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N° 2437

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 décembre 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

sur l’évaluation du développement des services à la personne

ET PRÉSENTÉ PAR

MMES Martine PINVILLE et Bérengère POLETTI

Députées

——

SOMMAIRE

___

Pages

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURES 9

SYNTHÈSE DU RAPPORT 15

INTRODUCTION 35

PREMIÈRE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE, UNE AMBITION À PERPÉTUER 37

I. UNE POLITIQUE AMBITIEUSE POUR RÉPONDRE À DES ENJEUX IMPORTANTS 37

A. UN PLAN D’AIDES AUX OBJECTIFS PLURIELS 37

1. Une logique duale 37

a. Une politique de solidarité ancienne qui se double d’une politique de l’emploi 37

b. Un défi majeur : la lutte contre le travail clandestin et la structuration du secteur 39

c. Un champ hétérogène d’activités diversement aidées 40

2. Un arsenal de dispositifs 44

a. De nombreux outils qui relèvent de la simplification administrative, de la réglementation, des dépenses fiscales et des niches sociales 44

b. Des interactions avec les autres politiques publiques mal évaluées 47

B. UN BILAN CONTRASTÉ 48

1. Des résultats moindres qu’attendus en termes de création d’emplois 48

a. Un nombre d’emplois créés non négligeable mais inférieur à l’objectif affiché 48

b. La baisse d’activité observée dans le secteur des services à la personne est avérée tout en étant récente et relative 49

2. Un coût élevé pour des bénéfices controversés 51

a. Un coût brut qui croît plus vite que le nombre d’emplois créés 51

b. Un coût net difficile à évaluer 52

II. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE POUR AMÉLIORER L’EFFICIENCE DES DÉPENSES FISCALES ET SOCIALES 55

A. LA RECHERCHE D’UN CIBLAGE SUR LES MESURES LES PLUS EFFICIENTES 55

1. Réinterroger le champ des 23 activités éligibles aux aides fiscales et sociales 55

2. Le débat sur la réorientation des aides fiscales et sociales 59

a. Faut-il élargir le bénéfice du crédit d’impôt ? 59

b. Faut-il abaisser les plafonds des dépenses éligibles au crédit et à la réduction d’impôt ? 63

c. Faut-il davantage cibler les exonérations de charges sociales ? 68

B. LA SIMPLIFICATION DES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT 71

1. Le CESU déclaratif 71

a. Des progrès sont encore possibles dans l’accès à l’information et la simplification 71

b. L’opportunité d’un mécanisme de tiers-payant préfinançant les avantages fiscaux devrait être étudiée 73

2. Le CESU préfinancé 74

a. Le CESU RH : un dispositif à évaluer 75

b. Le CESU social : une garantie pour la bonne utilisation de l’argent public 76

III. UN SECTEUR À MIEUX STRUCTURER ET PROFESSIONNALISER 77

A. LA SITUATION DE L’EMPLOI DANS LE SECTEUR DES SERVICES À LA PERSONNE ET SON ÉVOLUTION PRÉVISIBLE 78

1. Un secteur manquant d’attractivité qui devra faire face à un fort besoin de recrutement 78

a. Des offres d’emploi nombreuses, dont un grand nombre non pourvues 78

b. Un fort besoin de recrutement au cours de la décennie 2012-2022 79

c. Les emplois de l’aide à domicile sont peu attractifs 81

d. Les conditions de travail et la qualité de l’emploi sont mal appréhendées 83

2. Les incertitudes sur la qualité du service rendu : un suivi professionnel à mettre en place 83

B. POURSUIVRE LA STRUCTURATION DU SECTEUR 84

1. Inciter les partenaires sociaux à unifier les conventions collectives du secteur 85

2. Encourager la démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences 86

C. UN SYSTÈME DE FORMATION PROFESSIONNELLE TROP CLOISONNÉ, UN NOMBRE DE QUALIFICATIONS TROP ÉLEVÉ 87

1. La formation progresse chez les salariés mais trouve des limites dans la mise sous contrainte de la masse salariale 88

a. Une faible adéquation entre l’emploi occupé par les salariés et le diplôme détenu 88

b. La politique de formation mise en place par les branches : une progression réelle mais mal mesurée 89

c. Introduire une expérimentation d’apprentissage dans le secteur de l’aide à domicile 91

2. Refondre le système de qualifications et simplifier l’offre de formation 91

a. Réduire le nombre de qualifications de niveau V 92

b. Élargir le champ des actes réalisés par les diplômés du niveau V afin de mettre le droit en conformité avec la pratique courante 92

3. Un secteur professionnel cloisonné qu’il conviendrait d’intégrer et d’unifier dans une logique de filières 93

DEUXIÈME PARTIE : LES DÉFIS DU MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES 97

I. LES DÉFIS DU VIEILLISSEMENT ET DU MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES EN PERTE D’AUTONOMIE 97

A. LES BESOINS FUTURS D’AIDE AU MAINTIEN À DOMICILE 97

1. La part de la population âgée va s’accroître régulièrement jusqu’en 2060 97

2. Une notion essentielle pour la prévision : l’espérance de vie sans incapacité 98

3. L’évolution du nombre de personnes dépendantes 99

4. À politique inchangée, la progression de la part des personnes âgées en établissement progresserait plus rapidement que celle des personnes vivant à domicile 102

5. Le coût global de la perte d’autonomie : un enjeu pour les finances publiques 103

B. ANTICIPER LES CONSÉQUENCES DE L’ACCROISSEMENT DU NOMBRE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES 104

1. Quelle évolution pour l’aide potentielle aux personnes dépendantes ? 104

a. Mieux prendre en considération les aidants 104

b. Comment évoluera la disponibilité des aidants ? 105

c. L’accompagnement des aidants familiaux 106

2. Assurer la cohérence des actions au bénéfice des personnes en perte d’autonomie 106

a. Assurer sur l’ensemble du territoire le diagnostic de la personne fragilisée 107

b. Étendre les dispositifs créés par le plan Alzheimer aux malades vivant à domicile 108

c. Préserver les aides individuelles à domicile à côté de la progression des actions collectives 108

d. Assurer la cohérence des réponses apportées aux besoins des personnes âgées à domicile 109

e. Développer une offre intégrée et individualisée de services 110

f. Faut-il envisager une évolution du rôle du prestataire ? 111

II. FAVORISER LA COEXISTENCE HARMONIEUSE DES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D’AUTONOMIE 112

A. LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D’AUTONOMIE 113

1. De nombreux acteurs intervenant pour le développement d’une offre de services aux personnes âgées 113

2. Les prestations versées au titre de l’APA à domicile aux personnes âgées dépendantes 115

a. Les équipes médico-sociales des conseils généraux élaborent des plans d’aide personnalisés 115

b. Ces plans d’aide ne parviennent pas à répondre adéquatement aux besoins 117

B. UN DOUBLE RÉGIME RÉGLEMENTAIRE : L’AUTORISATION ET L’AGRÉMENT 120

1. L’enjeu de planification d’une offre de qualité sur l’ensemble du territoire pour les conseils généraux 120

2. La création d’un agrément et d’une faculté d’option pour faciliter la création d’entreprises en 2005 121

3. La recherche d’une unification réglementaire par les contrats d’objectifs et de moyens 122

a. Une fusion des deux régimes serait une source de complications 123

b. La loi d’adaptation de la société au vieillissement a pour ambition de dépasser la dualité de régime 124

C. UNE ÉTANCHÉITÉ TROP STRICTE AVEC LE DOMAINE DU SOIN 127

1. Un cadre réglementaire et conventionnel trop rigide 128

2. De nombreux défis pour le développement d’une offre de services mixte : les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) 129

III. LA RÉFORME DU SYSTÈME DE TARIFICATION DES PRESTATIONS DONT BÉNÉFICIENT LES PERSONNES ÂGÉES AU TITRE DE L’APA 132

A. UN FONCTIONNEMENT QUI ATTEINT SES LIMITES, TANT POUR LES PRESTATAIRES QUE POUR LES BÉNÉFICIAIRES 132

1. Une procédure unique, une mise en œuvre variée 132

a. La procédure de la tarification 132

b. Une mise en œuvre variable selon les départements 133

2. Une tarification trop complexe 133

3. Des tarifs globalement trop faibles 135

a. L’augmentation des coûts d’intervention 135

b. Des revalorisations de tarifs insuffisantes 136

c. Une stabilisation des aides accordées au titre des plans d’aide 137

4. Les effets conjugués du faible niveau des tarifs et de la rigidité de la tarification 138

a. La mise sous pression des plans d’aide 139

b. Une forfaitisation des coûts excessive 139

c. Des restes à charge plus élevés que prévu 140

B. UN CONTEXTE D’EXPÉRIMENTATIONS ET DE RÉFORMES 141

1. Les dispositifs expérimentaux de tarification alternative 142

a. L’abandon du cadre horaire pour la facturation des prestations accomplies par les services d'aide à domicile 142

b. Une forfaitisation sur la base des prestations programmées 143

c. Des responsabilités accrues pour les services, en tant qu’acteurs des politiques départementales 143

2. L'accélération de la refondation de l’aide à domicile aux personnes âgées par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement 144

3. La modernisation de la télégestion 146

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 149

EXAMEN PAR LE COMITÉ 163

ANNEXE 1 : ENQUÊTE SUR LA TARIFICATION DES SERVICES D’AIDE À DOMICILE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES, DANS VINGT DÉPARTEMENTS MÉTROPOLITAINS 177

ANNEXE 2 : SIMULATION DE L’IMPACT DE L’INSTAURATION D’UN CRÉDIT D’IMPOT POUR L’EMPLOI D’UNE AIDE À DOMICILE EN FAVEUR DES BÉNÉFICIAIRES DE L’ALLOCATION PERSONNALISÉE D’AUTONOMIE 197

ANNEXE 3 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES 207

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES À L’ÉVALUATION DU DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE 213

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURES

1.– Améliorer l’efficience des aides publiques aux services à la personne

a) Mieux évaluer les aides publiques

Proposition n° 1 des rapporteures : se doter des outils permettant de mieux connaître les enjeux du secteur et l’impact des aides publiques :

– réaliser des études sur échantillon pour mesurer l’ampleur du travail dissimulé ;

– expérimenter un modèle macroéconomique permettant d’évaluer l’effet de l’ensemble des mesures de soutien aux services à la personne sur l’emploi et les finances publiques ;

– évaluer les interactions des dispositifs fiscaux et sociaux de soutien aux services à la personne avec les prestations sociales de solidarité (PAJE, APA, PCH), les allégements généraux de charges sociales et le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).

b) Réinterroger le champ des activités éligibles aux aides fiscales et sociales

Proposition de Mme Martine Pinville : réserver aux personnes dépendantes les aides publiques liées aux services à domicile « de confort » (petits travaux de jardinage et débroussaillage à domicile ; cours à domicile ; assistance informatique et internet à domicile ; maintenance, entretien et vigilance temporaire, à domicile, de la résidence principale et secondaire).

Proposition de Mme Bérengère Poletti : évaluer le coût net des aides publiques pour chaque activité de service à la personne et l’impact d’une modification de la liste des activités aidées sur l’emploi dans les secteurs concernés.

c) Faut-il réorienter les aides fiscales ?

Proposition de Mme Martine Pinville : réorienter en direction des personnes qui en ont le plus besoin la réduction et le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile :

– attribuer le bénéfice du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile aux bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ;

– abaisser à 7 000 euros le plafond de base du crédit et de la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, et prévoir une baisse homothétique des autres plafonds, en étudiant la possibilité de créer un plafond différencié pour les parents d’enfants de moins de trois ans employant une garde d’enfant à domicile.

Proposition de Mme Bérengère Poletti : conforter le crédit et la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile dans leur logique incitative créatrice d’emplois dans un contexte de crise économique.

d) Le ciblage des exonérations de cotisations sociales

Proposition n° 2 des rapporteures : réorienter en direction des personnes qui en ont le plus besoin l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi d’un salarié à domicile :

– porter à 80 ans l’âge requis pour bénéficier de cette exonération ;

– étendre cette exonération aux personnes en perte d’autonomie (GIR 5).

2.– Mieux structurer et professionnaliser le secteur des services d’aide à la personne

Proposition n° 3 des rapporteures : donner un nouvel élan aux projets destinés à faciliter l’accès aux services à la personne :

– fiabiliser la base NOVA pour proposer une information complète et à jour sur l’offre de services à la personne via des portails d’information dédiés par publics cibles (personnes âgées, familles avec enfants, personnes en situation de handicap) ;

– améliorer l’information des ménages sur les restes à charge par la généralisation de calculatrices des aides publiques ;

– réunir les processus de paiement et de déclaration des heures prestées sur un même compte internet ;

– étudier différentes options permettant de mettre en place un mécanisme de tiers-payant préfinançant les avantages fiscaux liés à l’impôt sur le revenu.

Proposition n° 4 des rapporteures : engager une politique structurée de prévention de la pénibilité dans le secteur de l’aide à domicile, animée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et mise en œuvre par les fédérations de services à la personne.

Proposition n° 5 des rapporteures : mieux évaluer la qualité du service rendu et de l’emploi dans le secteur de l’aide à domicile :

– développer l’évaluation de la qualité du service rendu par le salarié du service d’aide à domicile ;

– mettre en place un accompagnement des salariés dans l’objectif d’apporter des améliorations profitables tant à la personne aidée qu’au salarié lui-même dans ses conditions de travail.

Proposition n° 6 des rapporteures : encourager la structuration des services à la personne en filières, pour permettre la circulation transversale des salariés entre les trois composantes des services à la personne (services aux personnes handicapées et dépendantes, services à la petite enfance, services de confort).

Proposition n° 7 des rapporteures : encourager les DIRECCTE à instituer, à l’échelle intercommunale ou départementale, une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du secteur des services à la personne, en priorité dans les bassins d’emploi où des postes sont à pourvoir dans les services à la personne.

Proposition n° 8 des rapporteures : améliorer l’accès des salariés du secteur des services à la personne à la formation professionnelle :

– améliorer l’information des salariés sur l’accès à la formation, par une meilleure diffusion vers les employeurs des supports présentant les offres de formation ;

– mettre en place une procédure simplifiée d’accès à la formation pour les salariés employés directement par plusieurs employeurs.

Proposition n° 9 des rapporteures : développer l’ouverture de l’apprentissage et de la formation en alternance aux métiers de l’aide à domicile pour les publics fragiles.

Proposition n° 10 des rapporteures : refondre le système des qualifications des services à la personne :

– simplifier la carte des formations et des qualifications de niveau V ;

– décloisonner les qualifications de niveau V en admettant une spécialisation au choix ;

– inclure un stage dans un service d’aide à domicile dans tous les cursus de niveau V ;

– à l’occasion de la refonte des qualifications de niveau V, permettre qu’un certain nombre d’actes courants, même considérés comme « médicalisés », soient réalisés par les auxiliaires de vie sociale ou des aides médico-psychologiques.

Proposition n° 11 des rapporteures : prévoir des passerelles entre les métiers du secteur médico-social et du secteur sanitaire :

– unifier le diplôme d’auxiliaire de vie sociale et le diplôme d’aide médico-psychologique ;

– faciliter les parcours professionnels en instaurant des équivalences de diplômes entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social ;

– créer des passerelles entre les métiers des services à la personne et ceux exercés dans les établissements.

3.– Mieux répondre aux défis du maintien à domicile des personnes âgées

Proposition n° 12 des rapporteures : mieux repérer les situations de perte d’autonomie :

– assurer le diagnostic des situations de fragilité auprès des personnes âgées à domicile ;

– inciter les médecins de ville à effectuer le diagnostic précoce des maladies pouvant entraîner la perte d’autonomie, maladie d’Alzheimer en particulier ;

– élargir les missions des assistants en soin gérontologique (ASG) afin qu’ils puissent intervenir auprès de personnes en perte d’autonomie vivant à domicile ;

– élargir la formation des auxiliaires de vie à domicile en y intégrant une formation à la prise en charge de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Proposition n° 13 des rapporteures : favoriser l’expérimentation de l’offre de services intégrée couvrant l’ensemble des besoins du bien vieillir à domicile :

– conférer au prestataire de services une souplesse pour organiser, assurer et adapter les prestations d’aide et d’accompagnement ;

– prévoir une modalité de contrôle de la conduite des prestations sur la base d’indicateurs définis par le financeur, admettant des éléments qualitatifs à côté ou à la place du temps d’intervention.

Proposition n° 14 des rapporteures : adopter une nouvelle présentation des plans d’aide de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile en distinguant, d’une part, un socle de services liés à la prise en charge de la dépendance de la personne aidée, et, d’autre part, les autres services répondant à des besoins relevant du bien-être de la personne.

Proposition n° 15 des rapporteures : adapter le dispositif de tarification des plans d’aide à domicile pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) :

– prévoir dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) un plafonnement du nombre d’interventions inférieures ou égales à une demi-heure ;

– afin d’éviter le risque de sélection des bénéficiaires de l’aide à domicile sur un critère géographique, prévoir dans la nomenclature des interventions une information sur la localisation du bénéficiaire ;

– ouvrir la possibilité d’appliquer un tarif pour les dimanches et les jours fériés intégrant les suppléments de coûts de rémunération pour les intervenants, considérant que le coût horaire est 25 % supérieur pour ces prestations.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

INTRODUCTION

Le jeudi 31 octobre 2013, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail l’évaluation de la politique de développement des services à la personne. Cette politique publique transversale méritait en effet une évaluation au regard de son impact sur nombre de ménages, de salariés et d’employeurs, des aides publiques mobilisées – dépenses fiscales, allégements de charges sociales, formation professionnelle – et des questions de société soulevées – petite enfance, handicap, dépendance.

Le jeudi 5 décembre 2013, le CEC a désigné rapporteures Mme Martine Pinville, membre du groupe SRC, pour la majorité, et Mme Bérengère Poletti, membre du groupe UMP, pour l’opposition. En application de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, a été constitué un groupe de travail désigné par la commission des Affaires sociales et composé de Mme Joëlle Huillier (SRC), de Mme Isabelle Le Callennec (UMP) et de M. Denys Robiliard (SRC).

Sur le fondement de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, le Président de l’Assemblée nationale a, sur proposition du CEC, demandé l’assistance de la Cour des comptes afin de réaliser cette évaluation.

Dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, prévu pour le mois d’octobre 2014, les rapporteures ont demandé à la Cour des comptes de procéder à une étude générale sur l’ensemble du champ des services d’aide à la personne incluant un volet plus ciblé sur les services aux personnes âgées en perte d’autonomie et de remettre son rapport dès le mois de juillet 2014, afin qu’elles puissent procéder à leurs propres auditions dans un calendrier compatible avec l’examen du texte.

De janvier à juin 2014, les rapporteures ont conduit leurs propres travaux, qu’elles ont souhaité centrer sur la tarification des services d’aide à domicile intervenant dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile. Elles ont souhaité interroger par voie de questionnaire les conseils généraux sur leurs pratiques en tant qu’autorité de tarification (au sens de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles), l’objet de cette enquête étant d’appréhender la diversité des pratiques tarifaires selon les situations départementales et de mieux connaître les innovations tarifaires faisant suite à l’instauration du cadre de l’expérimentation ouverte par l’article 150 de la loi de finances pour 2012. Le résultat de cette enquête auprès de 20 conseils généraux fait l’objet d’une annexe au présent rapport.

Dans le même temps, les rapporteures ont conduit un premier cycle d’auditions et de déplacements à cette problématique essentielle pour le maintien à domicile des personnes âgées, se rendant sur le terrain dans des départements représentatifs de la variété des pratiques et des situations : la Seine-Saint-Denis (22 mai 2014), la Sarthe (26 juin 2014) et le Nord-Pas-de-Calais (1er juillet 2014).

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, a présenté au CEC le rapport de la juridiction financière, le 10 juillet 2014, au cours d’une audition ouverte à la presse. Ce rapport, qui figure à la fin du présent rapport, constitue une actualisation du bilan dressé par la Cour des comptes en 2010, assortie d’une analyse particulière des services à la personne contribuant au maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie. La Cour a cherché à savoir si la politique de soutien aux services à la personne, qui s’appuie aujourd’hui sur environ 6,5 milliards d’euros, pouvait contribuer à répondre aux besoins croissants du soutien à domicile des personnes âgées. Ses constats la conduisent à formuler douze recommandations résumées en quatre messages principaux : premièrement, les deux principaux objectifs visés par la politique de développement des services à la personne – le soutien à l’emploi et la solidarité avec les personnes fragiles – se juxtaposent sans être articulés ; deuxièmement, l’impact des aides consenties sur l’emploi reste limité ; troisièmement, la professionnalisation et la structuration des activités représentent des enjeux clés pour assurer une plus grande attractivité du secteur ; enfin, face au coût croissant de la politique menée, un ciblage des aides sur certaines activités et certains publics apparaît nécessaire.

À partir de juillet 2014, les rapporteures ont consacré un deuxième cycle d’auditions et de tables rondes, sur la base des constats et des recommandations de la Cour des comptes.

À l’issue de ces travaux auxquels ont été associés des chercheurs en sciences sociales, des représentants des administrations concernées, et des parties prenantes, les rapporteures sont parvenues à un constat commun et une quinzaine de propositions partagées. La question du ciblage des aides publiques fait cependant l’objet d’un débat, dont le présent rapport tente de montrer les enjeux. Dans un contexte budgétaire contraint, Mme Martine Pinville défend en effet une logique de ciblage des avantages fiscaux et sociaux sur les publics fragiles. Mme Bérengère Poletti craint au contraire qu’un ciblage, financé par le retrait de mesures, ne compromette la logique d’incitation à la création d’emplois et de préservation des emplois existants, qui doit continuer à prévaloir dans un contexte de chômage important.

PREMIÈRE PARTIE :
LE DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE, UNE AMBITION À PERPÉTUER

La première partie du présent rapport est consacrée à l’évaluation de la politique de développement des services à la personne dans leur ensemble. Si les résultats tardent aujourd’hui à se manifester, près de dix ans après la mise en place du « plan Borloo » de 2005, cette politique n’en est pas moins essentielle au regard des défis combinés de l’emploi, du vieillissement de la population et de la recherche de meilleurs équilibres entre vie familiale et vie professionnelle.

I. UNE POLITIQUE AMBITIEUSE POUR RÉPONDRE À DES ENJEUX IMPORTANTS

Définie dans sa forme actuelle par la loi du 26 juillet 2005, la politique de développement des services à la personne repose sur deux grands volets : un plan d’aides financières aux objectifs pluriels et une politique de structuration du secteur. Elle se trouve au carrefour de deux autres politiques publiques auxquelles elle emprunte des logiques parfois concurrentes : une politique de solidarité vis-à-vis de publics fragiles et une politique de développement économique, dans laquelle l’emploi dans les services à la personne est autant considéré comme une fin (créer des emplois) que comme un moyen (favoriser l’accès ou le retour à l’emploi en conciliant vie personnelle et vie professionnelle).

