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N° 2264

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2015,

TOME I

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT

PRÉVENTION DE L’EXCLUSION ET
INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

Par Mme Véronique MASSONNEAU,

Députée.

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Voir le numéro : 2234, 2260 (annexe n° 23).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 POUR 2015 7

A. UNE EXÉCUTION 2014 SOUS TENSION 7

1. Un budget structurellement insuffisant 7

2. Un exercice 2014 toujours marqué par une insuffisance des crédits initiaux 8

B. LES RESSOURCES POUR 2015 SONT RECONDUITES À UN NIVEAU COMPARABLE 9

1. La tension sur les crédits de l’action 12 « Hébergement et logement adapté » va continuer à s’accroître 9

a. Les crédits de la veille sociale 9

b. Les structures d’hébergement d’urgence : des dépenses en forte croissance pour répondre à l’urgence sociale 10

c. Le soutien aux dispositifs « passerelles » vers le logement 13

2. Une dotation budgétaire stable pour les autres actions du programme 177 14

a. L’action 11 « Prévention de l’exclusion » 15

b. L’action 14 « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et l’inclusion sociale » 15

II. LES POLITIQUES D’ACCOMPAGNEMENT DES GENS DU VOYAGE 17

A. LE FINANCEMENT DES AIRES D’ACCUEIL 17

1. Le cadre législatif et réglementaire 17

2. Les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage 18

3. L’aménagement des aires 19

4. La réforme du financement de l’entretien 20

B. UNE SITUATION SOCIALE ENCORE DIFFICILE 21

1. L’action sociale 21

2. Les progrès dans la domiciliation des personnes sans domicile stable 22

3. Favoriser les deux piliers de l’intégration que sont la scolarisation et l’initiative économique 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 25

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 27

INTRODUCTION

Le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » regroupe une partie des crédits de la politique d’hébergement et d’accès au logement, en l’occurrence ceux dévolus aux personnes en situation de grande vulnérabilité, sans abri ou mal logées.

Il est désormais centré sur cette seule politique publique et ses crédits se déclinent sur trois actions :

– l’action 11 « Prévention de l’exclusion » rassemble des crédits de gestion immédiate de l’urgence, et notamment le fonctionnement du système d’orientation « 115 » et de maraudes auprès des exclus ;

– l’action 12 « Hébergement et logement adapté » regroupe les crédits liés à l’hébergement d’urgence mais aussi au soutien aux formes adaptées de logement ;

– l’action 14 « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale » réunit divers crédits d’accompagnement de publics spécifiques, dont ceux relatifs à l’aménagement et au fonctionnement des aires d’accueil pour les gens du voyage.

Ces crédits sont en légère hausse, à hauteur de 1 375 millions d’euros pour 2015, contre 1 315 millions d’euros en 2014, soit une hausse de près de 4 %.

À l’origine, le programme 177 a été conçu afin de permettre aux personnes les plus vulnérables de faire face à l’urgence, mais aussi d’être accompagnées dans le retour au logement, notamment vers le parc social. Depuis près d’une décennie, on observe cependant une inadaptation croissante entre cette mission prise dans son ensemble et les capacités réelles pour les atteindre : les ressources, fussent-elles en constante augmentation, sont désormais essentiellement absorbées par la gestion de l’urgence et l’accompagnement social des personnes accueillies devient de plus difficile à mettre en œuvre.

Assurant un droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence, le secteur est en effet confronté à une forte croissance de la demande, liée aux effets de la crise économique de 2008 ainsi qu’à l’afflux conséquent de personnes déboutées du droit d’asile. Il peine aussi à accompagner le retour au logement, l’entrée dans le parc social locatif étant relativement peu ouvert aujourd’hui. Ces facteurs mis ensemble, les structures d’hébergement d’urgence sont aujourd’hui saturées, donnant l’image d’un système assurant un rôle indispensable de filet social mais dont le fonctionnement est aujourd’hui à bout de souffle.

Les tensions budgétaires liées aux dépenses d’hébergement d’urgence pèsent sur l’ensemble du programme, y compris par exemple sur la politique d’accompagnement des gens du voyage, les crédits non consommés à ce titre étant basculés par fongibilité au profit de l’hébergement d’urgence.

Comme de tradition, votre rapporteure a souhaité assortir la première partie de son rapport qui décrit l’évolution des crédits de l’ensemble du programme, d’une seconde partie thématique, consacrée cette année à la question de l’accueil et de l’accompagnement des gens du voyage. Ce travail intervient alors que la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a prévu la transformation du système de financement des aires d’accueil à compter du 1er janvier 2015 afin de mieux tenir compte de l’occupation réelle de ces installations.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 67 % des réponses étaient parvenues.

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 POUR 2015

Les crédits du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », poursuivent leur augmentation, et atteignent 1,375 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015.

A. UNE EXÉCUTION 2014 SOUS TENSION

Sur la période 2014-2015, le programme 177 n’a pas connu d’évolution de périmètre majeure à la suite du recentrage intervenu l’année dernière et qui a entraîné le transfert de l’action 15 « Rapatriés ».

Il voit ses crédits légèrement progresser dans le projet de loi de finances pour 2015, ces derniers passant de 1,31 milliard d’euros à 1,38 milliard d’euros.

Dans un contexte budgétaire difficile, la légère hausse des crédits de ce programme constitue en soi un effort louable. Elle intervient à la suite du « rebasage » intervenu lors du dernier projet de loi de finances qui avait largement réévalué ses ressources (+ 9 %). Ils n’en demeurent pas moins insuffisants au regard des besoins constatés. Les ambitions portées par le Plan quinquennal de lutte contre la pauvreté de janvier 2013 semblent donc difficiles à atteindre.

1. Un budget structurellement insuffisant

Vos rapporteurs successifs n’ont pas manqué de souligner que le programme 177 subit depuis de nombreuses années une insuffisance des dotations en loi de finances initiale.

