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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Vendredi 24 octobre 2014

Présidence M. Gilles Carrez,
président de la commission des finances.

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente-cinq.

projet de loi de finances pour 2015

Pouvoirs publics ;
Direction de l’action du Gouvernement ;
Conseil et contrôle de l’État.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, nous sommes heureux de vous accueillir ce matin pour examiner les crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 2015 aux missions « Pouvoirs publics », « Direction de l’action du Gouvernement » et « Conseil et contrôle de l’État »

Pouvoirs publics

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la mission « Pouvoirs publics ». La mission « Pouvoirs publics » réunit les dotations budgétaires destinées à la Présidence de la République, aux assemblées parlementaires, au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République (CJR). Ces institutions présentent des spécificités : elles décident elles-mêmes de leur budget et ne sont que partiellement soumises au principe d’annualité.

Depuis quelques années, les pouvoirs publics ont amorcé une démarche de transparence de leur gestion et de maîtrise de leurs dépenses : il convient de se féliciter de la poursuite de cette politique.

Je concentrerai mon propos cette année sur la Présidence de la République, en renvoyant à mon rapport écrit pour les autres pouvoirs publics.

Les conséquences de la politique de vérité budgétaire de la Présidence de la République, voulue par le président Nicolas Sarkozy, et menée sous le contrôle de la Cour des comptes, ont été spectaculaires : la réintégration au sein du budget de la Présidence de la République de l’ensemble des dépenses qui concouraient à son bon fonctionnement l’a fait passer de 36 millions d’euros en 2007 à 113 en 2008. En effet, les personnels conservent leur statut et leur affectation dans les ministères, mais l’ensemble de leurs émoluments est désormais pris en charge par le budget de la Présidence de la République.Parallèlement, la Présidence de la République a mis en place de nouvelles procédures, notamment de marchés publics, pour faire diminuer la dépense et aboutir à une transparence totale. Une diminution significative était ainsi programmée pour 2012.

Je reconnais volontiers que le Président François Hollande s’est inscrit dans cette démarche. La poursuite du recours aux marchés publics, la formalisation des procédures en matière de déplacements, l’élaboration en cours d’un nouveau règlement comptable, l’amélioration du suivi des dépenses de restauration, le cadrage des dépenses de logement, tout cela est à mettre au crédit de l’actuelle présidence. Les remarques de la Cour des comptes, qui continue à rédiger un rapport annuel sur la gestion de la présidence, sont à présent ponctuelles, à l’exception de ses critiques sur le mobilier, lesquelles semblent concerner beaucoup plus le fonctionnement du Mobilier national que celui de l’Élysée.

Les dotations demandées sont chaque année en légère diminution : 103,5 millions d’euros en 2013, 101,7 en 2014 et 100 pour 2015.

Cependant, les exécutions de dépenses sont beaucoup plus stables : 105,7 millions d’euros en 2012, 105,4 en 2013 et 105,5 en 2014. Avec 104,6 millions d’euros, la prévision de dépenses pour 2015 est, certes, de moins 0,98 % par rapport à 2014, mais seulement de moins 1,14 % par rapport à la dépense exécutée en 2012.

L’examen détaillé des charges fait apparaître une stabilité des crédits d’équipement et de travaux, à 4 millions d’euros.

La diminution des effectifs – de 169 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, puis de 34 en 2012 – n’aura été que de 30 personnes entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015.

Les dépenses de déplacement diminuent : 19,4 millions d’euros en 2012, 18,2 en 2013, 16 en 2014 et 14,3 en 2015. L’effort a porté sur les déplacements des équipes d’accompagnement et même sur le poste des invités du Président de la République, qui concourent désormais au paiement de la dépense associée à leurs déplacements.

Cependant, contrairement à ce qu’avait laissé croire une communication active, l’utilisation du train par le Président de la République au lieu de l’avion relève de l’anecdote : le train a été utilisé deux fois seulement par le Président de la République en 2012 et 2013, et pas du tout pendant le premier semestre 2014. Pour autant, je ne conteste pas l’utilisation de l’avion par le Président de la République : elle est tout à fait légitime, il y va de sa sécurité et de sa capacité à revenir rapidement dans la capitale.

En conclusion, le rapporteur spécial doit convenir de la gestion transparente, rationalisée et soucieuse des deniers publics de la Présidence de la République. Mais il est aussi amené à conclure que la phase de diminution des dépenses est sans doute révolue. Nous n’avons pas à imposer des économies au Président de la République qui porteraient préjudice à sa fonction. Aussi les économies ne se feront-elles plus qu’à la marge. La directrice de cabinet du Président de la République l’a d’ailleurs reconnu, si bien que la demande de dotation de 100 millions d’euros sera sans aucun doute reconduite pour les prochaines années.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Sur le budget des assemblées parlementaires, je n’ai rien à dire – les parlementaires sont à même de le faire.

En ce qui concerne le budget de la Présidence de la République, après une période de consolidation budgétaire commencée sous le mandat précédent, la présente mandature se place sous le signe d’une gestion précautionneuse de l’argent public, qui a permis d’aboutir en trois ans – au lieu des cinq ans prévus – aux objectifs fixés par le Président de la République. La dotation, qui a atteint le palier d’une centaine de millions d’euros, correspond au fonctionnement normal de cette institution. Comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, cette gestion efficace des deniers publics devra être poursuivie dans les années à venir.

