Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 2267

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2234)
de
finances pour 2015

TOME I

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

ADMINISTRATION TERRITORIALE
CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR

PAR M. Michel ZUMKELLER

Député

——

Voir les numéros : 2260-III-3

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2014.

À cette date, la totalité des réponses avait été reçue par le rapporteur pour avis, qui remercie l’ensemble des services du ministère de l’Intérieur concernés.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2015 DES PROGRAMMES « ADMINISTRATION TERRITORIALE » ET « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR » 7

I. LE PROGRAMME « ADMINISTRATION TERRITORIALE » 7

II. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR » 8

DEUXIÈME PARTIE : LES CONSÉQUENCES POUR LES PRÉFECTURES DE LA RÉFORME TERRITORIALE 11

I. DE MULTIPLES RÉFORMES ONT AFFECTÉ LES PRÉFECTURES CES DERNIÈRES ANNÉES 11

A. LA MUTATION DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT 11

B. LE RENFORCEMENT DU RÔLE DU PRÉFET DE RÉGION 13

C. LES RÉFORMES DES MISSIONS DES PRÉFECTURES, DANS UN CONTEXTE DE RESTRICTION BUDGÉTAIRE 14

II. LES EFFETS INCERTAINS SUR LES PRÉFECTURES DE LA RÉFORME TERRITORIALE EN COURS 16

A. LES INTENTIONS DU GOUVERNEMENT RESTENT À CLARIFIER 17

B. DES RÉFORMES DE FOND DOIVENT ÊTRE PRIVILÉGIÉES 22

EXAMEN EN COMMISSION 27

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 47

MESDAMES, MESSIEURS,

Dotée en 2015 de 2,7 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de 2,8 milliards d’euros de crédits de paiement, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » regroupe principalement les moyens financiers des préfectures et les crédits de soutien du ministère de l’Intérieur.

Les deux programmes qui font l’objet du présent rapport pour avis (1) concentrent l’essentiel des moyens alloués à la mission : en crédits de paiement, le programme « Administration territoriale » représente 62 % de l’ensemble, tandis que le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » compte pour 27 %.

Au-delà des crédits budgétaires stricto sensu, on relèvera également que le projet de loi de finances pour 2015 prend acte du rôle grandissant joué par l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), opérateur rattaché au programme « Administration territoriale » chargé de définir les normes techniques et les dispositifs en matière de titres sécurisés :

– l’article 15 prévoit un relèvement de 22 millions d’euros du plafond du produit du droit de timbre sur les passeports affecté à l’ANTS (118,8 millions d’euros en 2015, après 96,8 millions d’euros en 2014) ;

– l’article 45 procède au transfert, au profit de l’ANTS, de 14 millions d’euros prélevés sur le fonds de roulement de l’Agence nationale du traitement automatisé des infractions (ANTAI), en vue de contribuer au financement du nouveau permis de conduire sécurisé (2).

Après une brève présentation des crédits prévus pour 2015, votre rapporteur pour avis a choisi cette année de s’intéresser à l’impact de la réforme territoriale sur les préfectures.

Depuis plusieurs années, les préfectures n’ont cessé, tant au niveau régional que départemental, de s’adapter à une multitude de réformes ayant affecté leurs attributions, leurs moyens et leurs modalités de gestion. Dans ce contexte, la réforme territoriale lancée cette année par le président de la République ouvre une période d’incertitudes quant à l’avenir des préfectures et à l’évolution de leurs fonctions.

Pour préparer son rapport pour avis et disposer de deux exemples très contrastés, votre rapporteur s’est déplacé à la préfecture des Hauts-de-Seine (à Nanterre) et à la préfecture du Territoire-de-Belfort (à Belfort), où il a reçu un accueil aussi chaleureux que professionnel de la part du préfet et du secrétaire général – qu’ils en soient ici remerciés.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2015 DES PROGRAMMES « ADMINISTRATION TERRITORIALE » ET « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR »

L’ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

(en millions d’euros)

Programme

Exécution
2013

LFI
2014

PLF
2015

Variation
2015/2014

Administration territoriale

1 751,5

1 727,0

1 718,5

– 0,5 % 

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

674,2

801,6

718,9

– 10,3 % 

L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT

(en millions d’euros)

Programme

Exécution
2013

LFI
2014

PLF
2015

Variation
2015/2014

Administration territoriale

1 751,9

1 725,3

1 717,7

– 0,4 % 

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

704,5

700,4

758,8

+ 8,3 % 

I. LE PROGRAMME « ADMINISTRATION TERRITORIALE »

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, les moyens consacrés en 2015 au programme « Administration territoriale » diminueront de 8,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 7,6 millions d’euros en crédits de paiement.

Cette diminution globale recouvre, du point de vue de la destination des crédits, des mouvements contrastés :

– les actions « Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres » et « Pilotage territorial des politiques gouvernementales » verraient leurs dépenses augmenter en 2015 ;

– les dépenses des actions « Coordination de la sécurité des personnes et des biens », « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales » et « Animation et soutien du réseau » seraient, au contraire, orientées à la baisse l’année prochaine.

Du point de vue de la nature des crédits, l’essentiel de la diminution prévue en 2015 concernera :

– les crédits de personnel, en baisse de 4,1 millions d’euros par rapport à 2014, pour atteindre 1 526,7 millions d’euros en 2015, en raison notamment de la diminution des effectifs de 180 équivalents temps plein (ETP), ce qui correspond à un taux de remplacement de près de 80 % des départs à la retraite prévisionnels ;

– les crédits de fonctionnement, en diminution de près de 3 millions d’euros, du fait notamment d’économies attendues sur la maintenance des matériels informatiques et des systèmes d’information.

II. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L’INTÉRIEUR »

Comme souvent, l’analyse des crédits proposés pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » est rendue malaisée par des changements affectant son périmètre.

En particulier, à compter de 2015, les crédits dédiés à la gestion des personnels de la délégation à la sécurité et à la circulation routières qui, auparavant, étaient inscrits sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités », figureront désormais sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Sont, ainsi, transférés sur ce dernier programme 80,9 millions d’euros de crédits de personnel et 0,5 million d’euros de crédits destinés à l’action sociale, inscrits sur une nouvelle action intitulée « Sécurité et éducation routières ».

Les évolutions de crédits présentées dans les tableaux de la page précédente doivent donc être interprétées en prenant en compte ce changement de structure budgétaire.

À périmètre constant, la hausse apparente des crédits de paiement entre la loi de finances initiale pour 2014 et le projet de loi de finances pour 2015 correspond, en réalité, à une diminution de 2,9 %, soit environ 22,5 millions d’euros de moins l’année prochaine.

Cette évolution s’explique par une baisse de 31,5 millions d’euros des crédits de personnel, dont l’effet est en partie compensé par une augmentation des crédits de fonctionnement (+ 8,1 millions d’euros) et, dans une moindre mesure, des crédits d’investissement (+ 1 million d’euros).

Deux principaux facteurs concourent à cette diminution des crédits de personnel en 2015 :

– la suppression de 85 ETP (soit 41 % des départs à la retraite attendus), conduit à une économie d’environ 2,1 millions d’euros ;

– le transfert de 653 équivalents temps plein travaillés (ETPT) au profit d’autres programmes budgétaires, en particulier 624 ETPT au profit du programme « Police nationale » de la mission « Sécurités », du fait du rassemblement des effectifs des services zonaux des systèmes d’information et de communication et de ceux de la filière immobilière de la gendarmerie nationale au sein des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) créés en mai 2014. La diminution de 27,7 millions d’euros de crédits qui en résulte pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » ne correspond donc pas à une économie pour le budget de l’État.

En matière d’autorisations d’engagement, la diminution prévue entre 2014 et 2015 est, à périmètre constant, encore plus marquée qu’il n’y paraît à périmètre courant, puisqu’elle représente 18,5 %, soit environ 163,6 millions d’euros.

Elle s’explique principalement par la baisse, déjà évoquée, des dépenses de personnel, ainsi que par celle des dépenses immobilières. Ainsi, l’action « Affaires immobilières » bénéficierait de 85,1 millions d’euros en 2015, à comparer à 213 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2014, montant qui intégrait la réalisation de deux importantes opérations immobilières (rationalisation du pôle judiciaire à Nanterre et regroupement des directions transversales et des services de soutien du ministère de l’Intérieur).

DEUXIÈME PARTIE : LES CONSÉQUENCES POUR LES PRÉFECTURES DE LA RÉFORME TERRITORIALE

La « réforme territoriale » lancée cette année par le Gouvernement est encore au milieu du gué : elle se résume, pour l’instant, au projet de loi redessinant les régions (3) et au projet de loi réduisant les compétences des départements au profit des régions et des intercommunalités (4). Cette réforme intervient après une série de profondes mutations connues par l’administration territoriale de l’État ces dernières années.

Dans un tel contexte, votre rapporteur pour avis a souhaité apporter un éclairage sur la situation des préfectures, qui doivent tout à la fois « absorber » les effets des réformes passées, dans un cadre budgétaire toujours plus serré, et se préparer à de nouvelles évolutions impliquées par les changements en cours.

I. DE MULTIPLES RÉFORMES ONT AFFECTÉ LES PRÉFECTURES CES DERNIÈRES ANNÉES

Depuis plusieurs années, les préfectures vivent à l’heure de la « réforme permanente ». Les mutations d’ampleur connues par les différentes administrations déconcentrées se sont accompagnées d’une montée en puissance de l’échelon régional et d’une évolution de plusieurs missions confiées aux préfectures.

A. LA MUTATION DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT

À la suite de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), dont les lignes directrices avaient été fixées par une circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2008, a été progressivement mise en place à compter de l’année 2009.

Les directions régionales déconcentrées ont fait l’objet d’une mutualisation et d’une rationalisation.

Ont été mises en place des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF), des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), des directions régionales aux affaires culturelles (DRAC) et des directions régionales des finances publiques (DRFIP).

Pour chacune de ces directions régionales, l’objectif poursuivi est commun : exercer leurs missions sous l’autorité hiérarchique du préfet de région et, pour les missions relevant de sa compétence, sous l’autorité fonctionnelle du préfet de département. L’organisation retenue est à chaque fois similaire : une direction régionale et des unités territoriales.

En ajoutant à ces nouvelles directions les agences régionales de santé (ARS) et les rectorats, ce sont huit entités régionales qui se sont substituées à une vingtaine auparavant.

Cette même logique a été transposée à l’échelon du département, avec la création des directions départementales interministérielles (DDI).

Dans les départements les moins peuplés (moins de 400 000 habitants), deux DDI ont été créées :

– une direction des territoires (DDT), qui a repris les compétences des anciennes directions départementales de l’équipement (DDE), directions départementales de l’équipement et de l’agriculture (DDEA) et directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF) (5) ;

– une direction de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), qui a repris les compétences des anciennes directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS), des affaires sanitaires et sociales (DDASS) en matière d’affaires sociales, des unités départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (UDCCRF) et des services vétérinaires.

Dans les départements les plus peuplés (plus de 400 000 habitants), une organisation à trois DDI a été privilégiée :

– une direction des territoires (DDT) (6) ;

– une direction de la cohésion sociale (DDCS), qui a repris les compétences des anciennes directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS) et des affaires sanitaires et sociales (DDASS) en matière d’affaires sociales ;

– une direction de la protection des populations (DDPP), qui a repris les compétences des services vétérinaires et des unités départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (UDCCRF).

Dans le cas particulier de l’Île-de-France, une organisation spécifique des services déconcentrés a été retenue.

D’une part, à Paris et dans les départements de la petite couronne (7), quatre directions à compétence régionale et interdépartementale ont été mises en place :

– une direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) ;

– une direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA) ;

– une direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) ;

– une direction régionale et interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRIAAF).

Comme dans les autres régions, trois directions régionales ont également instituées : une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de l’emploi (DIRECCTE), une direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et une direction régionale des affaires culturelles (DRAC).