CRÉDITS DE PAIEMENT INITIAUX ET CRÉDITS EXÉCUTÉS DU PROGRAMME 177
(2007-2012)

(en millions d’euros)

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

Crédits de paiement

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Loi de finances initiale

994,55

1 118,78

1 101,74

1 204,17

1 206,25

1 223,0

Exécution (*)

1 241,51

1 295,23

1 285,15

1 260,80

1 300,70

1 414,6

Taux d’exécution (%)

124,83

115,77

116,65

104,70

107,83

115,82

(*) Hors dépenses de « primes de Noël » pour les personnes aux minima sociaux.

Source : rapports de performance.

Les besoins augmentent particulièrement du fait des ressources nécessaires à la prise en charge des nuitées d’hôtel, qui ont augmenté de 38 %. Les dotations budgétaires sont systématiquement abondées en cours d’exercice, généralement à l’approche de l’hiver, afin de faire face aux dépenses d’hébergement d’urgence et d’aide sociale. La demande est très importante, faute de mode alternatif de prise en charge des demandeurs d’asile déboutés.

Votre rapporteure pour 2014 avait souligné les difficultés soulevées par ce mode de fonctionnement : manque de visibilité budgétaire, difficulté à investir, engagement tardif des crédits… Le constat n’a pas changé entre-temps. L’État mobilise systématiquement les crédits nécessaires à l’hébergement à l’hôtel de personnes à la rue et aux mesures en cas de grand froid, mais n’est pas en mesure d’investir dans des structures pérennes. De fait, les crédits effectivement décaissés par le Gouvernement ont dépassé l’enveloppe votée par le législateur : l’exercice 2013 s’est soldé avec 1 414,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, contre 1 223 inscrits en loi de finances initiale. C’est davantage à l’aune de l’exécution des crédits initiaux qu’il faut donc analyser les montants alloués à l’exercice en cours et ceux qu’il est proposé d’adopter pour 2015.

2. Un exercice 2014 toujours marqué par une insuffisance des crédits initiaux

Pour 2014, le législateur a voté une enveloppe de 1 315 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour le programme 177. Il s’agissait d’un calibrage intermédiaire entre la loi de finances initiale pour 2013 et son exécution.

Le gel des crédits a été limité à 39,4 millions d’euros, le périmètre concerné étant particulièrement restreint (crédits d’aide au logement temporaire (ALT) 1 et 2). Le programme a également bénéficié de près de 4,8 millions d’euros de reports de crédits entre 2013 et 2014 et, si l’on prend en compte l’ensemble des mouvements de crédits, les montants disponibles au 31 août 2014 étaient de 1 318 millions d’euros.

Compte tenu des fortes tensions constatées sur les dispositifs de l’hébergement d’urgence et notamment sur la prise en charge de nuitées d’hôtel en Ile-de-France, la réserve de précaution a été levée dès le printemps, libérant ainsi 39,4 millions d’euros.

Dans ce contexte, une première demande d’abondement a été formulée à hauteur de 56 millions d’euros à la fin du mois de septembre, conduisant au maintien l’enveloppe exécutée à un niveau de plus de 65 millions d’euros en deçà de l’exécution 2013. Il est donc probable que les crédits du programme seront à nouveau abondés en fin d’exercice pour couvrir les besoins liés à l’entrée dans l’hiver.

B. LES RESSOURCES POUR 2015 SONT RECONDUITES À UN NIVEAU COMPARABLE

Les crédits prévus en projet de loi de finances pour 2015 atteignent 1,38 milliard d’euros (contre 1,31 milliard en loi de finances pour 2014). L’essentiel du surcroît de ressources est absorbé par l’hébergement d’urgence. Les dépenses engagées en 2013 au titre du Plan de lutte contre la pauvreté sont reconduites en 2015.

1. La tension sur les crédits de l’action 12 « Hébergement et logement adapté » va continuer à s’accroître

L’action « Hébergement et logement adapté » concentre l’essentiel des crédits du programme 177 (soit 94,5 % des crédits totaux).

Ces crédits sont en légère croissance, passant de 1 242 millions d’euros à 1 300 en 2015. Le projet de loi de finances maintient ces crédits à leur niveau de 2014, année durant laquelle ils avaient été réévalués de plus de 100 millions d’euros afin de tenir compte des mesures nouvelles du Plan de lutte contre la pauvreté mises en place en 2013.

a. Les crédits de la veille sociale

La veille sociale comprend, d’une part, les services de proximité assurant le premier échelon de prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées. Elle inclut notamment les services d’accueil et d’orientation (SAO) et les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), plateformes centralisées à destination des opérateurs du secteur pour mieux accueillir, orienter et prendre en charge les personnes concernées.

Ces services coordonnent l’action des structures contribuant à l’accueil, l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans domicile. On compte également le numéro vert bien connu du grand public, le « 115 », chargé de la prise en charge des sans-abri, les SAMU sociaux et autres équipes mobiles qui effectuent des « maraudes » afin de se rendre au plus près des exclus pour leur proposer une première orientation, ainsi que les structures d’accueil de jour. Elles sont indispensables à l’accompagnement des personnes en situation d’exclusion, offrant des services précieux aux sans-abri : vestiaires, accès à une douche, accueil et orientation. Elles proposent un soutien crucial à nombre de personnes qui, bien que sans-abri, exercent une activité professionnelle.

Les crédits de veille sociale s’élèvent à 89,11 millions d’euros pour 2015, compte tenu d’un transfert de 890 000 euros vers le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » au titre du financement des accueils de jour pour les femmes victimes de violence. Ainsi, à structure budgétaire constante, ces crédits augmentent de 3 %, un effort bienvenu compte tenu de la forte croissance de la demande et de la nécessité d’accroître les mesures d’accompagnement le plus en amont possible.

b. Les structures d’hébergement d’urgence : des dépenses en forte croissance pour répondre à l’urgence sociale

L’hébergement d’urgence et les centres d’hébergement de stabilisation et de réinsertion sociale (CHRS) consomment l’essentiel des crédits du programme 177, avec une enveloppe prévue à 1 012 millions d’euros en 2015.