A. UN PLAN D’AIDES AUX OBJECTIFS PLURIELS

1. Une logique duale

L’efficacité de la politique de développement des services à la personne est aujourd’hui évaluée à l’aune de deux grands objectifs : répondre aux besoins des publics fragiles et créer des emplois.

a. Une politique de solidarité ancienne qui se double d’une politique de l’emploi

Jusqu’en 1991, l’action des pouvoirs publics en faveur des services à la personne visait essentiellement les publics fragiles. En 1991, la création d’une réduction d’impôt et du chèque emploi-service avait surtout pour objectif la lutte contre le travail dissimulé et le soutien à l’activité professionnelle féminine. C’est donc seulement à partir de 2005 qu’un objectif prioritaire de création d’emplois a été fixé, dans une logique de développement économique et de réponse aux besoins des personnes en perte d’autonomie, avec la professionnalisation des intervenants et la structuration du secteur.

Le champ des services à la personne soutenus par les pouvoirs publics a donc été élargi. Aujourd’hui, la Cour des comptes relève l’absence d’unité de l’activité. Des services divers relevant d’une logique proche de celle du secteur concurrentiel ont été regroupés avec des services de soins pour publics vulnérables (jeunes enfants, personnes handicapées, personnes en perte d’autonomie), très réglementés.

En s’appuyant sur les objectifs des politiques publiques, la Cour identifie en réalité trois secteurs :

– les services à la petite enfance, soutenus pour compléter l’offre collective, scolaire ou périscolaire ;

– les services aux personnes âgées en perte d’autonomie, soutenus pour favoriser le maintien à domicile ;

– des services à la personne divers, « de confort », soutenus au titre de la politique économique (développement d’un secteur, politique de l’emploi), de la lutte contre le travail dissimulé et de l’augmentation du taux d’activité du deuxième apporteur de revenu au sein du ménage. (1)

Chacun de ces secteurs est soutenu au titre de la politique économique de développement des services à la personne mais aussi au titre des politiques de solidarité. En d’autres termes, deux logiques sont à l’œuvre :

– une logique de solvabilisation de la demande : répondre aux besoins essentiels de certains publics dans une logique sociale ;

– une logique d’incitation, de stimulation de la demande : inciter les ménages à recourir à un service plutôt qu’au travail informel.

Le pilotage budgétaire de la politique de développement des services à la personne est dispersé entre le ministère chargé de l’emploi et celui chargé de l’industrie : la direction générale des entreprises (DGE, ex-DGCIS) est responsable d’une politique pour laquelle elle ne dispose que de quelques millions d’euros de crédits, quand le ministère chargé de l’emploi, qui n’a plus la charge de cette politique, porte 4,2 milliards d’euros de dépenses fiscales à ce titre ainsi que, jusqu’à leur suppression, 580 millions d’euros de dépenses budgétaires liées à la compensation d’exonérations sociales.

L’incohérence observée au niveau ministériel se retrouve au niveau déconcentré, même si elle s’exprime désormais au sein d’une même direction, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Les services déconcentrés du ministère de l’industrie sont chargés du suivi de la politique de développement des services à la personne au niveau régional. Mais en pratique, l’essentiel du suivi est assuré au niveau départemental, pour privilégier la proximité avec les conseils généraux, par les services du ministère chargé de l’emploi. Ces derniers se concentrent sur la délivrance des agréments, parfois en concertation avec les conseils généraux, et sur le suivi des organismes de services à la personne.

La Cour des comptes recommande de transférer la responsabilité budgétaire des services à la personne à l’administration effectivement en charge du pilotage de cette politique, sans prendre parti pour l’une ou l’autre des administrations. Comme l’indiquait Mme Nathalie Cuvillier, sous-directrice de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), au cours d’une table ronde organisée le 5 novembre 2014, les nombreux rapports récemment publiés sur le sujet témoignent d’un vif intérêt des pouvoirs publics. Mais le manque de propositions concrètes sur la gouvernance traduit aussi la persistance d’incertitudes d’ordre statistique, juridique ou organisationnel, que les rapporteures ont eu à déplorer tout au long de leurs travaux : des incertitudes sur les effets économiques et sociaux de la politique de développement des services à la personne, faute de données suffisantes, des incertitudes réglementaires alors que la France est soumise à une procédure d’enquête de la Commission européenne sur le double régime de l’autorisation et de l’agrément, ou encore des incertitudes sur la future organisation territoriale de l’État. Un travail de clarification est donc nécessaire.

b. Un défi majeur : la lutte contre le travail clandestin et la structuration du secteur

L’objectif de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, dite « plan Borloo », était de mieux structurer un secteur particulièrement stratégique pour l’économie. Il représentait un gisement d’emplois accessibles à des publics a priori peu qualifiés. Les besoins d’aide à domicile étaient croissants, en lien avec le vieillissement de la population et la généralisation de l’activité féminine. Mais l’importance du travail informel constituait un frein au développement d’un secteur véritablement structuré.

L’ambition du renforcement des exonérations de charges sociales et des avantages fiscaux en faveur du secteur fut donc de lutter contre le travail au noir. La lutte contre le travail dissimulé améliore la protection sociale des travailleurs, salariés et non salariés, augmente les recettes de l’État et de la sécurité sociale et permet aux travailleurs déclarés de ne pas subir une concurrence déloyale.

De l’avis général, le travail non déclaré est toujours un défi majeur pour la structuration du secteur des services à la personne. Les professionnels ne parviennent pas à lutter avec la concurrence du travail informel. Les barrières d’accès à l’activité restent faibles : aucun matériel n’est requis ou il est le plus souvent fourni par l’utilisateur ; peu de compétences techniques sont nécessaires. Au cours de son audition, le 22 juillet dernier, la Fédération du service aux particuliers (FESP) a évoqué la très forte élasticité-prix des services à la personne en raison de l’importance du travail dissimulé. Si les prix pratiqués par les entreprises sont 15 % plus élevés que ceux du secteur informel, l’activité en pâtit immédiatement, a affirmé son président, M. Maxime Aiach. Beaucoup de familles réduiraient leur nombre d’heures pour rester à budget égal ou auraient recours à du travail « gris », c’est-à-dire en partie non déclaré. En dépit des efforts des entreprises pour proposer de la valeur ajoutée, la plupart des prestations restent fortement substituables (ménage, soutien scolaire, ou petit bricolage, par exemple).

Dans les pays où le niveau des aides publiques est faible, comme l’Italie et l’Espagne, la direction générale du Trésor note que le travail au noir est largement prépondérant, de l’ordre de 70 %. À l’inverse, en France, comme en Belgique et en Suède, le travail au noir représente moins de 30 % de l’activité totale dans le secteur. Pour la France, les derniers chiffres de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) situent même cette part à 25 %. Pour la direction générale du Trésor et la direction générale des entreprises, comme pour les entreprises du secteur, le lien avec le niveau des aides publiques ne fait aucun doute.

Reste que la réalité du travail dissimulé paraît insuffisamment évaluée aujourd’hui. La Cour des comptes le regrette, signalant qu’il s’agit d’un élément de justification majeur pour le maintien de cette politique et qu’en l’absence de données publiées par les services de l’État, des estimations alarmantes ont pu être avancées. La DARES juge difficile de conduire des enquêtes ciblées sur ce sujet, craignant que la méfiance qu’elles ne manqueront pas de susciter porte préjudice aux autres enquêtes publiques. Rien ne semble pourtant s’opposer à ce que l’enquête soit confiée à un organisme indépendant.

L’autre défi majeur identifié en 2005 était l’amélioration de la qualité de l’emploi et la structuration du secteur. Force est de constater que trop peu de progrès ont été accomplis pour proposer des débouchés, des parcours professionnels de qualité aux salariés, et ainsi faire face à la pénibilité qui caractérise encore ces métiers (cf. infra III.). En effet, en dépit des défis communs qui viennent d’être évoqués, le secteur des services à la personne reste éclaté.

c. Un champ hétérogène d’activités diversement aidées

Le tableau suivant combine plusieurs typologies des 23 activités de services à la personne mentionnées à l’article D. 7231-1 du code du travail démontrant la diversité du champ. À la diversité des publics cibles (personnes âgées plus ou moins autonomes, personnes handicapées, enfants de moins de trois ans, enfants de plus de trois ans, familles…) répondent celles de la réglementation et du régime de TVA. Les activités destinées aux publics fragiles ne sont pas assimilables aux activités soumises à agrément, par exemple.

En outre, ces services ne répondent pas aux mêmes enjeux économiques. Pour la puissance publique, les insuffisances de marché à traiter ne sont pas les mêmes s’agissant, par exemple, des services de garde d’enfants et des services favorisant le maintien à domicile des personnes âgées.

Alternative au placement en établissement, le maintien à domicile des personnes âgées est en effet un choix de société. L’intervention des pouvoirs publics doit permettre le déploiement d’une offre de qualité, suffisante, abordable, sur l’ensemble du territoire national, en lien avec les actions conduites au titre de la solidarité, de la prise en charge de la dépendance et du pilotage de l’offre médico-sociale dans les régions. Plusieurs dispositifs publics y contribuent : des mesures financières pour solvabiliser la demande des ménages mais aussi une réglementation protectrice pour garantir la qualité des prestations et enfin un encadrement des prix via un système de tarification. Ces dispositifs font de l’aide à domicile des personnes dépendantes un secteur à part sans pour autant qu’ils soient dépourvus de lien avec les services dits « de confort » qui peuvent s’avérer essentiels pour les personnes en perte d’autonomie mais qui sont naturellement moins réglementés. La seconde partie du présent rapport est entièrement consacrée aux enjeux spécifiques de ce secteur d’activité stratégique.

En revanche, bien que destinés à un public fragile et soumis eux aussi à un agrément, les services à la petite enfance se développent en complément de l’offre collective, publique ou privée, qui a la préférence des ménages français. Le soutien public est adapté pour faciliter l’accès à un mode de garde, y compris en zones tendues, entre crèche collective, assistante maternelle ou garde d’enfant de moins de trois ans à domicile. La modération des prix pour un même niveau de qualité est obtenue par la réglementation (agrément) et par la coexistence avec une offre publique significative (crèches).

Le critère de l’intervention à domicile – central dans la logique de l’article D. 7231-1 du code du travail – se heurte à la volonté croissante des organismes de services à la personne de proposer des offres intégrées (« panier de services »), par exemple des heures de ménage, de la livraison de repas et des courses mais aussi des « ateliers mémoire » pour les personnes âgées ou de l’accompagnement à la mobilité. L’élargissement de la prise en charge à des activités non réalisées au domicile mais incluses dans une offre de services globale ne s’est pas révélé opérationnel, selon la direction générale des entreprises consultée à ce sujet. Les acteurs sont bridés par la double condition d’une activité exclusive et d’un champ d’activités éligibles borné.

DIVERSITÉ DES CATÉGORIES DE SERVICES À LA PERSONNE

TVA

Activités soumises à agrément

0 %

Publics fragiles

Associations agréées dont la gestion est désintéressée et disposant d’un agrément pour la garde d’enfants de moins de trois ans ou l’assistance aux personnes âgées et handicapées

 

5,5 %

Services au domicile des personnes dépendantes :

– Assistance aux personnes âgées ou autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile, à l'exception d'actes de soins relevant d'actes médicaux

– Garde-malade, à l'exclusion des soins

– Assistance aux personnes handicapées, y compris les activités d'interprète en langue des signes, de technicien de l'écrit et de codeur en langage parlé complété

ð

Si inclus dans une offre de service à domicile :

– Prestation de conduite du véhicule personnel des personnes dépendantes, du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives

– Aide à la mobilité et transports de personnes ayant des difficultés de déplacement

– Accompagnement des enfants de moins de trois ans des personnes âgées ou handicapées en dehors de leur domicile (promenades, transports, actes de la vie courante), à condition que cette prestation soit comprise dans une offre de services incluant un ensemble d'activités effectuées à domicile

Activités soumises à agrément

10 %

Services à domicile pour les enfants de moins de trois ans :

– Garde d'enfant à domicile

ð

Si inclus dans une offre de service à domicile :

– Accompagnement des enfants de moins de trois dans leurs déplacements en dehors du domicile (promenades, transports, actes de la vie courante)

Services à domicile de confort réservés aux personnes dépendantes :

– Soins et promenades d'animaux domestiques

– Soins d'esthétique à domicile (sauf coiffure)

Tous publics

Services à domicile pour les enfants de plus de trois ans :

– Garde d'enfant à domicile

ð

Si inclus dans une offre de service à domicile :

– Accompagnement des enfants de plus de trois ans dans leurs déplacements en dehors du domicile (promenades, transports, actes de la vie courante)

Services à domicile « de confort » :

– Entretien de la maison et travaux ménagers

– Prestations de petit bricolage dites « hommes toutes mains » à domicile

– Assistance administrative à domicile

– Soutien scolaire à domicile

– Préparation de repas à domicile, y compris le temps passé aux commissions

ð

Si inclus dans une offre de service à domicile :

– Livraison de repas à domicile

– Collecte et livraison à domicile de linge repassé

– Livraison de courses à domicile

20 %

Services « de confort » :

– Petits travaux de jardinage et débroussaillage à domicile

– Cours à domicile

– Assistance informatique et internet à domicile

– Maintenance, entretien et vigilance temporaire, à domicile, de la résidence principale et secondaire

Sources : Article L. 7232-1 et D. 7231-1 du code du travail ; article 86 de l’annexe 3 du code général des impôts ; circulaire DGCIS n° 1-2012 du 26 avril 2012 ; arrêté du 26 décembre 2011 pris pour l'application des articles L. 7232-1 et D. 7231-1 du code du travail ; circulaire ANSP/DGEFP/DGAS n° 1-2007 du 15 mai 2007.

Dans ce contexte, une gouvernance plus différenciée est souhaitable et déjà mise en œuvre, en pratique, quand bien même les crédits budgétaires ne suivent pas. La direction générale des entreprises est responsable des problématiques de concurrence et de développement de l’emploi quand la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ou les conseils généraux font valoir les priorités relevant des politiques de solidarité auxquels ils contribuent. La qualité du dialogue entre ces partenaires est essentielle et peut être améliorée par la réunion de conférences de financeurs par grand secteur d’activités.

La diversité des modalités de recours aux services est une autre source de complexité, renforcée par le développement du statut de l’autoentrepreneur. (2) Une aide-ménagère, par exemple, peut être employée suivant trois modalités. Dans le cas d’un emploi direct par le particulier employeur, il n’est pas fait appel à un organisme de services à la personne. En mode mandataire, l’organisme de services à la personne place les salariés auprès des particuliers qui demeurent employeurs (agence). Enfin, en mode prestataire, c’est l’organisme de services à la personne qui emploie les salariés mis à disposition des particuliers, auxquels ils facturent leurs services.

Les organismes de services à la personne se répartissent eux-mêmes entre organismes appartenant à la sphère de l'économie sociale et solidaire (principalement associations, coopératives, mutuelles,…) ou à la sphère publique (centres communaux d'action sociale notamment) et ceux rattachés à la sphère privée (entreprises commerciales). En Europe, la France se caractérise par la prédominance du particulier employeur et la faiblesse du secteur privé commercial (cf. graphique infra).

Au contraire d’autres pays européens, la politique française ne cherche pas à favoriser un mode de recours plutôt qu’un autre. En Finlande, par exemple, le bénéfice d’un crédit d’impôt est différencié suivant que le particulier a recours à une entreprise (45 % des dépenses sont prises en charge) ou qu’il est particulier employeur (15 %). En Suède, le crédit d’impôt (50 %) est réservé aux particuliers qui recourent à une entreprise. Au cours de la table ronde organisée le 2 octobre 2014 sur le ciblage des aides publiques, Mme Michèle Debonneuil, économiste, personnalité associée au Conseil économique, social et environnemental (CESE), M. Gilles Dumont, chef de la mission des services à la personne – service tourisme, commerce, artisanat et services – de la direction générale des entreprises (DGE) et Mme Hélène Garner (3), chargée de mission au département travail et emploi de France-stratégie ont souligné que ces politiques volontaristes avaient contribué à la structuration du secteur.

STRUCTURATION DU MARCHÉ DES SERVICES À LA PERSONNE
EN FONCTION DU TYPE DE STRUCTURE EMPLOYEUSE DANS 7 PAYS EUROPÉENS (2011)

Source : Direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services (2011), Étude sur les services à la personne dans sept pays européens, Rapport de la sous-direction de la prospective, des études économiques et de l’évaluation in « Services à la personne : constats et enjeux », septembre 2013, note du Commissariat général à la stratégie et à la prospective réalisée par Hélène Garner et Frédéric Lainé.

2. Un arsenal de dispositifs

a. De nombreux outils qui relèvent de la simplification administrative, de la réglementation, des dépenses fiscales et des niches sociales

De la confrontation des logiques de développement économique et de la solidarité, il résulte un empilement de dispositifs que la Cour des comptes juge incohérent. Les outils que les documents budgétaires rattachent explicitement à un objectif de développement des services à la personne relèvent de trois catégories :

– des mécanismes de simplification administrative comme le chèque emploi-service universel (CESU) ou le site Pajemploi ;

– des réglementations visant à encadrer l’activité des organismes de services à la personne ;

– des aides publiques, sous la forme de dépenses fiscales et de niches sociales plus ou moins ciblées.

Le champ d’application de ces dispositifs dépasse parfois celui des services à la personne stricto sensu. C’est le cas, par exemple, du chèque emploi-service universel (CESU) qui permet aussi d’acquitter des dépenses de crèche, de halte-garderie, des frais de taxis incombant aux personnes âgées, etc.

A contrario, d’autres dispositifs plus généraux comme les aides aux entreprises ou les politiques sociales peuvent avoir un impact direct sur ce secteur (voir infra, partie suivante).

PRÉSENTATION DES NICHES SOCIALES EN VIGUEUR EN 2014 ET COÛT EN 2012

Références

Date de création

Objet

Nombre de bénéficiaires en 2012

Coût en 2012

Art. L. 241-10-III bis du code de la sécurité sociale

2005

Exonération totale des cotisations patronales pour l’aide à domicile employée par une association ou une entreprise auprès d’une personne non fragile

Supprimée en 2011.

Art. L. 133-7 du code de la sécurité sociale

2005

Abattement de 15 points en faveur du particulier cotisant sur l’assiette réelle

Supprimée en 2011.

Art. L. 133-7 du code de la sécurité sociale

1970

Possibilité de cotiser sur une assiette forfaitaire pour les particuliers employeurs

Supprimée en 2013.

Art. L. 241-10-I du code de la sécurité sociale

1948

Exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale pour l’aide à domicile employée auprès d’un particulier fragile

a) personne de plus de 70 ans (âge fixé par décret)

b) parent d’un enfant handicapé

c) personne invalide

d) personne ayant atteint l’âge de la retraite et dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie

e) personne dépendante

960 000 particuliers exonérés

861 M€

Art. L. 241-10-III du code de la sécurité sociale

1999

Exonération des cotisations patronales pour l’aide à domicile employée par une association ou une entreprise auprès d’une personne fragile

247 970 entreprises ou associations exonérées

827 M€

Art. L. 1271-1, L. 7233-4 et L. 7233-5 du code du travail

2005

Exclusion de l’assiette des cotisations et contributions sociales des aides de l’entreprise pour le financement de services à domicile (CESU préfinancé)

7 000

employeurs

118 M€

Art. L. 241-10-I-bis du code de la sécurité sociale

2013

Déduction forfaitaire de 75 centimes par heure de travail effectuée pour les particuliers employeurs

ND – créé en 2013.

Art. L. 241-10-I-bis du code de la sécurité sociale

2014

Majoration de la déduction forfaitaire à 1,50 euro (3,70 € outre-mer) pour les salariés à domicile employés pour des activités de garde d’enfants de 6 à 13 ans, dans la limite d’un plafond de 40 heures par semaine et sous réserve de déclaration sur le site de Pajemploi

ND – amendement du Gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

TOTAL

1 806 M€

Source : Cour des comptes.

PRÉSENTATION DES NICHES FISCALES EN VIGUEUR EN 2014 ET COÛT EN 2012

Références

Date de création

Objet

Nombre de bénéficiaires en 2012

Coût en 2012

Impôt sur le revenu

Art. 199 sexdecies du code général des impôts

1991

Réduction d’impôt sur le revenu au titre de l’emploi, par les particuliers, d’un salarié à domicile pour les contribuables n’exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d’emploi depuis moins de trois mois

2 275 400

1 380 M€

Art. 199 sexdecies du code général des impôts

2006

Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d’emploi depuis au moins trois mois

1 553 400

2 000 M€

Art. 81 du code général des impôts

2005

Exonération de l’aide financière versée par l’employeur ou par le comité d’entreprise en faveur des salariés afin de financer des services à la personne

ND

40 M€

Impôt sr les sociétés

Art. 206-5 bis du code général des impôts

1987

Non-assujettissement à l'impôt sur les sociétés des résultats des associations de services à la personne

ND

10 M€

Art. 244 quater F du code général des impôts

2003

Crédit d’impôt familles

4 850 entreprises

45 M€

TVA

Art. 279 i et 278-0 bis D du code général des impôts

1999

Taux réduit pour les entreprises, associations ou organismes déclarés : 10 % (7 % avant le 1er janvier 2014) pour les services d’aide à la personne à l'exclusion de 5 activités, 5,5 % pour les services exclusivement liés aux gestes essentiels de la vie quotidienne

10 000 entreprises

200 M€

Art. 261-7 1°ter du code général des impôts

1991

Exonération des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées en application de l’article L. 7232-1 du code du travail

8 100 entreprises

570 M€

TOTAL

4 245 M€

Source : Cour des comptes.

La Cour des comptes juge sévèrement la cohérence des aides publiques destinées à ce secteur. Les variations et les distinctions sont certes nombreuses, en fonction :

– du public visé (tous publics ou public « fragile » : jeunes enfants, personnes dépendantes, personnes âgées en perte d’autonomie) ;

– de la situation du particulier bénéficiaire (imposable ou non, actif ou inactif) ;

– de la modalité de recours au service et de la nature de l’organisme de service le cas échéant (particulier employeur, entreprise, autoentrepreneur, association, structure publique) ;

– de la nature de l’activité (« gestes essentiels à la vie quotidienne », « services de confort », activités soumises à agrément). Il en résulte une indéniable complexité pour les particuliers comme pour les entreprises, complexité qui se traduit aussi dans les outils de gestion et les systèmes d’information des services de l’État qui peinent à accompagner les subtiles distinctions introduites.

Comme indiqué plus haut, la plupart des acteurs du secteur préconisent d’adopter une logique de publics cibles plutôt qu’une logique d’activité, c’est-à-dire d’opérer des distinctions suivant le niveau de ressources ou le niveau de fragilité plutôt que de limiter l’innovation en s’attachant trop à la nature des activités éligibles.

