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N
° 2260

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 33

OUTRE-MER

Rapporteur spécial : M. Patrick OLLIER

Député

____

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

CHAPITRE I : LA FISCALITÉ, INSTRUMENT ESSENTIEL DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN OUTRE-MER DANS UN CONTEXTE DE CRISE 9

I. LES PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER 9

A. DES AIDES FISCALES BÉNÉFICIANT AUX ENTREPRISES ET AUX MÉNAGES 9

B. LA DÉFISCALISATION : UNE MOBILISATION DE L’ÉPARGNE PRIVÉE AU SERVICE DE L’INVESTISSEMENT INDISPENSABLE AUX OUTRE-MER 12

1. Les dispositifs de défiscalisation 12

2. L’application de l’article 21 de la loi de finances initiale pour 2014 suspendue à l’autorisation de la Commission européenne 14

a. La création de deux crédits d’impôt à titre expérimental 14

b. La réforme des dispositifs existants de défiscalisation 16

C. L’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DES DÉPENSES FISCALES DANS LE DOMAINE DU LOGEMENT SOCIAL AFFICHE UN RESULTAT POSITIF 16

a. La défense de la défiscalisation en faveur du logement social en outre-mer par le Gouvernement 16

b. L’évaluation menée par la Direction générale à l’outre-mer (DGOM) () 18

II. LA PRISE EN COMPTE DES PARTICULARITÉS ÉCONOMIQUES DE L’OUTRE-MER DANS LES RÉFORMES FISCALES EN COURS 19

A. L’ADAPTATION DU PACTE DE RESPONSABILITÉ EN OUTRE-MER 19

B. LA MAJORATION DU TAUX DU CRÉDIT D’IMPÔT COMPÉTITIVITÉ EMPLOI (CICE) EN OUTRE-MER 20

C. L’ARTICLE 44 DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 : LA MAJORATION DU CRÉDIT IMPÔT RECHERCHE (CIR) EN OUTRE-MER 22

III. DEUX DISPOSITIFS FISCAUX PROPRES À L’OUTRE-MER À PERENISER : L’OCTROI DE MER ET LA TVA PERÇUE NON RÉCUPÉRABLE 23

A. L’OCTROI DE MER, RESSOURCE INDISPENSABLE POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ULTRAMARINES 23

1. Les mécanismes de l’octroi de mer peuvent être améliorés pour plus d’efficacité 23

2. La prolongation de l’octroi de mer jusqu’en 2020 : une fiscalité outre-mer suspendue aux décisions de l’Union Européenne qui doit devenir pérenne 24

B. LA TVA « NON PERÇUE RÉCUPÉRABLE » : UN DISPOSITIF MAJEUR POUR LA COMPÉTITIVITÉ 25

CHAPITRE II : LES MESURES EN FAVEUR DES ENTREPRISES ET DE L’EMPLOI, OUTILS INDISPENSABLES FACE À UN CHÔMAGE STRUCTUREL 28

I. LE PROGRAMME 138 : UN SOUTIEN AUX ENTREPRISES EN LÉGÈRE DIMINUTION MALGRÉ LA DÉGRADATION DU MARCHÉ DE L’EMPLOI 28

A. LA SITUATION INQUIÉTANTE DE L’EMPLOI EN OUTRE-MER 28

B. PRÉSENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 EMPLOI OUTRE-MER 28

1. Les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale : la principale mesure budgétaire de la mission en faveur de l’emploi 29

a. Une dotation budgétaire en baisse mais un effort financier global en hausse 29

b. Présentation du dispositif et de la réforme de 2013 29

c. Des résultats encourageants sur l’emploi 31

d. La dette de l’État envers l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) n’est pas encore soldée 31

2. La suppression de l’aide hôtelière : les crédits n’ont pas été redéployés et aucune nouvelle aide en faveur de l’hôtellerie n’a été créée 32

3. L’aide au fret demeure, sans être réformée 33

C. LA RÉGULARISATION DE LA TENUE DES REGISTRES DE COMMERCE EN OUTRE-MER EST UNE URGENCE 33

II. DES ACTEURS INVESTIS ET EFFICACES DANS LE DOMAINE DE LA FORMATION : UN ATOUT DE POIDS POUR L’EMPLOI DES JEUNES MALGRÉ DES CRÉDITS EN BAISSE 34

A. LE SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ (SMA) CONFIRME SON RÔLE D’ACTEUR MAJEUR DE LA FORMATION OUTRE-MER 34

B. LADOM : UN ACTEUR CLEF VALORISÉ PAR SA NOUVELLE DIRECTION MAIS UNE BAISSE INQUIÉTANTE DES CREDITS DEDIES À LA CONTINUITE TERRITORIALE 35

1. Présentation des dispositifs gérés par LADOM 35

2. Une augmentation en trompe l’œil du budget de LADOM 36

3. La reprise en main de la gestion et la démarche de modernisation 38

C. LES CENTRES DE FORMATION DES APPRENTIS (CFA) : UNE RÉFORME DE FINANCEMENT DANGEREUSE POUR LES CENTRES ULTRAMAIRINS 39

CHAPITRE III : LE PROGRAMME 123 CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL, UN BILAN EN DEMI-TEINTE 41

I. PRÉSENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 41

II. LES AIDES AU LOGEMENT EN AUGMENTATION (ACTION 1) 42

A. LA SITUATION DU LOGEMENT DANS LES TERRITOIRES ULTRAMARINS 42

B. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT EN OUTRE-MER ENTRE CRÉDITS BUDGÉTAIRES ET DÉFISCALISATION 43

III. L’ACTION 2 AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : DES CRÉDITS STABLES POUR UNE POLITIQUE CONTRACTUELLE RENOUVELÉE 45

A. L’ARRIVÉE À ÉCHÉANCE DES PRÉCÉDENTS CONTRATS DE PLAN ÉTATS-RÉGIONS (CPER) 46

B. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 TRADUIT UN EFFORT FINANCIER DE L’ÉTAT DANS LE CADRE DES NOUVEAUX CONTRATS DE PLAN 46

IV. LA BAISSE IMPORTANTE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA CONTINUITÉ TERRITORIALE (ACTION 3) 47

V. L’ACTION COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, DÉDIÉE PRINCIPALEMENT À LA RECONVERSION DE L’ÉCONOMIE POLYNÉSIENNE (ACTION 6) 48

VI. LE FONDS EXCEPTIONNEL D’INVESTISSEMENT : UN ABONDEMENT EN DIMINUTION ET TRÈS INFÉRIEUR À LA PROMESSE PRÉSIDENTIELLE (ACTION 8) 49

VII. LES AUTRES ACTIONS EN FAVEUR DE L’INVESTISSEMENT ET DES CONDITIONS DE VIE 50

A. L’ACTION SANITAIRE ET SOCIAL (ACTION 4) 50

B. L’INSERTION ÉCONOMIQUE ET LA COOPÉRATION RÉGIONALE (ACTION 7) 50

C. L’APPUI À L’ACCÈS AUX FINANCEMENTS BANCAIRES (ACTION 9) 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

Article 57 : Suppression de l’aide à la rénovation des hôtels situés dans les départements d’outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon 55

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 61

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) : fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 98 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

Avec des crédits de paiement d’un montant global de 2 013 millions d’euros à structure constante en autorisations d’engagement (AE) et 2 064 millions d’euros en crédits de paiement (CP) proposés en projet de loi de finances (PLF) pour 2015, le ministère des Outre-mer affiche des moyens en progression de 0,3 % par rapport à 2014. Sur l’ensemble de la période 2015 à 2017, la progression des crédits du ministère sur le budget triennal atteindra 4,7 % en autorisations d’engagement, malgré une baisse de leur montant dans le projet de loi de finances à hauteur de 51 millions d’euros.

Nous sommes heureux d’avoir été entendu et que la politique en faveur de l’outre-mer puisse s’afficher comme l’une des priorités gouvernementales, face à une conjoncture économique dégradée et un marché de l’emploi très alarmant dans les collectivités ultramarines. Les actions financées dans le cadre de la mission Outre-mer revêtent une importance accrue, en réunissant à la fois des mesures en faveur de l’emploi via l’abaissement du coût du travail et le renforcement des dispositifs de formation, ainsi que des projets visant à améliorer les conditions de vie des citoyens ultramarins, au premier rang desquels l’amélioration de l’offre de logement.

L’effort financier consacré par l’État aux territoires ultramarins se monte au total à 14,2 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, quasi stable par rapport à l’exécution 2013 et la loi de finances initiale pour 2014, la mission Outre-mer représentant donc 15 % des crédits totaux. Les dépenses fiscales étant estimées à 3,9 milliards d’euros pour 2015, l’effort total de l’État devrait s’élever à 18,1 milliards d’euros.

Les crédits budgétaires de la mission proposés dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élèvent à 2,09 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,06 milliards en crédits de paiement. Le tableau suivant récapitule les crédits de la mission par programmes :

En millions d’euros

PROGRAMME

LFI 2014

PAP 2015

Écart 2014/2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

138 : Emploi outre-mer

1 402,4

1 386

1 392,9

1 379,6

– 0,7 %

– 0,5 %

123 : Conditions de vie outre-mer

742,7

671,4

702

684,6

– 5,5 %

2,0 %

Total

2145,1

2057,4

2094,9

2064,2

– 2,3 %

0,3 %

Source : projet annuel de performances 2015.

Aux crédits budgétaires, s’ajoutent un ensemble de dispositifs fiscaux jouant un rôle majeur dans le développement économique en outre-mer, et en premier lieu les dispositifs de défiscalisation en faveur du logement et de l’investissement productif, soutenus activement par le Rapporteur spécial.

CHAPITRE I :
LA FISCALITÉ, INSTRUMENT ESSENTIEL DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN OUTRE-MER DANS UN CONTEXTE DE CRISE

I. LES PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER

A. DES AIDES FISCALES BÉNÉFICIANT AUX ENTREPRISES ET AUX MÉNAGES

La dépense fiscale est incitative et moteur de développement. En 2011, le nombre de dispositifs s’est stabilisé avant qu’en 2012 une dépense fiscale soit supprimée (1). En 2013 et en 2014, leur nombre s’est stabilisé à 21 dispositifs rattachés directement à la mission Outre-mer : six dépenses fiscales au programme 138 Emploi outre-mer (dont trois supérieures à 50 millions d’euros) et quinze au programme 123 Condition de vie outre-mer (dont sept supérieures à 100 millions d’euros) peuvent être dénombrées en 2015, bien que des modifications aient eu lieu et que certaines soient amenées à disparaître, du fait de la fin de leur fait générateur. Par ailleurs, cinq dépenses fiscales principales sur les impôts locaux relèvent du programme 123.

Le montant total des dépenses fiscales sur les impôts d’État pour les prévisions 2015 est de 3,8 milliards d’euros. Cette prévision est cependant minorée, le chiffrage prévisionnel des principales mesures de défiscalisation n’étant pas encore connu dans le projet annuel de performance pour 2015. Le tableau suivant récapitule les chiffrages estimés depuis 2012, répartis par programmes :

 

chiffrage 2012

chiffrage 2013 (estimé)

chiffrage 2014 (prévisions)

chiffrage 2015 (prévisions)

Programme 123 : Conditions de vie outre-mer

3 455

3 437

3 404

3 449

Programme 138 : Emploi outre-mer

369

372

364

363

TOTAL Mission

3 824

3 809

3 768

3 812


(en millions d’euros)

Source : rapport annuel de performances 2013 et projet annuel de performances 2015.

Malgré l’impossibilité de détenir un chiffrage précis de ces dépenses fiscales fonctionnant comme des dépenses de guichet évaluables a posteriori, il apparaît que la tendance générale de celles-ci est à la hausse depuis 2013.

Les tableaux suivants récapitulent les principales dépenses fiscales des deux programmes en distinguant celles qui bénéficient aux entreprises et celles qui bénéficient aux particuliers :

DÉPENSES FISCALES BÉNÉFICIANT AUX ENTREPRISES

(en millions d’euros)

 

chiffrage 2012

chiffrage 2013

chiffrage 2014

chiffrage 2015

Programme 138 : emploi outre-mer 

TVA : Régime particulier des départements de la Guadeloupe, de la Martinique, et de la Réunion - Déductibilité de la taxe afférente à certains produits exonérés (dite « TVA non perçue récupérable »)

100

100

100

100

Exonérations de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion

190

185

180

180

Abattement applicable aux bénéfices des entreprises provenant d’exploitations situés dans les départements d’outre-mer

74

87

84

83

Programme 123 : conditions de vie outre-mer

Régime des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion. Fixation des taux à : 8,5 % pour le taux normal et 2,1 % pour le taux réduit

1 160

1 160

1 270

1 290

Déduction des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements. Dispositions applicables jusqu’au 31 décembre 2017

144

180

175

nc

Exclusion des départements d’outre-mer du champ d’application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants

795

740

750

828

TOTAL

2 463

2 452

2 559

2 656

   

Évolution 2012/2015

8 %


Source : rapport annuel de performances 2013 et projet annuel de performances 2015.

La première dépense fiscale en volume correspond au régime dérogatoire de TVA appliqué dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion (article 296-1 a et b du code général des impôts). La fixation du taux de la TVA à 8,5 % pour le taux normal (au lieu de 20 % en métropole) et à 2,1 % pour le taux réduit (contre 5,5 % ou 10 %) a pour objectif d’équilibrer l’effet sur les prix à la consommation de l’application de l’octroi de mer qui frappe importations et production locale, et qui est nécessaire au financement des collectivités. En sont bénéficiaires les entreprises soumises à la TVA, soit 65 000 entités selon les estimations du projet annuel de performance pour 2015.

Une seconde partie des dépenses fiscales bénéficie aux ménages, et est principalement constituée des mesures de défiscalisation en faveur de l’investissement, notamment locatif. Seule la dépense fiscale en faveur des particuliers visant à réduire l’impôt sur le revenu des contribuables ultramarins ne rentre pas dans ce cadre (article 197-I-3 du Code général des impôts). L’ensemble de ces dépenses relèvent du programme 123 Conditions de vie outre-mer :

DÉPENSES FISCALES BÉNÉFICIANT AUX MÉNAGES

(en millions d’euros)

 

chiffrage 2012

chiffrage 2013

chiffrage 2014

chiffrage 2015

Programme 123 : conditions de vie outre-mer

Réduction d’impôt au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés dans les DROM. Fin au 31 décembre 2017

330

277

220

157

Réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer, avant le 31 décembre 2017

470

377

310

nc

Réduction d’impôt au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social dans les départements et collectivités d’outre-mer- Subordonnée à un agrément pour les projets dont le montant est supérieur à 2M€

208

299

280

nc

Réduction dans la limite d’un certain montant, pour les contribuables des départements d’outre-mer de la cotisation résultant du barème (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion ; 40 % en Guyane)

290

325

320

330

Total

1 298

1 278

1 130

1 077

   

Évolution 2012/2014

– 17 %

Source : rapport annuel de performances 2013 et projet annuel de performances 2015.

