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le 8 décembre 2003
No 1219
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2003.
D É C L A R A T I O N
D U G O U V E R N E M E N T
sur les stratégies ministérielles de réforme
Institutions politiques. - Administration. - Collectivités locales.
Monsieur
le président,
Monsieur
le président de la commission des finances,
Monsieur
le rapporteur général,
Mesdames
et messieurs les députés,
Le débat auquel nous
allons nous livrer ce matin est sans précédent.
C’est la première
fois, en effet, qu’un gouvernement discute de la réforme de l’État
avec les élus de la nation, en dehors des aspects qui peuvent être
abordés dans le cadre du débat budgétaire. Je m’en réjouis car je
pense que l’information, la participation, l’implication forte du
Parlement sont nécessaires pour enclencher le mouvement de réforme
dans les administrations.
Le Gouvernement désire
clairement prendre appui sur les Assemblées pour entretenir le rythme
de la réforme.
Vous avez un rôle
éminent à tenir pour nous aider à maintenir ce cap.
Je souhaite que vous
preniez toute votre part dans ce processus. Il n’y aura pas de grand
soir de la réforme avec un grand « R », mais un mouvement
continu, long, difficile, qu’il faudra périodiquement ranimer.
Je crois à la réforme
permanente, comprise, partagée et portée par les élus et les fonctionnaires
qui doivent en être les premiers acteurs.
Vous devez, mesdames,
messieurs les parlementaires, en être les aiguillons. Vous pouvez
en être les animateurs ou les initiateurs, mais nous partagerons avec
vous les évaluations et la surveillance des objectifs.
Si j’insiste autant
sur la nécessité de travailler en commun à la réussite de la réforme,
c’est que celle-ci entre maintenant dans une phase où elle commence
à produire les premiers effets concrets que nous devons fortifier
et prolonger. En effet, beaucoup a déjà été fait : la réforme
des retraites, différée de gouvernement en gouvernement, est aujourd’hui
votée ; pour la sécurité de nos concitoyens, deux grandes administrations,
police et gendarmerie, de cultures réputées si différentes, se sont
rapprochées ; de grandes lois ont été tissées et votées ici même :
la loi sur la sécurité intérieure et la loi de programmation sur la
justice, la clarification tant attendue des trois niveaux de SMIC,
le débat sur l’acte II de la décentralisation, la loi d’habilitation.
Ces lois sont, parmi
d’autres, autant de signes forts du changement en cours.
Ces initiatives gouvernementales
ont pu prendre corps grâce à la volonté réformatrice du Président
de la République et au courage politique de Jean-Pierre Raffarin,
pour qui gouverner est une responsabilité d’avenir.
Ce changement, nous
allons le poursuivre, avec le soutien résolu du Parlement. Avec vous !
L’année 2004 sera
celle du sauvetage de notre système de sécurité sociale ; 2004
verra le vote de la loi sur le développement des responsabilités locales
et la conclusion du débat sur l’école. Elle sera aussi l’année de
la réforme effective de l’État.
En conduisant avec
vous ces réformes, nous visons trois objectifs : un État plus
réactif et plus en phase avec les attentes des Français, en allégeant
et en clarifiant ses structures et ses méthodes de travail ;
un État plus efficace, mieux géré, modernisant ses services administratifs
et réduisant ses coûts de fonctionnement ; un État moderne, respectueux
du contribuable et de l’usager. Pour ce faire, nous voulons changer
la culture de l’administration et tout en maintenant et en respectant
la tradition française du service public, introduire dans la fonction
publique la notion d’objectifs, de performance et de résultat.
Aucun secteur, aucun
ministère n’est à l’écart de cet effort qui doit nous redonner rapidement
les marges indispensables pour investir, pour stimuler la recherche,
pour recréer de la richesse. Il n’y a pas de sanctuaire à l’abri de
la réforme.
La réforme doit s’appliquer
de façon juste, mais ferme, à toutes les composantes de l’État.
Osons le dire dès
maintenant : l’objectif du Gouvernement, à travers les politiques
qui concourent à la réforme de l’État, est de dégager des gains de
productivité substantiels dans les administrations.
Je suis venu vous
dire ici la ferme détermination du Premier ministre : tous les
ministères, sans exception, doivent se donner comme objectif de parvenir
à dégager des gains de productivité comparables à ceux que réalisent
toutes les grandes organisations du secteur tertiaire.
