 personnes ont été placées en garde à vue et près de 600 personnes ont été écrouées, dont plus d'une centaine de mineurs.

La détermination du Gouvernement à rétablir la paix civile a conduit à faire usage des dispositions juridiques prévues par la loi du 3 avril 1955. Mercredi 9 novembre, à zéro heure, l'état d'urgence a été déclaré sur l'ensemble du territoire métropolitain de la République, en vertu du décret du Président de la République adopté le 8 novembre en conseil des ministres.

En conséquence de ce décret, les préfets peuvent prendre celles des mesures prévues à l’article 5 de la loi du 3 avril 1955, qui sont adaptées aux nécessités du maintien de l’ordre public, notamment les mesures dites de couvre-feu.

Le même jour, un décret du Premier ministre a défini les zones dans lesquelles des mesures complémentaires peuvent être mises en œuvre si la situation l’exige ; il s’agit, en particulier, de la possibilité pour les préfets d’ordonner des perquisitions. Ces zones ont été déterminées dans vingt-cinq départements, au vu des circonstances locales.

Depuis six jours, conformément aux instructions que j’ai données aux préfets, il a été fait un usage mesuré et responsable des pouvoirs de police administrative étendus qui leur ont été confiés, un usage proportionné aux nécessités du rétablissement de l’ordre.

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Des arrêtés de couvre-feu…

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …sous l’empire de l’état d’urgence ont été pris par les préfets de six départements : les Alpes-Maritimes, l’Eure, le Loiret, la Seine-Maritime…

M. Maxime Gremetz. La Somme !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …la Somme et le Rhône. Ces mesures ont été complétées par des arrêtés de fermeture de débits de boissons…

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et de lieux de réunion – dans les Alpes-Maritimes et la Somme –, d’interdiction de rassemblements – en Haute-Garonne et, le week-end dernier, à Paris –, ou de perquisition – dans les Alpes-Maritimes.

Par ailleurs, indépendamment du régime propre à l’état d’urgence, mais en faisant usage de leur pouvoir général de police administrative, nombreux ont été les préfets qui ont interdit la vente de carburant au détail.

Toutes ces mesures ont été prises en associant les élus, et singulièrement les maires,…

M. Maxime Gremetz. Mais pas les députés !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …dont je veux saluer, toutes tendances confondues, le dévouement et le sens du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française, et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

L’état d’urgence a été, est et sera appliqué avec discernement et mesure par le Gouvernement. La logique de la déclaration d’état d’urgence – dont la régularité a été confirmée par le Conseil d’État – est une logique de précaution, de prévention et de prudence, une logique qui nous permet de maîtriser et d’encadrer les initiatives nécessaires au rétablissement de l’ordre public et de l’autorité républicaine. Nous l’appliquons partout où c’est nécessaire, mais seulement là où c’est nécessaire. Entre les exigences de l’ordre public et celles du respect des libertés individuelles, il faut un juste équilibre. Cet équilibre, le Gouvernement entend le respecter scrupuleusement.

D’ores et déjà, nos efforts ont produit leurs effets. Nuit après nuit depuis le 8 novembre, nous constatons une diminution des violences urbaines. Le nombre de véhicules incendiés, qui était de 1 400 lors de la nuit du 6 au 7 novembre, était de 215 la nuit dernière. On observe aussi que le nombre de communes touchées par les violences régresse : elles sont désormais 102, après avoir culminé à 300. C’est naturellement beaucoup trop, mais la diminution constatée semble indiquer un progressif retour au calme, même si, bien évidemment, rien n’est définitivement acquis.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a estimé souhaitable de proposer à la représentation nationale de proroger l’application de l’état d’urgence après le 21 novembre. Comme vous le savez, aux termes de la loi de 1955, l’état d’urgence prend fin douze jours après son entrée en vigueur par décret, c’est-à-dire le dimanche 20 novembre à minuit. Il ne peut être prorogé qu’en vertu d’une loi, ainsi que l’exigent les articles 2 et 3 de la loi du 3 avril 1955.

Le Gouvernement juge que cette prorogation est nécessaire au regard des tensions que nous constatons encore. Au nom de l’efficacité dans la restauration de la paix publique, il est sage et raisonnable d’envisager la prorogation de l’état d’urgence pour une période de trois mois au plus à compter du lundi 21 novembre. Pendant cette période, les autorités publiques seront investies des mêmes pouvoirs de police administrative que pendant la période initiale de douze jours. Elles en feront usage dans l’esprit de discernement et de responsabilité qui a présidé à l’application de l’état d’urgence depuis le 9 novembre. Le projet de loi prévoit en outre que si les conditions de l’état d’urgence ne sont plus réunies ou plus justifiées, un décret en conseil des ministres pourra y mettre fin avant que ne soit expirée la période de trois mois. Le Gouvernement en rendra alors compte au Parlement. Je considère que cette disposition, qui fait l’objet de l’article 3 du projet de loi, est fondamentale. J’ajoute qu’en ce qui concerne les perquisitions, le Gouvernement a décidé qu’elles respecteront toutes les formalités des perquisitions judiciaires…

M. Henri Emmanuelli. C’est le Conseil d’État !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et qu’elles ne seront effectuées qu’avec l’accord du procureur de la République. Le contrôle des perquisitions et des saisies sera donc fait par les autorités judiciaires.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mesdames et messieurs les députés, les Français nous demandent de rétablir l’ordre de la République.

M. Yves Bur. Avec raison !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous allons répondre à leur attente, car l’avenir ne se construit pas dans la violence.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est bien de le reconnaître !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Sans sécurité, il ne peut y avoir la liberté, qui est la condition de la dignité individuelle et du progrès collectif : liberté d’aller et venir, liberté d’étudier et de réussir à l’école, liberté de fonder une famille et de construire sa vie, liberté d’entreprendre, liberté d’habiter dans son quartier avec pour compagne non pas la peur, mais la confiance en soi, la confiance en ses voisins, la confiance en ses amis.

M. Henri Emmanuelli. Et l’égalité ? Et la fraternité ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il existe dans ces quartiers un formidable potentiel humain qui ne demande qu’à être rassuré, épaulé, mobilisé, respecté. C’est pour toutes ces familles et pour tous ces jeunes qui ne baissent pas les bras que nous devons agir, et c’est avec eux que nous construirons la France du xxie siècle.

M. Jean-Pierre Blazy. Dans le cadre de l’état d’urgence ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Notre responsabilité est grande. Nous l’assumerons ensemble, avec fermeté et autorité, en enrichissant notre approche par le déploiement d’une politique de prévention…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Au bout de trois ans, il serait temps !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …dont je souhaite recadrer la doctrine, coordonner et rationaliser les efforts, notamment autour du maire (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), réévaluer la formation et la carrière des acteurs sociaux. Mais cette responsabilité, nous devons l’exercer avec hauteur de vue, car nul ne doit s’y tromper : au-delà des mesures annoncées par le Premier ministre voilà une semaine devant votre assemblée pour redonner de l’espoir aux quartiers, le mal de nos banlieues est aussi le reflet d’un malaise plus large et plus profond, qui n’est autre que le malaise français.

M. Jean-Pierre Blazy. Le malaise français ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. En tendant une main fraternelle, une main audacieuse vers ces quartiers où se concentrent tous les problèmes, c’est en réalité une main que nous tendons à toute la France, qui est en quête d’une espérance collective. Les quartiers en difficulté ne sont que l’expression exacerbée d’un pays qui doute, qui craint le déclassement et qui désespère de l’avenir. Comment proposer plus de justice pour les quartiers sensibles, lorsque le sentiment d’injustice traverse toutes les couches sociales, et pas simplement les couches sociales les plus basses ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Très juste !

M. Jean-Pierre Blazy. Certainement pas comme vous le faites !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Comment promouvoir une politique d’égalité des chances,…

M. Maxime Gremetz. Ah là là !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …alors que le mérite lui-même est insuffisamment récompensé et que le travail n’est pas assez considéré ?

M. Richard Mallié. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Mais c’est dans ces quartiers qu’il y a le plus de chômeurs !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Comment instaurer des valeurs communes, lorsque c’est la société tout entière qui semble déboussolée et, dès lors, tentée par l’individualisme, le communautarisme et le corporatisme ? Comment trouver des marges de manœuvre, alors même que notre pays vit depuis tant d’années avec un taux de croissance moyen inférieur à 2 % ?

Toutes ces questions fondamentales ne sont ni de droite, ni de gauche.

M. Jean-Pierre Blazy. Le chômage, il est bien de droite !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ces questions fondamentales, elles sont plantées au cœur du modèle français depuis plusieurs années, et nul ne peut, dans cet hémicycle, les esquiver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les secousses démocratiques du 21 avril 2002 et du 29 mai 2005 sont venues bousculer toutes les certitudes intellectuelles et les certitudes politiques derrière lesquelles nous nous sommes trop longtemps abrités.

M. Henri Emmanuelli. Le bouclier fiscal, c’est la droite !

M. Arnaud Montebourg. Le MEDEF, c’est la droite !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Maintenant, nous avons collectivement le devoir de penser l’avenir différemment. C’est en réalité une nouvelle société de progrès et de justice qu’il nous faut bâtir. Finalement, mesdames et messieurs les députés, c’est une nouvelle politique républicaine que nous allons devoir, ensemble, imaginer et mettre sur pied.

M. Jean-Pierre Blazy. Cela fait trois ans qu’ils sont au pouvoir !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette politique va nous amener à rompre – j’emploie le mot à dessein – avec les mensonges que trop souvent nous nous fîmes à nous-mêmes et derrière lesquels les conservatismes et les blocages prospèrent, abrités par la pensée unique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Cette politique doit nous conduire à rompre avec l’angélisme coupable…

M. Jean-Pierre Door et M. Éric Raoult. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …qui a amené à ne pas employer les mots et les actes qui convenaient au regard de l’urgence et de la gravité de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Arnaud Montebourg. Provocateur !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est le pompier pyromane !

M. Jean-Louis Idiart. C’est un démagogue !

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Cette politique doit nous contraindre à engager un débat de fond avec la société française. C’est ainsi que nous réinventerons la République.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas la droite qui l’a inventée !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est ce qu’attendent de nous les Français. Cette expression peut vous paraître excessive, mais croyez-moi, elle ne l’est pas pour les Français qui nous regardent et nous écoutent, elle ne l’est pas pour celles et ceux qui ont vu leur voiture partir en fumée,…

M. Jean-Pierre Blazy. Qui a allumé le feu ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …elle ne l’est pas pour celles et ceux qui, nés de parents étrangers, attendent de pouvoir démontrer leurs capacités.

M. Jean-Louis Idiart. Mais qui est ministre ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. À dire vrai, mesdames et messieurs les députés, cette formule n’est pas excessive pour tout un peuple, le peuple français, dont l’histoire démontre qu’il n’est lui-même que lorsqu’il est invité à se dépasser et à se mettre en mouvement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Henri Emmanuelli. Vive la République, et vive la gauche qui l’a inventée !

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame le ministre de la défense, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué aux relations avec le Parlement, mes chers collègues, sans discontinuer depuis le 27 octobre dernier, des violences ont essaimé dans la plupart des zones urbaines de notre territoire. Lors des nuits du 5 au 6 novembre, du 6 au 7 novembre et du 7 au 8 novembre, on a dénombré chaque fois plus de 1 100 voitures brûlées et plus de 300 interpellations.

Après la déclaration de l’état d’urgence, dans la nuit du 8 au 9 novembre, on ne compte plus – si je puis dire – que 600 voitures incendiées et 280 interpellations. La nuit du 9 au 10 novembre confirme la baisse des violences, avec moins de 500 voitures incendiées. La nuit du 12 au 13 novembre, on compte encore près de 375 voitures brûlées et plus de 200 interpellations. Cette nuit encore, on déplorait la destruction de 215 voitures et on enregistrait plus de 70 interpellations. Au total à ce jour, 2 750 interpellations et 600 mesures d’écrou ont été prononcées.

De surcroît, des atteintes particulièrement graves à l’intégrité physique des citoyens ainsi qu’à celle des fonctionnaires de la police, des militaires de la gendarmerie nationale et des pompiers ou des médecins en mission ont été commises. La situation est donc d’une exceptionnelle gravité.

L’objectif est aujourd’hui de déployer tous les outils juridiques à notre disposition pour rétablir l’ordre public, mais aussi pour le maintenir au-delà des manifestations les plus violentes de la crise, y compris par la dissuasion.

Il s’agit aujourd’hui d’accorder au Gouvernement les moyens gradués de répondre à ces objectifs. Car si le nombre de voitures brûlées ou le nombre d’interpellations, qui sont utilisés comme une sorte de baromètre quotidien de la situation, sont en baisse depuis quelques jours, il ne faut pas y voir la garantie absolue d’un retour immédiat à l’État de droit.

Respectant les prescriptions en vigueur de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, le Gouvernement a été amené à prendre deux décrets le 9 novembre 2005. Le premier, un décret en Conseil des ministres, déclare l’état d’urgence sur le territoire métropolitain, à l’exclusion donc de l’outremer, pour une durée de douze jours, c’est-à-dire jusqu’au 20 novembre à minuit ; au-delà, c’est la loi qui doit autoriser l’état d’urgence. Le second, un décret simple, précise dans quelles zones particulières du territoire les préfets et le ministre de l’intérieur sont susceptibles de prendre des mesures spécifiques ; une vingtaine de départements sont concernés et, à l’exclusion de l’Île-de-France, dans ces départements seules quelques communes – souvent une seule – sont concernées.

Quelles mesures sont applicables aux termes de ce dispositif ? Des mesures de restriction à la circulation des personnes peuvent être prises dans l’ensemble des départements métropolitains par arrêté préfectoral. En revanche, toutes les autres mesures – interdiction des réunions, saisie des armes, assignation à résidence, interdiction de séjour, perquisition – ne sont applicables qu’à l’intérieur des parcelles de territoires délimités strictement par le décret. À l’intérieur de ces zones, les préfets et le ministre peuvent prendre des mesures très particulières d’application, au cas par cas, si nécessaire.

Certains feignent de croire que les pouvoirs de police du maire sont suffisants pour faire face à la crise. Mais les arrêtés de police municipaux présentent de trop nombreux points faibles : ils ne peuvent édicter une interdiction générale et absolue, la sanction de leur non-respect est peu réaliste – il s’agit d’une amende de très faible montant – et ils ne peuvent faire l’objet d’une exécution forcée. Surtout, les interdictions municipales, par la nature limitée des territoires communaux et l’absence d’articulation systématique avec les communes voisines, ne constituent pas une réponse suffisamment adaptée.

Le caractère exceptionnel des circonstances exige une légalité exceptionnelle. Ce n’est d’ailleurs pas un autre raisonnement, je vous le rappelle, qui avait conduit le gouvernement de M. Laurent Fabius à faire voter, en 1985, une loi pour instaurer l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie pour une période de six mois.

M. Jean-Claude Lefort. Le RPR était contre : Jacques Chirac en tête !

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois, rapporteur. D’autres démocraties occidentales ont également recours, quand les circonstances l’exigent – et l’actualité nous en donne des exemples –, à une légalité exceptionnelle.

Le recours à cette légalité exceptionnelle était-elle nécessaire ? Certains ont fait remarquer que le droit commun pouvait suffire. Je ne donnerai qu’un exemple, celui emblématique des perquisitions de nuit. La loi dite Perben II les a autorisées en cas de crime. Mais l’incendie, même commis en réunion, n’est pas un crime. En conséquence, dans ce cas, il ne peut y avoir de perquisition de nuit. Or qui nierait qu’il n’y a pas eu ou que le risque ne demeure pas d’incendies en réunion ?

Personne n’a contesté que les circonstances justifiaient un état d’urgence. Or le retour total à la normale est difficilement envisageable en un si court laps de temps. Avoir prévu que le Parlement se prononce pour proroger l’état d’urgence dans un délai de douze jours est la manifestation du rôle central de la représentation nationale pour juger de la pertinence de ce dispositif, de sa durée et de son champ d’application.

Les maîtres mots du dispositif qui nous est proposé sont « nécessité », « proportionnalité » et « caractère transitoire ».

Nécessité, car il est impératif que les mesures que pourront être amenés à prendre le ministre de l’intérieur ou les préfets sous le régime de l’état d’urgence soient rendues nécessaires par les troubles apportés à l’ordre public. C’est pourquoi le présent projet de loi, tout comme les décrets qui le précèdent, ne donnent au ministre de l’intérieur et aux préfets qu’une faculté, et en aucun cas une obligation, de recourir à l’une ou l’autre des dispositions prévues par la loi du 3 avril 1955. D’ailleurs, et chacun l’aura remarqué, le dispositif en cours a été appliqué avec infiniment de discernement.

Ainsi, l’arrêté du préfet de Seine-Maritime a limité le couvre-feu dans les agglomérations du Havre, de Rouen et d’Elbeuf aux seuls mineurs de moins de seize ans non accompagnés par une personne ayant autorité légale. L’arrêté du préfet de la Somme a limité, de la même manière, le couvre-feu à Amiens et n’exige la fermeture des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion que dans certaines rues de la ville, strictement énumérées.

Proportionnalité, car il est impératif que les restrictions à la liberté de circulation et à la liberté de réunion, les perquisitions, les remises d’armes, soient effectuées de manière circonscrite et pertinente. C’est pourquoi la plupart des dispositions qui pourront être prises sont limitées, en vertu du décret n° 2005-1387, à une zone d’application qui ne comprend que les principales zones urbaines du territoire métropolitain.

S’agissant en particulier des perquisitions, celles-ci sont placées sous le contrôle de l’autorité judiciaire. D’ores et déjà, saisi en référé des décrets du 8 novembre, le président de la section du contentieux du Conseil d’État a rappelé, par une ordonnance rendue hier après-midi, que le législateur de 1955 avait prévu que les perquisitions devaient être effectuées suivant les dispositions alors applicables du code d’instruction criminelle conférant au préfet des pouvoirs de police judiciaire. Il a considéré que l’abrogation de ces dispositions n’avait pas eu pour conséquence de soustraire au contrôle de l’autorité judiciaire l’exercice par le ministre de l’intérieur ou le préfet de décisions relevant de la police judiciaire. Et c’est sous ces considérations que l’ordonnance rendue hier a écarté le moyen tiré du caractère prétendument disproportionné des mesures autorisées par les décrets du 8 novembre.

Caractère transitoire, car il est impératif que les dérogations au droit commun ne durent que le temps nécessaire à un rétablissement et à un maintien durable de l’ordre public. C’est pourquoi le projet de loi prévoit une prorogation de l’état d’urgence pour seulement trois mois et y adjoint la possibilité d’y mettre fin avant ce terme, par l’adoption d’un décret en conseil des ministres. Ainsi, l’état d’urgence ne pourra, en tout état de cause, se prolonger au-delà du 21 février. De toutes les lois qui ont été adoptées concernant l’état d’urgence, aucune n’a proposé un délai d’application plus court. En 1955, en 1985, les lois sur l’état d’urgence prévoyaient une application pour une durée de six mois. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Cela n’a rien de comparable !

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois, rapporteur. C’est précisément proportionné différemment !

Enfin, les premiers jours d’application du régime de l’état d’urgence permettent aux parlementaires d’en juger par eux-mêmes : l’exemplarité des forces de l’ordre dans le respect de la légalité et l’esprit de mesure des préfets dans le recours aux pouvoirs qui leur sont confiés sont autant de preuves que l’état d’urgence est un dispositif à géométrie variable qui est bien en adéquation avec la situation que nous connaissons.

Ainsi, si la loi qui nous est soumise doit œuvrer dans un premier temps à rétablir l’ordre public, elle porte en elle un dessein politique plus fort, qui est l’établissement de la concorde entre les citoyens, de l’harmonie entre les différents espaces qui forment la République.

Je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi, comme l’a fait ce matin la commission des lois de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Le ministre de l’intérieur n’est pas dans l’hémicycle !

M. Jean Glavany. Son mépris à l’égard du Parlement se manifeste de plus en plus !

M. Jean-Marc Ayrault. Je ne doute pas que le ministre de l’intérieur va très vite nous rejoindre.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les violences urbaines depuis plus de deux semaines sont trop sérieuses, trop graves pour nous adonner à une polémique stérile. Je regrette d’ailleurs que, dans son intervention, le ministre de l’intérieur n’ait pas semblé partager cet état d’esprit.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Le voilà justement !

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ce n’est pas trop tôt !

M. Jean-Marc Ayrault. Je reste convaincu en effet qu’en matière de sécurité, les forces démocratiques doivent montrer l’exemple du sang-froid dès lors bien sûr que les règles de l’État de droit sont respectées. Et elles le sont aujourd’hui.

C’est dans cet esprit qu’à l’occasion de notre précédent débat, j’ai dit comprendre que vous puissiez recourir à cette mesure exceptionnelle de l’état d’urgence. Nous étions alors au pic des violences et il était légitime que les pouvoirs publics veuillent envoyer un message de détermination à faire cesser ces violences.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. J’ajoutais que la mesure devait s’appliquer de manière mesurée, dans un temps limité, en concertation avec les maires et qu’il appartenait à la représentation nationale d’en évaluer l’efficacité si vous deviez présenter un projet de loi devant le Parlement. En tout état de cause, nous gardions notre liberté d’appréciation.