Contrairement aux dépenses fiscales bénéficiant aux entreprises, celles au profit des ménages accusent une baisse sur la période considérée, même si les prévisions incomplètes pour 2015 ne permettent pas à ce jour de confirmer cette tendance. En effet, les données non communiquées concernent les dépenses fiscales les plus dynamiques et ayant des volumes parmi les plus élevés.

À l’ensemble de ces dispositifs s’ajoute celui des zones franches d’activités (ZFA) créé par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM), qui permet un allégement du paiement de l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’un abattement de contribution économique territoriale et de taxes foncières, en contrepartie de certains engagements d’investissement pour les entreprises concernées, notamment dans le domaine de formation.

B. LA DÉFISCALISATION : UNE MOBILISATION DE L’ÉPARGNE PRIVÉE AU SERVICE DE L’INVESTISSEMENT INDISPENSABLE AUX OUTRE-MER

1. Les dispositifs de défiscalisation

Le Rapporteur spécial a toujours défendu le processus de défiscalisation comme instrument de développement et de création d’emplois en outre-mer. Cette défiscalisation regroupe quatre dispositifs principaux.

La loi de finances rectificative du 11 juillet 1986 s’est attachée à fixer les grandes lignes des réductions d’impôt en faveur des investissements réalisés outremer.

Ces aides fiscales ont ensuite été souvent modifiées, principalement par la loi de finances pour 2001, puis par la loi de programme pour l’outre-mer, dite « loi Girardin » du 21 juillet 2003, et enfin par la loi du 27 mai 2009, dite loi LODEOM.

Au cours de l’année 2012, il a existé ainsi quatre mécanismes applicables en matière de défiscalisation. À compter du 1er janvier 2013, le dispositif relevant de l’article 199 undecies A du code général des impôts a cessé de s’appliquer. Subsistent donc les deux dispositifs « Girardin » (articles 199 undecies B et 217 undecies du code général des impôts) et le dispositif créé par la loi LODEOM (article 199 undecies C du même code).

L’article 199 undecies A du code général des impôts prévoit, pour l’essentiel, une réduction d’impôt sur le revenu pour tout contribuable qui achète un immeuble neuf outre-mer, soit pour l’habiter, soit pour le louer, pendant une durée de cinq ans. Il s’agit d’une disposition qui, dans le domaine de la location, tout en visant tous les types de logements, c’est-à-dire notamment les logements du secteur à loyer intermédiaire, s’est appliquée principalement aux logements du secteur libre. Pour éviter un effet d’éviction du logement social, le dispositif s’est éteint au 31 décembre 2012, au bénéfice des dispositions du 199 undecies C.

L’article 199 undecies B prévoit une réduction d’impôt sur le revenu pour tout contribuable qui réalise des investissements productifs neufs outre-mer. Ces investissements sont effectués sous forme de participation à des sociétés qui achètent des matériels et des biens d’équipement en vue d’une location aux entreprises sur cinq ans.

L’article 199 undecies C prévoit que les investissements outre-mer dans la construction ou l’acquisition de logements sociaux neufs ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu. Pour que les contribuables puissent bénéficier de la réduction d’impôt sur le revenu, les logements financés doivent être loués nus, dans les six mois de leur achèvement ou de leur acquisition, pour au moins cinq ans, à un organisme de logement social (OLS).

Enfin, l’article 217 undecies dispose que les trois réductions d’impôt précédentes à l’intention des particuliers sont également applicables, selon des règles spécifiques, aux sociétés. Les règles sont distinctes dans la mesure où, dans le cas des sociétés, les déductions visent l’assiette de l’impôt et non plus le montant de l’impôt lui-même.

En 2014, la prévision chiffrée pour l’ensemble de ces dispositifs de défiscalisation s’élève 985 millions d’euros. Les prévisions 2015 sont encore en partie incomplètes. À titre de comparaison, le chiffrage pour 2013 est de 1 133 millions d’euros, le recul étant donc évalué à 13 %. Ce résultat demeure à nuancer, puisque le chiffrage pour 2014 est encore prévisionnel et pourra être actualisé à la hausse.

Le chiffrage sur 2013 fait apparaître la répartition suivante entre les dispositifs de défiscalisation :

Source : RAP 2013.

La défense de ces dispositifs de défiscalisation a été, et demeure, le cœur de l’action de votre Rapporteur spécial, menée avec succès puisqu’ils sont désormais consolidés au service des territoires ultramarins. Il appelle cependant à la vigilance et réitère sa demande de renforcement des contrôles et d’amélioration de la transparence dans l’évaluation de ces dispositifs, afin de na pas les entacher d’un manque de confiance sur leur fiabilité et leur utilité.

2. L’application de l’article 21 de la loi de finances initiale pour 2014 suspendue à l’autorisation de la Commission européenne

L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, initialement prévue au 1er juillet 2014 a été différée, la Commission européenne continuant à ce jour l’examen de leur conformité avec le droit communautaire. Afin d’assurer la continuité d’application des dispositions de défiscalisation en faveur de l’investissement outre-mer, la Commission européenne a admis leur prorogation dans leur version antérieure à la loi de finances pour 2014 jusqu’à la date de sa décision autorisant la réforme et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2014.

Le Rapporteur spécial regrette que ce retard n’ait fait l’objet d’aucune information de la part du Gouvernement, alors que les entreprises ultramarines se trouvent privées de dispositifs qui devraient leur être ouverts depuis le 1er juillet 2014. À ce jour, la date de mise en application des nouveaux dispositifs et des deux crédits d’impôt demeure encore inconnue, et retarde d’autant les premières évaluations.

a. La création de deux crédits d’impôt à titre expérimental

L’article 21 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 prévoit qu’en complément du maintien des dispositifs actuels de défiscalisation, seront mis en place deux dispositifs de crédits d’impôt, à titre expérimental, laissant le soin aux opérateurs de choisir le dispositif dont ils souhaitent bénéficier. Dans les collectivités dotées de l’autonomie fiscale, le mécanisme du crédit d’impôt ne trouve pas à s’appliquer.

Le premier est applicable aux investissements productifs neufs et est codifié à l’article 244 quater W du code général des impôts. Ce crédit d’impôt s’applique également aux travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances. Le taux est fixé à 38,25 % pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu et à 35 % pour les entreprises et organismes soumis à l’impôt sur les sociétés. Lorsque l’entreprise réalise un chiffre d’affaires inférieur à 20 millions d’euros, elle conserve un droit d’option : elle peut choisir de continuer à bénéficier du dispositif prévu par l’article 199 undecies B ou par l’article 217 undecies ou d’opter pour le crédit d’impôt, l’option s’exerçant investissement par investissement et non une fois pour toutes. L’augmentation du taux de rétrocession en faveur des exploitants sera en effet moins avantageuse pour les petites entreprises, les intérêts dus au titre d’un prêt relais risquant de dépasser la fraction qui bénéficiait auparavant à l’investisseur.

Le second est applicable aux investissements dans le logement social et est codifié à l’article 244 quater X, en faveur des organismes d’habitations à loyer modéré (HLM). Le droit d’option avec les dispositifs de défiscalisation est dans ce cas valable pour l’ensemble des organismes. Son taux est fixé à 40 %. Il permettra de renforcer la transparence de l’aide fiscale au logement social, ce dont se félicite le Rapporteur spécial.

Ces crédits d’impôt portent à la fois sur les investissements directs et sur les acquisitions réalisées par les exploitants par l’intermédiaire de contrats de location avec option d’achat ou de contrats de crédit-bail ou par les organismes de logements sociaux par l’intermédiaire de contrats de crédit-bail. De plus, au contraire des actuelles réductions, ces crédits d’impôt sur les bénéfices ne sont pas plafonnés, ni par un plafonnement spécifique à l’outre-mer, ni par un plafonnement général.

Néanmoins, votre Rapporteur spécial, s’il considère comme utile de créer ces dispositifs nouveaux et la proposition faite aux opérateurs de choisir leur système, il considère que le crédit d’impôt ne doit pas se substituer aux dispositifs de défiscalisation, l’un et l’autre devant être pérennisés.

Les débats relatifs à la mise en place expérimentale des deux crédits d’impôt lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2014

Le projet de loi de finances pour 2014 proposait la création de ces deux crédits d’impôt en complément des dispositifs fiscaux existants en faveur de l’investissement productif et du logement social. Leur objet principal est d’attribuer directement l’avantage fiscal à l’exploitant ou aux organismes de logement sociaux ultra-marins. Ces dispositifs devaient permettre, à niveau de soutien public identique à l’investissement outre-mer, de limiter les frais d’intermédiation et de supprimer la part de la dépense fiscale qui ne bénéficie qu’aux contribuables apporteurs de capitaux. Le Rapporteur spécial a cependant souligné lors de son rapport spécial pour le budget 2014 le risque pour les petites et moyennes entreprises d’une généralisation du crédit d’impôt. En effet, les PME et TPE ultramarines n’ont pas les fonds propres nécessaires pour pré-financer ce crédit d’impôt. Les difficultés d’accès au crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour les petites entreprises peuvent à cet égard servir d’exemple

Ainsi, le caractère optionnel systématique du crédit d’impôt ne doit pas à termes engendrer une substitution progressive au détriment de la défiscalisation, qui demeure la dépense fiscale la plus efficace et la plus sécurisée pour les petites entreprises. Votre Rapporteur spécial avait présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2014 visant à réserver exclusivement le bénéfice du crédit d’impôt aux seules grandes entreprises de plus de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires en supprimant le droit d’option. L’amendement n’a malheureusement pas été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

De plus, le Rapporteur spécial a également permis que le taux de crédit d’impôt en faveur du logement social soit remonté à 40 %, contre 35 % dans le texte proposé initialement, afin de reverser le gain fiscal aux organismes du logement social et de limiter l’effet d’aubaine pour l’État.

Une évaluation demeurera indispensable un an après la mise en œuvre de ces dispositifs de manière à rester vigilant sur leurs effets, à la fois sur l’incitation à la défiscalisation et sur les petites et moyennes entreprises qui auront choisi ce dispositif.

b. La réforme des dispositifs existants de défiscalisation

En plus d’avoir créé les deux crédits d’impôt décrits précédemment, l’article 21 a également modifié les articles 199 undecies B, C et D, ainsi que l’article 217 undecie du code général des impôts.

Plusieurs autres mesures assurant une meilleure maîtrise de la défiscalisation seront ainsi mises en œuvre, tant dans le secteur productif que dans celui du logement social afin de rationaliser et moraliser les dispositifs existants :

– la diminution de l’assiette éligible en cas d’investissement de renouvellement ;

– la hausse des différents taux de rétrocession applicables dans le cadre des investissements intermédiés, au profit des exploitants et des organismes de logement social ultramarins, font l’objet d’une revalorisation : pour les investissements productifs des redevables à l’impôt sur le revenu, le taux normal passe de 62,50 % à 66 %, le taux réduit de 52,63 % à 56 % ; pour le logement social le taux s’élève désormais à 70 % au lieu de 65 % ; pour l’investissement productif des redevables l’impôt sur les sociétés, le taux de 77 % remplace le taux de 75 % ;

– dans le domaine du logement social, les acquisitions ou constructions de logements doivent désormais être financées par un montant minimal de subvention publique à hauteur de 5 %.

Ces mesures devaient être mises en œuvre au 1er juillet 2014, mais sont également en attente de la décision d’autorisation de la Commission européenne.

C. L’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DES DÉPENSES FISCALES DANS LE DOMAINE DU LOGEMENT SOCIAL AFFICHE UN RESULTAT POSITIF

L’évaluation des dépenses fiscales demeure un exercice compliqué, car la disponibilité des informations se révèle souvent incomplète en raison du mécanisme dit du « plein droit » qui simplifie les opérations de défiscalisation, mais entraîne une connaissance moins fine des opérations par l’administration fiscale, malgré les obligations déclaratives renforcées édictées en 2009.

a. La défense de la défiscalisation en faveur du logement social en outre-mer par le Gouvernement

Le Premier président de la Cour des comptes a adressé le 27 décembre 2013 un référé au Premier ministre sur la défiscalisation dans le secteur du logement social en outre-mer, rendu public en mars 2014. Les deux dispositifs concernés étaient ceux prévu par l’article 217 undecies du code général des impôts (déduction des résultats imposables de l’impôt sur les sociétés) et par l’article 199 undecies C (réduction de l’impôt sur le revenu) issu de la loi LODEOM de 2009.

Ce référé visait à remettre en cause l’efficacité et le bien-fondé des aides fiscales en faveur du logement social en outre-mer, dans la continuité de l’enquête réalisée en 2012 et 2013 par la Cour des comptes et les préconisations formulées dans son rapport annuel de 2012 visant à supprimer ces dispositions. La Cour des comptes relève la hausse exponentielle du montant de ces dépenses fiscales. Concernant le dispositif de l’article 199 undecies C, il s’élevait à 11 millions d’euros en 2010 contre 210 en 2012. Le dispositif de l’article 217 undecies est passé quant à lui de 55 millions d’euros en 2010 à 129,4 en 2012. La Cour met en regard cette croissance des dépenses avec un nombre de logements locatifs sociaux qui ne progresse plus entre 2011 et 2012 ainsi qu’une baisse des mises en chantier en 2012.

La réponse du Premier ministre a cependant permis de mettre en avant les réussites de ces dispositifs de défiscalisation, qui ont fait l’objet d’évaluation à la fois par la Direction générale de l’outre-mer (DGOM) et par le Comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP), et d’insister sur les nouvelles mesures à l’œuvre dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014. Il s’agit d’une part, de la mise en place du crédit d’impôt en faveur du logement social, d’autre part des mesures visant à encadrer et maîtriser l’aide fiscale, à savoir :

– l’instauration d’un plancher de subvention publique par opération bénéficiant du soutien fiscal à l’investissement permettant une meilleure maîtrise de la dépense fiscale ;

– l’élaboration d’une programmation pluriannuelle fondée sur une analyse des besoins spécifique à chaque territoire afin d’optimiser l’allocation des ressources.

Outre ce pilotage renforcé de la dépense fiscale qui devrait se mettre en place au plus tard en janvier 2015, le bilan dressé par la Cour des comptes entre 2011 et 2012 n’est pas révélateur, puisque le nombre de logements a connu une augmentation de 53 % entre 2009 et 2012, malgré cette courte phase de stabilisation. La hausse de la ressource publique allouée en 2012 est également liée à la plus forte hausse en termes de prix de revient moyen sur cette période dans le secteur du logement social et très social.

