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mis en distribution
le 22 octobre 2001
No 3297
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre
2001.
DÉCLARATION
DU GOUVERNEMENT
relative à la situation consécutive
aux attentats perpétrés le 11 septembre 2001
aux États-Unis d’Amérique
par M. Lionel JOSPIN,
Premier ministre Politique
extérieure.
Monsieur le président, mesdames et messieurs
les députés, votre session ne pouvait s’ouvrir sans que se tienne un
débat sur la situation créée par les attentats du 11 septembre.
Je vous l’ai donc proposé et je veux vous présenter les analyses qui
ont inspiré le Gouvernement et le plan d’action qu’il a mis en œuvre
au lendemain des attentats effroyables qui, il y a trois semaines, ont
frappé les États-Unis et plongé le monde dans la stupeur. Au peuple américain
qui déplore, par milliers, ses victimes, la France a aussitôt apporté
son entière solidarité. Plusieurs dizaines de nations, à travers le
monde, dont la nôtre, comptent également des disparus. Ma pensée,
notre pensée, va vers toutes ces victimes, vers leurs familles et vers
leurs proches.
L’émotion reste aujourd’hui immense. Cette
émotion, partagée par l’ensemble de nos concitoyens, se double
d’une vive inquiétude parce que ces actes de terrorisme sont un défi
directement adressé à nos valeurs les plus profondes : le respect
de la vie, la démocratie, la liberté. Ce défi concerne toutes les
nations et la société internationale dans son ensemble. Il appelle des
réponses claires et déterminées. Je voudrais les évoquer
aujourd’hui avec vous.
Le Gouvernement est en effet soucieux
d’associer les élus de la nation à la détermination du concours de
notre pays à la lutte contre le terrorisme international. Au lendemain
des événements, les commissions des affaires étrangères et de la défense
se sont réunies conjointement. Le ministre des affaires étrangères,
Hubert Védrine, le ministre de la défense, Alain Richard, et le
ministre de l’intérieur, Daniel Vaillant, se sont exprimés devant
elles. Nous avons ici, aujourd’hui, un débat. Dès lors que le
Parlement est à nouveau réuni, je peux vous assurer que le contact
entre le Gouvernement et la représentation nationale sera permanent.
Mesdames, messieurs, le 11 septembre 2001
aura-t-il changé quelque chose dans l’histoire du monde ?
Comment décrire cette situation nouvelle, quels mots employer pour en
qualifier la gravité, sans concéder aux terroristes l’avantage de
nous avoir entraînés sur leur terrain ?
On a parlé de guerre, parce que les attentats
ont été conduits comme des actes de guerre, parce que la riposte peut
impliquer l’usage de moyens militaires. Pourtant, il n’y a pas ici
de nations affrontées, pas d’armée régulière en vue, pas de traité
de paix concevable. Certains ont parlé de conflit de « civilisations »,
parce que les terroristes croient pouvoir invoquer l’Islam, ou plutôt
leur propre vision dévoyée de l’Islam pour justifier
l’injustifiable et s’assurer des complicités ou des complaisances.
Nous ne tomberons pas dans leur piège en
laissant s’accréditer des amalgames aussi dangereux qu’infondés.
En dehors de ceux qui ont participé ou prêté la main au terrorisme,
ou qui développent les idéologies dangereuses du fanatisme, nul ne
saurait être stigmatisé. La lutte contre le terrorisme doit non pas
diviser, mais unir les nations, les peuples, les religions :
c’est la condition de son succès.
Notre ambition doit être de donner à l’union
contre le terrorisme un caractère universel. Cette union ne fera pas
disparaître les tensions du monde. Elle ne vise pas à imposer aux
peuples qui souffrent d’oublier leurs souffrances ou leurs
frustrations, de dépouiller leur identité pour fusionner dans une
lutte monolithique. Mais nous ne devons pas oublier non plus
qu’invoquer une vision critique des responsabilités des États-Unis
dans l’histoire récente comme prétexte pour dire : « ce
combat n’est pas le nôtre » serait une faute. La lutte contre
le terrorisme est un impératif commun aux démocraties et doit le
devenir pour toutes les nations. Ce n’est pas la guerre d’un autre où
nous serions entraînés, c’est une action nécessaire et méthodique
à laquelle nous consacrerons librement tous nos efforts.