Le budget du Conseil constitutionnel s’élèvera à 10 millions d’euros en 2015, en diminution de 5,5 %, mais avec un nombre d’emplois stable. Depuis six ans, ce budget a baissé de 18 %. Notre objectif est de parvenir à une diminution de 20 % à 25 % d’ici à 2017. Cet effort très important a été facilité par la fongibilité des crédits et par l’achèvement des investissements liés à l’introduction des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). L’entrée en vigueur de la loi organique sur le référendum d’initiative partagé pourrait entraîner de nouveaux coûts, la vérification des signatures étant exigée pour le déclenchement du référendum, par exemple. Néanmoins, depuis une quinzaine d’années, des efforts ont été réalisés en matière de rémunérations. En effet, alors que le traitement des membres du Conseil était aligné sur celui des présidents de section du Conseil d’État, le président Jean-Louis Debré a décidé depuis un an de geler ce traitement afin que le Conseil prenne toute sa part dans l’effort de redressement des finances publiques. Enfin, malgré la baisse de dotation de l’institution, le délai de jugement reste stable, à seize jours. Ainsi, le Conseil constitutionnel est particulièrement soucieux de l’argent public, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

En ce qui concerne la Cour de justice de la République, le précédent gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale, le 14 mars 2013, un projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement. S’agissant des ministres, ce projet supprime la Cour de justice de la République, qui constitue un privilège, en tout cas une exception qui n’a plus de raison d’être. Il prévoit que les ministres seront jugés par les juridictions pénales de droit commun, y compris pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, après autorisation de la commission des requêtes, et que le jugement de ces affaires sera confié aux juridictions parisiennes compétentes qui seront composées d’au moins trois juges. Ce projet de loi constitutionnelle est accompagné de deux autres, l’un sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’autre sur les incompatibilités applicables à l’exercice des fonctions gouvernementales et la composition du Conseil constitutionnel. L’examen de la réforme du CSM a été engagé, le Sénat ayant adopté en première lecture un texte de repli par rapport aux objectifs de la réforme. Comme vous le savez, l’adoption des réformes constitutionnelles suppose un accord politique large. Avant d’envisager que ce dossier soit repris, lorsque les textes les plus urgents relatifs à la situation économique et sociale de notre pays en laisseront le temps à vos assemblées, il convient de vérifier qu’un consensus politique existe sur ces sujets. Le budget de la Cour de justice de la République enregistre une baisse de 6 000 euros, pour s’établir aux alentours de 800 000 euros.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la mission « Pouvoirs publics ». L’évolution sensible de l’activité du Conseil constitutionnel liée aux QPC a entraîné non seulement des recrutements mais des réorganisations immobilières. Le rapport spécial montre une progression en cloche de cette activité, d’abord très forte, puis en relative diminution, ce qui est logique puisque le Conseil avait d’abord à épuiser un stock de questions traitant de situations diverses dont il n’avait jamais été saisi. Quant au nombre de collaborateurs, il est passé de 49 en 2010, à 55 en 2011 et à 61 en 2012 et 2013, cette évolution étant justifiée au regard du surcroît de travail lié à la réforme de 2008. Malgré tout, le Conseil constitutionnel a vu ses crédits diminuer.

S’agissant des assemblées parlementaires, je tiens à souligner que l’Assemblée a toujours souhaité le rapprochement des deux chaînes parlementaires, LCP-Assemblée nationale et Public Sénat, ce qui représenterait une réelle source d’économies. Je souhaite que les présidents des deux chambres puissent s’entretenir de ce sujet et faire évoluer les choses.

M. le président Gilles Carrez. Ce rapprochement, évoqué depuis des années, relèverait du bon sens.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la mission « Pouvoirs publics ». Certes, les deux chaînes sont indépendantes, principe auquel chacun de leur président se montre très attaché. Néanmoins, elles partagent le même canal, ce qui aboutit à des situations surprenantes, comme l’interruption de la diffusion de débats dans une assemblée pour passer à l’autre assemblée, dont se plaignent régulièrement nos électeurs téléspectateurs.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je souscris aux propos de notre rapporteur spécial sur la transparence et la clarification voulues par la Présidence de la République. Les partisans d’une République exemplaire ne peuvent que saluer ce budget qui témoigne du sérieux budgétaire, avec, cette année, une diminution de 1,97 million d’euros et le maintien des pratiques de transparence. Si l’exemple doit venir d’en haut, il est salutaire que les institutions de la République se montrent vertueuses.

Ainsi, le budget de la Présidence de la République atteindra l’année prochaine les 100 millions d’euros, aboutissement d’efforts constants depuis l’élection de François Hollande, avec encore 1,6 million d’euros d’économies par rapport à la loi de finances 2014, soit une baisse de 1,6 %. En comparaison avec la loi de finances 2013, la baisse atteint près de 3,5 millions d’euros et autant en pourcentage, moins 3,5 %. Le Président de la République avait souhaité stabiliser le budget de l’Élysée à 100 millions d’euros pour 2015 : l’engagement est tenu.

Plusieurs postes emblématiques concrétisent un véritable changement dans les pratiques : je pense notamment au recours accru aux marchés publics, comme l’a souligné le rapport de juillet de la Cour des comptes, 70 % des dépenses étant réalisés par ce biais. Il faut également souligner une baisse significative des frais liés aux transports, de 10,4 % après celles intervenues en 2013 et 2014. Notons enfin une nette amélioration de la gestion du patrimoine immobilier, comme l’a mis en avant la Cour des comptes. Tout cela va donc dans le bon sens.

Des marges de progrès existent néanmoins. Les membres de cette assemblée se sont interrogés l’année dernière sur le volume d’heures supplémentaires, en progression. Qu’en est-il pour le budget 2015 ?

En ce qui concerne les assemblées parlementaires, nous pouvons tous saluer la stabilité comptable absolue des budgets, ce qui correspond à une baisse réelle chaque année. Nous devons également nous féliciter des budgets en baisse du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.