Enfin, l’évaluation qualitative se révèle également favorable à la défiscalisation au titre du logement social :

– la hausse la plus importante entre 2009 et 2012 est constatée en faveur des logements locatifs très sociaux (LLTS). Elle atteint 115 % en quatre ans. À la Réunion, le nombre de LLTS a augmenté de 95 % entre 2010 et 2011 ;

– l’aide fiscale a permis d’équilibrer des opérations plus complexes et plus chères sans peser sur les loyers (loyers inférieurs de 2 % aux loyers plafonds en 2011 et 2012) ;

– hors plan de relance en 2010, les crédits budgétaires affectés à la réhabilitation dans le cadre de ligne budgétaire unique (LBU) ont augmenté, l’aide fiscale permettant donc parallèlement de dégager des marges de manœuvres budgétaires en faveur des autres volets de l’aide au logement.

Par ailleurs, les premières évaluations du nombre de logements construits grâce à la défiscalisation en 2013 et 2014 pour les opérations sous agrément confirment le dynamisme de la dépense et du nombre de logements sociaux financés.

b. L’évaluation menée par la Direction générale à l’outre-mer (DGOM) (2)

Dans le cadre de son programme triennal 2011-2013, la direction générale à l’outre-mer a conduit une évaluation de la production de logements sociaux neufs dans les départements de la Guyane et de la Réunion. Cette évaluation portait sur les années 2009 à 2011. Elle est conduite depuis 2013 dans les départements de Guadeloupe et Martinique. Une seconde évaluation portant sur la production de logements sociaux neufs en Guadeloupe et en Martinique est réalisée à compter du second semestre 2013 avec des résultats attendus pour fin 2014.

Elle fournit un éclairage particulier sur la défiscalisation. Celle-ci a été autorisée dans le logement social après avoir été supprimée dans le secteur libre. Elle s’est donc développée dans le secteur social par un déplacement d’opérations, de financements disponibles et de modes de production préexistants dans le secteur libre. Le logement social a bénéficié d’un afflux de financements permettant de réaliser les projets qui demeuraient inachevés et d’en mettre en œuvre de nouveau : ce phénomène a heureusement conduit sur la période allant de 2009 à 2011 à un doublement des mises en chantier. Cette croissance rapide s’est accompagnée de l’apparition, dans le logement social, du mode de production courant du secteur privé à savoir la vente en état futur d’achèvement. Les contraintes juridiques propres à l’utilisation des ressources défiscalisées ont imposé une accélération des rythmes de réalisation des opérations. Ainsi, en termes d’efficacité, l’arrivée de la défiscalisation a été un succès selon l’enquête.

Les bailleurs sociaux qui ont procédé à la recherche de « monteurs » en défiscalisation par appels à projets ont obtenu une augmentation des taux de rétrocession, donc une diminution du coût additionnel de la dépense fiscale. Cela montre que la mise en concurrence des « monteurs » permet de diminuer leur prélèvement sur les opérations.

La conclusion globale qui découle de cette évaluation est double. Il existe, pour l’État, un coût additionnel à la partie de la dépense fiscale effectivement investie. Dans les conditions actuelles (avec une rétrocession de 80 % environ), il est de 19 % de cette dépense. Mais, tout en prenant acte de ces chiffres, l’évaluateur a procédé à un calcul complémentaire : le surcoût moyen, constaté dans l’étude, d’une opération réalisée en tout ou partie en défiscalisation, est de 11 à 12 % de son prix de revient. Ce constat montre que, dans le cas particulier du logement social et dans les conditions actuelles des ressources publiques, ce surcoût est la condition de la réalisation d’un logement neuf sur deux dans le champ de l’étude.

Le Rapporteur spécial réitère son soutien aux dispositifs de défiscalisation en faveur du logement social, et se félicite qu’un crédit d’impôt puisse se mettre également en place dans ce secteur, afin de favoriser le pilotage de la dépense et la transparence.

II. LA PRISE EN COMPTE DES PARTICULARITÉS ÉCONOMIQUES DE L’OUTRE-MER DANS LES RÉFORMES FISCALES EN COURS

A. L’ADAPTATION DU PACTE DE RESPONSABILITÉ EN OUTRE-MER

Le coût des mesures contenues dans le Pacte de responsabilité est évalué à environ 20 milliards d’euros sur la période 2014-2017.

Du fait de l’existence dans les territoires ultramarins de dispositifs spécifiques d’exonération de charges patronales, et compte tenu de la spécificité du tissu économique constituée à plus de 90 % de très petites entreprises, les entreprises ultramarines ne bénéficieront pas pleinement de ces différentes mesures.

Une déclinaison spécifique du Pacte de responsabilité outre-mer, à laquelle le Président de la République s’est engagé dès le mois de janvier 2014, s’avère donc indispensable pour prendre en compte la neutralisation d’une part essentielle des mesures nationales d’allégement du coût du travail par les dispositifs actuellement en vigueur outre-mer.

La Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale a rendu public le 17 juin 2014 un rapport établi par MM. Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes relatif à la Déclinaison du pacte de responsabilité en outre-mer, visant à évaluer le moindre impact du Pacte de responsabilité en outre-mer et à proposer des solutions afin de compenser ce différentiel. Le constat est triple :

Tout d’abord, les dispositifs en faveur de l’emploi mis en place dans la loi LODEOM, et notamment le régime des exonérations de charges sociales, neutralise en partie les mesures prévues dans ce domaine par le Pacte de responsabilité et réduit ainsi le montant affecté à l’outre-mer. Selon le rapport de la Délégation aux outre-mer, sur les 10 milliards d’euros correspondant au coût des exonérations de cotisations sociales, la part complémentaire aux exonérations de la loi LODEOM représente entre 90 et 110 millions d’euros seulement sur la période 2014-2017.

Par ailleurs, le second constat est celui d’une création d’emplois encore insuffisante en outre-mer malgré les dispositifs d’exonération prévus par la loi LODEOM. Les aides aux entreprises n’ont pas eu les effets contra-cycliques attendus, malgré un ralentissement dans les destructions d’emplois en 2013. Depuis 2009, le nombre de demandeurs d’emploi a ainsi augmenté de manière démesurée, notamment à La Réunion avec une hausse de 62,5 % en 2012 par rapport à 2009. Le Pacte de responsabilité doit donc trouver à s’appliquer également dans toute sa mesure dans les territoires ultramarins.

Enfin, la population ultramarine représente 3,2 % de la population totale française. Il serait donc justifié, selon le rapport de la Délégation aux outre-mer, que le solde attribué à l’outre-mer au titre du pacte de responsabilité s’élève à 390 millions d’euros, déduction faite des 480 millions d’euros issus du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et les 90 millions d’euros d’exonérations.

Le Rapporteur spécial ne se range pas à cette analyse proportionnelle de répartition des bénéfices issus du Pacte de responsabilité, le premier critère devant rester celui des besoins et de l’efficacité. Il se félicite cependant que deux préconisations fiscales du rapport de la Délégation aux outre-mer aient été suivies par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances, à savoir la majoration du taux de CICE et le maintien du régime de la TVA non perçue récupérable.

B. LA MAJORATION DU TAUX DU CRÉDIT D’IMPÔT COMPÉTITIVITÉ EMPLOI (CICE) EN OUTRE-MER

L’article 43 du projet de loi de finances pour 2015 propose un taux majoré du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour les entreprises situées dans les départements d’outre-mer. Fixé à 7,5 % en 2015, il s’élèvera à 9 % en 2016. Cette mesure permet donc de compenser la neutralisation partielle du CICE du fait des exonérations existantes prévues par la loi LODEOM. Le coût total du CICE majoré s’élève à 400 millions d’euros, dont 160 millions d’euros pour la partie majorée.

Ajouté aux exonérations des cotisations patronales, ce renforcement du CICE doit permettre d’améliorer la compétitivité des entreprises par la réduction accrue du coût du travail.

Le taux relevé à 9 % correspond à celui qui était proposé à la fois par le rapport de la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale et par la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM), du moins pour les salariés concernés par les exonérations de la loi LODEOM.

L’impact prévu de cette mesure sur les entreprises ultramarines est conséquent, car le nombre d’entreprises susceptibles de bénéficier du CICE est plus important que le nombre des entreprises éligibles au dispositif des exonérations de cotisations tel que défini à l’article 25 de la loi LODEOM. Si la portée du CICE est moins large que celle des exonérations de charges de la loi LODEOM (avec un plafond à 2,5 SMIC contre 4,5 SMIC pour les exonérations de la loi LODEOM), les salariés concernés par le CICE sont donc plus nombreux que ceux concernés par les exonérations de la loi LODEOM. En effet, les dispositifs prévus par cette dernière, sauf pour les petites entreprises de moins de 11 salariés, vise seulement le secteur industriel ou agricole, tandis que le CICE concerne aussi les secteurs du commerce, de la distribution, des assurances, ou encore des banques. La FEDOM évalue à 300 000 le nombre des salariés qui pourraient bénéficier du CICE.

Le Rapporteur spécial avait appelé de ses vœux une telle mesure et se félicite que le projet de loi de finances pour 2015 permette sa mise en œuvre rapide. Elle constitue en effet une mesure très importante en faveur du développement et de l’emploi, en complément des dispositifs existants.

Le dispositif du crédit d’impôt compétitivité Emploi (CICE)

Le CICE a été voté en loi de finances rectificative pour 2012 et mis en place à partir du 1er janvier 2013.

Accessible à toutes les entreprises employant des salariés, le CICE permet de bénéficier d’une économie d’impôt importante. Depuis 2014, elle équivaut à 6 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC, après un taux transitoire de 4 % en 2013. Le CICE bénéficie à l’ensemble des entreprises employant des salariés, imposées à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel, quel que soit le mode d’exploitation (entreprise individuelle, société de personnes, société de capitaux, etc.) et le secteur d’activité (agricole, artisanal, commercial, industriel, de services…).

En bénéficient également les entreprises dont le bénéfice est exonéré transitoirement, en vertu de certains dispositifs d’aménagement du territoire (zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale…) ou d’encouragement à la création et à l’innovation (entreprises nouvelles, jeunes entreprises innovantes). Les organismes relevant de l’article 207 du code général des impôts, partiellement soumis à l’IS, comme les coopératives ou les organismes HLM en bénéficient également au titre de leurs salariés affectés à l’activité soumise à l’IS.

Dans les mois à venir, et dans le prolongement de cette majoration du taux de CICE, une réflexion devrait être menée sur l’opportunité de mettre en place une sur-majoration du taux de CICE pour les secteurs jugés prioritaires, au premier rang desquels le tourisme. Cette possibilité a en effet été évoquée par la ministre des Outre-mer à l’occasion du colloque de la FEDOM sur le tourisme dans les outre-mer à l’Assemblée nationale (3). Un taux de 12 % a été évoqué pour les six secteurs jugés prioritaires dans le cadre de la loi LODEOM : tourisme, agro-nutrition, environnement, énergies renouvelables, technologies de l’information et de la communication (TIC) et recherche et développement. Par ailleurs, la Délégation aux outre-mer proposait dans son rapport du 17 juin 2014 un taux majoré de 13 % pour l’ensemble des secteurs protégés de la loi LODEOM et un taux particulier de 19 % pour le tourisme.

Le développement du tourisme n’est pourtant pas une priorité de même niveau pour l’ensemble des départements d’outre-mer : s’il s’agit d’un enjeu majeur pour la Guadeloupe et la Martinique, il l’est dans une moindre mesure dans les autres départements d’outre-mer. Une mesure visant à établir une sur-majoration dans un domaine ciblé pourrait ainsi instituer un développement à plusieurs vitesses, source de déséquilibres entre les territoires.

Ces interrogations amènent le Rapporteur spécial à s’interroger sur l’efficacité d’une politique unique et commune à l’ensemble de l’outre-mer, notamment en matière fiscale. Si le ministère est désormais celui des outre-mer, ce pluriel n’a pas encore trouvé de véritable concrétisation dans l’application de politiques publiques différenciées prenant en compte l’hétérogénéité des développements économiques et des secteurs prioritaires – tout en préservant le principe fondamental d’égalité.

C. L’ARTICLE 44 DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 : LA MAJORATION DU CRÉDIT IMPÔT RECHERCHE (CIR) EN OUTRE-MER

Comme la majoration du taux de CICE, celle du crédit d’impôt recherche (CIR) s’inscrit dans l’ensemble des mesures destinées à favoriser le retour de la croissance et de l’emploi en outre-mer. Elle a été annoncée par le Président de la République lors de son voyage à La Réunion en août dernier.

L’article 44 du projet de loi de finances pour 2015 propose la majoration en outre-mer du taux du CIR qui est actuellement fixé à 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros – le taux étant de 5 % au-delà de cette tranche. À partir du 1er janvier 2015, le taux serait porté à 50 % dans les départements d’outre-mer. L’objectif est de dynamiser la R&D et de renforcer l’attractivité des projets de recherche susceptible de s’y implanter. La tranche supérieure à 100 millions d’euros au taux de 5 % n’est pas modifiée par l’article 44.

Le coût prévisionnel de la mesure s’élève à 4 millions d’euros par an en rythme de croisière.

La FEDOM soutient activement cette réforme, l’effort en R&D en outre-mer demeurant encore parmi les plus faibles de France. Les dépenses afférentes représentent en effet 0,65 % du PIB en 2010 (0,58 % à La Réunion) contre 2,2 % en métropole selon une étude de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) (4). La FEDOM est également favorable à l’alignement du taux du crédit impôt innovation (CII) (5) sur le taux du CIR afin de renforcer les mesures en faveur des PME.

Le Rapporteur spécial partage cet avis. En effet, le CII serait un levier utile pour le renforcement des PME qui doivent être une cible essentielle de nos mesures.

III. DEUX DISPOSITIFS FISCAUX PROPRES À L’OUTRE-MER À PERENISER : L’OCTROI DE MER ET LA TVA PERÇUE NON RÉCUPÉRABLE

A. L’OCTROI DE MER, RESSOURCE INDISPENSABLE POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ULTRAMARINES

1. Les mécanismes de l’octroi de mer peuvent être améliorés pour plus d’efficacité

L’octroi de mer est une imposition spécifique des départements d’outre-mer dont l’origine remonte au « droit de poids » institué en 1670. Cette taxe indirecte porte sur les produits importés de pays tiers, de l’Union européenne dont la France métropolitaine, comme sur les productions locales.

L’octroi de mer est la taxe indirecte la plus importante des départements et régions d’outre-mer – les autres taxes indirectes étant les droits sur les rhums, sur les carburants et sur les tabacs, ainsi qu’une taxe d’embarquement. Il vise à alimenter le budget des collectivités territoriales dans le cadre d’un dispositif spécifique d’approbation communautaire et s’accompagne d’un mécanisme de différentiel de taux qui vise à encourager le développement de la production locale. Un fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) a été créé dans chaque département et région afin de collecter le solde annuel du produit de l’octroi de mer après affectation de leur part aux communes. Le vote des taux et le choix des exonérations ou taux réduits en faveur de la production locale sont entièrement de la compétence des conseils régionaux, les décisions échappant aux communes malgré l’importance de la dotation qui leur revient. Le dispositif d’exonération est cependant encadré par la décision du Conseil européen du 10 février 2004 transcrit dans le droit national par la loi du 2 juillet 2004.