D’autre part, à l’échelon départemental, l’organisation diffère d’un département francilien à l’autre :

– dans le département de Paris, une direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), placée sous l’autorité du préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, et une direction départementale de la protection des populations (DDPP), placée sous l’autorité du préfet de police, ont été créées ;

– dans les départements de la petite couronne, une direction départementale de la protection des populations (DDPP) et une direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) ont été mises en place ;

– dans les départements de la grande couronne (8), trois DDI ont été créées, conformément au schéma retenu dans les autres départements.

B. LE RENFORCEMENT DU RÔLE DU PRÉFET DE RÉGION

« Garant de la cohérence de l’action de l’État dans la région », le préfet de région a vu son rôle renforcé par le décret n° 2010-146 du 16 février 2010, en particulier dans ses relations avec les préfets de département (9).

D’une part, le préfet de région « a autorité sur les préfets de département », sauf dans les domaines du droit des étrangers, de la police administrative et du contrôle de légalité sur les collectivités territoriales.

D’autre part, le préfet de région peut « évoquer, par arrêté et pour une durée limitée, tout ou partie d’une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département ».

Ce décret de 2010 prolonge ainsi la tendance au renforcement de l’échelon régional observée auparavant et dont témoigne, par exemple, l’évolution du rôle du secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) et du comité de l’administration régionale (CAR), qui tendent à devenir de véritables organes de pilotage et d’arbitrage. En pratique, toutefois, on doit regretter l’existence de certaines difficultés, pour les SGAR, à articuler leurs compétences avec celles des directions régionales et des secrétariats généraux de préfecture.

Par ailleurs, depuis le comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013, le Gouvernement a décidé de désigner les préfets de région comme responsables des budgets opérationnels de programme (BOP) gérés par les services placés sous leur autorité.

Cette compétence nouvelle, auparavant exercée par les chefs des services déconcentrés des administrations concernées, vise à promouvoir une logique interministérielle et à améliorer le dialogue de gestion avec les différents responsables de programme (10).

C. LES RÉFORMES DES MISSIONS DES PRÉFECTURES, DANS UN CONTEXTE DE RESTRICTION BUDGÉTAIRE

Ces dernières années, de nombreuses réformes ont affecté les politiques publiques mises en œuvre par les préfectures.

Sans prétendre à l’exhaustivité, et sans même évoquer les changements intervenus dans la gestion des ressources humaines, dans le pilotage des fonctions support et dans la gestion budgétaire, plusieurs réformes peuvent plus particulièrement être signalées :

– la mise en place du passeport biométrique, sous l’égide de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui a abouti à une nouvelle répartition des tâches entre les mairies et les préfectures. Les premières reçoivent les demandes des usagers, recueillent les pièces nécessaires, constituent le dossier sous forme numérique et le transmettent à la préfecture, qui instruit et valide la demande. Une fois fabriqué par l’Imprimerie nationale, le passeport est envoyé directement à la mairie, en vue de sa remise au demandeur ;

– la création du système d’immatriculation à vie des véhicules (SIV), qui permet aux professionnels de l’automobile habilités de transmettre directement à l’ANTS les données nécessaires pour l’immatriculation et de percevoir les droits de timbre correspondants. Le rôle des préfectures s’en trouve ainsi allégé, d’autant que les certificats d’immatriculations (anciennement dénommés « cartes grises ») sont désormais produits par l’Imprimerie Nationale et directement expédiés au domicile de l’usager ;

– la déconcentration, à l’échelon des préfectures de département, de la procédure de naturalisation ;

– la mise en place du visa long séjour valant titre de séjour (VLS/TS). Délivré par les consulats, ce visa évite un déplacement en préfecture à l’arrivée sur le territoire français afin d’y demander une carte de séjour ;

– la refonte de l’application AGDREF (11) dédiée à la gestion des dossiers des ressortissants étrangers, notamment pour y introduire une composante biométrique (application dite « AGDREF 1 Biométrie », en attendant le déploiement d’ « AGDREF 2 ») ;

– la centralisation en préfecture, au lieu des sous-préfectures, du contrôle de légalité, désormais concentré sur les actes des collectivités territoriales les plus importants et à forts enjeux ;

– la création d’un nouveau permis de conduire sécurisé, dans le cadre du projet dit « FAETON ». Votre rapporteur pour avis renvoie à son rapport sur le projet de loi de finances pour 2014, qui était spécialement consacré à cette question (12).

Si certaines des réformes qui précèdent avaient pour ambition d’alléger la tâche des préfectures, tel n’a pas toujours été le cas en pratique, en particulier pendant les phases transitoires – pas toujours réussies – de mise en place des nouveaux dispositifs et des nouvelles procédures.

C’est donc avec une difficulté rendue plus grande par la diminution régulière du nombre de leurs agents que les préfectures ont dû s’adapter. On doit rappeler en effet que, depuis plusieurs années, les effectifs du programme « Administration territoriale » ne cessent de diminuer. Ceux-ci sont passés de 29 814 ETPT en 2009 (13) à 27 143 ETPT en 2015, soit une baisse de près de 9 % en six ans.

Si les suppressions d’emplois se sont ralenties en 2013 (– 46 ETPT), elles ont, depuis, retrouvé des niveaux substantiels : – 325 ETPT en 2014 et
– 293 ETPT dans le projet de loi de finances pour 2015
.

Ces suppressions d’emplois ont été variables d’une région à l’autre. Jusqu’à 2014, l’Île-de-France a été moins touchée que d’autres régions. À la préfecture des Hauts-de-Seine, par exemple, les effectifs ont été relativement stables jusqu’à 2014. En revanche, au cours de ce dernier exercice, 17 ETPT ont été supprimés, ce qui représente une baisse de près de 3 % en une seule année et autant d’emplois en moins qu’au cours des trois années précédentes.

Les suppressions d’emplois sont néanmoins encore plus difficiles à « absorber » lorsqu’elles portent sur des préfectures de taille plus modeste. Ainsi, à la préfecture du Territoire-de-Belfort, en trois ans (2012-2014), 17 ETP ont été supprimés, ce qui, ramené au total des effectifs, représente une diminution de près de 15 %.

Au-delà de la réduction des effectifs, d’importants redéploiements ont été rendus nécessaires par les différentes réformes et, plus généralement, par l’évolution des tâches des préfectures. Par exemple, dans les préfectures urbaines, les agents affectés à des missions en lien avec le droit des étrangers ont été sérieusement renforcés, au détriment d’autres missions telles que le contrôle de légalité ou la délivrance des cartes d’identité. Compte tenu de leurs effectifs plus réduits, les petites préfectures ont, en revanche, davantage de difficultés à modifier les affectations d’agents qui se sont parfois spécialisés pendant des années sur une tâche bien déterminée.

II. LES EFFETS INCERTAINS SUR LES PRÉFECTURES DE LA RÉFORME TERRITORIALE EN COURS

S’il est évident que la réforme territoriale engagée par le Gouvernement aura des effets sur les préfectures, ceux-ci restent d’autant plus difficiles à appréhender qu’ils n’ont guère été mis en avant jusqu’à présent et que la réforme en cours se focalise à l’excès sur des questions de limites territoriales (des régions ou des intercommunalités) ou de transferts de compétences (entre les différents niveaux de collectivités territoriales). Pour votre rapporteur pour avis, il convient de porter – aussi – le débat sur le terrain des politiques publiques menées par l’État et de poser la question des missions assumées par ses entités déconcentrées. Dans le cas plus particulier des préfectures, plutôt que d’en faire de commodes variables d’ajustement d’un dessein politique plus vaste, il importe de privilégier des réformes de fond de leurs missions.

A. LES INTENTIONS DU GOUVERNEMENT RESTENT À CLARIFIER

Depuis l’alternance de 2012, la lisibilité n’est pas ce qui caractérise le mieux la politique suivie en matière d’administration territoriale de l’État.

Dans un premier temps, le Gouvernement a mis fin à la RGPP, au profit d’une nouvelle stratégie, dite de « modernisation de l’action publique » (MAP). Dans ce cadre, plusieurs comités interministériels de la modernisation de l’action publique (CIMAP), en particulier celui du 17 juillet 2013, ont conclu à la nécessité de ne pas relancer de nouvelle réorganisation de l’administration déconcentrée, mais plutôt de se concentrer sur l’amélioration de son fonctionnement concret.

Puis, en juin 2014, le Gouvernement a déposé deux projets de loi donnant corps à la réforme territoriale impulsée par le président de la République :

– le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, en cours de deuxième lecture au Parlement, qui vise à réduire le nombre de régions en les regroupant ;

– le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, déposé au Sénat en juin 2014 mais non encore examiné, qui vise à transférer aux régions plusieurs compétences des départements et à renforcer les intercommunalités autour de bassins de vie d’au moins 20 000 habitants. Selon son exposé des motifs, ce projet de loi s’inscrit dans la perspective d’un futur débat « sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, pour aboutir à une révision constitutionnelle avant cette date ».

Toutefois, aucun de ces deux textes ne comporte d’éléments sur les conséquences attendues sur l’administration déconcentrée de l’État. En particulier, le projet de loi proposant les fusions de régions est totalement muet, y compris dans son étude d’impact, sur ses effets à venir sur les préfectures de région.

Finalement, lors d’une communication en conseil des ministres du 2 juillet 2014, une « nouvelle étape de la réforme de l’État » a été annoncée par le Gouvernement : le Premier ministre a chargé le ministre de l’Intérieur, en lien avec le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, de « conduire la réforme de l’administration territoriale de l’État en parallèle de la réforme de la carte territoriale, dans un souci de cohérence et de lisibilité de l’action de chacun de ses échelons » (14).

Sur le fond, il va de soi que la création de grandes régions, aux compétences élargies, se traduira par un renforcement corrélatif du rôle du préfet de région.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par le ministère de l’Intérieur, « le rôle de pilotage stratégique du préfet de région sera renforcé. Son rôle dans la répartition des moyens sera quant à lui maintenu. Ses autres missions (expertise, back-office, mise en œuvre directe des missions pour lesquelles la région est actuellement le niveau pertinent) pourront évoluer en fonction des changements de périmètre ».

Un schéma de réorganisation de l’administration régionale devrait être proposé par le ministre de l’Intérieur avant la fin du premier trimestre 2015. Selon le ministère de l’Intérieur, « la désignation de préfets de région à la tête de structures de préfiguration est envisagée ».

Votre rapporteur pour avis propose que nous saisissions l’occasion de cette réforme pour remettre à plat notre organisation territoriale : préfet de région, préfet de département, sous-préfet…). Il est indispensable, par exemple, d’évoquer la règle selon laquelle le préfet de région est aussi le préfet du département dans lequel se trouve le chef-lieu de région.

Si les fusions de régions entraîneront nécessairement une réduction du nombre de préfets de région, votre rapporteur pour avis s’interroge néanmoins sur la pertinence du maintien de la règle selon laquelle le préfet de région est le préfet du département dans lequel se trouve le chef-lieu de région. Dans le cadre de grandes régions aux compétences renforcées, le cumul de ces deux fonctions sera plus difficile à justifier qu’aujourd’hui.

Les conséquences de la réforme territoriale sur l’administration départementale de l’État sont encore plus obscures, ne serait-ce qu’en raison du flou entourant la réforme elle-même.

Alors qu’il s’agissait initialement de tendre vers une suppression des conseils départementaux d’ici à 2020, le Premier ministre, dans son discours de politique générale prononcé à l’Assemblée nationale le 16 septembre 2014, a esquissé un schéma à « trois solutions » :

– dans les départements dotés d’une métropole, le conseil départemental pourra, à l’instar de la solution retenue à Lyon, fusionner avec les instances de la métropole ;

– dans les départements comptant des intercommunalités fortes, les compétences départementales pourront être « assumées par une fédération d’intercommunalités » ;

– dans les départements, « notamment ruraux, où les communautés de communes n’atteignent pas la masse critique, le conseil départemental sera maintenu, avec des compétences clarifiées ».