Enfin, si les chaînes parlementaires relèvent davantage des assemblées que du Gouvernement, un rapprochement me semble néanmoins souhaitable pour des raisons de lisibilité de leur offre comme de rationalisation budgétaire, d’autant que le budget de Public Sénat se distingue au sein de la mission avec un budget à la hausse.

Mme Marie-Christine Dalloz. La dotation est de 16,641 millions pour LCP-Assemblée nationale et de 18,848 millions pour Public Sénat : il existe donc une marge potentielle d’économies. Une rationalisation de l’utilisation des deniers publics s’impose là aussi.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la mission « Pouvoirs publics ». Je milite pour le rapprochement des deux chaînes, car les dotations sont importantes – le budget de Public Sénat est le seul à augmenter dans cette mission. Ces dotations étaient comparables il y a quatre ou cinq ans, mais personne ne regardait ces chaînes, qui rassemblent aujourd’hui un vrai public : leurs informations sont commentées et relayées.

Madame Descamps-Crosnier, les chiffres que vous avez cités ne sont pas ceux du budget de la Présidence de la République, mais de la dotation : le budget comporte d’autres recettes et dépenses, et s’élève à environ 105 millions d’euros.

Enfin, ce n’est pas l’actuelle présidence, mais la précédente, qui, en 2007, a pris des initiatives en matière de transparence et de contrôle de la Cour des comptes.

Direction de l’action du Gouvernement

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Le budget des services du Premier ministre dans le projet de loi de finances pour 2015 voit ses crédits préservés, voire augmentés, dans deux domaines. D’abord, dans le secteur de la défense et de la sécurité nationale, avec la montée en puissance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Ensuite, pour la plupart des autorités administratives indépendantes, comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Les services du Premier ministre échappent donc globalement à la rigueur budgétaire.

Le projet de « Centre de Gouvernement », rassemblement de la plupart des services du Premier ministre dans un même ensemble immobilier, le site Ségur-Fontenoy, doit s’achever au second semestre 2016 pour le bâtiment Fontenoy et au premier semestre 2017 pour le bâtiment Ségur. Ce projet suivrait son cours sans retard, mais aucun élément chiffré sur le coût de sa réalisation ne nous a été transmis par le Gouvernement. Or un rapport du Sénat a mis en évidence il y a un an un montage financier et juridique atypique générateur de surcoûts estimés à 30 % par rapport à une maîtrise d’ouvrage publique. Quel est le coût prévisionnel de l’opération ?

J’ai rencontré M. Michel Aymeric, secrétaire général de la mer (SGMer), afin de mieux apprécier dans quelle mesure les propositions du référé de la Cour des comptes du 30 avril 2013 et les annonces formulées par le Premier ministre dans sa réponse du 5 juillet 2013 ont été mises en œuvre. La Cour des comptes avait émis des remarques sur la gestion des effectifs du SGMer, s’interrogeant sur la place incertaine et le rôle délicat de ce secrétariat général, compte tenu du fait que la politique de la mer est maintenant principalement du ressort du ministre chargé de l’écologie. Dans sa réponse au référé de la Cour des comptes, le Premier ministre avait jugé indispensable de diversifier les recrutements des chargés de mission au SGMer, qui relèvent aujourd’hui principalement du ministère de la défense. L’objectif était de diversifier les compétences et de mettre fin à une monoculture de nature à susciter des réactions défavorables au SGMer. Le secrétaire général de la mer a souligné l’importance de la fonction régalienne de l’exercice de l’action en mer, qui subsistera quelle que soit l’organisation retenue. Dans les faits, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est en train de mettre en place une structure de coordination interne, la délégation à la mer et au littoral (DLM). Cependant, l’évolution des recrutements semble lente : sur treize agents du SGMer mis à disposition sans remboursement, dix viennent du ministère de la défense. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur le positionnement du SGMer et sur la diversification de son recrutement ?

La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) est en cours de réorganisation, et j’ai rencontré sa présidente, Mme Jourdain Menninger. Au cours du premier trimestre 2014, un audit de son dispositif territorial a été réalisé par la mission de Modernisation de l’action publique (MAP), dont les conclusions sont extrêmement sévères. Je prends acte de la mise en œuvre de la réorganisation de la MILDECA et d’un retour au pilotage ferme de cette mission. La MILDECA est contrainte, dans un contexte de réduction de ses crédits, de sérier les priorités et de veiller et à une plus grande efficacité de son action. Je m’interroge encore, comme l’an dernier, sur la pertinence de l’ouverture de « salles de consommation contrôlée de stupéfiants », dites « salles de shoot », alors qu’il est indispensable d’appliquer fermement la loi en matière de lutte contre les drogues. Il est probablement prématuré de faire le point sur la politique de remise en ordre de la MILDECA.

Enfin, j’ai entrepris un contrôle des cabinets dépendant du budget des services du Premier ministre, afin de faire le point sur une question qui avait été abordée par mon prédécesseur, M. Brard. Ce contrôle a été malaisé et il a fallu insister pour obtenir des éléments d’information, d’ailleurs non exhaustifs. Alors que les collaborateurs mis à disposition représentent trente-six des cinquante-cinq membres du cabinet du Premier ministre, on ne connaît pas leurs rémunérations : les données approximatives transmises sont celles des déclarations de l’administration d’origine, qui omettent souvent les primes. De ce fait, les données du « jaune » sur les cabinets ministériels manquent singulièrement de fiabilité. D’autre part, les collaborateurs mis à disposition sont globalement mieux rémunérés que les contractuels, et les disparités de rémunérations sont élevées. Les attributions d’indemnités pour sujétions particulières (ISP) sont opaques.

Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable de connaître les rémunérations réelles des membres de cabinet, ce qui est possible en les demandant aux administrations d’origine ? La Cour des comptes préconise que les rémunérations des personnels mis à disposition soient remboursées aux administrations d’origine.