Les recettes de l’octroi de mer représentent une part substantielle des ressources dédiées aux collectivités territoriales ultramarines, et plus spécifiquement les communes et les conseils généraux. Pour les plus petites communes, la dotation issue de l’octroi de mer peut atteindre plus de 60 % des ressources de fonctionnement. En Guyane, le conseil général reçoit également une partie des recettes (13 % des recettes). La dotation est répartie entre les communes selon des critères qui prennent en compte la population dans des mesures très variables selon l’endroit : de 36 % à La Réunion à 100 % en Guyane.

Le rapport du sénateur M. Georges Patient, sénateur de Guyane, sur Les pistes de réforme des finances des collectivités locales des départements et des régions d’outre-mer (6), même si l’on ne partage pas l’ensemble de ses conclusions, relève les dysfonctionnements dont souffre cette taxe, et notamment sa sensibilité à la conjoncture déstabilisante pour les collectivités territoriales, l’impact des taux d’octroi de mer sur la formation des prix mettant en contradiction ressources des collectivités territoriales et lutte contre la vie chère, et enfin la prépondérance du critère démographique dans la répartition au détriment des petites communes rurales.

Le Rapporteur spécial suggère donc que le Gouvernement se saisisse de cette question, afin d’améliorer le mécanisme de l’octroi de mer en associant l’ensemble des collectivités territoriales concernées au vote des taux et en définissant des critères plus pertinents économiquement que la démographie.

2. La prolongation de l’octroi de mer jusqu’en 2020 : une fiscalité outre-mer suspendue aux décisions de l’Union Européenne qui doit devenir pérenne

Comme dit précédemment, l’octroi de mer est assujetti à un système d’approbation communautaire, car le volet relatif au différentiel de taux est assimilable à une aide d’État au sens de l’Union européenne, rendant nécessaire un processus régulier d’approbation pour que la taxe soit reconduite.

Jusqu’au 31 décembre 1992, l’octroi de mer frappait les marchandises de toute provenance qui étaient introduites dans les départements d’outre-mer, ce qui constituait au regard du droit européen une taxe d’effet équivalent à un droit de douane.

Par une décision du 22 décembre 1989, le Conseil des Communautés européennes a demandé au Gouvernement français de modifier sa législation, afin de taxer indistinctement les produits introduits et ceux obtenus dans les départements d’outre-mer. Mais il a autorisé la France à exonérer, totalement ou partiellement, les productions locales en fonction des besoins économiques, pendant une durée de dix ans. Ces principes ont été mis en œuvre à partir du 1er janvier 1993, avec un dispositif arrivant à échéance en 2003.

Par une décision du 10 février 2004, le Conseil européen a prorogé la décision de 1989 jusqu’au 31 juillet 2004 et a autorisé la France à maintenir un régime d’octroi de mer prévoyant des exonérations ou des réductions de taxe en faveur des productions locales jusqu’au 1er juillet 2014. Le champ d’application est par ailleurs réduit à une liste de produits définis et les taux doivent désormais respecter des différentiels maximums de taxation. Ces nouvelles obligations sont transcrites dans la loi du 2 juillet 2004, dont l’approbation arrive à échéance le 31 décembre 2014.

Un communiqué de la ministre des Outre-mer, daté du 12 août 2014, a annoncé le prolongement du régime actuel de l’octroi de mer jusqu’en 2020 sur approbation de la Commission européenne.

Le Rapporteur spécial est satisfait que cette ressource indispensable à l’économie des collectivités territoriales ultramarine et au développement de la production locale ne soit pas supprimée au 31 décembre. Celle-ci représente en effet 1,09 milliard au bénéfice des collectivités territoriales dans les prévisions 2015 et représente une aide importante pour les entreprises locales.

Cependant, il souligne le fait que ce système n’étant pas en conformité avec le principe de libre circulation des marchandises, il ne peut constituer une ressource durable au sein de l’Union Européenne suspendue à intervalle régulier à l’approbation incertaine de la Commission. Il appartient donc au Gouvernement de poursuivre le dialogue avec l’Union européenne, afin de réfléchir aux moyens de pérenniser cette ressource sans pénaliser les collectivités ultramarines.

B. LA TVA « NON PERÇUE RÉCUPÉRABLE » : UN DISPOSITIF MAJEUR POUR LA COMPÉTITIVITÉ

Cette procédure est née d’une décision ministérielle de 1953, et n’a été codifiée qu’en 2009 à l’article 295 A du code général des impôts. L’article 30 de la loi LODEOM donne, en effet, une base juridique à ce dispositif, qui ne reposait auparavant que sur la doctrine administrative, et limite son champ d’application aux seuls biens d’investissements. Elle était en effet ouverte avant cette date aux investissements mais également aux intrants. Depuis 2009 et la reconduction de la procédure pour les seuls investissements, le mécanisme est devenu exclusivement une aide à la formation brute du capital fixe. Le système est d’ailleurs reconnu comme tel par la Commission européenne, puisque le montant de l’aide qu’il procure doit être comptabilisé dans le cumul d’aide maximum autorisé pour chaque investissement.

Le mécanisme général de la procédure est le suivant : les livraisons ou les importations dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe ou de La Réunion de biens d’investissement neufs et exonérés de la TVA donnent néanmoins lieu à une déduction de cette taxe, lorsque le destinataire de la livraison ou l’importateur est assujetti à la TVA et qu’il dispose d’un établissement dans ces départements.

Le coût total de la dépense fiscale pour cette procédure est actuellement évalué à 100 millions d’euros.

Le rapport de la Délégation aux outre-mer sur la déclinaison outre-mer du Pacte de responsabilité préconise le maintien du régime de TVA non perçue récupérable, bien que cette dépense fiscale fasse aujourd’hui débat. Le Rapporteur spécial se félicite que le projet de loi de finances pour 2015 ne propose pas sa suppression. Cependant, l’incertitude concernant les intentions du Gouvernement sur la pérennité de ce dispositif n’est pas bénéfique aux entreprises ultramarines et doit être levée au plus vite afin de consolider ce mécanisme fiscal.

*

* *

CHAPITRE II : LES MESURES EN FAVEUR DES ENTREPRISES ET DE L’EMPLOI, OUTILS INDISPENSABLES FACE À UN CHÔMAGE STRUCTUREL

I. LE PROGRAMME 138 : UN SOUTIEN AUX ENTREPRISES EN LÉGÈRE DIMINUTION MALGRÉ LA DÉGRADATION DU MARCHÉ DE L’EMPLOI

A. LA SITUATION INQUIÉTANTE DE L’EMPLOI EN OUTRE-MER

Le taux de chômage mesuré annuellement par l’enquête emploi de l’INSEE faisait apparaître des résultats inquiétants avec un taux de 26,2 % en 2013, en augmentation de 3,5 points en un an. La situation est cependant variable selon la collectivité concernée : si en Guadeloupe le taux s’élève à 22,8 % (soit une hausse de 1,8 point en un an), et à 21,3 % en Martinique (en baisse d’un point), il atteint 29 % à La Réunion. À la même période, le taux de chômage en métropole est de 9,9 %. Ce constat est donc particulièrement alarmant, au vue de l’importance du taux de chômage et de son évolution à la hausse.

Plus inquiétant, le chômage des jeunes affiche des taux encore plus élevés : 59,7 % en Guadeloupe, 68,2 % en Martinique, 44,8 % en Guyane, 58,6 % à La Réunion ou encore 37,4 % à Mayotte contre 24,6 % en métropole en 2013. Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est donc près de 2,5 fois plus élevé outre-mer que dans l’hexagone.

Si la forte augmentation de l’emploi a permis de réduire le chômage jusqu’en 2008, la crise économique a stoppé net cette évolution. Le chômage augmentant depuis 2009, sans période de baisse significative et à des niveaux très élevés, il possède désormais une composante structurelle qui justifie une intervention étatique importante en volume et efficace.

B. PRÉSENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 EMPLOI OUTRE-MER

Le tableau suivant présente les crédits proposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, ainsi que leur évolution par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 138

(en millions d’euros)

Actions

LFI 2014

PAP 2015

Écart 2014/2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1 : soutien aux entreprises

1 154,7

1 147,2

1 136,3

1 136,8

– 1,6 %

– 0,9 %

2 : aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

244,7

235,9

253,9

240,1

3,8 %

1,8 %

3 : Pilotage des politiques outre-mer

2,9

2,9

2,75

2,75

– 5,2 %

– 5,2 %

Total

1 402,3

1 386

1 392,9

1 379,6

– 0,7 %

– 0,5 %

Source : projet annuel de performances 2015.

L’action 1 du programme Soutien aux entreprises est l’une des politiques principales de la mission visant à réduire les handicaps structurels des territoires ultramarins en améliorant la compétitivité des entreprises et en encourageant la création d’emploi de manière durable. Il est donc surprenant que les crédits de cette action soient en baisse, même de manière mesurée.

L’autre baisse significative est celle de l’action 3 Pilotage des politiques outre-mer, qui a été créée en 2013 par transfert au ministère des Outre-mer d’une partie des crédits du ministère de l’Intérieur. Ces crédits de fonctionnement et d’intervention concernent les services du cabinet de la ministre, ceux de la Direction générale des outre-mer et de ceux de la Délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer. La baisse correspond donc à l’effort de maîtrise des dépenses publiques à hauteur de 5 % demandé à l’ensemble des ministères.

1. Les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale : la principale mesure budgétaire de la mission en faveur de l’emploi

a. Une dotation budgétaire en baisse mais un effort financier global en hausse

La dotation budgétaire destinée à assurer le financement de la compensation des exonérations de cotisations patronales outre-mer s’élève à 1 129,8 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, quasi stable par rapport aux 1 131,2 millions d’euros inscrits en 2014.

Le calcul des prévisions prend en compte la baisse de 1,8 point des cotisations employeurs famille prévu dans le Pacte de responsabilité et conduisant à une prévision en baisse du montant des exonérations prise en charge dans le cadre du budget de l’État.

Ainsi, l’effort financier en faveur des exonérations de cotisations est en augmentation puisque s’ajoute aux 1 129,8 millions d’euros du programme le transfert de 47,8 millions d’euros vers les comptes sociaux, soit un total de 1 177,6 millions d’euros en hausse de 4,1 % par rapport à 2014.

b. Présentation du dispositif et de la réforme de 2013

Le dispositif des exonérations, tel que modifié par la loi LODEOM figure parmi les mesures qui contribuent le plus directement au soutien de l’emploi. L’aide a pour objectif de soutenir le développement économique régional en accordant une exonération dégressive du montant des cotisations à la charge de l’employeur au titre des cotisations patronales de sécurité sociale.

Hormis la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui reste soumise au dispositif ancien, les nouvelles mesures introduites à l’article 752-3-2 du code de la sécurité sociale, consistaient à rendre plus efficiente l’intervention publique en la concentrant sur les bas et moyens salaires sur lesquels l’impact des exonérations est le plus fort et sur les entreprises de moins de 11 salariés quel que soit le secteur d’activité. Par ailleurs, des secteurs (7) présentant de forts potentiels et des zones géographiques prioritaires sont plus particulièrement ciblés.

En 2014, l’article 130 de la loi de finances a apporté de nouvelles modifications à ce dispositif afin de le recentrer davantage sur les bas et moyens salaires, sur lesquels les exonérations ont un impact plus fort. Il s’agit conjointement de rationaliser les dépenses de l’État liées à ces exonérations compte tenu de leur forte augmentation due à la progression des rémunérations et à la forte croissance du nombre d’emplois salariés.

Ces nouvelles dispositions sont les suivantes :

– pour les entreprises de moins de 11 salariés, la disposition qui leur permettait de maintenir l’exonération des cotisations salariales de sécurité sociale calculée pour un salaire de 1,4 SMIC, jusqu’au seuil de 2,2 SMIC est modifiée. Ce seuil est désormais fixé à 1,8 SMIC, l’exonération de cotisations restant totale pour les plus bas salaires (rémunérations inférieures ou égales à 1,4 SMIC), ce seuil restant donc inchangé ;

– pour ces mêmes entreprises le point de sortie du dispositif est fixé à 2,8 SMIC contre 3,8 précédemment ;

– pour les entreprises de plus de 11 salariés qui bénéficient d’une exonération au titre de leur secteur d’activité, l’exonération totale de cotisations dont ils bénéficient reste maintenue à 1,4 SMIC, le point de sortie du dispositif est désormais de 2,6 SMIC contre 3,8 SMIC précédemment ;

– pour les entreprises des secteurs et des zones prioritaires, les différents seuils sont également modifiés : l’exonération totale reste maintenue jusqu’à 1,6 SMIC. De 1,6 SMIC à 2 SMIC (contre 2,5 SMIC précédemment), le montant des exonérations est égal à celui calculé pour une rémunération horaire égale à 1,6 SMIC. Enfin, le point de sortie du dispositif est désormais à 3 SMIC (contre 4,5 SMIC précédemment).

L’assiette de cotisations de sécurité sociale reste identique ainsi que le périmètre des entreprises ultramarines bénéficiaires. Les secteurs d’activités éligibles ainsi que les zones prioritaires ne sont pas modifiés et l’équilibre général du dispositif est maintenu. Le CICE majoré doit permettre de renforcer cette politique en faveur de l’emploi et de la compétitivité.

Le Rapporteur spécial estime que ce recentrage sur les bas salaires de l’exonération des cotisations employeurs en outre-mer peut être dangereux. En effet, cette mesure peut constituer une véritable trappe à bas salaires alors que les économies ultramarines ont un besoin vital de se spécialiser sur le moyen et haut de gamme et que le phénomène de la « vie chère » est loin d’être résolu.

L’effet combiné de cette réforme avec le CICE doit être évalué à l’échelle d’une année complète de mise en œuvre, afin d’appréhender les impacts de cette réforme sur l’emploi ultramarin et ses éventuels effets pervers sur la structure de l’emploi et sur le développement économique.

c. Des résultats encourageants sur l’emploi

Au titre de 2013, il a été noté une légère hausse de 0,1 point de l’emploi salarié dans les entreprises ultramarines, qui bénéficient de ces exonérations par rapport au taux global de croissance de l’emploi dans les DOM. En 2012, cet écart était de 0,2 point et le projet annuel de performance affiche une cible prévisionnelle de 3 points à partir de 2014.