Le terrorisme ne s’explique pas, et se
justifie encore moins par les inégalités qui divisent le monde et par
les conflits qui le bouleversent. Mais il faut savoir que la haine se
nourrit de la pauvreté, de la frustration et de l’injustice. C’est
pourquoi cette crise nous renvoie à des questions essentielles sur l’état
du monde actuel. Comment répondre aux extrémismes, dont on ressent de
manière diffuse la propagation, y compris au sein de notre monde développé ?
Comment éviter que le monde, en se globalisant économiquement, laisse
se créer, dans la sphère du politique, des vides que seule la violence
viendrait combler ? Je ne fais qu’ouvrir, aujourd’hui, ce débat
complexe. Mais j’ai la conviction que la menace terroriste ne doit en
aucun cas relativiser, dans les esprits comme dans l’agenda des
États,
l’urgence des problèmes mondiaux : la résolution des conflits,
notamment celui du Proche-Orient, le respect des droits de l’homme, la
progression de la démocratie, le développement, l’environnement.
Après le choc du 11 septembre, les pays de
la communauté internationale ont senti la nécessité de réagir pour
que le monde conserve des structures, au lieu de se précipiter dans
l’aventure dont rêvent sans doute les auteurs de l’attentat. Le
terrorisme a été désavoué presque universellement, des coopérations
parfois inattendues se sont esquissées. La France, avec sa propre pensée,
avec son réseau de relations internationales, doit s’engager pour
contribuer à ce que le monde sorte de cette crise plus lucide qu’il
n’y est entré, plus fort contre un terrorisme clairement rejeté,
plus déterminé à s’unir pour remédier aux fractures et aux
injustices qui font le jeu de la violence et affaiblissent la cause des
démocraties. C’est donc sous le signe de la solidarité
internationale que nous avons placé d’emblée notre action dans la
bataille contre le terrorisme. Un fléau qui ignore les frontières
appelle une réponse internationale. Une organisation capable d’enrôler
et de contrôler pendant des années des affidés répartis sur
plusieurs continents doit se heurter à un système de répression dont
l’ubiquité et la mobilité soient comparables.
Je voudrais évoquer cette action solidaire et
les principes qui la guident avant de préciser les mesures prises par
le Gouvernement pour assurer, sur le plan intérieur, la sécurité de
nos concitoyens.
La lutte contre le terrorisme appelle solidarité
et coopération.
Notre solidarité s’exerce tout d’abord avec
les États-Unis, la nation alliée à qui nous devons notre victoire sur
le nazisme, le peuple ami avec lequel nous partageons l’affirmation de
l’idéal démocratique. En accord avec le Président de la République,
le Gouvernement a souscrit à l’engagement, pris dans le cadre de
l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, de soutenir la
riposte de notre allié agressé, de la manière que nous jugerons
appropriée. La France prendra toutes ses responsabilités, aux côtés
des États-Unis, dans l’œuvre de longue haleine qu’appelle l’éradication
du terrorisme.
Le Président des États-Unis a fixé pour
objectif à la riposte de son pays l’identification et la punition des
coupables et, au-delà, le démantèlement des réseaux terroristes, grâce
à la coopération des pays où ils sont implantés. Ce sont là des
objectifs précis auxquels nous pouvons nous associer pleinement. Les
États-Unis, soucieux de construire contre le terrorisme une coalition
internationale sans exclusive, conscients des risques qu’entraîneraient
des formes de représailles qui déclencheraient contre eux l’incompréhension
ou la révolte, ont adopté une stratégie de long terme, multiforme,
dont l’emploi des armes ne sera qu’un des volets.
