Accueil > Projet de loi de finances pour 2015 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2015) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale
de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 29 octobre 2014

Présidence de M. Dominique Lefebvre,
vice-président de la Commission des finances,
et de M. Jean-Jacques Urvoas,
président de la Commission des lois,
et de M. François Brottes,
président de la Commission des affaires économiques.

La réunion de la commission élargie commence à seize heures quinze.

projet de loi de finances pour 2015

Outre-mer

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre des outre-mer, nous sommes heureux de vous accueillir pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2015.

M. le président François Brottes. Cette mission est l’une des rares du projet de loi de finances dont les crédits augmentent. À l’occasion de cette commission élargie, je veux saluer le travail que nous menons, toutes tendances politiques confondues, sur la question ultramarine, notamment au sein de la Commission des affaires économiques.

Après la loi Lurel relative à la régulation économique dans les outre-mer, nous avons travaillé sur la transition énergétique avec la Délégation, afin de montrer à quel point les énergies renouvelables pouvaient trouver une place singulière dans ces territoires, puis sur l’habitat, un des secteurs de prédilection de Serge Letchimy. Tous les députés se sentent désormais concernés par les questions ultramarines et les actions défendues par les élus d’outre-mer prennent une dimension universelle, dans la mesure où nous pouvons, dans ces territoires, être plus démonstratifs qu’ailleurs, dans la mesure où, sur le plan environnemental, les richesses qu’ils recèlent nous donnent une place particulière en matière de biodiversité à l’échelle de la planète. La progression des crédits de cette mission n’est donc pas le fait du hasard.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. C’est peu de dire que la Commission des lois s’intéresse aussi à la situation des outre-mer. Le caractère récurrent de nos discussions budgétaires nous donne l’occasion, année après année, d’approfondir notre connaissance des questions qui se posent dans ces départements et collectivités. En Polynésie française, l’arrivée du nouveau président Édouard Fritch permet d’espérer que se retissent des liens de confiance et de responsabilité avec l’État.

Comme c’est l’usage, nos deux rapporteurs pour avis ont centré leurs efforts sur un sujet, de façon à assurer une continuité dans l’observation des finances. René Dosière, qui s’est penché sur les enjeux économiques et sociaux dans les collectivités d’outre-mer, nous alerte notamment sur la situation de la protection sociale en Polynésie française. Pour surmonter leurs difficultés, ces collectivités ont certains leviers à leur disposition. Philippe Gomes ne me démentira pas si je dis que la politique industrielle dans le domaine du nickel en Nouvelle-Calédonie est un sujet ô combien d’actualité.

De son côté, Alfred Marie-Jeanne poursuit sa réflexion sur la justice dans les départements d’outre-mer. Madame la ministre, vous connaissez très bien ce sujet : avec la garde des sceaux, vous avec été destinataire en juillet dernier d’un rapport sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer qui faisait suite à un travail, effectué en 2012 et 2013, sur les établissements pénitentiaires de la Nouvelle-Calédonie et de La Martinique. Malheureusement, la situation se dégrade, année après année, alors que l’État fait des efforts de reconstruction car les outre-mer sont concernés à de multiples chefs par les plans adoptés par la chancellerie. Le rapport d’Alfred Marie-Jeanne est une mine d’informations sur la peine de probation et sur les raisons pour lesquelles elle ne se développe pas suffisamment dans les outre-mer.

Je les remercie tous les deux pour la qualité de leur rapport et je vous remercie par avance, madame la ministre, pour celle des réponses que vous leur apporterez.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le président des affaires économiques voulait ajouter un mot avant que Patrick Ollier, rapporteur spécial de la Commission des finances, n’intervienne sur les dispositions fiscales propres à l’outre-mer, qui font l’objet de nombre de nos débats.

M. le président François Brottes. Au temps où Patrick Ollier présidait la Commission des affaires économiques, j’avais du mal à prendre la parole, alors j’en profite aujourd’hui pour m’exprimer deux fois avant lui. (Sourires.)

Je voulais prévenir les membres de la Commission des affaires économiques que le vote sur l’excellent rapport d’Éricka Bareigts aurait lieu à l’issue de cette séance. Éricka Bareigts, qui était rapporteure du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, a aussi co-écrit un rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer, ces zones insulaires non interconnectées comme on les désigne dans le jargon.

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président de la Commission des affaires économiques, je vous ferais remarquer que, malgré toute ma pugnacité, je n’ai jamais réussi à vous empêcher de parler durant mes dix années de présidence. Je vous sais gré de me reconnaître une autorité que je n’ai jamais pu avoir sur vous…

Madame la ministre, je tenais à vous remercier pour la qualité des échanges que j’ai pu avoir avec vous et avec les membres de votre cabinet, ce qui nous a permis de travailler en confiance. Aussi ai-je été étonné des délais tardifs avec lesquels les documents budgétaires me sont parvenus, et tout particulièrement le document de politique transversale. Je n’ai pas été informé non plus du retard pris dans la mise en œuvre des deux crédits d’impôt institués par la loi de finances initiale pour 2014, qui restent dans l’attente de la décision de la Commission européenne. Je n’ai pas pu obtenir les détails que je souhaitais à ce sujet. J’espère que vous ferez les remarques qui s’imposent afin que ces problèmes ne se reproduisent pas l’année prochaine.

Concernant la mission « Outre-mer », je me réjouis de constater une hausse de 0,3 % des crédits de paiement pour un budget qui s’élèverait donc à 2,06 milliards d’euros en 2015. Les autorisations d’engagement sont, quant à elles, en baisse de 2,3 %, ce qui ne sera pas préjudiciable à l’outre-mer, à condition que les perspectives du budget triennal prévoyant une progression de 4,7 % sur la période 2014-2017 soient respectées. Malgré la conjoncture économique, le budget de l’outre-mer est en partie épargné par les coupes budgétaires, ce dont, moi aussi, je me félicite : son caractère prioritaire pour le pays est ainsi reconnu comme nous l’appelions de nos vœux. Avec un taux de chômage qui dépasse 25 % et qui frôle même 60 % chez les jeunes, nos collectivités ultramarines ont plus que jamais besoin d’une politique responsable et efficace.

Aux crédits budgétaires s’ajoutent les dépenses fiscales qui représentent un effort supplémentaire de l’État à hauteur de 3,8 milliards d’euros. Si j’ai accepté d’être rapporteur spécial pour l’outre-mer, c’était précisément pour défendre le maintien de ces dispositifs de défiscalisation qui sont les seuls moyens de créer de la richesse et des emplois dans ces territoires, et qui ne méritent donc pas d’être qualifiés de niches fiscales.

Les dépenses en faveur de l’investissement productif et du logement social demeurent des leviers essentiels de mobilisation de l’épargne privée au service du développement économique. Représentant près de 1 milliard d’euros, elles confirment toujours davantage leur caractère incitatif pour les investisseurs et leurs effets bénéfiques pour les secteurs prioritaires de l’économie ultramarine. Je me réjouis donc de les savoir désormais consolidées.

De même, j’approuve la proposition du Gouvernement de majorer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) pour les entreprises situées dans les départements d’outre-mer. Cette mesure, évoquée dans le rapport de la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale établi par Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes, représentera sans aucun doute une aide précieuse pour les entreprises et un moyen supplémentaire de retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi. Elle complète utilement les mesures d’exonérations prévues dans le cadre du programme « Emploi » pour un peu plus de 1,1 milliard d’euros. J’appelle cependant votre attention, madame ma ministre, sur le fait que le recentrage croissant sur les bas salaires constitue un levier important mais pernicieux : je crains qu’il entraîne l’emploi ultramarin dans un effet de trappe à bas salaires.

Je suis heureux que cette majoration soit également appliquée au crédit d’impôt recherche (CIR), conformément à la position que j’ai vivement défendue. La dernière étape à envisager serait d’étendre cette logique au crédit d’impôt innovation (CII) afin de cibler les PME qui en ont aussi besoin. Cette piste est-elle envisagée par le Gouvernement ?

Quel est l’avenir des deux dispositifs spécifiques que sont l’octroi de mer et la TVA non perçue récupérable ? Alors qu’ils constituent une réserve de ressources indispensables pour les collectivités et les entreprises ultramarines, leur pérennité ne semble pas assurée à court terme pour la TVA non perçue récupérable et à l’échéance de 2020 pour l’octroi de mer. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Je dois également vous faire part de mon inquiétude concernant les crédits dévolus à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), qui baissent de 17 % à périmètre constant. Lors des auditions, j’ai pu constater la volonté de la nouvelle direction de LADOM de moderniser les procédures et de rationaliser les dispositifs afin de participer à l’effort de maîtrise des coûts. Par ailleurs, j’ai conscience que le système de guichet illimité et « tout public » qui prévalait jusqu’à présent dans le dispositif de l’aide à la continuité territoriale ne pouvait perdurer au vu de la croissance exponentielle des demandes : elles ont augmenté de 10 % en 2014. La mise en place d’un droit triennal se justifie amplement afin d’éviter les dérives et abus en tout genre. Quelles sont les conclusions de l’étude d’impact menée sur le sujet ?

Enfin, je terminerai mon propos sur l’article 57 du projet de loi de finances qui propose la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière dont le montant est de 3 millions d’euros. J’ai entendu les arguments du ministère visant à démontrer le caractère globalement inefficace de cette aide, mais je regrette qu’elle soit supprimée de manière brutale sans dispositif de sortie. Or cette aide est particulièrement utilisée par certains territoires, notamment par la collectivité de Saint-Martin dont l’activité touristique a besoin d’être soutenue pour résister à la concurrence de la partie néerlandaise de l’île et à celle des îles voisines.

Avec Daniel Gibbes, je présenterai donc un amendement visant à appliquer un taux majoré de 45,9 % aux travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtels réalisés à Saint-Martin. J’espère, madame la ministre, mes chers collègues, que cet amendement sera adopté.

Pour conclure, j’émets un avis favorable aux crédits de la mission.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Outre-mer ». Dans le contexte actuel, il est appréciable que le budget des outre-mer soit stabilisé et que les crédits de paiement s’inscrivent même en légère hausse. Cela étant, la diminution des autorisations d’engagement – notamment en ce qui concerne le logement – nous invite à la vigilance.

Sur un budget de 18 milliards d’euros, la mission « Outre-mer » représente 2 milliards d’euros en crédits budgétaires et surtout 3,8 milliards d’euros en dépenses fiscales. S’agissant des crédits budgétaires, la baisse des crédits du Fonds de continuité territoriale et du Fonds exceptionnel d’investissement suscite mon inquiétude.

En quelque sorte victime de son succès, l’aide à la continuité territoriale voit ses crédits diminuer de 10 millions d’euros. Comme Patrick Ollier, je pense qu’il aurait mieux valu revoir les critères d’attribution que de procéder à une coupe sèche, d’autant que des conventions ont été passées avec les collectivités locales.

Les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement baissent également de 10 millions d’euros, alors que le Président de la République avait promis que ce fonds serait doté de 500 millions d’euros en cinq ans, entre 2012 et 2017. L’abondement atteignait à peine de 25 millions d’euros la première année et il n’a jamais dépassé 50 millions d’euros par an. Personnellement, je plaide pour que l’engagement du Président de la République soit respecté. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

Le projet de loi de finances pour 2015 comporte deux mesures fiscales qui me semblent très intéressantes : la majoration à 50 % du CIR et la majoration à 9 % du CICE. Cet effort en faveur du CIR est d’autant plus important que nous sommes dans une dynamique de recherche de filières économiques à exploiter et que la question de l’innovation est essentielle.

En ce qui concerne le CICE, le Gouvernement a été bien inspiré de reprendre la proposition de la Délégation aux outre-mer, présidée par Jean-Claude Fruteau. Pour les entreprises ultramarines, son taux passera à 7,5 % dès le 1er janvier 2015, puis à 9 % en 2016. Pour ma part, je plaide pour l’application d’un taux majoré de 12 % aux six secteurs d’activités que la Loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) avait jugés particulièrement exposés à la mondialisation. Il ne faut pas le réserver au seul secteur du tourisme.

L’article 57 du projet de loi de finances prévoit la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière (ARH), réservée aux établissements de moins de 100 chambres, que sa complexité a rendue quasiment inutilisable. Pourtant, il faut absolument maintenir une politique d’investissements, de rénovation et de construction d’hôtels. Outre son effet sur les comptes d’exploitations en termes de réduction des charges, le CICE doit aider les entreprises du tourisme à résoudre les trois problèmes auxquels elles sont confrontées : l’investissement, la formation professionnelle et l’approvisionnement.