La comparaison des taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises exonérées avec les entreprises métropolitaines comparables est favorable à l’outre-mer de 1,4 point en 2013, avec une prévision de 3 points en 2014 et 2015. Néanmoins, cette progression est inférieure à celle de 2012 (1,7 point) et 2011 (2,5 points) mais supérieure aux réalisations de 2010 (1,1 point). Tandis que l’emploi dans les secteurs aidés augmente outre-mer, la métropole enregistre, sur les secteurs équivalents, une diminution de 0,8 %. L’évolution est donc plus favorable en outre-mer qui connaît une augmentation de l’emploi dans les secteurs ciblés de 0,3 %, ainsi qu’une augmentation plus importante de l’emploi dans les petites entreprises de 1,2 % en outre-mer, contre une baisse de 0,6 % en métropole.

Ainsi, au regard de la situation en métropole, les mesures d’exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale participent au soutien de l’emploi salarié dans les DOM, en particulier dans les très petites entreprises et les secteurs aidés. Ce constat encourageant amène le Rapporteur spécial à réitérer sa demande au Gouvernement de ne pas fragiliser cette politique amenée à monter en puissance et à demeurer un outil efficace en faveur de la croissance.

d. La dette de l’État envers l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) n’est pas encore soldée

La dette de l’État envers les organismes de sécurité sociale s’élevait à 500 millions d’euros en 2008-2009. Elle s’élève à 70 millions d’euros en 2013 selon les chiffres fournis par la DGOM lors de l’audition par le Rapporteur spécial. Le montant de cette dette demeure cependant difficile à évaluer et a fait l’objet de désaccords sur son montant entre les services de l’État et ceux de la sécurité sociale.

Les représentants de la Direction générale de l’outre-mer insistent sur le fait qu’un effort de coordination a été mené entre la DGOM, la Direction de la Sécurité sociale (DSS) et la Direction du budget dans le cadre d’une mission interministérielle, afin d’améliorer l’évaluation des exonérations. Cette démarche répondait aux recommandations de la Cour des comptes sur ce sujet. Les évaluations de l’ACOSS demeurent cependant très fluctuantes et ne permettent pas une fiabilisation des prévisions budgétaires.

Le Rapporteur spécial appelle à une régularisation rapide de cette situation, qui serait favorisée par la mise en place d’une instance de concertation des différents acteurs de l’administration centrale et de la sécurité sociale.

2. La suppression de l’aide hôtelière : les crédits n’ont pas été redéployés et aucune nouvelle aide en faveur de l’hôtellerie n’a été créée

L’aide à la rénovation des hôtels permet la réalisation de travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtels de moins de cent chambres construits depuis plus de quinze ans. Elle s’applique dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Martin. L’aide a été instaurée par l’article 26 de la loi LODEOM.

Depuis la mise en place du dispositif, en 2011, 38 établissements ont bénéficié de cette mesure d’aide et 1 506 chambres sont en cours de rénovation ou ont été rénovées. Moins d’un quart des hôtels concernés par les aides ont changé de catégorie.

Depuis 2013, 3 millions d’euros sont prévus en loi de finances initiale, dont seulement 1,5 million d’euros ont été consommés selon le bilan effectué par la DGOM. Face au manque d’attractivité de ce dispositif, lié entre autres à un dispositif et des démarches trop complexes et qui reste peu attractif en comparaison des mécanismes de défiscalisation, il est proposé dans le projet de loi de finances pour 2015 de supprimer l’aide hôtelière.

Le Rapporteur spécial se rend au constat du manque d’attractivité de cette aide, de surcroît au regard des avantages induits par ailleurs par la défiscalisation. Cependant, le souhait du Rapporteur spécial est de ne pas procéder à la suppression brutale de cette aide en faveur d’un secteur prioritaire comme le tourisme, mais de la maintenir afin de permettre dans un second temps la réforme de son dispositif.

Il reviendra plus en détail sur ce point lors de l’analyse de l’article 57 du présent projet de loi de finances à la fin de ce rapport, et notamment sur les conséquences préjudiciables que pourrait entraîner cette mesure dans la collectivité de Saint-Martin, confrontée à la concurrence très rude sur le plan touristique avec la néerlandaise de l’île et avec les îles voisines.

3. L’aide au fret demeure, sans être réformée

Les crédits destinés à l’aide au fret s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2015 à 6,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 7 millions d’euros en crédits de paiement, contre 6 en loi de finances pour 2014. Ainsi, les 3 millions d’euros consacrés à l’aide hôtelière n’ont été que très partiellement redéployés au sein de l’action Soutien à l’emploi. Pour rappel, le montant de l’aide au fret s’élevait à 9,9 millions d’euros en 2012, avant d’être diminuée à hauteur de 4,5 millions en 2013.

Dans son rapport spécial de l’année dernière, le Rapporteur spécial s’interrogeait sur la pertinence même de cette aide : en effet, dès lors qu’elle est limitée aux échanges entre l’outre-mer et l’Union européenne, l’aide au fret ne favorise pas l’intégration des collectivités ultramarines dans leur environnement économique régional.

Il recommandait donc d’élargir l’aide au fret à l’ensemble des importations et exportations, proposition reprise par la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale dans son rapport sur la déclinaison outre-mer du Pacte de responsabilité de juin 2014.

La suppression de l’aide hôtelière aurait pu constituer une occasion pour le Gouvernement de revoir également ce dispositif et de renforcer son financement afin de l’élargir.

C. LA RÉGULARISATION DE LA TENUE DES REGISTRES DE COMMERCE EN OUTRE-MER EST UNE URGENCE

Lors de l’audition du Directeur général de l’Association des chambres de commerce et d’industrie d’outre-mer (ACCIOM), la problématique de la tenue des registres du commerce et des sociétés (RCS) a alerté fortement le Rapporteur spécial.

En effet, de graves dysfonctionnements pèsent actuellement sur l’activité des entreprises ultramarines, et notamment des très petites, petites et moyennes entités. Les créateurs de TPE et de PME mettent en effet souvent six mois, voire neuf mois pour obtenir l’immatriculation de leur entreprise. Quant aux entreprises existantes, elles se voient délivrer des extraits de K-bis qui ne sont souvent plus mis à jour depuis des années, un changement de statut pouvant quant à lui prendre plusieurs années. Cela pénalise gravement les entreprises concernées par ces dysfonctionnements pour répondre aux appels d’offres ou pour obtenir des crédits bancaires.

Dans ce contexte, la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer permet au ministre de la Justice de déléguer, dans les départements d’outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, la gestion matérielle du RCS à la chambre de commerce et d’industrie, lorsque son fonctionnement normal est compromis. Depuis, aucune mesure n’a été prise de manière à rendre effective cette délégation permettant une régularisation rapide de la situation.

Les élections professionnelles des chambres de commerce et d’industrie se déroulant à la fin de l’année 2015, la non immatriculation de certaines entreprises à cette date pourra être un motif d’annulation des élections. Le Rapporteur spécial soutient donc la démarche de l’ACCIOM visant à alerter le Gouvernement sur l’urgence de cette situation et l’importance pour les entreprises ultramarines d’y remédier au plus vite.

II. DES ACTEURS INVESTIS ET EFFICACES DANS LE DOMAINE DE LA FORMATION : UN ATOUT DE POIDS POUR L’EMPLOI DES JEUNES MALGRÉ DES CRÉDITS EN BAISSE

Le manque de qualification des jeunes en outre-mer est un phénomène à considérer en miroir avec les chiffres du chômage dans les territoires ultramarins.

L’outre-mer affiche en effet un niveau de qualification de sa population plus faible que l’hexagone, puisqu’alors qu’un peu moins de 17,5 % de la population de plus de 15 ans de métropole ne possède aucun diplôme en 2011, contre 36,7 % des Guadeloupéens, 35,2 % des Martiniquais, 50,6 % des Gguyanais, 45,6 % des Réunionnais, ou encore 20 % des Saint Pierrais et Miquelonnais. De même, alors qu’en métropole 25,7 % de la population de plus de 15 ans possède un diplôme de l’enseignement supérieur en 2011, c’était le cas de 15,7 % des Réunionnais, 17,1 % des Guadeloupéens, 18,5 % des Martiniquais, 15 % des Guyanais, et 17,1 % des Saint pierrais et Miquelonnais (8).

Ces chiffres démontrent l’importance d’une politique publique en faveur de la formation professionnelle en outre-mer, qui se traduit dans le programme 138 par deux actions principales : l’organisme du service militaire adapté (SMA) et le financement de la formation professionnelle en mobilité.

A. LE SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ (SMA) CONFIRME SON RÔLE D’ACTEUR MAJEUR DE LA FORMATION OUTRE-MER

Le SMA a revêtu une importance particulière à partir de février 2009, alors que les DOM étaient secoués par une violente crise sociale. En tant que dispositif s’adressant aux jeunes ultramarins de 18 à 26 ans en difficulté scolaire ou professionnelle, il devient un élément de la formation professionnelle tout au long de la vie amené à monter en puissance. En 2009, le Gouvernement avait fixé un objectif « SMA 6 000 » dans un premier temps à l’horizon 2013, reculé ensuite à 2016, impliquant un doublement des effectifs par rapport au nombre de volontaires recensé en 2010.

En 2015, 32,7 millions d’euros seront consacrés au fonctionnement du SMA, permettant de financer la formation de 5 730 bénéficiaires.

De plus, le budget opérationnel de programme (BOP) SMA sera abondé en cours de gestion de fonds de concours et d’attributions de produits. Les rattachements sont évalués à 13 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il s’agit essentiellement de Fonds social européen (FSE). Ces rattachements s’élevaient l’année dernière à 10,8 millions d’euros, soit 2,2 millions d’euros supplémentaires prévus en 2015. Le montant total des crédits de fonctionnement prévus pour 2015 est donc en réalité supérieur de 1 million d’euros par rapport à 2014.

L’effort d’investissement sera également maintenu en 2015, avec un abondement prévu à hauteur de 28 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25,2 millions d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajouteront 2 millions d’euros au titre du Fonds européen pour le développement régional (FEDER).

L’objectif 2 du programme 138 tend à évaluer l’efficacité de l’insertion professionnelle des dispositifs mis en œuvre dans le cadre de la mission Outre-mer, dont le SMA. Les prévisions pour 2014 présentaient un taux d’insertion de 75 % et un taux de sortie anticipée (9) inférieur ou égal à 11 %, l’actualisation des prévisions portant ces taux à respectivement 76 % et 11,5 %, soit des résultats conformes et même supérieures à la cible. Le SMA consolide donc ses résultats tant en insertion qu’en sorties positives.

B. LADOM : UN ACTEUR CLEF VALORISÉ PAR SA NOUVELLE DIRECTION MAIS UNE BAISSE INQUIÉTANTE DES CREDITS DEDIES À LA CONTINUITE TERRITORIALE

1. Présentation des dispositifs gérés par LADOM

Dans le projet de loi de finances pour 2015, dans un souci de rationalisation et d’amélioration du pilotage du dispositif, l’ensemble des crédits dédiés à la formation en mobilité des ultramarins est regroupé au sein du seul programme 138 par transfert de crédits en provenance de la mission Travail et emploi. Ainsi, outre les montants alloués au passeport mobilité formation professionnelle (PMFP), les crédits relatifs aux marchés de formation professionnelle pour les publics ultramarins (marchés attribués à l’Afpa (10) pour les volets « frais pédagogiques, restauration et hébergement »), antérieurement positionnés sur le programme 102 Accès et retour à l’emploi de la mission Travail et Emploi sont inscrits en 2015 au budget de la mission Outre-mer.

Opérateur de l’État rattaché au ministère des Outre-mer, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) reçoit une subvention pour charges de service public financée sur le programme 138. L’agence a pour mission de mettre en œuvre pour le compte de l’État les dispositifs d’aide à la mobilité suivants :

– le passeport mobilité formation professionnelle (PMFP hors aide au transport) réparti en deux aides : l’allocation complémentaire de mobilité (ACM), en remplacement du projet initiative jeune (PIJ, dispositif éteint en novembre 2010), et l’action mobilité formation emploi (MFE), en remplacement de la formation individualisée mobilité (FIM, dispositif éteint en novembre 2010) ;

– le passeport mobilité formation professionnelle (PMFP volet transport) dans les DOM, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ;

– le passeport mobilité études (PME) depuis le 1er juin 2010 dans les DOM, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ;

– l’aide à la continuité territoriale (ACT) depuis le 19 novembre 2010 dans les DOM, à Saint-Barthélemy et à Saint- Martin.

LADOM voit ses crédits d’intervention répartis sur deux programmes de la mission, ce qui complexifie l’appréhension globale de la dotation :

– l’action 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle du programme 138 regroupe les crédits dévolus au PMFP (11) et désormais aux marchés de formation professionnelle de l’Afpa.

– l’action 3 Continuité territoriale du programme 123, qui comprend les crédits dédiés au Fonds de continuité territoriale. Cette seconde action finance les deux autres dispositifs gérés par LADOM : le passeport mobilité étude (PME) et l’aide à la continuité territoriale (ACT) destinée à financer les titres de transport.

Enfin, la prise en charge du transport dans le cadre du PMFP continue de relever du programme 138 contrairement au reste du dispositif qui est inséré dans le programme 123.

2. Une augmentation en trompe l’œil du budget de LADOM

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, le total des subventions versées à LADOM par le ministère des Outre-mer s’élève à 70,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 59,8 millions d’euros en crédits de paiement répartis comme suit :

– une subvention pour charges de service public versée à partir du programme 138 Emploi outre-mer : 7,93 millions d’euros en diminution par rapport à la loi de finance initiale pour 2014 (8,1 millions d’euros) ;

– une subvention versée à partir du programme 138 pour assurer le financement des aides versées au titre du passeport mobilité formation professionnelle et au titre des marchés transférés : 35,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 24,3 millions d’euros en crédit de paiement ;

– une subvention à partir du programme 123 Conditions de vie outre-mer à l’action Continuité territoriale : 27,5 millions d’euros contre 39 en 2014. Le programme dans sa globalité voit ses crédits amputés de 20 % entre la loi de finances initiale 2014 et le projet de loi de finances pour 2015 comme nous le verrons dans l’analyse du programme 123 qui suit.

Le tableau suivant récapitule l’évolution du financement de l’État au bénéfice de LADOM depuis 2013 :

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS VERSÉES À LADOM

(en millions d’euros)

 

Réalisation 2013

LFI 2014

PLF 2015

Évolution 2014/2015

Programme intéressé/ nature de la dépense

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

138– Emploi outre-mer

22,8

20,4

28,4

28,4

43,3

32,3

52 %

14 %

Subvention pour charges de service public

8,3

8,3

8,1

8,1

7,9

7,9

– 2%

– 2%

Transferts

14,5

12,1

20,3

20,3

35,3

24.3

74 %

20 %

123– Conditions de vie outre-mer (transferts)

41,7

41,7

39

39

27,5

27,5

– 29%

– 29%

TOTAL

64,5

62,1

67,4

67,4

70,8

59,8

5 %

– 11%

Source : projet annuel de performances 2015.

