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2237

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur le nouveau système européen de comptabilité nationale

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Karine BERGER et M. Olivier CARRÉ

Députés

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’ACTUALISATION DU SYSTÈME EUROPÉEN DE COMPTABILITÉ NATIONALE ET RÉGIONALE (SEC 2010) ET LA CONDUITE DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE 5

A. LE SYSTÈME EUROPÉEN DE COMPTABILITÉ, UN RÈGLEMENT APPLICABLE À TOUS LES ÉTATS MEMBRES 5

B. LE SYSTÈME EUROPÉEN DE COMPTABILITÉ, LE CADRE PERMETTANT DE COMPARER NOS POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES 7

II. LE PASSAGE À SEC 2010 CONDUIT À UNE AUGMENTATION NOTABLE DU NIVEAU DE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT (PIB) 7

A. L’EFFET POSITIF SUR LE PIB DES RÉVISIONS ET ACTUALISATIONS DE MÉTHODES 7

B. LA HAUSSE SENSIBLE DE PIB DUE À SEC 2010 8

III. LES NOUVELLES NORMES EUROPÉENNES COMPTABLES MODIFIENT UN CERTAIN NOMBRE DE TRAITEMENTS 8

A. LA RECONNAISSANCE DE LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT ET DES DÉPENSES MILITAIRES COMME UN INVESTISSEMENT 8

B. LES BIENS INTERMÉDIAIRES EXPORTÉS N’ENTRENT PLUS DANS LES CALCULS D’EXPORTATIONS ET D’IMPORTATIONS 9

C. LES CONSÉQUENCES DE SEC 2010 POUR LES COMPTES DE L’ÉTAT ET DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 9

1. Le SEC 2010 introduit une modification notable du traitement des crédits d’impôts 9

2. Les ratios de dépenses et de recettes publiques sont inchangés en 2013, les évolutions futures seront en revanche fortes 11

3. Un impact incertain sur le taux de prélèvements obligatoires 12

4. La comptabilisation des soultes est étalée dans le temps 13

IV. LES RECOMMANDATIONS : UN SUIVI DES CRÉDITS D’IMPÔTS EN EXÉCUTION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

ANNEXE 1 : LISTE DES CRÉDITS D’IMPÔTS RETENUS EN DÉPENSES PUBLIQUES 21

ANNEXE 2 : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LES RAPPORTEURS 23

INTRODUCTION

La comptabilité nationale constitue le cadre statistique indispensable à l’appréciation de l’activité économique. Afin de présenter l’activité économique, la comptabilité nationale détaille la création de richesse, sa répartition ainsi que son utilisation. Il est donc indispensable d’adapter régulièrement ce cadre d’analyse à la réalité observée. Les structures économiques ont été profondément modifiées au cours des dernières années, à travers l’expansion des activités numériques, le rôle croissant des actifs immatériels et le développement de la mondialisation.

Un cadre comptable harmonisé au niveau international a été introduit sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1952. Ce système des comptes nationaux (SCN) a pour objet de faciliter le calcul des grands agrégats économiques et leurs comparaisons entre les différents États. Toutefois, il s’agit seulement de recommandations, dont l’application est à la discrétion des États. En raison des mutations économiques, ce cadre international a été régulièrement actualisé ; il a fait l’objet de trois révisions : en 1968, en 1993 et en 2008.

I. L’ACTUALISATION DU SYSTÈME EUROPÉEN DE COMPTABILITÉ NATIONALE ET RÉGIONALE (SEC 2010) ET LA CONDUITE DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

A. LE SYSTÈME EUROPÉEN DE COMPTABILITÉ, UN RÈGLEMENT APPLICABLE À TOUS LES ÉTATS MEMBRES

Au niveau européen, il apparaît nécessaire de disposer d’un système de comptabilité encore plus unifié. Adopté sous la forme d’un règlement (1), le système européen de comptabilité nationale et régionale (SEC) est d’application directe au niveau des États membres. Depuis le 1er septembre 2014, un nouveau système est entré en vigueur (SEC 2010), en remplacement de SEC 1995 (2), appliqué depuis 1996. Le nouveau système européen de comptabilité est la déclinaison européenne des recommandations comptables internationales formulées en 2008. Cette adaptation des systèmes comptables est partagée au niveau mondial, les États-Unis appliquant par exemple les nouvelles recommandations depuis août 2013.

Le système européen de comptabilité nationale et régionale (SEC) représente une méthodologie comptable commune : elle a été développée par le Parlement européen et le Conseil, et est mise en application par Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne. Elle vise à garantir l’existence de statistiques comparables, fiables et à jour à l’échelle de l’Union européenne. À ce titre, SEC 2010 comporte un certain nombre d’avancées en matière d’harmonisation de la méthodologie et de précision des concepts. Le règlement européen prévoit par ailleurs un calendrier et de nouvelles modalités de transmission des données entre les États membres et les organes européens (Eurostat, Commission européenne, Banque centrale européenne). Il s’agit de standardiser ces relations afin d’automatiser les transferts d’informations.

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a été le premier organe statistique européen en mai 2014 à publier des séries longues de comptes nationaux en SEC 2010, ce qui permet au Gouvernement de présenter un projet de loi de finances pour 2015 fondé sur ces nouveaux résultats. Cependant, la direction du budget a tenu à rappeler au cours de son audition la distinction entre la comptabilité nationale et la comptabilité budgétaire, soulignant ainsi l’impact limité des nouvelles normes européennes SEC 2010 dans les documents budgétaires présentés à l’automne au Parlement.