Le principe de solidarité universelle devait
s’exprimer dans le cadre des Nations unies. Depuis le 11 septembre,
deux résolutions du Conseil de sécurité sont venues préciser le
cadre de droit international dans lequel doit s’exercer la réponse
des nations aux actes de terrorisme. La résolution 1368,
qualifiant les attentats du 11 septembre - et tout acte de
terrorisme international - comme une menace à la paix et à la sécurité
internationale, a ouvert le droit à la légitime défense, individuelle
et collective, fondant ainsi juridiquement le recours à la force.
La résolution 1373, adoptée le 28 septembre
en application du chapitre VII de la charte des Nations unies, qui
renouvelle l’appel du Conseil de sécurité à la collaboration de
tous les États contre le terrorisme et à l’application intégrale des
conventions internationales pertinentes, forme, quant à elle, un véritable
instrument international de lutte contre le terrorisme qui s’impose
aux États.
Elle exige de leur part une collaboration complète
et un éventail exhaustif de mesures drastiques et d’application immédiate,
visant notamment à tarir tout transfert financier à des personnes ou
organisations impliquées dans des actes de terrorisme. Elle anticipe
ainsi largement, et de manière volontariste, l’entrée en vigueur de
la Convention sur la répression du financement du terrorisme, adoptée
par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre
1999, à l’initiative de la France, et dont la ratification par notre
pays est imminente. Le texte est à l’ordre du jour du Sénat le 11 octobre.
La France poursuivra aussi avec ses partenaires,
dans les enceintes internationales pertinentes, qu’il s’agisse de
l’Union européenne, du G7/G8 ou du GAFI, une réflexion concertée
pour identifier et articuler de la manière la plus efficace les mécanismes
de coopération contre le financement du terrorisme. Il faut lutter de
façon résolue contre les « trous noirs » du système
financier international, ces territoires qui ne respectent pas la
discipline commune contre le blanchiment des capitaux, ces centres
financiers où le culte de l’anonymat et le secret bancaire facilitent
l’organisation de tous les trafics.
D’ailleurs, samedi, aux États-Unis, le
ministre français de l’économie et des finances, avec ses collègues
du G7 puis du G8, est chargé de faire le rapport introductif
aux discussions et nouvelles décisions sur le sujet. Au-delà de la
personnalité de ces ministres, mesdames, messieurs les députés, cela
renvoie à l’action résolue que la France et toutes les autorités
françaises, y compris le prédécesseur de Laurent Fabius, ont conduite
au sein des instances internationales pour lutter précisément contre
la criminalité financière et les paradis où elle se dérobe.
Enfin, l’examen en cours à l’ONU d’un
projet de convention globale sur le terrorisme, abordant tous les
aspects du problème, aboutira, je l’espère - notre diplomatie y
veille -, à un cadre universel de référence pour les nombreux
instruments juridiques internationaux qui traitent de la question.
La solidarité avec les États-Unis, une détermination
implacable dans la lutte contre le terrorisme, un appel à la
conjonction des efforts de l’ensemble de la communauté
internationale, tels sont les principes qui nous guident et qui ont été,
au niveau européen, affirmés avec force et traduits dans toutes leurs
conséquences par les conclusions et le plan d’action du Conseil européen
extraordinaire qui s’est tenu à Bruxelles le 21 septembre.
L’Europe doit en effet jouer un rôle de
premier plan dans cette entreprise.
D’abord, pour des raisons d’efficacité. Il
n’est pas tolérable pour nos pays qu’un réseau, doté d’un
quartier général dans un pays de l’Union, d’un trésor de guerre
dans un autre, puisse projeter des attentats dans un troisième, en
comptant sur les disparités juridiques, les limites ou les lenteurs de
la coopération policière ou judiciaire entre les États pour préserver
la clandestinité de ses projets.