Je vous invite à vérifier
chaque année que les ministères réalisent ces gains de productivité.
C’est en effet le seul moyen de concilier nos deux objectifs primordiaux
pour la législature.
En premier lieu, nous
voulons stabiliser les dépenses de l’État en volume jusqu’en 2007,
notamment afin de ramener le niveau des déficits publics sous la barre
des 3 % du PIB dès 2005.
En second lieu, nous
voulons améliorer la qualité du service rendu à l’usager, pour répondre
aux nouvelles demandes de nos concitoyens.
Cet impératif de productivité,
nous ne le visons pas pour satisfaire une préoccupation idéologique,
mais parce que nous avons une vision précise de ce que doit être l’action
publique dans les années à venir. Cette vision est fondée sur la conviction
que, dans une société responsable, le service public et le secteur
privé doivent fonctionner en totale harmonie, dans le respect mutuel
et en se soutenant, au lieu de s’ignorer et de s’opposer.
Nous sommes face à
de grands enjeux, qui dépassent très largement nos clivages politiques :
humaniser la mondialisation, concilier l’économique et le social,
l’économique et l’environnement. Cela nécessite des outils de régulation
publique qui confortent les objectifs que nous nous assignons.
La non-maîtrise de
notre dette - 15 % du PIB en 1981, plus de 60 % en
2003 - alourdit le poids du passé et affecte une part de plus
en plus importante de nos ressources à rembourser plutôt qu’à investir.
Sans inversion de cette tendance, nous fragilisons notre avenir. Notre
pays ne peut pas vivre à crédit.
De même, pour préserver
nos outils de régulation sociale, pour surmonter une crise économique,
pour conforter le pouvoir d’achat des ménages, nous devons impérativement
apprendre à maîtriser la dépense publique.
Notre action humaniste,
notre performance économique seront directement liées à notre capacité
à dégager les moyens de nos ambitions.
Mesdames et messieurs
les députés, entendons-nous bien : il ne s’agit ni de privatiser,
ni de brader, ni d’affaiblir le service public. Il s’agit au contraire,
pour garantir son avenir, de lui apporter un surcroît de performance,
de qualité et d’efficacité.
Un pays comme la France
a besoin d’un service public efficace, au service d’une économie performante
et de politiques sociales qui « marchent ». Pour y parvenir,
nous devons répondre aux défis de l’attractivité de la fonction publique
et moderniser en permanence nos administrations, mais nous devons
aussi, dans les deux années à venir, nous attaquer en priorité à la
réduction des déficits publics.
Il est illusoire de
vouloir à la fois répondre aux nombreux problèmes de notre société,
garantir la cohésion sociale, assurer le développement durable de
notre territoire et maintenir la compétitivité de nos entreprise,
si nous ne sommes pas capables de contenir et de diminuer le déficit
dans un délai très court.
Aujourd’hui, ce qui
compte, ce n’est pas de faire de l’idéologie au détriment du service
public. C’est de faire en sorte que celui-ci soit réactif et en permanente
adaptation.
Nous ne pouvons accepter,
nous, républicains, le clivage entre la bonne et la mauvaise école,
le bon ou le mauvais hôpital. Ce clivage transforme les usagers du
service public en consommateurs, ce qui est source d’inégalité profonde
entre nos concitoyens.
Il nous faut intégrer
cette évolution et permettre à nos administrations de libérer leur
énergie en gommant des procédures superflues, les structures inutiles
et les habitudes routinières.
Les plus dynamiques
de nos administrations ont déjà amorcé, depuis quelques années, ce
virage. Mais il est clair qu’une nouvelle étape doit être franchie
afin que les résultats soient rapidement visibles.
Notre volonté est
forte, nos objectifs clairs, notre calendrier précis et notre méthode
arrêtée. Elle s’articule autour de quatre chantiers ministériels et
interministériels : un chantier structurel, la décentralisation
et la réforme de l’administration territoriale ; un chantier
budgétaire, la nouvelle constitution financière issue de la loi organique
sur les lois de finances ; un chantier managérial, la modernisation
de la gestion des ressources humaines ; un chantier qualitatif
enfin, la simplification des procédures et les politiques en faveur
des usagers.