Les types d’hébergement financés sont les suivants :

– les centres d’hébergement d’urgence (CHU) qui hébergent et accompagnent les personnes sans abri (recherche d’un logement ou d’une structure adaptés) ;

– les CHRS qui proposent un accompagnement social. Les types d’hébergement proposés favorisent davantage l’autonomie (logement individuel et accès à des services collectifs tels que la restauration) avec un accompagnement social renforcé ;

– des nuitées d’hôtel, faute de places en CHU et CHRS ;

– des places temporaires, pour faire face aux situations exceptionnelles, telles que le grand froid ou les canicules.

Le projet annuel de performance pour 2015 décrit l’évolution des places d’hébergement financées par le programme 177 entre 2010 et 2013.

PLACES FINANCÉES EN STRUCTURES D’HÉBERGEMENT D’URGENCE (2010-2013)

Années

CHU

Hôtels

CHRS

2010

18 593

13 948

39 525

2011

19 766

16 235

39 346

2012

22 091

20 727

39 142

2013

28 692

25 496

39 145

Source : Projet annuel de performance.

Seul le nombre de places en CHRS demeure à un niveau stable, au-dessus de 39 000, l’essentiel des ressources étant dirigé vers le renforcement qualitatif. Les capacités en CHU ont fortement augmenté, passant de près de 18 600 à 28 700 places en seulement 4 ans. Le phénomène est encore plus marqué pour les places d’hébergement à l’hôtel, dont le nombre a quasiment doublé, passant d’un peu moins de 14 000 à 25 500 !

Des dépenses d’hébergement d’urgence difficilement maîtrisables

Les besoins des structures d’hébergement d’urgence sont dotés à hauteur de 389 millions d’euros. Ces crédits servent à entretenir un parc d’hébergement pour les personnes sans domicile. Le fonctionnement de ces centres est régi en particulier par l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles. Tous les publics en détresse sociale sont accueillis, sans conditions.

L’article L. 345-2-2

Cet article prévoit que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence.

Cet hébergement d’urgence doit lui permettre, dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d’hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d’être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. »

Les crédits augmentent considérablement, de 21 %, pour atteindre 389 millions d’euros. Cette évolution, de 67 millions d’euros supplémentaires soit 7 de plus que l’exécution, tient compte du surcroît de besoins constaté en 2014 (+ 60 millions d’euros). Le Gouvernement anticipe un afflux supplémentaire de demandeurs à la suite de la réforme du droit d’asile. Toutefois, considérer que les besoins de 2015 seront équivalents à ceux constatés en 2014 relève de l’optimisme, peu de personnes sortant actuellement du périmètre couvert par le programme 177.

Les structures d’hébergement d’urgence sont finalement chargées de gérer les contradictions de politiques publiques et, plus précisément, l’incohérence entre les dispositions du code de l’action sociale et des familles et celles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Bien qu’il n’ait pu être fourni aucune statistique à votre rapporteure, il apparaît que l’essentiel du surcroît de demande en hébergement d’urgence relève de personnes déboutées du droit d’asile. Une fois les recours épuisés, ces personnes ne sont plus prises en charge par les structures d’hébergement réservées aux demandeurs d’asile.

D’après le ministère de l’intérieur, environ 61 000 demandes d’asile sont déposées chaque année, et un peu plus de 11 500 sont acceptées, soit environ 49 500 personnes déboutées (1). Bien qu’il n’existe pas de donnée statistique sur la proportion d’entre elles demeurant sur le territoire national et recourant au programme 177, cette proportion est significative et il est évident que ce système fait peser, chaque année une charge supplémentaire sur les crédits d’hébergement d’urgence. Le système conduit en effet à permettre le maintien sur le territoire national de personnes dont la reconduite à la frontière est complexe (enfant scolarisé, membre de la famille reconnu malade, etc.), sans qu’elles disposent, dans le même temps, d’une possibilité de régulariser leur situation administrative et socio-professionnelle. Il en suit un phénomène d’accumulation de la demande d’hébergement d’urgence.

Alors que les crédits consacrés aux structures capables de réinsérer et d’accompagner les exclus sont en stagnation (cf. CHRS ci-après), les ressources sont mobilisées pour financer un hébergement de long terme à l’hôtel, les intéressés n’ayant pas de perspective de sortie de la précarité administrative et donc d’accès au travail ou au logement social.

La réforme du droit d’asile annoncée par le Gouvernement n’apportera pas ou peu de solutions. Deux mesures significatives concernent directement le programme 177. En premier lieu, la réforme doit réduire à 6 mois en moyenne (contre 18 à 24 mois aujourd’hui) le délai statistique de l’ensemble du processus de traitement des demandes d’asile. L’effet pourrait être double pour l’hébergement d’urgence : un afflux de demandeurs à court terme, un nombre croissant de personnes sera en effet débouté du fait de l’accélération du traitement des demandes en souffrance ; mais, également à moyen terme, une demande potentiellement moindre, la réduction des délais de traitement pouvant limiter les situations complexes empêchant les reconduites à la frontière (naissance et scolarisation d’enfants notamment). La seconde mesure porte sur le versement d’une allocation du demandeur d’asile conditionnée à l’acceptation d’une solution d’hébergement temporaire sur l’ensemble du territoire national. Cette mesure pourrait conduire des personnes à refuser cette allocation et donc à être pris en charge au titre de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles. En outre, rien n’indique que les filières de la demande d’asile ne basculeront pas vers des formes plus directes de clandestinité, pesant également potentiellement sur le programme 177.

La mise en œuvre de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles a également donné lieu à un contentieux administratif important. L’État est ainsi régulièrement condamné pour ne pas avoir fourni de solutions adaptées… Si ces condamnations sont par nature fondées juridiquement, il faut bien dire que l’empressement de certains à poursuivre l’État plutôt qu’à dialoguer peut conduire à consacrer des crédits aux frais de justice plutôt qu’aux CHU ou aux CHRS.