Dans le cas particulier de l’Île-de-France, s’ajoute, de surcroît, la perspective de création de la métropole du grand Paris, nouvel établissement public de coopération intercommunale regroupant la ville de Paris, les communes de la petite couronne et certaines communes limitrophes de la grande couronne. Cette création aura des conséquences importantes sur le rôle des préfectures des départements concernés, en particulier en matière de contrôle de légalité et de contrôle budgétaire.

Dans un tel contexte, l’avenir de l’administration de l’État au niveau départemental reste des plus incertain : les craintes d’une recentralisation rampante, liée à l’allégement annoncé des compétences des conseils départementaux, le disputent au risque d’une « résidualisation de l’État local dans la gestion territoriale » (15).

Comme l’a relevé notre collègue sénatrice, Mme Michèle André, « dans les préfectures de département, un doute, presque un désarroi, est tangible concernant le devenir des préfectures et de leurs missions. L’impression tend à se répandre de n’être plus qu’une simple courroie de transmission, sans prise véritable sur le cours des choses. Ce sentiment est renforcé par une inquiétude relative au manque de moyens (notamment humains) pour assumer les missions restantes » (16).

Pour votre rapporteur pour avis, la suppression des conseils départementaux ou, à tout le moins, la réduction de leur champ de compétences, pourrait entraîner un renforcement des pouvoirs des préfets de département et ainsi aboutir à une recentralisation.

De plus grandes régions rendront, en effet, encore davantage nécessaire une présence de l’État au niveau départemental, voire infra-départemental. Dans le même sens, Mme Michèle André écrit qu’ « au niveau départemental, le besoin se fera sentir, notamment de la part des communes les plus fragiles, de s’appuyer sur un pôle d’expertise que les conseils généraux pourraient avoir du mal à être à l’avenir. Le préfet pourrait ainsi gagner en légitimité et en audience auprès des collectivités du département » (17).

C’est, semble-t-il, également l’analyse faite par le Gouvernement : dans la communication en conseil des ministres du 2 juillet 2014, il est indiqué qu’ « à l’échelon départemental, l’État verra ses responsabilités régaliennes et opérationnelles confortées dans son rôle de proximité vis-à-vis de l’usager et continuera de veiller à la cohésion sociale et territoriale en offrant un accès rapide à tous les services publics. Il s’adaptera à la nouvelle donne créée par l’émergence des métropoles et le renforcement des intercommunalités. Des points de contact de proximité, avec les maisons de service public et les maisons de l’État, garantiront, à une échelle plus petite, infra-départementale, un accès facilité à toutes les administrations ».

Il reste à mettre en œuvre concrètement ces orientations, qui pour l’heure demeurent assez générales, et à les assortir des moyens – humains et financiers – nécessaires.

Tel pourrait être l’objet de la « revue des missions » annoncée par le Gouvernement le 10 septembre dernier (18). Quoiqu’elle excède la seule question des administrations déconcentrées, pour s’intéresser à l’ensemble des compétences de l’État, cette « revue des missions » devrait permettre de tracer les grandes lignes de la réforme de l’administration territoriale.

Certaines d’entre elles ont commencé à être esquissées dans une circulaire du Premier ministre du 16 septembre 2014 relative à la « préparation de la feuille de route gouvernementale en matière de réforme de l’État et de simplification » :

– rénovation de la charte de la déconcentration de 1992 (19) ;

– déconcentration de la gestion des moyens humains et budgétaires ;

– renforcement de la tutelle des opérateurs au niveau territorial ;

– mutualisation des fonctions support ;

– simplification des commissions consultatives locales.

Enfin, la question de l’avenir des sous-préfectures reste un véritable « serpent de mer ».

Depuis le début de l’actuelle législature, des réflexions sur l’adaptation du réseau des sous-préfectures sont régulièrement annoncées par le Gouvernement, sans que l’on dispose aujourd’hui ni des critères qui seront retenus pour procéder à l’aménagement de la carte, ni même du calendrier précis de la réforme.

Selon les informations fournies par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteur pour avis, la méthode récemment appliquée en Alsace et en Lorraine (détaillée dans l’encadré ci-après) « a vocation à être étendue à l’ensemble du territoire afin d’aboutir à une carte infra-départementale rénovée à l’horizon 2017 ».

L’exemple de l’évolution des sous-préfectures en Alsace et Lorraine

Le ministre de l’Intérieur a décidé, le 4 septembre 2013, de confier aux préfets des régions Alsace et Lorraine une mission de rénovation de la carte des sous-préfectures des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, à l’échéance du 1er janvier 2015. La conduite de cette expérimentation dans ces trois départements, qui comptent un grand nombre d’arrondissements pour des motifs historiques, a pour objectif de définir une méthodologie de rénovation de la carte des sous-préfectures qui pourrait être mise en œuvre progressivement dans les autres régions.

Après avoir fixé, fin octobre 2013, la méthodologie qu’ils comptaient suivre, établi un état des lieux des moyens de l’État au niveau infra-départemental puis organisé une large concertation avec les acteurs locaux (élus, représentants du personnel), les deux préfets de région ont fait connaître début avril 2014 leurs propositions au ministre, qui les a validées. Elles conduisent à :

– supprimer huit arrondissements : sept arrondissements sont fusionnés (en totalité ou en grande majorité) avec un autre arrondissement ; l’arrondissement de Strasbourg-campagne est réparti entre 4 arrondissements voisins ;

– adapter les limites des arrondissements aux limites des intercommunalités ;

– fermer six sous-préfectures : Wissembourg, Guebwiller, Ribeauvillé, Metz-campagne, Boulay-Moselle au 1er janvier 2015 et Château-Salins au 1er janvier 2016 ;

– créer quatre antennes (Boulay-Moselle, Château-Salins, Wissembourg, Guebwiller) dont une au sein d’une « Maison de l’État » (Château-Salins).

Une attention particulière est portée au niveau ministériel comme dans les préfectures, à l’accompagnement des personnels concernés. Un processus d’évaluation à un an sera conduit, une fois la nouvelle organisation mise en œuvre, en associant élus, agents et usagers. Le bilan, notamment humain et financier, ne sera établi qu’à l’issue de cette expérimentation.

Les procédures juridiques, à, la fois nationales et locales, à mettre en œuvre sont en cours (suppression de huit arrondissements par décrets en Conseil d’État, et modification des limites des arrondissements maintenus par arrêtés des préfets de région). En outre, les consultations officielles ont été lancées par les préfets (avis obligatoire des comités techniques locaux et des conseils généraux, consultation de l’ensemble des communes concernées, information des conseils régionaux).

Source : ministère de l’Intérieur.

Pour votre rapporteur pour avis, l’essentiel est moins de maintenir les actuels postes de sous-préfets que d’assurer une présence effective de l’État à l’échelon infra-départemental, afin d’offrir aux citoyens les services de proximité qu’ils sont en droit d’attendre de la puissance publique.

B. DES RÉFORMES DE FOND DOIVENT ÊTRE PRIVILÉGIÉES

Pour l’État central, les préfectures constituent trop souvent une « variable d’ajustement » dans l’exercice de ses compétences au niveau départemental.

À la différence des directions départementales interministérielles, dont les attributions sont limitativement énumérées par les textes, les préfectures disposent de fait d’une compétence « de droit commun », qui les conduit à assumer toutes les tâches non prises en charge par d’autres acteurs. En outre, du point de vue du citoyen, pour qui les fonctions des nouvelles directions issues de la RéATE demeurent souvent obscures, le préfet est vu comme l’autorité détenant tous les leviers de l’action de l’État dans le département – ce qui, compte tenu du nombre d’intervenants au plan déconcentré, est loin d’être effectivement le cas en pratique.

Du fait de la mutation de leurs différentes missions et des restrictions apportées à leurs moyens et à leurs effectifs (20), les préfectures ont, ces dernières années, multiplié les gains de productivité, les efforts de mutualisation, l’appel à des vacataires, le recours à la dématérialisation (21) et les tentatives de rationalisation et de simplification des procédures.

Une illustration récente est fournie par la création de plateformes régionales de naturalisation ou d’instructions des demandes de passeports, plateformes qui permettent de réaliser un traitement plus rapide et plus cohérent des dossiers.

Dans le cas des naturalisations, par exemple, il s’agit de regrouper le traitement des demandes au sein de pôles de compétences, qui peuvent être localisés en dehors des préfectures, afin de renforcer la capacité de traitement des dossiers et de favoriser la collégialité lors de l’entretien d’assimilation – qui précède la décision finale du préfet. Des plateformes de ce type ont été expérimentées en Lorraine et en Franche-Comté à partir du 1er septembre 2013 et en Picardie à compter du 1er janvier 2014.

Dans les Hauts-de-Seine, afin de compenser la diminution des effectifs, deux plateformes départementales sont progressivement mises en place et devraient être opérationnelles le 1er septembre 2015 :

– une plateforme d’instruction des demandes de naturalisation, dans les locaux de la préfecture de Nanterre ;

– une plateforme d’instruction des demandes de passeport, dans les locaux de la sous-préfecture de Boulogne-Billancourt ;

– corrélativement, la sous-préfecture d’Antony prendra en charge l’instruction des demandes de cartes nationales d’identité dans l’arrondissement de Boulogne-Billancourt.

La plupart de ces expériences sont positives. Toutefois, leur inconvénient est de ne viser qu’à simplifier ou faciliter le traitement des différentes missions incombant aux préfectures, sans que leur pertinence et leurs finalités ne soient interrogées.

C’est d’ailleurs le principal reproche que l’on peut adresser à la réforme territoriale en cours : celle-ci se focalise sur la taille des collectivités territoriales et sur la répartition des compétences par strate de collectivités, sans procéder à des réformes de fond des différentes politiques publiques mises en œuvre au niveau territorial.

Dans le cas des préfectures, en particulier celles de département, votre rapporteur pour avis estime qu’au-delà des aménagements effectués ces dernières années, des réformes de fond de leurs missions doivent désormais être engagées. Il convient de s’interroger sur le rôle d’une préfecture au XXIe siècle et, face au constat de l’éparpillement des compétences, de réfléchir à une hiérarchisation des missions.

Une telle réflexion contribuerait, en outre, à une meilleure gestion des ressources humaines, les agents pouvant ainsi disposer d’un « cap » justifiant que, dans un contexte budgétaire tendu, des efforts soient consentis.