C’est pourquoi je propose la création d’un nouveau type d’aide pour le tourisme, sur le modèle du programme d’action spécifique à l’éloignement et à l’insularité du secteur agricole. Avec ce « POSEI tourisme », il s’agit de subventionner l’effort d’approvisionnement en produits locaux, en partant du constat que plus de 80 % des produits consommés dans les hôtels sont importés, notamment de l’hexagone. Ce « POSEI tourisme » peut enclencher une véritable dynamique. Nous devrions avoir l’audace de mesurer les retombées d’un CICE à 12 % sur l’investissement, la formation professionnelle et l’approvisionnement.

Dans mon rapport, j’ai formulé dix propositions. L’une porte sur le désenclavement qui reste une question centrale, notamment depuis l’arrêt de desserte des Antilles au départ de Roissy qui avait pour but d’attirer des touristes internationaux. Une autre concerne l’assouplissement des procédures de délivrances de visas. Je préconise aussi une réforme du code du travail qui tienne compte de la saisonnalité : il faut accompagner les gens qui se forment en période creuse et leur accorder des droits. Enfin, nous devons préparer la session du Conseil national de promotion du tourisme, dédiée aux outre-mer, que vous avez appelée de vos vœux, madame la ministre, et qui va se tenir en 2015. Il s’agit d’entrer dans la dynamique d’une nouvelle ingénierie pour le tourisme.

Mon intervention a porté principalement sur le tourisme, mais tous les secteurs sont concernés par votre budget. J’invite d’ailleurs mes collègues à voter en faveur de ces crédits, en légère augmentation, de la mission « Outre-mer ».

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises. Dans le bref temps de parole qui m’est imparti, madame la ministre, je me contenterai de vous poser quelques questions sur les territoires dont j’assure en quelque sorte le contrôle parlementaire.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, nous entrons dans le processus de sortie de l’Accord de Nouméa, qui n’a rien d’une opération simple, en tout cas d’un chemin facile. Je voudrais vous interroger plus particulièrement sur la composition du corps électoral particulier retenu pour cette consultation de sortie, différent de celui qui existe pour les élections provinciales. Il conviendrait que tout soit mis en œuvre afin de prévenir toute contestation sur la régularité de ce corps électoral. D’après le Conseil d’État, il faudrait modifier la loi organique. Qu’en pensez-vous ?

Pour ma part, je suis résolument hostile à ce qu’une mission de contrôle de l’Organisation des Nations unies, quelle qu’elle soit, vienne vérifier si nous appliquons correctement notre législation. J’aimerais que vous puissiez nous donner votre sentiment sur cette idée émise par certains indépendantistes.

Le processus de transfert de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) aux institutions calédoniennes n’a pas encore été engagé. Pouvez-vous me dire quand et comment vous envisagez ce transfert ?

S’il est important que les Calédoniens – j’en profite pour saluer notre collègue Philippe Gomes – mettent en place une stratégie nickel à l’échelle de leur territoire, il importe aussi que la France ait une politique nationale et internationale dans ce domaine. Je souhaiterais que vous puissiez sensibiliser votre collègue de l’industrie sur ce point.

En Polynésie française, une page de l’histoire politique se tourne avec le départ quelque peu forcé de Gaston Flosse et l’arrivée d’Édouard Fritch. Le nouveau président de la Polynésie française peut s’appuyer sur une majorité renforcée et manifeste le souci d’entretenir avec le Gouvernement français des relations beaucoup plus directes, franches et cordiales que son prédécesseur. C’est un effort que je salue. Une mission vient de souligner les difficultés du régime social, tout à fait particulier, de la Polynésie française. Envisagez-vous de rétablir l’aide que la France accordait traditionnellement à ce régime jusqu’en 2007 ? Si oui, à quelles conditions ? Quels sont les efforts que la collectivité devrait réaliser pour que la France puisse à nouveau s’engager à côté de la Polynésie dans le financement de régime social ?

Concernant Saint-Martin, je voudrais vous rappeler la proposition intéressante de mon collègue Daniel Gibbes : la mise en place d’une instance institutionnelle de coopération entre les deux parties de l’île. À défaut, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour éviter que les fonds que la France attribue à la partie française de Saint-Martin cessent de financer la partie hollandaise, sachant que des millions d’euros sont en jeu ?

Enfin, dans son dernier rapport sur la santé outre-mer, la Cour des comptes a insisté sur les difficultés et le fort endettement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Qu’envisagez-vous de faire pour résorber cette dette ?

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d’outre-mer. Dans le cadre des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2015, j’ai pensé qu’il était opportun d’intervenir sur le développement de la probation et des peines exécutées en milieu ouvert outre-mer, dans le droit fil de mon précédent avis sur le milieu fermé et la surpopulation carcérale.

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, je prends acte de l’effort annoncé par le Gouvernement en faveur de la justice dans les outre-mer : développement des aménagements de peine pour donner toute sa place au milieu ouvert, rénovation du parc pénitentiaire pour répondre à la surpopulation carcérale, renforcement des moyens humains et financiers pour accompagner la mise en œuvre de la contrainte pénale créée par la loi du 15 août 2014.

Le recours aux aménagements de peine demeure trop faible dans les outre-mer où seulement 15 % des personnes condamnées bénéficiant d’un aménagement contre 20 % sur l’ensemble du territoire national. Ce constat est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans une situation très dégradée, car nous faisons déjà face à la vétusté et à la surpopulation de nos établissements pénitentiaires.

Sur toutes ces problématiques, je souhaiterais, madame la ministre, vous poser quelques questions.

Premièrement, c’est un fait que trop peu de peines sont exécutées en milieu ouvert, d’où un retard considérable dans la mise en œuvre d’alternatives crédibles et efficaces à la détention. Quelles mesures vont être prises pour développer une culture judiciaire et pénale plus favorable aux peines en milieu ouvert ?

Par ailleurs, je voudrais insister sur la nécessité d’adapter la politique pénale nationale aux spécificités de chaque territoire. Le manque de prise en compte de ces spécificités est l’un des facteurs qui explique le retard pris dans le développement de la probation. Je prends acte de la publication, depuis mai 2012, des quatre circulaires territoriales de politique pénale concernant respectivement la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Nouvelle-Calédonie. Cette territorialisation de la politique pénale était attendue.

Quel bilan le Gouvernement dresse-t-il de l’application de ces circulaires au regard des objectifs assignés ? Pouvez-vous également nous indiquer si de nouvelles circulaires propres à d’autres territoires seront prises ? Plus largement, quelles sont, selon vous, les adaptations qu’il convient d’apporter à la politique pénale pour mieux prendre en compte leurs contraintes, notamment géographiques ?

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines prévoit des outils d’évaluation de la personnalité, de la situation matérielle, familiale et sociale des personnes sous main de justice, dans le but de mieux individualiser les peines et de renforcer le suivi en milieu ouvert. Or, selon les données qui m’ont été transmises, ce programme d’études actuellement en cours de réalisation se déroule dans six services pénitentiaires d’insertion et de probation situés en France métropolitaine. À mon grand étonnement, les spécificités des outre-mer et de la population pénale de ces territoires ne seront donc pas prises en compte. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer si les services pénitentiaires d’insertion et de probation outre-mer seront directement concernés ou pas ?

Deuxièmement, s’agissant du milieu fermé, les établissements pénitentiaires en outre-mer se caractérisent par leur état de vétusté et de surpopulation, maintes fois dénoncé. Il ressort de mes travaux qu’en outre-mer, plus encore qu’ailleurs, le milieu fermé doit être pensé en complément du milieu ouvert. Les personnes détenues présentent, en règle générale, un taux de récidive plus élevé que celles exécutant une peine en milieu ouvert. Ce taux de récidive est d’autant plus élevé que les conditions de détention sont mauvaises. Ce constat, très largement connu et admis, a fait l’objet d’un rapport sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer. Remis à la garde des sceaux en mars 2014, il formule une quarantaine de propositions.

Madame la ministre quelles sont les mesures envisagées, pour améliorer les conditions de vie des détenus dans les établissements pénitentiaires en outre-mer ? Plus précisément, quelles sont les mesures urgentes qui vont être prises concernant le centre pénitentiaire de Ducos en Martinique, pour lequel l’État a été condamné le 17 octobre dernier par le tribunal administratif de Fort-de-France ? Pouvez-vous enfin nous indiquer les suites qui vont être données aux propositions formulées par le groupe de travail sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer ? Quelles sont les propositions qui ont vocation à être mises en œuvre et suivant quel calendrier ?

Troisièmement : cette situation particulièrement dégradée du milieu fermé comme du milieu ouvert est le résultat d’un manque global de moyens budgétaires et humains. Le parc immobilier est insuffisant ; il n’offre pas assez de places pour la détention et de structures d’accueil pour le milieu ouvert. Les nombreux travaux annoncés depuis plusieurs années figurent dans le budget pour 2015, notamment la construction d’un centre de semi-liberté en Martinique, d’un établissement pénitentiaire à Koné dans la province Nord de Nouvelle-Calédonie et la rénovation du centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania en Polynésie.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser l’état d’avancement de ces projets immobiliers, leur calendrier de réalisation ainsi que la répartition des places entre milieu fermé et milieu ouvert ?

L’entrée en vigueur, le 1er octobre 2014, de la nouvelle peine de contrainte pénale et de la nouvelle procédure de libération sous contrainte permettra indéniablement de diversifier la réponse pénale et de mieux individualiser le suivi de chaque personne condamnée. Quelque 1 000 créations de postes sont annoncées dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation entre 2014 et 2017. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer combien de ces postes seront affectés aux outre-mer pour combler leur retard et mettre en œuvre la réforme pénale ?

M. Dominique Lefebvre, président. Je remercie nos rapporteurs d’avoir globalement respecté le temps qui leur était imparti.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Messieurs les présidents, messieurs les rapporteurs, je souhaite d’abord vous exprimer mes remerciements chaleureux pour votre mobilisation dans le cadre de nos travaux budgétaires. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’être aussi nombreux, ce qui témoigne de l’intérêt porté par la représentation nationale aux outre-mer.

Vous m’avez signalé quelques retards de transmission, que je regrette. Je ferai part de vos remarques à mes services, mais il faut reconnaître qu’ils font en général ce qu’ils peuvent. Quant aux retards concernant les instances européennes, ils ne nous sont pas forcément imputables : nous entretenons un dialogue suivi avec la Commission qui nous répond à son rythme. Mais j’ai une bonne nouvelle : ce matin, après des mois d’efforts, le collège des commissaires a enfin adopté la proposition de décision concernant l’octroi de mer. Tout arrive… Nous allons pouvoir engager la procédure en vue de son adoption par le Parlement européen.

Tout en s’inscrivant dans un contexte de crise où des économies sévères sont demandées à la nation tout entière, le budget que je vous présente exprime l’importance accordée par le Président de la République et du Premier ministre aux outre-mer : il est en hausse. Nous réaffirmons ainsi la volonté de décliner dans les départements et collectivités d’outre-mer une stratégie pour la croissance et l’emploi qui est amplement nécessaire.

En 2015, les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » s’élèveront à 2,064 milliards d’euros, ce qui représente une progression de 0,3 % par rapport à 2014. Dans le cadre du budget triennal, les crédits de paiement augmenteront de 5,5 % et dépasseront 2,170 milliards d’euros en 2017.

Cette progression de nos crédits est en réalité plus importante que ne le laisse entendre cette première présentation. En effet, une mesure de périmètre conduit à déplacer une partie des crédits pour la compensation des exonérations de charges sociales vers le budget de la Sécurité sociale. Si l’on réintègre ces crédits, la croissance du budget des outre-mer atteint 2,7 % cette année et 8,3 % sur la période 2015-2017. Je tiens également à souligner que les indicateurs de l’action de l’État en outre-mer, qui sont présentés dans le cadre du document de politique transversale (DPT), font apparaître la même évolution positive sur l’ensemble des champs d’intervention de l’État.

Le budget des outre-mer est tourné vers la création et le développement de l’emploi, dans la droite ligne des orientations définies par mon prédécesseur Victorin Lurel dont je salue l’action très positive. Quelque 1,129 milliard d’euros seront consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales patronales. Ce poste va progresser d’environ 200 millions euros sur l’ensemble du quinquennat, ce qui montre l’ampleur de l’effort consenti pour améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines et les aider à faire face à la concurrence régionale et internationale qu’elles doivent affronter.

Nous avons aussi souhaité renforcer le CICE de manière à ce que les entreprises profitent au maximum de l’effort que nous faisons pour alléger le coût du travail dans les outre-mer. Nous ne le faisons pas seulement par amour pour l’entreprise, ce qui en soit est tout à fait louable ; nous avons l’espoir d’améliorer la situation de l’emploi dans les outre-mer, proprement catastrophique comme vient de le rappeler le rapporteur.