Enfin, quels principes et quelles règles président à l’attribution des ISP au sein des cabinets dépendant des services du Premier ministre ?

M. le président Gilles Carrez. Les rémunérations de certaines autorités indépendantes, en particulier le Défenseur des droits, seraient très supérieures à celles des conseils juridiques dans les entreprises. Avez-vous des éléments sur ce point ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Lorsqu’on parle des « services du Premier ministre » (SPM), on ne désigne pas que l’activité de l’hôtel Matignon, mais toute l’action intergouvernementale. Ainsi, le site de Ségur-Fontenoy va regrouper des services interministériels et les autorités indépendantes budgétairement rattachées au Premier ministre. Le coût de ce projet est de l’ordre de 370 millions d’euros. Vous avez raison de souligner qu’il repose sur un montage juridique et financier atypique, une sorte de « partenariat public-public », qui date de 2009 et sur lequel je souhaite que votre assemblée puisse mener une réflexion approfondie, même si personne ne conteste l’intérêt de la réhabilitation de ces bâtiments pour accueillir les services concernés.

La Cour des comptes s’est intéressée à la gestion des ressources humaines et au positionnement du secrétariat général de la mer. En matière de ressources humaines, la Cour a critiqué la mise à disposition gracieuse par leur ministère d’origine de la quasi-intégralité des personnels du SGMer. Une action de consolidation des effectifs sur trois ans a alors été lancée. Ce sont ainsi trois mises à disposition qui, en 2015, seront transformées en emplois détachés auprès des services du Premier ministre, et la totalité des effectifs du SGMer sera placée en détachement d’ici à 2017.

Quant au positionnement du SGMer, il a été étudié dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, dont les travaux ont conclu à la nécessité de renforcer la cohérence des positions du ministère de l’écologie. Il a donc été décidé de créer au sein de ce ministère une délégation à la mer et au littoral qui sera notamment chargée de préparer les arbitrages internes de celui-ci. Créée par décret il y a quelques jours, cette délégation permettra d’uniformiser les positions du ministère, ce qui ne pourra que faciliter le travail de coordination du SGMer.

Plus généralement, le SGMer juge lui-même que son pouvoir d’arbitrage s’est affermi depuis le référé de la Cour des comptes. Ainsi, les progrès sont réels : ils doivent être poursuivis et nous y veillerons.

S’agissant de la MILDECA, je ne parlerai pas des salles de consommation à moindre risque – vous le ferez vous-mêmes dans le cadre du débat sur la loi de stratégie nationale de santé. J’ai des convictions, mais je n’ai pas à les défendre ici. Au cours des années précédentes, la politique de prévention et d’éducation en matière de drogues et de conduites addictives a été marquée par un activisme fondé sur une orientation assez clivante. En raison de ce volontarisme idéologique, le foisonnement administratif a pu manquer de rationalité. Le plan gouvernemental 2013-2017 a été mis en place, avec une déclinaison territoriale. Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) s’est engagé à ce que la gestion des actions locales de la MILDECA soit améliorée dès 2015, en renforçant leur cohérence, en précisant le rôle des chefs de projet et en rendant systématique l’évaluation avant et après les projets.

J’en viens à l’action proprement dite de Matignon. Le cabinet du Premier ministre a réduit ses effectifs de façon exemplaire : le cabinet de M. Ayrault avait déjà réduit le nombre de ses collaborateurs par rapport à celui de M. Fillon. Ainsi, le nombre de membres de cabinet du Premier ministre est passé de 57 à 45. Dès le mois de mai 2012, Jean-Marc Ayrault avait donné la consigne de baisser de 10 % les dotations pour les nouveaux cabinets. L’enveloppe pour la rémunération des membres rattachés à Matignon est passée de 28 millions d’euros en 2011 à 24 millions d’euros en 2014, notamment grâce à une diminution des montants des ISP. Entre 2011 et 2012, les crédits correspondants à la rémunération des membres de cabinet attachés à la Direction de l’action du Gouvernement ont baissé de près de 4 millions d’euros.

En ce qui concerne les rémunérations individuelles, la transparence budgétaire se heurte au respect de la vie privée. L’obligation de discrétion s’impose à tous. Lors de la publication du « jaune » et des rapports parlementaires, il importe donc que les intéressés ne puissent être identifiés – c’est une garantie démocratique. Quant à la rémunération totale des membres de cabinets détachés de leur structure d’origine, je me contenterai de rappeler que nous ne connaissons pas le montant de la rémunération qui continue d’être versée par le corps d’origine des intéressés. Tout ce que nous connaissons, et dont nous rendons compte, est le montant qui leur est versé par le Gouvernement. Nous ne pouvons donc pas communiquer une information dont nous ne disposons pas, mais nous sommes prêts à écouter toutes les suggestions du Parlement en la matière.

Enfin, des hauts salaires ont, semble-t-il, été versés à l’époque de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), mais cette pratique a disparu et la Cour des comptes s’est déclarée satisfaite de la politique salariale conduite : tous ces éléments ont été transmis à la commission des finances.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Les crédits alloués à la mission budgétaire sont en hausse de 29 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 51,7 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. C’est le reflet d’un périmètre en évolution et la matérialisation de priorités gouvernementales fortes, comme la reconstitution d’un appareil prospectif de qualité et le renforcement de capacités stratégiques pour l’État. Il s’agit par ailleurs d’une mission qui intègre des actions liées à la réforme de l’État en cours depuis 2012.