La décentralisation
est le premier pilier, avec la déconcentration, qui en est le complément
indispensable. Comme l’a indiqué le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin
dans son discours prononcé à Rouen, en conclusion des assises des
libertés locales, la décentralisation, ce n’est pas l’affaiblissement
de l’État. C’est le renforcement de l’État, allégé des missions qui
peuvent être exercées plus efficacement au plus près du terrain et
recentré sur les tâches qui ne peuvent être assumées que par lui.
La stratégie du Gouvernement
est bien évidemment d’exploiter le choc de la décentralisation pour
faire bouger l’État.
Un tel changement
doit d’abord s’appliquer aux administrations centrales. Le transfert
de certaines des missions qu’elles assumaient, ainsi que les simplifications
qui sont menées par ailleurs sous l’impulsion d’Henri Plagnol, doivent
entraîner une réduction du format des administrations centrales prises
dans leur ensemble. Naturellement, il convient d’affiner l’analyse.
Certains ministères sont plutôt sous-administrés au niveau central,
tandis que d’autres ont une administration hypertrophiée. La question
est donc à la fois de réduire la voilure et de mieux répartir les
moyens. L’État central doit être moins paperassier et plus gestionnaire.
Il doit s’attacher à produire de bonnes normes, à simplifier et à
gérer au plus près du terrain.
La réforme de l’État
territorial est la seconde conséquence de la décentralisation, dont
elle est le complément naturel. Le Gouvernement se prononcera dans
les toutes prochaines semaines sur la recomposition des services déconcentrés
du niveau régional autour de quelques grandes directions - sans
doute pas plus de huit, alors qu’elles sont actuellement au nombre
de vingt-quatre - sous l’autorité du préfet de région.
Dans le même temps,
la mutualisation des moyens sera organisée pour dégager les gains
de productivité qui sont aujourd’hui perdus du fait de l’éparpillement
des services de l’État.
Territorialiser les
politiques publiques est également une exigence pour la pertinence
et l’efficacité de l’action publique.
La Cour des comptes
vient de publier un rapport particulier sur le rôle de la déconcentration
des administrations dans la réforme de l’État. Sans nier les progrès
indéniables de la déconcentration dans notre pays, elle conclut cependant
à la nécessité d’aller plus loin, en particulier dans la gestion déconcentrée
des ressources humaines et l’action interministérielle au plan local.
Le Gouvernement a
souhaité répondre à ces enjeux en mettant en chantier une réforme
en profondeur de l’administration territoriale. D’une part, il adapte
son organisation au nouveau cadre de la loi organique relative aux
lois de finances qui va se traduire par une responsabilisation de
chaque service sur la base d’objectifs de coût et de performance précis
et quantifiés. D’autre part, tout en réaffirmant son attachement au
principe de l’unité territoriale de l’État, le Gouvernement entend
moderniser ses services territoriaux en simplifiant leur organisation
et en les rendant plus opérationnels autour du préfet, dont l’unité
de commandement doit désormais s’accompagner d’une plus grande collégialité
dans la prise de décision.
Les préfets seront
dotés de véritables moyens d’action interministérielle grâce à un
programme des interventions territoriales de l’État - qui sera
l’un des programmes ministériels prévus par la LOLF - destiné
à regrouper, quelle que soit leur origine, tous les crédits concourant
au même but sur un territoire donné, dès lors que l’action revêt un
intérêt majeur de nature interministérielle, comme l’eau en Bretagne,
la réindustrialisation de la Lorraine ou le programme exceptionnel
d’investissement en Corse.
Nous avons également
retenu la méthode expérimentale pour traiter la délicate question
de la présence territoriale des services publics. J’ai engagé des
expériences dans quatre départements : la Savoie, la Charente,
la Corrèze et la Dordogne, en vue de redéfinir les modalités de l’offre
des services publics dans les territoires. Nous avons voulu éviter
deux écueils : le moratoire, solution commode à court terme mais
intenable ensuite ; la réorganisation sectorielle par chaque
administration de ses prestations de service public sans coordination
avec les autres services publics.