Sans naturellement pouvoir prétendre régler ici une question aussi vaste, quelques pistes concrètes peuvent au moins être suggérées :

– en matière de titres de séjour des étrangers, beaucoup reste à faire pour simplifier les formalités exigées des demandeurs et pour alléger la charge des préfectures. De ce point de vue, la perspective de mise en place de titres de séjour pluriannuels, prévue aux articles 3 à 13 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, déposé à l’Assemblée nationale le 23 juillet 2014, va dans le bon sens. Comme le souligne l’étude d’impact jointe à ce projet, en 2012, « le nombre de passages en préfecture de ressortissants étrangers s’est élevé à plus de 5 millions par an. S’agissant des seules procédures de renouvellement de titres, près de 750 000 titres sont renouvelés chaque année. Compte tenu de la nécessité pour le ressortissant étranger de se présenter pour obtenir la liste des pièces à fournir, de revenir pour déposer son dossier et procéder à la prise d’empreintes digitales puis, après instruction et accord, de retirer son nouveau titre de séjour, il est raisonnable de considérer que trois passages sont nécessaires pour procéder au renouvellement du titre de séjour. Ainsi, environ 2,4 millions des 5 millions de passages annuels sont imputables aux seuls renouvellements des titres » ;

– après des débuts difficiles, le système d’immatriculation à vie des véhicules (SIV) a désormais considérablement réduit le rôle des préfectures en matière d’immatriculation des véhicules neufs, tâche aujourd’hui assurée par les professionnels de l’automobile habilités. La réforme laisse néanmoins un sentiment d’inachevé s’agissant des véhicules d’occasion, dès lors que les usagers continuent, par habitude ou pour des raisons de coût, de s’adresser, dans une proportion importante, à la préfecture plutôt qu’à un concessionnaire. Sans doute pourrait-on aller jusqu’au bout de cette réforme et confier la totalité des prestations d’immatriculation aux professionnels de l’automobile, tout en recentrant les préfectures sur leur rôle de contrôle (qui peut notamment se traduire par un retrait d’habilitation), plus conforme aux fonctions régaliennes de l’État ;

– le projet, pourtant prometteur, de carte nationale d’identité électronique (CNIe) lancé sous la législature précédente semble devoir rester au point mort. Sa réalisation a certes été entravée par la décision du Conseil constitutionnel censurant d’importants aspects de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l’identité (22). La loi promulguée permet malgré tout, d’une part, l’insertion d’un composant électronique sécurisé dans la carte nationale d’identité (comportant notamment l’image des empreintes digitales du titulaire) et, d’autre part, la transmission directe des données d’état-civil de la commune de naissance à la commune ayant enregistré la demande de titre d’identité. Rien n’interdit donc de relancer le chantier de la carte d’identité électronique, à l’aune des exigences posées par le Conseil constitutionnel et en s’inspirant de la réforme du passeport, qui apparaît aujourd’hui comme un indéniable succès ;

– la même impression d’inachevé est laissée par le nouveau titre sécurisé de permis de conduire. En raison de dysfonctionnements informatiques, la mise en service d’une application temporaire de janvier à septembre 2013 a entraîné un alourdissement du traitement des demandes et, en conséquence, une dégradation des délais de délivrance des permis. S’il est probable que la nouvelle application « FAETON » permettra d’améliorer la situation, on doit regretter que cette réforme n’ait pas été mise à profit pour améliorer le service rendu à l’usager. Alors que la puce électronique ne contient rien d’autre que les informations figurant déjà sur le permis lui-même, il aurait été concevable de permettre à l’automobiliste d’accéder à son solde de points, à son relevé d’information intégral, aux poursuites et amendes en cours, le délai de récupération d’un prochain point, etc.

Au total, beaucoup des réformes récentes n’ont pas été menées jusqu’à leur terme, ce qui est regrettable tant du point de vue des usagers et des citoyens que de celui des préfectures et de leurs agents.

Au-delà, votre rapporteur pour avis souhaite que la future « revue des missions » annoncée par le Gouvernement soit l’occasion de remettre en cause certaines attributions préfectorales peu déterminantes – que l’on songe, par exemple, à l’établissement des diplômes du travail ou à la participation aux commissions départementales des taxis – et de privilégier les politiques publiques correspondant à de véritables enjeux d’avenir : missions de veille économique, développement des politiques de l’emploi, spécialisation du contrôle de légalité, etc.

Pour que puisse être mis en œuvre l’ensemble de ces orientations, un minimum de continuité dans les effectifs des préfectures, et tout particulièrement à leur tête, serait nécessaire. Or, un récent référé de la Cour des comptes, rendu public le 23 septembre 2014, montre que la brièveté des affectations territoriales – deux ans en moyenne depuis 2010 – nuit à la continuité et à l’efficacité des politiques publiques, complexifie les relations entre l’État et les collectivités territoriales et « effrite la légitimité des préfets auprès de leurs équipes et des élus locaux ».

En outre, de plus en plus de préfets sont placés en position « hors cadre » (23), c’est-à-dire en attente d’affectation territoriale, en mission de service public ou affectés à diverses fonctions au sein du ministère de l’Intérieur ou d’autres ministères. La Cour des comptes relève une « dérive des effectifs des préfets hors cadre » et suggère de supprimer la catégorie des préfets en mission de service public.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès du ministère de l’Intérieur, sur l’ensemble des membres du corps préfectoral recensés au 1er juillet 2014, on dénombre 118 préfets affectés à un poste territorial et 128 préfets sans affectation territoriale. Ces derniers, qui ne sont pas comptabilisés dans le plafond d’emplois du programme « Administration territoriale », sont répartis en 78 préfets hors cadre, 36 préfets détachés, 12 préfets en disponibilité et 2 préfets hors cadres.

Dans ces conditions, le débat à venir sur l’évolution des missions des préfectures ne saurait faire l’économie d’une réflexion sur les modalités de gestion du corps préfectoral.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 27 octobre 2014, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2015.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre de l’Intérieur, nous sommes heureux de vous accueillir pour vous entendre sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État dans le projet de loi de finances pour 2015.

Nous donnerons d’abord la parole aux rapporteurs de nos deux commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes sous forme de questions au ministre. S’exprimeront ensuite, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes.

Enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre, leur intervention étant limitée à deux minutes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis, moi aussi, très heureux d’accueillir M. le ministre de l’Intérieur. Cette année, la commission des lois a désigné deux rapporteurs pour avis : M. Michel Zumkeller, pour les programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », et M. Paul Molac, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

Conformément à l’approche retenue par la commission des lois, les rapporteurs se sont penchés sur un thème particulier dans leur avis. Notre collègue Michel Zumkeller s’est attardé aux conséquences de la réforme territoriale sur les préfectures, où une mutation profonde des services est en cours. Le Sénat examinera demain le projet de loi relatif à cette réforme.

Quant à M. Paul Molac, empêché par un déplacement en Corse prévu avant le changement de date de cette réunion, il sera suppléé par notre collègue Sergio Coronado. Il s’est livré à un travail approfondi sur le référendum d’initiative partagée, qui permet de comprendre pourquoi les textes d’application de la réforme constitutionnelle ont demandé autant de temps.

M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La mission porte tout d’abord sur les crédits relatifs au réseau préfectoral. Le programme 307 prévoit à ce titre des crédits à hauteur de 1,7 milliard d’euros pour 2015, en légère baisse par rapport à 2014.

Le réseau préfectoral poursuit sa contribution au redressement des finances publiques puisque 180 postes seront supprimés en 2015. J’appelle votre attention sur le fait que 11 % des effectifs du réseau préfectoral ont été supprimés depuis 2010, soit plus de 3 000 emplois. Ces réductions se sont faites parallèlement à une modernisation du réseau et à une amélioration de la relation à l’usager. Pour preuve, depuis le 1er juillet 2013, l’ensemble des préfectures de métropole et des hauts-commissariats ont reçu le label Marianne ou Qualipref.

Il faut saluer la compétence et le dévouement des agents qui ont su mettre en œuvre cette modernisation du réseau préfectoral. Je tiens aussi à souligner l’effort budgétaire qui a été accompli ces dernières années pour améliorer l’accueil des étrangers – effort qui a permis de supprimer ces longues files d’attentes que l’on voyait trop souvent devant certains bâtiments préfectoraux. C’était un point sensible.

Comme chacun sait, le réseau préfectoral est organisé sur trois niveaux : le niveau régional, le niveau départemental et le niveau infradépartemental. Le niveau régional est appelé à évoluer du fait de la réforme de la carte régionale. Mais, c’est aujourd’hui le niveau infradépartemental qui suscite le plus d’interrogations. Les agents, les élus et les citoyens ont besoin de clarté sur les évolutions à venir. Le remodelage de la carte des arrondissements, qui n’a pas été remaniée depuis 1926, paraît donc désormais incontournable. Une expérimentation réussie a été menée en Alsace en en Moselle. Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un bilan de cette expérimentation et nous dire quelles sont les orientations du Gouvernement sur l’organisation infra-départementale du réseau préfectoral ?

Le programme 232 rassemble quant à lui les moyens nécessaires à l’organisation des élections et les moyens dédiés au financement public des campagnes électorales et des partis politiques. Il joue donc un rôle fondamental, qui appelle l’attention de notre assemblée, car ces crédits représentent le coût affecté à la démocratie. Je ne crois pas que ce coût soit déraisonnable, lorsque l’on constate que le programme 232 représente un millième des dépenses du budget général de l’État.

Le projet de loi de finances prévoit cependant deux mesures pour réduire ce coût. La première est une baisse des dotations aux partis politiques de 15 %, qui intervient après celle de 10 % décidée l’an dernier. Ainsi, sur deux ans, les dotations aux partis politiques auront été réduites d’un quart.

Aller au-delà reviendrait à remettre en cause le principe d’un financement public des partis politiques. Ce principe est pourtant une garantie contre les financements illégaux. Il serait donc inopportun de poursuivre ces baisses après 2015. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements sur vos intentions.

Il est à noter toutefois que les dépenses de l’État concourent également au financement des partis politiques du fait des réductions d’impôt pour les dons ou cotisations qu’ils reçoivent. Aussi est-il faux de dire qu’un appel aux dons lancé par une formation politique à la suite d’un rejet des comptes de campagne de son candidat serait neutre pour le contribuable. Il n’en est rien, car ces dons font nécessairement naître les dépenses fiscales correspondantes.

La seconde est la suppression de l’envoi papier au domicile des électeurs de ce que l’on appelle la propagande électorale. Cette mesure avait déjà été prévue l’an dernier pour les élections européennes puis avait été abandonnée face aux réticences du Parlement. Si j’estime, à titre personnelle, qu’une telle suppression est inéluctable, je considère néanmoins que l’année 2015 n’est pas la meilleure année pour abandonner l’envoi de la propagande électorale. En effet, la totalité des circonscriptions cantonales et la plupart des circonscriptions régionales seront modifiées. Moins médiatisées que les scrutins nationaux, les élections départementales et régionales sont celles pour lesquelles les citoyens ont le plus besoin d’information sur les candidats et sur leurs arguments. Le groupe socialiste a déposé un amendement prévoyant le maintien de l’envoi papier : j’y suis favorable. La diffusion numérique pourrait cependant être expérimentée en parallèle en vue d’une application ultérieure.

J’en termine par le programme 216, qui assure les fonctions de pilotage du ministère de l’Intérieur, avec des crédits de paiement d’environ 750 millions d’euros pour 2015.

Pour la première fois cette année, la masse salariale des inspecteurs des permis de conduire est rattachée à ce programme. Ces inspecteurs participent à la mise en œuvre d’une réforme essentielle qui vise à réduire les délais de passage des examens du permis B. La réforme tend à rendre les inspecteurs du permis de conduire plus disponibles pour faire passer les épreuves pratiques.

Je considère qu’il est indispensable, pour la réussite de cette réforme, que soient respectés les engagements pris dans le cadre du triennal visant à maintenir les effectifs des inspecteurs du permis de conduire. À ce sujet, quelles suites connaîtra l’appel à des retraités de la gendarmerie et de la police, voire à des prestataires extérieurs, pour faire passer le code ? Dans quelle mesure le Gouvernement peut-il garantir que l’organisation des épreuves du permis de conduire, examen national qui recueille le plus de candidatures, demeurera une prérogative exclusive du service public ? Enfin, comment la réforme du permis de conduire, qui vise à fluidifier son passage, s’articulera-t-elle avec une réflexion sur la qualité de la formation et des enseignements dans les auto-écoles ?

M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je me suis plus particulièrement intéressé cette année à une question à la fois actuelle et prospective : celle des conséquences sur les préfectures de la réforme territoriale.

Pour préparer mon rapport pour avis et disposer de deux exemples très contrastés, je me suis rendu à la préfecture des Hauts-de-Seine, à Nanterre, et à Belfort, préfecture du Territoire de Belfort. J’en profite pour remercier de leur accueil les préfets concernés et leurs équipes. La réforme territoriale, lancée cette année par le président de la République, ouvre une période d’incertitudes quant à l’avenir des préfectures et à l’évolution de leurs fonctions.

Ces incertitudes restent d’autant plus grandes que, sur beaucoup d’aspects, les intentions du Gouvernement ne sont pas des plus claires : le calendrier des prochaines élections départementales et régionales est particulièrement flottant ; la nouvelle carte des régions n’est pas encore stabilisée ; l’avenir des départements et des conseils généraux fait, semble-t-il, l’objet d’intenses tractations entre les différentes composantes de la majorité ; on ne sait pas si le projet de loi Lebranchu sur les compétences des collectivités territoriales sera adopté avant ou après les prochaines élections départementales...