La hausse apparente des autorisations d’engagement entre 2014 et 2015 ne résulte en réalité que de l’augmentation des crédits au titre du programme 138 correspondant aux 15 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4 millions d’euros en crédits de paiement du marché Afpa transféré depuis le programme 102 de la mission Travail et emploi.

Ainsi, à périmètre constant, la baisse des crédits de LADOM est substantielle aussi bien en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

ÉVOLUTION 2014/2015 À PÉRIMÈTRE CONSTANT

Programme intéressé/ nature de la dépense

AE

CP

138- Emploi outre-mer

– 1 %

– 1 %

Subvention pour charges de service public

– 2 %

– 2 %

Transferts

0 %

0 %

123- Conditions de vie outre-mer (transferts)

– 29 %

– 29 %

TOTAL

– 17 %

– 17 %

Source : projet annuel de performances 2015.

3. La reprise en main de la gestion et la démarche de modernisation

La direction de LADOM est actuellement dans un processus de rationalisation des aides et de transparence dans la gestion. Suite à la découverte d’un détournement de fonds en juin par le directeur financier, la suspension de l’acceptation des bons LADOM à La Réunion par les agences de voyages en juillet à cause de dettes impayées a confirmé la nécessaire reprise en main de l’agence. Ces dysfonctionnements sont désormais résolus ou en passe de l’être.

Le Rapporteur spécial a pu constater avec satisfaction lors de l’audition du directeur général de LADOM que le tournant de l’efficacité en gestion et de la modernisation de l’agence était en cours.

Le directeur général de l’agence lance ainsi un grand chantier d’informatisation des processus pour les bons de continuité territoriale qui posait de nombreux problèmes de gestion aux agences de voyages.

Le Rapporteur spécial salue l’effort de réduction des coûts mené par la direction de LADOM, notamment en termes de maîtrise de la masse salariale et des dépenses de fonctionnement. Il salue également la politique active de partenariat menée par LADOM : avec les acteurs économiques dans l’hexagone et Outre-mer, avec le SMA, mais également par le développement de conventions avec les régions métropolitaines afin de faire bénéficier les jeunes ultramarins d’une offre étendue de programmes de formation. Quatorze conventions sont d’ores et déjà à l’œuvre, la dernière concernant la région Rhône-Alpes et devant être finalisée en novembre 2014.

La performance de LADOM est cependant rendue difficile par la conjoncture économique actuelle. La cible de l’insertion professionnelle a été revue à la baisse en 2014 à 53 % au vu des difficultés du marché du travail, et est fixée à 58 % pour 2017, avec un objectif intermédiaire à 55 % pour 2015. LADOM doit poursuivre ses démarches d’amélioration, avec notamment une mise en relation entre les projets d’insertion et l’offre de qualification améliorée et un renforcement de l’accompagnement vers l’emploi dès le début de la formation.

C. LES CENTRES DE FORMATION DES APPRENTIS (CFA) : UNE RÉFORME DE FINANCEMENT DANGEREUSE POUR LES CENTRES ULTRAMAIRINS

Bien que hors du périmètre de la mission, le Rapporteur spécial tient à faire savoir son inquiétude quant à l’avenir des centres de formation d’apprentis (CFA) ultramarins suite à la réforme des bénéficiaires de la taxe d’apprentissage (12). Cette réforme n’a pas tenu compte du statut spécifique des DOM et fragilise l’équilibre du financement des formations en apprentissage, en mettant fin à la répartition spécifique en outre-mer en revalorisant la part reversée aux régions.

Le Rapporteur spécial appelle le Gouvernement à la vigilance sur cette problématique soulevée par l’Association des chambres de commerces et d’industrie d’outre-mer (ACCIOM). La formation constitue en effet une politique majeure en faveur de l’emploi qu’il s’agit de préserver et d’encourager.

*

* *

CHAPITRE III : LE PROGRAMME 123 CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL, UN BILAN EN DEMI-TEINTE

I. PRÉSENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME

Le programme 123 Conditions de vie en outre-mer voit ses crédits augmenter de 2 % en crédits de paiement et baisser de 5,5 % en autorisations d’engagement. Le tableau suivant récapitule le montant et l’évolution des crédits proposés par action dans le projet de loi de finances pour 2015 :

Actions

LFI 2014

PAP 2015

Écart 2014/2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1 : logement

272,8

243,5

247,7

243,7

-9,2 %

0,1 %

2 : aménagement du territoire

145,4

164,1

145,8

173,9

0,3 %

6,0 %

3 : continuité territoriale

51,4

51,4

41,1

41,1

– 20,0 %

– 20,0 %

4 : Sanitaire, social, culture jeunesse et sport

6,8

6,8

6,6

6,6

– 2,9 %

– 2,9 %

6 : collectivités territoriales

186,1

171,3

191,5

182,4

2,9 %

6,5 %

7 : insertion économique et coopération régionales

1,9

1,9

1

1

– 47,4 %

– 47,4 %

8 : Fonds exceptionnel d’investissement

50

25,5

40

26,2

– 20,0 %

2,7 %

9 : Appui à l’accès au financement bancaire

28,3

6,9

28,3

9,7

0,0 %

40,6 %

Total

742,7

671,4

702

684,6

– 5,5 %

2,0 %


Source : projet annuel de performances 2015.

Les crédits du programme sont donc en relative stabilité avec cependant une baisse inquiétante de crédits sur l’action 3 Continuité territoriale, bien peu compensée en volume par la hausse de 40 % des crédits de paiement de l’action 9 (2,8 millions d’euros).

Ce programme comprend des actions importantes en faveur de l’amélioration des conditions de vie en outre-mer. Ce volet revêt une importance particulière car le niveau de vie de la population y est plus faible, avec un PIB moyen par habitant estimé à 19 439 euros en 2012 pour les quatre DOM initiaux, alors qu’il atteint 31 420 euros en 2012. Par ailleurs, au 1er janvier 2014, le nombre de bénéficiaires des minima sociaux représentait 12 % de la population des quatre DOM initiaux contre 3 % en métropole. En 2011, le revenu disponible brut par habitant était 1,4 fois plus important en métropole que dans la moyenne des quatre DOM initiaux.

II. LES AIDES AU LOGEMENT EN AUGMENTATION (ACTION 1)

A. LA SITUATION DU LOGEMENT DANS LES TERRITOIRES ULTRAMARINS

La situation du logement social dans les DOM se caractérise par des besoins en logements sociaux très importants du fait d’une part d’une croissance démographique très supérieure pour certains d’entre eux à celle des départements métropolitains, et d’autre part d’une très forte proportion des ménages à bas salaire, le PIB par habitant correspondant à la moitié de celui de la métropole.

La situation des DOM en matière d’insalubrité et d’habitat indigne présente également une gravité et une acuité particulières. La proportion de logements classés comme insalubres par l’État est d’environ 68 000 et concernent plus de 150 000 personnes. Les cinq DOM connaissent des situations différentes selon leur géographie ou leur environnement, mais ont en commun une urbanisation rapide et mal maîtrisée.

Le tableau ci-dessous fournit une estimation de la demande de logements sociaux et des besoins en accession sociale et sur le marché libre et intermédiaire ainsi que du nombre de logements insalubres, par département :

DOM

Nombre de demandeurs de logements sociaux

Besoins par an en logements dont sociaux et en accession

Besoins sur le secteur libre et intermédiaire

Nombre de logements insalubres

Guadeloupe

10 181

3 120 à 4 100 logements par an dont 1 900 à 2 240 logements aidés

2 200

15 000

Martinique

11 592

2 300 à 3 000 logements par an dont 1 200 logements sociaux

2 700 à 3 300

6 à 8 000

Guyane

8 178

4 500 à 5 150 par an dont 1 465 logements sociaux et 870 en accession

2 244

12 000

La Réunion

29 839

9 000 logements dont 4 000 logements sociaux et 1 000 en accession

4 000

16 235

Mayotte

2 120

2 300 logements dont 500 logements sociaux et 300 en accession

1 800

20 000

Total DOM

61 910

de 21 000 à 24 000 logements neufs dont près de 11 600 logements sociaux et en accession

de 12 300 à environ 13 600

de 68 000 à 71 240

Source : réponse au questionnaire budgétaire, ministère des Outre-mer.

B. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT EN OUTRE-MER ENTRE CRÉDITS BUDGÉTAIRES ET DÉFISCALISATION

La ligne budgétaire unique (LBU) représente à elle seule 35,3 % des crédits du programme. Les priorités pour 2015 porteront notamment sur le renforcement de l’effort en termes de construction neuve et de réhabilitation du logement social locatif ainsi que de la résorption de l’habitat insalubre. Le montant des crédits proposés s’élève à 247,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 243,7 millions en crédits de paiement, soit une quasi stabilisation des crédits de paiement malgré une baisse de 9,2 % en autorisations d’engagement.

Les crédits d’intervention se divisent comme suit :

– 56,3 millions d’euros de crédits de paiement en faveur des ménages : dont 23 en faveur de l’accession à la propriété et 32,8 destinés à l’amélioration de l’habitat privé ;

– 132,4 millions d’euros en crédits de paiement en faveur des entreprises, dont 126,4 destinés au logement locatif social et 6 à l’amélioration du parc locatif social ;

La construction de logements locatifs sociaux constitue l’axe majeur de la politique du logement du ministère des Outre-mer. Elle recouvre le logement locatif social (LLS) et très social (LLTS), ainsi que des logements spécifiques comme les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), les logements étudiants et l’hébergement d’urgence.

Cette politique est financée également par les dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement (article 199 undecies C et article 217 undecies) qui sont maintenus en 2015 comme décrit dans la première partie du rapport spécial. Le crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater X s’ajoutera aux dispositifs existants dès son approbation par la Commission européenne.

Un objectif de 7 950 logements locatifs, dont 260 logements spécifiques, est fixé pour 2015, tous financements confondus, dans les DOM et à Mayotte. Le nombre de logements sociaux financés par la défiscalisation dans les DOM en 2013 s’élève à 6 603, dont 4 914 (75 %) au titre du dispositif de défiscalisation prévue à l’article 199 undecies C.

Une harmonisation de l’aide à la rénovation des logements privés sur le régime de droit commun.

– Enfin, 54 millions d’euros de crédits de paiement sont destinés aux Fonds régionaux d’aménagement foncier urbain (FRAFU) et à la résorption de l’habitat insalubre dans les DOM et à Saint Pierre et Miquelon.

Le dispositif des FRAFU a été modifié par le décret du 23 juin 2009, permettant notamment à l’État de financer des opérations d’aménagement destinées à l’accroissement du logement social. Il représente 25 millions d’euros de crédits. Parallèlement, la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer a permis de faciliter le déroulement des opérations d’aménagement dans les quartiers d’habitat informel. Elle a également donné de la souplesse à l’action publique dans des situations d’insalubrité et de péril en permettant aux préfets d’avoir une intervention ciblée dans les périmètres définis (réhabilitation ou démolition) en fonction de l’état du bâti.

Le rapporteur spécial constate que le logement intermédiaire ne fait désormais plus l’objet d’une politique ciblée, ni dans le cadre de la programmation budgétaire ni dans celui des dispositifs fiscaux. Il le regrette et alerte sur le fait que le manque de logements intermédiaires peut également devenir préjudiciable pour le logement social, contraint d’absorber une part de la demande non satisfaite de logements intermédiaires et augmentant de ce fait le nombre de foyers éligibles aux logements sociaux. Il est donc nécessaire de revoir ces dispositifs pour agir en faveur du logement intermédiaire.

Le dispositif de défiscalisation « Duflot » en faveur du logement intermédiaire mis en place au 1er janvier 2013 propose cependant un taux différencié attractif entre la métropole et l’outre-mer, dont l’effet sur l’offre de logement intermédiaire ultramarin devra être évalué au cours de l’année 2015. Le Rapporteur spécial est par ailleurs satisfait que le Premier ministre se soit saisi de cette question en annonçant le 29 août 2014 un ensemble de mesures destinées à relancer la construction de logements comprenant notamment des mesures visant à favoriser l’émergence d’une nouvelle offre de logements intermédiaires en zones tendues menant à l’amélioration de l’attractivité du dispositif « Duflot » devenu le dispositif « Pinel ».

Le « dispositif Duflot-Pinel » dans les DOM et les COM

La loi de finances pour 2013 a créé un nouveau dispositif de soutien à l’investissement locatif intermédiaire dit « Duflot », codifié à l’article 199 novovicies du code général des impôts pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016.

Ce dispositif s’applique de manière spécifique dans les outre-mer où le taux de réduction d’impôt est fixé à 29 %, contre 18 % en métropole, avec la possibilité d’adaptation pour les plafonds de loyer et de ressources ainsi que les conditions de performance énergétique. Cette différenciation du taux de réduction d’impôt existait entre le « Scellier » intermédiaire en outre-mer et métropole, à 11 % comme repris dans le « dispositif Duflot ».

Le niveau de cette réduction d’impôt, associé aux modalités de son obtention (loyer plafond, prix de revient au mètre carré, conditions de ressources des locataires) permet d’ouvrir l’investissement à une nouvelle catégorie de contribuables qui n’est pas éligible au dispositif de la loi LODEOM au regard de son revenu imposable, mais qui peut disposer d’une réelle incitation avec le taux.

À l’occasion de la consultation des départements et collectivités d’outre-mer sur le projet de décret initial pour l’adaptation du dispositif outre-mer, la Nouvelle-Calédonie a estimé que les plafonds de loyer et de ressources étaient trop bas et que le niveau de performance énergétique était peu exigeant. Afin de répondre à ces remarques sans retarder l’application du nouveau dispositif à l’outre-mer, le projet de décret initial a été dissocié en deux décrets distincts : l’un relatif aux départements d’outre-mer, l’autre concernant les collectivités d’outre-mer.

Les décrets du 5 juin 2013 et du 14 août 2013 ont précisé les plafonds de ressources, les plafonds de loyer, les conditions de performance énergétique applicables dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer.

La récente proposition du Gouvernement insérée dans le projet de loi de finances pour 2015 vise à assouplir les conditions du « dispositif Duflot » afin d’accroître l’attractivité du dispositif pour les investisseurs. Il est ainsi proposé un taux de réduction d’impôt variable en fonction de la durée d’investissement fixé à 12 % pour un engagement de six ans, 18 % pour un engagement de neuf ans et 21 % pour un engagement de douze ans. En outre-mer, ces taux sont majorés de 11 points par rapport à ceux qui s’appliqueront en métropole. Ils sont donc fixés à 23 % pour un engagement de six ans, 29 % pour un engagement de neuf ans et 32 % pour un engagement de douze ans. La location serait également possible à un ascendant ou un descendant.