Je souhaite d’abord insister sur le poids des actions touchant à la sécurité nationale. Dans la continuité des précédents budgets depuis 2009, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la montée en puissance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSI), avec le renforcement de ses moyens humains et budgétaires. Il s’agit d’une orientation bienvenue pour renforcer les capacités de l’État face aux menaces pesant sur les systèmes d’information, et peut-être le secrétaire d’État pourrait-il nous préciser quels sont les moyens d’évaluer l’efficacité de l’action de l’Agence. Dans le même esprit, le renforcement du réseau interministériel de l’État, qui vise à mutualiser et à sécuriser les réseaux existants, va dans le bon sens.

De manière générale, ce budget marque le rattachement auprès du Premier ministre d’un certain nombre d’organismes et de services – par exemple, le centre de transmissions gouvernemental – auparavant intégrés au sein de la mission « Défense ». Étant donné leur intérêt interministériel, ce mouvement revêt une certaine logique.

Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), qui assume un nombre important de missions liées au choc de simplification et aux autres actions conduites dans le cadre de la modernisation de l’action publique. À ce jour, près de 250 mesures ont été arrêtées et, cette semaine, Thierry Mandon a encore présenté en conseil des ministres un décret mettant en œuvre le principe du « silence valant accord ». Compte tenu de l’importance stratégique donnée à ces missions, il y a lieu de se demander si le SGMAP pourra maintenir ce rythme. Le Gouvernement peut-il nous fournir des indications à ce sujet ?

Toujours au sein du programme « Coordination du travail gouvernemental », je souhaite signaler la hausse des crédits destinés à la gratification des stagiaires. Sans doute est-elle anecdotique, mais elle est symbolique d’un État employeur qui emprunte la voie de l’exemplarité.

Le programme « Protection des droits et libertés » est, lui aussi, orienté à la hausse, en majeure partie en raison de l’augmentation des crédits affectés au CSA. Cette augmentation est liée à sa transformation en autorité publique indépendante du fait de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. En ce qui concerne la CNIL, le projet annuel de performances (PAP) souligne une « forte croissance de l’activité de la CNIL, croissance que diverses mesures de simplification ne permettent pas de juguler compte tenu de l’explosion des traitements de données à caractère personnel ». Elle bénéficiera ainsi du renfort de sept équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. Suffiront-ils à couvrir les besoins ? De la même façon, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui a vu ses missions élargies par la loi du 26 mai 2014 bénéficie de trois ETP supplémentaires, mais ces renforts seront-ils suffisants ?

Sur le programme « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », je souhaite savoir si nous avons plus de visibilité sur le calendrier de la réforme de l’État déconcentré qui doit accompagner la réforme territoriale. Comment ce programme budgétaire sera-t-il affecté dans les prochaines années ?

Nous avions évoqué l’an dernier deux questions importantes, à savoir, d’une part, le projet de Centre de gouvernement, destiné à regrouper sur un même site les services du Premier ministre et plusieurs autorités administratives indépendantes, et, d’autre part, la transformation du secrétariat général de la mer en délégation à la mer et au littoral. Où en sommes-nous sur ces sujets ?

Enfin, je me fais ici la porte-parole de Marie-Françoise Bechtel, qui souhaiterait davantage d’informations sur le budget de l’Institut national des hautes études de sécurité et de justice. Son budget avait fortement augmenté dans la loi de finances initiale pour 2014. Cette année marque une baisse d’un peu moins de 200 000 euros, aussi bien en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement. Pouvez-vous nous indiquer ce qui explique de telles variations et quel est le plan de charge de cet opérateur ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Les ministres des relations avec le Parlement se succèdent, mais le propos demeure le même. Comme votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d’État, vous m’avez répondu, à propos du site Ségur-Fontenoy, que c’était l’ancienne majorité qui avait choisi le modèle atypique du montage financier réalisé avec la SOVAFIM. Or les questionnaires budgétaires renvoyés par les services ministériels indiquent que c’est à la suite d’une réunion interministérielle du 6 novembre 2012 que le cabinet du Premier ministre a décidé d’engager l’État sur ce projet avec la SOVAFIM, quand bien même cette solution avait déjà été envisagée par l’ancienne majorité.

Je m’étonne par ailleurs que vous évoquiez le positionnement idéologique de la MILDECA. J’y vois une attaque en règle des prédécesseurs de l’actuelle présidente, qui occulte le véritable problème, celui du pilotage territorial. Une autre difficulté réside dans l’utilisation des fonds récupérés sur les saisies via l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), même si j’admets ici que des mesures ont été prises, qui vont dans le bon sens et tendent à corriger une mauvaise gestion de l’argent public.

Enfin, puisque vous défendez une gestion précautionneuse et transparente des deniers de l’État, il va falloir que les ministères qui mettent du personnel à disposition des cabinets ministériels fournissent des informations sur leur rémunération, le plus simple étant, comme le préconise la Cour des comptes, d’envisager un remboursement à l’administration d’origine.

M. Marc Le Fur. Je redoute les menaces qui semblent peser sur le secrétariat général de la mer, dont l’existence se justifie par l’absence d’un ministère de la mer pourtant promis par les candidats à la présidence de la République. La mer, ce n’est pas seulement l’environnement, c’est aussi la pêche et une série d’enjeux liés à notre souveraineté nationale, à notre défense, à nos zones économiques exclusives et à l’outre-mer, autant de raisons qui justifie que le SGMer ne soit pas absorbé par le ministère de l’écologie, mais maintenu auprès du Premier ministre.

Le plus grand flou demeure au sujet des membres des cabinets ministériels, dont on ignore le nombre et les rémunérations. Quant à la baisse des effectifs mise en avant, elle ne porte que sur les effectifs connus et reste donc très théorique. Depuis 2008, toute la lumière a été faite sur le fonctionnement de la Présidence de la République, les collaborateurs mis à disposition étant payés par leurs ministères d’origine contre remboursement de l’Élysée. Ne pourrait-on pas envisager une formule analogue pour les cabinets ministériels ? Quant aux arguments touchant à la protection de la vie privée, ils sont irrecevables en ce qui concerne la rémunération des agents publics, qui doit être connue.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Au moins devrait-elle être communiquée aux rapporteurs spéciaux ; cela rentre dans le cadre de la loi organique.