Outre la complexité induite par le nombre d’aides publiques, la Cour des comptes en souligne aussi le coût élevé, de plus de 6 milliards d’euros en 2012, alors que les objectifs de plusieurs dépenses fiscales et niches sociales rejoignent ceux d’autres politiques sociales. La Cour des comptes déplore qu’aucune évaluation n’ait été conduite pour rechercher d’éventuelles redondances.

b. Des interactions avec les autres politiques publiques mal évaluées

Le montant total des aides financières consacrées au soutien des services à la personne calculé par la Cour des comptes n’inclut pas les dispositifs de portée générale comme les allégements généraux de charges, dits « allégements Fillon », ou encore le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), bien qu’ils bénéficient aux entreprises ou aux associations du secteur.

En toute rigueur, un certain nombre de prestations sociales peuvent être considérées comme relevant des mêmes objectifs que la politique de développement des services à la personne :

– la prestation accueil du jeune enfant (PAJE) qui représente 13 milliards d’euros pour la branche famille de la sécurité sociale ; 

– l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile, versée par les conseils généraux pour un montant total de plus de 5 milliards d’euros ;

– la prestation de compensation du handicap (PCH) et l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), versées par les conseils généraux pour un montant total d’environ 1,8 milliard d’euros. (4)

Or, la Cour des comptes souligne qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’évaluation qui permettrait de porter un jugement sur l’efficience comparée des dispositifs en faveur des services à la personne au regard, d’une part, des allégements généraux de charges sociales, et d’autre part, des aides directes sous la forme de prestations sociales.

Les économistes recommandent de ne pas attribuer plusieurs objectifs à un même outil et vice versa. Entendu par les rapporteures, M. Clément Carbonnier, maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise, chercheur au THEMA et co-directeur de l’axe « Politiques socio-fiscales » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques – Sciences Po (LIEPP), auteur de plusieurs études sur les effets de la réduction et du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, regrette que ces avantages fiscaux, incitatifs, soient aussi utilisés pour solvabiliser les besoins de publics fragiles pour lesquels des aides financières directes, sous forme de prestations sociales, sont plus efficaces. Reconnaître que les mesures fiscales sont surtout efficaces pour créer de l’emploi amènerait à les restreindre aux services de confort et à les cibler sur les classes moyennes supérieures. Ce choix, qui sert une logique de rentabilité économique, ne tient évidemment pas compte de critères sociaux ou de justice. Cependant, les gains obtenus avec ce ciblage du dispositif fiscal pourraient permettre de réallouer des ressources vers des politiques sociales via des allocations ciblées.

D’autres interactions méritent sans doute d’être davantage étudiées. Selon la direction générale du Trésor, les seuils du système de protection sociale contribuent aussi au travail non déclaré car la perte de certaines prestations, comme les allocations logement, vient souvent contrebalancer le gain lié au revenu d’activité. Les taux marginaux d’imposition peuvent ainsi être proches de 80 % pour un célibataire dans un intervalle de revenu compris entre un demi-SMIC et un SMIC, en lien avec la décroissance simultanée des allocations logement et du RSA activité.

B. UN BILAN CONTRASTÉ

1. Des résultats moindres qu’attendus en termes de création d’emplois

a. Un nombre d’emplois créés non négligeable mais inférieur à l’objectif affiché

En 2005, l’objectif de créer 500 000 emplois en trois ans a été fixé sans étude préalable. On a considéré que toute personne ayant travaillé au moins une fois dans l’année occupait un emploi, ce qui correspondait à 75 000 « emplois » créés en 2004.

Par la suite, un observatoire ad hoc – l’observatoire de l’Agence nationale des services à la personne – a été mis en place pour mesurer les résultats du plan de développement des services à la personne. La Cour des comptes et les services statistiques ministériels (DARES, DREES) ont fermement critiqué les méthodes de calcul retenues par l’observatoire qui retenait, par exemple, toutes les entrées dans l’emploi sans tenir compte des sorties, obtenant des résultats bien supérieurs à ceux des services ministériels qui travaillent en lien avec l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Sur la recommandation de la Cour des comptes, le Conseil national de l’information statistique (CNIS) avait été chargé de définir une méthode stable et partagée de calcul. Il a rendu en mai 2012 des recommandations qui n’ont toujours pas, à ce stade, été mises en œuvre.

En tout état de cause, par rapport à l’objectif affiché en 2005 visant à créer 500 000 emplois entre 2004 et 2007, 270 000 l’ont été selon le mode de décompte pour le moins « large » retenu par l’observatoire des services à la personne. La DARES évalue ce chiffre à 230 000 emplois, soit moins de la moitié de l’objectif visé.

b. La baisse d’activité observée dans le secteur des services à la personne est avérée tout en étant récente et relative

HEURES TOTALES RÉMUNÉRÉES SELON LE TYPE D’EMPLOYEUR*
(HORS ASSISTANTES MATERNELLES)

Source : « Les services à la personne en 2012 : baisse de l’activité, sauf dans les entreprises prestataires » | DARES Analyses, mai 2014, n° 038.

Le nombre d’heures rémunérées a crû de 40 % entre 2004 et 2012 dans le secteur des services à la personne. Selon la Cour des comptes, le nombre d’heures rémunérées s’établissait en effet à 914 millions en 2012 contre 686 millions en 2004. Entre 2005 et 2008, la croissance avait été de 26 %. Il convient de noter que la progression du nombre d’heures rémunérées est plus faible que celle des effectifs, ce qui reflète le développement du multi-salariat et des temps partiels. Entre 2000 et 2012, la part des services à la personne dans l’emploi total s’est donc accrue : la dynamique de l’emploi dans ce champ est donc plus forte, en équivalents temps plein, que celle de l’emploi en général.

Les dernières données conjoncturelles traduisent en revanche une baisse de l’activité. La Cour des comptes présente les données conjoncturelles fournies par l’ACOSS (5), qui traduisent une baisse de l’emploi dans le secteur des particuliers employeurs depuis 2009. Les dernières données consolidées relatives aux services à la personne publiées par la DARES en août 2014 confirment les chiffres donnés par la Cour. La DARES constate aussi une baisse de l’activité en 2011 et 2012, sauf dans les entreprises prestataires. En 2012, l’activité globale déclarée dans le secteur des services à la personne s’est à nouveau contractée (- 1,1 %) après un premier recul en 2011 (- 1,3 %).

Selon la Cour, les glissements annuels des heures rémunérées sont négatifs depuis le dernier trimestre 2008, le plus mauvais résultat ayant été enregistré au premier trimestre 2013 (- 7,5 % par rapport au premier trimestre de l’année précédente). Au dernier trimestre 2013, le glissement annuel est de - 6,1 %, soit une baisse plus marquée que les années précédentes. Ce mouvement s’explique notamment par le fait que les volumes horaires au titre de la garde d’enfants à domicile, qui n’avaient pas été touchés par la crise jusqu’au premier trimestre 2012, ont depuis reculé (- 4,7 % au dernier trimestre 2013 en glissement annuel). Mais la Cour juge que les services à la personne ont plutôt mieux résisté à la crise que d’autres.

ÉVOLUTION DU STOCK ANNUEL MOYEN D’ORGANISMES
DE SERVICE À LA PERSONNE DEPUIS 2008, PAR CATÉGORIE

* Données provisoires. Champ : France entière.

Source : ANSP, Nova; traitement DARES.

S’agissant, plus spécifiquement, des particuliers employeurs, les dernières données de l’ACOSS (22 juillet 2014), postérieures à la publication du rapport de la Cour des comptes, confirment la poursuite de la baisse du volume horaire déclaré au premier trimestre 2014. Sur un an, la masse salariale nette de l’emploi à domicile hors gardes d’enfants continue de diminuer (- 2,7 %). Elle est tirée à la baisse par le volume horaire déclaré (- 3,8 %). Sur le champ des gardes d’enfants à domicile, la masse salariale demeure stable ce trimestre : le recul du volume horaire (- 0,9 %) déclaré est compensé par une hausse du taux de salaire horaire moyen (+ 0,9 %).

S’agissant des entreprises, l’emploi semble se stabiliser dans le tertiaire hors intérim. Le bilan ACOSS Stats n° 195 de juillet 2014 précise que « le secteur de l’action sociale et de l’hébergement médico-social est bien orienté (+ 1,9 % en 2013, soit environ 21 000 postes, après + 2,1 % en 2012). Les secteurs de l’accueil de jeunes enfants (+ 7,1 %), de l’hébergement médicalisé pour personnes âgées (+ 4,0 %) et de l’aide à domicile (+ 0,9 %) contribuent fortement à cette croissance. » Le bilan n° 197 de septembre 2014 confirme cette tendance.

2. Un coût élevé pour des bénéfices controversés

a. Un coût brut qui croît plus vite que le nombre d’emplois créés

Depuis son premier rapport sur le développement des services à la personne, en 2010, la Cour mesure le coût brut de cette politique publique en admettant ne pas tenir compte des contreparties positives liées à la création d’emplois et à la réduction du travail dissimulé : surcroît de cotisations sociales, de rentrées fiscales, moindres versements d’allocations chômage, etc.

Dans son rapport de juillet 2014, après avoir tenté de rapporter le coût brut de la politique à plusieurs chiffres disponibles, la Cour constate qu’il n’existe pas aujourd’hui de modèle de bouclage macroéconomique permettant d’effectuer un bilan financier global de la politique de développement des services à la personne.

Il conviendrait en effet de prendre en compte les réactions des consommateurs aux évolutions de prix et de volume, les externalités positives liées au développement des services à la personne (rentrées fiscales mais aussi réduction des allocations chômage versées) ainsi que les effets d’ensemble de la politique (effets a priori positifs sur la consommation, sur le produit intérieur brut ; effets potentiellement négatifs sur les dépenses de protection sociale, de retraite, etc.). Dans sa démonstration, la Cour des comptes rappelle aussi qu’il faudrait tenir compte des interactions des différents instruments mobilisés au titre de cette politique. Par exemple, elle souligne que, toutes choses égales par ailleurs, une réduction des niches sociales se traduirait par une hausse de la dépense fiscale, les dépenses déclarées par les particuliers pour bénéficier de la réduction ou du crédit d’impôt sur le revenu augmentant.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES AIDES PUBLIQUES ET DE L’EMPLOI
DANS LE SECTEUR DES SERVICES À LA PERSONNE

Source : Cour des comptes.

La Cour des comptes retient donc uniquement le coût brut des niches fiscales et sociales en faveur des services à la personne (6,59 milliards d’euros en 2013 contre 4,36 milliards d’euros en 2006), seule approche permettant des comparaisons dans le temps. Ce chiffre a doublé depuis 2003. Or, souligne la Cour, l’emploi est loin d’avoir évolué dans les mêmes proportions. La Cour en déduit que la trajectoire actuelle de dépenses n’est pas soutenable et qu’un meilleur ciblage des dispositifs est nécessaire.

b. Un coût net difficile à évaluer

Indéniablement, la politique de soutien public aux services à la personne a de nombreuses contreparties positives, liées à la création d’emplois déclarés dans ce secteur : réponse à un besoin essentiel pour certains publics, meilleure protection sociale des salariés, rentrées fiscales pour l’État. L’efficacité de la politique doit donc être évaluée à l’aune de ces externalités positives. Toutefois, comme l’a relevé la Cour des comptes, la mesure exacte de ces externalités est problématique. Le coût net est difficile à évaluer et les évaluations disponibles sont approximatives. Elles donnent lieu à des extrapolations alarmistes.

Par exemple, au cours de son audition, la Fédération du service aux particuliers (FESP) a affirmé que le bilan économique du secteur était de + 2,6 milliards d’euros par an. Dans une note distribuée aux rapporteures le 22 juillet dernier, la FESP affirme que 13 000 emplois ont été détruits au premier trimestre 2014 sur la base d’une extrapolation de la tendance observée :

128,9 millions d’heures déclarées au premier trimestre 2014 x 4 trimestres x - 3,8 % (glissement annuel des destructions d’heures déclarées au premier trimestre) = 19,6 millions d’heures détruites en 2014.

Sur la base d’une moyenne de 11 heures de travail hebdomadaires, la FESP en déduit que cela fait 13 000 ETP détruits, soit 40 000 emplois à temps partiel suivant un mode de calcul non précisé. Puis elle multiplie ce chiffre par un coût moyen du non-emploi (issu d’une autre étude financée par la fédération européenne des services à la personne) et en déduit un coût net pour les finances publiques de 373,58 millions d’euros. Ce raisonnement repose sur plusieurs postulats : le maintien d’une tendance observée au premier trimestre et la concentration de la réduction du nombre d’heures déclarées sur des individus qui seraient massivement éligibles à l’assurance-chômage ou à des prestations de solidarité. En l’état actuel des données statistiques fournies par les services de l’État, ces hypothèses sont invérifiables. Il en résulte une estimation maximaliste des coûts pour la puissance publique.

La direction générale des entreprises (DGE), la direction générale du Trésor et la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) travaillent sur un modèle descriptif synthétique regroupant les principales variables permettant d’évaluer l’effet des aides publiques : montant des dépenses fiscales, des niches sociales, taux de TVA, part du travail au noir, effets de retour, effets d’aubaine, etc. Il s’agit d’un outil descriptif permettant à chacun de comprendre les gains et les pertes, mais aussi de manier différentes hypothèses sur la sensibilité des différents segments au travail dissimulé, qui est évidemment une clef du résultat.

Les premiers résultats tendent à démontrer les effets globalement bénéfiques du soutien public mais, comme l’indiquait M. Emmanuel Bretin, sous-directeur des politiques sociales et de l’emploi à la direction générale du Trésor, au cours de la table ronde consacrée à l’impact des aides publiques sur l’emploi du 23 septembre 2014, il s’agit d’un calcul rapide et approximatif, effectué sous certaines hypothèses, qui mérite certainement d’être approfondi. M. Guillaume Lacroix, adjoint du chef de service tourisme, commerce, artisanat et services à la DGE, a rappelé que cette approche, qui ne prend en compte que l’effet sur les finances publiques, n’épuise pas le sujet de l’évaluation. Il est également nécessaire de prendre du recul, en particulier dans l’optique de développer le maintien à domicile dans le cadre de la prise en charge de la dépendance.

A minima, cet outil descriptif permettra d’appréhender la diversité des effets d’une prestation de service sur les comptes sociaux selon le régime d’emploi. Ainsi, selon que l’employé sert un public sensible ou non, qu’il est ou non chez un prestataire, que ce prestataire est une association ou une entreprise, les effets d’une prestation de services à la personne sur les comptes sociaux peuvent être très divers.

M. Lacroix a donné deux exemples.

● Cas n° 1 : un salarié de particulier employeur paye des cotisations sociales mais engendre également des cotisations patronales, d’autant plus que dans ce cas les exonérations de charges sur les bas salaires dites « Fillon » ne sont pas applicables. Schématiquement, un salarié de ce type que l’on rémunérerait 10 euros coûterait 5 euros à l’État, engendrerait 2,30 euros de cotisations salariales et l’employeur paierait 4,20 euros de cotisations patronales. Ce salarié ferait donc rentrer dans les comptes de la sécurité sociale plus d’argent qu’il n’en sort des comptes de l’État.

● Cas n° 2 : un salarié au service d’un public fragile via un prestataire qui, lui, aura droit aux allégements de charges Fillon. Schématiquement, le salarié engendrerait toujours 2,30 euros de cotisations salariales mais l’organisme ne paierait qu’1,20 euro de cotisations patronales. Dans cet exemple, le salarié fait donc rentrer dans les comptes de la sécurité sociale moins d’argent qu’il n’en sort des comptes de l’État.

Très encourageant, ce travail contribue à améliorer la connaissance des effets des aides publiques mais la construction d’un modèle de bouclage macro-économique complet tient encore de la gageure. Comme indiqué précédemment, il conviendrait de s’accorder préalablement sur la méthode de mesure des emplois créés dans le secteur des services à la personne, recommandation qui n’est toujours pas mise en œuvre à ce jour. La collecte de données statistiques est rendue difficile par les différentes modalités d’emploi (particuliers employeurs, organismes mandataires, organismes prestataires) et par la variété des sources d’information elle-même liée à la variété des dispositifs. Les interactions avec les autres prestations sociales et les autres dispositifs fiscaux paraissent aujourd’hui insuffisamment évaluées. Enfin, un grand nombre de coûts invisibles resteront difficiles à prendre en compte. Par exemple, la pénibilité des métiers de service à la personne est aujourd’hui indéniable. Les données de la CNAMTS citées par la Cour confirment que ce secteur est parmi les plus « accidentogènes », induisant des coûts pour la protection sociale qu’il faudrait, en toute rigueur, aussi prendre en compte pour chercher à les réduire par une politique de prévention adéquate.

Les rapporteures prennent acte des travaux en cours et s’associent à la Cour des comptes pour demander une amélioration des outils statistiques et la poursuite des études d’impact des dispositifs publics par des évaluateurs indépendants.

Proposition n° 1 des rapporteures : se doter des outils permettant de mieux connaître les enjeux du secteur et l’impact des aides publiques :

– réaliser des études sur échantillon pour mesurer l’ampleur du travail dissimulé ;

– expérimenter un modèle macroéconomique permettant d’évaluer l’effet de l’ensemble des mesures de soutien aux services à la personne sur l’emploi et les finances publiques ;

– évaluer les interactions des dispositifs fiscaux et sociaux de soutien aux services à la personne avec les prestations sociales de solidarité (PAJE, APA, PCH), les allégements généraux de charges sociales et le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).

II. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE POUR AMÉLIORER L’EFFICIENCE DES DÉPENSES FISCALES ET SOCIALES

Tous les experts et les parties prenantes s’accordent sur le fait qu’une approche strictement comptable des aides publiques est insuffisante. Évaluer la politique en faveur des services à la personne en additionnant le coût des avantages fiscaux et des exonérations sociales repose sur l’hypothèse implicite que, sans ce régime, le nombre d’heures prestées serait le même et que l’État économiserait ainsi ce qu’il dépense actuellement. Mais c’est faire abstraction de la possibilité que le travail dissimulé, l’entraide ou tout simplement la privation ne remplacent le travail déclaré.

Les exonérations de charges sociales et les avantages fiscaux ont donc un rôle à jouer. Mais ils doivent être davantage ciblés pour être pleinement efficaces.

A. LA RECHERCHE D’UN CIBLAGE SUR LES MESURES LES PLUS EFFICIENTES

1. Réinterroger le champ des 23 activités éligibles aux aides fiscales et sociales

L’étendue du champ des services à la personne en France, singulière en Europe, interroge. Mais la restriction de la liste des activités n’est pas sans risques, tant pour les publics fragiles que pour l’emploi.

Le régime de TVA dérogatoire applicable aux services à la personne est le dispositif dont le coût a évolué de la façon la plus dynamique depuis 2005. Par ailleurs, les choix des pouvoirs publics lors de la transposition de la directive européenne sur les services (6) ont abouti à une grande complexité du régime de TVA (cf. tableau supra).

ÉVOLUTION DU COÛT DU RÉGIME DÉROGATOIRE DE TVA

(en millions d’euros)

 

2004

2010

2012

2014

Coût

335

800

770

705

Source : Cour des comptes.

La Cour des comptes recommande de revoir le bien-fondé du taux réduit de TVA à 10 % pour certains des services à la personne. La question se pose aussi de savoir si ces activités peuvent ne plus figurer à l’article D. 7231-1 du code du travail fixant la liste des activités soutenues. La Cour fait figurer dans son rapport un tableau comparatif sur le champ des services à la personne dans huit pays européens (reproduit infra). Les cours à domicile, le soutien scolaire, l’assistance administrative à domicile, l’assistance informatique et internet à domicile ou encore le petit bricolage font plutôt rarement l’objet d’un soutien public.

Ni la Cour des comptes, ni les services de l’État n’ont calculé de coût brut du soutien public pour chacune de ces activités. Pour ce faire, il conviendrait de tenir compte du taux réduit de TVA, de la réduction et du crédit d’impôt, ainsi que des exonérations de cotisations sociales ciblées et non ciblées. D’après la direction générale des entreprises, un tel calcul se heurte pour le moment à un problème de fiabilité des données. En effet, les organismes qui saisissent la répartition des heures dans l’application NOVA ont tendance parfois à les regrouper sous le titre de leur activité principale. Mais il est vraisemblable que les activités les plus répandues induisent le plus de dépenses. A contrario, les activités marginales qui sont les moins coûteuses pour les finances publiques sont celles qu’il sera le plus facile d’exclure de la liste des activités.

Mme Martine Pinville préconise de revoir les conditions du soutien public à certaines activités. En vertu de la liste actuelle, n’importe quel couple d’actifs peut, par exemple, bénéficier d’un crédit d’impôt pour des cours de yoga à domicile, pour l’emploi d’un gardien dans sa résidence secondaire ou encore pour une assistance internet à son domicile. Cette dernière, superflue pour les plus jeunes, peut être un facteur déterminant dans la lutte contre l’isolement de certaines personnes âgées ou en situation de handicap. Si le soutien public pour ces services de confort est difficile à justifier pour les publics non fragiles, il peut répondre à des besoins essentiels pour les personnes âgées en perte d’autonomie. Il conviendrait donc de le leur réserver, dans la logique de publics cibles, réclamée par tous les acteurs.

Mme Martine Pinville propose donc de revoir la formulation de l’article D. 7231-1 du code du travail, afin de restreindre aux personnes dépendantes le bénéfice d’aides publiques pour les cours à domicile ; les services de maintenance, d’entretien et de vigilance temporaire à la résidence ; l’assistance administrative à domicile ; ainsi que l’assistance informatique et internet à domicile, à l’instar des services de soins esthétiques ou de promenade et soins aux animaux.

Proposition de Mme Martine Pinville : réserver aux personnes dépendantes les aides publiques liées aux services à domicile « de confort » (petits travaux de jardinage et débroussaillage à domicile ; cours à domicile ; assistance informatique et internet à domicile ; maintenance, entretien et vigilance temporaire, à domicile, de la résidence principale et secondaire).

CHAMP DES SERVICES À LA PERSONNE DANS HUIT PAYS EUROPÉENS

 

Allemagne

Belgique

Espagne

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suède

France

Assistance aux personnes handicapées

         

(5)

(1)

 

Assistance aux personnes âgées ou dépendantes

         

(4)

   

Ménage

               

Garde d’enfant

               

Livraison de courses à domicile

               

Préparation et livraison des repas à domicile

               

Accompagnement des enfants/pers. âgées/handicapées

           

(2)

 

Aide aux familles fragilisées

               

Garde malade

           

(1)

 

Aide à la mobilité/transport, Prestation de conduite du véhicule

               

Soins et promenade d’animaux de compagnie

Soins d’esthétique à domicile

         

(5)

   

Entretien / vigilance des résidences

               

Jardinage (y compris travaux de débroussaillage)

               

Collecte et livraison de linge repassé

         

(3)

   

Petit bricolage (« hommes toutes mains »)

               

Assistance administrative à domicile

               

Soutien scolaire

               

Assistance informatique et internet à domicile

               

Cours à domicile

               

En grisé : services pris en compte dans les services à la personne.

