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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 24 janvier 2007

Séance de 16 h 15

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

 

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– Convention portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise - M. François Guillaume, rapporteur (n° 3551)

– Accords relatifs à la fiscalité des revenus de l'épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas - M. Philippe Cochet, rapporteur (n° 3552)

  

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Convention portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Guillaume, le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise suite, d’une part, à la convention-cadre instituant la coopération relative au développement transfrontalier liée au projet Esch-Belval et, d’autre part à la convention relative à la réalisation d’infrastructures liées au site de Belval-Ouest (n° 3551).

M. François Guillaume, Rapporteur, a rappelé que, en 2001, le Parlement avait autorisé un échange de territoires entre la France et la Principauté d’Andorre pour permettre à cette dernière d’assurer la construction d’un viaduc destiné à faciliter la liaison routière entre les deux pays. L’échange de territoires entre la France et la Grand-Duché du Luxembourg, prévu par la convention signée le 20 janvier 2006, relève de la même logique. Il s’agit de permettre au Luxembourg de réaliser, sur une portion de territoire actuellement française, un parking et un giratoire afin de faciliter la desserte d’un pôle d’activités que le Grand Duché est en train de développer sur une ancienne friche industrielle située tout près de la frontière.

L’aménagement de cette zone devrait générer des activités très variées, sur le territoire luxembourgeois, mais aussi en France. Un projet lorrain de développement, complémentaire à celui élaboré de l’autre côté de la frontière, est actuellement entré dans une phase pré-opérationnelle. Les terrains cédés par le Luxembourg en contrepartie de l’assise des aménagements de desserte pourront accueillir une partie de ces nouvelles activités.

Tout comme la région Lorraine, qui, malgré les opérations de reconversion déjà effectuées, compte encore environ 2 000 hectares de friches, issues de la disparition d’activités métallurgiques, sidérurgiques, minière, et militaires, le Luxembourg compte un certain nombre de friches industrielles. C’est sur l’une d’entre elles, la friche d’Esch-Belval, située tout près de la frontière avec la France, qu’il projette la création d’un pôle de recherche autour de la future université du Luxembourg et des archives nationales. La revitalisation du site passera aussi par le développement d’activités tertiaires publiques ou privées, notamment de loisirs, et la construction de logements. Le projet, qui devrait occuper 100 hectares, vise, à l’horizon 2015, la création de 20 000 emplois et l’arrivée de 50 000 habitants sur le site de la ville qui verrait ainsi le jour. Il est prévu d’y investir 1 milliard d’euros. Une première tour de quatorze étages a déjà été construite ; elle abrite 400 salariés de la banque Dexia. L’aménagement de la desserte de cette zone d’activités contribuera en outre à désengorger la circulation routière dans une zone traversée chaque jour par les 40 000 Français qui travaillent au Luxembourg.

Complémentaire au projet luxembourgeois, le projet français « Alzette-Belval 2015 » vise à attirer, sur une zone d’environ 1 000 hectares située sur cinq communes mosellanes, qui comptent 20 000 habitants, dans un bassin de 100 000 habitants, des activités et des investisseurs très divers, aussi bien dans le secteur des services aux entreprises et dans les activités induites par le tertiaire supérieur, que dans la production, la recherche appliquée, les services liés au développement durable et aux énergies renouvelables. La création d’un pôle « culture et techniques de l’image » est aussi envisagée, dans une région marquée par la présence d’une forte communauté d’origine italienne qui reste culturellement attachée à la patrie de ses ancêtres.

Afin d’organiser les relations entre les deux pays pendant la réalisation de ces projets, ont été signées, le 6 mai 2004, deux conventions entre la France et le Luxembourg : la première est une convention-cadre instituant la coopération relative au développement transfrontalier lié au projet d’Esch-Belval ; la seconde est relative à la réalisation d’infrastructures liées à ce site. Cette dernière prévoit d’« initier en temps opportun un échange de territoire, m2 pour m2 ».

L’idée de favoriser un développement coordonné des friches industrielles luxembourgeoises et françaises situées de part et d’autre de la frontière ne peut qu’être approuvée et il est naturel que la France facilite la réalisation d’un projet important pour son voisin luxembourgeois et de nature à stimuler la création d’activités et d’emplois sur son propre territoire.