De tels flottements se ressentent nécessairement sur le terrain et créent de l’incertitude chez les différents acteurs. Dans le cas de l’administration déconcentrée de l’État, la difficulté est d’autant plus grande que les préfectures régionales et départementales n’ont cessé, depuis plusieurs années, de s’adapter à une multitude de réformes qui ont affecté leurs attributions, leurs moyens et leurs modalités de gestion. Il leur faut donc à la fois absorber les effets des réformes passées, dans un cadre budgétaire toujours plus serré, et se préparer à de nouvelles évolutions, dont les contours sont loin d’être clairs.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser quelques questions. D’abord, puisque le budget de l’État est désormais triennal, comment voyez-vous l’évolution des effectifs des préfectures au cours des trois prochaines années ? Les suppressions d’emplois vont-elle se poursuivre ? Si oui, dans quelle mesure ?

Ensuite, quel sera l’impact sur les préfectures de région de la nouvelle carte régionale ? Tous les services seront-ils regroupés en un seul et même lieu ? Comment seront choisis les préfets de ces « super-régions » ? Pensez-vous maintenir la règle actuelle selon laquelle le préfet de région est le préfet du département où se trouve le chef-lieu de région ? Par ailleurs, comment voyez-vous l’avenir des préfectures de département, à l’heure des grandes régions et dans un contexte où, quel que soit le meccano institutionnel qui sera finalement retenu, vous prévoyez de diminuer sensiblement les compétences des conseils généraux ? N’y-t-il pas là un risque de recentralisation, au profit du préfet de département, de certaines compétences ?

Le Gouvernement a récemment annoncé une prochaine « revue des missions », qui concernera notamment l’administration territoriale de l’État. De mes travaux et de mes déplacements, il ressort que l’on attend beaucoup, sur le terrain, une clarification des missions des préfectures, tout particulièrement au niveau départemental. En effet, au cours des dernières années, les préfectures ont multiplié les gains de productivité, les efforts de mutualisation, l’appel à des vacataires, etc. Mais aujourd’hui, les préfectures font face à un éparpillement de leurs compétences. Il faut donc réfléchir à une hiérarchisation de leurs missions et aller beaucoup loin dans la simplification des procédures, ce qui profiterait à la fois aux préfectures et aux citoyens.

Je vous soumets quelques exemples concrets. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout du transfert aux professionnels de l’automobile de la compétence en matière d’immatriculation des véhicules, principalement pour les véhicules d’occasion ? Pourquoi ne pas aller plus loin avec le nouveau titre sécurisé de permis de conduire et ne pas offrir, grâce à la puce électronique que contient désormais le permis, de nouvelles fonctionnalités aux usagers ? Pourquoi ne pas relancer le dossier de la carte d’identité électronique, au point mort depuis 2012, alors que la réforme des passeports est désormais bien entrée dans les mœurs ?

S’agissant maintenant du corps préfectoral, ne pensez-vous pas nécessaire de profiter de la réforme territoriale en cours pour remettre à plat sa gestion ? Je rappelle à cet égard que la Cour des comptes a récemment relevé une « dérive des effectifs des préfets hors cadre » et suggéré de supprimer la catégorie des préfets en mission de service public. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, deux dernières questions : où en est-on de la redéfinition du rôle et du réseau des sous-préfectures ? Comment comptez-vous garantir une présence de l’État au plus près des territoires et des citoyens ? Où en est le contentieux, en cours devant le Conseil d’État, du redécoupage général des cantons, en vue des élections départementales de 2015?

M. Sergio Coronado, rapporteur pour avis suppléant de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je supplée aujourd’hui M. Paul Molac, rapporteur pour avis du programme « Vie politique, cultuelle et associative », qui s’excuse de ne pouvoir participer à nos travaux et me donne l’occasion d’aborder un sujet qui me tient à cœur.

Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser d’abord deux questions portant sur des aspects budgétaires du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

Le budget proposé révèle une forte baisse du financement public des partis politiques. L’enveloppe prévue pour 2015 est de 58,3 millions d’euros de crédits, soit 10,3 millions d’euros de moins qu’en 2014, ce qui représente une diminution de pas moins de 15 % en un an.

Cette diminution s’inscrit dans un processus de baisse continue du financement public des partis. Il avait déjà été diminué de près de 10 % dans la loi de finances pour 2013 et de 5 % dans la loi de finances pour 2012. Je rappelle qu’en 2000, l’aide publique aux partis atteignait 80 millions d’euros, à comparer aux 58,3 millions d’euros proposés pour 2015.

Le système actuel de financement public doit, certes, être amélioré : le contrôle des comptes des partis doit être renforcé, la parité entre femmes et hommes mieux assurée. Mais la démocratie a un coût. Et certains partis politiques pourront difficilement supporter ces coupes budgétaires successives.

Ma question est donc double : selon quels critères a été décidée cette baisse de 15 % de l’aide publique aux partis? Jusqu’où ira cette réduction continue, d’année en année, du financement des partis ? Avez-vous fixé un seuil de survie pour les partis politiques. En ce cas, pouvez-vous nous éclairer sur leurs perspectives financières ? En tout cas, vous l’aurez compris, je proposerai tout à l’heure un amendement de crédits maintenant le financement des partis au même niveau qu’en 2014.

Deuxième question ayant des incidences budgétaires : l’article 46 du projet de loi de finances, rattaché à la mission dont nous discutons aujourd’hui, prévoit de dématérialiser la propagande électorale aux élections départementales et régionales. Je comprends la nécessité de s’adapter aux nouveaux moyens de communication. Je suis également conscient des contraintes budgétaires qui s’imposent à nous, l’économie attendue en 2015 étant de 131 millions d’euros.

Mais il me semble audacieux, pour mettre en œuvre cette dématérialisation, de commencer par les élections départementales de mars, qui seront les premières à être organisées sur l’ensemble du territoire, dans le cadre de grands cantons entièrement remodelés et en vertu de règles qui imposent des binômes paritaires de candidats. Et croyez-vous pertinent d’expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale aux élections régionales qui auront lieu, de façon tout à fait inhabituelle, en décembre, dans le cadre d’une nouvelle carte régionale en cours d’élaboration et qu’aujourd’hui personne ne connaît ?

Pour terminer, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser quelques questions plus ciblées sur le thème qu’a retenu cette année M. Paul Molac dans son avis budgétaire, à savoir la mise en œuvre du référendum d’initiative partagée.

Cette procédure, prévue à l’article 11 de la Constitution, entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Je ne m’étendrai pas sur les obstacles juridiques qui ont été dressés par le constituant de 2008 sur le chemin de l’organisation d’un référendum de ce type : je rappelle seulement qu’il sera bien difficile de rassembler 185 parlementaires et environ 4,5 millions de signatures d’électeurs pour déclencher une procédure qui n’aboutira, dans la plupart des cas, qu’à un débat au Parlement, et non à un référendum.

D’ici au 1er janvier 2015, il revient au ministère de l’Intérieur de prendre les mesures techniques et réglementaires permettant de faire fonctionner cette nouvelle procédure. Tout en renvoyant sur ce point au rapport de mon collègue Molac, trois questions se posent aujourd’hui : où en est la préparation et la publication des décrets d’application des lois du 6 décembre 2013 qui mettent en œuvre la procédure d’initiative partagée ? Dès lors que le recueil des signatures des électeurs se fera sous forme électronique, selon quelles modalités les citoyens devront-ils s’identifier sur le futur site internet dédié au référendum d’initiative partagée ? Enfin, comment l’identité, mais aussi la qualité d’électeur, du citoyen apportant son soutien électronique à la proposition de loi seront-elles contrôlées, tant par le ministère de l’Intérieur que par le Conseil constitutionnel ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Avant de répondre à vos questions, je vais apporter quelques éléments généraux sur la réforme territoriale en cours et sur la manière dont l’État engage ses moyens pour faire monter parallèlement en gamme les services de son administration territoriale. La réforme de cette administration revêt un rôle particulièrement important au moment où s’engage la réforme des collectivités territoriales. Il en va de la cohérence de cette politique, l’administration générale et territoriale se plaçant au cœur du projet.

Les efforts portent dans trois directions. D’abord, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a créé de grandes métropoles compétentes en matière de transition énergétique, de transport et de recherche. La métropole de Lyon exerce déjà ces compétences, d’autres capitales régionales s’y préparent encore. Ensuite, dans son discours de politique générale, le Premier ministre s’est engagé à faire naître de grandes régions. Le projet sera examiné demain au Sénat et s’inspire notamment de rapports parlementaires, tel le rapport Raffarin-Krattinger. Ces grandes régions compteront demain grâce à leur force démographique et à leur capacité d’investissement. Je rappelle que les régions françaises actuelles n’ont en moyenne que 2,6 millions d’habitants, alors que leurs consœurs italiennes en comptent 4,1 millions et les régions allemandes 5,3 millions. Il convient donc de s’adapter à la compétition européenne. Enfin, l’intercommunalité devrait être réformée et une nouvelle répartition des compétences voir le jour entre départements et régions, grâce à une loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dans la foulée de la réforme régionale. Il apparaît en effet que les intercommunalités de moins de 21 000 habitants sont particulièrement dispendieuses en argent public, leurs dépenses de fonctionnement et de personnel ayant crû de manière spectaculaire au cours des dernières années, comme l’a mis en lumière la Cour des comptes.

Tel est le cadre de la mission Administration générale et territoriale de l’État, qui tiendra compte également de la disparition des conseils départementaux en zone urbaine et de la reconfiguration des cantons en zone rurale. Avec le ministre chargé de la réforme de l’État, je travaille à la rénovation parallèle des services de l’État. Nous avons pour principe de nous fonder sur le nouveau cadre de l’organisation territoriale. La région devenant le territoire de référence, l’État doit organiser ses services à l’échelle des régions fusionnées et répartir les compétences entre ses services en tenant compte de cette réforme.

Nous nous sommes fixés pour deuxième principe de définir de manière précise, au sein des services de l’État, le partage des missions entre les services centraux et les services territoriaux. Une revue des missions est désormais engagée sous la houlette du secrétariat général du Gouvernement et du secrétariat général du ministère en charge de la réforme de l’État. Mission par mission, administration par administration, nous examinons si les compétences aujourd’hui exercées méritent d’être prises en charge à l’avenir par les services centraux ou par les services territoriaux – ou bien si elles doivent être abandonnées, car les collectivités territoriales les exercent désormais, seules, de manière plus efficace. Actuellement, des doublons et des enchevêtrements nuisent encore à la rationalité et à l’efficacité de l’action de l’État.

Les contours précis de cette réflexion en cours seront connus d’ici à la fin de l’année 2014, mais je peux d’ores et déjà vous donner quelques indications. Les compétences économiques et les compétences d’aménagement du territoire seront dévolues au niveau régional. Les services de l’État ayant perdu beaucoup d’emplois, les marges de manœuvre sont étroites et il faut veiller à ce que les réformes soient soutenables en termes de ressources humaines. Mais des plateformes mutualisées au niveau régional devraient pouvoir être mises en place, quand le service rendu ne relève pas d’une mission de proximité. Ainsi, des plateformes interdépartementales de naturalisation devraient voir le jour au niveau régional, pour accomplir ces actes uniques au cours d’une existence.

Après la formation de grandes régions, la proximité s’incarnera quant à elle au niveau départemental. Certes, en zone urbaine, les conseils départementaux peuvent disparaître, mais la zone administrative subsiste. Il faut faire vivre l’interministérialité à ce niveau-là, qui offre aussi le cadre naturel de la fongibilité budgétaire. Dans ce contexte, l’État central ne gardera pas tous les pouvoirs. La coordination interministérielle s’animera autour des préfets de département. D’ici à la fin de l’année, une charte de la déconcentration définira la répartition des compétences entre l’État central et les services déconcentrés.