(1) : « autre forme de soin et de garde, différente de la garde d’enfants, dont une personne physique peut avoir besoin et qui est délivrée au domicile ou à proximité de celui-ci » ; (2) aide à la mobilité ; (3) « blanchisserie-teinturerie » ; (4) « action sociale hors institution pour personnes âgées et handicapées ; (5) coiffure, soins esthétiques, activités de bien-être physique.

Source : Cour des comptes, d’après des données de la direction générale des entreprises.

Mme Bérengère Poletti considère au contraire que la plus grande prudence s’impose dans le réexamen de cette liste d’activités, faute de données disponibles sur le coût du soutien public par activité et les effets de retour pour les finances publiques. La logique de ciblage sur les publics défendue par Mme Martine Pinville a sa cohérence mais elle pourrait avoir des effets indésirables sur le recours au travail non déclaré et donc sur l’emploi. Mme Poletti propose donc d’évaluer l’impact d’une suppression des aides publiques pour les services de confort, notamment ceux visés par Mme Pinville, avant toute décision hâtive.

Selon la direction générale des entreprises, exclure les services de confort ne permettrait en effet que de très faibles économies tout en favorisant le travail informel. Retirer les services de confort du champ des 23 activités de services à la personne bénéficiant d’aides publiques ne ferait probablement pas chuter la consommation, mais entraînerait une hausse du travail dissimulé. Les ménages aisés continueront à embaucher mais ils pourraient le faire sans déclarer les personnes qu’ils emploient, ou en ayant recours au « travail gris », ce qui aurait un impact sur les statistiques et un coût pour les finances publiques, en plus de réduire les droits des salariés. Exclure certaines activités de confort ne permettrait pas de réaliser d’importantes économies. En effet, sur les 23 activités, 16 représentent moins de 1 % des heures prestées, selon M. Gilles Dumont, chef de la mission des services à la personne – service tourisme, commerce, artisanat et services – de la direction générale des entreprises.

RÉPARTITION DES HEURES PRESTATAIRES SELON LE TYPE D'ACTIVITÉ EN 2012

Source : DARES.

Plutôt que de réduire le champ des activités, il serait souhaitable de décloisonner en rapprochant le secteur médico-social et le soin. Le modèle économique que la DGE est en train de mettre au point a déjà permis d’établir que la politique de l’emploi menée dans le secteur des services à la personne entraîne des dépenses pour l’État, mais rapporte également. Pour toutes les prestations dites « de confort », la politique d’emploi rapporte plus qu’elle ne coûte, notamment du fait qu’elles sont assujetties à une TVA à taux plein. En revanche, pour les publics fragiles, c’est l’inverse.

Proposition de Mme Bérengère Poletti : évaluer le coût net des aides publiques pour chaque activité de service à la personne et l’impact d’une modification de la liste des activités aidées sur l’emploi dans les secteurs concernés.

2. Le débat sur la réorientation des aides fiscales et sociales

a. Faut-il élargir le bénéfice du crédit d’impôt ?

En 2013, 3,8 millions de contribuables ont déclaré des dépenses de services à la personne contre 2,6 millions en 2005, soit plus d’un foyer fiscal sur dix. 38 % de ces foyers bénéficient d’une réduction d’impôt, 40 % bénéficient d’un crédit d’impôt (ouvrant le droit à un remboursement de la part du Trésor public) et 22 % ne bénéficient d’aucun avantage fiscal. (7)

MÉNAGES BÉNÉFICIAIRES DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT ET DU CRÉDIT D’IMPÔT EN 2013

Sources : Article 199 sexdecies du code général des impôts ; données Cour des comptes.

La réduction d’impôt est allouée aux retraités, aux couples dont un membre n’exerce pas d’activité professionnelle et aux personnes au chômage pendant moins de trois mois au cours de l’année. En pratique, les foyers fiscaux bénéficiaires sont majoritairement des personnes seules et sans enfants à charge de plus de 65 ans. La dépense se répartit de façon plutôt régulière entre les déciles : les deux derniers ne concentrent que 34 % de la dépense fiscale totale. La dépense déclarée pour un salarié à domicile est proportionnellement plus importante pour les foyers fiscaux inactifs : leur dépense annuelle moyenne est en effet inférieure de 15 % seulement à celle des foyers actifs alors que leurs revenus sont inférieurs de près de 60 %. Pour les contribuables inactifs du plus bas décile, la dépense déclarée de services à la personne représente en moyenne 35 % du revenu fiscal de référence. De tous ces éléments, on peut déduire que la réduction d’impôt solvabilise aujourd’hui une demande forte de services à la personne de retraités âgés sans effets anti-redistributifs majeurs.

Le crédit d’impôt est réservé aux foyers actifs et aux personnes au chômage pendant au moins trois mois dans l’année. Il bénéficie majoritairement à des familles avec enfants, des contribuables entre 30 et 50 ans. Les deux déciles de revenus les plus élevés concentrent 43 % de la dépense fiscale totale de services à la personne. Contrairement à l’intention initiale, l’instauration du crédit d’impôt en 2005 n’a pas entraîné une augmentation de la dépense moyenne des foyers aux revenus modestes mais semble avoir stimulé la dépense des foyers aux revenus intermédiaires et supérieurs. Seuls 17 % des bénéficiaires du crédit d’impôt reçoivent un chèque du Trésor public en raison du faible montant de leur imposition.

CONSOMMATION MOYENNE DES SERVICES À DOMICILE ET AVANTAGE FISCAL MOYEN À CE TITRE, POUR LES FOYERS CONSOMMATEURS SELON LE REVENU

Source : Cour des comptes. Échantillon de 500 000 déclarations de revenu 2011 pour l’impôt 2012, calculs DG Trésor. Champ : Ensemble des foyers fiscaux, par unité de consommation.

D’après le rapport de la Cour des comptes, les dépenses consenties par les premiers déciles de revenus sont significatives, témoignant d’une forte demande potentielle de services à la personne. Pourtant, 22 % des contribuables déclarant des dépenses de services à domicile ne bénéficient d’aucun avantage fiscal. Ces ménages sont essentiellement des personnes âgées pour qui les dépenses de services à la personne s’élèvent à 1 200 euros par an en moyenne, qui constituent un reste à charge, les services à la personne couverts par l’APA ou la PCH n’ouvrant pas droit à réduction d’impôt.

Un groupe de travail interministériel sur la fiscalité piloté par la direction générale des entreprises a estimé que moins de 30 % des contribuables parmi les cinq premiers déciles bénéficiaient d’un avantage fiscal ; pour ces déciles, la part de consommation remboursée n’excède pas 10 % alors que leurs dépenses de services à la personne représentent environ 30 % de la dépense totale. À l’inverse, 90 % des contribuables des déciles supérieurs bénéficient d’un avantage fiscal.

Effets comparés de la réduction et du crédit d’impôt

D’après une étude réalisée par Mme Claire Marbot, administratrice de la direction de la recherche des études et des statistiques (DREES), chercheur au centre de recherches en économie et statistique (CREST), la réduction d’impôt de 50 % des sommes dépensées pour l’emploi d’un salarié à domicile introduite en 1991 a entraîné une hausse de 1,3 à 4,9 points du taux de recours parmi les 40 % de ménages de niveau de vie intermédiaire. Sous certaines hypothèses, 12 000 à 43 000 emplois équivalents temps plein (ETP) auraient ainsi été créés. Sans tenir compte des gains liés aux recettes fiscales supplémentaires (cotisations sociales, impôt sur le revenu), le coût global de la mesure rapporté au nombre d’ETP nouvellement déclarés s’établit entre 23 000 et 85 000 euros. Mme Marbot en déduit que la réduction d’impôt a eu un effet significatif mais que les emplois créés l’ont été à un coût relativement élevé. Les ménages aisés sont les premiers bénéficiaires de la mesure.

La transformation partielle en crédit d’impôt en 2007 a concerné uniquement les ménages biactifs. Parmi les ménages utilisateurs de services à la personne qui ne bénéficiaient pas de la réduction d’impôt, seuls 14 % ont pu toucher un crédit d’impôt. Les autres sont essentiellement des retraités non éligibles car non imposables. Cette mesure a entraîné une hausse de 2,4 à 3 points du taux de recours des nouveaux bénéficiaires. Mme Marbot en déduit que la mesure est efficiente (hausse du taux de recours significative pour un coût peu élevé) mais d’effet limité : peu de ménages sont concernés.

Selon Mme Marbot, les études économétriques invitent à réorienter les aides vers les ménages modestes pour limiter les effets d’aubaine. Elle préconise d’élargir le crédit d’impôt en supprimant la condition d’activité et de financer cette réforme par une baisse du plafond de l’avantage fiscal.

Selon M. Clément Carbonnier, la politique de subvention fiscale ne peut être efficace que ciblée sur les classes moyennes supérieures ayant une utilité marginale du revenu du même ordre de grandeur que l’utilité marginale des services à la personne. Pour un ménage disposant de très peu de revenus, acheter un service domestique nécessite de réallouer son budget en se passant d’une autre consommation, probablement essentielle. À mesure que le revenu augmente et que la contrainte budgétaire se relâche, un achat de service domestique remplace une consommation de moins en moins essentielle, et représente un coût d’opportunité de plus en plus faible. Pour les ménages tout en haut de la distribution des revenus, le coût des services à domicile, même non subventionnés, représente une perte d’utilité via la privation de consommations alternatives très faible. Il est probable que les concernant, le mécanisme de subvention ne soit pas très efficace et génère surtout de forts effets d’aubaine.

La généralisation du crédit d’impôt à l’ensemble des utilisateurs de services à la personne représenterait un coût budgétaire important, évalué à environ 2 milliards d’euros par la direction générale du Trésor, qui estime qu’elle pourrait être financée, par exemple, par la réduction du plafond du crédit et de la réduction d’impôt, ou par une révision du dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les plus de 70 ans. Cette mesure favoriserait vraisemblablement un blanchiment du travail au noir et une meilleure redistribution. L’élargissement du bénéfice du crédit d’impôt à tous les retraités concernerait au minimum 810 000 nouveaux ménages (8), pour un coût estimé à 900 millions d’euros. Si seuls les bénéficiaires de l’APA sont ciblés, le nombre de nouveaux bénéficiaires atteindrait environ 500 000 pour un coût supplémentaire d’environ 300 millions d’euros. (9)

Au regard de ces éléments, Mme Martine Pinville estime qu’un élargissement du bénéfice du crédit d’impôt doit être envisagé. Les retraités non imposables qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucun avantage fiscal ont vraisemblablement des besoins non satisfaits. Ils sont susceptibles d’augmenter leur consommation de services si un avantage fiscal les y incite. Leur nombre va de surcroît augmenter, en raison de la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu en 2015.

En effet, compte tenu du barème prévu par l’article 2 du projet de loi de finances pour 2015, le seuil d’imposition s’établira (imposition des revenus 2014) :

– à 29 196 euros de revenus nets déclarés pour un couple de retraités ;

– à 15 508 euros pour un retraité célibataire ou veuf de moins de 65 ans ;

– à 16 803 euros pour un retraité célibataire ou veuf de plus de 65 ans – du fait du bénéfice de l’abattement spécifique prévu par l’article 157 bis du code général des impôts pour les contribuables de plus de 65 ans ou invalides.

Ainsi, parce qu’ils ne sont pas éligibles au crédit d’impôt, l’ensemble des retraités aux revenus inférieurs à ces seuils n’auront droit à aucun avantage fiscal au titre de l’emploi d’une personne à domicile. Cette situation va à l’encontre des objectifs recherchés par l’évolution du barème. Elle est aussi injuste et inefficace compte tenu des besoins d’aide à domicile des personnes concernées.

Mme Martine Pinville propose donc d’élargir le bénéfice du crédit d’impôt à tous les titulaires de l’APA. Avec la revalorisation de l’APA et l’effort de réduction du reste à charge introduits par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement actuellement en discussion, cette mesure contribuera à solvabiliser la demande de services à domicile d’une population qui a des besoins réels et importants. Cet élargissement est d’autant plus justifié par l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Élargir le bénéfice du crédit d’impôt aux bénéficiaires de l’APA, c’est-à-dire aux personnes appartenant aux groupes iso-ressources (GIR) 1 à 4, constitue une mesure proportionnée et ciblée. Elle sera créatrice d’emplois, les nouveaux bénéficiaires du crédit d’impôt ayant des besoins importants d’aide à domicile et des ressources suffisantes pour payer le reste à charge après crédit d’impôt. Elle pourrait être financée par l’abaissement du plafond du crédit et de la réduction d’impôt (cf. infra). Les effets de cet élargissement du crédit d’impôt sur le reste à charge des bénéficiaires de l’APA sont présentés dans la simulation figurant en annexe au présent rapport.

Mme Bérengère Poletti n’est pas a priori défavorable à un élargissement des catégories de bénéficiaires du crédit d’impôt. Mais à l’instar de M. Clément Carbonnier, elle considère que le recours à un dispositif fiscal, qui relève de la politique de l’emploi, n’est pas le moyen le plus adéquat pour solvabiliser la demande de publics modestes. L’attribution du crédit d’impôt à des ménages aux ressources faibles et aux besoins contraints risque en effet de n’avoir qu’un effet limité en termes d’emplois créés. Elle ne saurait se substituer à une véritable réforme de l’APA, insuffisamment entamée par le projet de loi du Gouvernement. (10) En outre, cette mesure ne doit pas être financée par une réduction des aides accordées aux ménages les plus consommateurs de services à la personne que sont les classes moyennes et classes moyennes supérieures.

Enfin, Mme Bérengère Poletti considère que la logique du ciblage sur les personnes âgées en perte d’autonomie méconnaît les besoins des personnes en situation de handicap ou, tout simplement, ceux des personnes isolées en situation temporaire de perte d’autonomie (sortie d’hôpital, par exemple).

b. Faut-il abaisser les plafonds des dépenses éligibles au crédit et à la réduction d’impôt ?

Le maintien de la réduction et du crédit d’impôt tend à être justifié par son effet positif avéré sur l’emploi, qui en fait une mesure considérée comme aussi efficiente que, par exemple, les contrats aidés. Mais il convient de noter que les relèvements successifs du plafond des dépenses éligibles consentis en 1995, en 2003 et en 2005 n’auraient eu qu’un effet mineur sur l’emploi tout en ayant des effets fortement anti-redistributifs.

ÉVOLUTION DES PLAFONDS DE DÉPENSES
DONNANT LIEU À RÉDUCTION OU CRÉDIT D’IMPÔT

NB : en 2007, la réduction d’impôt est transformée en crédit d’impôt pour les ménages actifs. L’année est celle des revenus imposés (imposition l’année suivante).

Source : Cour des comptes.

Les effets des modifications du plafond du crédit et de la réduction d’impôt

Les études économétriques disponibles, notamment celles dont M. Clément Carbonnier a fait la synthèse (11), tendent à montrer que le niveau actuel des plafonds se situe largement au-dessus du seuil d’efficacité.

En 1992, la création d’un plafond initial légèrement inférieur à 4 000 euros par an a coûté un peu moins de 40 000 euros par an et par emploi nouvellement déclaré (créations d’emplois et sorties de clandestinité), selon Mme Claire Marbot, administratrice de la direction de la recherche des études et des statistiques (DREES), chercheur au centre de recherches en économie et statistique (CREST). Par rapport aux autres politiques de l’emploi, le résultat est appréciable.

La baisse du plafond introduite en 1997 après la hausse de 1994 (de 13 800 à 6 900 euros) n’a pas eu d’effet significatif sur les comportements de dépense des foyers concernés et n’a donc pas pesé sur l’emploi, suggérant l’existence d’un effet d’aubaine.

En 2003, le relèvement du plafond aurait seulement permis de créer 500 emplois équivalent temps plein (ETP) pour un coût de 135 000 euros par emploi créé.

Eu égard au faible nombre d’emplois créés lors des hausses de plafonds intervenues en 2002 et 2003 (500 ETP) pour un coût très élevé, Mme Claire Marbot considère que les hausses de plafond ont eu des effets d’aubaine importants, c’est-à-dire qu’elles ont remboursé des dépenses qui auraient été consenties sans cette aide.

La Cour des comptes propose de mettre en regard ce coût par emploi créé avec le coût unitaire moyen d’un contrat aidé. Le coût du contrat d’avenir était de 15 500 euros en 2009, 13 700 pour le contrat d’accompagnement dans l’emploi, les autres dispositifs ayant des coûts nettement moins élevés : 6 000 euros pour le contrat initiative emploi, 5 000 euros pour le contrat d’insertion revenu minimum d’activité et 1 400 euros pour le contrat de professionnalisation. (12)

La nécessité d’un abaissement des plafonds fait l’objet d’un consensus parmi les experts et les représentants des administrations entendus. Outre Mme Claire Marbot, M. Clément Carbonnier, Mme Michèle Debonneuil, Mme Hélène Garner et M. Gilles Dumont, ont considéré, lors de la table ronde du 2 octobre 2014 consacrée au ciblage des aides publiques aux services à la personne, que le plafond devrait être inférieur à 7 000 euros, hors garde d’enfants.

Considérant que le niveau actuel du plafond est inefficace et fortement anti-redistributif, Mme Martine Pinville propose d’abaisser le plafond de base à 7 000 euros, ce qui porterait le plafond maximum après majoration pour personne à charge ou plafond pour la première année à 8 750 euros, le plafond majoré maximum à 10 500 euros et le plafond pour une personne invalide à 11 667 euros. Cet abaissement du plafond à son seuil d’efficacité permettrait une économie de 256 millions d’euros, d’après les calculs de la Cour des comptes. Pour permettre aux ménages résidant en zones urbaines tendues, où l’offre de garde collective et d’assistantes maternelles est insuffisante, de conserver un volume important d’heures de garde d’enfants, la création d’un plafond différencié pour la garde d’enfant de moins de trois ans pourrait être mise à l’étude.

CHRONIQUE D’ABAISSEMENT DU PLAFOND DE DÉPENSES ÉLIGIBLES, GAIN POUR LES FINANCES PUBLIQUES ET NOMBRE DE MÉNAGES CONCERNÉS

 

Plafond de dépenses standard

Majoration pour personne à charge

Plafond maximum après majoration ou plafond pour la première année

Plafond majoré maximum

Plafond pour personne invalide

Gain pour les finances publiques par rapport à la situation actuelle (M€)

Nombre de foyers fiscaux perdants par rapport à la situation actuelle (milliers)

Plafonds actuels

12 000

1 500

15 000

18 000

20 000

 

Abaissement du plafond standard par palier de 1 000 € avec abaissement proportionnel des autres plafonds

11 000

1 375

13 750

16 500

18 333

30

59

10 000

1 250

12 500

15 000

16 667

68

75

9 000

1 125

11 250

13 500

15 000

116

94

8 000

1 000

10 000

12 000

13 333

178

119

7 000

875

8 750

10 500

11 667

256

149

6 000

750

7 500

9 000

10 000

356

193

5 000

625

6 250

7 500

8 333

487

262

4 000

500

5 000

6 000

6 667

669

365

3 000

375

3 750

4 500

5 000

935

561

2 000

250

2 500

3 000

3 333

1 365

955

1 000

125

1 250

1 500

1667

2 132

1 714

0

0

0

0

0

3 475

3 093

Lecture : en divisant tous les plafonds actuels par deux (plafond standard à 6 000 €), l’impôt sur le revenu perçu par l’État serait plus élevé de 356 millions d’euros par rapport à la situation actuelle et 193 000 foyers fiscaux verraient leur impôt augmenter.

Source : Cour des comptes, calculs DG Trésor sur échantillon de 500 000 déclarations à l’impôt sur le revenu, revenus 2012, législation 2013.

Dans l’état actuel des connaissances disponibles, Mme Bérengère Poletti ne souhaite pas s’associer à cette proposition. Compte tenu des besoins de garde d’enfants à domicile dans certaines zones immobilières tendues où le nombre de places de crèches ou d’assistantes maternelles est notoirement insuffisant, comme la région parisienne ou le Rhône, la réduction brutale des plafonds pourrait avoir des effets imprévisibles pour certaines familles qui n’ont d’autre choix que de faire garder leurs enfants toute la journée à domicile. Selon la Fédération française des services à la personne et de proximité (FEDESAP), en effet, 70 % des clients des organismes prestataires ne saturent jamais les plafonds. Les 30 % restants ont recours à des services de garde d’enfants. Avant toute nouvelle mesure susceptible de toucher les familles, il serait souhaitable de prendre du recul pour évaluer les changements apportés récemment à la politique familiale. Plus généralement, Mme Bérengère Poletti ne souhaite pas s’associer à une politique de démantèlement de la politique familiale pour financer la prise en charge de la dépendance qui doit bénéficier d’une politique et de moyens dédiés.

La garde d’enfants à domicile engendre des dépenses susceptibles de saturer les plafonds des avantages fiscaux mais le soutien à ce mode de garde est contesté

Selon M. Clément Carbonnier, les aides aux services à la personne n’ont que peu rempli leur objectif d’augmenter l’activité féminine :

« Sur le versant politique de l’emploi, les subventions des services à la personne ont également été pensées comme permettant d’augmenter l’offre de travail des plus productifs. En leur permettant de déléguer leurs tâches domestiques à coût modéré, il est envisagé qu’ils puissent libérer plus complètement leur potentiel sur le marché du travail en substituant du travail très productif sur ce marché à du travail domestique non marchand peu productif. 

[…] Givord et Marbot (2013) trouvent que les politiques de subvention à la garde d’enfant ont plus augmenté le recours à la garde d’enfant que l’activité féminine – signe soit d’une substitution depuis des modes de garde informels soit d’une augmentation du temps de loisir. Pourtant, la garde d’enfant, activité à la fois régulière et nécessitant d’importants quantums de temps, est particulièrement pénalisante pour l’activité féminine. »

Mais le soutien à ce mode de garde est pertinent dans les zones immobilières tendues où la création d’une place en crèche est très coûteuse et où les assistantes maternelles n’habitent plus. Selon M. Clément Carbonnier, « la subvention à la garde d'enfant en bas âge peut être vue comme une politique en faveur de la participation des femmes au marché du travail, tout comme elle peut être vue comme une politique sociale qui se substituerait à la provision de garde préscolaire collective de type crèche. Des modes de garde alternatifs ont en effet été fortement développés, surtout dans les zones immobilières tendues où les gardes collectives traditionnelles peuvent se révéler extrêmement coûteuses (Sécurité sociale 2013). 