Avec ces expériences,
nous affirmons notre volonté de voir émerger une vision politique
locale au niveau des établissements publics de coopération intercommunale
et des pays. Je rappelle que mon ministère a considérablement simplifié
le fonctionnement des pays, en harmonie avec les initiatives de votre
assemblée. Je veux notamment saluer la contribution très active du
président Ollier et de la commission des affaires économiques.
Deuxième pilier de
la réforme de l’État : la LOLF. Elle assure la cohérence d’ensemble
de la réforme et lui fournit l’outil indispensable en mettant de la
lumière là où il y a opacité et en faisant apparaître une gestion
orientée vers le résultat.
La loi organique doit
nous permettre de mettre en place de nouveaux outils concernant notamment
le contrôle de gestion et la politique immobilière des administrations.
Elle doit aussi permettre de gérer dans un cadre pluriannuel. Ce sont
là des avancées importantes, mais il importe de ne pas inverser les
priorités : la lecture, le suivi, le contrôle de l’argent public
ne doivent pas neutraliser la nécessaire vision politique mais, au
contraire, l’alimenter.
De même, pour la pertinence
des débats, il est nécessaire de posséder des statistiques fiables,
des données précises et disponibles rapidement. Il serait utile, par
exemple, de disposer d’informations sur l’action de l’État rapportée
à un territoire donné. Dans ce domaine, une collaboration étroite
avec le Parlement s’impose plus que jamais.
La capacité d’analyse
et d’expertise, la crédibilité des données fournies, la fiabilité
des sources, la transparence des informations sont des éléments déterminants
pour la réussite d’une réforme. Car les objectifs ne peuvent être
pleinement partagés que si les diagnostics le sont également. Au-delà
de la réforme, il y a l’esprit de la réforme, basé sur la confiance.
Ce chantier, copiloté
par le ministère du budget et de la réforme budgétaire et par le ministère
de la réforme de l’État, est un chantier vital.
Le calendrier est
clair : les futurs programmes seront arrêtés cet hiver, dans
les prochaines semaines ; les objectifs et les indicateurs qui
leur donneront un contenu politique seront validés au printemps 2004.
Ce calendrier nous oblige, il va mobiliser l’ensemble des ministères
en 2004. L’administration sait ce qu’elle peut en attendre. Pendant
des années, elle s’était plainte à juste titre du fait que les responsables
politiques ne définissaient pas leurs objectifs et ne savaient pas
reconnaître les résultats. Les responsables politiques ont fait leur
travail, dans un esprit de consensus qui doit beaucoup aux efforts
de M. Lambert et de M. Migaud. Je suis persuadé que les
ministères sauront saisir cette opportunité.
Cette réforme née
au Parlement, il va de soi que le Parlement est appelé à en contrôler
la mise en œuvre. Avant les échéances de 2005, vous serez appelés
à vous prononcer sur les programmes et sur les indicateurs, selon
les modalités qui vous conviendront. Je vous l’ai dit en introduction :
le Gouvernement tout entier considère que le Parlement doit être l’aiguillon
de la réforme.
De la même façon,
puisque la LOLF introduit une culture du résultat, je propose que
nous mettions en place ensemble une procédure de suivi des observations
de la Cour des comptes, de façon que nos concitoyens n’aient plus
l’impression que les gaspillages sont tolérés dans notre pays. L’État
ne peut donner des leçons que s’il se les applique à lui-même.
Le troisième pilier
de la réforme est celui du changement dans la gestion des ressources
humaines. Ce vaste chantier de transformation que nous avons lancé
vise à garantir l’attractivité, la réactivité et la capacité d’adaptation
de la fonction publique.
Nous avons ouvert
une première phase concernant les recrutements, qui devront faire
une plus grande place au recrutement professionnel et permettre l’entrée
de profils plus variés dans l’administration. Des avancées en matière
de formation initiale et continue seront réalisées pour accroître
le niveau des agents. J’ai présenté le 22 octobre au conseil
des ministres une communication sur l’encadrement supérieur qui va
dans ce sens. La réforme de l’Ecole nationale d’administration, qui
s’inscrit dans cette démarche, est une illustration parfaite de nos
ambitions pour la fonction publique : professionnalisation, ouverture,
orientation de la formation vers les préoccupations concrètes des
citoyens et des entreprises, simplification des structures de l’école,
sont autant de marques de notre volonté d’avancer sur la voie du changement.