Nous en sommes là. Avant même l’expiration du délai de douze jours vous nous demandez de proroger l’état d’urgence pour trois mois. C’est une lourde décision…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Elle est logique !

M. Jean-Marc Ayrault. …qui mérite un inventaire serré. Et je veux dire pourquoi, malgré tout l’attachement des socialistes à une politique de sécurité ferme (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), …

M. Francis Delattre. C’est nouveau !

M. Jean-Marc Ayrault. …votre décision ne nous paraît pas cette fois la plus appropriée.

Votre premier argument est de constater que, malgré une décrue significative, les violences n’ont pas pris fin. C’est vrai. Il serait inconvenant et inconcevable de considérer que deux à trois cents voitures brûlées, deux ou trois écoles incendiées, des magasins saccagés deviennent une moyenne journalière acceptable.

M. Daniel Mach. Ah, tout de même !

M. Jean-Marc Ayrault. Je considère qu’en ce domaine, il ne doit plus y avoir du tout de voitures brûlées, plus d’écoles incendiées, plus de dégradations. La loi républicaine doit être appliquée partout avec fermeté. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Oui, c’est notre position ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Mach. Des mots !

M. Jean-Marc Ayrault. Y a-t-il pour autant besoin d’un état d’urgence de trois mois pour y parvenir ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Visiblement les préfets eux-mêmes en doutent – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre de l’intérieur. Au plus fort des émeutes, ils n’ont été que six à recourir au couvre-feu, ce qui n’a pas empêché la poursuite des incidents dans certains départements concernés. Au contraire, le calme est progressivement revenu en Seine- Saint-Denis sans que le préfet ait utilisé ce couvre-feu. Ce constat ne vaut certes pas loi générale, mais au moins peut-on en déduire que les dispositifs classiques d’ordre public ont été aussi efficaces qu’une disposition exceptionnelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Mach. C’est tout et son contraire ! Quelle langue de bois !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous mettez en avant l’arrestation et la condamnation des fauteurs de trouble comme principal facteur de retour au calme. Je partage cette appréciation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et cela ne relève pas du texte que vous nous proposez aujourd’hui.

J’ajoute que la loi ordinaire octroie aux maires le pouvoir de décider l’instauration de couvre-feu dans leur commune, notamment pour les mineurs. Des enfants de dix à quatorze ans n’ont rien à faire dans la rue, la nuit.

M. Gérard Hamel. Les socialistes n’ont pas toujours dit ça !

M. Jean-Marc Ayrault. Ils doivent être ramenés dans leur famille. Un arrêté du préfet de police permet de le faire en permanence à Paris. L’arsenal de notre code pénal est l’un des plus sévères d’Europe. Il dispose de tous les instruments pour la fermeté et la sanction. Il permet notamment les perquisitions pour démanteler les réseaux mafieux, les bandes, les trafics d’armes ou de drogue. C’est à cet effet que vous avez mis en place les GIR. Alors utilisons tous ces moyens ! Robert Badinter a fait observer ce matin que brûler un bus, et mettre ainsi en danger la vie des personnes qui s’y trouvent, est un acte criminel passible de la cour d’assises. Pour réprimer un tel acte, nous n’avons pas besoin de la loi de 1955, le code pénal suffit ! Appliquons-le avec fermeté et exemplarité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Mach. Vous et vos amis êtes inefficaces, monsieur Ayrault !

M. Jacques-Alain Bénisti. Il faut protéger les victimes !

M. Jean-Marc Ayrault. Sans doute le choc psychologique de l’annonce de l’état d’urgence a-t-il pu avoir un effet dissuasif. Je ne méconnais pas cette dimension, même si elle est par nature difficile à mesurer. Mais nous touchons maintenant à ses limites.

En premier lieu parce que la prolongation donne l’impression d’installer durablement les quartiers populaires dans un état d’exception, au risque de renforcer leur sentiment bien réel de relégation. L’état d’urgence ne peut devenir le mode de gestion durable des banlieues. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En second lieu parce qu’elle divise profondément les acteurs de terrain. Or nous le savons, mesdames et messieurs, la meilleure sécurité repose sur l’intervention de tous. L’action des forces de sécurité a été d’autant plus efficace qu’elle a pu s’appuyer sur la médiation des maires, des élus, des agents publics, des associations, des habitants.

Le directeur des CRS le reconnaît lui-même quand il souhaite que ses unités s’immergent dans la vie des cités et jouent un rôle de police de proximité. C’est là d’ailleurs la reconnaissance de l’utilité de la police de proximité, que vous avez supprimée.

La prolongation de l’état d’urgence risque de décourager cette communauté d’action en confortant l’idée que l’ordre public est de la seule responsabilité policière.

M. Jean-Paul Garraud. Trois mois !

M. Jean-Marc Ayrault. Or ce cordon démocratique est fondamental et indispensable. Beaucoup de jeunes sont sortis de la spirale de la violence ces derniers jours parce que des parents, des voisins, des travailleurs sociaux sont intervenus pour leur faire comprendre l’impasse de leurs actes. Ce sursaut civique collectif est une leçon pour aujourd’hui et pour demain. L’aide publique, les subventions aux associations ne sont pas de l’argent perdu comme trop souvent votre gouvernement l’a pensé. Elles contribuent à la pacification des comportements, au « vivre ensemble » des citoyens dans notre pays.

Il est une dernière anomalie, monsieur le ministre. Elle est démocratique. Le Gouvernement a pris trop souvent l’habitude de placer le Parlement devant le fait accompli. Par essence, les procédures d’exception doivent être exceptionnelles. Mais entre l’utilisation répétée des ordonnances, de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution…

M. Roland Chassain. Et vous, vous ne l’avez jamais utilisé ?

M. Jean-Marc Ayrault. …et maintenant de l’état d’urgence, elles tendent à devenir votre règle de fonctionnement. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre de l’intérieur, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Croyez-vous donc que la République est devenue si faible qu’elle ne puisse se protéger d’une telle crise par ses défenses ordinaires ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Seriez-vous si peu sûr de votre propre politique de sécurité ?

Dans ce contexte où les événements hésitent, la levée de l’état d’urgence, au terme de la période des douze jours, serait un geste d’apaisement qui accélèrerait le retour au calme.

M. Robert Lamy. Naïf !

M. Jean-Marc Ayrault. Au cas où les faits me démentiraient, rien ne vous empêche de présenter en urgence le même projet de loi.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, tout le monde, y compris dans vos rangs, constate la disproportion entre votre texte et la réalité effective du pays. Ne donnez donc pas des arguments à la chaîne de télévision américaine CNN qui diffuse des images caricaturales de la France. Ce n’est pas la réalité !

Il faut quand même rappeler une évidence : la France n’est pas en guerre civile. Les bases de la République ne sont pas en péril. Il n’existe pas de subversion organisée, même s’il peut y avoir ici ou là des groupes qui attisent les braises. Les violences sont suffisamment graves pour qu’on évite les excès de langage et les réponses disproportionnées. Même en mai 1968, alors que le pays tout entier était en plein chaos, le général de Gaulle en personne n’avait pas cru bon de recourir à la loi de 1955 ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lamy. Laissez le général tranquille !

M. Jean-Marc Ayrault. Je peux comprendre que le Gouvernement veille au principe de précaution, notamment pour la période des fêtes de fin d’année, mais peut-on imaginer que certains soient interdits de sortie ces jours-là pendant que d’autres iront s’amuser ? Mesurez la portée du symbole !

Monsieur le ministre de l’intérieur, je ne saurais mieux dire que votre collègue Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.

Mme Martine David. Où est-il ?

M. Christophe Caresche. Il n’est pas là !

M. Jean-Marc Ayrault. Je le cite : « En trente ans, la démonstration a été faite que la réponse sécuritaire ne suffit pas. Les jeunes ont plus besoin d’un ascenseur social que d’un car de CRS ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Or, l’état d’urgence que vous voulez prolonger se limite à l’ordre public et ne comporte aucune dimension sociale. Il est vrai que trois mois d’investissements ne sauraient corriger trente ans d’insuffisances de la République !

M. Christian Vanneste et M. Daniel Mach. Quel aveu !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais enfin, madame et messieurs les ministres, votre plan d’urgence se limite au rétablissement des subventions aux associations. Aucun des fondamentaux de votre politique économique et sociale, qui est pourtant l’une des causes de cette explosion, n’a été remis en cause. Demain, comme l’a rappelé notre collègue Bonrepaux, nous débattrons de votre réforme fiscale qui, hélas, s’adresse bien davantage aux quartiers de noblesse qu’aux quartiers populaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Elle s’adresse aux plus riches !

M. Robert Lamy. M. Ayrault va faire rire la France entière en tenant de tels propos !

M. Jean-Marc Ayrault. Qui ne voit que ces 3,5 milliards d’euros distribués gracieusement aux ménages les plus favorisés pourraient servir immédiatement à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes, à un plan d’emplois-jeunes dans les cités, à l’augmentation des dotations pour les établissements scolaires les plus en difficulté, au doublement de la construction de logements sociaux, ou encore à l’instauration d’un service civique obligatoire pour tous les jeunes Français, garçons et filles ? Le Gouvernement n’a jamais consenti à apporter des réponses à toutes ces propositions des députés socialistes.

Partout, les maires et les élus de toutes tendances appellent à un consensus républicain pour sanctuariser les moyens de la politique des quartiers populaires afin d’en garantir la continuité, sans laquelle elle ne peut réussir.

Écoutez-nous, monsieur le ministre de l’intérieur : la crise est trop profonde pour que chacun reste dans sa tour d’ivoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. Vous venez de dire que ce n’était pas grave !

M. Jean-Marc Ayrault. L’esprit républicain doit prévaloir sur tout le reste !

Depuis le début de cette crise, nous, les députés socialistes, avons constamment défendu l’esprit de responsabilité. Nous n’avons jamais cédé à la facilité d’instrumentaliser la peur. Notre seule préoccupation a été l’application ferme mais juste de la loi républicaine. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas su saisir cette main tendue.

En présentant ce texte, monsieur le ministre, vous prêtez le flan à ceux qui vous accusent de réduire la crise des quartiers populaires à la seule dimension sécuritaire. Vous vous exposez même – je vous ai bien écouté – au soupçon de vouloir en tirer des bénéfices politiques. Pour ma part, je ne crois pas qu’il soit digne de vous faire ce procès d’intention et je veux croire que seul l’intérêt général vous guide. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. Sournois !

M. Jean-Marc Ayrault. Faites-nous la même grâce et considérez que nous ne votons pas contre ce projet, non par angélisme ou parce qu’il émane de votre gouvernement, mais parce que son efficacité ne nous paraît pas adaptée à la réalité de la situation.

Mon grand regret, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement et de la majorité, est que ce soit vous qui présentiez et défendiez ce projet de loi qui divise notre pays, quand toutes les conditions étaient réunies pour le rassembler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Sur le vote de l’exception d’irrecevabilité, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Avant de procéder au scrutin, je vais suspendre la séance quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’exception d’irrecevabilité.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

Sur le vote de la question préalable, j’indique d’ores et déjà que je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, madame la ministre de la défense, alors que le retour au calme se confirme sur l’ensemble du territoire, que les violences et les dégradations inacceptables régressent, le Gouvernement décide néanmoins de proroger l’état d’urgence.

L’état d’urgence, pour reprendre un commentaire que j’ai entendu ce matin sur les ondes, n’est pas une mesure de prévention, mais d’obligation.

Il est inexact de penser, comme de nombreux membres du Gouvernement, que ce calme ne serait dû qu’à la déclaration de l’état d’urgence ou au travail de la police sur le terrain. Sans sous-estimer le rôle de cette dernière, ni celui des pompiers, reconnaissons le rôle des élus locaux, qui se sont mobilisés pour aller à la rencontre des jeunes, celui des parents, qui ont assumé leur rôle, alors qu’on entend très souvent dire qu’ils en sont incapables, à tel point que quelques élus ont envie de leur supprimer un certain nombre d’aides.

Le retour au calme est peut-être dû aussi au travail mené sur le terrain, depuis longtemps et en dépit de nombreuses difficultés, par les associations qui sont à côté de ces jeunes et de leurs familles, et par les professionnels, qui ont su se mobiliser. Mais on le doit surtout aux jeunes eux-mêmes, ceux qui ont exhorté leurs amis, leurs frères à cesser cette violence, à l’instar de ces adolescents, membres du conseil consultatif de la jeunesse de Stains, qui ont affirmé dans un tract qu’ils « ne peuvent accepter la destruction des équipements publics qui sont à leur service ainsi que le climat de tension et de peur qui règne et risque de faire le lit de l’intolérance ».

Ces jeunes revendiquent leur statut de citoyen à part entière et rejettent les étiquettes dont ils sont affublés. Croyez-vous qu’ils soient inconscients ? Ne manifestent-ils pas un sens développé des responsabilités en dénonçant à la fois les actes que certains d’entre eux commettent et l’image que la société leur renvoie d’eux-mêmes ? Ils font preuve d’un double regard, ce double regard qui manque trop souvent à ceux qui les craignent et les regardent comme des « objets ados non identifiés ».

La souffrance vécue par la population de nos quartiers populaires se manifeste sous deux formes : soit par le découragement, la résignation ou la désespérance que l’on ne peut, bien souvent, ni voir ni entendre, soit par une colère sous des formes de moins en moins socialisées et dont tout le monde se plaint.

Quand sera prise la décision de régler les problèmes de fond qui dégradent la situation dans les quartiers populaires depuis quinze ans ? Il n’est pas vrai de dire que les problèmes ne sont pas identifiés ; il suffit de lire le deuxième rapport de l’observatoire sur les zones urbaines sensibles, publié le 24 octobre dernier, qui pointe l’absence totale d’ambition pour ces quartiers qui souffrent d’un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne nationale et d’un manque de moyens grave et récurrent en matière de santé et de scolarité. Il n’est pas vrai, non plus, que la politique de la ville n’a pas eu d’effet ; bon nombre de quartiers classés en zone sensible ou difficile ne se sont pas embrasés, justement parce que cette politique menée dans la continuité produit des effets positifs.

La situation que nous vivons est celle que de nombreux intervenants ont décrite, comme lors du colloque que nous avons organisé, Michel Vaxès et moi-même, au mois de juin dernier, sur la prévention de la délinquance des mineurs. Il aurait suffi d’entendre les responsables des associations, des professionnels de terrain, des élus locaux qui, depuis quelques années, tirent toutes les sonnettes d’alarme.

Revenons aux problèmes de fond.

Le premier est la situation économique. Dans le débat politique et médiatique, les gens commentent les petites hausses ou les petites baisses du taux de chômage qui varie entre 8 et 10 % de la population active. Mais ces chiffres n’ont strictement rien à voir avec la réalité du chômage des jeunes dans les quartiers populaires. Dans certains quartiers, le taux de chômage se situe aux alentours de 50 %. Voilà la réalité économique sans laquelle on ne comprend pas un des éléments qui nourrit en permanence les sentiments de colère, d’injustice, d’exclusion et que Laurent Mucchielli appelle la « victimation collective ».

Le deuxième problème est celui de la discrimination face aux contrôles incessants ; les jeunes les perçoivent systématiquement comme des contrôles au faciès et donc comme des humiliations. Monsieur le ministre, il y a entre certains jeunes et certains policiers un cercle vicieux qui s’est installé depuis des années, dans lequel les policiers sont eux-mêmes piégés, et que personne n’a le courage politique de dénoncer comme tel car cela supposerait une réforme profonde des méthodes de la police en France.

À cette discrimination économique quotidienne et à ces discriminations dans les relations avec la police, s’ajoute un troisième élément : la stigmatisation idéologique de ces territoires et de leur population, stigmatisation somme toute assez proche des propos de la fin du XIXe siècle : « classe laborieuse, classe dangereuse ». (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Tous les observateurs travaillant sur cette question notent que l’une des causes les plus profondes du mal-vivre, du sentiment d’injustice et de la révolte parmi les populations de ces quartiers est l’ampleur et la violence des discriminations de toutes natures auxquelles elles sont confrontées. C’est ce qu’a d’ailleurs reconnu, hier, le Président de la République. Cela est dramatiquement vrai pour une grande partie de la jeunesse. Peut-on croire, dès lors, que la création d’un « service civil volontaire » pour 50 000 jeunes, qui donnerait ainsi accès à la formation et à l’assistance peut résoudre les problèmes d’emploi, de discrimination sociale et politique ? Permettez-moi d’en douter. Une fois de plus, il est proposé aux jeunes des plans qui ne sont rien d’autres que des mesures d’urgence inefficaces.

Notre pays, la jeunesse de notre pays, a besoin d’un plan de travail de longue haleine où seront définies avec les intéressés – jeunes, parents, éducateurs, travailleurs sociaux, enseignants, élus, préfets – des mesures qui marqueront une autre orientation politique pour l’ensemble de la société, au lieu d’un nouveau saupoudrage avec des mesures qui calmeront peut-être momentanément le jeu, mais qui ne seront plus adéquates dans un ou deux ans. C’est le sens de la proposition d’un Grenelle des quartiers populaires. Non à un énième plan, qu’il s’appelle Marshall ou non, mais oui pour considérer que tout projet de société – incluant l’ensemble des personnes concernées – doit s’élaborer à partir de ces quartiers populaires. Ces mesures ne peuvent être de circonstances ou revenir sur des acquis qui sont le socle d’une société développée. Ainsi du retour à l’apprentissage dès quatorze ans, pour ne prendre qu’un seul exemple. Des enseignants se sont battus, y compris après la création du collège unique, contre la possibilité d’orienter des jeunes dès la fin de la classe de cinquième pour les mêmes raisons que celles mises en avant depuis quelques jours.

Le Gouvernement voudrait faire croire que l’orientation dès l’âge de quatorze ans est la solution pour les jeunes qui ne se plaisent pas à l’école. Mais pourquoi n’aiment-ils pas l’école ? Est-ce inné, y aurait-il des doués et des non doués ? N’est-ce pas une question à retourner aux parents et aux enseignants ? Et si nous nous demandions, tout simplement, ce que produit ou ne produit pas l’école pour que des enfants en soient rejetés !

Enfin, le logement est aussi un élément du problème. Nous avons voté la SRU qui demande, entre autres, 20 % de logements sociaux dans chaque commune, mais certains élus préfèrent payer l’amende prévue plutôt que de répondre aux besoins de notre société. Comment se fait-il qu’il soit rappelé aux jeunes, à leurs parents de respecter les devoirs qu’ils ont face à la République et que ces devoirs ne soient pas exigibles de certains édiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Que dire de la notion de solidarité ? Quand cessera-t-il d’y avoir deux poids deux mesures, comme cela se fait aussi avec les démolitions de HLM ? Au prétexte de rénover des quartiers, de rendre plus « humaines » les cités, certains élus ont préféré détruire des barres entières avec, comme seul objectif, de déplacer les populations dites « indésirables ». Ce n’est pas en excluant que nous entendons la rénovation urbaine, c’est en incluant, en réfléchissant aux espaces communs de vie avec les habitants concernés.

Depuis trente ans et depuis le début d’une crise – conséquence d’une mutation profonde de notre société – qui éclate sporadiquement et de manière récurrente dans les quartiers populaires, c’est de fait un déni de l’accès aux droits fondamentaux que sont l’éducation, la santé, le travail, le logement, la culture qui est imposé à une partie de notre population. L’état d’urgence décrété la semaine dernière, que vous nous soumettez aujourd’hui pour qu’il soit prorogé de trois mois, vient une fois de plus démontrer que vous pensez la société française ségrégée, divisée et que vous y organisez même la division pour mieux régner.

Par ces mesures, et si votre politique devait se poursuivre, vous ne répondez ni à l’urgence sociale ni à ce qui se profile devant nous. Au dialogue, vous préférez la chape de plomb autoritaire en choisissant de recourir à la loi d’exception de 1955. Ce choix est dangereux et contestable au regard des libertés publiques et des droits fondamentaux.

Monsieur le ministre, hier, le Président de la République a mentionné la perte de sens, une crise d’identité, une crise des valeurs. Mais cette perte de sens, cette crise d’identité et des valeurs ne touchent pas que les banlieues et les populations stigmatisées, elle est plus globale. Elle touche l’ensemble de notre société, mais aussi l’ensemble des pays développés où des valeurs fondamentales sont quotidiennement bafouées, où la valeur travail est contredite par la valeur du profit, où l’abêtissement télévisuel se substitue à l’excellence culturelle, où le bonheur ne peut se concevoir que par la réussite et par l’argent, où à notre tradition de solidarité s’oppose un libéralisme sans contrainte et où à l’épanouissement individuel se substituent des comportements grégaires.

La situation que nous vivons aujourd’hui n’exige pas cette mesure d’urgence : nous ne sommes pas en état de guerre, nos institutions ne sont pas menacées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’urgence criante dans ce pays est d’ordre social et économique : c’est l’égalité, la justice, la non-discrimination. Telle est la seule urgence qui devrait prévaloir dans nos débats et mobiliser l’ensemble des partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la question préalable.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre de la défense, monsieur le garde des sceaux, la protection de nos concitoyens et de leurs biens, c’est bien ce que chacun est en droit d’attendre de la République. C’est donc notre rôle d’assurer cette protection, mais notre mission consiste tout autant à sauvegarder les libertés publiques et à veiller à ce qu’elles soient respectées.