[…] la garde d’enfant ne constitue qu’une petite minorité des sommes allouées via la dépense fiscale pour services à la personne. En effet, pour l’année 2012, la DGTrésor (2013) mesure à 3,38 milliards d’euros la réduction et le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile. De son côté, l’Observatoire National de la Petite Enfance (2014) évalue le montant de ces avantages fiscaux liés à la garde d’enfant de moins de trois ans à domicile à 169,7 millions d’euros pour cette même année 2012, ce qui ne correspond qu’à 5 % de la dépense fiscale. Et encore, la méthodologie retenue ne permet pas de prendre en compte les sommes dues via réduction d’impôt mais non versées du fait d’un impôt déjà nul du contribuable. »

Enfin, « …s’il est indéniable que la limitation du nombre de place en crèches (et leurs tarifs progressifs en fonction du revenu) et le financement direct de la garde à domicile ou par des assistantes maternelles (subvention dépendant également du revenu, mais avec moins de variations) a un impact redistributif notable, les services eux-mêmes ne sont pas les mêmes et peuvent avoir des effets à plus long terme sur l’évolution des jeunes enfants. En effet, cela retarde la prise en charge collective des enfants et un plus grand nombre doit attendre 3 ans pour augmenter sensiblement ses interactions sociales. Sans avoir trop d’illusions sur les capacités des gardes collectives à générer de la mixité sociale, le développement de la garde individuelle ne peut que la réduire. Si cette non-mixité n’est pas défavorable aux enfants des classes supérieures, elle peut s’avérer dommageable aux enfants des classes défavorisées, augmentant l’écart de développement qui s’observe dès l’entrée en maternelle et que l’éducation nationale a tant de mal à combler par la suite. »

Source : La réduction/crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile est-elle efficace en tant que politique de l’emploi ? Méta-analyse des évaluations empiriques 1997-2007, Clément Carbonnier, juin 2014, SciencesPo. / Laboratoire interdiscipllinaire d’évaluation des politiques publiques.

La réduction des plafonds risque en outre d’encourager le développement du travail au noir et du travail « gris ». Une moindre déclaration des aides ménagères, par exemple, aura des conséquences désastreuses pour la protection sociale des salariés concernés, ce secteur d’activité étant parmi les plus « accidentogènes ».

Proposition de Mme Martine Pinville : réorienter en direction des personnes qui en ont le plus besoin la réduction et le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile :

– attribuer le bénéfice du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile aux bénéficiaires de l’APA ;

– abaisser à 7 000 euros le plafond de base du crédit et de la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, et prévoir une baisse homothétique des autres plafonds, en étudiant la possibilité de créer un plafond différencié pour les parents d’enfants de moins de trois ans employant une garde d’enfant à domicile.

Proposition de Mme Bérengère Poletti : conforter le crédit et la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile dans leur logique incitative créatrice d’emplois dans un contexte de crise économique.

c. Faut-il davantage cibler les exonérations de charges sociales ?

Les allégements de cotisations sociales pour les dépenses de services à la personne (2,1 milliards d’euros en 2014) représentent 46 % des niches sociales non compensées par l’État aux caisses de sécurité sociale. Depuis la suppression de l’abattement de 15 points de cotisations sociales et de l’assiette forfaitaire en 2011 et 2013, les allégements de cotisations sont concentrés sur les publics fragiles à trois exceptions près :

– l’exonération pour le CESU préfinancé, que la Cour des comptes recommande d’évaluer dans le cadre d’une étude plus globale portant également sur le chèque-restaurant et le chèque-vacances ;

– la réduction forfaitaire de 75 centimes pour les particuliers employeurs, dont le doublement partiel est prévu d’ici la fin d’année ;

– l’exonération de cotisations patronales pour les personnes de plus de 70 ans.

La suppression de l’abattement de 15 points de cotisations sociales et de l’assiette forfaitaire en 2011 puis 2013 procédait d’une volonté de remettre en cause les exonérations de charges non ciblées, considérées comme redondantes avec les exonérations de cotisations sociales générales sur les bas-salaires dites « allégements Fillon ». La Cour des comptes estime que la suppression de ces allégements n’a pas entraîné une baisse massive des heures déclarées et que leur efficacité pour lutter contre le travail dissimulé n’a pas été prouvée. Pour autant, l’amorce d’une baisse du nombre d’heures rémunérées par les particuliers employeurs a fait réagir les pouvoirs publics, qui ont instauré un nouvel abattement de cotisations de 75 centimes en 2013, uniquement pour les particuliers employeurs.

Cet abattement de 75 centimes a été doublé pour les publics fragiles par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2014. Le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition introduite en nouvelle lecture, sans lien avec le reste des dispositions en discussion.

En l’absence d’étude fiable sur le travail dissimulé, dont la Cour déplore l’absence persistante, le législateur a donc fait le choix d’un « coup de pouce » ciblé sur les particuliers employeurs. La Fédération des particuliers employeurs (FEPEM) a d’ores-et-déjà souligné l’enjeu de la stabilité et de la communication autour de cette mesure pour qu’elle ait l’effet escompté sur l’emploi. Elle souhaiterait qu’elle soit portée à 2 euros, équivalent des 15 points d’allégements supprimés en 2011 et qui constituaient une mesure d’accompagnement de la suppression de la possibilité de cotiser au forfait.

Par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le Gouvernement a prévu de porter l’abattement de 75 centimes à 1,50 euro mais uniquement pour les salariés à domicile employés pour des activités de garde d’enfants de 6 à 13 ans, dans la limite d’un plafond de 40 heures par semaine et sous réserve de déclaration sur le site de Pajemploi. La FEPEM se dit insatisfaite de cette mesure, source de complexité, qui ne s’adresse pas à tous les particuliers employeurs.

Le principal allégement de charges sociales non ciblé est donc aujourd’hui attribué sur le critère de l’âge aux plus de 70 ans prévu à l’article L. 241-10-I du code de la sécurité sociale. Instauré en 1948, cet allégement est devenu automatique en 2005. Auparavant, les bénéficiaires devaient en faire une demande aux caisses de sécurité sociale. La Cour des comptes estime que la pertinence de son maintien ou de l’âge retenu aurait dû être examinée dès la mise en place de l’APA. Au regard des autres aides disponibles (APA, réduction d’impôt) et de l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé, cette mesure ne s’impose plus, selon la Cour.

Elle note quatre propositions d’évolution de l’exonération de cotisations patronales du seul fait de l’âge, diversement accueillies dans le débat public :

– la mise sous condition de ressources ;

– la suppression pure et simple ;

– l’élévation de l’âge pris en compte à 80 ans ;

– le ciblage sur les niveaux de GIR ne donnant pas lieu à l’APA (5 et 6). (13)

Les regroupements d’employeurs sont opposés à une évolution sur ce dernier point, et notamment l’Union nationale de l’aide à domicile en milieu rural (UN-ADMR). L’Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile (UNA) est plutôt favorable à un ciblage de la mesure sur les personnes réellement dépendantes (GIR 1 à 4). Toutefois, Mme Christiane Martel, présidente honoraire de l’UNA, a souligné les risques croissants à la suite de sorties d’hôpital pour les personnes âgées isolées, en lien avec la politique de développement des soins ambulatoires.

ESTIMATION DES GAINS (+) ET PERTES (-) PAR ACTEURS ÉCONOMIQUES
EN CAS D'ÉVOLUTIONS DE L'EXONÉRATION DU FAIT DE L'ÂGE

en millions d’euros

Effet statique

 

Suppression totale

Limite fixée à 80 ans

Sécurité sociale

+411

+153

État (1)

-205,5

-76,5

Employeurs

-205,5

-76,5

Droits sociaux salariés

=

=

Effet dynamique

(hypothèse : baisse de 10 % du travail déclaré)

 

Suppression totale

Limite fixée à 80 ans

Sécurité sociale

+360

+138

État (1)

-180

-69

Employeurs

-180

-69

Droits sociaux salariés

-67

-25

Le montant de l'exonération est celui de 2012, la part des 80 ans et plus celle de 2009.

(1) Cet effet repose sur l'hypothèse que toutes les cotisations sociales supplémentaires pourront faire l'objet d'une réduction d'impôt.

Source : Cour des comptes.

Les rapporteures proposent de relever à 80 ans la limite d’âge permettant de bénéficier d’une exonération de cotisations patronales, suivant la même logique qui prévalait en 1948, lors de l’instauration de la mesure, mais en l’adaptant à l’accroissement continu de l’espérance de vie en bonne santé. Cette mesure représenterait une économie d’environ 80 millions d’euros, selon la Cour des comptes.

Elles jugent néanmoins que le seul critère de l’âge est insuffisant. Dans le souci de favoriser la prévention de la dépendance, elles proposent d’étendre aux personnes évaluées comme connaissant un début de perte d’autonomie (GIR 5) le bénéfice de l’exonération de cotisations patronales actuellement réservée aux personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (GIR 1 à 4). Il est probable qu’une telle mesure entraîne une hausse des demandes d’évaluation de la part des personnes de plus de 60 ans aux conseils généraux. Cette affluence aura certainement un coût mais facilitera la prévention de la perte d’autonomie en permettant une prise de conscience du risque de la dépendance dès 60 ans. Cette mesure se justifie également par le contexte budgétaire actuel, qui conduit la Caisse nationale d’assurance vieillesse à réduire ses aides individuelles au profit d’actions collectives de prévention, autour de la mémoire et de la nutrition, notamment, mais aussi de façon croissante pour lutter contre l’isolement (cf. deuxième partie du présent rapport).

Proposition n° 2 des rapporteures : réorienter en direction des personnes qui en ont le plus besoin l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi d’un salarié à domicile :

– porter à 80 ans l’âge requis pour bénéficier de cette exonération ;

– étendre cette exonération aux personnes en perte d’autonomie (GIR 5).

B. LA SIMPLIFICATION DES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT

La simplification des formalités administratives fait partie des clés pour encourager le développement du travail déclaré. La création du chèque emploi-service, en 1991, devenu universel, en 2006, répondait à cet enjeu.

Aujourd’hui, le CESU se décline en deux dispositifs : le CESU déclaratif, modalité de simplification des formalités déclaratives aux URSSAF, et le CESU préfinancé, qui offre la possibilité à un employeur de payer ses salariés avec des chèques affectés aux services à la personne, en franchise de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu pour les salariés. Le champ du CESU est un peu plus large que celui des services à la personne, puisqu’il concerne aussi les assistantes maternelles. Le CESU préfinancé permet, depuis 2010, d’acquitter des dépenses de crèche, de halte-garderie, d’aide à domicile en faveur des personnes âgées, etc.

1. Le CESU déclaratif

Le recours au CESU déclaratif s’est largement répandu : 80 % des particuliers employeurs l'utilisaient en 2012, contre 56 % en 2002. Dans le même temps, le nombre d'employeurs envoyant une déclaration directement à l'URSSAF est en recul continu (16 % en 2012 contre 18 % en 2010 et 39 % en 2002). Les autres particuliers (4 %) utilisent la PAJE réservée aux parents d’enfants de moins de six ans. D’après les enquêtes de satisfaction réalisées depuis 2009, 98 % des utilisateurs de ce service en sont satisfaits.

a. Des progrès sont encore possibles dans l’accès à l’information et la simplification

Pour autant, M. Emmanuel Bretin, sous-directeur des politiques sociales et de l’emploi à la direction générale du Trésor, au cours de la table ronde consacrée à l’impact des aides publiques sur l’emploi du 23 septembre 2014, a rappelé que plus de la moitié des personnes sondées au cours des enquêtes conduites sur le secteur se considèrent comme mal informées sur les aides dont elles pourraient bénéficier. Un dispositif d’information plus systématique pourrait permettre de limiter le travail au noir, car il permettrait notamment d’expliquer que le prix du travail déclaré après réduction ou crédit d’impôt est du même ordre de grandeur, voire parfois inférieur, au prix du travail dissimulé.

L’information des bénéficiaires des aides publiques pourrait notamment être renforcée par la généralisation de « calculatrices » des aides disponibles en fonction d’une situation individuelle. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est sur le point de mettre en place un portail d’information sur les droits des personnes âgées et sur l’offre d’établissements et de services infirmiers à domicile (EHPAD et SIAD) uniquement, les informations sur l’offre de services d’aide à domicile contenues dans la base de données NOVA étant insuffisamment fiables aujourd’hui. Ce portail inclura une calculatrice du reste à charge.

La simplification administrative et réglementaire doit être poursuivie. Par exemple, les déclarations sur le site « Pajemploi » (pour les gardes d’enfant à domicile) doivent aujourd’hui être faites sur la base du salaire net alors que les contrats de travail sont rédigés usuellement en termes de salaire brut. Il aurait été beaucoup plus simple de permettre ce type de déclaration plutôt que d’obliger l’usager à recalculer systématiquement le montant net à l’aide de calculatrices disponibles sur Internet, selon M. Bretin.

La Cour des comptes signale aussi les gains attendus de la dématérialisation du CESU. L’arrêt du soutien à l’encaissement bancaire des chèques accélère le mouvement de dématérialisation. En 2013, 45,7 % des remboursements ont été effectués de façon dématérialisée contre 42,2 % par l’envoi des CESU au centre de remboursement et 12,1 % par remise aux guichets bancaires. Depuis 2008, le CESU peut faire l’objet d’une dématérialisation intégrale sous la forme d’un compte internet à partir duquel le bénéficiaire peut régler ses intervenants. Selon la Cour des comptes, la dématérialisation pourrait encore être améliorée par la réunion au sein d’un même processus du paiement du salarié et de la déclaration.

Les rapporteures constatent qu’il reste encore beaucoup à faire pour faciliter le recours à des services déclarés :

– fiabilisation de l’information sur l’offre de services et mise à disposition sur des portails dédiés ;

– amélioration de l’information sur les aides publiques via des « calculatrices » en ligne ;

– réunion des formalités de paiement et de déclaration ;

– réduction des formalités déclaratives par l’échange d’informations entre les acteurs et l’interopérabilité des systèmes d’information.

b. L’opportunité d’un mécanisme de tiers-payant préfinançant les avantages fiscaux devrait être étudiée

Dans la même optique, la mise en œuvre d’un dispositif de tiers-payant permettrait à l’usager de ne pas préfinancer l’avantage fiscal lié à l’impôt sur le revenu et de ne payer que la partie qui lui incombe réellement. Comme l’indiquait Mme Michèle Debonneuil, alors inspectrice des finances, dans son rapport de 2008 : « le système à trois modalités du CESU ne permet pas de toucher les Français, pourtant les plus nombreux, qui ne sont ni particuliers employeurs, ni publics fragiles, ni salariés d’une entreprise qui délivre des CESU. Si ces personnes veulent bénéficier des aides, il faut qu’ils conservent leurs factures toute l’année pour pouvoir les joindre à leur déclaration de revenu (ou les conserver en cas de télédéclaration) pour obtenir le remboursement de la moitié des dépenses réalisées. De plus, à part par le biais des CESU RH, les Français qui bénéficient de ces aides doivent attendre un an pour les percevoir, que ce soit par le biais d’une réduction de leur impôt sur le revenu ou par celui d’un crédit d’impôt. Il manque un véritable outil de solvabilisation immédiate pour tous les Français de la classe moyenne. Seul un tel instrument permettrait de changer de vitesse. » (14)

La direction générale des entreprises (DGE) juge qu’un système de tiers-payant serait un mode de paiement socialement plus équitable et un outil pertinent pour faire reculer le travail non déclaré, mais elle admet que sa mise en œuvre est complexe. En Suède, ce sont les entreprises prestataires qui supportent le coût de l’avance fiscale.

La politique de développement des services à la personne en Suède

Les services à la personne font l'objet d'une politique globale depuis le 1er juillet 2007. Le système repose sur une réduction d'impôt de 50 % du coût de la main-d’œuvre du service exécuté, dans la limite de 5 000 euros par an (50 000 SEK) et par personne ou de 10 000 euros par an et par ménage. Le service rendu doit faire l'objet d'une facturation et le revenu doit être déclaré.

Entre le 1er juillet 2007 et le 1er juillet 2009 la déclaration devait être faite par l'acheteur du service qui réglait initialement l'intégralité de la facture pour ensuite se faire rembourser de 50 % du coût de la main-d’œuvre par l'administration fiscale dans la limite du plafond.

Depuis le 1er juillet 2009, l'acquéreur ne paye que 50 % du coût de la main-d’œuvre pour le service exécuté et c'est par la suite le prestataire de service qui, après déclaration à l'administration fiscale, se fait rembourser par celle-ci pour les 50 % restants du coût de la main-d’œuvre.

Parallèlement, il existe depuis plusieurs années une incitation fiscale identique pour les travaux sur les logements (menuiserie, peinture, etc.), avec le même niveau d'abattement et de plafonnement. Les deux systèmes qui coexistent sont intitulés RUT-avdraget (services à la personne) et ROT-avdraget (travaux de rénovation ou d'amélioration des logements).

Le succès du mécanisme de « tiers payant » couplé au « RUT-avdraget » est, selon l’administration fiscale, important avec le triplement du nombre de bénéficiaires entre 2008 et 2010 et un recul évalué à 40 % du travail au noir.

Source : Étude sur les services à la personne dans sept pays européens, DGCIS, novembre 2011.

La DGE plaide plutôt pour un groupement d’intérêt économique (GIE) dans le cas français. Deux pré-requis sont néanmoins soulignés : l’acceptation par l’État du principe de subrogation fiscale la première année ou la capacité des acteurs à vendre une augmentation des prix clients en contrepartie de la prise en charge de l’avance fiscale. Les pouvoirs publics ont renoncé à ce dispositif jusqu’à présent en raison de sa complexité et parce qu’il imposerait une avance de trésorerie importante lors de la création du GIE.

Proposition n° 3 des rapporteures : donner un nouvel élan aux projets destinés à faciliter l’accès aux services à la personne :

– fiabiliser la base NOVA pour proposer une information complète et à jour sur l’offre de services à la personne via des portails d’information dédiés par publics cibles (personnes âgées, familles avec enfants, personnes en situation de handicap) ;

– améliorer l’information des ménages sur les restes à charge par la généralisation de calculatrices des aides publiques ;

– réunir les processus de paiement et de déclaration des heures prestées sur un même compte internet ;

– étudier différentes options permettant de mettre en place un mécanisme de tiers-payant préfinançant les avantages fiscaux liés à l’impôt sur le revenu.

2. Le CESU préfinancé

Tel un titre-restaurant, le CESU préfinancé est acheté par un organisme à un émetteur et remis ou vendu au bénéficiaire pour un montant inférieur à sa valeur nominale. Deux formes coexistent :

● Le « CESU RH » est préfinancé par des employeurs au profit de leurs salariés. En contrepartie, les versements effectués par les entreprises ou comités d’entreprise à ce titre aux salariés sont exonérés de toute forme de cotisation sociale, dans la limite d’une aide maximum de 1 830 euros par an et par salarié bénéficiaire. En 2012, cette mesure représentait 2 % (118 millions d’euros) du coût total des dépenses fiscales et des niches sociales en faveur des services à la personne.

● Le « CESU social » est préfinancé par les conseils généraux et les organismes du secteur de l’assurance et de la protection sociale pour le paiement de prestations liées à une dépense de services à la personne dans le cadre d'une politique d'action sociale.

Le CESU préfinancé bénéficie par ailleurs depuis sa création en 2005 d’une exonération d’impôt sur le revenu, dont le montant dépend du niveau de l'aide dont bénéficie le salarié sans pouvoir excéder le montant acquitté pour le service. En 2012, le coût de cette dépense fiscale était de 40 millions d’euros.

Entre 2006 et 2013, le volume d’émission du CESU préfinancé est passé de 82 à 739 millions d’euros, croissant de 7 % en 2012. En 2013, 897 000 personnes en ont bénéficié. En 2013, la répartition des émissions entre le « CESU social » et le « CESU RH » s’établit à 59 % pour le premier (436 millions d’euros, dont 372 versés par les conseils généraux) et 41 % pour le second (303 millions d’euros).

a. Le CESU RH : un dispositif à évaluer

Le volume d'émission du CESU RH est en constante progression. À la différence de la réduction ou du crédit d'impôt, ce dispositif permet en effet au salarié de bénéficier d'une aide immédiate. Selon l'Association professionnelle des émetteurs de CESU (APECESU), il s'adresse principalement aux ménages modestes : 60 % des bénéficiaires ont un revenu net inférieur à 2 200 euros. En 2013, 71 % des CESU RH étaient utilisés pour la garde d'enfants ; 89 % des bénéficiaires appartiennent à des foyers avec enfant.

Le CESU RH permet de soutenir l’accès à l’emploi des parents, en facilitant la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Les employeurs sont incités à participer aux dépenses contraintes auxquelles leurs salariés font face du fait de leur activité professionnelle, de la même manière qu’ils participent aux frais de repas ou aux frais de transport.

Dépense fléchée, le CESU RH est une garantie que les sommes versées contribuent à créer des emplois déclarés. À cet égard, la Cour des comptes note toutefois que le CESU RH peut aussi être utilisé pour payer des dépenses de crèche ou de centre de loisirs.

La critique la plus sérieuse du dispositif provient du rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales : « les exonérations liées au CESU préfinancé ont comme caractéristique de faire intervenir un 3e voire un 4e acteur dans le dispositif : en plus du particulier qui recourt au service à la personne, du salarié qui exécute la prestation, et le cas échéant de l’organisme ou de l’association qui agit comme intermédiaire, on fait entrer un acteur relativement étranger qui est l’employeur du particulier. Celui-ci dispose d’une exonération liée au choix de son salarié. Dans un nombre de cas significatifs, il s’agit d’un effet d’aubaine puisque l’aide accordée par l’entreprise se substitue aux sommes qu’aurait de toute façon consacrées le particulier dans le secteur des services à la personne. Il n’y a donc pas d’effet incitatif pour le salarié et encore moins pour son employeur qui bénéficie alors d’une exonération en pur effet d’aubaine. » (15)

Toutes choses égales par ailleurs, supprimer le régime dérogatoire du CESU RH reviendrait en effet à réintégrer les dépenses financées dans l’assiette du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, réduisant de moitié ou du tiers le gain de la suppression de la mesure pour les finances publiques.

La Cour se montre toutefois prudente dans ses conclusions sur le dispositif. Elle préconise de revoir le bien-fondé du CESU RH à l’occasion d’une revue plus générale des aides du même type (chèque-vacances, titre-restaurant). Il conviendrait en effet de vérifier que les effets d’aubaine ne sont pas en réalité justifiés par d’autres attendus que la simple consommation de services à la personne. En particulier, il conviendrait de s’interroger sur l’impact de ces aides publiques sur la politique des ressources humaines dans les entreprises et sur les publics ciblés.

b. Le CESU social : une garantie pour la bonne utilisation de l’argent public

Les conseils généraux peuvent recourir au CESU préfinancé pour verser l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). D’après l’Association professionnelle des émetteurs de CESU (APECESU), 29 conseils généraux y ont recours. Les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS ou CIAS) peuvent aussi l’utiliser pour financer leur aide sociale facultative même si cette pratique semble encore marginale. (16)

Il représente certes un surcoût, correspondant au paiement de l’émetteur de CESU. En Seine-Saint-Denis, où les rapporteures se sont rendues, il est de l’ordre de 500 000 euros. D’autres frais indirects sont constatés, liés à la trésorerie. Passée leur date de fin de validité (31 janvier de l’année n+1), les sommes correspondant aux CESU non utilisés sont en effet remboursées aux conseils généraux. L’APECESU rembourse chaque année 100 millions d’euros aux conseils généraux, ce qui traduit la sous-consommation chronique des plans d’aide à laquelle le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement entend remédier, notamment par l’augmentation du plafond national appliqué à l’APA. Ce remboursement intervient au mois de mars de l’année n+1, ce qui amène concrètement les conseils généraux à avancer une trésorerie significative aux émetteurs de CESU pendant trois mois, pour les sommes correspondant aux CESU non utilisés.