La distinction comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État, avec des règles de comptabilisation identiques pour les recettes et les dépenses. Dans ce cadre, les règles de gestion budgétaire doivent être en cohérence avec le cadre de la gestion des finances publiques issu de la LOLF. Ainsi, différentes nomenclatures sont définies par la loi afin de préciser les modalités de présentation des informations contenues dans le budget. La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action), une nomenclature par nature (titres, catégories). En application du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, un arrêté du ministre chargé du budget définit les règles relatives à la comptabilité budgétaire de l’État.

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. La comptabilité nationale fournit à la fois une représentation des flux économiques et des stocks qui reflètent l’état des variables économiques à un moment précis.

B. LE SYSTÈME EUROPÉEN DE COMPTABILITÉ, LE CADRE PERMETTANT DE COMPARER NOS POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Le système européen de comptabilité revêt un rôle essentiel au niveau européen en matière de conduite des politiques économiques et de gestion des finances publiques. Tous les indicateurs mentionnés dans les traités européens (3) sont conformes à ce cadre, soit :

– le solde des administrations publiques (APU) ;

– les recettes et les dépenses des APU ;

– les dettes des APU.

Il est à noter que seul le déficit structurel des APU n’entre pas dans ce cadre et est calculé par la Commission. Les comptes nationaux servent par ailleurs au calcul du revenu national brut, qui détermine la contribution de chaque État au budget de l’Union européenne ou le montant des subventions octroyées aux régions.

II. LE PASSAGE À SEC 2010 CONDUIT À UNE AUGMENTATION NOTABLE DU NIVEAU DE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT (PIB)

A. L’EFFET POSITIF SUR LE PIB DES RÉVISIONS ET ACTUALISATIONS DE MÉTHODES

L’Insee améliore également régulièrement les méthodes, nomenclatures et sources statistiques utilisées dans la comptabilité nationale française : le changement de base s’accompagne donc d’autres améliorations qui ont également un impact sur les agrégats économiques (4). Au total, les révisions non directement liées à SEC 2010 conduisent à une augmentation du PIB français en 2010 de 0,8 %.

B. LA HAUSSE SENSIBLE DE PIB DUE À SEC 2010

Cette nouvelle méthodologie de calcul amène à réviser le niveau des grands agrégats économiques et leur évolution. L’Insee a publié le 15 mai 2014 les comptes nationaux en base 2010 actualisés sur les trois dernières années (2011, 2012 et 2013) (5). Selon ces chiffres, le PIB de la France est relevé de 3,2 % en 2010 à 1 998 milliards d’euros, soit une augmentation de 61,8 milliards d’euros par rapport à la base 2005. Le nouveau traitement des dépenses de recherche et développement représente les deux tiers de la hausse, soit 41,5 milliards d’euros (+ 2,1 % du PIB). En 2013, le PIB français s’établit désormais à 2 114 milliards d’euros (+ 2,6 %).

LE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT (EN VALEUR) (6)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Base 2005  (7)

1 886,8

1 933,2

1 885,8

1 936,7

2 001,4

2 032,3

2 059,9

SEC 2010

1 945,7

1 995,8

1 939

1 998,5

2 059,3

2 091,1

2 113,7

Source : Insee (milliards d’euros)

L’augmentation du PIB européen est de 2,4 % en 2010 soit plus de 45 milliards en raison du changement de base SEC 2010, dont 1,9 % (c’est-à-dire 80 % de l’impact) due à la capitalisation de la recherche et développement.

À titre de comparaison, on relève que l’impact de ce changement de méthodologie a entraîné pour les États-Unis un relèvement du PIB de 3,5 % pour les années 2010 à 2012, dont 2,5 % en raison de la comptabilisation de la recherche et développement. Les conséquences du changement de méthodologie sont moindres au niveau européen, car certaines évolutions du SCN avaient précédemment été prises en compte par le SEC 1995 (divertissement, œuvres littéraires et artistiques).

III. LES NOUVELLES NORMES EUROPÉENNES COMPTABLES MODIFIENT UN CERTAIN NOMBRE DE TRAITEMENTS

A. LA RECONNAISSANCE DE LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT ET DES DÉPENSES MILITAIRES COMME UN INVESTISSEMENT

Le SEC 2010 appréhende mieux la notion d’actifs fixes et leur contribution à l’investissement à moyen et long terme des entreprises et des APU. Cela s’explique par l’importance accrue des actifs issus de la propriété intellectuelle, composantes décisives de la croissance économique. Ainsi, les dépenses en matière de recherche et développement et de bases de données sont désormais considérées comme des investissements, et non plus comme des consommations intermédiaires comme c’était le cas en base SEC 95. Considérées également comme des investissements, les dépenses militaires élargissent le périmètre des actifs fixes. Dès lors, les dépenses correspondantes viennent alimenter la formation brute de capital fixe (FBCF), ce qui accroît mécaniquement le PIB. Du point de vue français, ce nouveau traitement des dépenses de R&D conduit à relever le niveau du PIB de 2,1 % en 2010, soit 41,5 milliards d’euros (8). Les livraisons de matériels militaires relèvent la valeur ajoutée des administrations publiques de 3,3 milliards d’euros pour 2010, soit 0,2 point de PIB supplémentaire.

B. LES BIENS INTERMÉDIAIRES EXPORTÉS N’ENTRENT PLUS DANS LES CALCULS D’EXPORTATIONS ET D’IMPORTATIONS

SEC 1995 prenait en compte dans le calcul des importations et exportations l’ensemble des échanges physiques entre les entreprises françaises et leurs sous-traitants basés à l’étranger. En vertu de SEC 2010, ces échanges sont comptabilisés sous la forme d’importations de services industriels pour l’entreprise française donneuse d’ordre s’il n’y a pas de transfert de propriété, correspondant à la différence de valeur entre le produit fini et les intrants que l’entreprise française a fournis. Cela a pour conséquence de diminuer les exportations et les importations de biens industriels, ce qui influera in fine sur le solde de la balance commerciale. Les exportations françaises ressortent en diminution de 9,9 milliards d’euros et les importations de 8,6 milliards d’euros, conduisant à une dégradation du solde extérieur de la France de 1,3 milliard d’euros pour l’année 2010.