M. François Guillaume, Rapporteur, a néanmoins souhaité faire part de deux inquiétudes face à ce projet, élaboré à la suite du projet luxembourgeois, et qui, sur une surface nettement plus grande, accueillera essentiellement des activités de loisirs de proximité pour les salariés du centre luxembourgeois. Il a tout d’abord rappelé que la création, au milieu des années 1980, du pôle européen de développement des trois frontières, près de Longwy, qui répondait à la même logique de coopération transfrontalière, n’a pas totalement tenu ses promesses, en particulier du côté français. Alors que les parties belge et luxembourgeoise de la zone ont attiré très rapidement des entreprises diverses, la partie française n’est encore occupée qu’à environ 50 % de ses possibilités. Il faudra donc être vigilant à ce que le développement du pôle d’activités luxembourgeois n’ait pas pour premier effet d’intensifier encore le flux des travailleurs transfrontaliers, qui sont au total déjà 100 000 en Lorraine, et d’aggraver l’encombrement routier à la frontière avec le Luxembourg.

Par ailleurs, la création d’une université et d’un pôle de recherche à Belval-Ouest ne doit pas constituer un facteur de déstabilisation des relations entre les quatre universités lorraines, et en particulier entre celles de Nancy d’une part, qui se sont récemment regroupées, et celle, plus petite, de Metz, d’autre part, qui pourrait être tentée de se rapprocher de sa nouvelle voisine luxembourgeoise. Il faudra prendre garde à ce que cette nouvelle structure ne soit ni une concurrente pour les universités françaises, ni une source de tension entre elles.

La rectification de frontière effectuée par la convention signée le 20 janvier 2006 peut néanmoins être approuvée sans problème. Il revient au Luxembourg de réaliser une série d’aménagements destinés à assurer la desserte de la nouvelle zone d’activités. Etant donné les infrastructures routières existantes, il est apparu nécessaire d’implanter le giratoire et le vaste parking sur des terrains français. Afin de faciliter la gestion et l’entretien de ces aménagements, qui sont à la charge du Luxembourg, un échange de territoires s’impose.

Il porte sur des terrains de 8 hectares, 76 ares et 79 centiares, situés de part et d’autre de la frontière sur les communes de Russange en France et de Sanem côté luxembourgeois, dont la surface des territoires respectifs demeurera inchangée. La France cède ainsi au Luxembourg des champs agricoles appartenant à Arcelor et à un propriétaire privé, ainsi qu’un chemin rural relevant de la commune de Russange, en échange de champs agricoles appartenant aussi à Arcelor et d’un chemin rural propriété de la commune de Sanem. Les terrains qui deviendront français sont au contact du projet luxembourgeois de Belval-Ouest et pourront donc servir d’assise foncière aux nouvelles activités économiques qu’il est susceptible de générer en Moselle.

La portion du territoire qui sera cédée est inhabitée. Selon une pratique constante depuis 1958, dans ce cas, les conseils municipaux des communes concernées sont consultés. Celui de Russange s’est prononcé, le 24 novembre 2005, à l’unanimité en faveur de cet échange de territoires.

L’article 1er de la convention précise la superficie des territoires objets de l’échange et énumère les parties de la frontière, sur la commune de Russange et sur celle de Sanem, qui seront modifiées. Les parcelles concernées et la nouvelle frontière sont représentées sur le plan qui figure en annexe de l’accord.

En application de l’article 2, la commission franco-luxembourgeoise pour la révision de l’abornement, qui existe depuis 1853, est chargée d’effectuer la délimitation du nouveau tracé et son abornement. Après l’approbation par les deux gouvernements du procès-verbal établi par la Commission, celui-ci aura même force que la présente convention. Les frais seront partagés également entre les deux parties.

Enfin, l’article 3 prévoit que la convention entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification d’accomplissement des procédures constitutionnelles requises. Le Luxembourg a ratifié cette convention le 24 juillet 2006 et n’attend plus que l’approbation de la France pour la mettre en œuvre.

Le Président Edouard Balladur a demandé au Rapporteur de bien vouloir confirmer qu’il s’agissait d’échanger, de part et d’autre, environ 8,5 hectares, c’est-à-dire qu’il y avait bien égalité totale entre la portion de territoire cédée par la France et celle cédée par le Luxembourg.