M. Marc Le Fur. Des progrès ont été faits dans certains ministères en matière de transparence des primes. Ils doivent être étendus aux autorités administratives indépendantes et à l’ensemble des personnels affectés aux cabinets ministériels.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Le coût des cabinets ministériels comme le nombre de leurs membres est en diminution. Quant aux situations individuelles, je rappelle que le Conseil constitutionnel est très ferme sur le fait que la publication des rémunérations individuelles ne doit pas contrevenir au principe du respect des libertés individuelles. J’entends néanmoins ce que vous dites et pense comme vous qu’on pourrait étendre aux cabinets ministériels ce qui se pratique déjà à l’Élysée. Nous avons encore, dans ce domaine, des progrès à faire, dans le respect, je le répète, des données personnelles, et il me semble, madame la rapporteure spéciale, que les données qui vous ont été fournies, même anonymisées, sont suffisamment transparentes compte tenu du faible nombre de personnes qu’elles concernent.

L’intention du Gouvernement est bien de maintenir, auprès du Premier ministre, le SGMer comme instance de coordination de toutes les questions régaliennes liées à la mer. Quant à l’idée d’un ministère autonome, elle me paraît devoir rejoindre toutes les propositions parlementaires vouées à se traduire par une augmentation de la dépense, n’en déplaise au président de la commission des finances…

Si j’ai parlé d’idéologie au sujet de la MILDECA, c’est qu’il me semble que la polémique et les débats ont peut-être trop occupé la mission et ont détourné la direction centrale de ses tâches de gestion des antennes locales.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté se voit doté de trois ETP supplémentaires ; ses dépenses de fonctionnement augmentent de 75 000 euros. Si nous consentons à ces efforts, malgré un contexte budgétaire tendu, c’est que nous sommes conscients que l’activité de contrôle s’intensifie et qu’il est nécessaire de renforcer les moyens d’action du Contrôleur.

L’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice a respecté la directive de cadrage budgétaire applicable aux opérateurs de l’État pour la période 2015-2017. Cet effort se traduit malheureusement par la suppression de deux emplois. Il s’accompagne d’une mutualisation des moyens avec ceux de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), les deux établissements étant situés au sein de l’École militaire.

Le SGMAP mène aujourd’hui une action décisive. Le secrétaire d’État Thierry Mandon devrait, en début d’année prochaine, faire une communication sur les actions envisagées en matière de simplification et de réforme de l’État, et confirmer ainsi la capacité de notre administration à se réformer et à se restructurer pour une action publique plus efficace. Il va de soi que cette modernisation de l’action publique sera conduite en parallèle avec la réforme de l’organisation territoriale de la République.

Conseil et contrôle de l’État

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial pour la mission « Conseil et contrôle de l’État ». La mission « Conseil et contrôle de l’État » concerne les crédits du Conseil d’État et de la Cour des comptes, ainsi que des juridictions qui leur sont associées, mais également du Conseil économique, social et environnemental (CESE). S’y ajoute le Haut Conseil des finances publiques, totalement pris en charge par la Cour des comptes, dont je suis rituellement amené à m’étonner qu’il fasse l’objet d’un programme.

Les crédits de paiements demandés pour 2015 s’élèvent à 637 millions d’euros, soit une hausse de moins de 1 % par rapport à 2014, preuve de la participation de ces institutions à la maîtrise des dépenses publiques. En effet, quoique non soumis à la régulation budgétaire, le Conseil d’État et la Cour des comptes tiennent à prendre leur part de l’effort de rigueur dans la gestion des finances publiques et rendent chaque année au budget général une fraction de leur dotation. La Cour des comptes a même restitué en 2014 les crédits qu’elle avait reçus au titre de la réserve parlementaire et n’en demandera pas à ce titre pour 2015. Je tiens à souligner la qualité de sa gestion, mais également de son travail d’évaluation des politiques publiques, de contrôle de la gestion publique, en insistant tout particulièrement sur le succès de la réorganisation des chambres régionales – sept d’entre elles ont été supprimées – qui renforce l’homogénéité du contrôle sur l’ensemble du territoire.

Je voudrais également saluer le travail accompli par le président du CESE, M. Jean-Paul Delevoye, ses questeurs, M. Philippe Le Clézio et Mme Rose Boutaric, et, sous leur autorité, sa secrétaire générale, Mme Annie Podeur, pour rationaliser, rendre plus transparente et assainir la gestion du Conseil. Ce travail, détaillé dans le rapport, était indispensable pour assurer à cette assemblée sa nécessaire crédibilité. J’ajoute que j’ai saisi le président Claude Bartolone d’une demande de consultation du Conseil, comme le permet la Constitution, sur la déréglementation des professions libérales, question sur laquelle, compte tenu de sa composition, le Conseil devait pouvoir informer utilement le Parlement.

L’activité du Conseil d’État et des juridictions administratives est marquée par la hausse continue du contentieux : 14 % environ tous les ans. Pour y faire face, le Conseil d’État dématérialise les procédures, grâce à l’application Télérecours, à laquelle il convient d’apporter encore quelques améliorations.

L’explosion du contentieux de masse est un phénomène préoccupant. Pour citer quelques exemples, le contentieux lié au droit au logement opposable, le DALO, est passé de 4 816 requêtes en 2009, à 10 815 en 2013 ; le contentieux des étrangers représente 44 % de l’activité des cours administratives d’appel ; la Cour nationale du droit d’asile a enregistré 34 752 dossiers en 2013 et, du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, le contentieux de masse a représenté 62 % des affaires du tribunal administratif de Melun. On peut se demander si, pour maîtriser ce contentieux, une action législative ne serait pas bienvenue.