En matière d’aide au premier emploi et d’accompagnement de l’économie sociale et solidaire, nous avons signé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations, le 30 septembre dernier. Il s’agit de faciliter la création de petites entreprises dans ce domaine, et de les aider à embaucher un premier salarié. Cette initiative devrait contribuer à améliorer significativement la situation de l’emploi dans les outre-mer.

Dans ce budget 2015, nous réaffirmons aussi la priorité accordée à la formation et à l’insertion des jeunes. En ce qui concerne le service militaire adapté au profit des jeunes ultramarins sortis du système scolaire sans qualification (SMA), nous maintenons l’objectif de porter le nombre des bénéficiaires à 6 000 au cours du quinquennat. Ses moyens sont donc maintenus voire augmentés pour qu’il puisse accueillir un plus grand nombre de stagiaires encore.

Nous avons aussi consolidé les crédits de LADOM dont le travail en faveur de l’accès des jeunes à la qualification et à l’emploi mérite d’être salué. Les crédits de LADOM intègrent désormais la dotation de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) de manière à assurer une unité de la formation des jeunes de l’outre-mer, avec en perspective l’accueil de 4 800 stagiaires.

Il me paraît indispensable de souligner la cohérence des choix opérés dans le cadre de ce budget. La priorité étant l’emploi, et notamment l’accès à l’emploi des jeunes, nous avons été obligés de sacrifier d’autres lignes budgétaires qui nous semblaient moins importantes.

S’agissant de l’aide à la continuité territoriale, nous avons préservé – voire augmenté – les crédits du passeport mobilité études et formation professionnelle. Nous considérons que les jeunes ont avant tout besoin de se former et d’accéder à un emploi ; il y va de leur dignité. Nous avons donc diminué les crédits de l’aide à la continuité territoriale « tout public », afin de préserver les moyens en faveur des familles les plus démunies et de la formation. Cette décision a provoqué un peu d’émotion dans les outre-mer, ce que je peux comprendre, mais nous avons besoin de nous concentrer sur l’essentiel. Nous verrons s’il est possible d’entendre certaines demandes, notamment des plus modestes ; reste qu’en multipliant les possibilités de voyage, notamment pour les familles des classes moyennes, certaines régions ont fait exploser le dispositif. Un coup d’arrêt s’imposait.

Ma troisième priorité, le logement, correspond à une aspiration profonde et à des attentes quotidiennes de nos concitoyens. Pour mener une vie digne, il est essentiel d’avoir un logement décent. J’ai eu beaucoup de plaisir à visiter récemment, avec Mme Gabrielle Louis-Carabin, députée maire du Moule, les opérations de résorption de l’habitat insalubre dans cette commune, en respectant les habitudes des gens, leur jardin, leur petite maison, etc. C’est un exemple tout à fait remarquable de ce qui peut être fait outre-mer pour apporter la modernité et le confort dans le respect des traditions locales.

Les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique (LBU) sont stables mais affirmés en faveur de la construction de logements sociaux dont la ligne progresse de 2,8 %. Les capacités d’engagement en faveur de la construction neuve et de la réhabilitation sont intégralement préservées dans le budget triennal. Ce faisant, je réponds aux inquiétudes exprimées par le rapporteur car je n’ignore pas que la LBU, très importante pour les outre-mer, est scrutée par les élus et qu’il est très difficile d’y toucher.

Je connais aussi votre attachement au logement intermédiaire dont vous avez discuté ce matin avec Mme Pinel. Le ministère des outre-mer est bien évidemment à vos côtés pour maintenir ce logement intermédiaire qui marque souvent une étape dans le parcours d’une famille après le logement locatif très social et avant l’accès à une petite maison. Nous devons respecter ces trajectoires de vie. Vous avez demandé un relèvement du plafond à 18 000 euros et je suis persuadée que nous parviendrons à trouver une solution pour lever les contraintes qui s’imposent à ce dispositif.

Vous avez inscrit plusieurs autres amendements dans votre programme de travail : une meilleure adaptation au contexte particulier des outre-mer du crédit d’impôt de transition énergétique ; le recours au crédit d’impôt défiscalisation pour faciliter le désamiantage des immeubles locatifs sociaux de plus de vingt ans ; la levée des obstacles qui empêchent l’utilisation de l’aide fiscale à l’investissement pour la construction d’immeubles destinés à du prêt social de location accession (PSLA), ou encore le passage à un taux de 50 % du crédit d’impôt innovation.

Nous sommes en train de travailler ensemble sur un véritable plan logement, significatif et organisé, dans les outre-mer parce que nous avons besoin d’ordonner les nombreux dispositifs qui existent. Au passage, je salue Jean-Louis Dumont, le président de l’Union sociale pour l’habitat outre-mer (USHOM). Nous devrions essayer de faire mieux avec les lignes existantes et les montants de crédits en jeu.

Quatrième priorité de mon budget pour 2015 : l’investissement public qui bénéficie d’un effort substantiel. Certes, et cela ne vous a pas échappé, les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement ne progressent pas. Cette ligne a donné lieu à une bagarre assez sérieuse avec les services du budget qui ne l’apprécient guère… En 2010 et 2011, elle était descendue à des niveaux inacceptables. Avec l’énergie qui le caractérise, Victorin Lurel était parvenu à la faire remonter. Cette année, elle a été maintenue à 40 millions d’euros et j’espère qu’elle sera augmentée au cours des prochaines années.

Les crédits de paiement de la politique contractuelle augmentent de près de 6 % entre 2014 et 2015, ce qui représente près de 11 millions d’euros. De surcroît, les outre-mer vont bénéficier de fonds structurels européens importants auxquels s’ajouteront les moyens issus du plan très haut débit à hauteur de plus de 80 millions d’euros et des plans séismes. Nous avons donc des possibilités pour améliorer la vie dans les outre-mer.

Cette revalorisation de nos autorisations d’engagement permettra aussi la préservation intégrale de l’effort consenti par l’État dans le cadre des contrats à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et Saint-Barthélémy cette année, en Polynésie française en 2015, en Nouvelle-Calédonie en 2016 et à Wallis-et-Futuna en 2017. De même, j’ai souhaité que les collectivités puissent disposer de moyens suffisants pour assurer pleinement leur rôle de soutien de la commande publique qui, en outre-mer plus qu’ailleurs, joue un rôle essentiel pour l’emploi et les entreprises.

L’enveloppe de bonification des prêts de l’Agence française pour le développement (AFD) est préservée. L’effet levier des prêts consentis sera accru pour certains projets ; l’aide de l’État en faveur des constructions scolaires en Guyane et à Mayotte est maintenue. Certes, l’ampleur des besoins est telle, en Guyane notamment, que nous sommes encore loin du compte. Les crédits sont nécessaires mais encore faut-il être en mesure de les mobiliser : à Mayotte, par exemple, les réalisations ne suivent pas la mise à disposition des crédits.

Je suis pleinement consciente des effets de la baisse des dotations de l’État, notamment de la dotation globale de fonctionnement (DGF), et j’ai entendu les protestations des collectivités. Mon ministère sera à vos côtés pour faire en sorte que cette baisse soit limitée et que les ressources propres des régions n’en subissent pas les conséquences. De la même manière, j’ai demandé et obtenu que la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française évolue de manière beaucoup plus favorable que ce qu’aurait imposé son alignement sur le droit commun de la DGF des régions métropolitaines. Je vous confirme à cet égard, monsieur le rapporteur spécial, que le Gouvernement entend bien préserver l’octroi de mer.

Serge Letchimy a fait un rapport extrêmement précis et documenté sur le tourisme. C’est un secteur qui va retenir toute notre attention au cours des semaines à venir : avec Laurent Fabius, nous allons préparer la session du Conseil national de promotion du tourisme, dédiée aux outre-mer. Ce secteur a souffert, notamment après la crise de 2009, mais donne des signes encourageants de reprise : la fréquentation s’améliore aux Antilles et en Polynésie française. Nous devons améliorer la valorisation des destinations en lien avec Atout France et moderniser les équipements touristiques.

Il est vrai que nous avons fait l’impasse sur l’aide à la rénovation hôtelière cette année. Comme Serge Letchimy l’explique très bien dans son rapport, la complexité de cette aide la rendait largement inutilisée : les hôteliers préféraient manifestement s’organiser autrement et passer notamment par des dispositifs de défiscalisation. Nous devons réfléchir ensemble à une nouvelle stratégie. Le rapporteur donne un exemple très intéressant, celui d’un hôtel de taille moyenne à la Martinique. Ces établissements, qui sont plus proches de leurs employés et de leur clientèle, réussissent peut-être un peu mieux que les grandes structures. En tout cas, cela vaut la peine que nous y réfléchissions.

Vous vous interrogez, monsieur le rapporteur, sur la mesure qui pourrait se substituer à cette aide et contribuer au renouvellement du parc hôtelier, tout en soulignant l’importance des investissements hôteliers pour Saint-Martin. À ce propos, je salue la manière dont les hôteliers de l’île ont effacé assez rapidement les conséquences de l’ouragan Gonzalo. En visitant Saint-Martin dimanche, j’ai été frappée de constater que les habitants avaient tout de suite retroussé leurs manches pour remettre l’île en état et être en mesure de démarrer la saison touristique dans de bonnes conditions. J’ai été très impressionnée.

Au-delà de la pérennisation de l’aide fiscale dans le domaine de la rénovation, le Gouvernement sera attentif à mobiliser tous les leviers, et notamment le CICE dont le taux va être majoré de 7,5 % à 9 %. Nous discutons d’une nouvelle majoration pour les secteurs exposés à la concurrence comme le tourisme. Nous avons saisi les instances européennes à ce sujet.

Pour répondre à M. Dosière, les questions institutionnelles relatives à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et aux suites à donner à l’avis du Conseil d’État du 6 février 2014, méritent d’être abordées dans un cadre dédié. Nous travaillons en liaison étroite avec les élus et les groupes politiques calédoniens sur des questions telles que la constitution de la liste électorale spéciale. Avec tous les acteurs politiques du territoire, nous avons créé des groupes de travail chargés de définir les conditions d’une consultation la plus efficace et la plus transparente possible.

Pour ma part, je ne pense pas qu’il soit indispensable d’avoir recours à des conseils extérieurs sauf, peut-être, si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord. Tous les acteurs du territoire travaillent à répondre aux questions qui se posent de la manière la plus équitable possible. Il est prévu que nous puissions déposer un projet de loi organique dès 2015, révisant la loi organique de 1999, de manière à résoudre les problèmes qui se posent quant à l’organisation de la consultation et à la composition du corps électoral. Le comité des signataires souhaite que l’on simplifie au maximum et que certaines catégories soient inscrites de manière quasiment automatique. J’espère que les groupes de travail pourront présenter assez rapidement des propositions.

Je précise également qu’un dialogue est engagé entre le ministère des outre-mer et le ministère de l’agriculture pour évaluer les modalités d’un redressement des subventions accordées par ce dernier à l’ADRAF.

Monsieur Dosière, vous m’avez aussi interrogée au sujet de la dette de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, relative notamment aux évacuations sanitaires. Comme je l’ai dit en Nouvelle-Calédonie, cette question relève de l’État, dans la mesure où c’est davantage une dette de l’État qu’une dette de Wallis-et-Futuna. Nous devons faire en sorte que le budget de cette agence de santé soit correctement calculé pour qu’il corresponde aux besoins et qu’il ne soit pas systématiquement sous-doté. Par ailleurs, nous avons fait des propositions pour apurer la dette ; les arbitrages sont en cours et j’espère qu’ils seront rendus rapidement.

M. Marie-Jeanne m’a posé une série de questions sur le système pénitentiaire. Comme lui, je pense que nous devons progresser en matière de prise en charge de la protection judiciaire de la jeunesse et de peines alternatives à l’emprisonnement. Pour l’instant, c’est encore un peu balbutiant.

L’immobilier pénitentiaire est dans un état extrêmement dégradé. Les arbitrages budgétaires rendus vont permettre de commencer à remédier à la situation : le budget triennal prévoit la création du centre de courtes peines de Koné, en Nouvelle-Calédonie, de même que la rénovation des prisons de Basse-Terre, de Faa’a-Nuutania et de Ducos – s’agissant de ce dernier établissement, la justice s’est condamnée elle-même, si j’ose dire, en jugeant les conditions de détention indignes. Enfin, une antenne du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) sera créée à Saint-Martin, ce qui comblera un vrai manque.