L’état d’urgence institué la semaine dernière, au moment où les banlieues brûlaient, a donné aux forces de l’ordre des moyens supplémentaires d’action pour assurer la protection de nos concitoyens et de leurs biens ; il allait donc dans le bon sens. Mais, aujourd’hui, sa prolongation pour trois mois doit être assortie d’un respect total des libertés fondamentales.

Il existe dans le pays un sentiment très répandu : le besoin d’ordre. Nos concitoyens, un bon nombre de maires ruraux et urbains, mais également les habitants des quartiers sensibles souhaitent la prolongation de l’état d’urgence. C’est une mesure dont le but avoué est de rassurer la population française, en particulier les habitants des quartiers qui voient leur liberté menacée par les actes de violence.

Le Gouvernement considère qu’il a besoin de l’état d’urgence pour ramener le calme. Mais, dans certains quartiers, dans certaines villes, le couvre-feu n’est pas la condition nécessaire pour rétablir le calme, puisque la participation des habitants, des associations et des animateurs de quartier a permis de faire entendre raison aux fauteurs de trouble.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Nicolas Perruchot. L’effet de cet état d’urgence est, pour une bonne part, psychologique : il s’agit de marquer les esprits. À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. C’est ainsi que nous considérons la prolongation de ce couvre-feu : il restera à disposition, mais devra servir le moins possible.

Malgré notre perplexité, nous ne ferons pas obstacle à cette mesure. Mais nous affirmons solennellement que la défense des libertés publiques est fondamentale, essentielle. Je voudrais rappeler que le Conseil d’État a rappelé hier le rôle fondamental de la justice dans ce domaine, même a posteriori. Il est essentiel que cet impératif soit pris en compte.

Nous voulons, ici, vous mettre en garde, monsieur le ministre d’État, sur la mise en œuvre de ce couvre-feu : il serait irresponsable de prendre de pareilles mesures sans tenir compte des élus locaux.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. Il y a une dizaine de jours, il n’y avait plus d’État dans certains quartiers, et ce sont les maires qui ont maintenu l’ordre, qui ont maintenu la République. Il est donc indispensable de mettre les maires au cœur du dispositif : le couvre-feu doit être mis en œuvre avec l’accord et à la demande des maires. Sinon, on risque de précipiter des effets pervers.

Nous voulons aussi poser un certain nombre de conditions, de réserves, pour encadrer la suspension de certaines libertés publiques. L’UDF, qui a toujours défendu les libertés publiques, sera très vigilante sur ce sujet.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. Par ailleurs, nous ne nous faisons pas d’illusions sur la portée de ce dispositif : il ne permettra pas de résoudre la crise des banlieues, il est uniquement un moyen de rétablir l’ordre.

À l’UDF, nous sommes déterminés à tout mettre en œuvre, à la place qui est la nôtre, pour permettre le retour au calme dans nos banlieues, qui sera un préalable à une action de fond. C’est cette action de fond qui est essentielle. Ne nous trompons pas. Dans trois mois, que se passera-t-il ? Une fois que les quartiers auront retrouvé leur calme, les policiers, les CRS partiront.

Il ne faudrait pas que, une fois les caméras éteintes et les journalistes requis par d’autres événements, les hommes politiques tournent le dos.

M. Maxime Gremetz. Eh oui !

M. Nicolas Perruchot. Pour donner l’espérance à tous ceux qui ne se voient aucun avenir, il est nécessaire de mener une action de longue haleine.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a raison !

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. Il ne faut pas s’imaginer que les annonces d’aujourd’hui permettront de régler durablement les problèmes.

M. Maxime Gremetz. Où est le Premier ministre ?

M. Nicolas Perruchot. Elles ne nous semblent pas à la hauteur de la crise extrêmement profonde que traverse le pays. C’est aux racines du mal qu’il faut s’attaquer, c’est-à-dire aux questions de logement, de mixité sociale, d’emploi ou d’éducation.

En effet, si, depuis trente ans, tout − de la manière forte à l’angélisme − a été tenté pour résoudre les problèmes des banlieues, il a manqué une vision d’ensemble, une cohérence. Entre le lancement de la procédure Habitat et vie sociale, en 1977, et la création de l’ANRU, l’année dernière, se sont succédé une Délégation interministérielle à la ville, un ministère du même nom, les ZUP, la création des grands projets urbains, des zones urbaines sensibles, des zones de redynamisation urbaine, des zones franches urbaines, en passant par la loi SRU. À quoi aura servi cette accumulation de plans successifs − pas forcément cohérents les uns avec les autres, comme autant d’emplâtres sur une jambe de bois −, de sigles incompréhensibles, d’investissements massifs dépassant sur la durée les 40 milliards d’euros ? Un rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles constatait, le mois dernier, que, dans les quartiers difficiles, le nombre de demandeurs d’emploi est en augmentation, le taux de chômage est deux fois plus élevé que la moyenne nationale, le sous-équipement médical est persistant et la surdélinquance se maintient. Depuis trente ans, les gouvernements successifs ont bricolé des réponses, jouant tantôt de la carotte, tantôt du bâton, sans guère produire d’effets. Mais c’est que − tous les maires, de quelque bord qu’ils soient, sont d’accord sur ce point − le problème des banlieues n’est pas seulement une affaire de moyens financiers et de nombre de policiers.

M. Maurice Leroy. Bien sûr !

M. Nicolas Perruchot. Derrière les flambées de violence, il faut déceler un mal qui n’a jamais été traité à la racine et à qui l’on doit les laissés-pour-compte de l’intégration, l’émergence et la montée du communautarisme, les limites de l’immigration, la discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

C’est pourquoi nous voulons ici présenter nos propositions, qui sont la création d’un contrat d’intégration, des actions pour que les parents prennent leurs responsabilités − ce point est essentiel −, la révision de la politique en matière d’urbanisme et une refonte du dispositif des ZEP.

Il faut lancer un grand débat de fond pour mettre en place un contrat d’intégration digne de ce nom.

M. Maxime Gremetz. Il faut intégrer qui ?

M. Nicolas Perruchot. Aujourd’hui, un habitant sur deux de la ZUP de Blois ne parle pas français.

M. Maxime Gremetz. Dites plutôt qu’ils le parlent mal !

M. Nicolas Perruchot. Or, quand on est citoyen d’un quartier, on a des droits et des devoirs, dont celui de parler français.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Nicolas Perruchot. Par ailleurs, il est indispensable que les parents assument leurs responsabilités. Cela implique notamment que la justice des mineurs revoie son fonctionnement. Il est nécessaire de remettre du droit dans les quartiers.

Il faut aussi réformer la politique d’urbanisme : l’État doit devenir directif en matière de répartition des logements sociaux, pour que ces enfants puissent se dire que, un jour, ils vivront ailleurs.

Un important travail de resocialisation des jeunes doit également être mené. Le Président de la République a parlé hier soir d’un service civil. Je rappelle que, lors de la dernière campagne pour l’élection présidentielle, François Bayrou avait proposé un service civique universel pour les garçons et les filles.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Nicolas Perruchot. Chacun d’entre eux serait appelé à consacrer une période de sa vie aux autres, aux plus fragiles, sur notre sol ou à l’extérieur. La fin du service militaire a brisé le creuset de la citoyenneté : il faut en créer un autre. D’après nos critères et nos définitions, ce service civique pourrait en tenir lieu.

Il faudrait également inscrire, dans le cadre de cette politique de resocialisation, le plan « Défense deuxième chance » qui permet à des jeunes en grande difficulté scolaire d’apprendre un métier.

Un des chantiers les plus importants concerne l’école : une refonte du dispositif des ZEP s’impose aujourd’hui à tous. Offrir une instruction égale à des personnes et à des groupes inégaux, c’est entretenir l’inégalité, rendre impossible la réduction des inégalités initiales. Cela pose évidemment la question de l’équité. Des mesures spécifiques doivent être mises en place pour résoudre les difficultés des élèves. Les moyens consacrés aux ZEP, qui concernent aujourd’hui un élève sur cinq, sont trop éparpillés pour avoir des effets visibles, en particulier quant au nombre d’élèves par classe. Il faut donc concentrer les moyens sur un petit nombre d’établissements, ceux qui connaissent les plus grandes difficultés.

Par ailleurs, l’obtention du statut de ZEP, qui conditionne l’attribution de moyens plus importants, mais temporaires, serait liée à l’élaboration d’un contrat d’objectifs évaluables. Enfin, des mesures dérogatoires pourraient être autorisées dans certains établissements, portant sur le mode de nomination des personnels, le nombre de postes d’enseignants, de médecins, d’assistants sociaux ou d’infirmières, les pratiques pédagogiques ou les programmes. La pédagogie différenciée doit être au cœur de ce dispositif. Enfin, le contrat d’objectifs mentionnera non seulement des objectifs en termes de résultats, mais aussi en termes de comportement et d’orientation des élèves.

Regardons au-delà des frontières. À nos portes, les Allemands nous montrent que, lorsque le salut du pays est en jeu, on peut avoir le courage d’une union nationale transcendant les clivages politiques, et celui d’entreprendre des réformes profondes. C’est un exemple à suivre.

Ainsi, parce qu’il sait que les Français aspirent à l’ordre et à la paix civile, le groupe UDF accepte la prolongation de l’état d’urgence. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais celui-ci doit aller de pair avec un respect total des libertés publiques, qui, pour nous, est essentiel.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Nicolas Perruchot. Vous nous avez annoncé qu’aucune perquisition ne pourra être organisée dans le cadre de cette loi sans l’accord préalable du procureur de la République et que les perquisitions ne pourront être motivées que par la présomption de détention d’armes. Nous considérons cet engagement comme une garantie minimale et indispensable. La République française a toujours promu les valeurs de liberté et de justice.

M. Patrick Braouezec. Elles sont un peu mises à mal, aujourd’hui !

M. Nicolas Perruchot. Soyons-en les premiers défenseurs, en toutes circonstances. Depuis le début de la crise, dont nous mesurons parfaitement la gravité, nous avons choisi la ligne d’un grand pacte républicain qui doit permettre une action de longue durée, au-delà même des alternances politiques. Retour à la paix civile, garantie des libertés publiques, pacte républicain : telle est la position que le groupe UDF exprimera par son vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. André Gerin. (M. Éric Raoult applaudit.)

M. Maxime Gremetz. M. Raoult applaudit !

M. Éric Raoult. Et alors ? J’applaudis M. Gerin parce qu’il dit moins de bêtises que vous !

M. André Gerin. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame et monsieur les ministres, chers collègues, à entendre le Président de la République, il ne faut pas transiger avec certains principes : justice, fermeté, valeurs de la France. Mais il est tout de même paradoxal qu’il ait attendu dix-sept jours pour dire cela aux Français et pour annoncer la prolongation de l’état d’urgence. Je le dis sans ambages, le discours du Président de la République est à côté de la plaque.

Monsieur Chirac, qu’avez-vous fait depuis 1995 ? Qu’avons-nous fait sous l’ère Mitterrand ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Qu’avons-nous fait sous l’ère Giscard ? M. Chirac n’a rien dit de ses propres responsabilités, préférant stigmatiser les parents ou l’immigration clandestine.

M. Jean-Pierre Balligand. Il voulait faire plaisir à M. Sarkozy !

M. André Gerin. Aujourd’hui, j’ai envie de donner un carton rouge à ce Gouvernement, pour les politiques économiques et sociales ravageuses qu’il a mises en route : rien de fort pour l’urgence sociale, rien pour l’éducation ou pour l’emploi des jeunes, rien pour l’urgence dans le domaine du logement, rien pour la santé. Il n’annonce aucune politique volontariste pour combattre la misère qui gangrène le pays, pour lutter contre les discriminations négatives qui frappent des millions de familles populaires, une jeunesse sacrifiée et trahie.

Le Président de la République devrait nous présenter son bilan. Rien ne justifie le prolongement de l’état d’urgence. Le véritable état d’urgence, c’est l’appel au secours qu’ont lancé les classes populaires le 21 avril 2002, aux élections régionales de mars 2004 et au référendum du 29 mai 2005.

Vous parlez d’égalité, principe premier de la République. Voilà encore une belle parole, une belle intention, qui est devenue un mensonge d’État : 10 % de la société est paupérisée. L’insécurité sociale est généralisée. La justice sociale est remise en cause. L’État abdique devant la loi du marché et la dictature de la finance. Toute la vie sociale est marchandisée.

Je n’ai pas vu, dans l’intervention du Président de la République, le parler vrai qui permettrait d’arrêter la banalisation de la violence, de rétablir les missions régaliennes de l’État et de la République, abandonnées depuis les années soixante et soixante-dix, car cela fait bel et bien trente ans que notre modèle social est remis en cause.

M. Gérard Hamel. Vous étiez au Gouvernement !

M. André Gerin. Après les « trente glorieuses », nous venons de vivre les « trente décadentes ». Le déclin économique de la France, c’est la conséquence dramatique du tout économique et du tout financier, c’est le résultat de l’américanisation sociale, politique et culturelle de notre pays.

Vous ne répondez pas à l’exigence démocratique, au malaise collectif, à la défiance profonde vis-à-vis des élites. Les problèmes des cités sont le miroir des problèmes de la France métropolitaine et des DOM-TOM. À l’occasion des élections, ce malaise s’exprime à travers l’abstention, le vote protestataire ou le vote pour l’extrême droite.

La société capitaliste occidentale est en perte de vitesse. Le capitalisme se fait dur, impitoyable. Il multiplie les sous-qualifications peu rémunérées, renforce le mur de l’argent, les barrières destinées à protéger les castes fortunées et les décideurs. Voilà la vérité : austérité pour les pauvres et les salariés ; tolérance, largesse, cadeaux dorés pour les privilégiés ; insolence de l’argent qui coule à flots.

Vous n’avez pas dit un mot pour dénoncer le règne de l’aristocratie de la rente, des nababs, du show-biz. L’argent ne va pas au travail, au mérite ; il va à la puissance et au désir. II écrase tout.

Que savent les autorités − politiques, administratives, policières, médiatiques, journalistiques – de ce que signifie le quotidien de ces cités, l’ordinaire des jours sans incendies, sans « baston », sans travail et sans perspectives ? Les meilleurs spécialistes des quartiers difficiles ne sont-ils pas d’abord les gens qui y vivent ou qui tentent d’y survivre ?

M. André Chassaigne. Les experts du quotidien !

M. André Gerin. Nous devons parler avec respect de la jeunesse en désarroi qui s’entend dire par la France confortablement installée que la place lui est comptée au soleil de l’opulence ; seuls ceux qui feront des efforts herculéens pourront prétendre à des strapontins.

Nous devons aussi parler avec respect des policiers et des pompiers, malgré les dérapages réguliers de la BAC. Il faut admettre que ce qu’on leur demande est un service rendu à la population.

Si les insultes devaient tenir lieu de politique, il serait impensable de combler le fossé culturel, économique, social et moral qui sépare les bandes nocturnes et les porte-parole de la République. Si la loi du désordre devait s’instaurer sous prétexte d’un mal-vivre, nous serions confrontés à l’impossible cohabitation entre la France qui va de l’avant, profite de l’argent, se partage la croissance, et celle qui, faute d’avenir, subit une non-vie, le no future.

Quelle image des lendemains renvoyons-nous, nous, les installés, les munis, aux démunis et aux non installés qui se trouvent, depuis des décennies, parqués par centaines de milliers à l’orée des grandes villes ? Nous résignerons-nous à ce que la politique perde cette noblesse essentielle qui la justifie et qui consiste à éclairer le futur ?

Depuis longtemps, la République se prosterne derrière les trois valeurs de sa devise, « Liberté, égalité, fraternité », pour se contenter, en réalité, de les faire vivoter dans la rhétorique, avec un saupoudrage homéopathique de crédits qui contraste avec l’entretien coûteux de ses dépendances.

Par-delà les épisodes quasi militaires de la chronique des dix, des vingt ou des trente dernières années, et alors que nous ferions mieux, tous, de balayer devant notre porte, on sent bien que la source des maux est l’impossibilité pratique, pour nombre de jeunes, de trouver à employer leurs forces, leurs talents, leurs ardeurs, dans l’économie officielle. Nous leur avons, pour ainsi dire, claqué la porte au nez pour leur signifier qu’ils sont de trop.

Nos enfants, nos petits-enfants, se sentent de plus en plus exclus de l’opulence, de la croissance, de l’emploi. Si les petits blancs eux-mêmes ont l’impression d’être rejetés, que doivent dire les jeunes beurs et les jeunes blacks qui, ces jours-ci, semblent avoir fait leur jonction sur le front de la révolte ?

Le plein-emploi − avec sa préface, la pleine éducation − est la seule clef dont on peut espérer qu’elle rouvrira les portes de l’avenir. Après plus de trente ans de crise économique, de gestion sociale du chômage, d’échecs sur toute la ligne, osons fixer cet objectif. On ne boucle pas durablement et impunément une partie de la population derrière les barrières de l’ennui, de la non-insertion et du mépris.

J’emprunterai mes derniers mots à un éditorialiste de La Croix qui écrivait récemment : « Ce qui manque le plus aujourd’hui relève de deux champs différents : la politique économique et la politique de la considération. Il manque aujourd’hui des emplois et de la tendresse. Le choix est entre un pays qui tremble devant une partie de sa jeunesse et un pays qui commencerait à lui dire : je t’aime et je compte sur toi ».

Mme Muguette Jacquaint. Mais on traite les jeunes de « racaille » !

M. André Gerin. Monsieur le Président de la République, vous êtes disqualifié ! Entendez le sursaut civique de milliers d’habitants, de jeunes notamment, qui sont prêts à s’engager dans un mouvement démocratique sur la base des valeurs républicaines et qui, sans justifier aucun acte délictueux, se mobilisent en vue de bousculer la classe politique, qui a besoin d’une thérapie de choc.

La France doit se donner un objectif commun, à gauche et à droite : celui de reconstruire l’espoir en marginalisant le Front national et en renouant avec les classes populaires afin qu’elles s’engagent dans l’action et qu’elles votent.

Le peuple doit être entendu – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le Gouvernement doit sortir de son autisme et mettre en place un plan Orsec pour la formation, notamment la formation en alternance, et pour l’emploi des jeunes, en mobilisant dans les départements et dans les régions des dizaines de milliers de chefs d’entreprises.

À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle : nous devons repenser de manière significative le budget 2006 de la France.

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le député.

M. André Gerin. Quand il y a non-assistance à citoyen et à jeune en danger, toute la classe politique doit se mobiliser, car elle est au pied du mur. Nous refusons le projet de loi du Président de la République et du Gouvernement parce que, jouant avec la peur, il va à contresens. Tel est le sens du vote des député-e-s communistes et républicains, qui s’opposent avec fermeté et résolution à une telle mesure !

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Jean-Marc Ayrault. Qu’en est-il des 20 % de logements sociaux dans sa commune ?

M. Éric Raoult. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre d’État, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout a commencé à Clichy-sous-Bois, ville de Seine-Saint-Denis qui, pourtant, a bénéficié de tous les dispositifs et de toutes les aides et sur laquelle tous les ministres se sont penchés.

La France traverse depuis quelques semaines de graves événements. Notre pays déplore des pertes matérielles considérables : voitures incendiées, crèches et écoles brûlées, équipements publics saccagés. Notre pacte républicain a été menacé, mais tout n’est pas encore réglé.

Le 27 octobre, deux « mômes bien » sont morts pour rien ! Et c’est le déclenchement de vingt nuits de violence qui, dans ce département, ont fait reculer l’espoir de vingt ans !

Outre des pertes matérielles, cette violence a provoqué des drames humains : je souhaite exprimer toute la solidarité du groupe UMP envers leurs victimes.

Aujourd’hui, c’est en mémoire de ces deux jeunes, Ziad et Bouna, qu’il faut voter la prolongation de l’état d’urgence, afin de prévenir tout nouveau drame. C’est également en mémoire de cet homme battu à mort, devant sa famille, à Epinay-sur-Seine et de cet habitant de Stains, assassiné alors qu’il cherchait simplement à protéger ses biens. C’est aussi en pensant à cette compatriote handicapée, gravement brûlée à Sevran, ainsi qu’à tous les habitants des quartiers, qui sont victimes des comportements de voyous, de délinquants et de criminels. Oui, pour eux tous, il faut prolonger l’état d’urgence.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez rappelé le bilan des événements de début novembre 2005 – car on les appellera désormais ainsi : les « événements de début novembre 2005 » ! L’explosion des quartiers se chiffre en centaines de millions d’euros de dégâts. C’est un vrai désastre national.

Ces événements témoignent d’un malaise profond. Le Président de la République l’a rappelé hier soir. Certains ont provoqué des incendies dans les quartiers où ils habitent, brûlant les voitures de leurs voisins, de leurs cousins ou de leurs proches quand ils ne s’attaquaient pas aux crèches, à leurs propres écoles et à leurs propres gymnases.

Ce sont leurs propres conditions de vie, celles de leurs parents, de leurs enfants et de leurs frères et sœurs, que les émeutiers ont détériorées.