Connue de tous, l’affaire Leonarda – qui concernait en réalité le droit au séjour de l’ensemble de la famille de celle-ci – a, à elle seule, donné lieu, du 20 août 2009 au 9 octobre 2013, date de la reconduite de la famille à la frontière, à dix-huit décisions successives de refus d’admission au séjour, dont deux décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), six de plusieurs préfets et huit décisions juridictionnelles. Cela doit nous conduire à interroger la pertinence d’une législation qui permet une telle inflation procédurale, et dont l’objet est si facilement manqué.

J’évoque en détail le contentieux DALO dans mon rapport. Des personnes mal logées remplissant certaines conditions peuvent formuler une demande de logement social devant une commission de médiation, qui la rejette ou l’accepte. L’acceptation pourrait valoir instruction pour les services de l’État de trouver un logement adapté aux demandeurs, éventuellement sous une astreinte dont le barème pourrait être fixé de façon forfaitaire. Tel n’est pas le cas. Si l’État n’arrive pas à satisfaire la demande, le demandeur peut se tourner vers le tribunal administratif, qui condamne alors l’État à une astreinte provisoire – dont le montant aurait été plus utilement affecté à la construction de logements. Une fois le logement trouvé, en général après plusieurs années, le tribunal devra aussi liquider l’astreinte définitive.

Ce contentieux – francilien pour l’essentiel, puisque 83 % des procédures concernent l’Île-de-France – n’apporte aucune autorité supplémentaire à la décision de la commission de médiation. Il n’améliore en rien la construction de logements, mais coûte des juges, des greffiers et divers frais de justice. Il représente 25 % des procédures devant le tribunal administratif de Melun. Le Gouvernement ne pourrait-il pas envisager une modification de la loi afin de désengorger les tribunaux administratifs en mettant un terme à ces procédures aussi nombreuses qu’inopérantes ? La maîtrise des effectifs de l’État passe aussi par la suppression des tâches inutiles de ses agents !

De la même manière, un projet de réforme du droit d’asile a été déposé devant le Parlement : saura-t-il éviter d’encombrer la justice administrative avec de nouvelles procédures inutiles et inefficaces ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. L’affaire Leonarda illustre une forme de dérive de notre droit. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite rapidement mettre à l’ordre du jour des assemblées une réforme du droit d’asile, dans l’intérêt même des personnes concernées. Il faut en effet mettre un terme à ces situations ambiguës où, après des années de procédure, des demandeurs d’asile considèrent, parce qu’ils y vivent depuis longtemps, qu’ils sont accueillis sur notre territoire, alors que les conditions du droit ne le permettent pas.

De même, la loi DALO semble se traduire aujourd’hui dans les faits par une inflation de recours et des injonctions contradictoires, avec toutes les conséquences que l’on sait sur les politiques publiques en matière de logement. Cela doit nous amener à nous interroger sur les lois votées à l’unanimité, celle-ci étant souvent obtenue au prix d’une forme d’hypocrisie qui conduit à occulter les véritables problèmes. Il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de questions dépassant largement les enjeux budgétaires.

Le rapporteur spécial a évoqué le cas du tribunal de Melun. Notre plus grand centre de rétention administrative – Le Mesnil-Amelot – dépend de sa juridiction, ce qui explique que le contentieux des étrangers représente 35 % de son activité. J’ai tendance à penser que la loi sur l’immigration de 2011 a eu pour conséquence une augmentation du contentieux, situation à laquelle nous entendons notamment remédier par la création de trente-cinq postes dans la juridiction administrative. Cependant, les vraies solutions viendront des simplifications proposées par le projet de loi sur la réforme du droit d’asile.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. La mission budgétaire « Conseil et contrôle de l’État » voit ses crédits augmenter de 6,2 millions d’euros, soit une hausse de 1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 en ce qui concerne les crédits de paiement ; ils sont toutefois en baisse pour les autorisations d’engagement. Le principal facteur de hausse réside dans le budget alloué aux juridictions administratives, qui passe en crédits de paiement de 375 à 383 millions d’euros, les autres programmes étant soit stables, soit en baisse. Hors augmentation des dépenses de personnel, les juridictions administratives réalisent bel et bien des économies, puisque leurs dépenses de fonctionnement baissent par rapport à l’an dernier.

Ce budget traduit la priorité accordée au renforcement des moyens alloués à la justice, y compris administrative, notamment pour réduire les délais de traitement qui sont un problème récurrent. Cette politique porte ses fruits, avec une réduction notable des délais de jugement en ce qui concerne le Conseil d’État et surtout la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). La baisse est moins prononcée pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. Les moyens supplémentaires ont également permis la création de deux tribunaux administratifs – à Montreuil et à Toulon – et d’augmenter les capacités de jugement de certaines juridictions, notamment en Île-de-France.

Ces bons résultats ne doivent toutefois pas cacher le fait que les délais sont encore trop longs et qu’un stock important de dossiers reste en attente. Il faut donc poursuivre les efforts, en raison non seulement de l’augmentation constante des contentieux, mais également des QPC, qui représentent une nouvelle charge de travail, et de la réforme de la procédure applicable aux contentieux sociaux, qui facilite l’accès des personnes les plus fragiles à la justice.

D’autres réformes fixent des objectifs ambitieux ; ainsi, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile entend-il raccourcir les délais de procédure. Si le projet de loi de finances pour 2015 prévoit le renfort de 9 ETP, venant s’ajouter aux 349 existants, le Gouvernement peut-il nous indiquer les autres moyens qu’il compte allouer à la CNDA pour lui permettre de tenir ces objectifs ?