Pour conclure, dans le contexte national et européen que vous connaissez, le budget des outre-mer pour l’année 2015 me semble de nature à concilier les impératifs de solidarité gouvernementale dans la réduction des dépenses publiques et la volonté, réaffirmée par le Président de la République, de faire des outre-mer une chance pour la France. Nos priorités ont pu être préservées, et c’est désormais dans le cadre du débat que nous allons rechercher des marges de progrès. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement sera attentif aux amendements d’origine parlementaire et les soutiendra à chaque fois qu’elles seront de nature à améliorer ce budget tout en correspondant à l’intérêt général.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.

Mme Ericka Bareigts. Madame la ministre, nous souhaitons d’abord saluer votre premier budget, qui n’est pas marqué par un désengagement de l’État en outre-mer, mais au contraire par une légère progression en dépit du contexte budgétaire que nous connaissons tous. Ainsi, ce budget fait émerger une priorité sur les questions sociales, notamment celle de l’emploi, avec un effort particulier sur la formation des jeunes et l’aide à l’insertion professionnelle, qui progresse d’une dizaine de millions d’euros en autorisations d’engagement.

Nous tenons également à saluer le financement du plan « économie sociale et solidaire » en outre-mer. Le recentrage de l’aide à la continuité territoriale sur les populations les plus défavorisées, qui prend la forme d’un deuxième billet d’avion annuel pour les étudiants passant des concours, mais aussi la prise en charge d’un deuxième billet pour les accompagnants des évacués sanitaires, participe aussi de ce mouvement social. Par ailleurs, un effort notable est fait en direction des territoires : je pense à la reconversion économique en Polynésie, ainsi qu’à diverses dotations importantes pour le rattrapage du retard en équipements de la Guyane et de Mayotte.

J’aimerais néanmoins vous faire part de quelques interrogations. Je commencerai par les observatoires des prix, sujet qui me tient particulièrement à cœur. Il est mentionné dans votre budget que ces six observatoires, renforcés par la loi de régulation économique outre-mer, peuvent prétendre à un financement à hauteur de 500 000 euros. Par leur activité, ces organismes permettent de contenir la hausse des prix en outre-mer, de faire la transparence sur les prix, marges et revenus, en menant des études. J’avais saisi vos services d’une réclamation sur le manque de moyens humains attribués à ces observatoires. Je souhaite qu’un travail approfondi soit effectué sur les ressources mises à disposition de l’un des dispositifs centraux de notre politique de lutte contre la vie chère, et que la situation actuelle soit améliorée, car la vie chère et les situations de monopole constituent des combats importants pour nos populations.

Pour ce qui est de la LBU, votre budget présente une stabilisation des dépenses pour le logement qui représente une belle victoire. Il me semble toutefois que nous devons rester très vigilants sur ce dossier, d’abord parce la démographie fait peser une très forte pression sur notre parc de logements, ce qui nous fait prendre du retard par rapport aux besoins de notre population : dans la seule Réunion, plus de 23 000 logements sont en attente. Qui plus est, la construction de logements sociaux sera amenée à ralentir en outre-mer, puisque la nécessité d’intégrer les 5 % de LBU dans les projets pour bénéficier de la défiscalisation aura une conséquence négative sur la dynamique de cette ligne.

Enfin, je tiens à souligner, comme je l’ai fait ce matin auprès de votre collègue Mme Pinel, qu’il n’y aura pas de maîtrise de la consommation d’énergie ni de transition énergétique dans nos territoires si nous n’intégrons pas dans le bouquet de travaux éligibles au Crédit d’impôt transition énergétique des normes RTAA DOM. Vous n’en avez pas parlé tout à l’heure, madame la ministre ; je crois que ce serait une grave erreur que de ne pas régler cette question.

Si on peut toujours demander plus, le bouclage de ce budget dans un contexte extrêmement tendu constitue un exercice difficile. Pour l’essentiel, il répond à nos attentes, c’est pourquoi le groupe socialiste votera pour.

M. Daniel Gibbes. Madame la ministre, comme sans doute l’ensemble des parlementaires ici présents, c’est avec un certain soulagement que j’accueille votre budget 2015 pour les outre-mer. En très légère augmentation par rapport à 2014, ce budget préservé montre qu’en cette période extrêmement contrainte, le Gouvernement a conscience des urgences auxquelles restent confrontés nos douze territoires ultramarins.

Votre budget présente plusieurs motifs de réelle satisfaction, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir lors des débats en séance la semaine prochaine. Qu’il me soit cependant permis d’appeler votre attention sur un point particulier, source d’inquiétude pour les professionnels de l’hôtellerie de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, déjà évoquée par notre collègue Patrick Ollier. L’article 57 du projet de loi de finances rattaché à la mission « Outre-mer » supprime, pour les établissements des départements d’outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, l’aide à la rénovation hôtelière instaurée par l’article 26 de la loi pour le développement économique des outre-mer de 2009.

Je ne crois pas me tromper dans les chiffres lorsque j’avance que ce dispositif, certes peu utilisé par les professionnels en raison d’une certaine complexité, coûtait près de 3 millions d’euros en année pleine. Si le faible nombre de bénéficiaires concernés et le montant réduit de l’enveloppe ne semblent pas très significatifs, cette mesure de suppression va particulièrement affecter la communauté d’outre-mer de Saint-Martin, qui est le territoire qui recourait le plus à cette aide à la rénovation hôtelière. Or, l’un des arguments avancés par le Gouvernement est que la suppression de cette aide, certes peu sollicitée, sera compensée par la mise en place du fameux CICE renforcé, avec un taux porté à 7,5 % au titre de 2015 et à 9 % au titre de 2016. Vous avez précisé qu’une réflexion était en cours pour porter ce taux à 12 % pour les secteurs exposés, dont l’hôtellerie, et c’est sur ce point que je m’interroge : renforcé ou non, le CICE n’est pas applicable aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, en raison de leur compétence fiscale propre.

Ma question est donc la suivante, madame la ministre : qu’en est-il des dispositifs de compensation d’aide à la rénovation hôtelière pour les établissements de Saint-Martin, qui sont dans une situation d’autant plus critique que bon nombre ont été ravagés par le cyclone Gonzalo ? À ce sujet, je vous remercie de vous être déplacée dimanche dans les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin afin de venir constater les dégâts par vous-même. Plus globalement, où en est la réflexion du Gouvernement quant au développement d’une politique contractuelle avec les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale ? Je remercie Patrick Ollier pour son intervention et je cosignerai bien évidemment son amendement. Je remercie également René Dosière, avec qui j’ai rédigé un rapport que nous avons présenté à la commission des lois, pour avoir rappelé une question cruciale pour Saint-Martin, relative à la mise en place d’une instance institutionnelle de coopération entre les deux parties de l’île. Enfin, je rejoins les remarques faites par Serge Letchimy au sujet du tourisme, qui constitue un enjeu primordial pour nos territoires.

Mme Maina Sage. Je rejoindrai en préambule les avis qui viennent d’être exprimés sur le fait que nous nous félicitons du maintien des crédits à la mission « Outre-mer », bien que les répartitions des crédits de paiement soient plus ou moins disparates, et en baisse. Nous devons veiller à ce que les baisses de crédits de paiement soient supportables par nos collectivités, et à ce que les crédits restants soient suffisants pour être efficacement mis en œuvre au service de politiques qui demeurent centrales pour le développement de nos départements et collectivités.

À ce titre, le groupe UDI a relevé trois domaines clés, celui du logement social, celui de l’emploi et celui de la solidarité. Pour le logement, on note une stabilisation dans les DOM des crédits de paiement de la LBU, et la préservation des autorisations d’engagement pour la construction neuve et la réhabilitation, ce qui est une bonne chose. Pour l’emploi, il convient de souligner les dispositifs des chantiers de développement local et du service militaire adapté – qui est une vraie réussite en Polynésie également, où il vient soutenir massivement les actions d’insertion sociale.

Les crédits de la continuité territoriale sont en baisse, notamment pour le passeport mobilité. Je veux appeler votre attention, madame la ministre, sur la situation des Polynésiens vivant sur des archipels éloignés. La Polynésie souffre en effet d’un handicap structurel, dans la mesure où certains de ses habitants vivent à trois heures d’avion de la capitale. Ainsi, les étudiants doivent prendre en charge le transport de leur domicile à Papeete, où ils pourront bénéficier de la continuité territoriale. Les coûts de transport internes en résultant peuvent varier de 200 euros à 700 euros par voyage, et j’aimerais savoir s’il est envisagé de mettre en place une forme de prise en charge des étudiants résidant dans des archipels éloignés.

En ce qui concerne la relance de l’économie et le maintien des emplois, l’examen des grandes masses budgétaires fait apparaître des différences, nos collectivités d’outre-mer ne bénéficiant ni du CICE, ni du CITE, ni d’autres abattements. J’ai adressé au secrétaire d’État une question écrite sur la réduction drastique des agréments accordés à nos territoires. Pouvez-vous d’ores et déjà nous dire si ce dispositif sera pérennisé et si les conditions d’octroi des agréments pourront être assouplies ? Contrairement à ce que j’ai entendu dire, la Polynésie subit une baisse drastique de près de vingt points en autorisations d’engagement pour 2015, ce qui est difficilement supportable. Je vous demande de faire en sorte d’atténuer cet effort pour la Polynésie, madame la ministre : nous sommes tout à fait disposés à prendre part à l’effort national, mais nous souhaitons que cela se fasse dans des conditions beaucoup plus abordables pour la Polynésie.

M. François-Michel Lambert. Les enjeux de l’outre-mer exigent des approches adaptées, et c’est le cas de ce budget dont les objectifs et les moyens sont globalement très satisfaisants. La politique en direction de l’emploi joue judicieusement sur les deux leviers que sont la compétitivité des entreprises et le renforcement de l’insertion et la qualification des jeunes – l’un des grands défis de ces territoires. Il est également satisfaisant de constater que le Gouvernement semble avoir pris la mesure de la problématique du logement, en particulier du logement social.

Cependant, il nous semble que les moyens restent concentrés sur l’incitation au développement d’une économie marchande qui, si elle est hégémonique dans les territoires d’outre-mer, n’est peut-être pas ce que l’on peut faire de mieux. Il est annoncé dans le document budgétaire qu’une réflexion sera engagée sur le développement de l’économie sociale et solidaire (ESS). Vous nous avez déjà fourni quelques éléments de réponse sur ce point, madame la ministre, mais je me permets d’insister sur le fait le développement de cette économie sociale et solidaire doit être largement amplifié, notamment pour permettre la création d’emplois de façon connexe – car l’ESS a, on le sait, des liens directs avec les TPE, qui constituent la quasi-totalité des entreprises outre-mer. Les îles qui, si loin de l’hexagone, vivent de 90 % d’importation, ne sortiront de cette hyperdépendance qu’en renouant avec un modèle de préservation et d’utilisation des ressources locales fondé sur l’ESS et sur les TPE, mais aussi en retrouvant une nouvelle logique prioritaire, qui doit désormais favoriser la relocalisation et la transition vers un modèle d’économie circulaire source d’emplois et d’innovation. Pour peu que l’on s’en donne les moyens, madame la ministre, ce modèle pourrait d’ailleurs inspirer notre territoire hexagonal.

L’outre-mer dispose d’atouts formidables qu’il faut valoriser et structurer, et l’État doit s’appuyer sur les régions et territoires pour mettre en place des circuits courts, la souveraineté alimentaire, la gestion autonome des déchets et bien sûr le développement des transports publics et des énergies renouvelables. J’ajoute que l’économie circulaire est empreinte des valeurs de partage et de transmission propres aux cultures des territoires, des régions et des départements d’outre-mer. Les outils législatifs existent et doivent être renforcés : Serge Letchimy, Victorin Lurel et moi-même avons travaillé en ce sens dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte. Je sais que, désireux de saisir cette chance pour l’outre-mer, nombre de territoires veulent s’engager sur cette voie et faire preuve de volontarisme en constituant un exemple pour toute la France. Aidons-les à avancer en ce sens.

M. Gabriel Serville. Tous les orateurs qui se sont exprimés avant moi ont noté avec satisfaction l’augmentation du budget de la mission « Outre-mer », qui constitue une réalité que personne ne peut nier. Nous nous réjouissons également de ce que la question des outre-mer intéresse de plus en plus les députés de la France hexagonale, dans l’espoir qu’ils deviennent rapidement, à nos côtés, les porte-parole et de vrais défenseurs de nos intérêts dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint.