Face à des violences aussi intolérables et devant les souffrances de tant de nos concitoyens, notamment les plus vulnérables, la première nécessité, c’est de rétablir l’ordre public. Il faut protéger ces jeunes contre eux-mêmes ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le Président de la République, le Premier ministre, – vous-même, madame et messieurs les ministres –, et toute l’opinion publique l’ont réclamé. C’est pourquoi je souhaite rendre hommage à la difficile action que mènent les forces de l’ordre – policiers et gendarmes – ainsi que les pompiers et les postiers : ils ont fait preuve, dans des conditions de travail souvent très difficiles, d’un sang-froid et d’un professionnalisme remarquables.

Nos policiers et nos gendarmes sont extra ! Nos pompiers sont sympas ! À Clichy-sous-Bois, comme dans tout le pays, ils ont été exemplaires et se sont montrés dignes d’admiration : ils sont l’honneur de notre nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. Qui a dit le contraire ?

M. Éric Raoult. Aujourd’hui, monsieur le ministre d’État, vous nous demandez de proroger pour une période de trois mois l’application de la loi du 3 avril 1955.

M. Jacques Floch. Et après ?

M. Éric Raoult. Cette loi – faut-il le rappeler ? –, ce n’est pas vous qui l’avez élaborée ! Certains ne l’ont même jamais abrogée – ceux qui l’ont appliquée sous François Mitterrand en 1984 ! Sachez que, pour faire adopter cette prorogation, vous pouvez compter sur le soutien déterminé du groupe UMP, parce que la précaution ne vaut pas simplement pour l’environnement – l’air ou les arbres –, mais également pour la paix urbaine, parce que la dissuasion est une condition nécessaire au retour au calme, parce que l’application mesurée de la loi est une réalité depuis le 7 novembre.

À ceux qui prétendent qu’une telle décision pourrait aggraver la situation, je réponds qu’ils ne connaissent pas la vie des quartiers ou qu’ils l’ont oubliée : ils se trouvent décalés de la réalité pour s’en être éloignés !

Mme Muguette Jacquaint. Au contraire, ils vivent dans les quartiers !

M. Éric Raoult. Madame Jacquaint, il ne faut pas avoir deux discours !

Mme Muguette Jacquaint. Je n’ai pas deux discours !

M. Éric Raoult. On ne peut pas en appeler à la sécurité à la cité des Quatre-mille et dire autre chose ici, car c’est tenir un double langage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Christiane Taubira. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Éric Raoult. Aggraver la situation, c’est, en l’occurrence, ne rien faire, ou plutôt, c’est laisser faire. L’escalade naît toujours de l’inaction en matière d’insécurité et de violences. Je préfère un couvre-feu à un « Halte au feu ! » ou à un cessez-le-feu !

La preuve en est que depuis le mardi 8 novembre, date de l’instauration de l’état d’urgence et de l’application de couvre-feux dans certaines communes, le bilan des destructions, chaque nuit, baisse régulièrement.

Je l’ai constaté dans la circonscription de Clichy-Montfermeil : l’état d’urgence a eu un véritable impact psychologique, en provoquant un sursaut de responsabilité et la prise de conscience nécessaire.

C’est une réalité vécue durant toutes ces nombreuses nuits et qui a son explication : l’état d’urgence n’est pas un état de siège ou une situation d’exception ; il n’est pas militaire, mais civique ; il ne concerne pas la Bolivie, mais Clichy-sous-Bois, le Raincy ou Bobigny ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Gouvernement, en demandant au Parlement de prolonger l’état d’urgence, a donc pris une décision réaliste et adaptée aux circonstances exceptionnelles que connaît notre pays.

Nous devons nous donner les moyens de garantir le respect du pacte républicain et des libertés publiques. On ne peut pas réfléchir à la citoyenneté devant une voiture calcinée. Nous devons garantir aux habitants des quartiers la liberté de circuler et de travailler, ainsi que leur droit de propriété. Nous devons rendre le pouvoir aux parents, acteurs essentiels des quartiers et vrais détenteurs de l’autorité. Nous devons, enfin, dans ces quartiers, déclencher une prise de conscience générale. Comme les pions dans les lycées, il est temps de dire à tous : « Maintenant, on se calme ! »

Du reste, – je le répète – le Gouvernement nous propose une application adaptée et mesurée des dispositions de la loi de 1955, qui vise à protéger et non à réprimer. Il a su, jusqu’à présent, faire un usage efficace et proportionné de cette loi, à seule fin de lutter contre les violences urbaines et de protéger les populations, en particulier les habitants des cités, qui sont les premières victimes des violences.

Il s’agit donc, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre d’État, d’adopter une mesure de précaution et de prévention, et non d’enclencher une procédure de répression militaire, comme d’aucuns cherchent à le faire croire. Il n’y a pas eu d’application généralisée de l’état d’urgence en Île-de-France, pas même en Seine-Saint-Denis : sept départements seulement ont instauré le couvre-feu, lequel, la plupart du temps, a visé les seuls mineurs non accompagnés – c’est le cas à Amiens, Orléans, Lyon et Nice – et l’on n’a constaté que trente infractions ! Dans ces conditions, la prolongation de l’état d’urgence est une mesure qui va dans le bon sens, celui de l’apaisement généralisé.

Car on doit aller dans le sens de la paix : ces images d’émeutes urbaines qui font peur dans les cités et honte dans le monde, cela suffit ! Mais aller dans le sens de la paix, c’est également aller dans le sens du travail : il faut trouver le plus tôt possible à tous ces jeunes une activité – des stages, des apprentissages ou des contrats aidés –, sachant que rien ne pourra se faire sans l’effort de tous.

Mme Martine Billard. Et les véritables emplois, ce sera pour quand ?

M. Éric Raoult. Le Président de la République l’a très justement rappelé hier : des problèmes, voire des difficultés, beaucoup de Français en ont. Mais la violence ne résout jamais rien. Quand on appartient à notre communauté nationale, on en respecte les règles. Quand il n’y a plus ni pères, ni repères, il reste la République.

Mais ne nous y trompons pas : l’État ne peut pas tout. II faut un rappel à l’ordre et à la loi car seules nos valeurs protègent les plus modestes.

M. Maxime Gremetz. Vous pouvez parler !

M. Éric Raoult. Pour celui qui a perdu sa voiture car il n’a pas les moyens de se payer un box, pour celui qui marche, car les bus caillassés ne circulent plus dans son quartier, pour celui qui a perdu son emploi, car le garage d’Aulnay-sous-Bois où il travaillait a flambé, pour celle, encore, qui ne peut plus faire garder ses enfants, car l’école ou la crèche a brûlé,…

M. Jean-Christophe Cambadélis. Franchement, un peu de pudeur !

M. Éric Raoult. …oui, c’est pour eux, qu’il faut proroger l’application de la loi du 3 avril 1955.

Chers collègues, demain, à relire certaines déclarations, notre débat semblera en décalage avec la réalité.

M. Jean-Marc Ayrault. On connaîtra alors le résultat de cette prolongation !

M. Éric Raoult. La couleur politique n’a rien à voir avec la lutte contre l’incendie urbain : c’est tous ensemble, aujourd’hui, que nous devons éteindre le feu de la colère et de la haine.

Mme Muguette Jacquaint. Il reste les choix politiques !

M. Éric Raoult. L’huile, madame Jacquaint, mettons-la dans les rouages de la société française ! Ne la jetons pas sur le feu de l’incompréhension et de la discrimination ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre d’État, si ce texte était présenté aux maires concernés, ils le voteraient. Avec leurs administrés, depuis plus de deux semaines, ils étaient dehors la nuit pour sauver leur ville, et je pense notamment à André Veyssière à Dugny, Hervé Chevreau à Épinay, Gérard Gaudron à Aulnay-sous-Bois, Martine Valleton à Villepinte, Patrice Calmejane à Villemomble, ou encore à Stéphane Gatignon à Sevran, Michel Beaumale à Stains, Daniel Feurtet au Blanc-Mesnil et Bernard Birsinger à Bobigny.

M. Patrick Braouezec. Et les autres ?

Mme Muguette Jacquaint. Et Braouezec ?

M. Éric Raoult. Je pense à tant d’autres, de droite et de gauche, par toute la France : ces maires sont la fierté de notre nation.

Monsieur le ministre d’État, nous ne voulons, pour la banlieue, ni d’un képi, ni d’une casquette retournée. Nous voulons des quartiers populaires, en bleu de travail (Vives exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Cela vous va bien !

M. Éric Raoult. …ou en costume cravate, nous voulons des quartiers de l’espoir. Oui, il faut voter ce texte, afin que vous vous calmiez, mes chers collègues, afin, surtout, que tout se calme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, décréter l’état d’urgence n’est pas un acte anodin, contrairement à ce qu’a prétendu M. Raoult. Il s’agit d’une décision grave, qui peut être lourde de conséquences.

Tout d’abord, au regard du droit, l’état d’urgence est un état d’exception, lequel peut naturellement comporter des mesures de restriction des libertés fondamentales. Même appliqué de façon mesurée, l’état d’urgence reste l’état d’urgence ! Ensuite, au regard de l’idée que nous nous faisons de l’état du pays et de l’image que nous en projetons à l’intérieur comme à l’extérieur, veillons à ne pas installer la France dans une situation de crise qui ne correspondrait que partiellement à la réalité. La décision d’instaurer l’état d’urgence a une portée symbolique qui ne doit pas nous échapper.

Quels sont les éléments qui doivent nous guider dans l’examen du projet de loi que le Gouvernement nous soumet ce soir ? Le premier consiste dans une bonne appréciation de la situation. Jean-Marc Ayrault a rappelé l’évidente nécessité d’un retour à l’ordre dans les quartiers touchés par les violences. Depuis le début de cette crise, nous ne cessons de répéter que ce retour constitue pour nous un impératif.

Où en sommes-nous ? Il est clair que la situation, par rapport au pic de violence que nous avons connu il y a quelques jours, est en voie d’apaisement. Si elle reste tendue, elle s’améliore et se normalise progressivement Dans ce contexte, la prolongation de l’état d’urgence pour trois mois apparaît comme une mesure à contretemps qui risque de dramatiser une situation, je le répète, en voie d’apaisement.

J’entends déjà l’objection : et si les violences reprenaient ?

Certains, M. Raoult vient de le confirmer, veulent faire de l’état d’urgence une sorte d’instrument préventif des violences, une sorte de principe de précaution, c’est l’expression que vous avez employée. Cette conception me paraît abusive et dangereuse. Elle conduirait dans les faits à l’instauration d’une sorte d’état d’urgence permanent (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.).

M. Xavier de Roux. Trois mois, ce n’est pas permanent !

M. Christophe Caresche. L’état d’urgence ne peut pas être une mesure de confort pour le Gouvernement, destinée à prévenir des violences qui, certes, peuvent se produire, mais qui, pour le moment, sont hypothétiques.

Mais il est vrai, monsieur le ministre, que vous êtes confronté à une situation difficile et pas seulement depuis quelques jours. Cette crise aura aussi révélé l’importance et l’ampleur des troubles que connaît notre pays depuis plusieurs mois. Ainsi, le directeur général de la police nationale a révélé récemment que, pour le seul mois d’octobre, 30 000 véhicules ont été incendiés sur l’ensemble du territoire national ! Cela relativise le bilan dont vous ne manquez pas, monsieur le ministre, de vous targuer régulièrement.

Est-ce par l’état d’urgence que vous répondrez efficacement à cette situation ? Je ne le crois pas, et vous-même, monsieur le ministre, lorsque la décision de l’instaurer a été prise, vous avez semblé hésiter à l’approuver.

L’état d’urgence paraît en effet à la fois disproportionné et inefficace. Jean-Marc Ayrault a rappelé que vous avez dans la législation en vigueur, dans le droit commun, le code pénal, les moyens d’agir. Je vais prendre un exemple comme élu de Paris. L’interdiction des regroupements, décidée par le préfet de police samedi dernier, est une mesure qui aurait pu être décidée dans le cadre du droit commun. Rien ne nécessitait le recours à l’état d’urgence.

De même, je note que l’état d’urgence n’a pas été appliqué dans les communes de Seine-Saint-Denis. Souvent, monsieur Raoult, parce que les maires ne le souhaitaient pas (« Bien sûr ! », sur les bancs sur du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…

M. Éric Raoult. Ils ont un double langage !

M. Christophe Caresche. …et parce que le retour au calme, en Seine-Saint-Denis, s’est fait sans recours aux dispositions exceptionnelles, tel le couvre-feu prévu par l’état d’urgence.

En revanche, l’état d’urgence décrété pour trois mois, ce qui n’est pas rien, ce qui ne constitue pas un petit délai, comporte des atteintes aux libertés sur lesquelles le Conseil d’État semble avoir débattu longuement. Sur ce plan, votre projet de loi est pour le moins laconique, malgré les précisions que le président de la commission des lois a essayé d’apporter.

Je note, du reste, que le Président de la République nous propose d’adopter un dispositif qu’il avait lui-même contesté au moment de l’instauration de l’état d’urgence en Nouvelle Calédonie.

Je souhaite, pour terminer, revenir sur une proposition qui a été faite par M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, prévoyant le contrôle du Parlement sur la mise en œuvre de l’état d’urgence. Nous souhaitons que, au moins tous les quinze jours, le Gouvernement se présente devant le Parlement – pourquoi pas dans le cadre de la commission des lois – pour rendre compte de l’application de l’état d’urgence. Le Parlement doit exercer son droit de contrôle et d’évaluation.

M. Roland Chassain. Il n’est même pas applaudi par son groupe !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous voici réunis pour la seconde fois en une semaine pour évoquer les conséquences de la crise que traversent nos banlieues. Je dis bien : « les conséquences », car, hélas ! depuis quinze jours, le Gouvernement n'a pas trouvé le temps ou saisi l'opportunité de nous informer des causes de cette crise ni de demander à la représentation nationale quels en étaient les remèdes structurels, afin d’éviter que de tels événements ne se reproduisent.

Or, à nos yeux, ce serait pourtant à nous, parlementaires représentant la diversité des Français, diversité qu'évoquait, hier, le Chef de l'État, de tracer des lignes qui permettraient d'aller aux racines du mal français, à la source de la désespérance d'une large partie de nos concitoyens cumulant les difficultés, et qu'on a parqués, concentrés au fil des années dans quelques quartiers commodément qualifiés de « difficiles ».

Une telle crise ne trouvera pas de remèdes, je le crains, dans les habituelles potions concoctées et soigneusement filtrées par la haute administration de notre pays, de vos ministères. Tout cela ne peut accoucher que de cataplasmes composés d'annonces sans effets et d'espoirs qui seront à nouveau déçus, remèdes dont l'efficacité plus que douteuse sera rapidement remise en cause par le Gouvernement suivant, trop soucieux de se démarquer de son prédécesseur et d'imprimer « sa marque », bref, de montrer qu'il agit.

C'est ce que nous faisons depuis trente ans, et nous avons aujourd'hui, sous les yeux, la preuve irréfutable de notre échec. Car cette crise souligne notamment, selon nous, que notre façon de gouverner, de débattre, de décider est à bout de souffle. Elle tourne sur elle-même sans jamais coller à la réalité de notre pays et, loin de nous porter en avant en s’appuyant sur des constats lucides, elle nous amène à faire du surplace et fait de la vie publique un théâtre d'ombres.

Pour ne rien arranger, nous sommes à dix-huit mois d'une élection présidentielle.

M. Maxime Gremetz. Ah bon ? Je ne savais pas !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce qui signifie qu'aucune décision importante ne pourra être prise, que le débat électoral prochain risque, sur des sujets aussi complexes, de tourner à la caricature et à l'affrontement alors que nous aurions besoin d'analyses lucides et d'une mobilisation nationale qui transcende les mouvements politiques, tout comme les candidats au pouvoir.

Car si un remède doit être trouvé au mal, la durée du traitement dépasse, et de loin, un mandat présidentiel ou législatif. C'est la raison pour laquelle notre assemblée devrait constituer un groupe de travail, une mission ou une commission…

M. Roland Chassain. Une de plus !

M. Jean-Christophe Lagarde. …pour entendre les maires concernés, quelle que soit leur tendance politique, et pour dessiner à partir des réalités vécues sur le terrain, un projet durable, applicable et qui rassemblerait dans la durée les grandes formations politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

C’est à nos yeux la condition indispensable du rétablissement des fondements du pacte républicain. Mais, hélas, nous ne sommes pas réunis par cette dynamique aujourd'hui. Vous nous proposez de prolonger par la loi l'état d'urgence décrété par le Gouvernement la semaine dernière et ce, pour une durée de trois mois maximum.

À l'heure où s'ouvre ce débat, je me pose des questions simples. Qu'est-ce que l'état d'urgence ? Est-ce une mesure nécessaire ? Est-ce une mesure adaptée à la crise que nous vivons ? Est-ce une mesure efficace pour l'ordre public ?

M. Maxime Gremetz. Non !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je vais m'attarder quelques instants sur ce que signifie l'état d'urgence dans une démocratie en théorie solidement implantée comme la nôtre.

L'état d'urgence, et notamment celui prévu par la loi de 1955, a été conçu pour répondre à une situation de guerre. Il est prévu pour répondre à un péril imminent, menaçant gravement l'ordre public ou les institutions. Au-delà de cette mesure, il ne reste que l'application de l'article 16 de la Constitution, c'est-à-dire l’exercice des pleins pouvoirs par le Président de la République. La première question qui me vient à l'esprit, est de savoir si la France en est au point où, si le calme ne revenait pas malgré la loi d'exception, il nous faudrait recourir à l'article 16.

M. Roland Chassain. Pourquoi pas ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne le crois pas, et ce seul point démontre toute la limite de l'exercice périlleux auquel on se livre aujourd'hui avec ce projet de loi.

La France est-elle en guerre, ou bien en guerre civile ? Assurément pas. Si la crise est grave, si les dégâts sont importants, si les images télévisées sont impressionnantes, il faut quand même dire à nos concitoyens et au reste du monde qui nous a caricaturés ces dernières semaines (Murmures sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.), que les troubles, les violences et les émeutes que nous avons connus ne revêtent en rien le caractère d'une guerre civile.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. François Bayrou. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il s'agit en réalité du signe évident, même s'il se manifeste d'une manière totalement inacceptable, de l’exaspération, du désespoir d'une partie des jeunes de notre pays, vivant dans grand nombre de quartiers où l’on ne peut plus se sentir « fille et fils de la république », pour reprendre la formule du chef de l'État.

M. François Bayrou. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il ne s'agit donc pas d'une situation de guerre civile, mais d'une explosion populaire comme notre pays, qui a tant de mal à se réformer sans crise ou sans révolution, en a déjà connu de nombreuses dans son histoire.

Ces faits signifient que, pour des milliers de Français, la République ne remplit pas la première de ses promesses, celle qui veut que ceux qui travaillent et se démènent pour réussir aient démarré avec une chance égale de le faire.

En 1789, on écrivait que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Cela est vrai aujourd'hui. Les rédacteurs de la déclaration précisaient que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». Monsieur le ministre, tout le mal vient de ce que cela n'est absolument plus vrai dans de nombreux quartiers. Cette promesse républicaine, aujourd’hui trahie, doit être notre principale préoccupation pour les années à venir, si nous ne voulons pas que l’explosion de ce chaudron ne nous conduise, pour le coup, vraiment, vers une situation de guerre.

Je partage la ferme détermination du Gouvernement et notamment la vôtre, monsieur le ministre, à voir les auteurs de ces exactions traduits devant les tribunaux et lourdement sanctionnés. Des dizaines de milliers de Français ont été les victimes de ces exactions et ceci appelle une réponse pénale forte, monsieur le garde des sceaux.

Par ailleurs, aucune revendication, aucun malaise social ne peut justifier, excuser, dans une démocratie, qu'on pille, qu'on casse ou qu'on brûle quoi que ce soit et qui que ce soit. Sinon, nous sortirions définitivement de l'État de droit, ce que nous ne pouvons qu’être unanimes à refuser en tant que parlementaires.

Pour autant, je ne comprends pas la volonté du Chef de l'État de répondre à la situation par la prolongation d’une mesure propre au temps de guerre. J'ai cru comprendre que certains membres du Gouvernement, dont peut-être vous-même, s'étaient posé la même question que moi. On peut d'ailleurs s'interroger sur le fait de savoir si les lois d'exception sont le meilleur moyen de défendre l'État de droit quand ce n'est pas nécessaire.

S’agit-il donc bien d’une mesure nécessaire ? Il faut ici distinguer deux éléments. D'abord rappeler que l'application d'un couvre-feu ne nécessite aucunement l'état d'urgence. Le couvre-feu peut en effet être décidé par un préfet lorsque la situation est telle qu’il lui apparaît qu'il n'y a pas d'autre moyen de rétablir l'ordre public.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si on en arrivait à une telle situation, je serais le premier, monsieur le ministre, à considérer un couvre-feu comme nécessaire et je serais le premier, même, à le réclamer. Mais pour cela, point n'est besoin d'état d'urgence.

Ensuite, le Gouvernement a fort heureusement écarté de son décret et donc du projet de loi de prorogation, tout ce qui concernait la liberté de la presse, de réunion ou d'association. Reste donc, pour l’essentiel, les mesures permettant de réaliser des perquisitions sous l'autorité du préfet, sans l'intervention du juge d'instruction et les mesures relatives à l'assignation à résidence.