C. LES CONSÉQUENCES DE SEC 2010 POUR LES COMPTES DE L’ÉTAT ET DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. Le SEC 2010 introduit une modification notable du traitement des crédits d’impôts

Les crédits d’impôts étaient jusqu’à lors enregistrés sous forme de moindres recettes d’impôt. Désormais, le nouveau système européen comptable prévoit que les crédits d’impôts dits « restituables » (9), c’est-à-dire ceux qui présentent la forme d’une créance et peuvent donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l’impôt dû, soient intégralement comptabilisés en tant que dépenses publiques. Cette comptabilisation est réalisée au moment de la reconnaissance de dette de la part de l’administration fiscale. Cela a pour effet de relever à la fois les dépenses et les recettes publiques. Cependant, ces deux masses peuvent ne pas être équivalentes pour une même année, en raison du décalage entre l’enregistrement de la créance auprès de l’administration fiscale et la date de versement effectif. En France, cela concerne plus de vingt-cinq crédits d’impôts, dont les plus importants sont en 2013 le crédit d’impôt recherche (CIR), la prime pour l’emploi ou le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile. Ce nouveau traitement comptable est susceptible d’avoir un impact massif sur certaines variables, comme les recettes et les dépenses publiques, ou le niveau des prélèvements obligatoires. Cela est d’autant plus notable que le mécanisme des crédits d’impôts s’est développé de manière dynamique en France depuis le début des années 2000, et s’est vu renforcer avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le CICE, mis en place en 2013, sera intégré quant à lui dans les comptes nationaux à partir de l’année 2014 (soit 9,8 milliards d’euros selon le projet de loi de finances pour 2014, ou 10,8 milliards d’euros selon France Stratégie (10)).

CRÉDITS D’IMPÔTS ENREGISTRÉS EN DÉPENSES EN FRANCE

(en milliards d’euros) (11)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014 (prévision)

10,2

15,2

17,1

17,6

17

16,5

15,7

24,6

Source : Comptes nationaux – Base 2010, Insee

Exemple de prise en compte du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Une PME réalise un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros et emploie 82 salariés rémunérés à 1,8 Smic. Elle paye au titre de son chiffre d’affaires 60 000 € d’impôt sur les sociétés (IS) sur ses résultats.

En 2014, elle bénéficie, au titre de l’année 2013, d’une créance de 100 000 € de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), et bénéficiera d’une restitution du Trésor public de 40 000 €.

En SEC 2010, cette créance de 100 000 € sera intégralement comptabilisée en tant que dépense publique pour l’année 2014 – année de reconnaissance de la dette de la part de l’administration fiscale. La comptabilisation en dépenses résulte de l’exigibilité de la créance, peu importe la date de versement effectif du crédit d’impôt. Celui-ci peut en effet se réaliser une année ultérieure en raison du caractère reportable de certains crédits d’impôts (tels que le CIR, ou le CICE).

Selon l’audition d’Eurostat, la France se démarque des autres pays européens par son niveau élevé de crédits d’impôts, seules l’Italie et l’Irlande recourant de manière relativement significative à cet outil fiscal. Il sera possible de comparer les impacts de la nouvelle comptabilité nationale sur les administrations publiques européennes lorsque les chiffres de tous les pays européens seront transmis à Eurostat (avant fin septembre 2014), pour une publication le 21 octobre prochain.

2. Les ratios de dépenses et de recettes publiques sont inchangés en 2013, les évolutions futures seront en revanche fortes

Cette nouvelle approche accroît les dépenses publiques françaises de 17,6 milliards d’euros et les recettes publiques de 17,4 milliards d’euros pour l’année 2010. Selon l’INSEE, le total des dépenses des administrations publiques s’élève à 1 207,5 milliards d’euros en 2013, soit 57,1 % du PIB. Le relèvement des dépenses publiques dû à la comptabilisation des crédits d’impôts ressort à 15,7 milliards d’euros en 2013. La reconstitution des comptes du passé, ou « rétropolation », entraîne mécaniquement un niveau de dépenses et de recettes publiques accru pour les années antérieures. Toutefois, les ratios passés de finances publiques restent relativement inchangés en raison de l’élévation concomitante du niveau de PIB. Il faut cependant s’attendre à une évolution à la hausse de ces ratios à l’avenir.

RATIOS DE FINANCES PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Recettes publiques (Base 2005) (12)

49,9

49,9

49,2

49,5

50,7

51,8

52,8

Recettes publiques (SEC 2010) (13)

49,7

49,8

49,6

49,6

50,8

51,8

53

Dépenses publiques (Base 2005)

52,6

53,3

56,8

56,6

55,9

56,7

57,1

Dépenses publiques (SEC 2010)

52,2

53

56,8

56,4

55,9

56,7

57,1

L’Insee a choisi d’adopter une présentation détaillée des dépenses et recettes publiques dans ses documents, précisant le montant des crédits d’impôts désormais enregistrés en dépenses.