Toutefois, nous sommes toujours dubitatifs quant à la réelle capacité du Gouvernement à répondre aux attentes de nos populations respectives : le coût de la vie, qui demeure toujours très élevé, nonobstant la mise en œuvre de la loi de régulation économique en outre-mer de notre collègue Victorin Lurel ; nos taux de chômage, qui battent tous les records nationaux ; l’enclavement et des difficultés que nous rencontrons pour coopérer avec nos voisins ; les problèmes de développement économique en tous genres et les difficultés à décliner localement les dispositifs incitatifs pas tout à fait adaptés à notre environnement social et économique.

Comment ne pas parler des difficultés de scolarisation de nos enfants, ainsi que des problèmes de santé ? On connaît les ravages occasionnés par le chikungunya, mais nous sommes très inquiets depuis que nous avons découvert une filière d’immigration clandestine entre la Guinée et la Guyane, transitant par le Brésil – or il est impossible de prendre la température des personnes arrivant irrégulièrement sur notre territoire, donc de savoir si elles sont malades.

Les problèmes de logement, évoqués ce matin, demeurent très nombreux, sans parler des difficultés relatives à la gestion du foncier. Vous avez tous compris que les nombreux problèmes déjà identifiés sont récurrents et, de notre point de vue, ne sont pas près d’être résorbés, puisque la légère hausse des crédits pour 2015 ne saurait entièrement compenser l’inflation qui, par moments, peut être supérieure à deux, voire trois fois celle constatée en France hexagonale.

Si nous saluons les efforts réalisés pour stabiliser les crédits de la mission « Outre- mer », nous insistons néanmoins sur l’impérieuse nécessité de porter une attention toute particulière aux propositions et amendements émanant des députés des outre-mer. Si ces derniers sont tout à fait disposés à contribuer à l’effort national de redressement des comptes, ils insistent pour que le principe d’équité supplante la volonté d’égalité en raison des innombrables retards accumulés depuis des décennies, et je tiens par avance à vous remercier de l’attention que vous porterez à leur demande.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous allons maintenant passer aux questions.

M. Philippe Gomes. Je souhaite aborder quatre dossiers. Le premier, qui ne concerne pas des crédits inscrits à la mission « Outre-mer », mais des crédits inscrits au budget du ministère de l’éducation nationale, a trait au financement des deux lycées prévu par la loi organique, à savoir le lycée de Pouembout et celui de Mont-Dore, pour des crédits inscrits dans le projet de loi de finances à hauteur de 25 millions d’euros. Je voudrais savoir si ces crédits correspondent bien aux attentes manifestées localement et si le calendrier de réalisation a vocation à être tenu – l’un des lycées devant ouvrir à la rentrée 2016 et l’autre à la rentrée 2017.

Le deuxième dossier ne concerne pas non plus la mission « Outre-mer », mais le budget du ministère de la justice : il s’agit de la réalisation du centre pénitentiaire de Koné. Un budget global de 272 millions d’euros d’autorisations d’engagement est prévu pour un ensemble d’établissements, mais pouvez-vous nous confirmer que ces crédits permettront bien de commencer la réalisation du centre pénitentiaire de Koné, un établissement attendu de longue date et qui permettra à environ 150 détenus de se rapprocher de leurs familles et de pouvoir accéder à des conditions de formation – donc de réinsertion à la sortie – à la hauteur des enjeux de notre société ?

Le troisième dossier est celui, connu, de la double peine dont les classes moyennes des territoires d’outre-mer sont victimes en matière de logement : pas assez nécessiteuses pour avoir accès au logement social, elles ne sont pas non plus assez aisées pour avoir accès au marché libre. Le manque de logements intermédiaires – il ne s’en construit pas, le levier prévu ne pouvant pas jouer faute d’un plafond adapté –, constitue une véritable Bérézina pour les classes moyennes dans notre territoire. Comme nous le disons depuis deux ans, tous clivages politiques confondus, il est indispensable que des décisions soient prises de façon à permettre la construction de logements intermédiaires, nécessaires à l’équilibre de nos cités.

Quatrième dossier : la continuité territoriale, dont vous annoncez qu’une réforme est en cours. La dernière en date, consistant en un abaissement du plafond de ressources, a ramené le nombre de bénéficiaires de 12 000 à 3 000. Du coup, la messe est définitivement dite : seules restent éligibles les personnes trop pauvres pour voyager : le billet pour la Nouvelle-Calédonie coûtant en moyenne 2 000 à 2 500 euros en classe économique, il leur faudrait mettre de côté pendant cinq années pour faire un seul voyage… Il faut absolument revoir cette question.

M. Stéphane Claireaux. Je salue moi aussi la qualité de ce budget qui constitue un soutien résolu de l’État à nos territoires ultramarins. Je m’interroge cependant au sujet de la contrepartie nécessaire aux nombreux dispositifs essentiels du PLF en termes de politique économique ou énergétique dont Saint-Pierre-et-Miquelon demeure exclu : je veux parler du CITE et du CICE, ou encore du financement du logement social via la LBU. Il faut se demander comment compenser un tel déficit dans l’action de l’État avec des instruments spécifiques adaptés à notre collectivité.

Je souhaite aussi appeler votre attention sur le volet relatif à la formation professionnelle du contrat de développement, en cours d’élaboration. La formation professionnelle revêt une importance particulière dans notre archipel marqué par l’absence de mobilité géographique, où l’adaptation permanente des ressources humaines constitue une nécessité vitale pour assurer la pérennité de l’activité économique et sociale.

La généralisation prochaine des produits financiers de la Banque publique d’investissement dans les collectivités d’outre-mer répond à un besoin particulièrement important à Saint-Pierre-et-Miquelon. Des produits BPI adaptés aux spécificités du tissu économique de l’archipel auraient, à mon sens, un effet considérable pour assurer la prospérité économique de notre archipel.

Pour conclure, je souhaite évoquer avec vous la problématique de l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon de prestations familiales existant partout ailleurs en France : je veux parler de l’allocation de soutien familial (ASF), du complément de libre choix du mode de garde (CMG), de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), ou encore de l’extension des allocations logement, donnant lieu à un débat juridique dont la DGOM devait saisir le Conseil d’État. Je vous remercie, madame la ministre, pour les réponses que vous pourrez apporter aux Saint-Pierrais et Miquelonnais.

M. Jean-Claude Fruteau. Troisième budget du quinquennat, ce budget est fidèle aux engagements du Président de la République, qui a souhaité redonner toute leur place aux outre-mer dans la Nation. Avec une augmentation de 0,3 % de ses crédits de paiement, cette mission est sanctuarisée dans un contexte de forte contrainte budgétaire. C’est là un effort méritant d’être salué, d’autant que la situation économique et sociale dans nos territoires demeure très tendue. Ainsi, la préservation des crédits de paiement de la LBU, le soutien actif de l’investissement grâce à une nouvelle génération de contrats de développement et au contrat de plan, ou encore l’effort de compensation des charges sociales des entreprises, sont toutes des mesures qui vont dans le bon sens.

Lors de son récent déplacement dans l’océan Indien, le Président de la République a fait des annonces sur la mise en œuvre d’un CICE spécifique en faveur des outre-mer. Une telle mesure répond à la demande figurant dans le rapport de la délégation d’outre-mer, que j’ai rédigé avec mon collègue Daniel Gibbes. L’instauration d’un CICE à 9 %, inscrite à l’article 43 du PLF, permettra aux entreprises ultramarines de bénéficier d’avantages supplémentaires de plus de 160 millions d’euros en faveur des rémunérations inférieures à 2,5 fois le SMIC. Cependant, madame la ministre, nous considérons qu’il est nécessaire d’aller plus loin que ce taux de 9 %, notamment pour prendre en considération les difficultés auxquelles les entreprises ultramarines sont confrontées du fait de l’environnement régional très concurrentiel dans lequel elles évoluent. Suivant les propositions de la délégation d’outre-mer, le Président de la République a également souhaité qu’un CICE renforcé à 12 % pour les entreprises des secteurs exposés de la loi de développement économique pour l’outre-mer (LODEOM) soit instauré si cette différenciation est conforme au droit. Madame la ministre, je sais que vos services travaillent sur ce dossier pour apporter tous les éclairages juridiques nécessaires. À titre personnel, je considère qu’il n’existe aucune entrave juridique s’opposant à la mise en œuvre du CICE renforcé à 12 %. Pouvez-vous m’indiquer si vous partagez ce point de vue, et si le Gouvernement soutiendra l’amendement que je déposerai en ce sens pour traduire dans le budget les engagements fermes du Président de la République à l’égard des citoyens français de la Réunion ?

Mme Gabrielle Louis-CarabinC’est un bon budget que vous nous présentez, madame la ministre, mais j’ai tout de même une question à vous poser. Efficacité et efficience sont les axes principaux des programmes 138 et 123 de la mission « Outre-mer ». Dans ce cadre, vous annoncez des mesures en faveur de l’économie sociale et solidaire, afin d’encourager de manière forte et innovante la création et le maintien de l’emploi dans nos petites entreprises locales. Votre choix s’inscrit donc pleinement dans la continuité de l’action du Gouvernement. En effet, la loi du 31 juillet 2014 permet à l’ESS de franchir une nouvelle étape en la reconnaissant globalement et en la sécurisant.

Dans une société où seule l’aptitude scolaire préjuge du potentiel professionnel, je décèle dans votre décision une stratégie de mise en valeur du capital humain, qui valorise le savoir-faire et le savoir-être dans l’entreprise, des savoirs nécessaires à l’employabilité de nos jeunes confrontés au chômage, dont le taux est deux à trois fois plus élevé qu’en métropole. Madame la ministre, quelles sont les perspectives de développement de l’économie sociale et solidaire en outre-mer ? Pourriez-vous nous préciser comment seront exploités les gisements d’emplois et quels secteurs seront concernés ? Enfin, comment ce mode entrepreneurial en outre-mer sera-t-il financé, et quel en sera le coût ?

M. Patrice Martin-Lalande. Comme je l’ai dit dans ma question écrite du 20 mai dernier, à laquelle vous avez répondu de manière très détaillée, madame la ministre, ce dont je vous remercie, les professionnels régionaux du tourisme aux Antilles françaises, notamment ceux du secteur de l’hôtellerie, soulignent leur très grande difficulté à devenir compétitifs par rapport aux destinations concurrentes immédiatement voisines. Il est relevé en annexe du projet de loi de finances pour 2015 consacré à l’outre-mer, page 117, « une montée en puissance de la concurrence touristique des autres pays, notamment de la Caraïbe ».

En effet, les Antilles sont placées dans une situation sans équivalent pour les autres territoires français ou même européens, puisqu’elles sont entourées de territoires touristiques ayant des coûts de travail jusqu’à dix fois inférieurs aux leurs, et des coûts de transport également beaucoup plus avantageux. Ces territoires concurrents bénéficient par ailleurs du différentiel encore trop lourd entre l’euro et le dollar. Dès le mois de février, la masse salariale consacrée à un emploi touristique en Martinique est égale à celle d’un emploi pour toute l’année à Sainte-Lucie, située à quelques dizaines de kilomètres !

J’ai donc déposé, avec plusieurs de mes collègues, un amendement ayant pour objet une augmentation progressive du taux renforcé du CICE, qui passerait de 6 % à 18 % sur deux ans, et qui serait applicable dans les départements d’outre-mer aux secteurs du tourisme exposés à la redoutable concurrence internationale. Une diminution significative du coût du travail doit permettre de renforcer la compétitivité des entreprises de ce secteur, afin qu’elles puissent maintenir, puis développer les emplois, et lutter ainsi contre le chômage plus élevé en moyenne outre-mer que dans l’hexagone.

Les aides à l’investissement ou à la rénovation n’auront pas d’effet si les abysses de compétitivité séparant les Antilles françaises de leurs voisins les plus proches empêchent l’investissement touristique de produire un minimum de rentabilité. Le renforcement du CICE en faveur du secteur touristique ultramarin est conforme à l’esprit du rapport présenté par les députés Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité. Madame la ministre, vous avez déclaré, lors d’un colloque organisé à l’Assemblée le 25 septembre dernier, que ce renforcement du CICE était une idée pertinente ; le Gouvernement soutiendra-t-il donc notre amendement ?

M. Bruno Nestor Azerot. S’il est légitime que l’outre-mer participe à l’effort de redressement des comptes publics, la très légère augmentation du budget qui y est consacré – 0,3 % – reste bien faible au regard de l’inflation s’élevant à 0,8 % outre-mer. J’ai cependant bien conscience de la difficulté de l’exercice, et pour que l’outre-mer, que le Gouvernement décrit comme une priorité, s’affirme mieux en tant que telle, il faut reconnaître que nos territoires participent aussi à l’effort demandé à tous. Nous n’avons pas à rougir de notre situation, et je me demande quelle portion du territoire national accepterait un taux de chômage de près de 25 % – et atteignant même 68 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans.