Après la revue des missions et l’adoption de cette charte, un dialogue sera conduit avec les élus et les organisations de personnel sur les perspectives de niveau infra-départemental. Il n’est pas question de supprimer ou de réorganiser les sous-préfectures. Aucune carte de ce genre ne reflète une prétendue volonté du ministère de l’Intérieur. Des réflexions d’inspection ont eu lieu, mais elles ne répondaient pas à une commande de notre part. En Alsace-Moselle, en revanche, les deux préfets de région ont proposé aux élus des jumelages de sous-préfectures et la construction parallèle de maisons de l’État. Sur la base de cette expérience, j’ai proposé au président de la République et au Premier ministre de confier à chaque préfet de région un mandat de négociation pour se concerter d’ici à 2017 avec les élus et les organisations de personnels sur la meilleure manière de couvrir le territoire.

Cela suppose naturellement de disposer de crédits. Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits consacrés aux maisons de l’État passent ainsi à deux millions d’euros, contre 1,3 million d’euros en 2014. Ces crédits permettront d’en ouvrir une dizaine dans les départements concernés. Je souligne également que la déflation des effectifs sera moindre que les années précédentes. Messieurs les rapporteurs, vous avez dit que 3 000 emplois ont été supprimés entre 2010 et 2013, dont plusieurs milliers avant 2012. Depuis cette date, les postes étaient supprimés au rythme de 550 par an. En 2015, ce seront 180 postes supprimés. Pour l’administration générale et territoriale de l’État, cela ne devrait pas déboucher sur des apories de fonctionnement, grâce à la mutualisation accrue et aux plateformes régionales. Couplés à l’augmentation des effectifs de sécurité, ces efforts expliquent la création nette d’emplois au ministère de l’Intérieur : alors qu’il en perdait 289 en 2014, il en gagnera 116 en 2015. Voilà pour la philosophie qui inspire la réforme en cours et les moyens alloués à l’accomplissement de nos missions.

Quant au corps préfectoral, il faudra réfléchir à de nouvelles manières de l’organiser. Si le nombre des régions se réduit de vingt-deux à treize ou quatorze, les perspectives de carrière des préfets de région ne peuvent demeurer identiques. La Cour des comptes a formulé à ce sujet des remarques qui ont nourri des reportages et des articles de presse à l’emporte-pièce. Le rapport dénonçait une prétendue dérive des préfets hors cadre. Cette dénomination est impropre, car elle suggère qu’ils sont inoccupés, ce qui n’est pas le cas.

Vous sachant soucieux du bon emploi de l’argent public, je tiens à vous rassurer : les préfets sans mission ou sans affectation sont au nombre de six. Ceux qui viennent en appui temporaire sur une mission ponctuelle sont dix-neuf, parmi lesquels, par exemple, un est chargé de la coordination des services contre l’épidémie d’Ebola, un autre de l’accueil des minorités persécutées en Syrie et en Irak. Non moins de 93 préfets occupent un emploi permanent au ministère de l’Intérieur, ou dans une autre administration ou dans le secteur privé. Huit d’entre eux sont en cabinet ministériel. Pour le corps préfectoral, il est d’ailleurs souhaitable que ses membres aient des expériences variées pour enrichir leur parcours. Les magistrats de la Cour des comptes ne sont-ils pas d’ailleurs eux-mêmes actifs à 40 % hors des juridictions financières ?

Au sujet des propositions de la Cour des comptes, le Premier ministre a répondu qu’il ne remettrait pas en cause l’existence du corps préfectoral pour y substituer un simple cadre fonctionnel. Mais une réflexion peut s’engager sur la gestion du corps. La notion de préfet hors cadre, qui stigmatise à tort certains de ses membres, sera supprimée. La professionnalisation sera en outre renforcée, tandis qu’un accompagnement à la prise de poste et un accompagnement de carrière seront mis en place. Des réflexions sont en cours sur la durée des carrières et sur la titularisation.

Monsieur Zumkeller, vous avez appelé mon attention sur la question des inspecteurs du permis de conduire. Nous avons engagé en ce domaine une réforme qui doit fait baisser le coût du permis de conduire. Ce sont 800 000 candidats qui le passent chaque année, le plus souvent des jeunes, et en tout cas rarement des personnes de plus de trente ans. Beaucoup ne sont pas très argentés. Or le coût moyen d’un permis de conduire s’élève à 1 500 euros pour ceux qui réussissent dès le premier passage. Pour les candidats qui doivent le passer deux à trois fois, les délais s’allongent, parfois jusqu’à six mois. En moyenne, il faut 98 jours en France pour repasser le permis, alors que la moyenne européenne s’établit à 45 jours. Cela porte le coût total des leçons à 2 500 ou 3 000 euros.

Aussi concentrons-nous désormais les inspecteurs sur les épreuves du permis B hors surveillance du code. L’épreuve de conduite a également été diminuée de trois minutes pour dégager des places. Depuis l’été, des réservistes font passer l’épreuve du code ; l’expérience est positive. Ainsi, 145 000 possibilités de passage supplémentaires ont pu être offertes aux candidats. Alors que les effectifs d’inspecteur ont diminué de 35 postes en 2014, ils seront stables en 2015 et tous les postes budgétaires seront pourvus.

Nous avons géré dans le dialogue le mouvement revendicatif qui a eu lieu. Il n’y aura donc pas de privatisation du service, mais seulement une délégation de service public sur les épreuves du code. Ni la formation, ni le passage du permis poids lourds ne seront privatisés. Nous fournirons des efforts pour intégrer plus franchement les inspecteurs du code dans notre administration. J’ai formulé en ce sens des propositions à Nevers à l’occasion de la sortie de leur dernière promotion.

Quant à la propagande électorale, elle engendrera une économie de 130 millions d’euros si elle est dématérialisée. Cette dématérialisation est effective dans toute l’Union européenne. Aucune corrélation n’est observable entre la diffusion sur papier et la participation électorale. La numérisation peut elle aussi renforcer la proximité, en permettant des mises à jour en continu ou en améliorant à terme les modalités d’inscription sur les listes. Pour les prochaines élections cantonales, elle semble cependant compliquée à mettre en place compte tenu des délais ; pour les régionales, qui auront lieu dans un cadre nouveau, cela ferait sans doute trop de changement à la fois.

Hier comme ministre du budget, aujourd’hui comme ministre de l’Intérieur, je suis partisan de la dématérialisation, même si le Parlement a ses propres souhaits. Elle mérite à tout le moins d’être expérimentée en parallèle de la diffusion sur papier, si vous faisiez le choix de conserver cette dernière au moins pour les élections cantonales. En bénéficiant de retours d’expérience, nous pourrions alors nous engager progressivement dans la voie de la numérisation.

La réduction des déficits publics exige des efforts de tous et les partis politiques, qui sont titulaires de financement public, ne font pas exception. Ce financement passe d’ailleurs non seulement par des subventions, mais aussi par des mécanismes de remboursement, qui font naître des dépenses budgétaires ou fiscales. Les crédits exécutés en 2014 n’étaient supérieurs que de cinq millions d’euros aux crédits proposés en projet de loi de finances initiale pour 2015. Or, l’année 2014 a été marquée par des élections. Il est donc exagéré de soutenir que les crédits baisseront de 15 %. L’économie concrète est beaucoup plus faible si l’on prend en considération les dépenses effectivement réalisées par les partis. Certes, la démocratie n’a pas de prix mais elle a un coût, et chacun doit faire des efforts. En revanche, il ne s’agit pas d’une peine au long cours. Les efforts qui sont demandés pour 2015 le seront pour solde de tout compte. Je m’y engage devant vous. Au total, c’est donc assurément mieux que de ne rien faire, et beaucoup moins horrible que la rumeur le voudrait.

Pour le référendum d’initiative partagée, prévu par la loi organique du 6 décembre 2013, prise en application de l’article 11 de la Constitution, il doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Compte tenu de la phase parlementaire de l’initiative et du contrôle de constitutionnalité prévu, les premiers soutiens à une initiative de ce genre pourront s’exprimer au plus tôt à partir de mars 2015 sur le site de communication grand public du Gouvernement. Un décret en Conseil d’État, rendu après avis motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixera les délais de dépôt, les modalités de réclamation et de recours. Un avant-projet a déjà été transmis pour avis aux collectivités d’outre-mer, au Conseil national d’évaluation des normes, à la CNIL et au Conseil d’État, et sera présenté au Conseil constitutionnel, qui veillera à la régularité des opérations de recueil des soutiens. Les développements informatiques se poursuivent de telle sorte que le système sera opérationnel le 1er mars 2015.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le ministre, le groupe SRC tient à saluer le travail réalisé par votre ministère – qui transparaît dans le budget que vous présentez – et la réforme que vous avez engagée au niveau à la fois national et territorial. En tant que députée d’une province lointaine située au bord de la Méditerranée, je vous remercie pour l’équilibre en termes de postes et de missions que vous avez su trouver dans le cadre de cette réorganisation. La rationalisation de l’État central – notamment en matière immobilière – représente un chantier qu’il fallait mener jusqu’au bout.

Les choix effectués en matière de propagande électorale touchent, vous l’avez rappelé, à la question essentielle du mode de scrutin – expression du suffrage universel – et au rapport entre la Nation et l’électeur. On pouvait se demander si cette réforme – que l’on aurait pu introduire avant les élections européennes – devait intervenir maintenant. Sachant que 18 % des foyers français ne disposent pas d’accès à internet, ce changement complexe – qu’il faut annoncer et débattre – nécessitera du temps. En admettant que la mesure peut être différée afin de laisser passer les prochaines échéances électorales, vous me rassurez. En effet, les élections cantonales à venir verront s’appliquer la nouvelle règle explicite de parité – une révision considérable du mode de scrutin ; quant aux élections régionales, elles s’accompagneront d’une transformation des régions tant dans leurs contours que dans leurs fonctions et d’une affirmation des métropoles. Il nous semble donc pertinent que cette réforme n’intervienne pas tout de suite.

Enfin, s’agissant du budget des partis politiques, vous avez exprimé une idée claire et simple : comme tout le monde, les partis doivent contribuer à l’effort national qui n’est pas facile pour les Français.

M. Olivier Marleix. Ce budget pour 2015 donne l’impression de tourner en rond ; depuis 2012, on ressasse les mêmes questions sans que le Gouvernement y apporte une quelconque forme de réponse. Ainsi, en matière d’effectifs des services déconcentrés – préfectures et sous-préfectures –, 287 emplois sont cette année supprimés dans les départements, après 379 en 2014. Au total, plus de 1 000 emplois ont été supprimés à l’échelon départemental depuis que vous êtes aux responsabilités. Le groupe UMP n’est nullement opposé au maintien de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ; mais la baisse des effectifs est aujourd’hui menée sans réorganisation des services ni réflexion sur leurs missions. Cette réduction au fil de l’eau – où des préfets de région diminuent les enveloppes des préfets de département, chacun s’adonnant à des calculs d’épicerie pour couper au mieux dans les contingents – engendre le ras-le-bol des personnels et une baisse de la qualité du service public rendu. Ainsi, selon vos propres indicateurs, monsieur le ministre, le nombre de passeports délivrés en moins de quinze jours est passé de 82 à 75 % depuis l’année dernière ; le délai d’instruction des dossiers d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) va quant à lui s’allonger pour atteindre 320 jours – un délai énorme pour une administration –, alors que chaque dossier représente des créations d’emploi en suspens. Cette évolution ne peut manquer d’inquiéter.

Vous annoncez la résurrection, sous une autre forme, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ; on aurait pu saluer cette initiative si vous ne faisiez pas les choses à l’envers. En effet, c’est une fois qu’il aura réorganisé les régions, les départements et les intercommunalités que l’État verra ce qui lui reste. Les membres du corps préfectoral reliront vos propos avec attention ; mais comment devront-ils comprendre la promesse absconse de « faire vivre l’interministérialité » ?