Mais le « CESU social » garantit la bonne utilisation des sommes versées et permet aux pouvoirs publics de mieux contrôler la réalité de la dépense, notamment par un suivi individuel des plans d'aide en temps réel. Ce suivi nécessite une implication des usagers, qui doivent être formés à l’utilisation des CESU. D’importants volumes de CESU encaissés en début de mois dans certains départements suggèrent que des prestataires peu scrupuleux se font remettre l’intégralité du chéquier par la personne aidée dès sa réception.

Un frein notable au développement du CESU social est sur le point d’être dépassé. Les conseils généraux doivent aujourd’hui payer les cotisations sociales en numéraire au particulier employeur pour qu’à son tour, il les verse à l’URSSAF. Un mécanisme de tiers-payant en cours d’expérimentation actuellement en Gironde et dans les Bouches-du-Rhône, sur le fondement du décret n° 2013-604 du 9 juillet 2013, pourrait permettre au conseil général de verser directement à l’ACOSS la partie des cotisations sociales du plan d’aide. Cette avancée technique simplifierait les circuits pour les conseils généraux et leur permettrait de ne verser que la part des cotisations sociales correspondant aux salaires effectivement payés par le bénéficiaire de l'APA ou de la PCH. Elle contribuerait aussi à lutter contre le travail non déclaré.

L’Association professionnelle des émetteurs de CESU signale également un frein lié aux critères retenus dans la formule de compensation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pour le financement de l’APA à domicile. Les modalités actuelles de compensation dissuaderaient une partie des conseils généraux d’avoir recours au CESU préfinancé. Dans une contribution écrite transmise aux rapporteures, les représentants de l’APECESU montrent que si la moitié des conseils généraux utilise le CESU social et l’autre moitié ne l’utilise pas, les conseils généraux qui y ont recours sont désavantagés par la formule de répartition des crédits APA. Le calcul repose sur l’hypothèse que le recours au CESU social permettrait aux conseils généraux d’économiser 10 % sur leurs dépenses nettes d’APA. L’APECESU propose que la formule de la CNSA prévoie un bonus pour les conseils généraux utilisateurs du CESU et de la télégestion. Toutefois, une telle proposition avantagerait les conseils généraux utilisateurs de CESU au détriment de ceux qui font le choix d’une tarification globale telle que promue par l’Assemblée des départements de France (cf. infra deuxième partie, III.).

III. UN SECTEUR À MIEUX STRUCTURER ET PROFESSIONNALISER

La Cour des comptes a examiné la question du manque d’attractivité du secteur des services à la personne et l’a reliée à la situation de la professionnalisation et de la structuration de ce secteur, qu’elle considère comme des « enjeux clés » pour l’avenir, en termes d’emploi comme de solidarité à l’égard d’une catégorie de la population qui doit être bien accompagnée.

Les rapporteures sont convaincues qu’il est nécessaire d’améliorer les perspectives de formation, de mobilité et d’évolution de carrière des salariés et des salariées – qui constituent la grande majorité des employés du secteur –, souvent peu qualifiés.

A. LA SITUATION DE L’EMPLOI DANS LE SECTEUR DES SERVICES À LA PERSONNE ET SON ÉVOLUTION PRÉVISIBLE

Les effectifs salariés dans le domaine des services à la personne ont été présentés plus haut. Dans le développement qui suit, seront évoqués les perspectives de recrutement dans le secteur, son manque actuel d’attractivité et les évolutions qui devraient être conduites pour améliorer le déroulement de carrière des salariés.

1. Un secteur manquant d’attractivité qui devra faire face à un fort besoin de recrutement

Le nombre des intervenants à domicile auprès des publics fragiles était estimé par la direction générale des entreprises (DGE) au 1er janvier 2014 à 557 000 personnes, chiffre qui recouvre les salariés travaillant en mode prestataire, mandataire, de gré à gré ou cumulant plusieurs contrats de travail.

Ce nombre est dès à présent insuffisant pour faire face aux besoins du maintien à domicile des personnes âgées, et le sera encore davantage dans le contexte du vieillissement de la société, compte tenu notamment de la réduction prévisible du nombre des « proches aidants » et de l’âge relativement élevé des salariés concernés.

a. Des offres d’emploi nombreuses, dont un grand nombre non pourvues

Le secteur des services à la personne cumule un grand nombre de demandes d’emploi : 471 000 en novembre 2013 selon les données de Pôle Emploi et de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), dont 221 000 concernent l’assistance auprès d’enfants et 89 000 l’assistance auprès d’adultes.

Paradoxalement, un nombre important de ces emplois ne sont pas pourvus : 132 700 des 835 291 offres d’emploi mises sur le marché au troisième trimestre 2013 n’auraient pas été pourvues (17). La moitié de ces offres d’emploi sont dans le champ des assistantes maternelles.

Selon l’enquête 2014 de Pôle Emploi et du CREDOC sur les besoins de main-d’œuvre, citée par la Cour des comptes, 50 000 projets de recrutement seraient ouverts dans le secteur des aides à domicile et des aides ménagères. Ce secteur se classe comme le 7e métier en termes de projets de recrutement, sur un ensemble de 200 métiers.

La Cour cite pourtant l’enquête 2014 du CREDOC établissant que ce secteur est celui, parmi les secteurs ouvrant de nombreux recrutements, qui connaît les plus grandes difficultés à les réaliser : 65 % des projets de recrutement sont jugés difficiles contre 35 % en moyenne sur l’ensemble des métiers. De fortes difficultés de recrutement sont constatées dans le secteur des aides à domicile, des aides ménagères et des aides-soignants.

Les raisons seraient liées à l’importance du temps partiel, au manque d’adéquation entre qualification des personnes et profils souhaités par les employeurs, également à l’inadéquation des zones où les emplois sont proposés et celles où se situent les demandeurs d’emplois.

Les personnes entendues par les rapporteures au cours de leurs déplacements en région ont confirmé la difficulté des recrutements pour les associations et les entreprises de services à la personne, en particulier pour l’aide aux personnes âgées. (18)

b. Un fort besoin de recrutement au cours de la décennie 2012-2022

Les métiers des services à la personne devraient connaître un développement important pendant la période 2012-2022, en lien avec le vieillissement de la population.

L’étude « Les métiers en 2022 : résultats et enseignements » réalisée dans le cadre d’exercices de prospective sur les métiers et les qualifications par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective et la DARES établit une synthèse actualisée des projections réalisées en 2012 pour 2022. (19)

L’ensemble des professions de soins et d’aide aux personnes fragiles devrait bénéficier d’une forte dynamique de l’emploi, à l’exception des médecins dont l’évolution dépend du numerus clausus. Aides à domicile, aides-soignants et infirmiers figureraient ainsi parmi les métiers qui gagneraient le plus d’emplois à l’horizon 2022, avec de l’ordre de 325 000 créations nettes d’emplois au total en dix ans.

Le métier d’aide à domicile serait en outre celui qui créerait le plus de postes sur les dix années à venir, aussi bien en termes de taux de croissance qu’en nombre de postes avec près de 160 000 postes à créer d’ici 2022, soit une hausse de 2,6 % en moyenne chaque année.

Le vieillissement de la population engendre en effet des besoins croissants en matière de soins et d’accompagnement de la dépendance dans un contexte marqué par deux évolutions : une démographie médicale difficile avec la diminution du nombre de médecins généralistes et les inégalités de l’offre de soins de proximité ; une réduction des possibilités de prise en charge par les familles du fait de la hausse du taux d’activité des femmes après 45 ans et de la fragmentation croissante des structures familiales. Le développement de la médecine ambulatoire et la politique privilégiée de maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie nécessiteront d’autant plus l’accompagnement par des professionnels.

L’étude précitée de la DARES sur les métiers indique que le nombre d’assistantes maternelles devrait également augmenter pour répondre aux besoins, en lien avec une natalité toujours assez élevée et l’accroissement de l’activité féminine. La demande pour des professionnels de l’action sociale dirigée vers les personnes âgées, les personnes handicapées et les jeunes en difficulté devrait aussi s’accroître.

Ces projections sont complétées par la prise en compte des départs en fin de carrière, nombreux dans les métiers d’aide à domicile et d’assistante maternelle, car l’âge médian des salariés y est élevé (respectivement 47 et 45 ans contre 42 ans pour l’ensemble des métiers). Les postes y sont souvent occupés par des femmes ayant repris un emploi après une interruption ou une reconversion. Plus d’un salarié sur trois est âgé d’au moins 50 ans dans ces professions.

Les postes à pourvoir devraient donc être très nombreux, vu les effectifs actuels élevés. Entre 2012 et 2022, près de 500 000 postes seraient à pourvoir dans ces deux métiers selon l’étude, comme le montre le tableau suivant. L’aide à domicile, en particulier, offrirait selon ces projections 325 000 postes à pourvoir sur la décennie.

MÉTIERS QUI OFFRIRAIENT LE PLUS DE POSTES À POURVOIR ENTRE 2012 ET 2022
DANS LE SCÉNARIO CENTRAL DE LA DARES

Champ : ménages ordinaires ; France métropolitaine.

Source : projections France Stratégie-DARES.

L’étude précise également que le métier d’aide à domicile serait le plus créateur d’emploi quelle que soit la conjoncture économique, les professions de soins et d’aide aux personnes fragiles dans leur ensemble étant relativement moins sensibles que les autres au contexte économique.

La Cour des comptes note cependant qu’il n’existe pas à ce jour d’étude permettant de dégager les besoins, en termes d’intervention à domicile, engendrés par le vieillissement et la perte d’autonomie. Une telle évaluation devrait être engagée de manière prioritaire selon la Cour.

c. Les emplois de l’aide à domicile sont peu attractifs

L’enquête de la Cour des comptes dresse le constat d’un manque d’attractivité des emplois du secteur de l’aide à domicile.

Une large majorité des salariés (68 %) de la branche de l’aide à domicile travaille à temps partiel, ce taux atteignant 77 % pour les employés de maison. Un quart de ces personnels a déclaré être en temps partiel subi, selon l’enquête de la DARES en 2011. Le temps de travail moyen est de 26 heures.

Les intervenants auprès de personnes âgées en perte d’autonomie sont, pour 98 %, des femmes. Ces professionnels travaillent à temps partiel pour 70 % d’entre eux.

La conséquence de cette prévalence du temps partiel est la pluriactivité des salariés, et témoigne du manque d’attrait de l’aide au domicile dans la mesure où les intervenants ne considèrent pas cette activité comme leur activité principale selon une enquête réalisée par la DREES en 2008.

Les rémunérations moyennes sont faibles, en lien avec un temps de travail faible : 725 euros brut par mois en moyenne en 2010, et plus précisément 867 euros pour un salarié d’organisme de services à la personne et 492 euros pour un salarié de particulier employeur. (20) Les salariés travaillant en établissement spécialisé ont des salaires moyens plus élevés : ces salaires étaient en 2008 de 1 000 euros en moyenne, mais également faibles à cause de la part importante du temps partiel. (21)

Pour les intervenants au domicile des personnes fragiles, le salaire net médian était de 848 euros en 2008. (22)

LES SALAIRES MÉDIANS DANS LES SERVICES À LA PERSONNE

En euros

Salaire horaire brut médian

Revenu salarial annuel médian

Salariés de particuliers employeurs

10,4

3 392

Salariés d’organismes prestataires

9,9

8 463

Dont :

Sphère privée

9,8

4 501

Sphère publique

11

15 080

Sphère économie sociale

9,8

8 876

Champ : pour les particuliers employeurs : salariés des particuliers employeurs, hors postes d’assistantes maternelles, ayant un contrat avec un particulier employeur au cours de la 3e semaine de mars 2010, n’ayant aucun contrat déclaré au forfait sur l’année. Pour les organismes de services à la personne (OSP) : salariés des OSP ayant un contrat OSP au cours de la 3e semaine de mars 2010. On ne retient que les contrats dont le nombre d’heures déclarées est strictement positif.

Sources : pour les particuliers employeurs : INSEE ; pour les OSP : INSEE, DADS GF - ANSP, NOVA.

La Cour des comptes rappelle que le pouvoir d’achat des intervenants à domicile a subi une érosion depuis 2008 à cause de l’absence de mesure salariale générale dans la branche de l’aide à domicile depuis 2009. La branche de l’aide à domicile doit obtenir un agrément ministériel pour l’accord de revalorisation intervenu au sein de sa conférence salariale annuelle, s’agissant de dépenses supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale (article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles). Pour 2014, un avenant avait été signé le 18 avril dernier, prévoyant une augmentation de la valeur du point de 1 % au 1er janvier 2014. Cependant cette augmentation a été infirmée par la commission nationale d’agrément, puis par la décision de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en octobre dernier.

Ce blocage a pour effet de limiter l’augmentation de la masse salariale au cadrage établi en 2004 qui, compte tenu de la part du « glissement vieillesse-technicité » (GVT), ne laisse de possibilité d’augmentation salariale qu’à hauteur de 0,4 %. Si les salariés employés à domicile avaient en 2004 une rémunération supérieure au SMIC d’environ 10 %, le blocage a fait disparaître cet avantage et les salaires se trouvent à présent au niveau du SMIC. Les négociations sociales sont d’autant plus difficiles que les mesures catégorielles maintenues sont dirigées vers les catégories A et B.

Les rapporteures s’inquiètent de cette évolution défavorable au pouvoir d’achat des salariés, qui contribue en partie à la désaffection vis-à-vis de la profession. Elles sont conscientes du fait que l’évolution salariale de la branche de l’aide à domicile a des répercussions sur la tarification de services d’aide à domicile par les départements.

d. Les conditions de travail et la qualité de l’emploi sont mal appréhendées

Le secteur de l’aide à domicile est par ailleurs marqué par des spécificités qui ont des conséquences en termes de qualité de l’emploi.

Il s’agit d’un secteur difficile à réguler du fait des horaires décalés, des lieux de travail multiples, des conditions de travail liées au domicile de l’usager.

Les salariés sont plus fortement exposés à des facteurs de risques professionnels tant physiques (troubles musculo-squelettiques notamment) que psychiques (stress, fatigue morale). Selon les données de la CNAMTS, le secteur figure parmi les plus « accidentogènes », et même plus risqué que le BTP. Le taux de fréquence et l’indice de gravité des accidents du travail y sont presque deux fois plus élevés que dans l’ensemble des secteurs d’activité : respectivement de 45 contre 22 et de 26 contre 15.

La pénibilité et la sinistralité sont accrues pour les intervenants auprès de publics fragiles : la pénibilité liée à la difficulté physique des actes effectués, à l’état général de la personne aidée, le morcellement croissant des interventions, les trajets nombreux favorisent les accidents. Le taux d’absentéisme est également élevé.

Si les salariés des générations plus anciennes ont conservé une stabilité dans leur poste, en revanche le phénomène de turn over est important chez les jeunes salariés ; il arrive fréquemment que de nouveaux salariés formés quittent leur poste après quelques semaines lorsqu’ils sont confrontés à la réalité du travail.

Les rapporteures considèrent, de même que les sénateurs Jean-Marie Vanderenberghe et Dominique Watrin, auteurs d’un rapport sur l’aide à domicile auprès des publics fragiles, que la prévention de la pénibilité doit faire l’objet d’une politique renforcée, animée par la CNSA et les fédérations de services à la personne.

Proposition n° 4 des rapporteures : engager une politique structurée de prévention de la pénibilité dans le secteur de l’aide à domicile, animée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et mise en œuvre par les fédérations de services à la personne.

2. Les incertitudes sur la qualité du service rendu : un suivi professionnel à mettre en place

L’étude de M. Laurent Gardin et Mme Marthe Nyssens portant sur les quasi-marchés dans l’aide à domicile, étude dont le champ prend en considération plusieurs pays européens, souligne que la qualité de l’emploi comme du service est une question centrale dans ce secteur, caractérisé par des « asymétries d’information » : l’autorité publique finance mais délègue la prestation de services à une diversité de prestataires dont il n’est pas aisé de vérifier la conformité de toutes les pratiques avec la législation ; l’usager, souvent vulnérable, ne peut apprécier la qualité du service qu’à l’usage et peut être captif, hésitant à changer de prestataire ; l’employeur peut avoir des difficultés à observer la qualité de l’intervention et la charge de travail qui incombent au salarié ; enfin le travailleur ne peut juger de la qualité de l’emploi avant de s’engager et subit souvent le temps partiel et les basses rémunérations.

Si l’évaluation ex post de la qualité de l’emploi et du service est préconisée par l’administration, l’étude précitée considère que ces évaluations ne sont encore que balbutiantes et se limitent à des indicateurs de volume – volume en termes d’emploi dans le cas de la France.

Ce champ d’évaluation est large, et il conviendrait de commencer à construire un processus d’évaluation du service rendu sur la base d’indicateurs. Les services de l’Inspection du travail ne semblent pas disposer des ressources humaines nécessaires à un tel accompagnement et suivi des intervenants au domicile ; en outre, il est probablement préférable que l’intervention de ces services se limite à leur rôle de contrôle du respect de la législation et de la réglementation du travail, dont il leur serait vraisemblablement difficile de sortir pour effectuer une évaluation du service rendu et de l’environnement de la personne aidée.

S’agissant de l’aide aux personnes âgées, un tel rôle pourrait être confié aux agents des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (MAIA), par exemple, dans la mesure où le déploiement de ce dispositif sur l’ensemble du territoire devrait les mettre à la disposition des personnes en perte d’autonomie et de leurs familles et aidants avec une assez bonne proximité.

Proposition n° 5 des rapporteures : mieux évaluer la qualité du service rendu et de l’emploi dans le secteur de l’aide à domicile :

– développer l’évaluation de la qualité du service rendu par le salarié du service d’aide à domicile ;

– mettre en place un accompagnement des salariés dans l’objectif d’apporter des améliorations profitables tant à la personne aidée qu’au salarié lui-même dans ses conditions de travail.

B. POURSUIVRE LA STRUCTURATION DU SECTEUR

Le secteur est dispersé et les services à la personne recouvrent un ensemble de métiers très divers exercés sous l’autorité d’employeurs aux statuts juridiques différents : particuliers employeurs, entreprises de l’économie sociale et solidaire, entreprises privées. Il reviendrait au ministère du travail d’étudier la possibilité d’unifier ces statuts ou de progresser vers une plus grande harmonisation.

Pour favoriser les recrutements et la progression des carrières, l’enquête de la Cour des comptes insiste par ailleurs sur la nécessité de parvenir à la transversalité des qualifications et des formations.

1. Inciter les partenaires sociaux à unifier les conventions collectives du secteur

Les salariés travaillant dans les services à la personne sont aujourd’hui couverts par trois conventions de branche principales, selon le cadre juridique dans lequel ils travaillent– particuliers employeurs, économie sociale et solidaire, entreprises privées – sans lien avec la nature de leur activité.

Une première unification est intervenue avec la signature, le 21 mai 2010, de la convention unique de la branche de l’aide à domicile, signée par les quatre principales fédérations d’employeurs, l’UNA, l’UNADMR, Adessa domicile et la FNAAFP. Deux syndicats de salariés, CFDT et Unsa, l’ont également signée. Elle a été agréée par un arrêté du 3 octobre 2011 puis étendue par un arrêté du 23 décembre 2011. Elle est en vigueur depuis le 1er janvier 2012.

Par la suite, la structuration s’est poursuivie avec la signature d’une convention unique applicable à l’ensemble du secteur privé lucratif, le 20 septembre 2012. Cette convention est en voie d’extension.

Les salariés employés directement sont couverts par la convention collective du 24 novembre 1999.

Ces règles conventionnelles distinctes entraînent des différences dans les domaines de l’organisation du temps de travail ou de la rémunération.

Une avancée est récemment intervenue avec la signature, en mars 2014, de l’accord EDEC (Engagement pour le développement de l’emploi et des compétences) pour les métiers de l’autonomie. L’accord est financé par l’État et les OPCA des branches concernées.

Cet accord a marqué le lancement du Plan pour les métiers de l’autonomie inscrit dans le rapport annexé au projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours d’examen par le Parlement.

La fédération UNA est signataire de cet accord, de même que les fédérations employeurs de la branche de l’aide, des soins et des services à domicile (UNADMR, Adessa domicile et FNAAFP/CSF). Sont également signataires les organisations syndicales de salariés.

Cet EDEC pour les métiers de l’autonomie a également été signé par les partenaires sociaux des branches suivantes :

– la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif ;

– la branche de l'hospitalisation privée à statut commercial, pour son secteur médico-social spécifique aux établissements accueillant des personnes âgées ;

– la branche des entreprises de services à la personne ;

– la branche des salariés du particulier employeur.

Il prévoit la mise en place d’actions pour le développement de l’emploi et des compétences et de la sécurisation des parcours des salariés intervenant auprès de personnes âgées ou handicapées et comporte deux volets :

– le soutien à la fonction RH et au management des structures (démarche de GPEC, recrutement, mobilité,…), à l’attractivité et à la mixité des métiers de l’autonomie ;

– le soutien à la professionnalisation, à la qualification et à la prévention des risques professionnels, grâce notamment à un renforcement de l’accompagnement de la validation des acquis de l’expérience.

Les résultats de la démarche initiée par la signature de l’accord ne peuvent encore être constatés.

Proposition n° 6 des rapporteures : encourager la structuration des services à la personne en filières, pour permettre la circulation transversale des salariés entre les trois composantes des services à la personne (services aux personnes handicapées et dépendantes, services à la petite enfance, services de confort).

2. Encourager la démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Une étude a été conduite en Basse-Normandie en 2010-2011 par l’INSEE et la DIRECCTE, avec l’objectif de décrire le secteur des services à la personne sur le territoire, en prenant en considération le champ complet de ses activités et de ses opérateurs.

L’étude montre que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est une démarche encore peu présente dans les structures, dont la plupart n’anticipent pas les besoins en recrutement et les départs à la retraite.

La GPEC a pour objet d’aider à la mise en cohérence des besoins (emplois, métiers) et des ressources d’une entreprise (salariés, compétences).

Ainsi peu d’entreprises anticipent les besoins en recrutement et les départs à la retraite. L’étude indique que les départs à la retraite sont très majoritairement non remplacés, les directeurs préférant dans un premier temps augmenter le nombre d’heures des intervenants déjà présents dans la structure. Les directeurs sont souvent sceptiques sur cette démarche, même si les plus grosses structures sont en cours de réflexion pour mettre en place une démarche de GPEC.

L’âge moyen des salariés est élevé, ce qui va entraîner des départs en retraite importants dans les cinq années à venir. Les entreprises devront donc recruter et fidéliser des personnes jeunes, or celles-ci sont actuellement peu attirées par ce secteur professionnel et peu préparées à y travailler.