Ensuite, pour des raisons qui tiennent au cœur
même du projet politique européen, qui est de répondre aux attentes
des citoyens de l’Union. Au premier rang de ces attentes figurent,
bien sûr, la sécurité et la défense des valeurs qui sont au
fondement de l’identité européenne. L’Europe doit donc plus que
jamais constituer, pour les nations qui la composent, une garantie de sécurité.
Dès les premiers jours de la crise, l’Europe
a su apporter une réponse unie, fondée sur une vision politique
commune qui rejoint parfaitement les préoccupations de la France. Je me
réjouis que les Quinze aient pu ainsi affirmer leur identité sur la scène
internationale. C’est là un élément important de confiance et de
stabilité dans la période que nous vivons.
Je me félicite des mesures concrètes adoptées
par le Conseil européen, qui doivent permettre d’instaurer au sein de
l’Union un système cohérent de prévention et de répression du
terrorisme grâce, notamment, au renforcement de la coopération policière
et judiciaire : celui-ci devrait s’appuyer sur une définition
commune du terrorisme et sur une harmonisation des sanctions, sur des
instruments nouveaux, comme le mandat d’arrêt européen, sur une coopération
accrue des services compétents et sur la mobilisation de spécialistes
du terrorisme dans les enceintes européennes. Ces décisions concernent
également la lutte contre le financement du terrorisme, notamment à
travers l’extension de la directive sur le blanchiment de l’argent
et la décision-cadre sur le gel des avoirs, que la France a
d’ailleurs anticipée en décidant de geler les avoirs des personnes
et des entités identifiées par les États-Unis. A cette fin, un décret
a été publié au Journal officiel dès le 26 septembre.
Après les États-Unis, nous avons été la première nation à prendre
immédiatement ces dispositions concrètes.
Ces décisions, pour essentielles qu’elles
soient, en appelleront de nouvelles et exigent un suivi particulier.
C’est pourquoi je crois opportune la création d’une structure
permanente ad hoc - peut-être à travers nos représentants
permanents auprès de l’Union européenne - chargée, à
Bruxelles, sous l’autorité du Conseil affaires générales, comme
l’a dit le Conseil européen, de coordonner les actions à mettre en
œuvre pour lutter contre le terrorisme dans les différents domaines.
Cette structure pourrait s’assurer de l’application des mesures
prises et identifier les nouveaux besoins d’harmonisation.
Au moment où l’Europe achève de construire
les institutions et les capacités qui la doteront d’une dimension de
défense, sans doute faut-il aussi réfléchir, en complément des progrès
observés au sein du pilier JAI, à la contribution que cette Europe de
la défense peut apporter à la sécurisation du territoire, des
approches maritimes et aériennes des pays de l’Union européenne.
Mesdames, messieurs, trois semaines après les
attentats, les États-Unis poursuivent, de manière progressive, le déploiement
de leurs forces, notamment aériennes et aéronavales, au Moyen-Orient
et en mer d’Arabie. A cet égard, il apparaît que l’administration
américaine privilégie une action méthodique, menée seule ou en
coalition. Le but affirmé, c’est l’efficacité dans la durée pour
démanteler l’organisation de Ben Laden et les réseaux identifiés
comme appartenant à la mouvance du terrorisme islamiste.
Les options militaires de la lutte qui
s’engage peuvent conduire, au-delà des actions ponctuelles, à des opérations
de plus grande envergure. Le succès des unes et des autres exige des
renseignements de grande qualité, pour planifier des modes d’action
très complexes et définir des ciblages précis et pertinents. Les
États-Unis font appel à la coopération internationale dans ce domaine.
Nos services, qui ont déjà participé de manière très active à
l’identification et au démantèlement de réseaux terroristes liés
aux attentats du 11 septembre, y apportent leur compétence.