NIVEAU DES DÉPENSES ET RECETTES PUBLIQUES

(en milliards d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Recettes publiques (Base 2005) (14)

940,4

960,8

923,4

957,6

1 014,8

1 053,2

1 087,9

Recettes publiques (SEC 2010) (15)

966,7

994,1

961,7

992,2

1 046,6

1 083,7

1 120,4

dont crédits d’impôts enregistrés en recettes

9,5

12,4

18,6

17,4

14,9

14,2

14,1

Dépenses publiques

(Base 2005)

991

1 027

1 067,7

1 094,5

1 118,4

1 152,6

1 176,1

Dépenses publiques

(SEC 2010)

1 016,2

1 057,6

1 100,6

1 128

1 151,5

1 185,4

1 207,5

dont crédits d’impôts enregistrés en dépenses

10,2

15,2

17,1

17,6

17

16,5

15,7

3. Un impact incertain sur le taux de prélèvements obligatoires

Concernant le calcul du taux de prélèvements obligatoires, la vision de l’Insee a fait l’objet de fluctuations. En mai 2014, le document publié par l’organe de statistique indique clairement que les prélèvements obligatoires sont mécaniquement relevés du fait du nouveau traitement des crédits d’impôts. En base SEC 2010, cette hausse ressort à 18,7 milliards d’euros, dont 17,4 milliards d’euros en raison des crédits d’impôts pour l’année 2010. Cette hausse est en partie mécaniquement compensée par l’augmentation du niveau de PIB. En effet, la comptabilisation de la hausse du PIB révise elle le taux de prélèvements obligatoires à la baisse de 1,3 point pour l’année 2010. Dans ce document, l’Insee présente deux lignes, le taux de prélèvements obligatoires intégrant les crédits d’impôts et sans les crédits d’impôts. La différence s’élève à 0,9 point de pourcentage du PIB.

Cependant, l’Insee a désormais choisi dans ces nouvelles publications de présenter le taux de prélèvements obligatoires en « nettant » les crédits d’impôts. Cette décision se fonde sur une interprétation du règlement européen, selon laquelle la notion de prélèvements obligatoires reste à la discrétion des États membres. Toutefois, le point 20.79 de l’annexe dudit règlement présentant la nouvelle méthodologie précise que « les données relatives aux recettes provenant des impôts et des cotisations sociales servent à calculer les taux de prélèvements obligatoires (ou pression fiscale totale) » (16). Le point 20.168 de cette annexe relève par ailleurs que « les recettes fiscales des administrations publiques sont celles qui sont redevables, sans réduction au titre des crédits d’impôts exigibles octroyés, et les dépenses publiques incluent l’ensemble des crédits d’impôts exigibles octroyés. Ceci n’a pas d’impact sur la capacité ou le besoin de financement des administrations publiques, mais influe sur la pression fiscale et sur les dépenses publiques, ainsi que sur les ratios correspondant par rapport au PIB » (17).

L’appréciation de l’Insee soulève la question de l’homogénéité de traitement des crédits d’impôts entre les recettes publiques, les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires, ainsi que de la lisibilité des différents ratios, certains prenant en compte les crédits d’impôts et d’autres non.

Les différences de résultats sont les suivantes :

TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

(en % du PIB)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Base 2005 (18)

43,4

43,2

42

42,6

43,8

45

45,9

SEC 2010 (hors crédits d’impôts) (19)

42,1

41,9

41

41,3

42,6

43,7

44,7

SEC 2010 (y compris crédits d’impôts) (20)

42,6

42,7

41,9

42,2

43,4

44,5

45,5

Ces données sont essentielles dans une optique de comparaison internationale. Chaque année Eurostat publie un document de comparaison à l’échelle européenne (21) à partir des données transmises par les États membres et en collaboration avec la direction générale TAXUD (Taxation and Customs Union). Eurostat est actuellement en attente des résultats de la part des États membres, un groupe de travail se réunira en décembre 2014 afin de déterminer si les crédits d’impôts devront ou non figurer dans le calcul du taux de prélèvements obligatoires. Cette décision devra permettre de trouver un équilibre entre une comparaison européenne fiable et un traitement respectueux de la spécificité fiscale de chaque État membre.

4. La comptabilisation des soultes est étalée dans le temps

Les entreprises publiques versent une soulte aux administrations publiques en cas de transfert de leurs engagements envers leurs salariés en matière de retraite. Selon l’ancien système comptable, la totalité de cette soulte était comptabilisée comme une recette publique l’année de son versement. Désormais, le nouveau système comptable SEC 2010 prévoit un étalement de la comptabilisation de cette soulte sur la période de versement des pensions. La soulte s’assimile en effet à une avance financière au titre des futures pensions de retraite. Cela a pour conséquence de dégrader le solde public l’année de versement de la soulte par rapport aux anciennes normes comptables. Cela représente des montants variables, par exemple des dégradations du déficit de l’État de 5,6 milliards d’euros en 1997 et 2 milliards d’euros en 2006.

IV. LES RECOMMANDATIONS : UN SUIVI DES CRÉDITS D’IMPÔTS EN EXÉCUTION

Le nouveau traitement des crédits d’impôts selon la méthodologie européenne SEC 2010 pose de nouveaux défis de pilotage et de maîtrise des finances publiques.

Selon les données prévues en loi de finances initiale pour 2014, les crédits d’impôts reclassés en dépenses publiques, comprenant le CICE, devraient s’élever à environ 23,6 milliards d’euros (22). Cette évolution est dynamique par rapport aux 17,6 milliards d’euros calculés par l’Insee pour l’année 2010.

Cela impose l’adoption de nouveaux outils d’évaluation, de contrôle et de suivi de ces dépenses publiques. Cette réflexion doit s’inscrire dans le champ plus large des dépenses fiscales estimées à 80 milliards d’euros en 2014 selon la loi de finances initiale. Dans le tome II de l’annexe « Voies et moyens », il est indiqué un « chiffrage » des dépenses fiscales (y compris des crédits d’impôts), et non les données en exécution (23).

Il convient notamment d’améliorer l’information du Parlement en la matière et de prévoir au-delà de l’annexe au projet de loi de finances (« Évaluations des voies et moyens », tome II un chiffrage précis des crédits d’impôts, tant en exécution qu’en prévision. À ce titre, la loi de règlement devrait contenir en son sein les éléments d’exécution des crédits d’impôts pour l’année n-1.