J’aurais aimé, madame la ministre, que notre effort soit plus transparent et plus visible, et je regrette l’absence du document de politique transversale qui aurait permis à la représentation nationale de disposer d’une vision plus exacte de l’effort global de l’État outre-mer – certes, ce document existe, mais il nous a été communiqué tardivement, ce qui est bien dommage pour le débat démocratique, surtout quand on sait que la mission « Outre-mer » du ministère des outre-mer ne représente qu’une infime partie des crédits destinés à la politique de l’outre-mer.

Cela dit, je veux souligner l’impact positif qu’auront les crédits du service militaire adapté sur la formation des jeunes et leur insertion professionnelle, grâce à une hausse des crédits de 7,6 % qui porte ceux-ci à 54 millions d’euros, ainsi qu’une exonération de charges sociales pour les 41 073 entreprises d’outre-mer, qui vont concerner 171 314 salariés. Ce n’est pas rien : c’est le poste le plus important du ministère, ce qui est bien légitime compte tenu de la priorité que représente le soutien à l’emploi pour ce Gouvernement. Je note d’ailleurs avec satisfaction qu’entre 2012 et 2017, ces crédits sont appelés à croître de 20 %, ce qui représente près de 200 millions d’euros – ce qui reste loin, il est vrai, des 500 millions d’euros d’investissements publics promis par le chef de l’État.

Pour conclure, je me contenterai de vous dire que je vous accompagne et vous soutiens dans votre mission, madame la ministre, et je voterai votre budget sans hésitation.

M. Ibrahim Aboubacar. Dans la situation difficile que traversent les finances publiques de la nation, vous nous soumettez, madame la ministre, une mission « Outre-mer » qui traduit une forte volonté de faire face aux principaux défis de l’outre-mer, et nous vous apportons tout notre soutien. Je pense aux efforts accomplis d’une part en faveur de la formation professionnelle des jeunes ultramarins, d’autre part pour soutenir les entreprises.

Je veux insister sur les aspects liés à l’investissement en général et aux investissements réalisés en outre-mer en particulier, cruciaux pour renforcer l’activité. Outre les investissements spécifiques portés par le Fonds unique interministériel (FUI) et le plan « très haut débit », nous sommes actuellement en pleine discussion au sujet de la nouvelle génération des contrats de projets État-région dans les DOM, pour lesquels la contribution de l’État est en grande partie portée par le programme 123. Vous nous avez indiqué tout à l’heure le niveau d’effort de l’État dans cette nouvelle génération de contrats – ainsi, naturellement, que dans ceux déjà en cours dans les COM. En ce qui concerne plus spécifiquement le département de Mayotte, cette contractualisation sera la première effectuée dans le cadre de son statut de région d’outre-mer, en même temps que se négocie pour elle son premier programme européen pour émarger aux fonds structurels européens – puisque Mayotte est devenue région ultrapériphérique depuis le 1er janvier 2014. Dans ces conditions, pourriez-vous me donner votre avis sur l’évolution des crédits que l’État entend consacrer à ce contrat, ou à tout le moins m’indiquer votre sentiment sur la capacité financière du département de Mayotte, en cet instant de son évolution institutionnelle, à faire face à cette double contractualisation – avec l’État d’une part, avec l’Europe d’autre part –, qui constitue une chance pour cette nouvelle région ultrapériphérique dans laquelle la dernière estimation INSEE évalue le PIB à 7 900 euros par an et par habitant.

M. Patrice Verchère. Madame la ministre, je souhaite vous poser deux questions. La première concerne l’article 57 du projet de loi qui, comme l’a dit notamment Daniel Gibbes, supprime l’aide à la rénovation des hôtels situés dans les départements d’outre-mer, ainsi qu’à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette aide, instaurée par la loi pour le développement économique des outre-mer en 2009, devait produire ses effets jusqu’au 31 décembre 2017 : dès lors, pourquoi la supprimer dès cette année ? J’ai bien compris qu’elle était peu utilisée en dehors de Saint-Martin, mais en a-t-on analysé les raisons ? Je rappelle que la Cour des comptes a indiqué, dans un rapport sur l’outre-mer de février dernier, que le parc hôtelier était insuffisant et inadapté en outre-mer et qu’il fallait un indispensable sursaut du tourisme. Allez-vous proposer dans les mois à venir un plan d’investissement dans l’hôtellerie en outre-mer ?

Par ailleurs, le Président de la République a récemment indiqué qu’il réfléchissait à la demande de la Polynésie de voir l’État revenir dans le financement d’une partie du régime de solidarité territoriale : pouvez-vous confirmer cette possibilité, et nous indiquer dans quel délai et comment cela pourrait se faire ?

M. Jean Jacques Vlody. Madame la ministre, après les lois de finances de 2013 et 2014, la nouvelle augmentation accordée au budget et à la mission que nous examinons aujourd’hui confirme, on ne le répétera jamais assez, la priorité donnée à l’outre-mer par votre gouvernement. Cette augmentation de 0,3 % des crédits pour l’outre-mer peut paraître modeste, mais dans le contexte de réduction des dépenses publiques, le simple fait que les crédits ne soient pas minorés représente déjà un effort tout à fait significatif.

Les moyens alloués semblent désormais à la hauteur des défis qui doivent être relevés outre-mer. Le budget 2015 finance des mesures pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, notamment au moyen du service militaire adapté, qui connaît cette année une augmentation qui va lui permettre d’atteindre l’objectif de 6 000 recrutements pour la période triennale, ce qui représente une augmentation de 5,6 % par rapport au nombre de jeunes suivis en 2014. Il finance également des mesures destinées à améliorer les conditions de vie outre-mer, en particulier le logement, et je salue la quasi-stabilité de la ligne budgétaire unique et les incitations fiscales pour l’investissement social, de même que l’aide à la rénovation urbaine. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je soutiendrai la nécessité de revoir le plafond de défiscalisation pour le logement intermédiaire.

Ce PLF finance un certain nombre de mesures pour le développement économique et la création d’emplois, permettant leur adaptation dans nos territoires ultramarins : on pense en particulier au CICE et à la déclinaison du pacte de responsabilité. Le Gouvernement a pris en compte l’ampleur du fléau qu’est le chômage pour nos départements, avec un taux global de 30 % et un taux de 60 % pour les jeunes. Nous avons déjà dénoncé hier le nombre important de contrats aidés qui ne sont pas utilisés ou qui risquent de ne pas l’être d’ici à la fin de l’année, et je veux à nouveau souligner le cynisme des élus locaux qui refusent d’utiliser le dispositif gouvernemental pour des raisons partisanes, alors que l’urgence de la situation et la détresse des personnes vivant en dessous des minima sociaux devraient inciter tout le monde à faire abstraction des rivalités politiques.

Pour ma part, madame la ministre, je suggère trois mesures. La première serait d’ouvrir plus largement les emplois d’avenir au secteur marchand. Alors que seuls certains secteurs d’activité sont éligibles au dispositif, je propose de l’étendre au commerce, à la vente, au secteur bancaire et à l’agriculture, comme cela se fait dans d’autres régions en métropole. Ma deuxième proposition consiste à permettre aux groupements d’employeurs du secteur agricole de bénéficier du même taux de prise en charge par l’État que le secteur associatif, soit 75 %, au lieu de 35 % comme c’est actuellement le cas – une telle mesure paraît légitime dans la mesure où le groupement d’employeurs est une structure intermédiaire entre l’association et la société. Enfin, je propose que l’on revoie le financement des formations, devenu complètement inadapté pour les seniors et qui devrait être concentré de manière plus efficace sur les jeunes qui, dans le cadre de contrats aidés, sont parfois obligés de suivre des formations qui ne leur servent à rien. Nous devons nous mobiliser pour ne pas perdre ces emplois potentiels pour nos jeunes, et je pense que les mesures proposées pourraient redonner de la dignité à ceux de ces jeunes qui désespèrent.

M. Patrick Lebreton. Dans le cadre de l’examen de la présente mission outre-mer par notre commission élargie, j’ai choisi de parler de la continuité territoriale, qui fait couler beaucoup d’encre. Les premiers débats relatifs à cette mission « Outre-mer » ont donné lieu, à La Réunion et ailleurs en outre-mer, à une véritable opération politicienne de désinformation. En dépit des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, la mission « Outre-mer » pour 2015 est en augmentation – comme c’est le cas chaque année depuis 2012. La situation dont nous avons hérité impose une gestion rigoureuse et une utilisation efficace des deniers publics, et le triste spectacle auquel on assiste en ce moment à La Réunion nous afflige d’autant plus. On veut nous faire croire qu’un budget en constante augmentation depuis 2012, c’est moins bien que la décennie de régression sociale qui a précédé. On veut nous faire croire que les finances de la France sont un coffre-fort ouvert dans lequel on peut puiser à volonté pour servir ceux qui en ont le moins besoin. On veut nous faire croire qu’une mesure sociale peut et doit être transformé en subventions indirectes aux compagnies aériennes. On veut nous faire croire, encore, que le modèle corse est celui qui doit nous être appliqué, alors qu’ils ont repoussé ce modèle par deux fois, en 2003 et en 2009, lorsqu’ils étaient au pouvoir. Bref, on veut tout faire croire, tout travestir, tout manipuler, mais peut-on véritablement tromper les ultramarins et singulièrement les Réunionnais ?

Je le redis, madame la ministre : l’aide au voyage doit continuer à concerner les plus modestes, mais surtout les jeunes qui vont étudier, les ultramarins qui vont rechercher un emploi dans l’Hexagone, les familles frappées par un deuil soudain, et non servir à payer les vacances annuelles des foyers les plus aisés – justifiant même d’un salaire mensuel de 9 000 euros. Cette situation est d’autant plus révoltante que, dans le même temps, on refuse un contrat aidé à plus de 17 000 Réunionnais qui ont pour unique et légitime ambition de pouvoir s’insérer professionnellement et socialement.

Madame la ministre, confirmez-vous que 85 % des crédits de la continuité territoriale – c’est-à-dire 17 millions d’euros sur 20 – bénéficient aux plus aisés, et que 439 bénéficiaires de l’aide régionale déclarent un revenu annuel supérieur à 100 000 euros – et 2 500 autres un revenu situé entre 80 000 et 100 000 euros ? Enfin, le cas échéant, ne croyez-vous pas qu’il importe d’organiser désormais, sous l’égide de LADOM, une véritable opération vérité sur la continuité territoriale ?

Mme Huguette Bello. Madame la ministre, je souhaite également évoquer un poste qui représente à peine 2 % de la mission « Outre-mer », mais qui provoque à la Réunion une émotion inversement proportionnelle à son importance budgétaire, à savoir l’aide à la continuité territoriale, qui fait l’objet d’une sorte d’OPA sur l’ensemble de ce budget. Au-delà des discours, des postures et des arrière-pensées, il y a une réalité vécue et ressentie par l’immense majorité des Réunionnais : les billets d’avion sont trop chers dans une île comme la Réunion. La lutte contre la vie chère passe aussi par une baisse des tarifs aériens ; une réflexion générale est donc devenue urgente sur la question du désenclavement aérien, dont la continuité territoriale est un aspect.

Le logement demeure une priorité de votre ministère, et nous saluons votre ambition pour construire davantage, pour réhabiliter l’existant, pour faciliter l’accès à la propriété. Les besoins sont chiffrés, les blocages sont identifiés, la simplification est en marche. La transition énergétique est le nouvel horizon et le plan logement outre-mer doit voir le jour. Pour qu’une telle volonté puisse se concrétiser rapidement, il faut lever dès à présent les obstacles d’ordre financier qui risquent d’entraver la construction des logements sociaux.

La première difficulté est une conséquence directe de la défiscalisation appliquée au logement social. Il semble que, même pour les instances européennes, le logement social comme une niche fiscale ne va pas de soi, puisque, suite à la réforme de 2010, Bruxelles a placé le logement social des régions ultrapériphériques non plus sous le régime des services d’intérêt économique général, mais sous celui des aides à finalité régionale. Ce classement parmi les secteurs productifs n’est pas anodin, puisqu’il s’accompagne d’une révision à la baisse de 45 % à 50 % des plafonds des aides de l’État et donc, au bout du compte, d’une augmentation des loyers. Nous savons que le Gouvernement a saisi la Commission à ce sujet et qu’une réponse est attendue pour 1er janvier prochain : d’ici là, les agréments fiscaux des projets en cours d’instruction ne pourraient-ils pas être délivrés avec les montages initiaux ? À la Réunion, une trentaine de programmes, soit un millier de logements, sont en attente.