Pour préparer ces actions ou ces opérations,
les déploiements de forces complémentaires engagés par les États-Unis
devraient se poursuivre. Sur ce point, la France, comme d’autres alliés,
a été sollicitée pour ouvrir son espace aérien aux appareils
militaires américains. En accord avec le Président de la République,
il a été répondu favorablement à cette demande. Naturellement, une
concertation étroite est maintenue à ce sujet entre les responsables
de nos deux pays ; elle comporte notamment une procédure de préavis.
Une demande de coopération navale nous a été également adressée.
Des bâtiments français de la marine nationale déployés dans l’océan
Indien coopèrent avec l’US Navy, notamment pour contribuer au soutien
logistique de la force aéronavale déployée en mer d’Arabie.
Plus largement, au-delà de cette opération,
les forces françaises prépositionnées hors du territoire métropolitain
ont adapté leur posture en élevant leur niveau de précaution et de
vigilance. Elles peuvent à tout moment être renforcées par de
nouvelles capacités militaires et notamment par des forces spéciales
dont le niveau de disponibilité opérationnelle est élevé.
Les décisions éventuelles seront prises par le
Président de la République et le Gouvernement, conformément aux
responsabilités constitutionnelles de chacun. Si, au-delà de
l’actuelle coopération dans les domaines du renseignement, des
facilités logistiques et du soutien, il était demandé la
participation militaire de la France à des opérations, cela
impliquerait que notre pays soit pleinement associé à la définition
des objectifs politiques et à la planification des actions.
Si des moyens militaires français concouraient
à une intervention, le Parlement serait consulté et la représentation
nationale serait régulièrement informée de la conduite des opérations,
comme ce fut le cas pendant toute la durée du conflit du Kosovo.
Aujourd’hui, tous les regards se tournent vers
l’Afghanistan. Au-delà des actions que la présence des terroristes y
rendrait nécessaires, il faut penser aux hommes et aux femmes de ce
pays, victimes d’un régime d’oppression, et tâcher qu’ils
parviennent à reprendre enfin leur destin en main. Aux souffrances que
ce peuple endure depuis si longtemps du fait des conflits armés
s’ajoutent aujourd’hui de nouvelles difficultés humanitaires. L’Union
européenne a d’ores et déjà débloqué 27 millions d’euros
d’aide pour y faire face. La France - qui, par ses organisations
non gouvernementales, a été très présente en Afghanistan -
vient de présenter à ses partenaires un plan d’action pour ce pays.
Elle prendra toute sa place dans l’action internationale qui
s’impose pour favoriser le dialogue entre toutes les composantes de ce
pays en vue d’une transition vers la réconciliation et la paix
civile. Notre pays participera à l’effort international en faveur des
populations civiles afghanes.
Mesdames, messieurs, la France n’a pas découvert
la barbarie du terrorisme le 11 septembre. Elle l’a déjà, hélas !
plusieurs fois éprouvée dans sa chair. Aussi est-ce avec constance et
vigilance que le Gouvernement s’emploie à assurer la sécurité de
nos concitoyens.
Le jour même des attentats sur New York et
Washington, le Gouvernement a mis en œuvre le plan Vigipirate renforcé.
Ce plan prévoit la présence de forces de
police, de gendarmerie et des armées dans des lieux publics sensibles,
comme les aérogares, les gares ou des zones de forte concentration
commerciale. Au total, ce sont près de 4 500 hommes et femmes
qui assurent cette tâche visible de prévention des attentats et des
troubles à l’ordre public, en complément de celles des forces de
police et de gendarmerie qui sont normalement affectées à la sécurité
publique. Mais le plan Vigipirate est aussi un ensemble de mesures de
vigilance, mises en œuvre dans chaque département par le préfet sur
la base d’un plan qu’il élabore, pour les lieux, entreprises et établissements
sensibles. Son déclenchement mobilise de nombreux agents publics et
privés, bien au-delà des effectifs des forces de sécurité appelées
en renfort.