La question se pose de savoir si les crédits d’impôts, désormais appréhendés comme des dépenses en comptabilité nationale, seront soumis aux normes de croissance « zéro volume » et « zéro valeur » des dépenses budgétaires appliquées depuis 2004 et 2011. La Cour des comptes préconise à cet égard d’établir une règle encadrant l’évolution des crédits d’impôts et un objectif d’évolution du coût des autres dépenses fiscales (24).

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le rapport de Mme Karine Berger et M. Oliver Carré, rapporteurs d’information, sur le nouveau système européen de comptabilité nationale lors de sa troisième réunion du mercredi 1er octobre 2014.

M. le président Gilles Carrez. L’été dernier, lors de la discussion du collectif budgétaire, Karine Berger et Olivier Carré nous ont proposé de faire le point sur le nouveau système européen de comptabilité nationale et sur ses incidences, et je les remercie d’avoir pris à bras-le-corps ce sujet en apparence particulièrement aride. Il est utile de les entendre aujourd’hui avant d’engager la discussion sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et le projet de loi de finances pour 2015.

M. Olivier Carré, rapporteur. Le changement introduit par le nouveau système européen de comptabilité nationale est loin d’être négligeable, ainsi que vous allez vous en rendre compte. Il nous a paru important de bien comprendre les éléments de nomenclature, ce qui change et ce qui ne change pas, afin de nous mettre d’accord, majorité et opposition, sur les termes du débat, compte tenu des impacts techniques de cette modification.

Mme Karine Berger, rapporteure. Il s’agit de faire en sorte que le débat technique sur les chiffres ne perturbe pas trop les échanges que nous pourrions avoir sur les décisions de politique économique.

Tous les cinq ans, il est procédé une révision de base comptable, c’est-à-dire que le point de référence des prix est modifié. En effet, plus on s’éloigne du moment où l’on stabilise les prix, plus il est difficile de calculer la valeur ajoutée. Cette révision entraîne à la fois une modification des chiffres de la comptabilité nationale et des changements méthodologiques de calcul des grands agrégats économiques.

Nous appelons votre attention sur la modification des grandeurs macroéconomiques liées à ce changement de base. Les chiffres ont été publiés par l’INSEE à la fin du mois de mai 2014. Selon ces chiffres, le PIB de la France est réévalué de 53 milliards d’euros en 2013, soit 2,6 % de plus, notamment du fait d’une meilleure prise en compte des dépenses de recherche et développement. Ce changement méthodologique est imposé par Eurostat à tous les pays de l’Union européenne, qui sont donc en train de publier leurs chiffres dans cette nouvelle base.

La révision à la hausse du PIB de la France s’accompagne toutefois d’une modification méthodologique de la prise en compte des dépenses publiques et des recettes publiques. Dorénavant, les dépenses publiques devront prendre en compte les crédits d’impôts dits « restituables ».

M. le rapporteur. Comme nous l’a précisé Eurostat, la formule du crédit d’impôt restituable est beaucoup utilisée par la France, l’Italie et l’Irlande. S’il peut être assimilé à une subvention, le montant du crédit à restituer, qui venait auparavant en déduction des recettes, est aujourd’hui assimilé à une dépense. Il y a donc mécaniquement une hausse des recettes comme des dépenses publiques, sans que cela change le solde autrement que de façon très marginale.

M. le président Gilles Carrez. Vous venez de nous dire que le PIB est à réévaluer de 53 milliards d’euros en raison de la prise en compte des dépenses de recherche et développement. Mais celles-ci étaient déjà intégrées. Pourquoi le sont-elles désormais pour un montant plus important ? Et quelles en seront les conséquences dans la durée ?

D’autre part, un certain nombre de dépenses fiscales ont été créées en substitution de dépenses budgétaires. Par exemple, jusqu’en 2008 l’accession à la propriété était favorisée à l’aide de subventions. Il s’agissait donc, dans le budget de l’État, d’un crédit budgétaire ce qui permettait aux banques de diminuer les taux d’intérêt. Depuis, ce système a été transformé en un crédit d’impôt sur l’impôt sur les sociétés des banques. Je souhaite que vous nous donniez quelques exemples, car nous avons du mal à comprendre.

Mme la rapporteure. La hausse de 53 milliards d’euros du PIB est liée au fait qu’un certain nombre de dépenses de recherche et développement des entreprises sont désormais considérées comme des investissements, et non plus comme des consommations intermédiaires. En effet, contrairement à une idée répandue, le PIB n’est pas la somme des productions, mais la somme des valeurs ajoutées, c’est-à-dire des productions de chaque branche, déduction faite des consommations intermédiaires, puisque la consommation intermédiaire d’une branche a nécessairement été produite par une autre. Or, dès lors que l’on considère que l’une de ces consommations intermédiaires est en réalité un investissement, comme c’est le cas d’une grande partie des dépenses de recherche et développement, la valeur ajoutée s’accroît d’autant. Les brevets, par exemple, sont désormais considérés en partie comme de l’investissement, et non plus comme de la consommation intermédiaire, et viennent donc enrichir le PIB.

M. le rapporteur. Karine Berger a rappelé que cette nomenclature serait applicable à tous les pays, mais tous n’ont pas choisi de mettre la même chose à l’intérieur de leur PIB. Si l’élément dont nous parlons a fait l’objet d’un accord unanime, ce n’est pas le cas de l’économie dite parallèle, que les Pays-Bas ont choisi d’incorporer dans leur PIB tandis que la France s’y refuse.

M. Charles de Courson. La prostitution n’était pas intégrée, alors qu’elle l’est maintenant, dans la mesure où elle n’est pas illicite. J’ajoute que, jusqu’à présent, l’armement, y compris la production de bombes atomiques, était considéré comme une dépense intermédiaire !