Pour toutes ces raisons, il est à craindre que la problématique perdure, le choix étant particulièrement difficile pour les autorités. Le droit français proclame le droit inconditionné à l’hébergement d’urgence sans se donner les moyens de clarifier la situation juridique d’un nombre croissant de personnes. Il en résulte d’une part la saturation des structures au détriment de l’accompagnement social des exclus mais aussi, d’autre part, la surmobilisation des moyens pour financer du « provisoire de long terme », et bien souvent l’allocation de ressources conséquentes à ce qu’il est convenu d’appeler des « marchands de sommeil ». Ces contradictions ne sont finalement profitables à personne, si ce n’est peut-être à quelques personnes sans scrupule exploitant la misère des autres.

Les CHRS

Les CHRS sont les structures les mieux équipées pour accueillir les personnes en grande difficulté. Ils sont investis d’une triple mission : l’accueil, l’hébergement et la réinsertion des personnes en grandes difficultés. Ce triptyque correspond à l’objet de ce programme budgétaire : il s’agit non seulement de faire face à l’urgence immédiate, mais aussi d’accompagner les personnes vers un logement et une situation sociale plus stable.

Ils proposent un véritable encadrement des personnes ainsi que toutes sortes d’hébergements, y compris des formes de logement diffus dans le parc privé ou encore des logements individuels en résidences sociales.

L’enveloppe dévolue aux CHRS pour 2015 sera similaire à celle de 2014, avec 623 millions inscrits dans le programme. Pour une part croissante de centres, l’allocation des ressources s’inscrit dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). Le coût de l’hébergement en CHRS est de 15 300 euros par an et par place, contre 7 000 euros en CHU ou 6 000 euros en hôtel.

À la suite de l’adoption de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite « ALUR »), le Gouvernement a été missionné pour remettre en 2015 un rapport au Parlement visant à explorer les voies et moyens permettant de créer un statut unique des structures d’hébergement (CHU et CHRS), dont la mise en place pourrait conditionner l’octroi des aides de l’État.

c. Le soutien aux dispositifs « passerelles » vers le logement

Ces crédits prévus à hauteur de 199,4 millions d’euros en 2015 sont destinés à accompagner les publics fragiles vers le logement ou à les y maintenir. Ils s’inscrivent dans un dispositif d’ensemble destiné à permettre un cheminement depuis la très grande précarité jusqu’au retour à un domicile classique. Ce schéma est très bon dans l’absolu, mais de plus en plus en plus difficile à réaliser : en amont, le nombre et la situation administrative des demandeurs deviennent toujours plus difficiles à gérer ; en aval, les bailleurs peinent toujours davantage à offrir des solutions de logement pérennes aux personnes fragiles.

● L’intermédiation locative permet à des personnes qui ne pourraient pas assumer un loyer au prix du marché de bénéficier d’un « tarif social », via des associations ou des organismes de logement social prenant à bail des logements afin de les « sous-louer » à un prix inférieur à celui du marché.

Les sommes prévues à ce titre sont en diminution, passant de 70,1 millions d’euros à 64,8 millions d’euros, mais se maintiennent néanmoins à un haut niveau par rapport aux années antérieures (37,4 millions d’euros en 2013).

Pour équilibrer le financement du dispositif, l’État a mis en place le programme « Solibail », qui prend en charge les frais de prospection immobilière, les charges de gestion locative, l’accompagnement social des occupants et le différentiel de loyer. Le Gouvernement souhaite subventionner chaque année au minimum 6 500 nouveaux logements gérés en intermédiation locative.

● Les crédits alloués au financement des maisons-relais et pensions de famille sont stables, à 80,4 millions d’euros. Ces structures de petite taille permettent à des personnes trop désocialisées pour pouvoir accéder à un logement de droit commun de disposer à la fois d’un logement privatif et d’espaces collectifs, sans limitation de durée.

Contrairement aux centres d’hébergement, qui sont financés presque exclusivement par des crédits d’État, les pensions de famille ne sont subventionnées que marginalement par le programme 177. Il s’agit ici de financer l’emploi d’un ou deux « hôtes », chargés d’assurer une présence et d’accompagner socialement les locataires, pour un montant plafonné à 16 euros par jour et par place. Il est prévu de créer 1 000 logements supplémentaires en pensions de famille dans le cadre du Plan de lutte contre la pauvreté. Les crédits devraient suffire dans la mesure où depuis plusieurs années, ce poste est nettement sous-consommé.

● L’aide « ALT1 », destinée aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées, est ajustée au niveau des dépenses constatées en 2012 et 2013, à 39,2 millions d’euros.

● L’aide à la gestion locative sociale (AGLS), dont l’objet est le financement partiel du projet social des résidences sociales, est stable à 15 millions d’euros, à la suite il est vrai d’une hausse sensible (11 millions d’euros dans la loi de finances pour 2013). Le versement de cette aide est conditionné à la mise en place d’un projet social par la structure bénéficiaire. Le barème varie de 12 200 euros à 25 000 euros selon le nombre de logements de la résidence sociale concernée.

2. Une dotation budgétaire stable pour les autres actions du programme 177

Deux actions ont récemment été sorties du périmètre du programme 177 : l’aide alimentaire en loi de finances pour 2013 et les actions envers les rapatriés dans la loi de finances pour 2014. L’essentiel des crédits est sur l’action 12 « Hébergement et logement adapté » (94,5 %). Les deux actions restantes, « Prévention de l’exclusion » et « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale » représentent 5,5 % des crédits totaux alloués au programme. Leurs ressources sont décrites ci-après.

a. L’action 11 « Prévention de l’exclusion » 

Cette action finance, d’une part, l’aide sociale aux personnes âgées et handicapées et, d’autre part, des actions en faveur des gens du voyage.