Je tiens ici, devant la représentation
nationale, à rendre un hommage particulier à tous ceux, élus locaux,
fonctionnaires des services de l’État et des collectivités,
policiers, gendarmes et militaires, responsables et agents de sécurité
dans les entreprises, qui ont été mobilisés pour la mise en œuvre du
plan Vigipirate et veillent à sa bonne application.
Ces premières mesures de précaution étaient nécessaires.
Le plan Vigipirate est essentiel à la protection de notre pays en cas
de menace terroriste, car il met en place un dispositif de surveillance
de caractère général et éveille la vigilance des responsables et de
la population.
Mais le plan Vigipirate doit être complété
par des mesures spécifiques adaptées à la réalité de la menace
terroriste.
Pour élaborer ces mesures, il faut apprécier,
de la manière la plus précise possible, les caractéristiques de la
menace pour notre pays, aujourd’hui. L’activité des services de
renseignement est à cet égard déterminante. Il est rare qu’elle
soit évoquée à la tribune de l’Assemblée nationale, pour des
raisons évidentes. Je voudrais aujourd’hui souligner le travail
considérable réalisé par ces services, qu’ils dépendent du ministère
de l’intérieur ou du ministère de la défense. Par leur action
propre, et aussi par leurs relations avec leurs homologues chez nos alliés,
ils fournissent des renseignements précieux dans la lutte contre le
terrorisme. Ces renseignements, vous le savez, ont déjà permis
d’interpeller, en France et à l’étranger, des personnes fortement
suspectées d’être liées à des réseaux terroristes et de préparer
des attentats en Europe.
S’agissant des mesures de préventions et de
protection, déjà, depuis 1999, la planification de défense et de
sécurité a fait l’objet d’une mise à jour, et les moyens humains,
financiers et matériels dont elle est assortie ont été renforcés.
Pour répondre plus spécifiquement à la menace
terroriste, depuis le 11 septembre, un très important travail
interministériel sur la prévention, les moyens de lutte et de secours
a été mené dans une série de domaines sensibles. Je suis
personnellement de très près ce travail interministériel. Plusieurs réunions
de ministres ont été organisées à l’Hôtel Matignon depuis le 11 septembre.
Après m’être adressé aux préfets, je réunirai prochainement les
préfets et les officiers généraux de zone de défense ainsi que les
préfets maritimes.
En cette matière, nous rechercherons toujours
la transparence, dans toute la mesure compatible avec les contraintes de
la protection de notre pays. Notre vigilance doit d’abord s’exercer
sur la sécurité du transport aérien. Cela nécessite des mesures au
niveau international, puisque le risque peut survenir d’avions de
compagnies étrangères comme nationales, en transit comme à
destination ou au départ de notre pays.
Nous attachons donc une importance particulière
à la concertation qui s’est engagée dans le cadre de l’Organisation
de l’aviation civile internationale, en vue de renforcer les
obligations des États en matière de sûreté et d’adapter les normes
aux menaces nouvelles. Dans ce domaine de la lutte antiterroriste comme
dans les autres, l’harmonisation européenne est essentielle. Le
conseil des ministres des transports, qui s’est réuni le 14 septembre
dernier à Bruxelles, et auquel participait le ministre des transports,
Jean-Claude Gayssot, a notamment décidé de renforcer l’expertise et
la coordination au sein de la Conférence européenne de l’aviation
civile, qui réunit trente-huit États.
Pour sa part, le Gouvernement est résolu à
mettre en place, aussi rapidement que possible, en complément de
Vigipirate, une première série de mesures nationales renforçant très
sensiblement la sécurité pour les avions circulant dans notre espace aérien.
Le contrôle des accès aux zones aéroportuaires
est d’ores et déjà renforcé et va l’être davantage, pour les
personnels qui y travaillent, les passagers, les bagages et le fret,
pour l’aviation d’affaires comme l’aviation de ligne. Afin
d’assurer la sécurité à bord des avions eux-mêmes, des contrôles
de sécurité avant le vol vont être systématisés, la présence de
personnels de sécurité en vol sera encouragée et l’étude de
dispositifs de contrôle de l’accès au poste de pilotage va être accélérée.