M. François Guillaume a confirmé que chaque Etat cédait à l’autre exactement 89 679 mètres carrés.

Le Président Edouard Balladur a ensuite demandé si la France avait été demanderesse de cet échange. Puis il s’est étonné qu’à l’heure de l’Europe il soit encore utile de procéder à des échanges de territoires. Cela apparaît aujourd’hui dérisoire. A cet égard, il a cité l’exemple de l’extension de l’aéroport de Genève-Cointrin réalisée il y a maintenant une quarantaine d’années. A l’époque, la Suisse avait demandé à la France l’autorisation de construire sur le territoire français une partie de cette extension sans qu’il soit nécessaire de procéder à une cession de territoire.

M. François Guillaume a répondu que cet échange de territoires apparaissait comme une nécessité pour le Luxembourg et que la France ne l’avait pas demandée. Puis il a rappelé qu’aucune infrastructure ne pouvait être construite par quiconque sur un terrain ne lui appartenant pas. Le Luxembourg ayant besoin de construire à la fois un parking et un giratoire sur le territoire français afin de faciliter la desserte du pôle de recherche envisagé, il a demandé à la France de bien vouloir procéder à un échange de territoires.

Le Président Edouard Balladur a fait observer qu’il était tout à fait possible de construire sur un territoire dont on n’est pas propriétaire du moment que l’on y est autorisé. Ce fut le cas pour l’extension de l’aéroport de Genève-Cointrin.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3551).

Accords relatifs à la fiscalité des revenus de l'épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Cochet, le projet de loi adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des accords sous forme d'échange de lettres relatifs à la fiscalité des revenus de l'épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas (n° 3352).

M. Philippe Cochet, Rapporteur, a indiqué que, le 3 octobre 2006, le Sénat avait adopté le projet de loi autorisant l’approbation des accords sous forme d’échange de lettres relatifs à la fiscalité des revenus de l’épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Ce projet de loi comporte dix articles, qui autorisent chacun l’approbation d’un accord.

Ces accords bilatéraux ont été conclus dans le cadre de la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts, dont l’entrée en vigueur est notamment conditionnée à la signature d’accords dans ce domaine entre chacun des Etats membres de la Communauté européenne et dix territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas.

Cette directive, qui est l’aboutissement d’un long travail visant une harmonisation fiscale en matière d’épargne, doit permettre de lutter contre la concurrence fiscale dommageable en posant le principe de l’imposition des paiements d’intérêts dans le pays de résidence du bénéficiaire, soit dès son entrée en vigueur, soit, à titre dérogatoire, au-delà d’une période transitoire. Pour rendre cette imposition possible, il est indispensable que le pays ou le territoire où les intérêts ont été payés informe de ces paiements les autorités du lieu de résidence du bénéficiaire. Le but de la directive, comme celui des accords qui sont l’objet du présent projet de loi, est de mettre en place un échange automatique de ces informations.

La Belgique, l’Autriche et le Luxembourg, soucieux de préserver leur secret bancaire et donc l’activité de leur place financière, ont obtenu la possibilité de s’abstenir, pendant une période de transition, d’échanger l’information sur les revenus de l’épargne couverts par la présente directive s’ils appliquent un système de retenue à la source aux mêmes revenus. La directive fixe le taux de cette retenue : 15 % pendant les trois premières années, 20 % pendant les trois années suivantes et 35 % par la suite. Ce taux croissant réduira progressivement l’avantage que ces places présentent pour les épargnants.

Ce système transitoire pourra s’appliquer jusqu’à ce que la Confédération suisse, la Principauté d’Andorre, la Principauté de Liechtenstein, la Principauté de Monaco et la République de Saint-Marin appliquent le système de retenue à la source selon les modalités prévues par la directive et garantissent un échange effectif et complet d’informations, sur demande, en matière de paiements d’intérêts, et jusqu’à ce que les États-Unis s’engagent à échanger des informations sur demande selon le modèle de convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Sur la base des informations qui lui ont été fournies, le Rapporteur a précisé que la négociation avec les Etats-Unis ne devrait pas poser de problème particulier ; elle devrait en revanche être très difficile avec les cinq Etats tiers européens pour ce qui concerne l’échange d’informations sur demande, alors même qu’ils ont déjà accepté le principe de la retenue à la source.