● L’aide sociale aux personnes âgées et handicapées constitue une dépense obligatoire d’aide sociale. Il s’agit pour l’essentiel de la prise en charge par l’État de frais de séjour en établissement d’hébergement de personnes âgées ou handicapées sans domiciles, pour un coût prévisionnel de 40 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015 (contre 37,1 dans en loi de finances initiale pour 2014). L’État assure cette mission à titre dérogatoire à la compétence d’aide sociale exercée par les départements (article 62 de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986). Sont ainsi couvertes par l’aide sociale de l’État les personnes dont la domiciliation de secours n’est pas dans le département où il se trouve, celles dont la présence sur un territoire résulte de circonstances exceptionnelles qui ne lui ont pas permis de choisir librement son lieu de résidence, et enfin celles dont aucun domicile fixe n’a pu être déterminé. Il s’agit essentiellement de prendre en charge le séjour en établissement pour personnes âgées ou handicapées.

Sont également financées l’allocation simple d’aide à domicile pour les personnes âgées (312 bénéficiaires fin 2013) et l’allocation différentielle pour personnes handicapées (143 bénéficiaires au 31 décembre 2013).

● Les crédits destinés à financer les actions en faveur des gens du voyage au titre des actions de prévention et d’accès aux droits s’établissent à 19,2 millions d’euros pour 2015, contre 15,1 millions d’euros en 2014. Ils couvrent pour l’essentiel la participation au financement de la gestion des aires d’accueil, à parité avec la branche famille de la sécurité sociale. Elle se matérialise par le versement d’une aide au logement temporaire (dite « ALT2 »). Les modalités de versement de cette aide ont été réformées à la fin de 2013 et le nouveau dispositif devrait entrer en vigueur à compter du 1er janvier prochain. Il est décrit en deuxième partie de ce rapport.

Plus marginalement, des actions de lutte contre l’exclusion à destination des gens du voyage sont également financées sur cette action.

b. L’action 14 « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et l’inclusion sociale »

Sont financés sur cette action, divers acteurs intervenant dans la lutte contre l’exclusion pour un montant stable de 15,88 millions d’euros en 2015. Leur action suit les orientations définies par la direction générale de la cohésion sociale, responsable du programme. Elle les définit notamment en concertation avec le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, du comité de lutte contre l’exclusion et de l’Observatoire national de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale Elle veille également à articuler son action avec le monde associatif, véritable partenaire de la mise en œuvre du programme 177. L’action 14 en témoigne particulièrement.

● Le pilotage et l’animation du secteur Accueil, hébergement et insertion se verra consacrer 10,7 millions d’euros. Il s’agit de crédits destinés à soutenir la modernisation et le fonctionnement des acteurs en charge de ces trois missions. Plus de 4 millions d’euros seront destinés au financement d’actions d’animation, d’élaboration d’outils de gouvernance mais également d’expérimentation, d’évaluation à travers des appels d’offres innovants. Ce chantier majeur, rappelé au cours des auditions de votre rapporteure, consiste en la modernisation des systèmes d’information des services intégrés d’accueil et d’orientation (SI-SIAO) ainsi qu’en la mise en place d’un système d’information de l’étude nationale des coûts (SI-ENC). Autant d’outils indispensables à la réussite du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

Le soutien financier aux associations « têtes de réseaux » participant au pilotage et à l’animation du secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion des personnes sans-abri ou mal logées recueillera cette année encore 6,5 millions d’euros. À ce titre, doivent être financées une quarantaine d’associations, ce qui constitue un recul de l’engagement de l’État en faveur des « têtes de réseau », 20 d’entre elles bénéficiant désormais d’une contractualisation budgétaire pluriannuelle. À titre de comparaison, en 2012, 61 associations avaient été subventionnées, pour un montant total de 7 millions d’euros (dix associations de plus l’étaient en 2014 pour une enveloppe similaire).

● Les fédérations locales des centres sociaux sont également financées pour un montant prévisionnel de 0,4 million d’euros, un montant lui aussi stable.

● Les crédits alloués au fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) sont reconduits à 4,7 millions d’euros, soit le niveau observé depuis 2012.

II. LES POLITIQUES D’ACCOMPAGNEMENT DES GENS DU VOYAGE

Votre rapporteure a souhaité assortir son avis budgétaire d’un développement thématique relatif à la situation des gens du voyage, le programme 177 participant au financement du fonctionnement des aires d’accueil. Ce travail lui donne l’occasion de faire le point sur le fonctionnement de ce dispositif à la veille d’une réforme et de compléter cette analyse par des éléments de réflexion touchant aux moyens d’améliorer les politiques d’accompagnement. Sera également évoqué le financement de l’aménagement des aires, retracé au programme 135. Il abordera en outre les moyens consacrés à l’aide sociale et sur les pistes envisagées pour améliorer la condition sociale de ces personnes.

A. LE FINANCEMENT DES AIRES D’ACCUEIL

L’État cofinance avec la CNAF l’aménagement et le fonctionnement des aires de stationnement. Les crédits d’État consacrés à cette politique sont regroupés au sein du programme 177, ceux relatifs à l’aménagement des aires étant retracés au programme 135.

1. Le cadre législatif et réglementaire

La politique de prise en charge du stationnement des gens du voyage a été déterminée par le législateur dans la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, déclinée sur le plan réglementaire par le décret du 29 juin 2001 relatif à l’aide aux collectivités et organismes gérant les aires d’accueil pour les gens du voyage.

Aux termes du II de l’article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, l’État subventionne le fonctionnement des aires d’accueil au titre de l’aide au logement temporaire (ou ALT2). Cette aide financière est aujourd’hui forfaitaire et versée mensuellement par les caisses d’allocations familiales à l’organisme gestionnaire (communes, établissements publics de coopération intercommunale ou personnes morales gérant une ou plusieurs aires permanentes d’accueil destinées aux gens du voyage itinérants), que les places soient occupées ou non.

En 2013, 1 372 aires conventionnées (soit 23 899 places) ont bénéficié de l’aide à la gestion.