En juillet 2012, Manuel Valls avait annoncé tout feu tout flamme une grande réforme, « un exercice largement inédit visant à redéfinir les missions et l’organisation des sous-préfectures ». Or, le rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) sur la question n’ayant jamais été publié, c’est par la presse qu’on en apprend les contours. Ainsi, Challenges a-t-il publié au mois de juillet la carte des quarante-sept sous-préfectures sur la sellette. Si vous ne voulez pas donner libre cours aux fausses interprétations, publiez ce rapport que l’on attend depuis deux ans ; cet exercice de transparence serait le bienvenu. Sans être hostile à une évolution de la carte des services, le groupe UMP souhaite qu’elle repose sur une réflexion largement partagée et non sur la seule expérience des départements pilotes. Après la réforme Poicaré-Sarraut de 1926, y aura-il, d’ici à 2017, une réforme Valls-Cazeneuve ? Pour l’instant, ce scénario semble compromis, risquant de décrédibiliser la parole du Premier ministre qui, dès son installation place Beauvau, en avait fait une priorité. Monsieur le ministre, on attend des précisions supplémentaires sur ce point.

M. Pascal Popelin. Les conditions d’apprentissage de la conduite et de passage des épreuves du permis sont, depuis plusieurs décennies, très insatisfaisantes. Ce constat est unanimement partagé par les candidats et les associations de consommateurs et de sécurité routière, mais également par les exploitants d’auto-écoles qui subissent au quotidien les remontrances et le vif mécontentement de leur clientèle, ainsi que par les examinateurs. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, le coût de la formation et les délais de présentation aux examens – qui s’allongent encore lorsque le candidat échoue –, et nous avez présenté la philosophie générale de la réforme envisagée. Pourtant, si dans les départements les mieux pourvus, le délai pour retenter sa chance à l’épreuve de conduite avoisine aujourd’hui les 100 jours, il peut être deux fois plus long là où la situation est la plus critique, comme dans mon département de la Seine-Saint-Denis. Pour nombre de jeunes, ces délais représentent un frein à l’accès à l’emploi et à l’autonomie, les différences selon le département de résidence constituant de plus une rupture flagrante d’égalité. Dans ce contexte, la refonte du permis de conduire se fixera-t-elle également pour objectif d’homogénéiser les délais de passage de l’examen – y compris en cas de nouvelle tentative – sur l’ensemble du territoire national ?

M. Guillaume Larrivé. Les propositions avancées par la Cour des comptes dans son référé sur le corps préfectoral me laissent sceptique. Parmi les quatre recommandations, les deux premières me paraissent méconnaître l’exigence de souplesse qui doit continuer à prévaloir dans les nominations. La première fixe ainsi « l’objectif d’une durée minimale de fonctions de trois ans pour les préfets de département et de quatre ans pour les préfets de région » – des chiffres arbitraires –, alors que la durée des affectations doit pouvoir varier. La deuxième recommandation – « regrouper dans le temps, autant que possible, les nominations des préfets sous forme de mouvements cohérents » – me semble également douteuse. La troisième – supprimer, dans le cadre du corps préfectoral actuel, la catégorie des préfets en mission de service public (PMSP) – n’est pas véritablement justifiée et appelle de la part du Gouvernement une position claire de rejet. Quant à la quatrième – avancer sur la voie de la fonctionnalisation des préfets –, elle revient, comme l’a expressément reconnu le Premier ministre dans sa réponse à la Cour, à supprimer le corps préfectoral au bénéfice d’un nouveau système dans lequel ne seraient préfets que ceux des hauts fonctionnaires qui disposent d’un poste territorial. Le corps préfectoral représentant l’un des rares éléments solides qui font tenir la République, le Gouvernement doit prendre ses distances avec ces propositions inopportunes et insuffisamment documentées, quel que soit le bruit médiatique dont elles bénéficient.

M. Christophe Borgel. En matière de permis de conduire, une réflexion devrait être ouverte sur la manière dont sont attribuées les places d’examen. Le fait de les octroyer en fonction du taux de réussite des auto-écoles conduit celles-ci à repousser le passage des candidats qui ont échoué afin de ne pas voir baisser le nombre de places qu’elles se voient allouer. Faut-il garder ce système ou bien le candidat doit-il s’inscrire directement en préfecture pour le passage de l’examen ?

Le réseau des auto-écoles sociales – qui aident les personnes en difficulté à obtenir le permis de conduire – devrait bénéficier d’un système spécial d’attribution des places car ses candidats ont beaucoup de mal à réussir l’examen du premier coup. Or pour ces personnes éloignées de l’emploi, avoir le permis représente un véritable enjeu.

Si je ne suis pas opposé par principe au fait d’exiger un effort de la part des partis politiques, celui qu’on leur demande – une baisse de la dotation de 10 % l’année dernière, puis de 15 % cette année, soit un effort total d’un peu moins de 25 % – me paraît élevé. Le financement public des partis étant inscrit dans la loi, le Parlement devrait revenir sur cette exigence du Gouvernement.

Enfin, monsieur le ministre, en matière de propagande électorale, vous ouvrez une véritable réflexion qui mérite d’être poursuivie. L’effort consenti par la Nation pour assurer l’envoi postal – pratique qui n’existe dans quasiment aucune grande démocratie – n’a de sens que si celui-ci favorise réellement la participation. Or, l’augmentation des taux d’abstention à toutes les élections dans notre pays montre que ce n’est pas forcément le cas. Les parlementaires devraient donc s’atteler au travail sur le dossier de la dématérialisation, en lien avec le Gouvernement. La justesse de vos remarques sur les élections à venir ne doit pas nous conduire à éliminer cette réflexion car on dépense beaucoup d’argent pour une mesure dont l’effet sur la participation électorale n’est pas prouvé.

M. Olivier Marleix. Selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), le nombre de fraudes à l’identité s’élevait en 2009 à 210 000 par an. En mars 2012, le ministère de l’Intérieur a fait adopter une loi instaurant la carte nationale d’identité électronique (CNIE). Il est dommage que ce texte soit resté lettre morte, tant l’usurpation d’identité représente un problème difficile à combattre pour ceux qui en sont victimes. Vos services, monsieur le ministre, m’ont récemment indiqué délivrer chaque année plusieurs centaines de vraies fausses pièces d’identité – carte nationale d’identité (CNI) ou passeport. La CNIE constituerait un moyen supplémentaire de lutte contre ce phénomène.

Votre prédécesseur, Manuel Valls, s’était montré assez favorable à la CNIE en 2013, moins l’année suivante. Le sujet mériterait pourtant d’être relancé, notamment parce que ce type de document pourrait vous aider à réaliser des économies. On évalue le coût de production d’une CNI à environ 20 euros ; si son support physique coûte un peu plus cher à produire, la CNIE engendrerait un gain de temps important pour les personnels des préfectures en facilitant la saisie des données. Selon vos services, elle ferait passer le temps de traitement d’un dossier de vingt à six minutes, générant une économie de 6 euros par document d’identité, soit, pour 6 millions de titres, 36 millions d’euros par an – une somme non négligeable.

La CNIE représente également un sujet important pour nos entreprises. La France dispose d’industries performantes dans le domaine des technologies de la sécurité. Alors qu’au niveau mondial, le marché des cartes d’identité électroniques – dont le projet est développé dans plusieurs autres pays – représente plusieurs milliards d’euros par an, il est dommage que nos industriels ne puissent pas concevoir un modèle français.

Passer à la CNIE permettrait enfin – et surtout – d’accélérer le déploiement des téléprocédures entre l’État et les citoyens. Monsieur le ministre, ne pourriez-vous pas relancer ce dossier en cherchant à établir un consensus comme vous avez récemment su le faire sur la question du terrorisme ?

M. Patrick Lebreton. Réussir à maintenir l’équilibre entre un État financièrement vertueux et un État garant d’un service public efficace relève d’un véritable défi.

Le rapport sur l’intégration professionnelle des ultramarins dans leurs régions d’origine – que j’ai remis au Premier ministre l’année dernière – proposait des solutions permettant aux fonctionnaires d’outre-mer de connaître un déroulement de carrière dynamique sans nécessairement être contraints à une mobilité forcée qui s’apparente parfois à l’exil. Ainsi, pour passer en catégorie A, un agent administratif de catégorie B de la préfecture de l’île de la Réunion est souvent contraint de trouver un poste dans une préfecture de l’Hexagone. La mobilité des fonctionnaires représente une nécessité ; toutefois les conditions de vie particulières des outre-mer la rendent souvent très complexe, ce qui décourage la plupart des candidats. L’une des pistes que nous avons évoquées avec les membres du corps préfectoral que j’avais auditionnés consiste à développer davantage les plateformes de ressources humaines (RH) facilitant le passage d’une administration de l’État à une autre sur un même territoire. Cela encouragerait les ultramarins à dynamiser leur carrière administrative tout en contribuant à l’émergence d’élites locales qui – vous avez pu le constater, monsieur le ministre, lors de votre visite à la Réunion – manquent cruellement. Qu’en est-il du déploiement de ces plateformes RH qui restent pour l’instant largement conceptuelles ?

M. Alain Fauré. Monsieur le ministre, je me réjouis de l’arrêt de la suppression des postes d’inspecteurs du permis de conduire. Dans le cadre de la réorganisation des services de l’État, il faudrait même prévoir des recrutements de personnels.

Vous avez évoqué la nécessité d’adaptation des services de l’État à la réforme territoriale ; je suis pour ma part préoccupé par le contrôle de légalité des décisions – porteuses de lourdes conséquences économiques – prises par les différentes collectivités, notamment les futures grandes régions. Comment l’État compte-t-il s’organiser pour répondre rapidement à la nouvelle situation ?

L’État a bien progressé en matière de mise à disposition en ligne de documents, mais le recours à la visioconférence reste peu développé. Il pourrait pourtant permettre aux citoyens éloignés des pôles de décision d’éviter des déplacements longs et pénibles. Serait-il possible de faire étudier cette option par vos services ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Monsieur Marleix, quelques chiffres précis permettront d’éclairer l’évolution des effectifs de l’administration territoriale de l’État (ATE) ces dernières années. Entre 2009 et 2012, l’ATE a diminué de 2 472 postes ; entre 2013 et 2015, elle en aura perdu 1 100. Aux termes du budget que je vous présente, la réduction nette des effectifs en 2015 ne représente que 180 postes. Si vous ne voyez pas de différence entre une diminution de 650 et de 180 personnes par an, les personnels concernés la verront nettement !

En plus de critiquer ces réductions des effectifs – pourtant moindres que celles qu’avait pratiquées votre propre Gouvernement –, vous affirmez qu’il est particulièrement pernicieux de ne pas les accompagner d’une réforme de l’ATE qui les rendrait soutenables. Or votre accusation ne tient pas puisque nous engageons précisément une réforme importante qui n’a pas été menée jusqu’à présent. Nous procédons pour commencer à une revue des missions, car contrairement à ce que vous alléguez, je suis conscient que sans une véritable réflexion sur les responsabilités des ATE, même la perte de 180 – et non plus 650 – postes par an peut poser problème. La revue des missions permettra de faire le tri entre les tâches qui restent confiées à l’administration centrale, celles qui sont déléguées à l’administration territoriale et celles qui sont assumées par les collectivités locales et doivent donc être abandonnées par l’État. En effet, optimiser l’allocation de l’argent public exige d’éviter l’enchevêtrement, la superposition et les doublons ; aussi cherchons-nous à déterminer précisément le périmètre de l’État central, régional et départemental.

Si je souhaite développer davantage l’interministérialité des préfets – notamment au niveau du département –, c’est que ces derniers en sont demandeurs. Confrontés tous les jours aux limites du fonctionnement en tuyaux d’orgues de l’administration centrale et déconcentrée, ils aspirent à davantage de transversalité. En effet, lorsque, dans un territoire, une administration ou un secrétariat général présentent des sureffectifs, alors que les collectivités territoriales souffrent d’un manque de personnels, l’impossibilité pour les préfets d’organiser la fongibilité des lignes budgétaires et de procéder à des nominations nuit à l’efficacité de leur action. Dans la charte de la déconcentration, je souhaite donc qu’on leur donne cette souplesse – que beaucoup d’élus, et même quelques organisations syndicales des collectivités locales considèrent comme un progrès considérable.