La DIRECCTE est à l’initiative d’une démarche GPEC sur ce territoire, afin d’aider les associations du secteur des services à la personne à anticiper les évolutions sociales et économiques qu’il connaîtra. L’association régionale pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) a été mandatée pour réaliser des pré-diagnostics par structure. Des actions collectives et individuelles ont été mises en place pour travailler sur des aspects tels que le recrutement et la fidélisation, l’équilibre des compétences chez les intervenants entre polyvalence et spécialisation.

La démarche de GPEC est certainement à généraliser dans les autres bassins d’emploi où des emplois sont à pourvoir dans les services à la personne.

Proposition n° 7 des rapporteures : encourager les DIRECCTE à instituer, à l’échelle intercommunale ou départementale, une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du secteur des services à la personne, en priorité dans les bassins d’emploi où des postes sont à pourvoir dans les services à la personne.

C. UN SYSTÈME DE FORMATION PROFESSIONNELLE TROP CLOISONNÉ, UN NOMBRE DE QUALIFICATIONS TROP ÉLEVÉ

Le secteur des services à la personne est donc porteur d’opportunités d’emplois à l’avenir, et il est essentiel de remédier au déficit d’attractivité persistant. Les moyens en sont certainement une professionnalisation accrue, la réduction du temps partiel subi, l’amélioration des conditions de travail, ou la réduction des inégalités face à la formation continue.

La Cour des comptes souligne la nécessité d’encourager les personnels à obtenir une meilleure qualification. Elle souligne que le regroupement, après l’adoption de la loi de 2005, des entreprises privées et des organismes à but non lucratif, aurait été une solution préférable à celle de la création d’une troisième branche.

Chacune des branches met en effet en place sa propre politique de formation. Il en résulte un éclatement de la carte des formations et des qualifications, et un foisonnement que l’on peut qualifier d’illisible des différentes qualifications certifiées. En conséquence, ce cadre issu d’un empilement ne permet pas d’offrir une mobilité suffisante ni des perspectives de progression de carrière aux salariés.

1. La formation progresse chez les salariés mais trouve des limites dans la mise sous contrainte de la masse salariale

La Cour des comptes souligne que les intervenants au domicile des personnes fragiles sont très majoritairement peu qualifiés : un tiers des intervenants à domicile (32,7 %) n’a pas été scolarisé au-delà du collège. Pour les intervenants en emploi direct, la proportion de personnes peu qualifiées est encore plus importante : 42 % n’ont pas atteint le second cycle.

L’enjeu de la qualification est important : pour la professionnalisation des métiers d’aide à la personne, pour la qualité du service rendu au bénéficiaire et bien évidemment pour le parcours professionnel du salarié lui-même.

a. Une faible adéquation entre l’emploi occupé par les salariés et le diplôme détenu

L’enquête « IAD » citée par la Cour des comptes indique qu’en 2008, seuls 21 % des aides à domicile possédaient le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS) ou le certificat d’aptitude aux fonctions d’aide à domicile (CAFAD).

Ces chiffres nécessiteraient une actualisation, dans la mesure où la qualification par la voie de la validation des acquis de l’expérience (VAE) a beaucoup progressé depuis 2008. La formation continue est en effet prévalente dans le secteur : 71 % des titulaires du DEAVS ou du CAFAD ont obtenu leur diplôme alors qu’ils exerçaient déjà un métier d’aide à domicile. En 2012, 2 538 DEAVS ont été délivrés par la voie de la VAE, soit 43 % du total délivré dans l’année. Le nombre d’accès aux diplômes varie cependant beaucoup d’année en année.

La progression salariale dans la branche de l’aide à domicile s’effectue sur la base de points accordés en fonction du niveau de qualification atteint : A, B ou C (le niveau C correspond au DEAVS). Cependant la formation, malgré un développement dynamique dans cette branche, est professionnalisante mais non-certifiante et n’a en pratique qu’un impact salarial limité.

La tarification des services d’aide à domicile pratiquée par les conseils généraux n’encourage pas la qualification des personnels : elle a conduit à une mise sous contrôle de la masse salariale et à la fixation informelle par les départements de quotas de personnels de catégorie C, qu’il est généralement préconisé de limiter à un tiers du personnel employé.

Comme le note la Cour des comptes, « à frais de structure inchangés, la tarification semble agir comme un bouclier face à la montée en qualification des personnels ». Il est souhaitable que la recherche d’un nouveau modèle tarifaire trouve une solution à cette situation paradoxale.

Le renforcement de l’effort financier en faveur du secteur de l’aide à domicile, notamment par le volet formation du projet de loi en cours d’examen par le Parlement, devrait contribuer à soutenir les efforts de formation consentis par les structures.

Le soutien apporté par la CNSA au titre de la section IV de son budget, dans le cadre des conventions qu’elle signe avec l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) de la branche, Uniformation, devrait en être conforté. Cette convention en cours d’exécution représentait un montant de 46 millions d’euros au 1er janvier 2014.

b. La politique de formation mise en place par les branches : une progression réelle mais mal mesurée

La volonté d’améliorer la qualification des emplois est présente dans la plupart des pays européens, même dans ceux où l’économie informelle est la plus présente, et même si la prise en charge de la dépense n’est pas étatique.

Certains pays ont mis en place une prise en charge de la formation par la puissance publique : la Belgique a ainsi créé en 2007 un fonds de formation « titres services » qui assure auprès des entreprises du secteur le financement de la formation continue de leurs salariés.

Dans notre pays, chacune des branches professionnelles du secteur des services à la personne a mis en place sa propre politique de formation, plus ou moins volontariste :

– la branche « aide à domicile » a développé depuis plusieurs années une politique volontariste de professionnalisation, notamment de VAE, 8 à 9 % des salariés de cette branche suivant une formation chaque année. Le taux de cotisation pour la formation y est de 2,07 %, supérieur au taux légal ;

– la branche « particulier employeur » impose un taux de cotisation de 0,25 % et a dépensé, pour la première fois, la totalité de sa capacité de financement en 2013, ce qui appelle une progression du taux de cotisation afin de permettre d’accroître le nombre de personnes bénéficiant d’une formation à l’avenir. La proportion de salariés suivant une formation n’est, en effet, que de 1,5 %. La FEPEM expérimente le contrat de professionnalisation dans trois régions et en dressera l’évaluation en 2015.

– la branche « entreprises privées » pratique un taux de cotisation variant de 0,5 à 1,6 % en fonction de la taille de l’entreprise. Elle a promu le contrat de professionnalisation et la préparation opérationnelle à l’emploi.

Malgré cela, les salariés des services à la personne accèdent moins fréquemment à la formation que les autres salariés, leur taux d’accès se rapprochant de celui des ouvriers non qualifiés, selon les données recueillies par la DARES. En 2012, la moyenne de l’accès à la formation pour l’ensemble du secteur a été de 7,6 %, selon les données des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Pour la branche « aide à domicile », l’accès à la formation a été beaucoup plus important : 51 %, car les salariés bénéficiaires sont plutôt issus de structures étoffées. Dans les entreprises par contre, les salariés en formation sont plus souvent issus d’entreprises de moins de dix salariés.

Les obstacles évoqués sont les suivants : méconnaissance de l’offre, faible disponibilité des salariés, éloignement et incompatibilité avec l’emploi du temps, absence de volonté d’employés âgés n’éprouvant pas de difficulté à accomplir leur travail. Les obstacles ne sont donc pas les mêmes que pour les autres salariés, ainsi le refus de l’employeur est peu fréquemment invoqué. Il ne faut pas nier que si l’objectif de la formation fait l’objet d’un consensus, il arrive qu’il place les associations dans des difficultés inextricables. En zones rurales, les associations de services à domicile sont parfois incapables de répondre aux besoins si, en même temps, une part trop importante de leur effectif doit se former ; cette situation peut conduire au dépôt de bilan de l’association. En ville, le phénomène est autre : aussitôt formé, le personnel « fuit » vers les établissements puis vers les hôpitaux, car à la difficulté physique de l’emploi s’ajoute la difficulté morale de l’assistance, en solitaire, à une personne dépendante.

La France se singularise par la place très importante que prend l’emploi par le particulier, que ce soit directement ou via un mandataire mettant ce particulier en relation avec son futur salarié. Le recours à des entreprises prestataires ne représente qu’un tiers des heures. Selon la Cour des comptes, la réduction des incitations à l’activité de mandataire serait un moyen de réduire la place de l’emploi par le particulier pour voir progresser l’emploi par une structure privée ou publique. C’est l’objet de sa recommandation n° 9.

Les rapporteures n’estiment pas nécessaire de décourager le recours à l’emploi direct puisqu’il s’agit d’une forme bien acceptée par les familles et les personnes âgées. Selon la FEPEM, les outils de formation restent encore insuffisamment connus des employeurs et des salariés.

Il serait aussi nécessaire de parvenir à une simplification des démarches incombant au salarié qui souhaite bénéficier d’une formation, notamment en trouvant une procédure plus simple que l’obtention de l’accord des différents employeurs. En effet, lorsqu’un salarié a plusieurs employeurs, ce qui est la situation la plus fréquente, un « employeur porteur » ou « facilitateur » doit introduire la procédure d’envoi en formation du salarié, contacter les autres employeurs pour coordonner la mise en place du plan de formation, faire l’avance enfin des frais dus au salarié (salaire et frais annexes). Une simplification de ce régime particulier, mis au point par les organismes Agefos PME et Iperia, serait très utile et permettrait de surmonter les obstacles.

Proposition n° 8 des rapporteures : améliorer l’accès des salariés du secteur des services à la personne à la formation professionnelle :

– améliorer l’information des salariés sur l’accès à la formation, par une meilleure diffusion vers les employeurs des supports présentant les offres de formation ;

– mettre en place une procédure simplifiée d’accès à la formation pour les salariés employés directement par plusieurs employeurs.

c. Introduire une expérimentation d’apprentissage dans le secteur de l’aide à domicile

L’ouverture du secteur à l’apprentissage peut être un moyen d’élargir les possibilités de recrutement et de formation d’intervenants à domicile.

L’UNCCAS, dont les rapporteures ont entendu les représentants, incite ainsi les CCAS et les CIAS à conclure des contrats d’apprentissage. Selon eux, l’enjeu est important de susciter l’intérêt des jeunes pour les métiers à domicile et leur permettre d’acquérir des compétences et savoirs faire nécessaires à la prise en charge des publics fragiles.

Il conviendrait d’ouvrir une réflexion sur la pertinence d’une incitation nationale pour dynamiser ce processus.

Proposition n° 9 des rapporteures : développer l’ouverture de l’apprentissage et de la formation en alternance aux métiers de l’aide à domicile pour les publics fragiles.

2. Refondre le système de qualifications et simplifier l’offre de formation

Si le niveau III de qualification ne comporte que quelques diplômes, et le niveau IV un bac professionnel et un diplôme d’État, par contre, le niveau V compte des qualifications très nombreuses, c’est-à-dire le DEAVS, le DEAS, l’ancien BEP carrières sanitaires et sociales, et encore beaucoup d’autres qualifications et certifications.

Les titres délivrés par les branches professionnelles sont également trop nombreux : la branche « particulier employeur » a créé trois titres (assistant maternel/garde d’enfant, employé familial, assistant de vie dépendance). Les deux autres branches se réfèrent aux nombreux diplômes et titres professionnels existants qui sont de l’ordre d’une dizaine, comme le CAP petite enfance, le titre d’assistant technique en milieu familial, le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale, notamment.

Ces nombreuses offres de qualification destinent à des emplois qui font pourtant appel aux mêmes compétences.

a. Réduire le nombre de qualifications de niveau V

Le secteur des services aux personnes fragiles est caractérisé par l’émiettement des certifications professionnelles : 59 certifications recensées fin 2012, dont 19 pour le seul niveau V. Cette multiplicité a pour conséquence un manque de lisibilité certain pour les salariés.

Il est donc nécessaire de conduire un effort de simplification et de refonte de la carte des formations, ainsi que la Cour des comptes le propose dans sa recommandation n° 10. La Cour souligne que 12 des 19 qualifications de niveau V existantes sont du ressort des certificateurs publics, à qui il appartient donc de poursuivre ce chantier.

Ainsi des passerelles seraient-elles rendues possibles, ce qui ouvrirait des perspectives aux salariés qui pourraient alors passer d’un emploi à domicile à un emploi en établissement. La transversalité des qualifications et des formations favoriserait aussi le passage d’emplois à temps partiel, très fréquents dans les services à domicile, à des emplois à temps complet assortis d’un salaire plus satisfaisant en établissement, ce qui renforcerait l’attrait pour ces métiers.

Actuellement, le cloisonnement est très marqué : le diplôme d’auxiliaire de vie sociale, par exemple, est spécifique au travail à domicile et le diplôme d’aide médico-psychologique est spécifique au travail en établissement.

Le rapport de M. Georges Asseraf, remis en 2009 au Premier ministre, avait décrit la situation peu lisible de la formation de niveau V. Ce rapport préconisait la simplification de l’offre de certifications : il n’a pas été mis en œuvre par la DGE (ex-DGCIS), ce qui est très regrettable.

Les rapporteures approuvent les travaux de refonte engagés par la DGCS pour aboutir à la création d’un diplôme unique d’accompagnement de niveau V. Des référentiels communs sont établis entre le DEAVS et le DEAMP ; cependant la question du rapprochement avec le diplôme d'État d'aide-soignant (DEAS) pourrait être posée également, tant les métiers sont proches.

b. Élargir le champ des actes réalisés par les diplômés du niveau V afin de mettre le droit en conformité avec la pratique courante

Par ailleurs, les entretiens conduits par les rapporteures avec les représentants des services d’aide à domicile dans les départements leur ont permis de constater que des « chevauchements d’actes » sont souvent réalisés contrairement à la « nomenclature » réglementaire des actes incombant à chaque métier.

Pour remédier à cette situation peu satisfaisante, la Cour des comptes propose que la refonte des qualifications de niveau V permette que les actes courants, même considérés comme « médicalisés », puissent être réalisés par les auxiliaires de vie sociale ou les aides médico-psychologiques. Les aides-soignants verraient leurs tâches recentrées sur les actes de soins, mieux payés et plus valorisés.

Ainsi, les toilettes médicalisées, prescrites sur ordonnance et devant être effectuées par des personnels de soins encadrés, sont assez fréquemment réalisées par les employés des services d’aide à domicile, le week-end par exemple si l’aide-soignant ne peut intervenir.

Ce cloisonnement des tâches apparaît trop poussé en ce qui concerne un certain nombre de gestes au corps très courants qui pourraient être effectués quotidiennement par l’auxiliaire de vie ayant bénéficié d’une formation ou au terme d’une VAE. Il s’agirait aussi d’une simplification pour la gestion des intervenants auprès d’une même personne, car une seule personne serait amenée à intervenir au lieu de deux. Des gains en termes de coût et de temps de transport pourraient aussi être constatés.

Le cloisonnement actuel s’appuie sur la frontière existant entre le secteur social et le secteur sanitaire. Il serait pourtant nécessaire de s’interroger sur cette frontière, d’une part pour gagner en efficacité dans la prise en charge des personnes et, d’autre part, pour faciliter la mobilité des salariés.

Proposition n° 10 des rapporteures : refondre le système des qualifications des services à la personne :

– simplifier la carte des formations et des qualifications de niveau V ;

– décloisonner les qualifications de niveau V en admettant une spécialisation au choix ;

– inclure un stage dans un service d’aide à domicile dans tous les cursus de niveau V ;

– à l’occasion de la refonte des qualifications de niveau V, permettre qu’un certain nombre d’actes courants, même considérés comme « médicalisés », soient réalisés par les auxiliaires de vie sociale ou des aides médico-psychologiques.

3. Un secteur professionnel cloisonné qu’il conviendrait d’intégrer et d’unifier dans une logique de filières

Donner plus d’attractivité aux emplois du secteur supposera également l’homogénéisation des certifications et l’établissement de passerelles entre les métiers de l’aide à domicile, de la garde d’enfants et les métiers exercés dans les établissements afin d’ouvrir des possibilités de carrières plus larges aux salariés.

La Cour des comptes considère en particulier que l’organisation de la profession en trois conventions collectives, qui visent principalement les services à la personne, a pour conséquence une hétérogénéité qui peut nuire à la qualité de la prise en charge des personnes et limite les perspectives de carrière des salariés alors que les métiers sont souvent très proches.

Les conventions collectives relatives à ces métiers sont la convention collective de l’aide, de l’accompagnement, des soins et services à domicile (entrée en vigueur en 2012), la convention collective du particulier employeur (signée en 1999), et la convention collective des entreprises de service à la personne (signée en 2012 et étendue en 2014).

Selon la Cour, ces trois conventions collectives ne peuvent se justifier par le besoin d’organiser les services en fonction du type de bénéficiaire des prestations.

Pour les personnels intervenant au domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, les cadres conventionnels sont encore plus nombreux : outre les trois conventions collectives déjà citées, peuvent s’appliquer la convention collective des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (appliquée par certains SSIAD) ou le droit de la fonction publique hospitalière (pour les SSIAD publics). À cela s’ajoutent la gestion par les communes (pour les SAAD) et le droit de la fonction publique territoriale (pour les CCAS).

Ces cloisonnements doivent être surmontés dans une logique de coopération et d’intégration des services, afin de mieux répondre aux besoins du public. L’organisation actuelle laisserait la place à une intégration de services selon une logique de filières par public – services aux personnes handicapées, aux personnes en perte d’autonomie, services à la petite enfance, services de confort enfin.

De plus, la politique de formation pourrait ainsi faciliter le développement de compétences transversales, actuellement rendu difficile par la multiplicité des conventions collectives dans le secteur.

Parvenir à cette transversalité suppose le rapprochement de métiers exercés aussi bien à domicile que dans les établissements, comme celui d’aide-soignant. Cette transversalité suppose la création d’un tronc commun d’enseignements pour les formations d’auxiliaire de vie sociale, d’aide médico-psychologique et d’aide-soignant.

Une telle évolution demande l’engagement de plusieurs administrations pour construire le système de qualification qui permettra de surmonter les cloisonnements traditionnels : une telle évolution doit être initiée par le ministère en charge du travail, en lien avec les ministères chargés de l’économie, des affaires sociales et de la santé.

Pour les salariés déjà dans les métiers concernés, le développement des passerelles entre métiers voisins, objet de la recommandation n° 11 de la Cour des comptes, apparaît comme un moyen de renforcer l’attractivité du secteur au moins aussi important que les aides financières apportées sous forme de dépenses fiscales et de niches sociales. La Cour préconise en effet d’établir des passerelles en instaurant des équivalences de diplômes entre le sanitaire et le médico-social, afin de permettre aux salariés d’exercer une activité aussi bien à domicile qu’en établissement.

Les rapporteures partagent cette préconisation, et demandent aux services ministériels de conduire avec volontarisme la conférence de progrès pour l’emploi dans le secteur de services à la personne, dont l’objectif est de parvenir à des propositions de réforme du secteur, et dont les résultats semblent encore en deçà des besoins. Cette conférence est notamment le lieu d’un travail sur le contenu du référentiel de compétences commun aux services à domicile et aux établissements.

Proposition n° 11 des rapporteures : prévoir des passerelles entre les métiers du secteur médico-social et du secteur sanitaire :

– unifier le diplôme d’auxiliaire de vie sociale et le diplôme d’aide médico-psychologique ;

– faciliter les parcours professionnels en instaurant des équivalences de diplômes entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social ;

– créer des passerelles entre les métiers des services à la personne et ceux exercés dans les établissements.

DEUXIÈME PARTIE :
LES DÉFIS DU MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES

I. LES DÉFIS DU VIEILLISSEMENT ET DU MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES EN PERTE D’AUTONOMIE

A. LES BESOINS FUTURS D’AIDE AU MAINTIEN À DOMICILE

Adapter la société au vieillissement et encourager le maintien à domicile des personnes âgées suppose d’appréhender dès aujourd’hui l’évolution démographique attendue et la nature de l’aide qui devra être apportée. C’est pourquoi seront ici évoquées les projections relatives au vieillissement de la population, à son espérance de vie sans incapacité, ainsi que les travaux relatifs au nombre de personnes âgées en perte d’autonomie qui devront être aidées à moyen et long terme.

1. La part de la population âgée va s’accroître régulièrement jusqu’en 2060

Les projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) établissent que le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans vivant en France atteindrait 23,6 millions en 2060. Parmi ces personnes, 11,9 millions auraient plus de 75 ans et 5,4 millions plus de 85 ans. La part des plus de 60 ans connaîtra une augmentation continue et atteindra 32 % de la population en 2060, contre 24 % aujourd’hui.

Le graphique suivant, établi par l’INSEE et cité par le rapport (n° 2155) de Mme Martine Pinville sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, montre l’évolution à venir de la part de la population âgée au sein de la population française : un habitant sur trois sera donc âgé de 60 ans ou plus en 2060, contre un sur quatre aujourd’hui et un sur cinq en 2005.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION FRANÇAISE

(source INSEE 2011)

Source : « Les chiffres clés de l’autonomie », CNSA, 2012.

L’accroissement est le plus fort entre 2006 et 2035, années pendant lesquelles le nombre de personnes de plus de 60 ans passerait de 12,8 à 20,9 millions, avec l’arrivée à ces âges des générations nombreuses nées entre 1946 et 1975. La hausse serait ensuite plus modérée entre 2035 et 2060.

2. Une notion essentielle pour la prévision : l’espérance de vie sans incapacité

Selon les travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales et de la santé (23), la progression de l’espérance de vie, pour la population âgée de 65 ans en 2010, serait de 5,3 années pour les hommes et de 4,9 années pour les femmes dans les cinquante ans à venir.

L’espérance de vie sans incapacité à 65 ans est actuellement, en moyenne, de 81 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes. Les projections relatives à l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire sans incapacité, sont sujettes à incertitudes ; néanmoins, la DREES formule l’hypothèse d’une progression de l’espérance de vie sans incapacité, pour la population âgée de 65 ans en 2010 : le gain d’années supplémentaires en bonne santé dans les cinquante ans à venir varierait entre 4,5 à 5,3 années pour les hommes, entre 3,5 et 4,9 années pour les femmes. Ce sont donc les hommes qui gagneraient, d’ici 2060, davantage d’années d’espérance de vie en bonne santé à 65 ans.

INDICATEURS D’ESPÉRANCES DE VIE À 65 ANS

 

EV * (2010)

EVSI * (2010)

Gains EV (2010-2060)

Hommes

18,3 ans

16,8 ans

+ 5,3 ans

Femmes

22,7 ans

19,3 ans

+ 4,9 ans

* EV : espérance de vie (à 65 ans) ; EVSI : espérance de vie sans incapacité (à 65 ans).

Champ : France métropolitaine.

Sources : DREES, données individuelles anonymisées des bénéficiaires de l’APA, 2006-2007 ; INSEE, projections de population 2007-2060 (scénario central) ; calculs DREES.

D’après les données françaises de l’enquête européenne Statistics on Income and Living Conditions (SILC), l’espérance de vie et l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans ont évolué globalement de façon parallèle entre 2004 et 2009. Toutefois, les récentes analyses statistiques de l’INED réalisées à partir des premiers résultats de l’enquête Handicap-Santé (INSEE, 2008-2009) suggèrent un récent ralentissement de la progression de l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans comparativement à l’espérance de vie. C’est notamment le cas pour les femmes durant la période la plus récente.