M. le rapporteur. Vous trouverez la liste exhaustive des crédits d’impôts désormais requalifiés en dépenses publiques à la page 15 de notre communication. Y figure par exemple le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, dont le montant est estimé à 10,8 milliards d’euros en 2014. Quant au crédit d’impôt recherche – CIR –, il avait été considéré comme une réduction d’impôt, avant de l’être comme une dépense effective dans la mesure où il s’agit d’une créance de l’État vis-à-vis d’un contribuable.

M. le président Gilles Carrez. Le terme « restituable » signifie que le crédit est restituable par l’État au bénéficiaire.

M. le rapporteur. La question des emplois de service à domicile est complexe car on distingue deux catégories de ménages : ceux dont les deux membres travaillent ou sont à la recherche d’un emploi, et ceux dont l’un des deux membres ne travaille pas. Dans cette deuxième catégorie, contrairement à la première, le gain fiscal est une déduction d’impôt, mais il n’y a pas de crédit restituable.

M. le président Gilles Carrez. Dans cette logique, la prime pour l’emploi – PPE – devrait être intégrée pour partie seulement.

Mme la rapporteure. Dès lors qu’une partie d’une dépense fiscale est un crédit d’impôt, elle est entièrement classée en dépenses. On peut le regretter, mais c’est ainsi. Quant au CICE, une partie de la somme est accordée sous la forme d’une réduction d’impôt sur les sociétés et une autre sous la forme d’un chèque donné à des entreprises. Mais l’intégralité du crédit d’impôt est inscrite en dépenses.

M. Charles de Courson. C’est la Cour des comptes qui avait préconisé ce système pour la PPE. Dans le tableau figure la partie imputée sur l’impôt sur le revenu.

Mme Monique Rabin. Si j’ai bien compris, cette nouvelle nomenclature devrait favoriser les comparaisons européennes. Avez-vous pu constater que notre pays aidait davantage les particuliers que les autres pays ?

Mme la rapporteure. À ce stade, nous ne pouvons pas vous répondre, car la France est l’un des seuls pays, pour l’instant, à avoir publié ses chiffres. Nous avons posé la question à Eurostat, qui nous a indiqué que deux autres pays seraient dans le même cas que nous et que les comparaisons seraient possibles dès le 21 octobre. Il semble cependant que la France, en matière de crédits d’impôt restituables, soit dans une situation un peu particulière du fait du CICE.

Mme Christine Pires Beaune. Si, en matière de calcul du PIB, tous les pays européens adoptent les mêmes règles comptables, en revanche les périmètres peuvent varier d’un pays à l’autre ; je pense notamment à la prostitution, qui est incluse dans le PIB des Pays-Bas.

Mme la rapporteure. Les différences sont marginales. Eurostat a accepté que la France, qui s’y refusait pour des raisons politiques assez évidentes, n’inclue pas la prostitution dans le périmètre du PIB. Cependant, les mécanismes de calcul du PIB sont extrêmement encadrés dans tous les pays européens.

J’en viens aux conséquences de l’application du nouveau système sur les ratios de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, car c’est sans doute ce point qui fera l’objet des échanges les plus politiques dans les semaines qui viennent. Un tableau qui figure dans le texte qui vous a été distribué retrace l’historique des ratios de dépenses et de recettes publiques calculés en base 2005 et en base 2010. On s’aperçoit que, pour 2012 et 2013, les taux de dépenses publiques sont identiques quelle que soit la base retenue. Cela s’explique par le fait qu’on a réévalué, d’une part, les dépenses de 16 milliards d’euros au titre des crédits d’impôts et, d’autre part, le PIB de 53 milliards d’euros. À ce stade, la révision des bases n’emporte donc pas de modification des ratios.

M. le rapporteur. Mais c’est un effet arithmétique, le « hasard des chiffres », car la méthodologie a radicalement changé. Les ratios évolueront donc certainement à la hausse.

Mme la rapporteure. C’est pourquoi le tableau suivant retrace l’évolution des recettes et des dépenses publiques en milliards d’euros. Ainsi, on s’aperçoit qu’en 2013 la dépense publique s’est élevée à 1 176 milliards selon la base 2005 et de 1 207 milliards selon la base 2010. L’intégration du CICE aux dépenses publiques, à partir de 2014-2015, aura des effets visibles. À ce propos, j’appelle votre attention sur le fait que, dans la présentation du budget qu’il a faite ce matin, le Gouvernement a retenu la nouvelle base, mais n’a pas appliqué la nouvelle méthodologie, c’est-à-dire qu’il n’a pas comptabilisé les crédits d’impôt restituables dans les dépenses. Or, il nous semble nécessaire qu’il assure une double publication s’agissant des dépenses publiques – l’une sans les crédits d’impôts restituables, l’autre avec ces crédits d’impôts restituables – car c’est sur ce point que nous serons jugés au niveau européen. C’est la première recommandation que nous souhaitons faire.

Par ailleurs, le taux de prélèvements obligatoires n’est pas soumis à la méthodologie européenne. Ainsi l’INSEE continue de « netter » les crédits d’impôts : il ne relève pas les prélèvements obligatoires pour tenir compte de leur nouveau traitement. Nous pensons que c’est une bonne idée, mais il faut avoir conscience que la Commission européenne n’aura pas forcément fait le même choix que nous en la matière.

M. le rapporteur. Mon opinion diverge de celle de Karine Berger sur ce point. Il me semble en effet utile de disposer du taux brut de prélèvements obligatoires ; il nous aurait permis de constater que ceux-ci continueront d’augmenter l’année prochaine, notamment pour financer le CICE. Dans la présentation du budget qui a été faite ce matin, ces transferts apparaissent comme neutres alors qu’au lieu de baisser de 0,1 point, les prélèvements obligatoires augmenteront sans doute de 0,4 point. Le taux de prélèvement augmentera pour certains et diminuera pour ceux qui bénéficieront du CICE.