III. L’ACTION 2 AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : DES CRÉDITS STABLES POUR UNE POLITIQUE CONTRACTUELLE RENOUVELÉE

Cette action est dotée de 145,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 173,8 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 6 % de ces derniers par rapport à 2014.

Elle vise à contribuer au développement économique et social des territoires ultramarins en aidant financièrement les projets d’investissements structurants portés par les collectivités territoriales d’outre-mer, au moyen d’une politique contractuelle à deux volets :

– les contrats de plan États-régions conclus avec les cinq DOM (46,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 49,9 millions d’euros en crédits de paiement dans le PLF 2015) ;

– les contrats de projets et de développement dans les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle Calédonie (97,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 104,7 millions en crédits de paiement dans le PLF 2015).

Une enveloppe de 6 millions d’euros est également destinée à des interventions spécifiques non intégrées aux contrats, comme par exemple le Plan séisme Antilles.

A. L’ARRIVÉE À ÉCHÉANCE DES PRÉCÉDENTS CONTRATS DE PLAN ÉTATS-RÉGIONS (CPER)

Au total, pour les CPER ancienne génération, le taux d’engagement à la fin de l’année 2013 est de 82 %. On constate que le taux d’engagement est supérieur au taux national qui s’élève à 73,2 % à la même période. À fin 2014, les prévisions d’exécution pour les CPER des cinq DOM s’élèvent à 88 %.

La signature tardive de ces contrats, leur adossement aux programmes opérationnels européens qui ont également connus des retards en matière de programmation et d’engagement, les mouvements sociaux qu’ont connus les régions d’outre-mer au début de l’année 2009 et la mise en place du logiciel Chorus pour la gestion des crédits en 2011 ont retardé le rythme d’engagement des dossiers.

Cependant la mise en place du plan de relance en 2009 et 2010, a permis une légère accélération du rythme d’exécution des opérations contractualisées pour ces territoires, le bilan de ces contrats étant globalement positifs.

Le programme 123 se fixe pour objectif d’optimiser l’effet de levier de l’investissement de l’État, qui prend la forme de trois actions principales, dont la politique contractuelle, auxquels s’ajoutent le fonds exceptionnel d’investissement de l’action 8 et l’aide à la reconversion polynésienne de l’action 6. L’évaluation de cet effet de levier conduit à considérer qu’en 2013, un euro de subvention publique investi a généré 2,10 euros d’investissement. Initialement prévue à 2,40 euros pour 2014, cette cible a été revue à la baisse avec un retour au niveau de 2013, afin de prendre en compte les difficultés engendrées par un contexte économique particulièrement sous contrainte.

B. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 TRADUIT UN EFFORT FINANCIER DE L’ÉTAT DANS LE CADRE DES NOUVEAUX CONTRATS DE PLAN

Une nouvelle génération de contrats de plan États-régions (CPER) avec les départements d’outre-mer entrera en vigueur au 1er janvier 2015. Le contrat de projets de la Polynésie française sera renouvelé en 2015 également. Les autres contrats de développement (Saint Pierre et Miquelon, Polynésie française, Wallis et Futuna et Saint Martin) n’arrivent quant à eux pas à échéance en 2015.

L’investissement des collectivités publiques est soutenu et accompagné par l’État avec un effort de 11 % sur les crédits de la politique contractuelle dans le projet de loi de finances pour 2015. Les transferts aux collectivités territoriales représentent, dans le cadre de cette action, 97 % des autorisations d’engagement (141,7 millions d’euros) et 92,4 % des crédits de paiement (160,6 millions d’euros).

La prochaine génération de contrats de plan État-Région couvrira donc la période 2015-2020. Leur élaboration a fait l’objet d’une circulaire spécifique du Premier ministre du 2 août 2013 et définit les six axes d’intervention dans les régions et département d’outre-mer :

– infrastructures et services collectifs de base, vulnérabilité des territoires et populations ;

– aménagement urbain durable ;

– gestion des ressources énergétiques et environnementales (transitions énergétique et écologique) ;

– développement de la recherche et de l’innovation, filières d’excellence ;

– cohésion sociale et employabilité ;

– développement économique durable (comprenant l’économie numérique).

L’emploi demeure une priorité transversale à l’ensemble de ces six thématiques.

IV. LA BAISSE IMPORTANTE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA CONTINUITÉ TERRITORIALE (ACTION 3)

Les crédits dédiés à la continuité territoriale accusent une baisse de 20 % entre la loi de finance initiale pour 2014 et le projet de loi de finances pour 2015. Les dépenses en faveur du Fonds de continuité territoriale sont directement touchées par cette baisse, les crédits d’intervention passant de 45,3 millions d’euros en 2014 d’euros à 32,3 dans le projet de loi de finances pour 2015, soit une baisse de 13 millions d’euros. Les crédits directement gérés par LADOM au sein de cette enveloppe passent quant à eux de 39 millions d’euros à 27,5, soit une diminution de 11,5 millions d’euros.

Sur les trois dispositifs financés, l’impact est nul sur l’aide au transport du passeport mobilité formation professionnelle, positif sur le passeport mobilité étude (2 millions d’euros supplémentaires), et massif sur l’aide à la continuité territoriale qui subit une baisse de 15 millions d’euros entre 2014 et 2015, soit 57 % de ses crédits.

Cette baisse ciblée est concomitante à la révision des dispositifs d’aide à la continuité territoriale (ACT) proposée dans le projet de loi de finances pour 2015. Cette aide est la seule aide « tout public » du dispositif : elle est en effet octroyée à tout demandeur résidant dans les DOM, sans motif de déplacement particulier, et peut être reconduite une fois par an avec un plafond de ressources relativement élevé. Elle présente deux taux : une aide simple et une aide plus forte pour les personnes aux ressources les plus faibles (13). La logique de « dépense de guichet » ne permet pas de maîtriser l’enveloppe budgétaire initialement définie.

Par ailleurs, cette aide connaît une croissance exponentielle des demandes : après une augmentation de 7,9 % entre 2012 et 2013, celle-ci s’élève à 10,1 % en 2014. La prévision porte le nombre de bons réalisés à 157 800 en 2014 contre 143 262 en 2013. Cette même année, La Réunion représentait 65 % des bons réalisés (93 315 bons).

Afin de rationaliser la dépense, le projet de loi de finances propose un droit triennal et une révision des plafonds d’aide. Il met ainsi fin au système de « guichet libre » qui prévalait dans l’ancien système et qui apparaissait comme peu tenable financièrement du fait du dépassement des crédits initialement budgétés. Les plafonds de ressources rendant éligibles à l’aide ne sont quant à eux pas modifiés.

Le Rapporteur spécial appelait de ses vœux une réforme de l’ACT afin de rationaliser le dispositif et de renforcer la maîtrise des coûts au vue de la demande croissante dont il fait l’objet et des éventuelles dérives que cela pouvait occasionner. Il s’inquiète cependant de la baisse importante des crédits qui l’accompagne, de surcroît pour les Réunionnais qui en sont les premiers bénéficiaires. Il souhaite qu’un effort soit fait pour accompagner d’une manière positive les mesures pertinentes de maîtrise des coûts.

V. L’ACTION COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, DÉDIÉE PRINCIPALEMENT À LA RECONVERSION DE L’ÉCONOMIE POLYNÉSIENNE (ACTION 6)

L’objectif de cette action est le suivant :

– maintenir la capacité financière des collectivités territoriales ultramarines et favoriser l’égal accès aux services publics locaux ;

– apporter une aide d’urgence financière et humaine aux populations et aux collectivités frappées par des cataclysmes naturels ;

– appuyer les actions en matière de sécurité et de défense civiles.

L’aide à la reconversion de l’économie polynésienne absorbe 75 % de la dotation de l’action 6 : 144,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur un total de 191,5 et 136,7 millions d’euros de crédits de paiement sur un total de 182,4. Ce régime d’aide vise à stabiliser et pérenniser l’appui financier de l’État en faveur de la Polynésie française, afin de renforcer les moyens d’intervention des communes et d’accroître l’effet de levier sur les investissements de la collectivité. Cette dotation est en hausse par rapport à l’année dernière.

Le reste des dépenses d’intervention est affecté à un fonds de secours pour une aide d’urgence en cas de risques naturels, à des dotations de construction et d’équipement aux établissements scolaires en Guyane et à Mayotte, au Fonds intercommunal de péréquation en Polynésie française, à une subvention d’équilibre des budgets de Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises, et à l’Agence de développement économique de Nouvelle-Calédonie.

VI. LE FONDS EXCEPTIONNEL D’INVESTISSEMENT : UN ABONDEMENT EN DIMINUTION ET TRÈS INFÉRIEUR À LA PROMESSE PRÉSIDENTIELLE (ACTION 8)

Créé en 2013, le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI) finance le plan de rattrapage en matière d’équipements publics structurants outre-mer, avec la priorité à des projets à fort impact sur l’emploi. Dix domaines d’intervention ont été choisis (42 % des fonds pour l’eau potable en 2013 (14)), avec une répartition entre les départements et collectivités d’outre-mer. La Réunion en est le premier bénéficiaire. La promesse présidentielle était d’abonder ce fond à hauteur de 500 millions d’euros sur cinq ans entre 2013 et 2017.

Les crédits ont été inscrits sur la mission Outre-mer dès la loi de finances pour 2009, avant même sa création officielle par l’article 31 de la loi LODEOM. Initialement doté de 39,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 15,8 millions d’euros en crédits de paiement, il a été massivement abondé au titre du Plan de relance de l’économie. Ce sont, au final, 158 millions d’euros en autorisations d’engagement et 46 millions d’euros en crédits de paiement qui ont été consommés en 2009. Les crédits affectés au fonds ont subi une forte diminution au cours des trois années suivantes, passant de 165 millions d’euros en autorisations d’engagement et 51 millions d’euros en crédits de paiement en 2009 à respectivement 17 et 19 millions d’euros en 2012.

En 2013, le fonds a été abondé à hauteur de 50 millions d’euros en AE et de 25,9 millions d’euros en CP, soit une hausse respective de plus de 194 % et de 36,3 % par rapport à 2012. Cette hausse répond à l’objectif présidentiel de renforcer les efforts en faveur des économies ultramarines. Le Rapporteur spécial avait salué le fait que l’actuel Gouvernement travaille dans la continuité de l’ancien. La loi de finances pour 2014 a reconduit le niveau de dotations de 2013.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits dédiés au fonds s’établissent à 40 millions d’euros en autorisation d’engagement, et 26,1 millions d’euros en crédits de paiement, soit une légère hausse de 2,7 % de ces derniers contre une baisse de 20 % des autorisations d’engagement.

Le Rapporteur spécial regrette que la tendance baissière des autorisations d’engagement en 2015 accentue l’écart entre les engagements du Président de la République et la réalité budgétaire. En effet, un total de 140 millions d’euros serait attribué au FEI à l’échéance 2015, soit un manque à gagner de 160 millions d’euros pour l’outre-mer. S’il paraît peu réaliste que ce différentiel fasse l’objet d’un rattrapage en 2016 et 2017, le Rapporteur spécial engage vivement le Gouvernement à maintenir la dotation budgétaire à un niveau au moins égal à celui de 2013 et 2014.

VII. LES AUTRES ACTIONS EN FAVEUR DE L’INVESTISSEMENT ET DES CONDITIONS DE VIE

A. L’ACTION SANITAIRE ET SOCIAL (ACTION 4)

Cette action vise à :

– améliorer l’état de santé des populations d’outre-mer, par le développement d’actions d’information et de prévention, la veille sanitaire et la lutte contre les pathologies spécifiques liées au climat tropical (paludisme, dengue, chikungunya) ou à l’environnement (mercure en Guyane, chlordécone aux Antilles, amiante en Nouvelle-Calédonie) ;

– améliorer les conditions de vie des populations d’outre-mer par la garantie d’une protection sociale adaptée, et par le développement des moyens de prévention et de lutte contre les exclusions, les discriminations et les addictions.

L’action est dotée de 6,65 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en légère baisse par rapport à la loi de finance initiale pour 2014.

B. L’INSERTION ÉCONOMIQUE ET LA COOPÉRATION RÉGIONALE (ACTION 7)

Cette action vise à favoriser l’intégration et l’insertion économique des départements et collectivités d’outre-mer dans leur environnement régional tout en affirmant la présence française dans ces zones. Il s’agit notamment d’inciter les collectivités à réduire leur isolement et à développer les échanges avec leurs voisins.

Si les objectifs sont louables, la faiblesse de la dotation budgétaire, pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte, ne permettra sûrement pas de l’atteindre. Elle s’élève à seulement 1 million d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, contre 1,9 en 2014, soit une baisse de 47,4 %.

Le Rapporteur spécial rappelait, dans son précédent rapport, l’importance pour les collectivités ultramarines de sortir d’une économie trop largement tournée vers l’Europe et de leur permettre enfin de profiter pleinement du dynamisme de leur zone où se situent nombre de pays émergents. La faiblesse de la dotation de l’action est de ce fait, à regretter et sa diminution confirme son statut d’action cosmétique pour l’outre-mer.

C. L’APPUI À L’ACCÈS AUX FINANCEMENTS BANCAIRES (ACTION 9)

Cette action finance depuis 2010 des mesures dont la création avait été annoncée par le Conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM) :

– une bonification des prêts octroyés aux entreprises et aux collectivités territoriales d’outre-mer par l’Agence française de développement (AFD) ;

– un fonds de garantie agriculture et pêche, afin de faciliter l’accès au crédit bancaire des exploitants agricoles.

La totalité des crédits de l’action servira en 2015 au financement des prêts de l’AFD, soit 28,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 9,6 en crédits de paiement.

Cet appui se traduit par une bonification d’intérêts accordés aux collectivités territoriales et aux personnes publiques. Depuis 2011, la bonification a en effet été réservée exclusivement au secteur public conformément aux orientations adoptées par le conseil d’administration de l’agence du 3 février 2011.

En 2013, les prêts bonifiés ont augmenté de 18 % pour atteindre 422 millions d’euros, malgré la baisse de 12 % de la dotation pour bonification. Cette forte augmentation a été rendue possible par la baisse du point de bonification de 90 à 60 points de base, intervenue à partir de septembre 2013. Elle a permis d’augmenter les volumes pour répondre à la forte demande des collectivités locales. En conséquence, la progression constatée depuis 2009 de l’effet de levier de la ressource budgétaire apportée par l’État à l’AFD pour bonifier ses prêts Outre-mer s’est poursuivie en 2013. Cet effet de levier est ainsi passé de 8,6 en 2009 à 16,8 en 2013, soit un doublement en cinq ans.