Nous avions abordé, l’an dernier, la question du chantier entamé par le CESE pour remédier à la dégradation de l’équilibre financier de la caisse de retraite des membres et anciens membres du Conseil. Il serait souhaitable que l’Assemblée soit informée de l’état d’avancement de ce dossier. Je souligne également l’intérêt qu’il y aurait pour les assemblées parlementaires à saisir davantage qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent le CESE, en particulier sa délégation à la prospective et à l’évaluation des politiques publiques.

Mme Marie-Christine Dalloz. La mission « Conseil et contrôle de l’État » se composait, jusqu’en 2013, de trois programmes : « Conseil d’État et autres juridictions administratives », « Cour des comptes et autres juridictions financières » et « Conseil économique, social et environnemental », auquel s’adjoint, depuis, le programme « Haut Conseil des finances publiques ».

Près de 60 % des 636 millions d’euros consacrés à la mission le sont à la justice administrative, 34 % aux juridictions financières et 6 % au CESE. En raison de leurs spécificités, ces programmes sont préservés des contraintes habituelles de régulation budgétaire.

Les crédits du programme 165 « Conseil d’État et autres juridictions administratives » sont de 383 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse par rapport à 2014. En 2015, comme en 2014, ce programme comptera trente-cinq ETP supplémentaires. Une nouvelle fois, ces créations d’emploi seront prioritairement destinées à renforcer les effectifs de la Cour nationale du droit d’asile.

Dans ce programme, je veux souligner la dangereuse hausse des délais de jugement. Malgré des résultats positifs dans la maîtrise de ces délais, les progrès demeurent fragiles. En effet, les contentieux de masse liés au DALO, au revenu de solidarité active ou à la réglementation sur les étrangers continuent de progresser : sur les six premiers mois de 2014, ils ont augmenté de 16 % devant les tribunaux administratifs et de 7 % devant les cours administratives d’appel.

S’agissant du programme 126, le CESE disposera en 2015 de 38,3 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse par rapport à l’année précédente. Il réduira son plafond d’emplois en 2015, mais de seulement trois ETP. Les crédits de fonctionnement augmenteront de près de 800 000 euros et les dépenses de personnel de près de 1 million. Les réflexions engagées sur l’évolution et la modernisation de nos institutions doivent nous conduire à analyser la valeur ajoutée de cette institution : a-t-elle encore sa place dans notre architecture institutionnelle ?

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial pour la mission « Conseil et contrôle de l’État ». J’ai insisté dans mon rapport sur l’explosion du nombre de recours – lors de ma visite à Melun, j’ai assisté en personne au dépôt de quarante-quatre recours simultanés par des étrangers – et attiré l’attention du Gouvernement sur le fait qu’on ne peut laisser les choses en l’état, malgré l’engagement extrême dont font preuve les magistrats sur le terrain. En matière de droit d’asile et d’immigration, le taux de reconduites à la frontière doit nous conduire à nous interroger sur l’efficacité de nos dispositifs législatifs, quelle que soit la majorité qui les ait portés.

Je tiens également à insister sur les efforts importants accomplis par le CESE. Si j’ai regretté dans mon rapport que la saisine par pétition sur un projet de loi n’ait pas été possible, j’espère néanmoins que le président de l’Assemblée nationale tiendra compte de la proposition que je lui ai faite et qui vise à réaffirmer le rôle du CESE.

M. Marc Le Fur. Je m’interroge, comme Marie-Christine Dalloz, sur le rôle et l’existence du CESE.

En ce qui concerne la justice administrative, ne pourrait-on pas accélérer certaines procédures en ayant recours au juge unique ? Cela n’irait nullement à l’encontre de la démocratie, et c’est d’ailleurs la règle dans la plupart des pays anglo-saxons.

Je considère par ailleurs que l’accès aux tribunaux administratifs n’est pas suffisamment filtré aujourd’hui. Il existait des filtres financiers, mais ils ont été supprimés par l’actuelle majorité. Quant aux magistrats, ils ont laissé dériver l’intérêt à agir, notamment au bénéfice des associations, qui ont tendance à remettre systématiquement en cause nos projets locaux. Un des rares articles de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) entendait remédier à cette situation.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. La question du CESE s’inscrit dans une interrogation plus globale sur le fonctionnement de nos institutions, qui est appelée à nourrir le débat politique dans les mois et les années à venir. Le président Jean-Paul Delevoye a des propositions très intéressantes à formuler pour faire évoluer le CESE et conforter son rôle dans notre démocratie. Pour l’heure, il faut souligner les progrès accomplis dans la gestion de l’institution.

Quant au contentieux des étrangers, il faut préciser que l’expérience du rapporteur spécial à Melun s’inscrit dans le cadre particulier des mesures d’expulsion des migrants de Calais. La procédure ne s’est certes pas déroulée de manière satisfaisante et, au vu des mauvais résultats, il a été décidé qu’on agirait désormais autrement.

Sans préjuger du débat parlementaire sur la réforme du droit des étrangers, je vous indique que, à la suite des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, le déclenchement de la procédure prioritaire ne sera plus automatique et que, corrélativement, le contentieux lié à cette procédure – laquelle sera désormais un moyen pouvant être évoqué devant la CNDA – ne sera plus jugé par les tribunaux administratifs ; c’est donc tout un pan du contentieux qui est voué à s’éteindre. S’agissant ensuite du contentieux lié aux obligations de quitter le territoire français (OQTF), il sera lui aussi simplifié, et les OQTF, après refus d’asile, seront désormais traitées par un juge unique, selon la procédure accélérée.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures cinq.

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