En choisissant le crédit d’impôt, un gouvernement, quel qu’il soit, bénéficie d’un « effet bonneteau » puisque, sous cette forme, la subvention n’apparaît pas dans les dépenses de l’État. La nouvelle méthodologie permet donc d’évaluer de manière plus sûre les politiques menées et d’observer une éventuelle dérive de la recette ou de la dépense publique. En l’espèce, on constate un accroissement de celles-ci, qui traduit bien l’emprise de la collectivité – État, fonds sociaux – sur le fonctionnement global de l’économie.

Mme la rapporteure générale. Quelle est la méthodologie qui a été utilisée pour la présentation qui a été faite ce matin ?

Mme la rapporteure. Les dépenses publiques telles que publiées dans le projet de loi de programmation ont été évaluées selon la nouvelle base, mais elles ne comprennent pas les crédits d’impôt. Nous n’avons pas voulu, Olivier Carré et moi, aborder la question de savoir s’il était justifié ou non de comptabiliser ces derniers dans les dépenses publiques ; nous avons simplement cherché à comprendre quelles étaient les demandes d’Eurostat. Or, ces demandes portent sur la comptabilisation des crédits d’impôt dans les dépenses publiques. C’est pourquoi nous recommandons que celles-ci soient publiées hors crédits d’impôts – car on peut s’interroger sur ce mode de comptabilisation – et crédits d’impôts compris – parce que c’est le chiffre que publiera Eurostat. En revanche, le taux de prélèvements obligatoires sera publié tel quel.

M. Charles de Courson. Ce matin, j’ai interrogé les ministres sur ce point. Les taux de dépenses publiques, qui sont en effet publiés hors crédits d’impôts, sont les suivants : 56,4 % en 2013, 56,5 % en 2014 et 56,1 % en 2015. On constate donc une baisse de 0,4 point. Mais, si l’on inclut les crédits d’impôts, on observe une augmentation de 0,3 point. Je ne les ai pas interrogés sur le taux de prélèvements obligatoires, mais il faudrait le redresser du même montant.

Mme la rapporteure. Non !

M. Charles de Courson. Nous sommes tous d’accord pour que les crédits d’impôts soient comptabilisés dans les dépenses, de manière à éviter que les gouvernements successifs ne privilégient cet outil fiscal pour faire croire que la dépense n’augmente pas. En revanche, je suis en désaccord avec Karine Berger sur la question du taux de prélèvements obligatoires : ceux-ci doivent également, par souci de cohérence, faire l’objet d’une double publication.

Mme la rapporteure. Notre objectif était de vous éclairer sur ce qui est imposé par Eurostat – c’est-à-dire le nouveau mode de calcul du PIB et des dépenses publiques – et ce qui ne l’est pas. La présentation du taux de prélèvements obligatoires reste à l’appréciation des instituts de statistiques nationaux. En tout état de cause, pour notre Commission, le fait de disposer d’informations sur la partie « crédits d’impôts » de la dépense publique est un progrès important. J’ajoute que nous recommandons également que figurent dans la loi de règlement les chiffres des crédits d’impôts exécutés, qui sont maintenant comptabilisés comme des dépenses.

M. le président Gilles Carrez. La présentation du Gouvernement reste inchangée : il déduit les crédits d’impôts du montant des prélèvements obligatoires.

Je m’étonne que notre déficit public de 2013, qui avait été estimé à 4,3 %, ait été évalué à 4,2 % en juin et maintenant à 4,1 %. Cette évolution est-elle liée à des changements comptables ? La question me paraît importante, car le fait que le déficit public de 2014 soit légèrement supérieur à celui de 2013 est mauvais à tous égards. S’il avait été égal, voire légèrement inférieur à celui de 2013, la politique de trajectoire des déficits du Gouvernement aurait été beaucoup plus facile à défendre.

Mme la rapporteure. C’est en effet lié à un mécanisme comptable. Outre le changement de base, le PIB a évolué. Pour une année « n », l’écart moyen de taux de croissance entre la première publication du PIB et la troisième, qui intervient à « n +2 », est de 0,3 point. L’INSEE est amené à modifier son évaluation en fonction des informations qu’il collecte sur le PIB de l’année 2013. C’est un phénomène assez classique, qui est renforcé par le changement de base.

M. le président Gilles Carrez. Il me paraît nécessaire que le Gouvernement intègre cet élément dans sa communication, car les chiffres du déficit sont très médiatisés. Tout le monde comprend que la trajectoire de réduction des déficits ralentisse, mais une augmentation entre 2013 et 2014 sera considérée comme un accident ou une preuve d’impuissance. Si une partie de l’explication est comptable, le Gouvernement doit le souligner ; or, il ne l’a pas fait.

M. le rapporteur. Le dénominateur ayant augmenté, le ratio a mécaniquement diminué. Dès lors, si l’on constate, en appliquant cette méthode, un accroissement du ratio, c’est que le numérateur, c’est-à-dire le déficit constaté en euros, a augmenté sensiblement plus. S’il y a un effet de base, il est favorable à la diminution du déficit budgétaire.

Mme la rapporteure. La question du président Carrez est pertinente : la réduction du ratio liée à l’augmentation du dénominateur est plus forte que prévu en 2013, et c’est probablement ce qui explique cette baisse d’un dixième.

M. le rapporteur. Si l’on prend les anciennes bases, la croissance nominale du PIB est de 1,35 % ; avec les nouvelles, elle est révisée à 1,08 %. On a donc un effet de base défavorable de 0,27 point.