Nous voulons également
adapter les règles de gestion dans le sens d’une plus grande souplesse.
Un nouvel élan sera donné à la déconcentration de la gestion des personnels,
afin de favoriser les effets de proximité. J’ai aussi engagé des travaux
visant à une plus grande mobilité fonctionnelle et géographique des
agents, y compris entre les trois fonctions publiques.
Plus généralement,
et c’est le fil conducteur de notre politique, l’introduction d’une
culture de la performance est une priorité.
La modernisation de
notre service public passe par la définition d’objectifs d’amélioration
de la qualité et par l’association des personnels à leur mise en œuvre.
J’ai l’intention de mieux reconnaître le mérite des bons agents en
différenciant davantage les rythmes d’avancement. S’agissant du lien
entre la performance et le salaire, je suis favorable à la création
d’outils permettant la reconnaissance, au niveau du service, des résultats
obtenus. Il pourrait s’agir soit de mécanismes d’intéressement, soit
de retours financiers vers les services permettant, par exemple, d’améliorer
les conditions de travail.
En cohérence avec
ce mouvement, je souhaite faire évoluer l’approche salariale pour
la rendre plus cohérente avec les réalités économiques. Il me paraît
impossible de raisonner en matière salariale comme par le passé, en
ne retenant que la valeur du point en niveau et en glissement. Je
considère que la politique salariale doit également intégrer les effets
des mesures catégorielles et indemnitaires et qu’elle pourrait être
mieux mise en relation avec la croissance.
Je verrai dans quelques
jours les organisations syndicales de fonctionnaires et je leur proposerai
de se joindre à une conférence destinée à repenser l’approche de la
politique salariale et des rémunérations. Je préconise que se tiennent
à l’avenir des négociations annuelles, qui pourraient être obligatoires,
à partir des travaux d’un observatoire des salaires de la fonction
publique ouvert aux syndicats.
Par-delà l’aspect
salarial, je considère que c’est tout le système de la gestion des
ressources humaines qui doit être repensé. Le plus souvent, les agents
sont motivés, attachés au service public, pleinement désireux de faire
sérieusement et efficacement leur travail au service des usagers.
Mais le système dans lequel ils évoluent est paralysant. Les initiatives
y sont fréquemment bridées, voire découragées.
Je m’insurge contre
une pratique qui veut que celui qui économise ne soit pas mieux vu
que celui qui dépense, une pratique dans laquelle la prise de risques
est pénalisée par rapport à la gestion sans imagination, une pratique
qui récompense la carrière tranquille et sans vagues par rapport à
la carrière où l’on s’investit à fond dans le changement.
Les fonctionnaires
doivent être les acteurs de ce changement. La réforme ne se fera pas
contre eux mais avec eux. Il doivent y trouver toute leur place pour
être les moteurs de la modernisation.
Je voudrais que ce
changement fasse appel à la responsabilisation des fonctionnaires,
à leur motivation, et qu’il repose sur la justice pour que les bons
agents se sentent portés vers l’avant et non pas bloqués dans leur
élan. Responsabilisation et confiance dans les hommes et les femmes
qui font vivre le service public sont les deux forces sur lesquelles
je compte m’appuyer.
Je veux faire émerger
les talents dormants qui existent dans les services. De nombreux fonctionnaires
de tous grades sont à la recherche d’un engagement et souhaitent se
mobiliser pour la cause du service public mais sont sous-employés
ou mal employés. Je vais contacter tous mes collègues pour les inciter
à repérer les agents en question et leur demander de les réaffecter
dans des missions utiles pour la collectivité. L’accès à un poste
de responsabilité doit être la reconnaissance d’une compétence et
non d’une ancienneté ou de l’appartenance à un corps.
Nous sommes en train
d’évaluer les plans de gestion prévisionnelle des effectifs et des
compétences que m’a remis chacun des ministres. Ces plans sont l’un
des outils sur lesquels nous allons nous appuyer pour gérer, sur une
base pluriannuelle, le flux de recrutement et les besoins en personnels
des administrations. La formule doit être améliorée, mais les premières
réunions que nous avons tenues sont prometteuses.