Ces deux dernières mesures peuvent se révéler utiles, mais de façon très ponctuelle et marginale. Encore pourraient-elles être encadrées de façon plus stricte afin qu’on puisse veiller à leur utilisation, j'y reviendrai à la fin de mon intervention. Mais, là encore, je crois qu'une bonne coordination avec les magistrats instructeurs aurait pu permettre d'éviter de passer par une loi d'exception pour ce qui concerne les perquisitions. Il n'y a donc d'élément réellement nouveau que dans la faculté d'assignation à résidence et d'interdiction de séjour. Faut-il une loi d'exception pour cela ? C'est tout le débat.

Enfin, est-ce une mesure efficace en termes d’ordre public ? Là encore, on ne peut que rester dubitatif. Les couvre-feux décidés ne semblent pas avoir été décisifs en ce qui concerne l’ordre public, ne serait-ce que parce que leur portée est généralement limitée à des horaires inadaptés et qu’ils sont d’application difficile, puisqu’ils ne visent qu’une partie de la population – les mineurs de moins de seize ans – et n’empêchent aucunement d’autres personnes de provoquer des troubles à l’ordre public. Depuis quelques jours, là où un couvre-feu a été décidé, il ne me semble pas que l’on observe un retour à la normale plus rapide que dans les quartiers où cette mesure n’a pas été prise. En tout état de cause, je le répète, le seul couvre-feu ne nécessite pas l’état d’urgence.

Quant aux autres mesures que celui-ci permet, elles n’ont pas été appliquées au plus fort de la crise : c’est donc qu’elles ne sont pas apparues nécessaires ou efficaces. On en revient donc à l’effet psychologique, à l’effet d’affichage qui serait nécessaire pour rassurer les Français – ce qui n’est pas une mince affaire et ne saurait être écarté du revers de la main –, ne serait-ce que pour montrer que l’on est prêt à faire face.

Adopter une loi d’exception pour des mesures préventives alors que le calme revient, ou en espérer un impact rassurant pour les Français, me paraît pour tout dire en décalage avec la réalité vécue sur le terrain.

Mais c’est, vous l’avez dit, la décision du chef de l’État. Étant donné la composition de nos assemblées, il ne fait guère de doute que ce projet sera adopté. Aussi reste-t-il aux parlementaires que nous sommes à obtenir de vous, monsieur le ministre d’État, une application mesurée, limitée, raisonnable d’un texte qui peut sembler excessif et déraisonnable.

À mes yeux, cela suppose que l’on satisfasse à quatre exigences.

La première est que l’application de l’état d’urgence fasse l’objet d’un contrôle parlementaire tous les quinze jours par les représentants de nos groupes, en votre présence. On ne peut pas donner au pouvoir exécutif une telle loi d’exception sans un contrôle vigilant et pointilleux du Parlement. Et le Parlement doit également avoir la possibilité de mettre à son ordre du jour un débat permettant d’anticiper éventuellement l’échéance de trois mois que vous avez fixée pour mettre fin à l’état d’urgence.

La deuxième exigence est que le pouvoir de perquisition conféré par la loi au préfet soit encadré et contrôlé par des magistrats – par exemple le procureur de la République –, afin que le pouvoir exécutif ne se retrouve pas seul à prendre des décisions qui touchent de façon certaine et essentielle aux libertés publiques.

La troisième est que les assignations à domicile soient immédiatement notifiées aux maires des communes concernées, en tant qu’officiers de police judiciaire, aux magistrats du ressort, et soient toutes mentionnées dans un rapport que le Gouvernement pourrait remettre aux présidents de groupes parlementaires.

La quatrième est qu’aucune mesure de couvre-feu ne puisse être appliquée contre la volonté du maire ou du conseil municipal d’une commune où il serait envisagé. Sur ce dernier point, monsieur le ministre d’État, vous avez déjà répondu à ma préoccupation lors du débat qui s’est tenu mardi dernier.

Jusqu’à présent l’usage que vous avez fait, en tant que ministre de l’intérieur, du décret pris la semaine dernière par le Gouvernement a été raisonnable et mesuré, mais on en a vu les limites. Sur deux des exigences que je viens d’évoquer, le Gouvernement s’est déjà prononcé favorablement : les maires ne peuvent se voir imposer un couvre-feu dans leur commune, et les magistrats contrôlent les conditions dans lesquelles les perquisitions seront décidées par les préfets. Afin d’éviter les dérives toujours possible dans de telles circonstances – on ne sait pas ce que demain ces quartiers nous réservent –, je vous demande de veiller à ce que les deux autres exigences soient remplies, pour que la représentation nationale soit associée à ces mesures.

Bien que la loi ne me paraisse pas nécessaire, bien que j’exprime des doutes sur son efficacité dans certains quartiers et même si je pense qu’on aurait peut-être pu en faire l’économie, je ne m’y opposerai pas, contrairement à mon intention première : je me contenterai de ne pas participer au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Éric Raoult. Le boute-feu va nous parler du couvre-feu !

M. Maxime Gremetz. Je suis étonné de me retrouver ici face à un ministre qui n’applique pas la loi. Vous êtes président de conseil général et maire de Neuilly-sur-Seine, monsieur le ministre d’État. Or votre commune n’applique pas la loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les chiffres officiels l’attestent : 2,56 % de logements sociaux à Neuilly-sur-Seine, alors que la loi en impose 20 % !

Quant à vous, monsieur Raoult, qui donnez beaucoup de leçons et faites beaucoup de manières…

M. Éric Raoult. Mon grand père était communiste !

M. Maxime Gremetz. On peut toujours mal tourner !

Vous êtes de toute façon bien mal placé, puisque l’on dénombre moins de 3 % de logements sociaux au Raincy. Pis : non content de violer la loi, vous appelez tous vos collègues maires de votre secteur à en faire de même ! Le tout au nom de la solidarité bien pensée entre communes !

M. Éric Raoult. Vous êtes complètement hors sujet !

M. Yves Nicolin. À Marly, ville communiste, 0 % de logements sociaux !

M. Maxime Gremetz. Je crois savoir que le conseil général des Hauts-de-Seine dispose de millions dont il ne sait que faire, mais qui, pour autant, ne vont pas à la solidarité.

Je tenais à le dire, monsieur le président, car c’est la première fois que je vois cela. La loi est faite pour tout le monde, et en particulier pour le ministre de l’intérieur et pour les députés !

Pour le reste, nous avons exprimé dès la semaine dernière notre désaccord au sujet du recours à la loi de 1955, de sinistre mémoire puisqu’il s’agissait de « pacifier » l’Algérie – on ne parlait pas encore officiellement de guerre d’Algérie, puisque celle-ci n’a été reconnue que quarante ans après –, c’est-à-dire des départements français en rébellion contre l’autorité.

M. Éric Raoult. C’est un député communiste de Bab-el-Oued qui l’avait demandée. Reportez-vous aux comptes rendus des débats !

M. Maxime Gremetz. Peut-être étiez-vous Algérie française, pas moi : je suis pour la liberté de chaque peuple. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. À Cuba aussi ? C’est nouveau !

M. Xavier de Roux. Pas de leçons, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. En appliquant cette loi, on stigmatise les quartiers populaires et on tente de diviser les Français de toutes couleurs. C’est extrêmement dangereux, comme le sont les provocations de M. Sarkozy sur la « racaille » et les « voyous ».

M. Yves Nicolin. Et les provocations permanentes de M. Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. Et vous venez de faire encore plus fort sur France 2, monsieur le ministre d’État, en disant aux jeunes Français de couleur qu’ils n’étaient pas Français mais Arabes et qu’ils parlaient mal. Quelle honte ! Si j’avais été sur le plateau, j’aurais réagi avec une telle vigueur que cela n’aurait pas duré.

M. Yves Nicolin. Vous auriez pu arriver en voiture sur le plateau !

M. Alain Cortade. Avant l’apéro, dans ce cas ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Quelle insulte suprême, qui a fait réagir vivement ces jeunes Français qui ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que tout un chacun et contribuent à construire l’avenir de notre pays. M. le Président de la République a bien fait de vous rappeler à l’ordre en disant que tous les Français, quelle que soit leur couleur, sont les enfants de la République : ce n’est pas votre théorie, qui est tout le contraire !

M. Yves Nicolin. Falsificateur !

M. Maxime Gremetz. Avec ces dispositions, le Gouvernement veut escamoter les problèmes de fond : la crise qui frappe les Françaises et les Français, le chômage qui touche plus de cinq millions de personnes et un jeune sur quatre, et même, dans les quartiers populaires – comme par exemple à Amiens –, six jeunes de moins de vingt-cinq ans sur dix. Cela vous fait sourire, monsieur Clément ? Il est vrai que cela vous ne gêne pas, puisque vous ne vivez pas dans ces quartiers !

La précarité est généralisée pour le plus grand profit du MEDEF et de ses bénéfices faramineux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce sont 80 % des prétendus emplois qui sont précarisés ou intérimaires. Et faut-il vous rappeler que lorsque l’on est précaire, on n’a pas droit à un prêt bancaire, ni à un logement ? Autrement dit, on n’a aucun espoir de fonder une famille et de construire son avenir. Le Gouvernement veut masquer la crise du logement dont il est responsable, celle des formations qui ne sont pas à la hauteur, la baisse des moyens des collectivités locales et la hausse de la fiscalité, la suppression de la police de proximité, la justice en panne, les budgets d’aide aux associations en berne… Les moyens baissent également pour les actions de prévention, d’accompagnement social, culturel et sportif, démocratique, destinées à favoriser la citoyenneté, la solidarité, la fraternité, l’égalité, et à lutter véritablement contre les discriminations et le racisme.

Le budget présenté par le Gouvernement va aggraver encore cette situation. Je ne saurais, moi, vous proposer un front républicain, car vous multipliez les cadeaux aux grandes entrepris qui placent en bourse et spéculent plus que jamais dans la finance,…

M. Xavier de Roux et M. Jean-Charles Taugourdeau. N’importe quoi !

M. Maxime Gremetz. …au détriment de l’investissement, de la recherche ou des nouvelles technologies, et qui agissent contre l’emploi bien payé, contre les travailleurs bien formés, contre des droits nouveaux permettant d’assumer une pleine citoyenneté. Au lieu d’augmenter l’impôt sur les grandes fortunes, on l’abaisse. Les riches sont encore plus riches, les millions de pauvres encore plus pauvres. L’argent coule à flots, de façon outrancière et provocante, pour une caste de possédants et d’actionnaires.

M. Yves Nicolin. On dirait du Marchais, en pire !

M. Maxime Gremetz. Et les jeunes, monsieur le ministre d’État, en ont assez de n’être ni écoutés ni entendus. Ils ont, avec la majorité du peuple, lancé des messages clairs, non seulement à la présidentielle, mais le 29 mai et le 4 octobre dernier. Notre peuple est excédé : on le voit bien dans les luttes sociales, dans les quartiers et les villages de notre pays, y compris ceux où l’on ne rencontre que des Blancs !

Pourquoi le Gouvernement a-t-il besoin de déclarer l’état d’urgence ? Pour prendre des voix au Front national, monsieur Sarkozy, pour faire oublier votre bilan désastreux et pour intimider notre peuple ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Roland Chassain. Ces propos sont honteux !

M. Maxime Gremetz. Il faut certes assurer la sécurité des biens et des personnes : au demeurant, comme vous et le chef de la police l’avez dit, les autorités connaissent les incendiaires et les casseurs, qui doivent être punis durement. La justice doit passer, mais il faut dialoguer avec la population, l’écouter pour construire avec elle.

Face à la décision scandaleuse du Gouvernement de proroger l’état d’urgence, avec toutes ses dérives possibles,…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Là, les communistes savent de quoi ils parlent !

M. Maxime Gremetz. …le groupe communiste et républicain votera contre ce projet de loi.

Quant à votre couvre-feu, monsieur le ministre d’État, voyez la presse d’aujourd’hui. À Amiens, où il ne se passait rien, le préfet a instauré le couvre-feu à votre instigation. Il ne m’a pas consulté : je l’ai appris incidemment ! Notez que c’est formidable, le couvre-feu : on interdit complètement l’accès dans une rue, mais celle d’à côté est parfaitement libre et les jeunes y vont pour être tranquilles ! Et l’on ferme les commerces, si bien que les gens ne peuvent plus aller faire leurs courses.

M. Yves Nicolin. À vingt-trois heures, les commerces sont fermés, autant que je sache !

M. Maxime Gremetz. Eh bien, le lendemain du couvre-feu, les radios et télévisions nationales et internationales, qu’elles soient japonaises, russes, américaines, canadiennes (« Cubaines ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) sont accourues à Amiens, qui n’est pas loin de Paris, pour expliquer que cette mesure avait tout résolu. Mais, comme le note Le Courrier picard d’aujourd’hui, il se trouve que les incendies de véhicules sont en nette augmentation depuis le couvre-feu ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quelle efficacité extraordinaire !

Vous jouez avec le feu et le savez, monsieur le ministre d’État ! Attendez-vous à des mouvements sociaux, car le peuple français n’en peut plus (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qu’ils s’agisse des travailleurs salariés, des 3,5 millions de travailleurs qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, ou encore du million de personnes sans domicile fixe. On n’avait jamais vu cela en France, et vous en subirez les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Hamel.

M. Gérard Hamel. Monsieur le ministre d'État, vous nous demandez d'approuver la prolongation de l'état d'urgence au regard des circonstances exceptionnelles que connaît notre pays. Bien évidemment, nous vous apportons notre soutien, et je peux témoigner de celui de la très grande majorité de nos compatriotes, qui en a assez du désordre et des violences. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vous remercie d'avoir souligné à plusieurs reprises le rôle indispensable des élus locaux, notamment des maires. En effet, qui mieux que le maire peut déployer, au jour le jour et dans la durée, l'ensemble des dispositifs existants afin d'aider au mieux ceux de nos concitoyens qui connaissent de réelles difficultés ?

Notre politique doit être fondée sur la fermeté et le discernement. L'intervention du chef de l'État hier soir nous a montré que l'ensemble des problèmes liés à cette crise était pris en compte par le Gouvernement. Je vous demande en plus de déclarer l'urgence administrative (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) sur toutes les politiques que le Gouvernement déploie – cohésion sociale, rénovation urbaine, maisons de l’emploi. Nous avons besoin de simplification administrative pour agir vite et de déconcentrer le suivi de ces politiques, car il n’est pas acceptable de consacrer aujourd'hui plus de temps à l'élaboration d'un dossier qu'à son exécution.

Dans les circonstances que nous vivons actuellement, l'union de tous les Français s'impose autour de nos forces de l’ordre, de nos pompiers, de l'ensemble des acteurs qui agissent quotidiennement afin de prévenir toute explosion urbaine.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Gérard Hamel. Quant aux délinquants, il faut qu'ils soient interpellés et déférés devant les tribunaux pour qu’une sanction leur soit infligée. Nous, élus locaux, souhaitons que les condamnations actuellement prononcées puissent l'être durant toute l'année et pas seulement lorsque l'état d'urgence est déclaré. Nous ne voulons plus voir des délinquants parader devant les médias et nous parler de leurs problèmes sociaux, alors qu'ils possèdent des téléphones portables dernier modèle et des vêtements que beaucoup de Français n'ont pas les moyens d'acquérir. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Janine Jambu. C’est incroyable !

M. Gérard Hamel. Nous ne voulons plus les voir en liberté après qu'ils ont brûlé des voitures et pourri la vie de nos quartiers.

M. Maxime Gremetz. C’est vraiment au ras des pâquerettes !

M. Gérard Hamel. Enfin, monsieur le ministre d'État, vous avez tout notre soutien pour ce qui concerne l'expulsion de tout étranger fauteur de troubles. Et si vous deviez rencontrer des obstacles, les parlementaires de la majorité seraient à votre disposition pour les lever. Comme vous l'avez souligné dans notre hémicycle, quand on a l'honneur d'avoir un titre de séjour on doit en être digne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Ça commence à sentir mauvais !

M. Gérard Hamel. Je vous demande de persévérer et d'accentuer votre action contre l'économie souterraine et les réseaux mafieux qui existent dans certains quartiers, car nous ne pourrons pas déployer une politique sociale efficace tant que ces mafias y séviront.

M. Jean-Claude Sandrier. Il serait temps de s’en occuper !

M. Gérard Hamel. S'agissant du discernement, je veux témoigner à cette tribune que l'immense majorité des habitants de nos quartiers, jeunes ou moins jeunes, n’aspirent qu’à la paix et à trouver du travail. Ne cédons pas à la facilité de l'amalgame dans laquelle certains voudraient nous pousser. En matière d'emploi, par exemple,…

M. Maxime Gremetz. Il y a aussi beaucoup de voyous chez les patrons et vous ne faites rien !

M. Gérard Hamel. …nous ne pouvons pas tolérer les discriminations à l'embauche, pas plus d'ailleurs que le racisme anti-français.

M. Maxime Gremetz. Et pour les scandales financiers, vous ne faites rien non plus !

M. Gérard Hamel. Dans ces quartiers, les habitants ne comprennent pas que les familles qui posent problème aient les mêmes droits que les honnêtes gens. Il faut que la responsabilité parentale soit recherchée et les sanctions réellement appliquées.

M. Jean-Marc Roubaud. Eh oui !

M. Gérard Hamel. Par son action au quotidien et ses différentes déclarations, le Gouvernement a su montrer qu'il savait allier la fermeté envers ceux qui troublent l’ordre public et l'aide à nos compatriotes qui connaissent des difficultés sociales réelles.

Monsieur le ministre d’État, vous avez notre soutien et notre confiance. Nous voterons sans réserve ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Ça n’a pas changé, c’est toujours le parti des godillots !

M. le président. La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis près de trois semaines, les Français sont les spectateurs impuissants de violences urbaines. Qu'ils soient directement victimes ou non, leur aspiration première est le retour à l'ordre. Celui-ci constitue donc pour nous tous un impératif et un préalable absolu.

M. Éric Raoult. Très bien !

Mme Martine David. Pour légitime qu'il puisse être, le sentiment de révolte des uns ne peut justifier le chaos que subissent tant d'autres.

M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !

Mme Martine David. Seul l'apaisement peut aujourd'hui permettre l'établissement du dialogue, mais aussi la mise en œuvre des mesures audacieuses et volontaristes attendues par la jeunesse de notre pays.

M. Yves Nicolin. Très bien !

Mme Martine David. Le désordre, quant à lui, ne peut engendrer que la radicalisation, le rejet et l'exclusion.

M. Éric Raoult. Excellent !

M. Thierry Mariani. Ça commence bien !

Mme Martine David. Nous ne serons bientôt plus d’accord ! (Sourires.)

À notre sens, la prolongation de l'état d'urgence relèverait de cet excès.

M. Thierry Mariani. Et voilà, ça finit mal ! (Sourires.)

Mme Martine David. L'État de droit semblant aujourd'hui en voie d'être rétabli, l'heure doit désormais être au dialogue et à l'apaisement. Nous refusons donc ce qui contribuerait à stigmatiser durablement des territoires, des jeunes, et risquerait d’attiser des braises encore brûlantes.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Démagogie !

Mme Martine David. On ne peut continuer à montrer du doigt nos quartiers populaires, leurs habitants, des villes, des agglomérations entières et à les enfermer durablement dans une législation, dans un statut d'exception.

Les mesures à même d'assurer le retour à l'ordre n'existent-elles pas dans notre arsenal juridique ? Nous savons tous que si. Les gouvernements qui vous ont précédé, sous quelque majorité que ce soit, ont tous contribué à doter notre législation des moyens – parfois les plus répressifs – de lutte contre les exactions. Mettre le feu à un véhicule ou à un équipement public, caillasser les pompiers ou les forces de l'ordre, de tels actes sont heureusement punis par la loi. La justice doit donc prononcer des peines sévères à l’encontre de ceux qui les commettent.

M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !

Mme Martine David. Quant à la surveillance et à l'encadrement des mineurs, à la lutte contre l'économie parallèle et contre les trafics de drogue ou d’armes, toutes les dispositions existent pour les combattre, pour peu qu'on dégage les efforts financiers suffisants et pérennes nécessaires à leur application au niveau de la justice et de la police.

M. Bernard Roman. Eh oui !

Mme Martine David. Si l'on doit rendre hommage à la compétence et au sang-froid des forces de l’ordre, il faut aujourd'hui réinstaurer la police de proximité. Injustement caricaturée, notamment par M. le ministre de l’intérieur (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), on mesure aujourd'hui les conséquences de sa suppression. Ni professeurs-gadget, ni moniteurs de colonie de vacances, ces policiers avaient su tisser un véritable lien de proximité avec les populations et singulièrement avec les jeunes.

M. Roland Chassain. Des combines !

Mme Martine David. Ce lien entre l’individu et la loi, entre le citoyen et la République est à l'heure actuelle rompu.

Enfin, nous l'avons dit à maintes reprises, s'il y a une situation d'urgence, elle est sociale. Si une loi doit être proposée à notre assemblée, c'est d'abord une loi de programmation, comme je vous l’ai demandé la semaine dernière, qui nous donne enfin les moyens d'une action de longue durée constructive en faveur du logement, de l’éducation, de l'emploi, de l'insertion et des associations,…

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. C’est la loi de cohésion sociale !

Mme Martine David. …venant compenser les coupes budgétaires destructrices auxquelles la majorité a procédé depuis trois ans et demi.