Mme Christine Pires Beaune. Le montant des dépenses publiques va donner lieu à des comparaisons entre pays de la zone euro. Le niveau des crédits d’impôt restituables est-il largement supérieur en France à ce qu’il est chez nos voisins ?

Mme la rapporteure. Selon Eurostat, outre la France, deux pays se distinguent par leur niveau élevé de crédits d’impôts, l’Italie et l’Irlande. Mais, avec le CICE, nous risquons d’être, de très loin, le pays qui recourt le plus à cet outil fiscal. Toutefois, le changement de méthodologie produira, chez nos voisins, des effets dans d’autres domaines. Nous mettons l’accent sur les crédits d’impôts restituables, précisément parce que la France est principalement concernée par ce type de dispositif.

M. le président Gilles Carrez. Je tiens à remercier nos collègues Karine Berger et Olivier Carré pour ce travail très utile, portant sur des questions qui sont loin d’être neutres ou purement techniques, car leurs conséquences vont bien au-delà, ainsi que nous venons de le voir.

*

* *

ANNEXE 1 :
LISTE DES CRÉDITS D’IMPÔTS RETENUS EN DÉPENSES PUBLIQUES

Dispositif

Montant exécuté en 2010

(en milliards d’euros) (25)

Chiffrage pour 2014

(en milliards d’euros) (26)

Crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi

-

10,8

Crédit d’impôt recherche

5,1

5,8

Prime pour l’emploi

3,3

2,21

Crédit d’impôt développement durable

2,6

0,66

Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile

1,8

2,07

Crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt lors de l’achat d’une résidence principale

1,5

-

Prêts et éco-prêts à taux zéro

1,0

1,335

Crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants de moins de six ans

0,9

1,235

Crédit d’impôt sur les revenus distribués des sociétés

0,6

nc

Crédit d’impôt apprentissage

0,4

0,530

Crédit d’impôt intéressement

0,1

nc

Autres crédits d’impôts restituables

0,3

nc

Impact total sur les dépenses des administrations publiques

17,6

24,6

ANNEXE 2 :
LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LES RAPPORTEURS

INSEE

• M. Jean-Luc Tavernier, directeur général

• M. Éric Dubois, directeur des études et synthèses économiques

• Mme Marie Hassan, cheffe de division des comptes nationaux

Direction du budget

• M. Denis Morin, directeur

• Mme Sophie Mantel, cheffe de service, adjointe du directeur

Direction générale du Trésor

• Mme Sandrine Duchêne, directrice générale adjointe du Trésor

OCDE

• M. Peter Vanderen, directeur des comptes nationaux

• M. François Lequiller, conseiller du statisticien en chef

Eurostat

• M. Eduardo Barredo-Capelot, directeur des statistiques des finances des administrations publiques et qualité

• Mme Lena Frej-Ohlsson, cheffe d’unité D2

• M. John Verrinder, chef d’unité D3

1 () Règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

2 () Règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, JO L 310 du 30 novembre 1996, p. 1.

3 () Article 126 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et protocole n° 12 notamment.

4 () On peut citer la meilleure prise en compte de la valeur ajoutée des entreprises non financières par la statistique d’entreprise Esane, ou l’évolution de la prise en compte du secteur des assurances.

5 () L’ensemble des données publiées sur la période couverte par les comptes nationaux (1949-2013) a été actualisé à cette occasion en base 2010.

6 () Insee, Note méthodologique, 15 mai 2014.

7 () Notification du 1er avril 2014.

8 () Les deux tiers provenant des entreprises (27,7 milliards d’euros) et un tiers des APU (13,8 milliards d’euros).

9 () Le crédit d’impôt dit « restituable » au sens européen s’assimile en droit français au crédit d’impôt. A contrario, le crédit d’impôt « non restituable » prévu par SEC 2010 correspond à la réduction d’impôt en droit français.

10 () France Stratégie, Rapport annuel du Comité de suivi du CICE, publié le 29 septembre 2014.

11 () Insee, Comptes nationaux, Tableau 3.201, mise à jour le 5 septembre 2014.

12 () Source : Insee, DGFiP, DG Trésor, notification du 31 mars 2014. Informations Rapides, n° 72, 31 mars 2014.

13 () Source : Comptes nationaux – Base 2010, Insee. Site internet de l’Insee, consulté le 23 septembre 2014.

14 () Source : Insee, Comptes nationaux de chaque année.

15 () Source : Insee, tableau 3.201, mise à jour le 5 septembre 2014.

16 () Règlement (UE) n° 549/2013 précité, page 455.

17 () Règlement (UE) n° 549/2013 précité, page 467.

18 () Sources : Insee, DGFiP, DG Trésor, notification du 31 mars 2014. Informations Rapides, n° 72, 31 mars 2014 et Eurostat, Taxation trends in the European Union 2014 édition, page 82.

19 () Source : Insee Première, n° 1500, mai 2014. Cependant, le taux de prélèvements obligatoires est calculé hors crédits d’impôts, alors que les crédits d’impôts sont classés en dépenses en base 2010.

20 () Source Insee, Tableaux 3.201 et 3.211.

21 () Eurostat, Taxation trends in the European Union, 2014.

22 () Cf. annexe.

23 () Plus précisément, il est indiqué qu’il « peut s’agir d’une simulation, d’une reconstitution à partir de données déclaratives fiscales ou d’une reconstitution à partir de données autres que fiscales. »

24 () Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2014, p. 189.

25 () Insee, Les comptes nationaux passent en base 2010, mai 2014, p. 52.

26 () Annexe au projet de loi de finances pour 2014, Évaluation des voies et moyens, tome II ; Rapport précité de France Stratégie du Comité de suivi du CICE.


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