La défense aérienne a été renforcée et
adaptée à la situation nouvelle. La coopération avec nos alliés les
plus proches a été resserrée en matière de veille et de surveillance
de l’espace aérien. Des détachements permanents de liaison ont été
placés au sein des centres militaires alliés et au sein des centres
civils français de contrôle de la navigation aérienne. Le nombre
d’avions de chasse en alerte de décollage immédiat est passé de
quatre à dix appareils répartis sur cinq terrains.
L’armée de l’air est en mesure
d’intercepter rapidement un avion au comportement anormal pour procéder
à des vérifications et, si nécessaire, prendre des mesures de
contrainte. En outre, des dispositifs de défense aérienne au sol
peuvent être déployés autour de certains sites qui apparaîtraient de
nature à constituer des cibles présentant des risques particuliers.
Certaines des mesures prises pour le transport aérien
pourront être étendues à des transports ferroviaires ou maritimes très
sensibles. Les préfets maritimes ont d’ores et déjà pris des
mesures pour que les atterrages fassent l’objet d’une surveillance
accrue des navires marchands, en particulier ceux transportant des
produits dangereux.
Les risques d’une action terroriste de nature
bactériologique ou chimique sont souvent évoqués. Face à ce type de
menaces, le Gouvernement a élaboré un plan d’urgence, qu’il
souhaite coordonner avec nos partenaires européens. Même si le nombre
de substances chimiques ou d’agents bactériens ou viraux qui peuvent
être hypothétiquement utilisés complique la mise en place de
dispositifs spécifiques de prévention et de protection, le
Gouvernement a engagé une remise à niveau accélérée de nos moyens
de détection et de réaction.
Dans l’immédiat, le Gouvernement vient
d’approuver le plan BIOTOX qui définit les principes de la lutte
contre le risque biologique. Les moyens d’analyse et de détection des
attaques contre l’air ou l’eau seront renforcés. Les capacités de
décontamination seront accrues. Les laboratoires seront mobilisés pour
produire les antidotes, lorsqu’ils sont connus.
Face au risque d’attaques par les agents
infectieux vis-à-vis desquels il n’existe pas ou plus de vaccin, il
faut à la fois encourager la recherche française à trouver de
nouveaux moyens de prévention adaptés et développer les thérapeutiques
curatives. Nous souhaitons que cette recherche s’insère dans un cadre
européen et international. Dans ce domaine où le risque pour la santé
publique ne peut être borné par une frontière, il est en effet
essentiel que les mesures soient harmonisées au niveau européen, et
international dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé.
Mesdames, messieurs les députés, il nous faut
également veiller, en cette période de risque accru, à renforcer les
dispositions légales de nature à prévenir et combattre plus
efficacement les menées du terrorisme. A cette fin, le Parlement
devrait être saisi, sous des formes répondant à l’urgence, de
dispositions législatives.
Ces dispositions viseront notamment plusieurs
objectifs : réaliser des visites de véhicules, sur réquisition
du parquet lorsque ces visites sont nécessaires pour rechercher et
poursuivre certaines infractions en matière de terrorisme ; mener
des perquisitions dans le cadre d’enquêtes préliminaires, pour des
infractions relatives au terrorisme, sur autorisation du juge des libertés
saisi par le parquet ; faire procéder, par des agents de sécurité
préalablement agréés, à des contrôles de sécurité, pour l’accès
aux zones aéroportuaires ou portuaires, ou en tout lieu accessible au
public, en cas de menace grave sur la sécurité publique ; donner
aux juges les moyens de contrer plus efficacement l’utilisation à des
fins criminelles des nouvelles technologies de la communication.