Les terrains familiaux locatifs

Le dispositif d’accueil prévu par la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ne concerne que les gens du voyage itinérants. Cependant, l’évaluation des besoins au titre des schémas départementaux a fait apparaître que beaucoup de familles issues des gens du voyage ont amorcé un processus de sédentarisation. Des solutions adaptées se sont donc développées parallèlement à la création des aires d’accueil.

Pour répondre aux besoins des gens du voyage qui souhaitent disposer d’un ancrage territorial sans pour autant renoncer au voyage une partie de l’année, la circulaire du 17 décembre 2003 relative aux terrains familiaux a donc ouvert la possibilité pour l’État de cofinancer l’aménagement de terrains familiaux locatifs par les collectivités locales.

L’occupation de ces terrains fait l’objet d’une convention écrite signée par l’occupant, la collectivité responsable et le cas échéant, le gestionnaire du terrain. Cette convention est au minimum d’un an renouvelable par tacite reconduction. L’occupant s’acquitte d’une redevance.

2. Les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage

Les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage recensent dans chaque département les dispositifs d’accueil et d’accompagnement des gens du voyage, évaluent les besoins et planifient les réponses à y apporter. La loi du 5 juillet 2000 précitée prévoit leur révision tous les six ans à compter de leur publication. Cette procédure nécessite une évaluation du dispositif d’accueil existant (conditions de fonctionnement et de gestion, niveau d’occupation, maintenance des aménagements et équipements…), un bilan des réalisations et une analyse des besoins actualisée tant en accueil qu’en habitat (terrain familial locatif et logement).

Les obligations des communes devaient se traduire, pour l’ensemble du dispositif d’accueil, par la création de 41 400 places en accueil et 350 aires de grand passage. La révision des schémas départementaux est engagée (sur les 92 départements dont le schéma a plus de 6 ans, 81 disposent désormais d’un schéma révisé approuvé).

Le cumul à fin 2013 des places financées en aires d’accueil depuis 2000 s’élevait à 28 503 places et 125 aires de grand passage (avec une moyenne de 100 places). Ainsi, 73,5 % des places d’aires d’accueil prescrites dans les schémas ont fait l’objet d’un engagement financier à fin 2013.

En revanche, le taux de réalisation des prescriptions des schémas est inégal selon les départements. Au 31 décembre 2013, le nombre des places disponibles en aires d’accueil aménagées atteignait les 25 886 soit environ 66,7 % du total des prescriptions des schémas. Le différentiel entre le taux de places ayant fait l’objet d’un financement et le taux de places disponibles est lié à la durée de réalisation des aires d’accueil.

La mise en œuvre des schémas est financée par les crédits du programme 135 en ce qui concerne l’aménagement des aires et ceux du programme 177 s’agissant de leur fonctionnement et de l’action sociale.

3. L’aménagement des aires

Les crédits inscrits sur le programme 135 au titre de l’accueil des gens du voyage sont consacrés au financement de la réalisation d’aires d’accueil ainsi qu’au financement de terrains familiaux locatifs.

Compte tenu des délais légaux pour la réalisation des aires d’accueil, de nombreuses opérations ont été lancées jusqu’en 2009. Depuis la révision des schémas départementaux engagée en 2010, le financement des aires est plus restrictif. Seuls peuvent bénéficier d’une subvention :

– les aires d’accueil situées sur les nouvelles communes de plus de 5 000 habitants : lorsque ces communes sont membres d’un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) ayant la compétence de l’accueil des gens du voyage, la subvention n’est accordée que si l’EPCI a satisfait à toutes les obligations inscrites au schéma initial ;

– les terrains familiaux locatifs destinés aux sédentaires et réalisés par les collectivités.

Il en résulte une diminution marquée du besoin de financements depuis 2010. Toutefois, le délai entre la décision de subvention et la mise en service des équipements qui entraîne le paiement a pour conséquence un besoin encore important de crédits de paiements. Le tableau ci-après retrace l’évolution des crédits autorisés et décaissés à ce titre entre 2006 et 2013.

BOP 135 – SUBVENTION DE L’ÉTAT

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

AE engagées

42,46

65

44,44

26,4

3,6

1,75

3,01

2,06

CP mandatés

38,28

39

55,15

37,46

24,88

17,99

12,79

7,1

Source : réponses au questionnaire budgétaire de la rapporteure.

Afin de poursuivre la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000, la loi de finances pour 2014 a prévu 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12 millions d’euros en crédits de paiement.

Les travaux d’aménagement des aires doivent se poursuivre, avec une vigilance qualitative particulière : sur l’entretien il est vrai, mais également sur l’emplacement qui doit être choisi avec soin. Ces aménagements sont indispensables à l’amélioration des conditions de vie des gens du voyage, mais également à la bonne entente entre les populations sur tous les territoires : la réalisation des schémas départementaux constitue un dispositif équilibré offrant un lieu d’installation aux gens du voyage, toute installation non autorisée sur des terrains publics étant clairement illicite.

4. La réforme du financement de l’entretien

L’ALT2 est calculée sur la base d’un montant forfaitaire par place de caravanes disponible par mois et par aire d’accueil. Prévu par l’article R. 851-5 du code de la sécurité sociale, il est fixé à 132,45 euros par mois et par emplacement, cofinancé à parts égales par le budget de l’État et la CNAF, l’État prenant également en charge les frais de gestion. Les dépenses de l’État par place correspondent ainsi 66,23 euros par place auxquels s’ajoutent des frais de gestion à hauteur de 2 % (1,32 euro) soit un coût par place de 67,55 euros.

La Cour des comptes a critiqué la dégradation significative du taux d’occupation des aires sur la période récente (2). Dans ce contexte, l’article 138 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a transformé l’aide forfaitaire à la gestion des aires d’accueil des gens du voyage ALT2 en une aide déterminée par le nombre total de places de l’aire et leur occupation effective. Cet article avait prévu initialement une entrée en vigueur du texte au 1er juillet 2014. Toutefois, celle-ci a été différée dans l’attente de la prise des mesures réglementaires nécessaires. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteure qu’un décret en Conseil d’État devrait être pris au plus tard le 1er janvier 2015.