Pour traduire en actes
les transformations liées à la gestion des ressources humaines dans
les fonctions publiques, un projet de loi est en préparation. Il portera
sur les aspects indispensables à la modernisation des règles statutaires :
ouverture à l’Europe, déontologie des circulations avec le secteur
privé, adaptation des règles relatives aux contrats des non-titulaires,
mobilité accrue entre les fonctions publiques après examen de tout
ce qui peut la freiner, y compris l’opacité des rémunérations ou des
primes. Le projet portera aussi sur les modifications que la décentralisation
rend indispensables dans la fonction publique territoriale.
J’entamerai dans quelques
jours la consultation tant des associations d’élus que des syndicats
de fonctionnaires. Mon intention est de présenter ce projet au conseil
des ministres dès le début de 2004.
Les mesures qui relèvent
du règlement - fusion de corps, déconcentration de la gestion, allégement
et simplification des règles de gestion - seront prises en parallèle,
dans des délais rapprochés.
Le quatrième domaine
que je voudrais évoquer concerne les simplifications et les relations
avec les usagers.
Tout d’abord, la simplification
des démarches et des procédures.
Une première loi portant
simplification du droit, promulguée le 2 juillet 2003, va
donner lieu à 45 ordonnances, dont les deux tiers seront publiées
d’ici au mois de février. De très nombreuses mesures intéressant directement
la vie des Français et des élus locaux vont y figurer. Un second projet
de loi est en cours d’élaboration. Il contiendra plus de 160 mesures,
dont certaines très significatives comme la simplification du permis
de construire, le rescrit social ou la simplification du droit du
travail.
Ce que j’appellerai
« la révolution de la qualité dans les services » est l’autre
axe de notre politique tournée vers l’usager.
La qualité est aujourd’hui
une exigence incontournable pour nos concitoyens, mais aussi pour
une large majorité de fonctionnaires. Les « trophées de la qualité »,
récompensant les meilleures initiatives de modernisation de l’administration,
que nous avons lancés avec Henri Plagnol, ont permis de mesurer le
formidable potentiel de volonté de changement dans l’administration,
une volonté guidée par des démarches qualité. Le 15 novembre,
le secrétaire d’État à la réforme de l’État a lancé la mise en place
des chartes d’accueil dans les services déconcentrés. Ces chartes,
auxquelles nous avons donné le beau nom de « chartes Marianne »,
tiendront compte pour la première fois des suggestions du public et
donneront lieu à de véritables actions de formation à l’accueil. Une
réflexion est par ailleurs en cours sur les processus de certification
au sein de l’administration, en particulier par la définition d’un
référentiel commun de qualité.
Le développement de
l’administration électronique est la troisième priorité de cette politique
de l’accueil.
Ce que l’on appelle
« l’e-administration » correspond à une demande croissante
des Françaises et des Français, qui lui font de plus en plus confiance
ainsi qu’en témoignent des enquêtes convergentes. L’offre se renforce
considérablement : on compte aujourd’hui 5 500 sites
publics, soit une augmentation de 20 % en un an. Je signale que
85 % des formulaires administratifs sont en ligne, ce qui est
un bon indicateur de la percée de l’administration électronique.
Les progrès récents
de notre pays sont d’ailleurs reconnus au niveau international :
la France vient de se hisser à la septième place mondiale dans le
classement que vient de publier l’ONU sur le développement de l’e-administration.
Des orientations stratégiques
pour les quatre années à venir vont être fixées à l’occasion d’un
prochain comité interministériel pour la réforme de l’État consacré
à ce sujet. De nombreux projets sont d’ores et déjà lancés :
la mutualisation des grands projets et services, par le biais de plates-formes
techniques d’interopérabilité, qui permettent des gains de productivité
et financiers considérables. A titre d’exemple : le service de
changement d’adresse, la dématérialisation d’un dossier unique de
demande de subvention et de son instruction.
Après avoir remis
en perspective les grands chantiers interministériels des réformes
que mène le Gouvernement pour conduire le changement dans l’État,
j’en viens aux stratégies ministérielles de réforme - les SMR -
qui sont la matière de notre débat.
Nous pensons qu’il
revient aux ministres d’être les premiers acteurs de la réforme en
s’impliquant dans la gestion de leurs départements ministériels et
en les engageant sur la voie du changement.