M. Jean-Marie Geveaux. C’est tout le contraire !

Mme Martine David. La vérité est que nos banlieues sont pleines de ressources, de richesse humaine. Comme l'a justement souligné Jean-Marc Ayrault, l'action des forces de l'ordre s'est avérée d'autant plus efficace qu'elle s'est appuyée sur la médiation d'élus, d'associations, d'habitants. Le potentiel, la bonne volonté et l'espoir sont là. Ne les sapez pas par une politique de stigmatisation ! Donnons-nous les moyens de réussir. La sécurité et l'ordre républicain sont des préalables indispensables que nous devons à nos concitoyens. Mais nous devons aussi offrir à tous des perspectives. Telle n'est malheureusement pas l'ambition du projet de loi que vous nous soumettez. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste s’y opposera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, il nous est demandé aujourd'hui de proroger l’état d’urgence pour trois mois. Quelle image de notre pays est ainsi donnée à l'extérieur !

M. Yves Nicolin. Et ceux qui mettent le feu, quelle image donnent-ils ?

Mme Martine Billard. La République est-elle en danger ? Y a-t-il guerre civile ? Non.

L'état d'urgence, nous sommes habitués à en entendre parler à propos de pays totalitaires, de pays dictatoriaux. Mais dans une démocratie, et dans notre pays précisément, y avait-il besoin de déclarer l'état d'urgence, qui plus est en utilisant la loi du 3 avril 1955, « instituant l'état d'urgence et en déclarant l'application en Algérie » ?

Après le refus de reconnaître les terribles événements du 17 octobre 1961, après l’affirmation du rôle positif de la colonisation au détour d'une loi en faveur des rapatriés d'Algérie, voilà que pour réprimer les violences urbaines, vous ressortez cette loi issue du passé colonial de la France ! Quel terrible symbole ! Même lors des événements de 1968, le Gouvernement n'avait pas décidé l'état d'urgence.

Oui, il est de la responsabilité du Gouvernement, quel qu’il soit, de trouver les solutions pour arrêter les violences. Mais cela ne peut se faire sans essayer d'en comprendre les origines, ni en mettant de l'huile sur le feu. Car il ne suffit pas de rétablir momentanément l'ordre, encore faut-il être capable de supprimer les raisons de ces violences.

Aujourd'hui, avez-vous besoin de cette loi de prolongation de l'état d'urgence ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La réponse est clairement non. (« Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Plusieurs collègues l’ont dit, des couvre-feux pour les jeunes, des interdictions de rassemblement, de manifestation, il y en a déjà eu sans que le recours à l’état d'urgence ait été nécessaire. Quant aux contrôles d'identité au faciès, ce sont justement ceux que les jeunes des cités ne supportent plus aujourd’hui.

M. Roland Chassain. Arrêtez !

Mme Martine Billard. Quelles sont donc vos raisons politiques profondes ? Depuis trois ans, toutes vos réformes judiciaires et toutes les propositions de votre majorité n'ont qu'un seul fil conducteur : la réduction constante des libertés.

M. Guy Geoffroy. Caricature !

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Calmez-vous voyons !

Mme Martine Billard. Vous voulez continuer à surfer sur la peur. Le décret, puis cette loi, ainsi que vos discours, monsieur le ministre, ont pour effet terrible que des cités entières et toute une jeunesse qui essaie de s'en sortir sont renvoyées à une même image : celle d'habitants de territoires à part, pour lesquels on déclare le couvre-feu. C'est la division de la France en deux. D’ailleurs, quand on entend parler dans cet hémicycle de sacrifices financiers à propos des investissements dans les quartiers populaires, on se dit que l’égalité est mal partie.

À ne pas avoir su ou voulu combattre efficacement les inégalités et discriminations qui se cumulent dans les quartiers de relégation sociale, la fracture sociale, raciste et territoriale de la France s'est élargie au cours des dernières décennies. Et la politique de sabrage budgétaire menée depuis trois ans, ainsi que la stigmatisation constante de l'immigration débouchent aujourd'hui sur cette crise, alors que tous les clignotants étaient au rouge.

Vous sommez les jeunes de « s'intégrer », mais la majorité d’entre eux est née ou a fait sa scolarité ici. À leur rappeler sans cesse qu'ils sont « Français d'origine étrangère », que veut-on affirmer si ce n’est qu’ils ne seront jamais, pour certains à droite et malheureusement parfois à gauche, des Français à part entière ?

M. Jean-Marc Roubaud. Si, à condition qu’ils respectent les lois !

Mme Martine Billard. Quand vous stigmatisez les « étrangers qui ont participé à ces violences », vous oubliez qu’ils sont, certes, étrangers au regard de la loi, mais Français par leur éducation.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Eh bien, quel exemple !

M. Jean-Marc Roubaud. On voit le résultat !

Mme Martine Billard. Quel est donc le pays vers lequel vous voulez les renvoyer ? La plupart ne le connaissent même pas !

Parce que non-violents, les Verts ne peuvent se reconnaître dans des actions violentes contre les personnes ou les biens, ni considérer comme normal de détruire des équipements publics. Ces violences sont autodestructrices et nuisent essentiellement aux habitants des quartiers en difficulté. Faire cesser les violences contre les personnes qui aspirent légitimement au calme est bien sûr nécessaire. Malheureusement, nous le savons, la détresse sociale et les discriminations ne sont pas toujours bonnes conseillères pour choisir la façon d'exprimer sa révolte. Que demandent les jeunes de ces quartiers ? Du respect !

M. Roland Chassain. Qu’ils commencent déjà par nous respecter !

Mme Martine Billard. Du travail ! De l'espoir pour leur avenir !

M. Yves Nicolin. Les moins jeunes aussi en ont besoin !

Mme Martine Billard. Bref, la fin des discriminations sociales et territoriales ! Et que propose le Gouvernement ? Des contrats aidés, des stages, l’apprentissage à quatorze ans ! Ils n’arrivent déjà pas à en trouver à seize ans à cause de la discrimination à l’embauche, pourquoi en serait-il autrement à quatorze ans ?

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Vous n’avez toujours pas de proposition constructive pour lutter contre les discriminations. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On ne répond pas à une crise sociale par un régime d'exception. Par conséquent, non seulement les députés Verts voteront contre la prolongation de l'état d'urgence, mais ils demandent l'abrogation de la loi de 1955. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi relatif à la prorogation de l’application de la loi du 3 avril I955 et de l’état d’urgence pendant trois mois intervient au moment même où tous les observateurs s’accordent à reconnaître une vraie accalmie dans les banlieues françaises. Pourquoi alors ne pas chercher à durablement apaiser les esprits ?

Avec ce projet, vous jetez une nouvelle fois de l’huile sur le feu en stigmatisant les quartiers populaires et leurs habitants. Cela risque d’envenimer les rancœurs et de provoquer de nouveaux incidents là où le retour au calme est annoncé.

M. Dominique Le Mèner. Espérons-le !

M. Yves Nicolin. Grâce à qui ?

M. Frédéric Dutoit. La France risque d’entrer dans un engrenage dont il lui sera difficile de sortir. Je partage totalement l’appréciation du président de la Ligue des droits de l’homme : une réponse policière à une question sociale n’augure rien de bon.

M. Dominique Le Mèner. Brûler des voitures est un problème social !

M. Frédéric Dutoit. Le texte soumis au vote de l’Assemblée nationale aujourd’hui fait ressurgir de sombres heures de l’histoire coloniale de la France. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pourquoi dire aux Français des quartiers populaires qu’ils ne sont pas tout à fait comme les autres Français, qu’ils n’ont plus les mêmes droits ? Pourquoi traiter les quartiers populaires comme des quartiers de seconde zone ?

Pourquoi désigner à nouveau les immigrés comme des boucs émissaires ? Pourquoi stigmatiser leurs enfants, souvent de nationalité française au demeurant ?

Avec ce projet de loi, c’est la démocratie et les libertés individuelles de tous les citoyens que vous mettez en danger.

Pendant trois mois, le droit de se réunir et de manifester sera soumis à l’arbitraire gouvernemental (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Thierry Mariani. Quelle caricature !

M. Frédéric Dutoit. …des perquisitions pourront se dérouler de jour comme de nuit sans recourir aux autorités judiciaires, le couvre-feu pourra être décrété, des étrangers en situation régulière pourront être expulsés.

M. Dominique Le Mèner. Heureusement !

M. Frédéric Dutoit. Où s’arrêtera cette dérive sécuritaire d’un autre temps ?

M. Jean-Marie Geveaux. Quand ça ira mieux !

M. Frédéric Dutoit. Je le dis comme je le pense : vous voulez mettre la France en liberté surveillée ! Jouer avec les peurs des Françaises et des Français est dangereux pour notre avenir.

La crise sociale que traverse notre pays réclame une autre réponse qu’un régime d’exception. Elle mérite un regard neuf, sans complaisance pour les politiques responsables de cette crise.

N’oublions pas qu’en l’espace de trois années le mal a empiré partout en France et plus encore dans les quartiers populaires. Le dernier rapport de l’Observatoire des zones urbaines sensibles souligne que tous les indicateurs y sont au rouge et que le chômage y est à la hausse.

Moi, je ne parle pas de crise des banlieues ; je parle d’une crise de la société française, d’une crise de l’ultralibéralisme que vous nous imposez.

Cette crise fait plus de ravages là où il y a déjà plus de pauvreté : dans les cités, des enfants n’ont parfois jamais vu leurs parents, et quelquefois leurs grands-parents, aller au travail et le taux de chômage y atteint régulièrement la barre des 4O %, parfois davantage.

M. Roland Chassain. Cela ne date pas d’aujourd’hui !

M. Frédéric Dutoit. Cette crise ne peut plus s’accommoder d’une politique de rustines. II y a urgence à sortir des logiques de ghettoïsation et à investir durablement dans l’avenir.

Les habitants des quartiers populaires ont le sentiment d’être abandonnés par la République. En trois ans, les gouvernements qui se sont succédé se sont employés à défaire les politiques, certes souvent insuffisantes, bâties quelques années plus tôt.

Les emplois-jeunes ? Les surveillants dans les collèges et les lycées ? Supprimés ! Les policiers de proximité ? Disparus ! Les subventions aux associations ? Diminuées, voire supprimées !

À chaque fois que j’ai dénoncé cette politique d’abandon, notamment pour Marseille, vous m’avez répondu que j’exagérais le mal-être de milliers de familles, que tout était prévu pour améliorer la vie de nos concitoyens !

J’observe que la colère des banlieues, au-delà des actes de vandalisme et des violences autodestructrices inacceptables, a contraint le Gouvernement à annoncer le rétablissement de certains dispositifs qu’il avait précipitamment défaits. Il était temps.

Mais je reste sceptique, très sceptique.

Me vient à l’esprit l’exemple de la police de proximité. Son retour, pourtant indispensable pour rassurer nos concitoyens qui souffrent de l’insécurité et du sentiment d’insécurité, s’annonce mal. Le Gouvernement parle de redéploiement des forces de l’ordre, notamment dans les quartiers populaires. Il est prêt à remplacer sur place de vrais policiers de proximité par des CRS !

Ce n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle provocation, une manière de programmer de nouveaux dérapages.

À Marseille, de l’aveu même des forces de police, il manque au moins trois cents policiers pour assurer les missions élémentaires de la police nationale. Toujours à Marseille, on nous annonce – par la bande – une réorganisation des services de police et la fermeture des commissariats de proximité dans le XVIe arrondissement.

De qui se moque-t-on ?

Les Françaises et les Français, les femmes et les hommes qui vivent sur notre territoire réclament le calme et la fin de toutes les discriminations. Ils aspirent à une vie meilleure, moins inhumaine, plus juste. Des mots, pardonnez-moi l’expression, ils s’en foutent.

Pour sortir de cette crise de la société, exacerbée par celle des quartiers populaires, il faut rompre avec les politiques qui ont échoué hier,…

M. Pierre Cardo. Et avant-hier !

M. Frédéric Dutoit. …qui échouent aujourd’hui et qui échoueront demain si le Gouvernement persiste dans la voie de l’impasse.

L’urgence n’est pas de demander une énième fois au service public de l’emploi de rencontrer les jeunes sans travail ; l’urgence, c’est de leur proposer un emploi, une formation qualifiante.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Frédéric Dutoit. L’urgence, c’est d’augmenter substantiellement tous les minima sociaux, notamment en cette veille de Noël ; c’est de relever le pouvoir d’achat des ménages pour relancer la consommation et la création d’emplois.

M. Roland Chassain. C’est ce que fait le Gouvernement !

M. Frédéric Dutoit. L’urgence, c’est de réinvestir dans l’éducation nationale et de débloquer des crédits conséquents pour nommer plus d’enseignants, tout particulièrement dans les zones d’éducation prioritaire, qui sont aujourd’hui privées de moyens à la hauteur des enjeux.

L’urgence, c’est de rétablir et d’augmenter les subventions aux associations qui œuvrent sans relâche dans les cités ; c’est d’installer de nouveaux services publics de proximité dans les quartiers populaires, de favoriser par des mesures fiscales incitatives l’ouverture de nouveaux commerces.

L’urgence, c’est d’écouter la société et de lui redonner confiance. C’est d’adresser des messages de respect à ces familles qui souffrent et de redonner du sens à l’action de l’État.

Bref l’urgence, c’est de s’engager dans la voie de la transformation de cette société, car – et je fais une première citation – « Si l’on est d’accord pour dire que l’efficacité d’un système économique est sa capacité d’allouer les ressources rares aux bons endroits et aux bons moments, l’évolution actuelle du capitalisme est inquiétante.

« La conjonction d’une exigence de rentabilité élevée de l’épargne et de la gestion de celle-ci par des professionnels en concurrence amène à privilégier les projets de court terme au détriment des projets de développement et de recherche,

« Si l’épargnant veut 20 % de rentabilité du capital, on va finir par arrêter les projets nécessaires à la croissance de long terme. »

Je poursuis par une seconde citation : « […] il s’agit non d’un accident, mais d’une évolution majeure dans la structure du capitalisme mondial. […] Aujourd’hui, les propriétaires-actionnaires sont animés par un désir d’enrichissement dissocié de l’esprit d’entreprise.

« Le capitalisme actuel est anonyme. Les détenteurs du capital, distincts des chefs d’entreprise, sont les 300 millions d’actionnaires qu’il y a sur la planète.

« Depuis 1947, la part des dividendes dans le revenu national, aussi bien aux États-Unis qu’en France, a quadruplé : la rémunération des actions augmente à peu près deux fois plus vite que le taux de croissance. Enfin, l’instrument même de l’investissement à long terme – l’action – est devenu le support très liquide de spéculations à très court terme de la sphère financière. »

La première citation que je viens de faire est de M. Patrick Artus, directeur des études économiques à la Caisse des dépôts et professeur à Polytechnique. La seconde est de M. Jean Peyrelevade, ancien patron du Crédit lyonnais. Je vous renvoie à L’Express d’il y a quinze jours.

Face à la crise de la société capitaliste d’aujourd’hui qui s’exprime par ces violences inacceptables, il faut débattre, non pas de l’instauration de l’état d’urgence, mais d’un vrai plan d’urgence sociale pour 1es quartiers populaires, les jeunes et leurs familles. Nous devons débattre ici d’une vraie alternative à une politique qui paupérise les familles défavorisées pour enrichir les familles les plus fortunées. N’est-ce pas là le nœud du problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Dutoit, d’avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole. Vous avez été parfait, exemplaire, comme d’habitude.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je vais essayer, moi aussi, d’être exemplaire !

Monsieur le ministre d’État, comme vous l’avez rappelé, la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence dispose que « l’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Qui peut sérieusement nier aujourd’hui que nous sommes face à des atteintes graves de l’ordre public ?

Cet état d’urgence est déclaré par décret pour douze jours et seule une loi peut le proroger. Monsieur le ministre d’État, vous proposez aujourd’hui au Parlement de le prolonger pour trois mois en vous engageant à réduire ce délai par décret dès que l’ordre public sera rétabli.

De toute évidence, avec 8 800 voitures brûlées depuis le début des violences urbaines le 28 octobre dernier, et encore 215 cette nuit, la représentation nationale se doit d’éviter toute politique politicienne et de penser avant tout au rétablissement de l’ordre républicain,

Notre pays subit des violences inadmissibles depuis maintenant une vingtaine de jours.

Policiers et gendarmes sont sur le terrain depuis le début des émeutes, sans oublier tous ceux qui concourent au rétablissement de la sécurité dans notre pays – je pense aux magistrats et également, bien sûr, aux pompiers, eux aussi caillassés lorsqu’ils viennent éteindre les feux des voyous. Je profite de l’occasion pour leur rendre un hommage collectif pour le sang-froid remarquable dont ils continuent de faire preuve dans des conditions particulièrement délicates.

À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Vous souhaitez, monsieur le ministre d’État, que nous prolongions l’état d’urgence afin de rétablir l’ordre républicain. Vous avez, en cette occasion, toute notre confiance et pouvez compter sur notre soutien, comme sur celui, vous le savez, de la majorité des Français.

En effet, nous savons que nous ne vous donnons pas « carte blanche », ni même les « pleins pouvoirs » – pour reprendre l’expression de ceux qui, pendant des années, ont échoué en matière de lutte contre l’insécurité. Comme à votre habitude, vous nous rendrez compte de vos actions et de vos résultats.

Chers collègues, il n’est pas acceptable que nos banlieues soient devenues des zones de non-droit, où règne une minorité agissante de hors-la-loi. La situation est devenue intolérable, et ce sont les habitants de ces quartiers qui en souffrent le plus.

C’est pour ces raisons que je voterai ce projet de loi : il permettra au Gouvernement d’agir avec efficacité pour rétablir l’ordre républicain.

Mais, permettez-moi, monsieur le ministre d’État, de vous demander plus. Lorsque l’ordre républicain sera rétabli, les bonnes questions devront être posées et les bonnes solutions trouvées.

Premièrement, ces événements nous démontrent la faillite de la politique d’intégration républicaine menée ces vingt dernières années,

Pour la prévention de la délinquance, nous avons, pendant des années, saupoudré de subventions des associations qui au quotidien font ce qu’elles peuvent. Mais cette politique manque de cohérence et, de toute évidence, d’efficacité.

Nous devons, certes, tout mettre en œuvre pour favoriser l’intégration. Subventionner certaines associations peut nous donner bonne conscience mais il est temps, comme cela a été appliqué dans la police, que ces associations développent une culture du résultat, résultat que nous pourrons mesurer au comportement de nos jeunes : ils comprendront enfin que la citoyenneté française implique des droits – notamment à la non-discrimination – mais aussi des devoirs, au premier rang desquels le respect des lois de la République

Oui à la générosité : elle a toujours été présente. Non à l’angélisme : nous voyons son échec aujourd’hui.

Deuxièmement, pour réussir l’intégration – ne nous voilons pas la face –, nous devons aussi nous donner les moyens de choisir notre immigration.

Dès 2003, nous avons décidé, dans le projet de loi que vous présentiez, monsieur le ministre d’État, et dont j’étais le rapporteur, de subordonner la délivrance de la carte de résident à la preuve de « l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ». Je souhaite vivement que nous puissions, dans un avenir proche, exiger cette condition d’intégration aussi pour le regroupement familial.

Certains États, comme le Canada, exigent, avant l’arrivée sur leur territoire, une connaissance minimale de la langue et des règles de vie canadiennes. Pourquoi cette piste ne serait-elle pas explorée ?

Enfin, ne serait-il pas plus opportun, comme vous l’avez proposé, de privilégier désormais une immigration de travail, celui-ci étant la première condition de l’intégration ? Quand on travaille pendant la journée, on ne fait pas brûler la voiture du voisin la nuit !

Monsieur le ministre d’État, ces vingt derniers jours auront marqué durablement la France. Il nous appartient désormais qu’ils soient le déclic pour une nouvelle politique d’intégration où générosité et fermeté et justice soient enfin associées, afin que tous ceux qui respectent nos lois trouvent leur place dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Mariani. Vous avez été, vous aussi, exceptionnel, puisque vous avez respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Pierre Cardo.


M. Pierre Cardo
.
Monsieur le ministre, il importe de répondre à la question posée : « Va-t-on proroger ou non l’état d’urgence ? »

On peut essayer, aujourd’hui, de refaire la société, mais c’est un peu court. Nous avons eu des années pour cela et nous n’avons manifestement pas réussi. En effet, la violence qui s’exprime ne date pas d’aujourd’hui. Les tensions étaient perceptibles depuis assez longtemps.

Je me suis déjà exprimé sur les questions du couvre- feu et de l’état d’urgence. Je ne suis pas contre le principe. J’y suis favorable dans certaines circonstances, à condition, bien évidemment, que l’on n’en abuse pas. Car un usage inconsidéré pourrait susciter des effets totalement contraires à ce que nous souhaitons. C’est un peu comme les antibiotiques, qui, utilisées à mauvais escient, finissent par produire un effet négatif.

Il me paraît important de rappeler que, à quelques exceptions près, le couvre-feu et les moyens exceptionnels dont vous avez disposé – que le Gouvernement vous a donnés – ont été utilisés avec parcimonie. Vous avez pris en considération l’avis des élus locaux, ce qui est important, car nous sommes bien placés, les uns et les autres, pour savoir si telle ou telle mesure est nécessaire.

Faut-il ou non proroger l’état d’urgence ? Je répondrai en posant deux ou trois questions.

Première question : sommes-nous certains de ne pas avoir, dans les trois mois qui viennent, besoin de recourir à l’état d’urgence ? Cette question est importante, car d’autres en découlent.