Le projet de décret doit modifier la partie réglementaire du code de la sécurité sociale et notamment ses articles R. 851-2, R. 851-5 et R. 851-6 en transformant l’aide forfaitaire actuelle en une aide modulable. Ainsi, l’ALT2 sera composée :

– d’une part fixe de 88,30 euros, servie au prorata du nombre de places installées. Elle est destinée à garantir une ressource minimale d’entretien et à couvrir les frais fixes des gestionnaires ;

– et d’une part variable plafonnée à 44,15 euros, servie de manière strictement proportionnelle au taux d’occupation effective des places.

En 2013, les décaissements se sont élevés à 21,6 millions d’euros. Dans la dernière enquête statistique disponible menée par la CNAF, le nombre d’emplacements conventionnés était de 20 903 pour l’année 2012. Le nombre d’occupants était de 34 442 au 15 décembre 2012.

Dans ce contexte, l’enveloppe prévue en 2015 pour cette dépense intègre l’application de la réforme qui pourra être opérationnelle au 1er janvier et s’élève à de 16,4 millions d’euros. Cette somme doit permettre le soutien de 23 899 places, sur le fondement d’un taux d’occupation moyen de 55 %.

B. UNE SITUATION SOCIALE ENCORE DIFFICILE

1. L’action sociale

En 2013, 2,7 millions d’euros étaient inscrits en loi de finances initiale (autorisations d’engagement et crédits de paiement) pour les actions en faveur des gens du voyage. Les crédits consommés en 2013 se sont élevés à 2,24 millions d’euros en CP. Il s’agit en majorité de crédits délégués aux services déconcentrés. Le tableau ci-après retrace l’évolution de ces crédits entre 2008 et 2013.

CRÉDITS EXÉCUTÉS EN FAVEUR DES GENS DU VOYAGE SUR LE PROGRAMME 177
(2008-2013)

Accompagnement
Gens du voyage

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Gens du voyage Action sociale

2 638 962

2 436 835

2 017 826

2 182 327

2 276 769

2 241 322

Gens du voyage ALT2

11 643 145

14 229 774

16 832 647

16 742 300

15 217 580

21 592 525

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure.

Cette enveloppe se caractérise par une diminution de l’aide sociale et, inversement, par un accroissement des dotations en faveur de l’entretien des aires d’accueil, à mesure que croissent leurs capacités.

Une partie de l’enveloppe de l’aide sociale est versée en subventions à des associations au niveau national. Ces crédits permettent de soutenir des initiatives associatives locales qui ont notamment pour objectif de lutter contre l’exclusion de la population des gens du voyage, notamment en favorisant la préscolarisation et la scolarisation des enfants, l’accès aux droits, la médiation, la formation des intervenants ou l’orientation de ces publics vers des formations adaptées.

Des conventions d’objectifs sont également conclues dans ce cadre avec les organismes têtes de réseau qui fournissent un appui juridique, promeuvent l’accès aux droits et la lutte contre les discriminations et l’exclusion des gens du voyage. En 2013, les têtes de réseaux ont bénéficié de 522 000 euros de subventions. En 2014, ce montant est programmé à 600 000 euros.

Cet effort doit être poursuivi. Le tissu associatif joue en effet un rôle essentiel dans l’accompagnement des gens du voyage. Les associations agissent sur tous les aspects de la vie quotidienne : gestion de certaines aires accueil ; sous réserve d’agrément, enregistrement et gestion des dossiers de revenu de solidarité active ; accès aux droits sociaux ; accompagnement scolaire ; alphabétisation ; action culturelle. Elles sont également des interlocuteurs précieux pour les institutions, qu’il s’agisse de l’État, de collectivités ou encore d’organismes de sécurité sociale.

2. Les progrès dans la domiciliation des personnes sans domicile stable

La domiciliation administrative permet à des personnes sans domicile stable de disposer d’une adresse pour accéder à certains droits et à des prestations sociales légales, par l’intermédiaire d’une association agréée par le préfet ou d’un centre communal d’action sociale (CCAS). Ce dispositif concerne les personnes sans domicile fixe, les personnes détenues, les personnes sous curatelle et certains ressortissants étrangers dont les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État mais également les gens du voyage.

La coexistence de plusieurs procédures de domiciliation constitue aujourd’hui une source de complexité pour les usagers et pour les associations et les CCAS qui aident les personnes sans domicile stable à bénéficier de leurs droits. Ainsi, s’agissant des gens du voyage, il faut souvent distinguer plusieurs domiciliations différentes : celle de rattachement, conditionnant par exemple la délivrance du permis de conduire ou l’assujettissement à l’impôt sur le revenu ; la domiciliation associative, qui permet par exemple le versement du RSA ; l’adresse d’enregistrement sur le registre du commerce, qui est celle du lieu de l’enregistrement de la première activité commerciale ou encore l’adresse des terrains privés où ils peuvent résider.

Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté en a prévu la simplification, par un volet législatif et un volet d’animation territoriale. L’article 46 de la loi ALUR précitée y a pourvu en prévoyant l’unification partielle de certains dispositifs et l’élargissement des motifs de domiciliation à l’ensemble des droits civils. L’article 34 de la loi ALUR a également prévu l’intégration au Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées des schémas de la domiciliation.

La réforme législative de la domiciliation doit se poursuivre afin de répondre plus précisément aux situations spécifiques des gens du voyage, souvent caractérisés par une multi domiciliation. Une piste serait peut-être de permettre plus facilement le rattachement administratif autour des terrains familiaux.