C’est pourquoi, en
application des orientations tracées par le Président de la République,
Jacques Chirac, j’ai proposé, avec Henri Plagnol, au Premier ministre,
Jean-Pierre Raffarin, que chacun des ministres élabore une stratégie
de réforme servant de cadre aux transformations de son ministère sur
une base pluriannuelle.
Le Premier ministre
s’implique personnellement dans ce processus.
Il a donné ses instructions
aux ministres ; il a entrepris de simplifier l’organisation de
ses propres services ; il reçoit lui-même les ministres pour
examiner leurs projets de réformes structurelles.
J’ai moi-même prévu,
dans la SMR de mon ministère, d’alléger les structures de la DATAR
pour qu’elle se consacre plus efficacement à sa double mission de
boîte à idées pour le compte du Gouvernement et d’interlocuteur des
territoires.
Les SMR se traduisent
par plusieurs innovations importantes. Leur principe repose sur un
examen critique préalable et exhaustif des missions ministérielles.
Toutes les réformes ministérielles ambitieuses qui ont abouti dans
les grands États ont donné lieu à une revue générale des missions
et des moyens. C’est pourquoi le choix a été fait de coupler l’exercice
des SMR avec la préparation du budget pour 2004, mais aussi avec la
mise en œuvre de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs
et des compétences.
Deuxième constat :
c’est la première fois qu’il est démandé aux ministres, avec les SMR,
de fournir des engagements précis, concrets, mesurables sur plusieurs
années. Cette volonté du Premier ministre de mener un dialogue approfondi
avec ses ministres s’est traduite, en particulier, par les entretiens
bilatéraux qu’il a eus avec chaque ministre durant les mois de mars
et avril derniers sur le thème de la réforme de l’État. C’est dans
le cadre de ces entretiens que les grandes orientations pour l’établissement
de chacune des SMR ont pu être fixées.
Leur principe repose
sur un examen critique préalable et exhaustif des missions ministérielles.
Notre administration a tendance à empiler les structures. Les missions
évoluent, parce que les besoins du service public changent. Cela doit
se traduire par des redéploiements ou par le recours à de nouveaux
modes de gestion, certainement pas par la superposition des structures.
C’est pourquoi nous
avons posé à chaque ministre ces questions simples, qui ne doivent
pas être des questions taboues : « Avez-vous identifié une
mission ou un organisme qui ne présente plus un caractère stratégique
pour le service public et qu’il faut supprimer ? », « Quelles
sont les missions éloignées de votre “cœur de métier” que vous comptez
externaliser ? », « Quelles sont les missions qu’il
est prévu de décentraliser aux collectivités territoriales ou de déléguer
au secteur associatif, aux fédérations ou aux organismes publics ou
parabublics ? »
L’exercice ainsi mené
a vocation à être complété et suivi - et d’abord par vous, mesdames
et messieurs les parlementaires - année après année. Car, et
c’est là la dernière innovation majeure, c’est la première fois qu’un
travail prospectif concernant les structures et le fonctionnement
de l’exécutif dans une perspective pluriannuelle est soumis à l’examen
critique du Parlement.
C’est la signification
de notre débat d’aujourd’hui. Après plusieurs mois de préparation,
les SMR ont été présentées devant les différents comités techniques
ministériels, puis elles ont été transmises en septembre au Premier
ministre.
Elles ont ensuite
été adressées aux deux assemblées parlementaires dont les commissions
des finances ont procédé à l’audition d’une dizaine de ministres en
tout.
Quel bilan peut-on
tirer de ce premier exercice qui s’est tenu dans des délais tendus,
mais qui ont été pourtant respectés par l’ensemble des ministères ?
Les auditions effectuées par votre commission des finances se sont
révélées particulièrement propices à un débat de fond sur les objectifs
et la stratégie de modernisation de chacune de ces administrations
entre les ministres et les parlementaires.
Elles ont notamment
permis d’éclairer les options budgétaires à la lumière des orientations
choisies en matière de réformes structurelles et dans la perspective
des choix de leurs futures missions et programmes, dans le cadre de
la mise en œuvre de la LOLF.
Bien sûr, les résultats
sont variables selon les ministères. Certains d’entre eux - je
pense en particulier à celui de l’équipement, de l’économie et des
finances, de l’intérieur, de l’agriculture - ont profité de cet
exercice pour définir une véritable stratégie de réforme, ambitieuse
et déterminée. D’autres ministères, en revanche, doivent encore compléter
leur approche du sujet. La réforme de l’État, ce ne sera jamais quinze
ministères sur la même ligne de départ. Mais tous ceux que vous avez
entendus vous ont présenté des pistes de réformes prometteuses.