Mme Martine David. Vous faites bien de nous le dire. Nous n’avions pas compris !

M. Pierre Cardo. Deuxième question : ne peut-on pas se contenter de reprendre ultérieurement la même disposition en Conseil des ministres ?

Qu’adviendrait-il si nous procédions ainsi ?

Le Conseil d’État nous ferait remarquer, dans son avis, qu’il ne faut pas obligatoirement procéder de cette manière et que le Parlement doit servir à quelque chose.

Et puis, souvenons-nous des réactions indignées sur certains bancs lorsque le Gouvernement avait annoncé, avant les vacances, qu’il avait décidé de recourir à la procédure des ordonnances pour aller plus vite. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Darciaux. Les habitudes ne changent pas !

M. Pierre Cardo. La question posée aujourd’hui est bien réelle, et il est nécessaire que le Parlement tranche, à la suite d’un débat.

Nous ne pouvons pas demander au Gouvernement de prendre une disposition, au risque de se faire tacler par le Conseil d’État et probablement par les parlementaires eux-mêmes.

Devons-nous attendre un éventuel retour de la violence – puisqu’on constate, semble-t-il, une décrue – pour lancer le débat ?

Imaginez une brutale flambée de violence entre Noël et le Jour de l’An, alors que la situation aurait été calme pendant deux mois ! Je vous laisse penser quelles seraient les réactions des médias étrangers et ce que les télévisions ne manqueraient pas de dire sur notre manque de prévoyance. Déjà, les télévisons étrangères ont, dans les commentaires qu’elles ont faits depuis quelques jours, donné de notre pays une image qui n’est guère flatteuse. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cohen. À qui la faute ?

M. Pierre Cardo. Moi qui ai vécu un certain nombre d’émeutes, j’ai trouvé que l’information des médias avait sacrément stigmatisé les banlieues françaises. Il ne faudrait pas que, si nous commettions l’erreur de ne pas proroger l’état d’urgence, les médias étrangers viennent stigmatiser carrément la France.

M. Pierre Cohen. C’est déjà fait !

M. Pierre Cardo. Nous devrions réfléchir à ce que tout cela signifie. Il me semble intéressant d’observer la façon dont le couvre-feu a été appliqué. En Île-de-France, aucun préfet n’a pris cette disposition. Et je ne peux que vous remercier, monsieur le ministre de l’intérieur, d’avoir poussé dans ce sens.

Nous avons désormais quelques mois, si nous prorogeons cette disposition, pour lancer un débat sur l’urgence politique et l’urgence sociale qui s’imposent à nous. Après ce qu’ils ont vécu, les Français ne se contenteront pas des mesures que nous devons, à mon avis, approuver aujourd’hui. C’est la première nécessité face au problème d’ordre public que nous connaissons. Mais il faut aussi que le Parlement ait un débat sur tous les autres problèmes que je vous ai entendu aborder depuis le début de notre discussion et auxquels nous ne pouvons, dans le temps limité qui nous est imparti, apporter les indispensables réponses de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Messieurs les ministres, mes chers collègues, l’affirmation de l’ordre public justifie la prorogation de l’application de la loi de 1955.

Le renouvellement de la politique de la ville permet d’amorcer une réponse de fond à la situation que nous avons vécue pour ce qui n’est pas principalement un enjeu matériel.

Nous devons innover – de façon à garantir des résultats pour nos concitoyens – plutôt que d’ajouter des moyens pour survivre, comme nous le faisons depuis quelques décennies.

L’évêque de Saint-Denis rappelait récemment combien nous devions innover pour la fraternité. Cette fraternité, il faut la vouloir. C’est affaire de générosité. Le Gouvernement déploie des initiatives bienvenues, et les appels à la fraternité se sont multipliés, d’expressions très diverses. En regardant la presse d’aujourd’hui, on voit le chanteur Jean-Louis Aubert souligner combien, dans la situation actuelle, il y a une chance à saisir et qu’il ne faut pas la manquer.

On a vu aussi un certain nombre de rappeurs s’exprimer au fil des derniers jours. En particulier, Disiz La Peste a souligné la nécessité que chacun participe à l’élaboration de notre réponse.

À ce stade, nous devons constater en toute lucidité que, si beaucoup appellent à la fraternité, certains, malheureusement, la refusent. Certains même, au fil des dernières années et des derniers mois, ont semé dans notre société les graines du refus de la fraternité.

Je veux dénoncer la part d’idéologie qui constitue l’un des substrats de la crise de ces derniers jours. Nous devons faire preuve de fermeté, de générosité, mais aussi de lucidité. Je pense, à cet instant, à une minorité expressive qui s’est montrée influente. Qu’on me permette de dire que, dans une certaine mesure, la crise que nous avons vécue, « c’est la faute à Dieudonné » ! D’autant que les catégories sont perméables.

Je consultais tout à l’heure le site Mômes.net. À côté d’une annonce pour des coloriages, on trouve une référence et un renvoi sur Ministère Amer. J’ai considéré aussi les paroles de ceux, trop nombreux, hélas ! qui insultent la France – Dieudonné ou Sniper – et les paroles de la chanson FranSSe. N’ignorons pas les propos de Sniper : « La France est une garce » ou « Frères, faut que ça pète ! » Ne passons pas sous silence ce défi, qui n’appelle pas une réponse judiciaire, trop souvent inappropriée et inefficace, mais un traitement politique. Nous devons constater, condamner, isoler.

La grande majorité, messieurs les ministres, souhaite la réussite de l’intégration. Pour certains même, la question ne devrait pas se poser. Alors, ne laissons pas passer les idées de ceux qui refusent l’intégration et qui insultent la France, même si nous préférerions qu’ils n’existent pas.

Hélas ! ils existent, ils s’expriment. Hélas ! ils sont entendus à travers des chansons et sur certains médias. Leur influence ne doit pas être sous-évaluée. Elle ne doit pas être niée. Elle appelle en toute lucidité notre mobilisation politique.

Alors, oui, messieurs les ministres, fermeté, générosité, lucidité. La prorogation de la loi de 1955 engage à la fermeté, le plan d’action du Gouvernement à la générosité. Ne manquons pas non plus, si nous ne voulons pas que la crise se reproduise demain, de la lucidité sans laquelle elle ne saurait être durablement résolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre délégué aux relations avec le Parlement, six policiers blessés, dont un gravement, dix-sept bâtiments publics endommagés, un lycée, trois collèges, la mairie d’Émerainville, les postes de police de Torcy et de Lognes, trois centres de loisirs pour jeunes détruits, une centaine de véhicules brûlés, trente et une personnes interpellées, dont quatorze écrouées.

Ce triste bilan, dans ma circonscription, montre combien le recours à l’état d’urgence est légitime, puisque personne ne peut nier qu’il s’agisse bel et bien d’« atteintes graves à l’ordre public ».

Légitime aussi cet état d’urgence car il donne aux autorités administratives les moyens d’action indispensables pour faire cesser cette situation inacceptable, mais aussi pour rechercher les responsables de cette montée de violence.

Légitime aussi le recours à l’état d’urgence, car il répond à l’attente de nos concitoyens, qui réclament un État de droit et veulent vivre librement et sans peur dans leur pays, dans leur ville, dans leur quartier.

Vous savez bien, monsieur le ministre d’État, que je ne cesse de réclamer plus de moyens de sécurité pour le futur district de police de Torcy.

Sans le renfort des deux compagnies de CRS, envoyées en permanence sur le terrain, nous ne serions pas arrivés à obtenir le calme relatif qui règne ces derniers jours. Je ne peux que féliciter nos forces de police pour le travail accompli dans des conditions particulièrement difficiles.

Cette révolte des banlieues doit aboutir à une réflexion plus profonde et provoquer une prise de conscience de ce qu’est devenu notre pays.

Notre pays, mes chers collègues, est abîmé. Il est de notre devoir de répercuter l’exaspération de nos concitoyens devant les conséquences d’années d’immigration non contrôlée. Il faut oser dire que nous sommes passés d’une immigration de travail à une immigration de peuplement, que nos frontières ont été des passoires, que le regroupement familial est utilisé abusivement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et que notre système social généreux, trop souvent fraudé, crée un immense appel d’air.

Nous pouvons tous nous retrouver…

Mme Muguette Jacquaint. Certainement pas !

Mme Chantal Brunel. …derrière l’analyse d’un ancien Premier ministre socialiste, qui avait fort justement déclaré : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde. » (« Michel Rocard ! » sur divers bancs.)

Nous le regrettons tous, nous voudrions tous pouvoir le faire, mais les événements que nous venons de vivre prouvent que nous avons été trop loin.

On ne peut que comprendre le malaise de ces jeunes qui ne peuvent supporter la vie qui leur est offerte et l’avenir qui leur est réservé. Ils payent le résultat d’années de politiques incohérentes, des regroupements dans des quartiers où plus personne ne veut habiter et qui sont devenus de véritables ghettos, des situations familiales anormales dans un pays où la polygamie est interdite. À quand la mise sous tutelle des prestations familiales des familles polygames (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)

Mme Claude Darciaux. C’est une honte !

Mme Chantal Brunel. …lorsque ces prestations deviennent un salaire et un moyen de domination pour le père ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) À quand la mise sous tutelle des prestations familiales lorsque les enfants sont devenus une source de revenus, alors qu’ils sont entièrement livrés à eux-mêmes ?

Ne faut-il pas également envisager un abaissement de l’âge de la majorité pénale lorsque la justice de notre pays est désarmée face à la délinquance des mineurs ?

Nous avons également une école inadaptée. Quand osera-t-on dire que le collège unique devient un non-sens ? Quel intérêt y a-t-il à faire étudier Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau en classe de troisième à des jeunes qui ont du mal à maîtriser le français ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Chantal Brunel. Certes, le collège unique répond à un principe d’égalité, mais il faut savoir reconnaître qu’il a un effet contraire. Ce système devenu complètement inadapté, …

M. Manuel Valls. Elle fait peur !

Mme Chantal Brunel. …non seulement décourage les professeurs, mais conduit les jeunes à ne plus venir aux cours et à s’exclure. L’apprentissage à partir de quatorze ans est à cet égard une excellente mesure. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous avons des devoirs vis-à-vis des étrangers qui vivent sur notre territoire. Nous nous devons d’intégrer ces enfants nés sur notre sol, mais nous devons aussi leur faire entendre qu’ils sont dans un pays dont il faut respecter les lois. Je suis sûre que notre gouvernement fera tout pour redonner à nos valeurs républicaines la place qu’elles méritent.

Mme Hélène Mignon. Pas avec vous !

Mme Chantal Brunel. Il convient en effet de réhabiliter la liberté – qui s’arrête là où elle entrave celle d’autrui – le respect des autres, le courage et le désir de vivre ensemble dans la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. C’est drôle de vous entendre parler de fraternité !

M. Guy Geoffroy. Vous êtes mal placée pour en parler, madame Jacquaint !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, puisque Mme Brunel a cité Jean-Jacques Rousseau, je lui soumettrai cette pensée de Pascal : « Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.).

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau. À la suite des violences urbaines qui ont débuté le 27 octobre et que chacun condamne fermement, le Gouvernement a déclaré, par décret du 8 novembre 2005, l’état d’urgence sur le territoire métropolitain. La gravité des faits dirigés contre les personnes et les biens, non seulement en Île-de-France, mais aussi dans plusieurs départements et centres urbains, ont justifié ces mesures exceptionnelles pour une courte période à compter du 9 novembre 2005 à zéro heure. Les députés socialistes ont été solidaires de cette décision dont le caractère exceptionnel s’accompagnait d’une limite dans le temps.

On ne peut cependant assimiler ces violences urbaines, condamnables, à la période de l’adoption de la loi du 3 avril 1955 en plein drame insurrectionnel en Algérie ou aux troubles des années 1984-1985 en Nouvelle- Calédonie. Chaque période a son histoire. Il faut raison garder.

La question qui se pose donc est de savoir s’il y a lieu ou non de proroger pour trois mois la situation d’urgence décrétée par le Gouvernement et soumise aujourd’hui au Parlement. Cette prorogation est-elle nécessaire, adaptée et opportune ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vais brièvement répondre à cette triple question,

Cette décision n’est pas nécessaire. Fort heureusement, chacun l’a constaté, les faits de violence sont en diminution : selon le rapporteur, 211 véhicules brûlés la nuit dernière contre 1 100 il y a quelques jours (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette diminution des délits a été à juste titre soulignée par le Gouvernement, par l’ensemble des partis politiques représentés à l’Assemblée et par les médias. Tant mieux ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser combien de perquisitions de nuit ont été effectuées depuis le 9 novembre et quelle en a été l’efficacité ? Combien de préfets ont pris la décision d’instaurer le couvre-feu au plus fort de la crise ? Combien de décisions de ce type ont-elles été rapportées depuis ? Enfin, aujourd’hui, combien de villes restent concernées par ces mesures ?

À l’évidence, et c’est tant mieux, il n’est pas nécessaire de relancer une procédure d’urgence quand les faits sont en nette diminution. Il n’est pas nécessaire d’entretenir un climat de tension quand la tendance est à l’apaisement. Cette prorogation n’est pas adaptée. Quand la situation se calme et que l’on revient progressivement vers l’apaisement, le Gouvernement doit en prendre la mesure. Les troubles actuels doivent être abordés dans le cadre des textes républicains ordinaires. L’arsenal des lois et règlements existants est largement suffisant. Nos lois sont adaptées à la situation ; encore faut-il les appliquer. Les individus coupables de graves troubles à l’ordre public doivent être traduits devant les tribunaux, y compris en comparution immédiate. Aucune complaisance pour ces fauteurs de troubles ! Dans les villes, les maires ne sont-ils pas les mieux placés pour prendre les décisions de terrain qui s’imposent ? Chacun y a fait allusion à cette tribune. Les arrêtés municipaux concernant l’interdiction de circulation des mineurs non accompagnés la nuit en sont l’illustration. Les relations de proximité facilitent la cohésion sociale. Vous l’avez oublié et c’est fâcheux, en supprimant les polices de proximité qui avaient fait la preuve de leur efficacité.

M. Bernard Accoyer. Non !

M. Jean-Pierre Dufau. La fermeté certes, mais avec discernement et sans amalgame réducteur. Il s’agit de redonner toute sa place à l’ordre républicain avec les forces républicaines de police, les pompiers et toutes les forces qui y participent et que nous saluons, mais dans un climat d’apaisement, sans recourir à des procédures d’exception.

Cette prorogation, enfin, n’est pas opportune. Après un long silence, le Président de la République est intervenu hier soir. Il a demandé fermeté et justice. J’ai déjà évoqué la fermeté, je n’y reviens pas. Il ne s’agit pas de faire la guerre aux quartiers, mais à ceux qui les terrorisent. En revanche, il est urgent de retrouver la confiance de la jeunesse et des familles par ailleurs paisibles, de tous ceux qui espèrent en la République et qu’il faut conforter dans cette espérance. C’est désormais l’urgence sociale qui s’impose. C’est au problème de l’emploi, en particulier de l’emploi des jeunes, du logement et de la mixité sociale, de l’égalité des chances par l’éducation, de l’égal accès aux sports, aux loisirs, à la culture, par la présence de services publics, des travailleurs sociaux, des associations subventionnés, qu’il faut consacrer les énergies et les moyens.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Ce grand chantier doit tous nous mobiliser. Enfin, l’image de la France dans le monde ne doit ni être ternie ni déformée. La France n’est pas en guerre et la vérité des faits doit être rétablie sans complaisance ni exagération.

Le vote demandé par le Gouvernement au Parlement est une décision grave. Il convient de ne pas la banaliser. Elle doit rester très exceptionnelle.

Aujourd’hui, la prorogation de l’application de la loi du 3 août 1955 n’est pas nécessaire ; elle n’est pas adaptée ; elle n’est pas davantage opportune. L’heure est à l’urgence sociale, et sans délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, dernier orateur inscrit.

M. François Grosdidier. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, oui, le recours à l’état d’urgence est justifié par la situation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est clair et net !

M. François Grosdidier. Il est l’un des instruments indispensables dans la boîte à outils du retour à l’ordre public, en raison de son efficacité opérationnelle, dans certains cas, et de sa puissance psychologique dans tous les cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Fromion. Très bien !

M. François Grosdidier. Le bon sens populaire a d’ailleurs saisi la pertinence de la mesure. Or la gauche s’y oppose ce soir. La gauche réputée modérée ou réaliste est contre sa prorogation, tandis que la gauche plus idéologique en dénonce le principe même.

Cette gauche a mené la politique de l’autruche face à la montée de la délinquance jusqu’au 21 avril 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Eh oui !

M. Yves Fromion. Tout à fait !

M. François Grosdidier. En pleine crise, elle a demandé la démission du ministre de l’intérieur à l’unisson de tous les voyous. (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Marie-George Buffet, Noël Mamère et André Vallini l’ont demandée. Ce n’est plus de la naïveté, mais de la complicité objective avec les délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Maire d’une ville qui compte plus de 70 % de logements sociaux, je sais que personne n’a jamais brûlé de voiture, encore moins une école ou un gymnase, pour appuyer une revendication sociale.

On ne le fait que pour tenter de faire reculer la police des quartiers et…

M. Noël Mamère. C’est Le Pen ou Grosdidier ?

M. François Grosdidier. …quand des irresponsables en lancent l’idée, pour obtenir le départ du ministre de l’intérieur.

Quand les GIR commencent à défaire les fils de l’économie souterraine, les voyous et la gauche souhaitent le retour à la police de proximité version Jospin qui consistait à aligner des emplois-jeunes habillés en bleu à 10 heures du matin. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Rappel au règlement !

M. François Grosdidier. Les émeutiers sont ceux qui veulent que ces quartiers redeviennent des zones de non droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ces voyous ne veulent surtout pas d’insertion professionnelle. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Voyou vous-même !

M. le président. Je vous en prie, chers collègues !

M. François Grosdidier. J’ai vécu cela comme jeune maire en 2001. J’avais très vite créé une maison de l’emploi et invité tous les RMIstes et les demandeurs d’emplois. Les dealers du quartier l’ont alors incendiée. Et en cette nuit de l’été 2001, les émeutiers caillassaient les pompiers devant des policiers qui avaient ordre de ne pas se servir des flash-ball.

Ce sont les mères et grand-mères, en majorité maghrébines, qui sont sorties en pleine nuit pour chasser les voyous et protéger les pompiers. Les représentants du pouvoir en place à l’époque m’avaient expliqué qu’il fallait éviter l’escalade et ne pas jeter d’huile sur le feu !

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas la peine d’aboyer comme vous le faites !

M. François Grosdidier. J’ai triplé les effectifs de la police municipale et reconstruit la maison de l’emploi. La population du quartier m’a aidé à gagner ce bras de fer. Elle avait compris ce que la gauche ne veut pas admettre :

Mme Muguette Jacquaint. Parlez, n’aboyez pas !

M. François Grosdidier. …à savoir que l’ordre républicain ne sera pas une conséquence du travail d’intégration, mais une condition préalable pour que ce travail porte ses fruits. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La gauche a expliqué, et ainsi légitimé la violence par une prétendue réduction des crédits de la politique de la ville. C’est irresponsable et faux.

Le programme de rénovation urbaine est sans précédent dans notre histoire.

M. André Gerin. Arrêtez-le !

M. François Grosdidier. En effet, 240 quartiers reprennent un visage humain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

On nous dit : « C’est de l’urbain, pas de l’humain ! » Or les crédits de « l’humain » n’ont jamais été aussi élevés qu’aujourd’hui. Certes, ceux du fonds interministériel pour la ville diminuent de 30 millions d’euros, mais ceux de la DSU augmentent de 120 millions, et 60 millions de plus seront consacrés aux contrats de réussite éducative. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Un demi-milliard ira aux zones franches urbaines afin que la référence n’y soit plus l’économie souterraine, mais le travail légal. Depuis trois ans, un travail de fond est engagé. Cette crise n’est donc en aucun cas le résultat des carences supposées du Gouvernement actuel…

Mme Martine David. Mais si !

M. François Grosdidier. …mais celui de trente ans de petites et de grandes lâchetés de la République ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Alors, état d’urgence sociale, oui, mais plus encore état d’urgence sociétale ! (Mêmes mouvements.)

La politique de la ville et de la rénovation urbaine impulsée par Jean-Louis Borloo est exemplaire et j’espère que les moyens nouveaux annoncés par le Premier ministre vont la doper. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues.

M. François Grosdidier. La politique de la ville ne pourra cependant jamais compenser toutes les faiblesses de la société et de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

II est temps de rappeler aux parents leurs responsabilités. Il est temps que l’éducation nationale remette en cause sa sacro-sainte carte scolaire qui transforme la ségrégation urbaine en relégation scolaire.

Il est temps que l’éducation nationale cesse d’affecter les enseignants débutants dans les secteurs les plus difficiles. Il est temps qu’elle abandonne le mythe du collège unique totalement inadapté et qu’elle restaure l’autorité sur les jeunes, alors qu’elle la refuse en son sein.

Autant de propositions qui ne doivent pas être taboues !

II est temps aussi que la justice pallie ses carences structurelles dans le traitement de la délinquance juvénile, l’exécution de la sanction et la réinsertion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Veuillez conclure.