3. Favoriser les deux piliers de l’intégration que sont la scolarisation et l’initiative économique

Ces propositions font suite aux auditions conduites par votre rapporteure ainsi qu’au rapport de mission remis le 1er juillet 2013 par le préfet Hubert Derache au Premier ministre au sujet des gens du voyage. Il en ressort notamment que les pouvoirs publics doivent intensifier leur action selon deux grands axes de nature à favoriser l’intégration des gens du voyage : la scolarisation et l’initiative économique. Autant d’actions que les économies permises par la réforme de l’ALT2 pourraient permettre de développer.

La scolarisation

Des progrès doivent être accomplis en matière de scolarisation des enfants et adolescents issus de ces communautés. Les enfants connaissent trop souvent l’échec au moment de l’entrée dans le système scolaire : l’obligation de scolarité à partir de six ans fait débat, le mode de vie des gens du voyage incitant peu les parents à inscrire leurs enfants en maternelle. Les enfants arrivant en cours de primaire partent donc avec un désavantage qui les conduit souvent au décrochage précoce. De son côté, la scolarisation par correspondance ne fonctionne pas, dans un contexte ou persiste chez les parents de trop nombreux cas d’analphabétisme.

Le gouvernement a décidé de réactiver le réseau des « centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus des familles itinérantes et de voyageurs ». Il s’agit d’une structure d’expertise placée auprès du recteur d’académie, chargée de l’éclairer sur l’accueil et le suivi des enfants issus de ces communautés. Il s’agit d’une première réponse, encourageante, qui, avec le temps, favorisera certainement l’adaptation de l’offre scolaire. Toutefois, la politique de scolarisation doit certainement s’appuyer davantage sur le tissu associatif. Du fait de leur positionnement et de leur ancrage, les associations ont un rôle irremplaçable à jouer, afin d’accompagner, d’expliquer mais aussi de défaire les frontières psychologiques, un objectif qu’il convient d’atteindre auprès de tous les acteurs concernés.

L’initiative économique

Sur le plan professionnel, la situation des gens du voyage est assez contrastée, caractérisée par une forme d’instabilité. Il convient d’encourager les formes entrepreneuriales, bien souvent adaptées à l’itinérance. De ce point, de vue, on ne peut que saluer le succès des initiatives d’incitation à la création d’entreprise. Ainsi, près de 5 500 dossiers de microcrédit ont été accordés à des personnes du voyage depuis 20 ans par l’association pour le droit à l’initiative économique, avec un pic à 1 500 dossiers pour la seule année 2012 ! Après trois ans, ces entreprises présentent un excellent taux de pérennité de 85 %.

Alors même que le Gouvernement entend lever les obstacles à l’initiative économique, il pourrait être utile de réfléchir à l’assouplissement de conditions de qualification pour l’enregistrement d’une activité auprès de la chambre des métiers : les gens du voyage sont souvent capables de proposer des activités artisanales de qualité sans pour autant avoir suivi les cursus académiques classiques, de type CAP/BEP voire BTS. Or, l’enregistrement de cette activité comme activité principale se heurte souvent sur la nécessité de produire un diplôme attestant de la qualification nécessaire, une disposition souvent injustement bloquante. D’où l’idée d’assouplir les conditions d’inscription au répertoire des métiers ou, à tout le moins, de leur faciliter les conditions de validation des acquis de l’expérience par un accompagnement dédié.

TRAVAUX DE LA COMMISSION :
EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité (3), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2015 du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Égalité des territoires et logement » sur le rapport de Mme Véronique Massonneau.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je remercie Madame la ministre pour ses réponses très précises. La commission des affaires sociales est saisie pour avis sur les crédits du programme 177, pour lesquels elle n’a pas d’amendement à examiner.

Je regrette que les mots « plan d’austérité » aient été prononcés pour décrire les crédits que nous examinons. Dans les conditions économiques que nous connaissons, je crois au contraire qu’il faut saluer l’effort remarquable qui est consenti : augmentation de 4,7 % des crédits de l’hébergement et du logement adapté, de 0,4 % de ceux dévolus à la veille sociale, ou encore de 78 millions d’euros supplémentaire en faveur de l’hébergement d’urgence.

Bien sûr, s’agissant de la lutte contre l’exclusion et la précarité les ressources ne sont jamais suffisantes. Mais, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, on ne peut pas parler d’austérité. Au contraire, il convient de remercier Madame la ministre de maintenir un tel effort.

Je tiens enfin à adresser mes remerciements à Madame Marie-Arlette Carlotti qui a beaucoup participé à l’élaboration du plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, à Mme Michèle Delaunay pour son action en faveur de l’hébergement des personnes âgées, ainsi qu’à Madame Véronique Massonneau pour son travail sur ce rapport.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 32 puis à l’adoption des articles 52, 53 et 54 rattachés.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) M. François Bregou, responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques, et Mme Katya Benmansoure, chargée de mission

Ø Fédération des centres sociaux de France (FCSF) – Mme Claudie Miller, présidente, et M. Jean-Luc Grolleau, chargé des relations institutionnelles

Ø Centre d’action sociale de la ville de Paris (CASVP)  M. David Kanté, directeur du pôle Femmes familles

Ø Emmaüs solidarité – M. Bruno Morel, directeur général

Ø Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – M. Claude Chaudières, administrateur, et Mme Jeanne Dietrich, conseillère technique Emploi/logement*

Ø Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage  M. Laurent El Ghozi, président, et M. Stéphane Lévêque, directeur

Ø Direction départementale de la cohésion sociale du Rhône – M. Gilles May-Carle, directeur

Ø Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Sabine Fourcade, directrice, Mme Sophie Chaillet, adjointe à la sous-directrice des affaires financières, et M. Sylvain Turgis, adjoint à la sous-directrice de la lutte contre la pauvreté

Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Sur le fondement des données pour 2013, in http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Documentation/Tableaux-statistiques/Les-demandes-d-asile.

2 () Rapport public d’octobre 2012, L’accueil et l’accompagnement des gens du voyage.

3 () Cf. compte-rendu de la commission élargie :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/commissions_elargies/cr/C014.asp