Souligné dès l’an dernier à la même époque, le second obstacle réside dans l’obligation de financer des programmes de logements qui font appel à de la défiscalisation avec au moins 5 % de subventions publiques, posée par l’article 21 de la loi de finances pour 2014. Selon les simulations réalisées à partir de la dotation LBU pour 2015, ce seuil obligatoire risque de compromettre de manière mécanique la construction d’environ un millier de logements. Par conséquent, ne serait-il pas opportun de ne pas appliquer cette disposition aux opérations dont l’instruction a déjà commencé, ni aux opérations qui ne relèvent pas de la LBU, mais font appel au prêt social en location-accession et au prêt locatif social ?

Mme Monique Orphé. Madame la ministre, qu’il me soit d’abord permis de saluer votre tout premier budget, qui a résisté aux coupes budgétaires en ces temps de réduction des déficits. L’engagement du Président de la République a été maintenu et, même si nous aurions aimé obtenir davantage, je comprends aussi que nous devons participer à l’effort de réduction des déficits. C’est pourquoi votre volonté de recentrer la continuité territoriale ne me choque pas, même si c’est un sujet important et qu’il faudra reprendre le débat une fois la polémique passée, car c’est un sujet qui conditionne notamment le développement de notre tourisme – et qui dit tourisme dit création d’emplois. Il faudra l’aborder de façon globale afin d’obtenir des solutions concrètes et réalistes visant à réduire la fracture territoriale, mais dans les deux sens.

En ces temps de disette financière, il est important de mobiliser les deniers publics sur des priorités favorisant le développement de nos territoires, à commencer par la formation des hommes, qui constitue l’accès à l’emploi – à condition, bien sûr, qu’elle soit qualifiante. À la Réunion, 15 % des jeunes sortent du système scolaire sans qualification, soit le double de la métropole, et 4 000 emplois sont restés vacants selon les chiffres du MEDEF, ce qui est inadmissible et surréaliste alors que nous avons un taux de chômage massif et structurel. La région, l’État et l’Europe investissent dans la formation, mais le résultat ne semble pas être au rendez-vous. J’ai rencontré beaucoup de jeunes qui passent de formation en formation sans pour autant déboucher sur un emploi pérenne. A-t-on évalué le dispositif d’aide à l’insertion et à la qualification et surtout son impact sur l’accès à l’emploi ? Par ailleurs, dans les 76 % de taux d’insertion des volontaires stagiaires du SMA en fin de contrat, avez-vous une idée du pourcentage des jeunes qui accèdent à un contrat de travail par rapport à ceux qui obtiennent une attestation d’entrée en stage qualifiant ? Je pose cette question car les deux sont confondus.

M. Alain Fauré. J’ai lu dans le rapport de notre collègue Patrick Ollier, membre de la commission des finances, que le soutien administratif aux entreprises est défaillant en outre-mer, notamment pour la tenue des registres de commerce. Le délai d’obtention d’un numéro SIRET ou d’un extrait Kbis est de plusieurs mois, alors que ces documents sont essentiels pour la vie et l’activité des entreprises. Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer cette situation qui pénalise le secteur privé d’outre-mer, car l’emploi est un problème crucial sur ces territoires ?

M. Serge Letchimy. Comme vous le savez certainement, madame la ministre, les crédits destinés au soutien de la filière de la canne-sucre sont en réduction de 2,4 millions d’euros. Nous serons présents en séance pour mener la bataille sur cette question, mais pouvez-vous d’ores et déjà nous faire part de votre position ? Avec la diminution drastique de 3,6 millions d’euros sur la filière « diversification » dans le cadre de la mission « Agriculture », cela fait 6 millions d’euros en moins sur deux secteurs essentiels pour l’outre-mer. Je sais qu’il y a une explication technique – la réaffectation des programmes d’investissements d’avenir (PIA) –, mais comment savoir si ce nouveau fléchage va suffire à compenser la perte subie ? C’est bien de parler de développement local, madame la ministre, mais si l’on commence à s’attaquer à l’agriculture, cela pose un vrai problème.

M. Gabriel ServilleLe 11 septembre 1997, François Mitterrand en déplacement en Guyane avait déploré qu’on continue à lancer des fusées sur fond de bidonvilles. Aujourd’hui, la question de l’habitat en Guyane est toujours d’actualité. En effet, la sanctuarisation de la LBU à 243 millions d’euros est une bonne nouvelle… en trompe-l’œil. Cette ligne budgétaire, socle du financement du logement social, n’est en effet pas à la hauteur des enjeux, car on estime à près de 100 000 le déficit de logements sur l’ensemble des outre-mer.

Je sais bien que la répartition de cette ligne par territoire est du domaine du réglementaire, mais je tiens à redire ici à quel point celle-ci, calculée au prorata de la population, est parfois inadaptée aux réalités spécifiques de chaque territoire.

Les besoins en logement sont particulièrement criants en Guyane où la population double tous les vingt ans. Là-bas, 80 % de la population est éligible au logement social et, faute de logements disponibles, 15 % d’entre elle vit dans des conditions de salubrité précaires. Il n’est plus possible d’admettre que 13 % des logements guyanais soient dépourvus d’électricité, que 20 % n’aient pas accès à l’eau potable ou que 60 % ne soient pas reliés au tout-à-l’égout. De même, on ne saurait admettre que 37 % des logements guyanais soient suroccupés : là encore, il s’agit d’un record national.

Permettre à nos populations de vivre dans des conditions dignes doit être l’une des priorités de la mission dont nous discutons aujourd’hui. Aussi comprendrez-vous ma profonde consternation en apprenant que les crédits alloués à la Guyane au titre du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », dont dépend la LBU, sont en diminution de 23 % par rapport aux exécutions de 2013. C’est simple : les 30 millions d’euros alloués à la Guyane au titre de la LBU sont à mettre en parallèle avec les besoins réels estimés à 600 millions d’euros par le Conseil général du développement durable, dans un rapport de mars 2013…

Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir m’apporter des précisions sur les solutions concrètes que vous prévoyez pour l’amélioration du logement en Guyane, notamment dans le cadre du plan de relance du logement outre-mer que vous avez récemment annoncé.

M. Jean-Philippe NilorJe crois en votre bonne foi, madame la ministre, et en votre profonde honnêteté. Je crois aussi que vous avez dû batailler ferme pour sauver un budget en légère augmentation, de 0,3 %, qui échappe ainsi partiellement à la guillotine impitoyable de Bercy.

Deux volets retiennent particulièrement mon attention.

Le logement social, d’abord. En effet, tant les opérateurs de logement social que les familles les plus démunies rencontrent les pires difficultés pour finaliser les opérations de réhabilitation nécessaires. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé ce matin à la ministre du logement d’étendre le dispositif du crédit d’impôt-défiscalisation aux opérations de réhabilitation du parc de logements sociaux, et notamment aux opérations de désamiantage. Je compte sur votre soutien : in fine, c’est sur les résultats concrets de cette négociation avec vos collègues du Gouvernement que nous serons fixés – et jugés.

Je m’inquiète également de la situation de l’emploi outre-mer et, plus particulièrement, de celle de l’emploi des jeunes : 68 % des jeunes Martiniquais sont aujourd’hui au chômage. Les statistiques, qui suivent une courbe exponentielle, les confortent dans le sentiment d’avancer inexorablement vers un gouffre, au point qu’une frange de plus en plus diplômée de notre jeunesse n’envisage plus d’avenir au pays, alimentant ainsi une fuite des cerveaux qui hypothèque sérieusement notre avenir collectif.

J’aimerais tant croire que les orientations que vous déclinez, qu’elles concernent le SMA ou le développement de l’économie sociale et solidaire, seront de nature à créer une nouvelle dynamique propre à rassurer les acteurs, à créer un engouement et à favoriser une embellie pérenne pour nos jeunes. Mais nous savons tous que, pour l’instant du moins, il n’en est rien.

Tout en reconnaissant les efforts accomplis, il m’incombe d’exprimer quelques regrets, notamment celui que ce budget en hausse cache une diminution des crédits pour la Martinique, et ce pour la deuxième année consécutive. Devons-nous y voir le signe que la métropole se désintéresse du potentiel humain que recèle la Martinique, dont les habitants contribuent pourtant à l’impôt, comme tous les Français ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Je remercie tous les députés pour leur contribution au débat. Je crains ne pouvoir, faute de temps, répondre précisément à toutes les questions, mais je vais m’y efforcer, en regroupant au besoin celles qui portent sur le même sujet.

Ericka Bareigts a évoqué la question du logement, préoccupation essentielle dans les outre-mer. Le plan de relance pour le logement que j’ai annoncé réaffirme le différentiel de onze points entre les taux de défiscalisation en métropole et outre-mer. En ce qui concerne le logement intermédiaire, nous soutenons auprès de la ministre du logement l’idée qu’il faut augmenter le plafond de la défiscalisation et le porter à 18 000 euros, l’alternative étant de prolonger la durée de la défiscalisation. À ce jour, nous n’avons pas encore abouti, mais j’espère bien que nous allons progresser.

Je partage l’idée que le crédit d’impôt pour la transition énergétique doit s’adapter aux réalités spécifiques de l’outre-mer. Si les équipements de protection contre le rayonnement solaire sont désormais éligibles à ce crédit d’impôt, il doit aussi être étendu à d’autres dispositifs – on a parlé des brasseurs d’air et aux toitures végétalisées. Un réel intérêt pour la transition énergétique émerge aujourd’hui dans les territoires ultramarins, et nous avons à cœur, avec la ministre de l’écologie, d’encourager les initiatives locales, qui ne doivent pas être le simple décalque de ce qui se fait en métropole.

Il est prévu d’affecter 600 000 euros aux observatoires des prix et des revenus, qui ont besoin de davantage de moyens humains. Nous travaillons à améliorer la situation avec les préfectures et les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE).

Daniel Gibbes et Patrice Verchère ont évoqué l’aide à la rénovation hôtelière. Il faut certes soutenir la rénovation des établissements de Saint-Martin et de l’ensemble des outre-mer, mais les hôteliers s’appuient davantage sur la défiscalisation que sur cette aide. Par ailleurs, certaines mesures sont plus difficiles à transposer dans les territoires dotés d’autonomie que dans les départements. C’est la rançon de la responsabilisation, qui emporte aussi quelques contraintes.

Maina Sage a raison d’insister sur le fait que l’image paradisiaque de la Polynésie cache d’importantes difficultés sociales. L’État, en 2013, a accordé à la Polynésie une aide de 42 millions d’euros pour soutenir son redressement. Par ailleurs, la collectivité bénéficie pour sa dotation globale d’autonomie d’un régime plus favorable que le droit commun, ce qui lui permet de bénéficier d’une dotation de 84 millions d’euros au lieu de 79. Nous sommes très attentifs aux difficultés de ce territoire, mais également au respect de nos engagements réciproques. Enfin, nous travaillons avec le président Fritch à régler les questions concernant le système de santé.

Je conçois qu’il soit difficile pour les jeunes Polynésiens de partir étudier à trois heures d’avion de chez eux. C’est sans doute l’une des raisons qui explique le fort taux de décrochage scolaire que l’on constate en Polynésie. Compte tenu des distances et du prix des billets d’avion, la solution passe par le développement des internats ou des familles d’accueil. La situation justifie, quoi qu’il en soit, que les lycéens et les étudiants puissent bénéficier d’une dotation supplémentaire.

François-Michel Lambert a relié la problématique de l’écotourisme à celles de la transition énergétique et de l’économie circulaire. Les régions à fort potentiel touristique doivent retraiter convenablement leurs déchets et développer des initiatives originales qui préservent l’environnement et permettent de valoriser les productions locales. Les ultramarins doivent renoncer à importer tout ce qu’ils consomment comme c’était le cas autrefois : c’est une manière tout à la fois de réduire leur empreinte carbone et d’assurer la survie des producteurs locaux. D’où l’importance de diversifier les productions et de proposer aux touristes ces produits locaux plutôt que des denrées importées. Des efforts sont encore à faire en la matière.

Nous avons mis en place, avec la Caisse des dépôts et consignations et la secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire, un plan quadriennal destiné à développer l’économie sociale et solidaire en outre-mer. Ce sont 2,5 millions d’euros qui, dès cette année, seront consacrés à soutenir les crédits et les prêts aux entreprises, tandis que l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), dont je salue ici le travail outre-mer, renforcera son rôle d’accompagnement des petits créateurs d’entreprise.

Gabriel Serville a évoqué les difficultés que connaît la Guyane, qu’il s’agisse des difficultés de scolarisation, du chômage ou du coût de la vie. Malgré ses atouts – un vaste territoire et d’importantes richesses naturelles – la Guyane est en effet confrontée à une démographie dont le dynamisme implique des investissements considérables dans les équipements et les infrastructures, notamment à destination des plus modestes. Je rappelle que je me suis battue, dans mes fonctions antérieures, pour que les élèves des écoles bénéficient d’une collation, la restauration scolaire en Guyane laissant encore beaucoup à désirer.