La directive devait entrer en vigueur lorsque les cinq Etats européens tiers précités (Suisse, Andorre, Liechtenstein, Monaco et de Saint-Marin) auraient signé un accord prévoyant la retenue à la source sur les intérêts versés à des personnes résidant dans la Communauté européenne – condition remplie le 1er juillet 2005 – et lorsqu’auraient été conclus des accords appliquant les principes fixés par la directive à dix territoires dépendants ou associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas, dont la législation particulière limite l’accès aux informations bancaires à des fins fiscales.

Ces territoires sont les Antilles néerlandaises et Aruba, deux entités qui font partie du Royaume des Pays-Bas, trois dépendances de la couronne britannique, situées à proximité de la Grande-Bretagne, mais qui ne font pas partie du Royaume-Uni : Jersey, Guernesey et l’île de Man, et cinq territoires d’outre-mer du Royaume-Uni : Anguilla, les îles Caïmans, Montserrat, les Iles vierges britanniques et les îles Turks et Caicos.

Dans la mesure où un régime transitoire était accordé à trois Etats membres de la Communauté, il a aussi été permis aux territoires qui le souhaitaient d’opter pour cette solution. Seuls Aruba, Anguilla, les îles Caïmans et Montserrat ont accepté le régime de droit commun définitif de l’échange d’informations, tandis que les six autres ont opté, temporairement, pour le régime transitoire de la retenue à la source. Cette retenue est effectuée aux taux prévus par la directive ; les trois quarts de la retenue sont reversés au pays où le bénéficiaire réside. En 2006, la France a reçu 16 millions d’euros de retenue à la source effectuée par l’ensemble des Etats et territoires qui l’appliquent, dont près de 1 million d’euros reversés par les îles anglo-normandes.

Une fois que la période de transition sera achevée, tous les territoires devront procéder à l’échange automatique d’informations tel qu’il fonctionne déjà pour la plupart des Etats membres de la Communauté et pour les quatre territoires qui l’on accepté sans délai. Il porte sur une série d’informations énumérées dans la directive (identité et adresse du bénéficiaire, nom ou dénomination et adresse de l’agent payeur, numéro de compte du bénéficiaire ou identification de la créance génératrice des intérêts...) ; une fois ces informations transmises par les agents payeurs aux autorités nationales, il revient à celles-ci de les communiquer à l’administration fiscale du lieu de résidence du bénéficiaire. Cette communication doit être automatique et effectuée régulièrement (au moins une fois par an, et dans les six mois qui suivent la fin de l’exercice fiscal du lieu de résidence de l’agent payeur), afin de faciliter leur prise en compte par les autorités fiscales françaises ou du territoire de résidence dans l’imposition de la personne.

Pendant la période de transition, les Etats et territoires qui ont accepté l’échange d’informations transmettent aussi les données dont ils disposent à ceux qui ne le mettent pas encore en œuvre. Ainsi, en 2006, la France a transmis des informations sur plus de 120 000 bénéficiaires, dont seulement une vingtaine était établie dans les territoires britanniques ou néerlandais. En effet, présentent surtout un intérêt les informations détenues par ces territoires sur les personnes résidant en France mais qui touchent des intérêts outre-mer. La direction générale des impôts en a reçu un certain nombre, qui n’a pas encore été exploité.

Etant donné le retard pris dans les négociations des accords avec les Etats tiers et les dix territoires, il a été décidé que la directive entrerait en vigueur le 1er juillet 2005, au lieu du 1er janvier de la même année. A cette date, les accords avec les Etats tiers européens relatifs à la retenue à la source, signés entre octobre et décembre 2004, étaient bien en vigueur. Mais il n’en était pas de même pour l’ensemble des accords à conclure entre les différents Etats membres et les territoires dépendants ou associés visés par la directive.

Huit Etats avaient procédé à l’échange des instruments de ratification un mois avant le 1er juillet 2005, ce qui leur permettait de mettre en œuvre les accords de manière normale. Les dix-sept autres, parmi lesquels la France, ont dû notifier aux dix territoires concernés qu’ils appliqueraient les accords de manière provisoire, en attendant l’achèvement des procédures formelles de ratification.

Que ce soit de manière définitive ou provisoire, les stipulations de la directive sont donc entrées en vigueur le 1er juillet 2005 pour l’ensemble des Etats de la Communauté, les Etats tiers européens et les territoires dépendants ou associés. La ratification par la France des accords conclus avec ces territoires permettra de pérenniser un système qui ne peut qu’avoir un effet positif sur nos recettes fiscales.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3352).

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Luxembourg

Fiscalité des revenus de l’épargne