Nous menons ces chantiers – la revue des missions et la charte de la déconcentration – tout en divisant par trois la déflation des effectifs par rapport aux pratiques antérieures. C’est pourquoi, devant la manière dont nous conduisons cette réforme de l’ATE, les fonctionnaires concernés expriment de l’intérêt plutôt que des réserves.

Vous évoquez enfin la réforme de la carte des sous-préfectures et des maisons de l’État. Je le répète : au lieu de créer des cartes place Beauvau avec mes collaborateurs, j’ai décidé de promouvoir une méthode – que nous avons mise en œuvre en Alsace-Moselle – permettant de les coproduire avec les acteurs locaux. Investis d’un mandat de négociation, les préfets de région rencontreront leurs personnels et les élus pour étudier l’évolution des territoires. Suivant un calendrier fixé, chacun d’entre eux ira au contact de leurs collaborateurs, des maires et des présidents de conseils généraux pour constater qu’à tel endroit, des sous-préfectures se sont jumelées ; que certaines ne disposent plus de sous-préfet ; que des territoires se trouvent en situation de décrochage parce que l’administration territoriale y fait depuis longtemps défaut. Après concertation, les préfets proposeront des jumelages et la création de maisons de l’État sur leurs territoires – que nous financerons dans le cadre d’une enveloppe budgétaire, afin de tout remailler ensemble. Le préfet Bouillon et le préfet Meddah ont ainsi conduit une négociation et m’ont proposé une carte que j’ai entérinée ; ils l’ont présentée aux élus et elle est entrée en vigueur. C’est ainsi que l’on procédera partout où cela sera possible, car si l’ATE doit être présente partout sur notre territoire, son organisation peut varier peut s’adapter aux spécificités locales.

Monsieur Popelin, en matière de permis de conduire, la situation en Île de France est en effet pire encore qu’ailleurs ; la durée moyenne entre la première et la seconde tentative d’examen y est si élevée que certains habitants vont passer leur permis dans d’autres régions, entrant dans des dépenses supplémentaires. Nous comptons allouer les moyens là où les besoins se font sentir. Monsieur Borgel, nous sommes conscients de la nécessité de revoir les modalités d’attribution des places pour les candidats qui passent l’examen une seconde fois et d’encourager les auto-écoles ayant une vocation sociale. Dans le cadre de la réforme du passage du permis, le ministre de l’économie et moi-même avons engagé une discussion avec les auto-écoles pour remettre à plat tous ces dispositifs en concertation avec elles. Des groupes de travail ont été constitués, et une première réunion – que je coprésiderai avec Emmanuel Macron – se tiendra dans les prochains jours en présence des représentants des auto-écoles pour essayer de poursuivre le dialogue.

Rapportée au budget réellement exécuté l’année dernière, la baisse des dotations allouées aux partis politiques représente 5 et non 15 millions d’euros. Il faut débattre cette question en séance, mais je garantis que mon ministère n’exigera pas d’autres diminutions au-delà de 2015.

Monsieur Larrivé, je suis un passionné du corps préfectoral et n’entends nullement vilipender les préfets, ces grands serviteurs de l’État qui travaillent sous de fortes contraintes. Le ministre de l’Intérieur doit disposer d’un minimum de souplesse dans la gestion de son administration et pouvoir organiser les mutations comme il l’entend ; le corps préfectoral doit aussi bénéficier du sang neuf. Mais l’on ne doit pas non plus s’interdire de faire des efforts pour mieux le gérer. C’est dans cet esprit que nous travaillons avec le secrétariat général du ministère, en avançant dans trois directions : la réflexion sur le statut stigmatisant des préfets hors cadre ; la formation et l’évaluation ; une plus grande mobilisation des compétences dans l’ensemble de l’administration. Lorsque je m’exprimerai devant les préfets à l’occasion de l’assemblée générale du corps préfectoral, je préciserai les orientations que nous entendons faire prévaloir après le rapport de la Cour des comptes. Les modifications que nous proposerons iront dans le sens du confortement, de la reconnaissance et de la protection de ce corps plutôt que de son démantèlement. Nous n’avons jamais eu autant besoin de préfets qui incarnent l’État sur les territoires.

Monsieur Marleix, l’instauration du dispositif de la CNIE paraît compliquée depuis qu’il a été fait observer qu’il posait des problèmes constitutionnels. Pour lutter contre la fraude documentaire, le Gouvernement a donc opté pour des mesures compensatoires et a mené en cette matière un travail approfondi. Nous nous sommes d’abord engagés dans une lutte résolue contre les contrefaçons et les falsifications de titres. L’efficacité des détections faites en préfecture étant fonction des formations continues dispensées par les agents spécialisés des directions départementales de la police aux frontières, 1 768 agents de préfectures et de sous-préfectures ont été formés en 2013 – ce qui représente près de 12 000 heures de formation. Deux dispositifs majeurs ont été généralisés en 2014 : dans le cadre de l’instruction des demandes de passeport, les actes de naissance émis par les communes raccordées au projet COMEDEC sont désormais transmis aux préfectures par voie dématérialisée et totalement sécurisée. L’apposition, sur les justificatifs de domicile, d’un code barre à deux dimensions
– pleinement opérationnel pour les factures émises par SFR, Bouygues, France Télécom, GDF Suez et EDF – devrait permettre d’améliorer encore la fiabilité des procédures. Nous avons également renforcé la lutte contre les obtentions indues de titres, l’effort portant d’une part sur la sécurisation de la chaîne de délivrance, et d’autre part sur la traçabilité des titres édités.

Monsieur Lebreton, une plateforme RH interministérielle existe déjà à la Réunion ; nous envisageons de nouer un dialogue avec les collectivités ultramarines pour favoriser au maximum les mobilités locales et développer ce type de plateformes.

Quant à l’utilisation de la visioconférence, monsieur Fauré, le ministère a engagé une réflexion sur la numérisation et la dématérialisation – qui excède le seul enjeu de la propagande électorale. Il est non seulement envisageable, mais souhaitable de développer de nouvelles modalités de communication entre l’administration et les usagers. Le recours à la visioconférence fait partie des propositions concernant le développement de la relation numérique qui s’inscrivent au cœur de la réflexion que nous conduisons avec Thierry Mandon sur la réforme de l’ATE.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre, je vous remercie.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », la Commission examine pour avis les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État (M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » ; M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative »).

La Commission examine l’amendement n° II-CL9 (article 32, état B) de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à maintenir l’aide publique aux partis politiques au montant adopté en loi de finances initiale pour 2014, soit 68,7 millions d’euros.

L’amendement transfère, à cette fin, 10,3 millions d’euros du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur » au profit du programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Je rappelle, à titre de comparaison, qu’en 2000, le financement public des partis politiques était de 80 millions d’euros. J’ajoute, en réponse à M. le ministre, qui a fait référence au niveau d’exécution des crédits lors de nos débats en commission élargie, que l’argument ne tient pas : si le niveau effectif de consommation des crédits est toujours inférieur au montant ouvert en loi de finances, c’est en raison, chaque année, de l’impact des modulations financières au titre de la parité entre hommes et femmes.

La Commission adopte l’amendement.

Puis, conformément aux conclusions de M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », et de M. Sergio Coronado, suppléant M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2015.

Article 46 : Réforme de la propagande électorale dans le cadre des élections régionales, départementales et des assemblées de Guyane et de Martinique

La Commission adopte les amendements de suppression n° II-CL4 de M. Paul Molac, II-CL7 de M. Olivier Marleix et II-CL8 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

En conséquence, les amendements II-CL5 et II-CL6 de M. Sergio Coronado tombent.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

● Déplacement à la préfecture des Hauts-de-Seine (Nanterre)
le 7 octobre 2014

– M. Yann Jounot, préfet des Hauts-de-Seine

– M. Christian Pouget, secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine

– M. François Robinet, chef du service de la coordination interministérielle

● Déplacement à la préfecture du Territoire-de-Belfort (Belfort)
le 10 octobre 2014

– M. Pascal Joly, préfet du Territoire-de-Belfort

– M. Richard Daniel Boisson, secrétaire général de la préfecture du Territoire-de-Belfort

© Assemblée nationale

1 () Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » fait l’objet d’un rapport pour avis, au nom de la commission des Lois, de M. Paul Molac. Le responsable des trois programmes est M. Michel Lalande, secrétaire général du ministère de l’Intérieur.

2 () Par ailleurs, un droit de timbre sur le renouvellement des permis de conduire, dont le produit est affecté à l’ANTS, a été créé à l’article 10 de la loi de finances rectificative pour 2014 (n° 2014-891 du 8 août 2014).

3 () Projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

4 () Projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

5 () Dans les départements du littoral, des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) intègrent également les compétences des anciennes directions départementales des affaires maritimes (DDAM).

6 () Ou, dans les départements du littoral, une DDTM (voir note précédente).

7 () Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne.

8 () Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne et Val-d’Oise.

9 () Décret n° 2010-146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements.

10 () La liste des BOP concernés est fixée dans une circulaire du 4 décembre 2013 du ministre de l’Économie et des finances et du ministre délégué chargé du Budget.

11 () AGDREF : application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France.

12 () M. Michel Zumkeller, avis au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2014, programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », n° 1435, octobre 2013.

13 () Nombre incluant les effectifs correspondant au programme transitoire : « Administration territoriale : expérimentation Chorus ».

14 () Communication en conseil des ministres du 2 juillet 2014 du Premier ministre, du secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, du ministre de l’Intérieur et de la ministre de la Décentralisation et de la fonction publique.

15 () Selon l’expression du sociologue Renaud Epstein (« Les services déconcentrés seront les grands perdants de la réforme », Acteurs publics, 8 juillet 2014).

16 () Rapport d’information au nom de la commission des Finances du Sénat sur l’avenir des préfectures, juillet 2014, n° 753, p. 79.

17 () op. cit., p. 80-81.

18 () Communication en conseil des ministres du Premier ministre et du secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification intitulée « Agir et réformer l’État avec les Français ».

19 () Décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration.

20 () Voir supra, I, C.

21 () La Cour des comptes avait relevé ce point dans son rapport, publié en juillet 2013, sur l’organisation territoriale de l’État : « l’usage se répand, lors de l’établissement de documents officiels tels que passeports ou cartes d’identité, d’avertir le demandeur du document par message électronique de la mise à disposition de la pièce demandée. Il en va de même pour donner ou confirmer des rendez-vous ou des réunions. Il ne s’agit pas de supprimer l’ensemble du courrier administratif mais d’utiliser, pour informer ou rendre une réponse simple, un mode de transmission rapide et moins coûteux que la forme écrite traditionnelle. Moins importun que la communication téléphonique, tant pour l’administration que pour l’usager, plus rapide et plus sûr que le courrier écrit, ce mode est banalisé et accepté par le public, dès lors que celui-ci est consulté lors du premier contact ». À compter de 2014, le référentiel « Qualipref numérique 2.0 » permet de mesurer les efforts de modernisation des préfectures en la matière : l’indicateur de performances n° 5.1 du programme « Administration territoriale » comporte un objectif de labellisation des préfectures de 40 % cette année, puis de 100 % en 2015.

22 () Dans sa décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l’identité, le Conseil constitutionnel a, en particulier, censuré l’article 5 de cette loi, qui prévoyait la mise en place d’un fichier commun aux cartes d’identité et aux passeports, comportant des données biométriques. Principalement conçu pour garantir la fiabilité des documents délivrés et simplifier l’instruction des demandes, ce fichier pouvait être consulté, à titre subsidiaire, à des fins de police administrative ou judiciaire.

23 () Les préfets peuvent être placés dans la position « hors cadre » pour accomplir les missions qui leurs sont confiées auprès des pouvoirs publics (article 10 du décret n° 64-805 du 29 juillet 1964 fixant les dispositions réglementaires applicables aux préfets). Il s’agit d’une position d’activité au sein du corps préfectoral, à ne pas confondre avec la position « hors cadres », qui permet un détachement au sein d’entreprises ou d’établissements publics (articles 49 et 50 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État).