Quant à la filière d’immigration clandestine en provenance de Guinée, je rassure M. Serville sur le fait qu’il s’agit d’une filière qui remonte de Guinée-Bissau, et non de la Guinée-Conakry, ce qui limite les risques d’infestation par le virus Ebola.

En matière de logement enfin, les crédits ont augmenté de manière significative. Nous faisons en sorte qu’ils soient utilisés au mieux, dans l’intérêt des Guyanais. J’admets néanmoins qu’ils restent insuffisants compte tenu de la croissance démographique et du fait que 80 % de la population guyanaise est éligible au logement social.

Philippe Gomes m’a interrogée sur les lycées calédoniens ; l’État tiendra ses engagements. La construction du lycée polyvalent du Mont-Dore a toutefois été retardée par une succession de problèmes qui ont considérablement allongé les délais : le terrain retenu est plus ou moins de la mangrove, et de surcroît comblé par des matériaux contenant de l’amiante. Bref, c’est une histoire à rebondissements… Mais la volonté de l’État de construire ce lycée est sans faille, quand bien même il y aura forcément des retards de livraison. Pour ce qui est du lycée de Pouembout, les crédits ont bien été dégagés mais, là encore, le projet d’extension a été retardé par des difficultés rencontrées dans la phase préliminaire des travaux.

La construction du centre pénitentiaire de Koné est actée, la collectivité locale a cédé l’emprise et les crédits sont inscrits. Il est important en effet que cet établissement voie le jour en province Nord pour rapprocher les détenus de leurs familles. J’insiste néanmoins sur le fait que la construction de ce centre ne doit pas nous dispenser d’une réflexion sur la manière d’améliorer la protection de la jeunesse, mais également sur l’aménagement des peines et le développement de peines alternatives.

En ce qui concerne la continuité territoriale, le nombre de bénéficiaires de l’aide a baissé car nous avons souhaité recentrer le dispositif sur les personnes les plus modestes, même si le reste à charge reste important. Reste qu’en 2012, trois mille cinq cents bons ont été émis.

Stéphane Claireaux a évoqué les inconvénients de l’autonomie, qui empêche certaines dispositions de s’appliquer de plano, compte tenu des compétences propres dévolues à la collectivité. Nous devons réfléchir à des solutions permettant de surmonter ces difficultés, notamment en ce qui concerne l’engagement de la BPI à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Président de la République a prévu de se rendre dans l’archipel le 23 décembre prochain : ce sera sans doute l’occasion d’évoquer ces questions avec lui.

Pour ce qui concerne en revanche les mesures de défiscalisation en faveur du logement, leur application à Saint-Pierre-et-Miquelon ne pose guère de problème.

La mise en place d’un CICE à 9 % pour l’outre-mer répond aux demandes relayées par Jean-Claude Fruteau. Néanmoins, s’appuyant sur le rapport de la délégation aux outre-mer qu’il a rédigé avec Daniel Gibbes, le Président de la République s’est prononcé, lors de son voyage à La Réunion, en faveur d’un effort supplémentaire, qui porterait le CICE à 12 %. Il nous appartient désormais de traduire cette annonce dans les faits, ce qui implique de vaincre les réticences des services du ministère du budget qui avaient accueilli cette proposition avec une certaine froideur. De même, il importe que se concrétisent les orientations annoncées par le Président de la République en matière de crédits agricoles et de quotas sucriers.

Je confirme à Gabrielle Louis-Carabin que le protocole que nous avons signé avec la Caisse des dépôts et consignations et le secrétariat d’État en charge de l’économie sociale et solidaire devrait nous permettre de soutenir les très petites entreprises en outre-mer. J’ai eu l’occasion au cours de mes déplacements de voir à quel point ces petites structures avaient un effet particulièrement roboratif : on voit que nombre de gens outre-mer ne se contentent pas de se plaindre et d’attendre, mais sont déterminés à prendre le taureau par les cornes. C’est très encourageant.

J’ai entendu la requête de Patrice Martin-Lalande sur un renforcement du CICE dans le secteur du tourisme. Nous y travaillons, car je pense comme lui qu’il s’agit d’un secteur névralgique pour l’outre-mer mais qui doit faire face à une redoutable concurrence régionale – je m’en suis rendue compte en passant à Saint-Domingue. En marge des dispositifs fiscaux, il est donc essentiel de mettre en œuvre des mesures permettant de renforcer la professionnalisation du secteur, en mettant par exemple à profit les périodes de basse saison pour engager des actions de formation des personnels, notamment dans le domaine des langues étrangères.

Nestor Azerot m’a interrogée sur les contrats aidés. Nous avons constaté que, malgré un fort taux de chômage des jeunes, ces contrats n’étaient pas tous utilisés dans les outre-mer. À titre expérimental, nous avons donc décidé de porter, pour l’île de La Réunion, le taux de prise en charge de l’État à 90 %, y compris pour les contrats en cours. Reste – et c’est regrettable – que les élus persistent à consacrer davantage d’énergie à défendre le maintien des dispositifs d’aide à la continuité territoriale qu’à faire usage de ces contrats aidés. Nous travaillons néanmoins à mieux adapter les emplois d’avenir au secteur marchand, tout en veillant à ne pas peser, par la création d’effets d’aubaine, sur l’emploi normal. Avec le concours des fonds européens, nous faisons par ailleurs, depuis plusieurs années, des efforts pour accroître les moyens en matière de formation des jeunes. Il faut désormais faire porter nos efforts sur l’accès des jeunes qualifiés à l’emploi, notamment en renforçant les missions d’encadrement et d’accompagnement de LADOM, en liaison avec les préfets et les directions du travail.

Ibrahim Aboubacar a souligné que Mayotte entre aujourd’hui dans une nouvelle phase de son évolution institutionnelle et qu’elle s’apprête à négocier le futur contrat de projets État-région avec des moyens incomparablement supérieurs à ceux qu’elle a connus jusqu’alors, puisque les fonds européens qui lui seront alloués devraient s’élever à 200 millions d’euros. J’insiste sur le fait que, pour garantir une gestion efficace de ces sommes, il est essentiel que les élus soient correctement accompagnés pour éviter qu’ils ne se retrouvent écrasés par une telle responsabilité.

J’ai été interpellée sur le délai de transmission des documents de politique transversale. Préparés par Bercy, ceux-ci sont traditionnellement communiqués fin octobre, et ont davantage une valeur rétrospective que prospective.

Jean-Jacques Vlody est revenu sur la sous-utilisation des contrats aidés à La Réunion. Je redis que des efforts doivent être faits, en lien avec les branches professionnelles, pour les développer dans le secteur marchand et les groupements agricoles. La jeunesse est une richesse, mais nos jeunes doivent être accompagnés pour trouver leur place dans la société. Il faut s’y atteler avec résolution et je regrette que tous les élus de La Réunion ne fassent pas preuve de la même détermination.

En matière de continuité territoriale, il fallait revenir aux fondamentaux et rendre au dispositif sa vocation première, qui n’est pas de subventionner les agences de voyage mais de constituer une aide sociale au transport. Les voyages en métropole ont certes du bon, mais les ultramarins doivent comprendre qu’ils ne sont pas obligés de s’y rendre chaque année – au demeurant, les gens modestes ne le peuvent pas, car ils n’ont pas les moyens de payer le reste du billet. Ce recadrage devrait en outre soulager les services de LADOM et lui permettre de se recentrer sur ses missions de formation. J’ajoute par ailleurs que le dispositif n’a aucun effet bénéfique sur le tourisme à La Réunion, dans la mesure où il fonctionne à sens unique : la continuité territoriale devrait pourtant fonctionner dans les deux sens et permettre aux Réunionnais modestes qui vivent en métropole de rentrer chez eux. C’est une piste à creuser lors de la remise à plat du dispositif. Quant aux vertus du dispositif corse, dont on parle beaucoup à La Réunion, elles méritent d’être relativisées : il ne se porte pas très bien, puisque la SNCM est en cours de liquidation… Je ne souhaite pas que la même chose arrive pour la continuité territoriale à La Réunion !

Huguette Bello nous a fait part de ses critiques concernant l’obligation d’inclure au minimum 5 % de subventions LBU dans les opérations immobilières éligibles à la défiscalisation. Certes le dispositif n’est pas entièrement satisfaisant, mais cette obligation est le fruit du compromis qui a permis de préserver les bénéfices de la défiscalisation pour l’outre-mer. Je crois préférable de ne pas y toucher pour l’instant afin de ne pas donner de mauvaises idées à Bercy… Il serait souhaitable en revanche de se pencher sur la question des opérations financées par exemple par le prêt social location-accession, qui, au motif qu’elles ne sont pas subventionnables, ne sont pas éligibles à la défiscalisation. Quoi qu’il en soit, dans le cadre du plan logement outre-mer, nous avons engagé des concertations pour revoir l’ensemble des dispositifs concernant l’habitat. Une première rencontre a eu lieu le 14 octobre dernier ; une deuxième réunion devrait avoir lieu le 7 novembre au ministère : je vous invite à vous associer à notre démarche.

Je partage avec Monique Orphé l’idée qu’il faut améliorer le fonctionnement des contrats aidés à La Réunion pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché du travail grâce à un meilleur accompagnement. Nous sommes plutôt satisfaits du taux d’insertion des jeunes passés par le SMA, et mes services vous communiqueront au plus vite les chiffres concernant les stagiaires ayant obtenu un contrat de travail ou une attestation d’entrée à un stage qualifiant.

Pour améliorer le suivi des jeunes en formation, nous disposons sur le terrain de l’aide des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP). Ils doivent nous permettre de mieux adapter les formations aux besoins du marché, et notamment à la commande publique. Dans ce domaine, chaque projet devrait, en amont de son démarrage, faire l’objet d’une analyse approfondie des compétences qu’il requiert. Cela doit notamment être le cas pour la construction du futur pas de tir de Kourou, en Guyane, et il convient d’anticiper dès à présent les modules de formation à mettre en place pour permettre à la main-d’œuvre locale de bénéficier d’investissements considérables.

La question des registres du commerce évoquée par Alain Fauré ne dépend pas directement de ma compétence. Je ne lui promettrai pas par ailleurs la mobilisation de fonctionnaires supplémentaires, car nous n’en avons pas les moyens, Consciente néanmoins des difficultés propres à l’outre-mer en ce domaine et de l’entrave que constitue pour les entreprises le fait de ne pouvoir obtenir de Kbis dans des délais raisonnables, je lui suggère de se tourner vers Emmanuel Macron, dont le futur projet de loi sur la croissance aborde ces questions.

La fin des quotas sucriers est pour nous un sujet de préoccupation. Après les annonces du Président de la République, il est essentiel que nous nous assurions auprès du ministre de l’agriculture que les crédits destinés en particulier à la filière canne-sucre soient préservés. Serge Letchimy a eu raison de rappeler l’importance de la diversification qui doit permettre de faire émerger de nouvelles filières économiquement et écologiquement nécessaires.

Jean-Philippe Nilor est revenu sur la question du logement social et souligné avec raison les enjeux liés à l’amiante et les surcoûts qui en découlaient. Une réflexion est en cours sur l’implantation de filières de traitement de l’amiante dans les territoires ultramarins. Pour l’heure, nous ne disposons pas des compétences nécessaires au niveau local, mais nous entendons bien y travailler.

Quant à l’emploi des jeunes, il demeure pour moi une priorité. Il n’y a rien de mal à chercher à trouver sa place dans notre pays ; encore faut-il avoir un minimum de choix. De jeunes Martiniquais réussissent brillamment en Chine, au Québec, en métropole ou ailleurs : je m’en félicite, tout en regrettant que certains se croient obligés de quitter leur île pour trouver un emploi.

Un mot enfin sur les crédits du sport. La différence constatée en défaveur de la Martinique est, d’après ce que j’ai cru comprendre, pour une large part imputable à l’existence du CREPS Antilles-Guyane.

Je crois avoir répondu à toutes les questions. Au demeurant, nous aurons l’occasion de nous revoir lors de l’examen de mon budget en séance publique ; je me réjouis en tout cas de votre soutien et de vos apports.

M. Dominique Lefebvre, président. Après avoir constaté la grande convergence des points de vue autour de ce budget sanctuarisé, il me reste, madame la ministre, à vous remercier, d’avoir répondu de manière très détaillée à nos questions.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures.

Le Directeur du service
des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON

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