Ces dispositions, justifiées par la lutte
contre le terrorisme, seront proposées au Parlement pour une période déterminée
liée aux circonstances actuelles.
Mesdames, messieurs, tout est fait pour assurer
la sécurité de nos concitoyens et préparer la contribution de la
France à la lutte contre le terrorisme international. Cette
mobilisation doit avoir pour corollaire notre sérénité et notre cohésion
nationale. Cette cohésion repose sur le respect mutuel. A cet égard,
les propos ou les comportements hostiles à l’Islam sont dangereux et
profondément inacceptables.
J’observe d’ailleurs que toutes les autorités
religieuses, en particulier dans notre pays, se sont élevées avec
force non seulement contre les attentats mais aussi contre les attitudes
menaçantes à l’égard des musulmans, dont ils seraient le prétexte.
Je l’affirme solennellement : aucun acte hostile à l’égard
des musulmans ne sera toléré dans notre pays. Les actes
d’inspiration raciste, antisémite ou les comportements
discriminatoires seront poursuivis.
Dans le même esprit de mobilisation, nous
devons nous refuser à céder au fatalisme du ralentissement économique.
Nos atouts sont intacts : l’inflation est en recul, nos
entreprises sont en bonne situation financière, la consommation est
soutenue, nos déficits publics ont été réduits.
Nous possédons les ressorts nécessaires pour
surmonter les épreuves de l’heure. Chacun, qu’il soit chef
d’entreprise, investisseur, consommateur, doit se sentir concerné par
la réponse qu’il convient d’apporter au terrorisme. Sachons faire
la preuve, collectivement, de notre sens des responsabilités, de notre
solidarité d’acteurs économiques.
Pour sa part, le Gouvernement est pleinement
mobilisé. Il montre sa réactivité en matière de politique de
l’emploi - la ministre de l’emploi et de la solidarité a
rappelé les mesures prises hier - en redéployant très rapidement
des moyens budgétaires.
Il est également déterminé à s’engager en
faveur des secteurs d’activité qui seraient directement touchés par
les conséquences des attentats du 11 septembre ; nous y
travaillons avec le ministre de l’économie, des finances et de
l’industrie. Le projet de budget que nous proposons à la représentation
nationale pour l’année 2002 sert la croissance. Il poursuit la baisse
des impôts, tant pour les ménages que pour les entreprises, et assure
ainsi le soutien de la consommation et de l’investissement.
Mais je ne doute pas, mesdames, messieurs les députés
de l’opposition, qu’au-delà du fait que cette crise économique
internationale ne semble pas vous affecter, ou vous désespérer, comme
nous, nous puissions compter sur vos propositions pour faire face à
cette situation ! Quand la situation devient moins bonne, en effet,
nos concitoyens ne se posent qu’une question : avec qui sera-t-il
préférable d’aborder cette période plus difficile ? Voilà qui
va favoriser une saine émulation.
En tout cas, nous serons prêts, si nécessaire,
à aller plus loin, pour maintenir l’économie française sur le
chemin de la croissance et de la baisse du chômage. Nous le ferons avec
le souci de la rapidité et de l’efficacité. Nous le ferons aussi en
concertation avec nos partenaires européens, pour démontrer ensemble
que, sans remettre en cause nos engagements en faveur de la maîtrise
budgétaire, nous mettons tout en œuvre pour éviter la spirale du
ralentissement.
Mesdames, messieurs les députés, dans les
circonstances présentes, nous devons veiller plus que jamais à
maintenir notre unité nationale autour des valeurs du pacte républicain.
Ce sont précisément ces valeurs que le terrorisme veut nier en
provoquant le chaos, le doute et la division dans nos sociétés démocratiques.
Dans le combat contre le terrorisme,
l’attachement à nos principes fondateurs - ceux de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen, ceux de notre devise républicaine
- constitue notre plus grande force. Au-delà de nos différences et
dans notre diversité, je sais que cette conviction-là au moins nous
est commune.
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