Je laisserai à Henri Plagnol
le soin de détailler plus avant les enseignements à tirer de ces SMR,
ainsi que les propositions de modernisation faites par les différents
ministères.
Je prendrai simplement
quelques exemples. L’éducation nationale s’est engagée très contrètement
à améliorer le taux d’emploi de ses professeurs remplaçants, dont
la faiblesse était justement critiquée par la Cour des comptes ;
elle s’est engagée à rationaliser ses différents niveaux d’administration,
entre l’administration centrale, le rectorat, l’inspection académique
et l’établissement ; elle a pris des engagements pour contenir
le coût croissant de l’organisation des concours.
Le ministère des affaires
sociales a pris des engagements pour simplifier le droit du travail,
rénover le service public de l’emploi et tirer toutes les conséquences
de la décentralisation au niveau central et déconcentré.
Voilà des engagements
concrets de réforme ! Ces engagements, mesdames et messieurs
les députés, seront tenus par le Gouvernement. Vous en êtes et vous
en serez les garants. Car ce qui compte, au-delà d’un palmarès des
ministres auquel il ne m’appartient pas de procéder, c’est que le
mouvement soit lancé. Vous pouvez compter sur les efforts du Premier
ministre, sur les efforts du ministre du budget, sur les miens et
ceux d’Henri Plagnol, et sur les efforts de chacun des ministres,
pour qu’il ne s’arrête pas.
Mais si vous pouvez
compter sur nos efforts, nous, nous souhaitons compter sur votre implication.
Encore une fois, au nom du Président de la République et au nom du
Gouvernement, je vous redis notre souhait commun que le Parlement
soit l’aiguillon de la réforme de l’État.
Le Gouvernement veut
passer avec le Parlement un contrat de confiance sur la réforme de
l’État. C’est pourquoi, en conclusion, il me semble important de prendre
quelques engagements de méthode et de calendrier.
Les engagements pris
par chaque ministre devant la commission des finances seront - et
je pense que votre commission sera d’accord - solennisés dans
un document conjointement validé par le Parlement et par les ministères
concernés.
Le Parlement définira
librement la façon dont il entend veiller au suivi de ces engagements.
Je ne verrai, pour
ma part, que des avantages à ce que des députés soient individuellement
chargés de missions en ce sens. Il me paraîtrait notamment utile que
des députés et des sénateurs puissent actionner des audits externes
pour vérifier l’application des SMR et recommander de nouvelles évolutions.
Une évolution des
engagements pris dans les SMR 2003 sera réalisée au printemps 2004
et permettra ainsi de mesurer la portée des engagements pris au moment
où les ministères seront convoqués chez le Premier ministre pour une
seconde réunion de suivi de leurs réformes internes.
Au-delà des engagements
des ministres, et pour vous montrer que les projets sont bien lancés
et pourront éclore en 2004, je prends les engagements suivants pour
l’ensemble du Gouvernement.
En janvier, à l’occasion
du débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de décentralisation,
le Gouvernement vous fera part de ses choix en matière de réforme
de l’administration territoriale.
En février, un deuxième
projet de loi d’habilitation visant à simplifier le droit par ordonnances
sera délibéré en conseil des ministres pour être voté avant la fin
de la session. A cette occasion, un bilan sera fait du premier projet
de loi et j’espère pouvoir vous annoncer la publication de plus des
deux tiers des ordonnances prévues.
Avant mars 2004, un
projet de loi sur les évolutions des fonctions publiques sera déposé
au Parlement.
En juin, je dresserai
un premier bilan de l’important programme de fusion des corps et de
déconcentration engagé.
Enfin, je vous ai
dit que le Parlement sera amené à délibérer des programmes et des
objectifs de la LOLF avant l’été 2004.
Je vous remercie par avance, mesdames et messieurs
les députés, de vos remarques et de vos suggestions pour nous aider
à faire avancer ce vaste chantier de la réforme. Henri Plagnol et
moi sommes à votre disposition pour préciser des points particuliers
après les interventions des différents orateurs.
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