À compter du 1er septembre 2014, la bonification des prêts aux collectivités locales a été modulée entre des prêts très bonifiés ciblés au profit des petites communes de moins de 10 000 habitants ou sur des secteurs prioritaires, et des prêts plus faiblement bonifiés sur le reste de l’activité en faveur du secteur public. Grâce à son effet de levier renforcé, cette nouvelle modulation de la bonification des prêts, mise en œuvre courant 2014, devrait permettre l’octroi de prêts bonifiés à hauteur de 530 millions d’euros, et la poursuite d’un niveau d’activité équivalent en 2015.

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EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer (voir le compte rendu de la commission élargie du 29 octobre 2014 à 16 heures 15 (15)), la commission des Finances examine les crédits de la mission Outre-mer.

Sur l’avis favorable de M. Patrick Ollier, Rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Outre-mer.

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Article 57
Suppression de l’aide à la rénovation des hôtels situés dans les départements d’outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon

Texte du projet de loi :

I.– L’article 26 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est abrogé.

II.– Cet article demeure applicable aux demandes d’aide déposées au plus tard le 31 décembre 2014.

Observations et décision de la Commission :

I. L’ÉTAT ACTUEL DU DROIT

A.  LE DISPOSITIF PRÉVU PAR L’ARTICLE 26 DE LA LOI DU 27 MAI 2009 POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE L’OUTRE-MER

En vertu des dispositions de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM), les hôtels éligibles à l’aide doivent entreprendre des travaux de réhabilitation visant à améliorer le confort de l’établissement, de rénovation pour mise aux normes, ou d’extension, à condition d’être construits depuis plus de quinze ans. En règle générale, le montant maximum de l’aide budgétaire est de 7 500 euros par chambre dans la limite de 100 chambres. Dans son dispositif initial, l’aide à la rénovation hôtelière devait venir compléter un dispositif de défiscalisation qui conditionnait son utilisation. Elle était donc conçue comme un renforcement de l’attractivité du dispositif fiscal.

Depuis 2013, 3 millions d’euros sont prévus à ce titre en loi de finance initiale au titre de la mission Outre-mer, dans l’action Soutien aux entreprises du programme Emploi outre-mer.

B.  UN DISPOSITIF TROP COMPLEXE ET PEU INCITATIF

1.  Une procédure complexe pourtant simplifiée en 2011

L’aide à la rénovation hôtelière (ARH) est complexe d’utilisation : elle obéit à des règles d’éligibilité et d’instruction distinctes de celle de l’aide fiscale à l’investissement qu’elle est censée précéder. Elle suppose une décision préfectorale sur dossier, avec instruction préalable de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE), et, dans certains cas, une validation des projets de reclassement hôtelier dans le cas d’une montée en gamme.

Par ailleurs, le montant de l’aide doit être déduit, en tant qu’aide publique, de la base éligible à la défiscalisation en cas d’utilisation des dispositions de l’article 199 undecies B sur la rénovation hôtelière, afin d’être en conformité avec la réglementation européenne. Ce travail de déduction, qui a un impact direct sur le plan de financement, doit être suivi attentivement sous peine de redressement fiscal, voire même de remise en cause de l’aide. Le recours nécessaire à un monteur spécialiste de la procédure afin de déposer un dossier de rénovation avait été dénoncé par certains hôteliers, car ayant un coût financier important.

Dans les cas, très rares, où le montant de l’aide à la rénovation hôtelière pourrait dépasser celui de la défiscalisation, ou bien lorsqu’il n’y a pas de défiscalisation, il faut également veiller au respect des plafonds communautaires d’intensité d’aide.

Ce dispositif a été simplifié par la loi de finances pour 2011 par la modification de deux dispositions :

– le non conditionnement du bénéfice de l’aide au bénéfice des dispositifs de défiscalisation. L’utilisation de l’ARH en dehors de celle-ci est restée cependant très rare ;

– la suppression de la troisième condition d’éligibilité, à savoir l’agrément du ministre chargé du budget après avis du ministre de l’Outre-mer, alignée sur la procédure exigée au titre de l’article 217 undecies pour les investissements productifs – (procédure spécifique qui s’applique à certains secteurs dont la rénovation et la réhabilitation d’hôtel).

2.  Un dispositif peu incitatif et peu efficace

La mise en place du dispositif a pris beaucoup de retard, le décret du 24 mai 2011 intervenant deux ans après la promulgation de la loi « LODEOM ». Il n’est donc possible, en l’état, d’évaluer l’efficacité de la mesure que sur deux années pleines à savoir 2012 et 2013, ce qui est relativement court pour juger de l’efficacité d’un dispositif. Le dispositif était initialement prévu pour s’éteindre au 31 décembre 2017.

Le rapport annuel de performance pour 2013 dresse un état des lieux de l’utilisation de l’aide peu encourageant : les dossiers ayant été mis en œuvre en 2013 ont mobilisé 1,49 million d’euros en autorisations d’engagement et 303 200 euros en crédits de paiement. Les mandatements pour les rénovations antérieures au 1er janvier 2013 se sont élevés à 1,44 million d’euros. En 2012, 11 établissements avaient bénéficié de ce dispositif pour un montant total de 1,8 million deuros en autorisations dengagement et 2,8 millions deuros en crédits de paiement.

Le bilan fait état depuis l’instauration de l’aide de 1 506 chambres rénovées dans les DOM, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, l’aide ayant bénéficié à 38 établissements seulement depuis 2011. Ces réalisations sont en-deçà des estimations initiales du Gouvernement qui étaient évaluées à 3 600 chambres pour un coût de 13,5 millions sur cinq ans. La direction générale des outre-mer (DGOM) a également précisé lors de l’audition que moins d’un quart des hôtels concernés avait changé de catégorie pour monter en gamme.

Il apparait donc de manière évidente que le dispositif n’est pas assez attractif pour les investisseurs, puisque la moitié seulement des crédits dévolus sont consommés en 2013, en diminution par rapport à 2012. Selon la DGOM, auditionnée par le Rapporteur spécial en octobre, aucun crédit n’avait été encore consommé en 2014 au titre de l’aide à la rénovation hôtelière.

II. LE DROIT PROPOSÉ

a.  La suppression du dispositif dès 2015

L’article 57 du projet de loi de finances pour 2015 propose de supprimer l’aide à la rénovation des hôtels situés dans les départements d’outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. L’éligibilité des demandes d’aide demeurant valide jusqu’au 31 décembre 2014.

b.  Le maintien de dispositifs fiscaux incitatifs et efficaces en faveur de l’investissement productif

Des dispositifs fiscaux permettent de soutenir de manière efficace le secteur de l’hôtellerie dans les départements et collectivités d’outre-mer. Ces dispositifs ne sont cependant pas spécifiquement dédiés au secteur de l’hôtellerie, mais accordés en faveur de l’investissement productif en outre-mer qui inclue la rénovation hôtelière. Ils sont au nombre de trois :

– le crédit d’impôt en faveur de l’investissement productif, codifié à l’article 244 quater W institué par la loi de finances initiale pour 2014 et en attente d’approbation de la Commission européenne. Il s’applique automatiquement pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros, et avec un droit d’option au profit du dispositif de défiscalisation de l’article 199 undecies B ou de l’article 217 undecies pour les autres ;

– le dispositif de défiscalisation codifié à l’article 217 undecies sur l’impôt sur les sociétés pour les sociétés ayant un chiffre d’affaire inférieur à 20 millions d’euros et n’ayant pas exercé leur droit d’option à bénéficier du crédit d’impôt ;

– le dispositif de défiscalisation codifié à l’article 199 undecies B sur l’impôt sur le revenu pour les sociétés ayant un chiffre d’affaire inférieur à 20 millions d’euros et n’ayant pas exercé leur droit d’option à bénéficier du crédit d’impôt ;

Par ailleurs, si un taux de crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sur-majoré portant sur les secteurs exposés dont le tourisme venait à être mis en œuvre en 2015 ou 2016, cela permettrait de compenser plus que proportionnellement la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière.

Le Rapporteur spécial convient qu’au vu de l’ensemble de ces éléments il apparaît que la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière s’avérerait relativement indolore pour la plupart des collectivités ultramarines, mais constitue cependant la disparition d’une aide en faveur du secteur prioritaire qu’est le tourisme.

Il est donc favorable au maintien du dispositif, de façon à réfléchir dans un second temps à une réforme de ses modalités afin de le rendre plus attractif et plus efficace.

III. DES CONSÉQUENCES PRÉJUDICIABLES POUR LA COLLECTIVITÉ DE SAINT MARTIN QUI AMÈNE LE RAPPORTEUR SPECIAL À ÉMETTRE UN AVIS DÉFAVORABLE SUR CET ARTICLE

A.  LE CAS DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT MARTIN

1.  Une situation économique particulièrement fragile (16)

Entre 1999 et 2010, le PIB par habitant de Saint-Martin reste stable compte tenu de la forte croissance démographique. Il est estimé à 14 700 euros par habitant en 2010 contre 14 500 euros par habitant en 1999. En 2010, il est donc très inférieur à celui de la moyenne pour la France entière (29 905 euros par habitant) et à celui observé en Guadeloupe (18 919 euros par habitant).

Le secteur touristique, moteur de l’évolution économique des deux côtés de l’île a globalement progressé sur la période. Toutefois, les difficultés pour la partie française, contrairement à la partie néerlandaise, à capter les retombées générées par la fréquentation de l’île demeurent et un important déséquilibre économique subsiste.

De plus, Saint Martin vient de subir courant octobre le passage de l’ouragan Gonzalo, provoquant de nombreux dégâts sur les infrastructures.

2.  Saint-Martin est le premier bénéficiaire de l’aide à la rénovation hôtelière

Selon le rapport annuel de performance pour 2013, Saint-Martin a bénéficié de 30 % des autorisations d’engagement en faveur de l’aide à la rénovation hôtelière, devant la Martinique (21 %) et La Réunion (20 %). L’impact de la disparition de ce dispositif pourrait être plus préjudiciable à Saint-Martin qu’aux autres collectivités.

3.  Saint-Martin bénéficie par ailleurs de dispositifs moins puissants en faveur de son développement touristique

En effet, cette collectivité bénéficie d’un panel d’aides plus réduit en faveur de son développement touristique :

– en tant que collectivité d’outre-mer disposant de l’autonomie fiscale, le CICE ne s’applique pas à Saint-Martin ;

– au titre du dispositif contenu à l’article 199 undecies B, les investisseurs bénéficient à Saint-Martin d’une réduction d’impôt à hauteur de 38,25 %, alors que ce taux s’élève pour les travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés à 53,55 % dans les DOM et à 45,9 % pour les collectivités de Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie.

Saint Martin est éligible à la défiscalisation dans les conditions de l’article 2017 undecies, au titre de l’article 217 duodecies qui en étend le champ d’application, mais pas au crédit d’impôt codifié à l’article 244 quarter X réservé aux seuls départements d’outre-mer.

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Le Rapporteur spécial émet un avis défavorable à son adoption et annonce qu’il présentera en séance publique, à l’occasion de la discussion des articles non rattachés, un amendement, afin que la collectivité de Saint-Martin bénéficie également du taux majoré de réduction d’impôt de 45,9 % prévu par l’article 199 undecies B du code général des impôts.

Malgré l’avis défavorable du Rapporteur spécial, la Commission adopte l’article 57 rattaché, sans modification.

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ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– M. Jean-Pierre Philibert, président du bureau de la fédération des entreprises d’Outre-mer (FEDOM), Mme Samia Karam, secrétaire générale, M. Philippe Mouchard, délégué général ;

– M. Jean-Claude Cadenet, président de l’agence d’Outre-mer (LADOM) ;

– M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe, directeur général de l’Association des Chambres de commerce et d’industrie de l’Outre-mer (ACCIOM) ;

– M. Thomas Degos, directeur général de l’Outre-mer au ministère des Outre– mer, M. Marc Del Grande, sous–directeur, M. Hervé Jonathan, sous-directeur

© Assemblée nationale

1 () L’article 75 de la loi de finances initiale pour 2012 a supprimé, à compter du 31 décembre 2012, le dispositif « Scellier outre-mer », en effet, prévu à l’article 199 septivicies du code général des impôts. Il représente désormais un montant résiduel de 17 millions d’euros en prévisions 2015.

2 () Réponse au questionnaire budgétaire – ministère de l’Outre-mer.

3 () « Tourisme Outre-mer : osons une nouvelle dynamique ! », Assemblée nationale, 25 septembre 2014.

4 () Note Eco n°193, mars 2013.

5 () Le crédit d’impôt innovation est une mesure fiscale réservée aux PME instaurée par la loi de finances pour 2013. Ces dernières peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt de 20 % des dépenses nécessaires à la conception de prototypes ou d’installations pilotes de produits nouveaux. L’assiette est plafonnée à 400 000 euros. La déclaration s’effectue avec le même dossier et selon les mêmes modalités que le CIR. Les PME peuvent bénéficier du remboursement anticipé de leur CII.

6 () Le rapport a été remis à la ministre des Outre-mer le 19 août 2014.

7 () La loi définit des secteurs prioritaires identiques dans les quatre DOM. Ces filières structurantes sont le tourisme et les activités de loisirs s'y rapportant, les énergies renouvelables, l'environnement, l'agro-nutrition, la recherche/développement, les technologies de l'information et de la communication.

8 () Enquête de l’INSEE.

9 () Sous-indicateur créé dans le projet annuel de performances 2013.

10 () Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

11 () Le PMFP comprend deux aides : l’action mobilité formation emploi (AMFE) pour la prise en charge des frais pédagogique et l’allocation complémentaire de mobilité (ACM) finançant les frais d’installation et l’attribution d’une indemnité mensuelle de formation.

12 () Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

13 () Par comparaison : Le passeport mobilité études est une aide à 50 % du prix du billet d'avion aller-retour pour les étudiants non titulaires d'une bourse d'État sur critères sociaux. L'aide monte à 100 % du prix du billet d'avion pour les autres publics. Le passeport mobilité formation professionnelle est une aide qui porte dans tous les cas sur 100 % du prix du billet d'avions.

14 () Les autres domaines sont : le traitement et la gestion des déchets, le désenclavement du territoire, la prévention des risques naturels, les équipements publics de proximité dans le domaine sanitaire et social, les énergies renouvelables, les infrastructures d’accueil des entreprises, les constructions scolaires.

15 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/commissions_elargies/

16 () Étude du CEROM (Compte économique rapide pour l’outre-mer) qui regroupe six institutions : l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), l’Agence Française de Développement (AFD), l’Institut d’Émission des Départements d’Outre-mer (IEDOM), l’Institut d’Émission d’Outre-mer (IEOM), l’Institut de Statistique de Polynésie française (ISPF et, l’Institut de la Statistique et des Études Économiques de Nouvelle-Calédonie (ISEE). – publication du 21 octobre 2014.