M. François Grosdidier. II est temps aussi qu’elle ne laisse plus impunément se créer chez des jeunes en quête de repères une véritable culture de la haine sociale et du racisme anti-blanc.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Arrêtez-le !

M. François Grosdidier. Ce n’est pas un épiphénomène, mais un véritable mouvement : des dizaines de chanteurs et de groupes propagent de telles idées. Je cite le groupe Smala :

« ...Pour niquer la France.

« Guerre raciale, guerre fatale,

« …Organisation radicale, par tous les moyens…

M. le président. Monsieur Grosdidier !

M. François Grosdidier. … « Faut niquer leurs mères.

« Gouers – c’est-à-dire Français –, c’est toi qui perds,

« Flippe pour ta femme, tes enfants, pour ta race,

« On s’est installés ici.

« C’est vous qu’on va mettre dehors. »

Je pourrais lire des textes bien pires encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Claquements persistants de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Merci, monsieur Grosdidier.

M. François Grosdidier. Les MP3 font office de moulins à prière. (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Inutile de se demander pourquoi ces jeunes voient rouge quand ils croisent du bleu ou juste des blancs. (Mêmes mouvements qui couvrent totalement la voix de l’orateur.)

M. le président. Monsieur Grosdidier, concluez.

M. François Grosdidier. Je conclus.

La liberté d’expression ne saurait le justifier. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Votre temps de parole est écoulé.

M. François Grosdidier. Il faut lever les tabous : celui du discours de la prévention spécialisée qui doit responsabiliser des individus. Il faut que cesse la politique de l’autruche. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Si vous ne vous concluez pas, je coupe le micro !

M. François Grosdidier. L’urgence première est de rétablir l’ordre républicain, c’est l’attente légitime de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre d’État.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, si vous en êtes d’accord, j’essaierai de répondre collectivement aux différents intervenants plutôt que d’égrener une longue litanie de réponses, alors que les interventions ont abordé les mêmes thèmes.

Je veux d’abord dire, combien les membres du Gouvernement présents, M. Cuq, M. Clément, Mme Alliot-Marie et moi-même, ont trouvé le débat digne, en ce sens que tout le monde a reconnu la très grande difficulté d’interpréter les raisons profondes de la crise et d’y apporter des réponses structurelles. Sur aucun des bancs de cette assemblée, je n’ai entendu dire qu’il s’agissait d’une crise superficielle et que les réponses étaient évidentes. Chacun a pris le soin, et c’est à l’honneur des parlementaires, d’esquisser des réponses sans être certain de détenir la vérité. Tous, sur tous les bancs, ont tenu à saluer l’action de la police et de la gendarmerie, auprès desquelles je me ferai leur interprète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.) Et c’est extrêmement important car au-delà de nos différences, il s’agit de la police de la République et de la gendarmerie nationale et, quel que soit le ministre de l’intérieur, elles restent les mêmes, servant la majorité que le peuple désigne. Comme j’ai pu le mesurer la nuit dernière en rencontrant de nombreux policiers en Seine-Saint-Denis, où l’émotion était grande après l’incarcération d’un policier, le fait que toutes les formations politiques affichent leur soutien aux forces de l’ordre est un élément capital.

J’ai cru comprendre que, à de rares exceptions, toutes les formations politiques de l’Assemblée demandaient au Gouvernement une politique de fermeté et de rétablissement de l’ordre républicain. Le signal envoyé est très clair : les délinquants seront punis comme il se doit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils ne peuvent espérer aucune clémence à la suite d’une division entre formations politiques de l’opposition comme de la majorité, même si, naturellement, chacun peut avoir ses explications.

Qu’ils soient pour l’état d’urgence ou contre, tous ont demandé une application mesurée, raisonnable du couvre-feu et des différentes mesures prévues dans le cadre de l’état d’urgence.

M. François Grosdidier. Très juste !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ceux qui s’apprêtent à voter oui le font en demandant de ne pas en abuser, ceux qui s’apprêtent à voter non nous ont dit que, dans le fond, si nous l’utilisons de façon raisonnable et raisonnée, leur opposition sera une opposition de principe et pas de circonstance.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas tout à fait ça !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ne me faites pas regretter mes propos consensuels ! (Sourires.)

Par ailleurs, le président du groupe socialiste, les orateurs de l’UDF et les orateurs de l’UMP ont demandé, ce qui est bien naturel, qu’un contrôle parlementaire particulier s’exerce. M. Ayrault l’a demandé lors d’une réunion avec le Premier ministre, en votre présence, monsieur le président, vous qui l’avez également souhaité. M. Lagarde et M. Perruchot, l’ont fait au nom de l’UDF et M. Accoyer l’a déjà fait savoir au nom même de son groupe. Il ne m’appartient pas et il n’appartient pas au Gouvernement de fixer les modalités du contrôle parlementaire : les uns ont proposé que la commission des lois se réunisse pour cela tous les quinze jours, d’autres ont proposé un rapport. La décision que prendra l’Assemblée nationale sera la bonne et il va de soi, monsieur le président, qu’à partir du moment où vous nous la ferez connaître, je ne verrai que des avantages à rendre compte des conditions d’application de l’état d’urgence, selon une fréquence qui sera définie par vous-même, devant une commission ou devant l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

S’agissant des trois autres conditions qui ont été fixées, le Gouvernement est d’accord. Je ne vois d’ailleurs pas comment nous pourrions établir un couvre-feu sans avoir préalablement consulté le maire. Moi, je n’irai pas au-delà d’un avis. D’ailleurs, je ne crois pas que vous l’ayez demandé. Certains élus pourraient de pas avoir tel ou tel élément d’information. Il ne s’agit pas d’un avis conforme, mais d’un avis obligatoire avant toute décision.

S’agissant des perquisitions, le garde des Sceaux a répondu devant le Premier ministre sur les conditions de leur déroulement : elles se feront sous le contrôle de la justice, comme il se doit.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. M. Hamel, au nom du groupe de l’UMP, a demandé des précisions sur l’expulsion des étrangers pour faits de violence urbaine. Je lui indique que dix procédures ont été engagées aujourd’hui. Je rendrai compte à la représentation nationale de leur déroulement.

Tout le monde également, selon des sensibilités diverses, a bien voulu indiquer que la question de l’immigration devait être posée de façon raisonnable, mais de façon lucide. Le condensé des problèmes que connaissent nos quartiers, c’est aussi une politique d’immigration subie, alors que nombreux sont ceux qui veulent une politique d’immigration choisie. Nous devons pouvoir dire raisonnablement qu’il n’est pas question de remettre en cause le principe du regroupement familial, mais que la question de son exécution, au sens matériel, doit être posée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette mesure, garantie par la Convention européenne des droits de l’homme, permet l’intégration, mais celle-ci ne fait absolument pas obstacle à ce que nous soyons plus sévères sur les conditions dans lesquelles quelqu’un fait venir sa famille et l’accueille. On peut dire cela et être un parfait républicain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Tous, vous avez tenu à analyser la crise des banlieues et appelé à des mesures structurelles. Nous avons retrouvé là les clivages politiques, ce qui est normal en démocratie. Je sais que le Premier ministre voudra organiser en son temps un débat sur les banlieues. Aujourd’hui, ce n’est pas un débat sur les banlieues que nous avons, mais un débat sur l’état d’urgence.

Qu’il me soit simplement permis de faire trois remarques sur ce point.

Premièrement, j’observe que cela fait bien longtemps dans notre pays qu’on aide les territoires sans trop se préoccuper des individus. Je me demande s’il ne conviendrait pas de réfléchir à une aide ciblée sur les individus, en complément de l’aide aux territoires. Lorsque vous aidez un territoire, vous aidez tout le monde : celui qui veut s’en sortir comme celui qui n’en a pas la volonté. Lorsque vous aidez des individus, vous pouvez aider plus celui qui le mérite et dire à celui qui ne le mérite pas que s’il ne change pas, la République ne peut pas l’aider dans la mesure où il n’est pas décidé à se prendre en main. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Deuxièmement, nombre de nos quartiers ont eu une politique sociale qu’il ne s’agit pas de remettre en cause, mais, disons les choses comme elles sont, les jeunes, ce ne sont pas seulement des terrains de football et des colonies de vacances qu’ils demandent, ce ne sont pas simplement des subventions pour les associations qu’ils demandent, c’est une formation et un travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Mais bien sûr !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Il est aussi temps de comprendre qu’on n’achète pas la paix civique dans un quartier à coup de subventions aux associations. Certes, si certaines font un travail remarquable, toutes ne le font pas dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Troisièmement, cette crise marquera un tournant et une prise de conscience par la société des ravages de l’impunité.

M. Jean-Pierre Dufau. Des ravages de la pauvreté, oui !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Après la minute de vérité à laquelle nous nous sommes trouvés confrontés, tout retour en arrière serait catastrophique. C’est pourquoi la présence de la police dans ces quartiers sera pérenne, définitive et structurelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)Il y aura bien un avant et un après les événements de novembre 2005, pour reprendre l’expression de M. Raoult. Les forces mobiles installées dans nos quartiers y resteront. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, je voudrais faire une remarque plus personnelle. J’avais senti, au moment de la campagne pour le référendum, un décalage extraordinaire entre ce qui était dit dans les médias et par les élites, toutes tendances confondues, sur la conception qu’avaient les Français de l’Europe et ce que l’on sentait sur le terrain. Ce décalage entre un milieu qui prônait le oui, parfois de façon un peu abrupte, et la réalité du pays, nous le retrouvons aujourd’hui entre la relation faite des événements de nos quartiers par certaines élites, par certains médias, et la réalité du ressenti sur le terrain. Disons les choses comme elles sont : jamais je n’ai ressenti un tel décalage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


D’ailleurs, il me plaît de dire qu’on ne ressent pas ce décalage dans la classe politique. Les responsables politiques que nous sommes, toutes tendances confondues, ont été décrits comme étant en décalage avec la société. (« Vous, pas nous ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ceux qui ne se sont jamais sentis en décalage avec la société ont bien de la chance ! Cela signifie qu’ils n’ont pas encore connu la défaite. Mais ça viendra, car en politique ça arrive toujours un jour ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce décalage et ces débats un peu artificiels, nous ne les avons pas retrouvés cet après-midi au sein de l’Assemblée nationale. Là est sans doute la différence entre des personnes qui sont capables d’être élues et d’autres qui ne le sont pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

Conformément à l’article 65 de notre règlement, j’ai décidé de demander un scrutin public sur cette motion de renvoi.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

………………………………………………………

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour une durée qui ne peut excéder cinq minutes.

M. Jacques Floch. Ce matin, en commission des lois, le débat a été fort convenable, chacun utilisant le ton souhaitable pour débattre au fond des choses.

Faut-il une loi d’exception ? Notre législation pénale ne vous suffit-elle pas ?

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non !

M. Jacques Floch. Pourquoi en rajouter, alors même que vous n’avez pas eu besoin d’utiliser ces jours derniers les articles de la loi de 1955 ? Interdiction de la circulation, couvre-feu pour les mineurs : mis à part un quartier d’Évreux, il n’y a pratiquement pas eu de mise en application ; institution de zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé : aucun exemple ; interdiction de séjour : aucun exemple ; assignation à résidence de personnes jugées dangereuses : aucun exemple ; fermeture de salles de spectacle, de débits de boissons : deux exemples, les mêmes que pour l’interdiction de réunions, à Nice et Saint-Laurent-du-Var ; remise des armes à feu : aucun exemple ; perquisition de jour et de nuit : deux exemples.

Il était possible d’appliquer le couvre-feu dans vingt-cinq départements, mais cette mesure n’a pas été utilisée de façon systématique. C’est dire que la loi de 1955 a été utilisée pour pas grand-chose, seulement pour un effet psychologique.

M. Francis Delattre. C’est laborieux comme discours !

M. Jacques Floch. Monsieur le ministre d’État, le droit ordinaire suffit à protéger la République, mais surtout à protéger et rassurer nos concitoyens. Encore faut-il en faire un bon usage, comme on doit faire un bon usage de notre histoire contemporaine.

Tout à l’heure, j’ai entendu une nouvelle fois que les grands ensembles construits dans les années 50-70 étaient la cause de tous les malheurs de la France d’aujourd’hui.

M. André Gerin. C’est faux !

M. Jacques Floch. Mais personne ne rappelle que ces logements ont été construits à la hâte suite aux bombardements de la guerre 1939-1945 – 1,8 million de logements ont été détruits – et à l’exode rural qui imposait de construire 200 000 logements par an.

Monsieur le ministre d’État, parlant des budgets qui avaient été accordés à la banlieue, vous avez parlé de sacrifices financiers. On fait des sacrifices financiers pour la banlieue, mais fait-on aussi des sacrifices pour les centres-villes ou lorsqu’on aménage des beaux quartiers ? On fait seulement des dépenses budgétaires nécessaires à la population. Arrêtons de dire qu’on a dépensé trop d’argent pour la banlieue !

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. Jacques Floch. De même, pourquoi avoir rejeté la police de proximité sans avoir mesuré les conséquences d’une telle décision, sans avoir essayé de savoir pourquoi cette police de proximité avait obtenu des résultats ? Peut-être simplement par idéologie.

Pourquoi stigmatiser les jeunes Français en rappelant régulièrement leurs origines ? Je rappellerai que lors des manifestations dans la région nantaise, 80 % des jeunes qui ont été surpris par la police étaient d’origine bretonne ou vendéenne. Leur a-t-on demandé leurs origines ?

Monsieur le ministre d’État, vous avez prétendu que les vingt-deux émeutes urbaines qui ont eu lieu entre 1997 et 2002 n’avaient donné lieu à aucune condamnation. Mais comment expliquez-vous alors que nous ayons trouvé dans nos prisons, lors d’une enquête que nous avons menée, des jeunes incarcérés pour rébellion ?

M. François Grosdidier. Des voyous, pas des jeunes !

M. Jacques Floch. Monsieur le garde des sceaux, appliquez la loi, rien que la loi, celle qui a mis du temps à se bâtir. La loi est trop fragile pour être construite à la hâte, dans la confusion. On regrette toujours d’avoir voté ce genre de lois.

Monsieur le ministre d’État, vous avez accepté de rendre compte des résultats obtenus si la loi est votée. Il faut que notre assemblée prenne tout de suite acte de votre acceptation pour que l’on puisse commencer à travailler avec vous dès la semaine prochaine. Mais comme vous allez voter mon renvoi en commission, mes chers collègues, nous aurons encore du temps pour parler de cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la motion de renvoi en commission.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l’article 1er

M. le président. Avant l’article 1er, je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ne compliquez pas les choses, mes chers collègues ! On n’en a plus que pour quelques minutes ! Taisez-vous !

M. Jean-Louis Idiart. C’est une honte de ne pas vouloir laisser parler un orateur !

M. le président. Laissez M. Mamère s’exprimer !

M. Noël Mamère. Les députés verts demandent, par cet amendement, l’abrogation de la loi de 1955 qui, comme chacun le sait, a été décidée au moment des événements d’Algérie et présente aujourd’hui des relents coloniaux très dangereux pour l’équilibre de notre société. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je rappelle que cette loi de 1955 a été appliquée également en Nouvelle-Calédonie, mais que notre République n’est pas en danger aujourd’hui. Envoyer ce signal aux enfants des banlieues qui ont été qualifiés hier soir par le Président de la République d’« enfants de la République », à ces enfants de la deuxième ou troisième génération (« Des voyous ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) de ceux qui ont été colonisés, de ceux qui ont été considérés comme des indigènes, c’est-à-dire des sous-citoyens (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), c’est leur rappeler cette condition d’indigènes et d’étrangers de l’intérieur.

Cet état d’exception, que l’on veut nous imposer et qui sera sans doute voté par votre majorité tout à l’heure, s’inscrit dans une logique de tension et de peur qui est entretenue depuis la réélection du Président de la République dans les conditions que l’on connaît.

Mme Nadine Morano. N’importe quoi !

M. Noël Mamère. Ce furent d’abord les lois Sarkozy qui ont contribué à la discrimination et à faire de nos banlieues des territoires à côté de la République. Ce furent ensuite les lois Perben 1 et Perben 2, la loi sur le voile qui a stigmatisé la deuxième religion de France et ceux qui la pratiquent (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), la loi sur la récidive qui est une loi restrictive des libertés, et ce furent enfin, monsieur le ministre de l’intérieur, vos mots d’une violence inouïe à l’endroit d’une partie de la population française. Dois-je vous rappeler ces mots de « racaille », de « voyous » et de « kärcher » qui ont été ressentis comme une humiliation et comme une attaque d’un ministre de la République à l’encontre d’une population qui se sent aujourd’hui en crise, en situation de désespoir ?

Je ne pense pas que l’état d’urgence puisse répondre à l’état de catastrophe sociale. Aujourd’hui, vous nous expliquez que vous prenez ces dispositions pour renforcer la sécurité. Non, monsieur le ministre d’État, vous mettez le couvercle sur une marmite qui bouillonne ! Vous accélérez et vous renforcez encore un peu plus les frustrations. La victoire provisoire que vous êtes en train de remporter est une victoire à la Pyrrhus, et vous le paierez devant les Français ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, un peu de tenue !

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’applique le règlement !

M. Maxime Gremetz. L’état d’urgence, c’est quand on n’a pas le droit de parler !

M. Jean-Marc Ayrault. L’amendement défendu par M. Mamère vise à abroger la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence.

Si je respecte le point de vue de M. Mamère, je crois qu’on ne peut pas faire deux débats dans un. Il ne s’agit pas du même sujet. Cette loi a été heureusement appliquée peu de fois dans la dernière période. Elle l’a été en 1985, alors que François Mitterrand était Président de la République, que Laurent Fabius était Premier ministre et Paul Quilès ministre de l’intérieur, et il ressort des débats parlementaires de l’époque que j’ai relus que Jacques Chirac et ses amis du groupe RPR avaient déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. Je ne souhaite pas revenir à ce type de débat. Aujourd’hui, la situation est grave. Les députés socialistes ont défendu leur point de vue sur le projet de loi du Gouvernement et ont dit pourquoi ils voteront contre, et ils ne veulent pas se prononcer sur autre chose. Voilà pourquoi nous ne suivrons pas M. Mamère.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nous pensions que ce débat avait assez duré, mais M. Mamère a tenu des propos provocateurs. Les moments que nous vivons sont graves. Le groupe UMP votera le projet de loi car ce sont les Français eux-mêmes qui nous demandent d’exercer nos responsabilités à un moment où ils se sentent eux-mêmes menacés dans leurs droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Le groupe communiste s’associera à cet amendement déposé par M. Mamère. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Bocquet s’exprimer !

M. François Grosdidier. Lamentable !

M. le président. Monsieur Grosdidier, vous vous êtes déjà exprimé. Alors, vous la fermez !

Mme Nadine Morano. C’est scandaleux !

M. le président. Madame Morano, taisez-vous, vous aussi ! Chacun a le droit de s’exprimer !

Mme Nadine Morano. Non, je ne la fermerai pas !

M. le président. M. Bocquet a autant que vous le droit de s’exprimer !

M. Maxime Gremetz. Très bien, monsieur le président !

M. Alain Bocquet. Cette loi d’exception est particulièrement dangereuse. On a beau essayer de nous rassurer en disant qu’elle sera appliquée avec beaucoup de mansuétude, il reste qu’elle porte en elle quelques périls pour la démocratie et les libertés.

M. Francis Delattre. La liberté ? Mais les communistes ne savent pas ce que c’est !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Le goulag !

M. le président. Laissez M. Bocquet s’exprimer ! Quel spectacle nous donnons si nous ne sommes pas capables de nous écouter les uns les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Veuillez poursuivre, monsieur Bocquet !

M. Alain Bocquet. Vous voyez bien, monsieur le président, ça commence, et ce n’est qu’un début !

On ne peut pas accepter que le problème auquel nous sommes confronté soit résolu ainsi, alors que notre arsenal juridique permettrait de le régler autrement, comme l’ont démontré notamment mes quatre collègues du groupe communiste. La seule réponse, c’est l’urgence sociale ! C’est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains s’associe à cet amendement et le votera.

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur Mamère, dans la grave crise que nous traversons, notre sens des responsabilités doit nous conduire à éviter de raviver des tensions qui remontent au passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vous invite à vous joindre à notre débat empreint d’une grande dignité, comme l’a souligné le ministre d’État, dans lequel chacun a pu exprimer son point de vue. Mais, de grâce, recherchons des solutions à apporter à tous ceux qui désespèrent et évitons, je le répète avec beaucoup de solennité, mon cher collègue, de raviver les querelles du passé. Ce n’est pas le débat du jour. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 portant article additionnel avant l’article 1er.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles 1er, 2 et 3

M. le président. Les articles 1er, 2 et 3 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 1er, 2 et 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Sur décision de la conférence des présidents, l’ensemble du projet de loi est soumis à un scrutin public.

Le scrutin a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’ensemble du projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Sécurité sanitaire (crédits ayant fait l’objet d’un examen en commission élargie) ; articles 86 et 87 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 32, de M. Richard Mallié, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Avis, n° 2569, tome 9, de M. Jean-Marie Le Guen, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 2570, tome 11, de M. Jean Gaubert, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural ; article 74 :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 4, de M. Alain Marleix, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Avis, n° 2570, tome 1, de MM. Antoine Herth et Aimé Kergueris, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)