Les années d’espérance de vie gagnées ne semblent plus être entièrement des années de vie sans incapacité.

Le tassement de l’espérance de vie en bonne santé, illustré par le graphique ci-après, montre le caractère indispensable de l’adaptation de la société au vieillissement, dans toutes ses composantes.

ESPÉRANCE DE VIE ET ESPÉRANCE DE VIE « EN BONNE SANTÉ »
À LA NAISSANCE EN FRANCE

Source : INSEE, estimations de population et statistiques de l'état civil Eurostat, fin 2012.

3. L’évolution du nombre de personnes dépendantes

Selon l’enquête précitée de la DREES, au début 2012, 1,2 million de personnes âgées étaient considérées comme dépendantes, la notion de dépendance faisant référence au critère administratif du bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Sont prises en compte à ce titre les personnes âgées de plus de 60 ans (âge seuil pour l’attribution de l’APA) relevant des GIR 1 à 4. Cependant la population des personnes âgées dépendantes est plus nombreuse que celle des seuls bénéficiaires de l’allocation, dans la mesure où un certain nombre de personnes éligibles ne demande pas à en bénéficier, par méconnaissance des aides existantes, à cause du niveau élevé du ticket modérateur ou pour d’autres raisons.

Parmi ces personnes dépendantes, 60 % vivent à domicile et 40 % en établissement. Les personnes modérément dépendantes (GIR 3-4) représentent la majorité des bénéficiaires de l’APA (64 %), et résident le plus souvent à domicile. Les personnes ayant la perte d’autonomie la plus lourde résident en établissement pour 80 % s’agissant de celles diagnostiquées en GIR 1 et 60 % s’agissant de celles diagnostiquées en GIR 2.

EFFECTIFS ET PART DE BÉNÉFICIAIRES DE L’APA PAR NIVEAU DE DÉPENDANCE
AU 1ER JANVIER 2012

 

Domicile

Établissement

Ensemble APA

GIR 1

3 %

20 892

19 %

90 364

10 %

111 256

GIR 2

17 %

118 388

40 %

190 240

26 %

308 628

GIR 3

22 %

153 208

19 %

90 364

21 %

243 572

GIR 4

58 %

403 912

22 %

104 632

43 %

508 544

Ensemble

100 %

696 400

100 %

475 600

100 %

1 172 000

Champ : France métropolitaine.

Sources : DREES, enquête Aide sociale 2011.

Depuis sa mise en place en 2002, l’APA a connu une croissance rapide : les bénéficiaires étaient en 2011 au nombre d’1,2 million, contre 600 000 en 2002. Entre 2011 et 2012, le nombre de bénéficiaires de l’allocation a augmenté de 2 %, chiffre comparable à l’évolution démographique.

La DREES a effectué des projections concernant l’évolution future de la dépendance, en retenant trois hypothèses d’évolution.

Dans l’hypothèse intermédiaire, la part de l’espérance de vie sans dépendance dans l’espérance de vie (à 65 ans) reste stable entre 2010 et 2060, à 85 % pour les femmes et 92 % pour les hommes. Cette part progresse de 2 points entre 2010 et 2060 dans l’hypothèse optimiste et recule de l’ordre de 2 points dans l’hypothèse pessimiste, pour les femmes comme pour les hommes. Le taux de dépendance moyen reste stable entre 2010 et 2060 dans l’hypothèse optimiste, augmente de 2 points dans l’hypothèse intermédiaire et de 3,5 points dans l’hypothèse pessimiste.

L’évolution de la proportion de personnes âgées dépendantes par âge diffère selon l’hypothèse considérée : par exemple, 30 % des femmes de 90 ans seraient dépendantes au sens de l’APA en 2060 dans l’hypothèse optimiste, contre 40 % dans l’hypothèse pessimiste.

Dans l’hypothèse intermédiaire, le nombre de personnes âgées dépendantes serait multiplié par 1,4 entre 2010 et 2030, et par 2 entre 2010 et 2060. En 2060, 2,3 millions de personnes seraient ainsi dépendantes, contre 1,1 million en 2010. Les écarts entre les différentes hypothèses restent modérés jusqu’en 2030, puis s’accentuent jusqu’en 2060, ainsi que l’illustre le graphique suivant :

EFFECTIFS DE PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES PROJETÉS À L’HORIZON 2060 SELON TROIS HYPOTHÈSE DE PROJECTION

Champ : France métropolitaine.

Sources : DREES, données individuelles anonymisées des bénéficiaires de l’APA, 2006-2007 ; INSEE, projections de population 2007-2060 ; calculs DREES.

Le tableau suivant présente le nombre de personnes âgées dépendantes projetés à l’horizon 2060 selon les trois hypothèses de projection.

EFFECTIFS DE PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES PROJETÉS À L’HORIZON 2060
SELON TROIS HYPOTHÈSES DE PROJECTION

La proportion de personnes ayant connu un état de dépendance avant leur décès augmenterait également : elle passerait de 25 % aujourd’hui à 32 % en 2020, puis à 36 % en 2040.

Le taux de dépendance des plus de 60 ans augmenterait plus fortement pour les niveaux de dépendance modérés. Une politique d’anticipation et de prévention peut dès lors être efficace, en s’efforçant de détecter de manière précoce les pertes d’autonomie légères, en prévenant leur survenance et en évitant leur aggravation.

4. À politique inchangée, la progression de la part des personnes âgées en établissement progresserait plus rapidement que celle des personnes vivant à domicile

La projection à l’horizon 2040 du nombre de personnes âgées dépendantes résidant en établissement montre que les entrées en établissement progresseraient plus rapidement que le nombre de personnes âgées dépendantes à domicile (la prévision fait état de 375 000 personnes âgées dépendantes supplémentaires en institution). Le taux de croissance moyen du nombre de personnes résidant en EHPAD serait d’environ 2,2 % par an, contre 1,9 % par an pour les personnes âgées dépendantes vivant à domicile. Il y aurait d’abord une augmentation du nombre de personnes légèrement dépendantes en institution, puis, à partir de 2025, les effectifs des personnes fortement dépendantes (GIR 1 et 2) en établissement connaîtraient à leur tour une forte progression.

Ainsi, la part des personnes présentes en EHPAD dans la population de personnes âgées dépendantes passerait, à politique inchangée, de 35 % en 2010 à 37 % en 2040. (24)

Cette évolution est sujette à incertitudes, car elle est largement liée à l’évolution de la maladie d’Alzheimer, qui impose le placement de la personne en institution. Or les déterminants de la maladie peuvent évoluer ; ainsi, les comportements sociaux et familiaux ont une influence sur l’apparition de la perte d’autonomie.

Les projections supposent que les déterminants du passage en institution seront les mêmes et auront des effets de même ampleur en 2040 qu’en 2010. Or, de nombreux facteurs peuvent influer sur l’évolution, comme la modification des aides publiques versées aux personnes dépendantes à domicile ou en établissement, l’augmentation ou le rationnement de l’offre de places en établissement.

La mise en œuvre d’une politique volontariste en faveur du maintien à domicile est donc la condition de l’évolution de ces facteurs de décision, pour faire reculer en conséquence le besoin de places d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes.

5. Le coût global de la perte d’autonomie : un enjeu pour les finances publiques

La prévision la plus récente établie par l’INSEE concernant le coût global de la dépendance est formulée dans le rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale présenté en janvier 2014. (25)

En 2011, le coût total de la prise en charge de la perte d’autonomie pour les ménages et pour les pouvoirs publics était de 28,3 milliards d’euros. La part financée par les pouvoirs publics en représente les trois quarts, soit 21,1 milliards d’euros. La fonction santé représente 11 milliards d’euros, la fonction dépendance représente 9,7 milliards d’euros (pour laquelle l’APA et le ticket modérateur acquitté par les ménages représentent la part la plus importante), la fonction hébergement enfin représente 2,1 milliards d’euros.

Selon les hypothèses d’indexation (puisque la dépendance comprend à la fois des prestations qui peuvent être indexées sur les prix ou sur le salaire moyen par personne) qui peuvent varier selon les évolutions à venir du coût du travail, et si l’on se place dans l’hypothèse intermédiaire (stabilité de la part de l’espérance de vie sans dépendance dans l’espérance de vie), les besoins de financement public croîtraient à l’horizon 2025 de 0,18 point de PIB et de 0,72 % de PIB sur la période 2011-2060. En euros constants, la dépense publique croîtrait d’environ 21 milliards en 2011 à 24,6 milliards en 2025, et à plus de 80 milliards en 2060. En valeur équivalente 2011, c’est-à-dire en tenant compte de la croissance économique, la dépense publique serait de 35 milliards environ en 2060.

L’étude de l’INSEE portant sur le besoin total de financement sur le champ de l’APA (26) indique que celui-ci passerait de 7,7 milliards d’euros en 2010 à 12,4 milliards en 2025, puis à 20,6 milliards en 2040 (selon le scénario économique de référence). Un fait marquant est, en effet, l’accélération de l’évolution des bénéficiaires de l’APA à partir de 2030, avec l’arrivée des générations du baby-boom à l’âge de 80 ans : le nombre de bénéficiaires de l’APA s’élèverait à 2 millions en 2040. Sur les 20,6 milliards, 11,1 milliards incomberaient à la dépense publique, 5,5 au ticket modérateur et 4 seraient au-dessus du plafond. Le besoin de financement de l’APA en points de PIB passerait alors de 0,4 % en 2010 à 0,5 % en 2025 et à 0,6 % en 2040.

La DREES a effectué des modélisations afin d’appréhender la durée de perception de l’APA à l’horizon 2040. La durée moyenne de perception de l’APA passerait ainsi de 4 ans aujourd’hui à environ 5 ans en 2020, puis 6 ans en 2040.

Si l’évolution à moyen et long terme de la dépense d’APA a été étudiée par Mmes Roy et Marbot, il serait également utile de disposer de prévisions quant aux autres composantes du coût futur de la prise en charge de la perte d’autonomie.

B. ANTICIPER LES CONSÉQUENCES DE L’ACCROISSEMENT DU NOMBRE DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

Anticiper les conséquences de l’accroissement du nombre de personnes âgées dépendantes implique de prévoir leur nombre à moyen et long terme mais aussi de comprendre comment évoluera la disponibilité de l’entourage familial. En effet, les besoins en aide à domicile des personnes dépendantes sont fonction de la dépendance, mais aussi de la présence ou non d’un conjoint ou de proches aidants.

1. Quelle évolution pour l’aide potentielle aux personnes dépendantes ?

Actuellement, 80 % des personnes âgées de plus de 60 ans et vivant à domicile sont aidées régulièrement par un proche, contre 50 % par un professionnel. Ces aidants sont estimés à 4,3 millions de personnes (27), ont en moyenne 58 ans, et près de la moitié d'entre eux sont retraités ou en préretraite (selon les données de l’étude de Mmes Soullier et Weber, 2011). L'aide informelle est donc très répandue et la manière dont elle va évoluer représente un enjeu important.

a. Mieux prendre en considération les aidants

Les statistiques montrent que la relation entre dépendance et besoin d’aide de la part de proches n’est pas linéaire : lorsque la dépendance représente un poids trop important pour les personnes concernées et leurs proches, le placement en institution prend le relais de l’aide à domicile.

Le graphique suivant montre la part des personnes en institution selon leur degré de perte d’autonomie (GIR 6 à 1), et leur situation familiale en regard.

PART DES PERSONNES EN INSTITUTION SELON LE GIR ET LA SITUATION FAMILIALE

Comme partout en Europe, les femmes sont plus souvent en position d’aidantes que les hommes : elles constituent 54 à 64 % des aidants selon les études.

Dans environ 40 % des cas, le rôle de soutien auprès d’une personne âgée s’effectue en parallèle de l’activité professionnelle, à temps plein ou à temps partiel. Le rôle d’aidant a des conséquences plutôt négatives sur l’activité professionnelle ; en France, 11 % des aidants en emploi ont indiqué avoir aménagé leur vie professionnelle, et plus d’un tiers a réduit son nombre d’heures. (28)

b. Comment évoluera la disponibilité des aidants ?

Les travaux de recherche de la DREES, dans l’étude précitée, mettent en évidence le fait que la proportion de personnes dépendantes susceptibles de recevoir l'aide d'un proche pourrait se modifier.

Jusqu’en 2025-2030, on observe un rajeunissement des aidants ; à court terme, on peut donc penser que l’entourage sera disponible. Mais à partir de 2030-2040, les générations des baby-boomers arrivant aux âges de la dépendance auront moins de ressources dans leur entourage familial.

En effet, ces personnes seront susceptibles d'être touchées par la dépendance ou d’aider un conjoint dépendant, et non plus en position d'enfant et d’aidant potentiel. La démographie entraînera une dégradation du ratio entre le nombre de personnes âgées dépendantes et le nombre d'aidants potentiels. De plus, la hausse de l'activité féminine signifie qu’un plus grand nombre d’aidantes potentielles auront une vie professionnelle et auront donc moins de disponibilité. Enfin, l’augmentation de l'âge moyen des personnes dépendantes signifie que leurs conjoints et enfants auront davantage de risques d’être eux-mêmes en mauvaise santé ou décédés.

Tous ces facteurs pourraient conduire à une réduction du nombre d'aidants potentiels, ainsi qu'à des aidants qui seraient soit plus impliqués sur le marché du travail, soit plus âgés.

La forte différence d'espérance de vie entre hommes et femmes (7 ans en 2010 pour l'espérance de vie à la naissance) explique que les femmes dépendantes sont bien plus fréquemment sans conjoint que les hommes. Ainsi, 54 % des hommes dépendants vivraient avec un conjoint en 2040 pour seulement 19 % des femmes dépendantes. Pour les femmes, ce sont les enfants qui constituent, en 2010 comme en 2040, les principaux aidants potentiels : 70 % des femmes dépendantes auront des enfants mais pas de conjoint, en 2040 comme en 2010.

Les générations ayant eu des enfants après 1975 ont eu moins d’enfants, et ont donc une probabilité plus grande d’être sans enfant aux âges de la dépendance.

En outre, à partir de 2025, la probabilité d’avoir un enfant inactif décroîtrait pour les hommes comme pour les femmes, notamment du fait du recul de l’âge du départ à la retraite et du fort recul de l’âge d’entrée dans la vie active des générations nées dans les années 1960.

c. L’accompagnement des aidants familiaux

La réflexion sur la manière dont la situation des aidants pourrait être prise en considération n’a pas encore réussi à s’imposer. Pourtant, en Allemagne par exemple, a été mis en place un accompagnement financier des « assistants familiaux » : l’assistance d’une personne âgée par un membre de sa famille, à mi-temps, pour une période de deux ans maximum, peut donner lieu à une compensation salariale garantie par l’État à hauteur de 75 % du salaire antérieur.

Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement en cours d’examen par le Parlement comporte plusieurs dispositions tendant à prendre en considération le rôle des aidants : définition de la notion de proche aidant, dispositifs de répit, prestations de suppléance du proche aidant.

On soulignera à titre d’exemple que la loi sur les retraites du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites a amélioré la situation des aidants de la personne handicapée. Elle prévoit en effet que la personne assumant au foyer la prise en charge d'un adulte handicapé se verra attribuer une majoration de durée d'assurance d'un trimestre par période de 30 mois, dans la limite de 8 trimestres. Cette majoration de durée d'assurance qui est conditionnée à un taux minimum d'incapacité permanente de la personne prise en charge est reconnue à tout membre de la famille de la personne handicapée y compris son conjoint, son concubin et la personne avec laquelle elle est liée par un Pacs.

Sans avancer dans le présent rapport de propositions sur ce sujet, les rapporteures considèrent que l’évolution prévisible de la disponibilité des aidants, qui va plutôt vers une réduction, appelle une réflexion sur les types de soutien qui pourraient être apportés aux aidants, et sur les coûts qui en résulteraient. L’amélioration de l’information disponible et une meilleure structuration locale des initiatives existantes à leur intention devraient faire partie des actions à conduire rapidement. Cette structuration devrait intervenir à l’échelle du département, confiée à la direction départementale de la cohésion sociale ou à l’antenne territoriale de l’ARS dans le département.

2. Assurer la cohérence des actions au bénéfice des personnes en perte d’autonomie

Plusieurs services peuvent avoir à intervenir au bénéfice d’une personne : comment parvenir à une bonne coordination ?

Si la problématique de la dépendance et de l’adaptation du domicile est plutôt bien connue, le maintien à domicile de la personne âgée est un objectif sociétal qui suppose de combler d’autres besoins de plusieurs natures : certains sont liés à l’insécurité, à la perte d’autonomie, à la question du consentement des personnes dont les facultés intellectuelles sont déficientes, à l’éloignement et à l’isolement, à l’absence de disponibilité d’un proche et à la responsabilité, énumération qui couvre les difficultés majeures mais qui n’est pas exhaustive.

a. Assurer sur l’ensemble du territoire le diagnostic de la personne fragilisée

Ainsi que le souligne M. Jean-Louis Duros, président de l’association « Vivre à domicile », entendu par les rapporteures, il peut arriver, notamment en milieu rural, que des personnes vivant à domicile et se trouvant en situation de grande fragilité, et même parfois atteintes de démence sévère, échappent au diagnostic que pourrait formuler le médecin gériatre. Les travailleurs sociaux observent un non recours aux droits chez certains publics, qui peut être dû à l’absence de diagnostic et au manque d’information.

De telles situations encore possibles dénoncent le défaut d’articulation entre secteur médico-social et secteur sanitaire : elles posent la question de l’incitation au médecin traitant à faire appel aux intervenants médico-sociaux afin qu’une aide soit mise en place au domicile de la personne.

Il faut convaincre les soignants, principalement les médecins, de l’utilité, en matière de troubles cognitifs, d’un dépistage précoce. Les médecins sont encore réticents au dépistage précoce d’Alzheimer, au motif qu’il n’existe pas de traitement médical. Or la prise en charge sociale et le déclenchement des dispositifs d’aide sont indispensables. De plus, les équipes gériatriques, basées dans les EHPAD, ne se rendent pas au domicile des personnes âgées. Pourtant, il arrive fréquemment qu’il soit très difficile d’emmener un patient en milieu hospitalier pour effectuer le diagnostic.

La CNAV effectue, ainsi que l’a souligné son directeur, un travail de détection des publics fragiles, avant même ou sans qu’ils ne fassent une demande d’aide.

Les dispositifs sont lacunaires, comme le constatent les associations suivant des personnes en perte d’autonomie vivant à domicile. Il est donc important de généraliser les équipes mobiles de gériatrie présentes dans les centres hospitaliers, et qui sont encore très peu nombreuses.

Une alternative est de permettre et d’inciter le médecin gériatre des institutions à se rendre auprès des personnes en perte d’autonomie, après l’intervention de l’équipe médico-sociale chargée de déterminer dans quel GIR se situe la personne.

b. Étendre les dispositifs créés par le plan Alzheimer aux malades vivant à domicile

La lacune précédemment constatée se retrouve s’agissant du suivi de la personne. En effet, le plan Alzheimer 2008-2012 n’a pas prévu de suivi du malade à son domicile. Le suivi de la personne à domicile sous l’angle gérontologique ne peut se faire, faute d’intervention d’un assistant de soins en gérontologie.

C’est pourquoi l’élargissement vers le domicile des missions des assistants en soin gérontologique (ASG) travaillant dans les institutions devrait être examiné ; une autre solution serait de former les auxiliaires de vie à domicile, notamment par la capacité de repérage des prémices du déclin cognitif.

Une adaptation de la formation prévue pour l’obtention du DEAVS pourrait être conçue, intégrant un module de formation sur la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, vivant à domicile.

Proposition n° 12 des rapporteures : mieux repérer les situations de perte d’autonomie :

– assurer le diagnostic des situations de fragilité auprès des personnes âgées à domicile ;

– inciter les médecins de ville à effectuer le diagnostic précoce des maladies pouvant entraîner la perte d’autonomie, maladie d’Alzheimer en particulier ;

– élargir les missions des assistants en soin gérontologique (ASG) afin qu’ils puissent intervenir auprès de personnes en perte d’autonomie vivant à domicile ;

– élargir la formation des auxiliaires de vie à domicile en y intégrant une formation à la prise en charge de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

c. Préserver les aides individuelles à domicile à côté de la progression des actions collectives

La Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), dont les rapporteures ont entendu le directeur de l’action sociale, M. Blanckaert, a fait évoluer au cours des dernières années ses actions en ce qui concerne le soutien aux personnes âgées vivant à domicile. Elle a, en particulier, développé la sensibilisation et l’information vis-à-vis de l’ensemble des retraités, renforcé les capacités d’intervention lors des situations de rupture que sont le veuvage et l’hospitalisation ; elle a également développé des actions collectives de prévention destinées aux personnes vivant à domicile.

Les actions destinées à prévenir la perte d’autonomie et à favoriser le maintien à domicile ne doivent pas se limiter à la solvabilisation financière ou à l’approche gériatrique sur le plan de la perte d’autonomie fonctionnelle.

L’intervention des acteurs sociaux doit être réalisée suffisamment en amont, notamment à l’occasion de petites fragilités ou vulnérabilités, ce qui permet de limiter l’apparition de fragilités plus importantes, et ainsi de limiter d’autant le coût qu’elles représenteraient pour la collectivité. L’évolution des besoins doit être vue sur le champ de la santé, mais aussi au regard de l’isolement social éventuel, du logement et de l’environnement de la personne âgée.

La CNAV s’est engagée dans sa convention d’objectifs et de gestion 2014-2017, à la demande des pouvoirs publics, à renforcer les actions collectives de prévention pour prévenir la perte d’autonomie en agissant sur différentes thématiques comme la mémoire, l’équilibre et la nutrition. Ces actions collectives ont bénéficié à 220 000 personnes en 2013 et devraient monter en puissance pour bénéficier à 350 000 personnes en 2017. Les crédits destinés à ces actions collectives (il s’agit en général d’une quinzaine de séances pendant l’année effectuées en ateliers d’une quinzaine de participants) s’élèvent à 5,3 millions d’euros en 2014 et devraient atteindre à 6,2 millions en 2017. Le coût par personne d’une action collective est de 50 euros par an.

Les actions de prise en charge globale de soutien à domicile, sous la forme de plans d’action personnalisés, restent les plus dotées financièrement avec 275 millions d’euros en 2014, soit 377 millions d’euros en incluant l’évaluation des besoins au domicile et les subventions aux structures. Les actions personnalisées ont bénéficié à 371 000 personnes en 2013. Une légère progression de cette enveloppe est prévue chaque année pour atteindre 395 millions d’euros en 2017. Le coût par bénéficiaire du plan d’action personnalisé s’élève à 3 000 euros par an.

La CNAV constate depuis 2011 une croissance de 20 % par an des demandes d’aide des personnes âgées, ce qui a entraîné des tensions budgétaires dans plusieurs régions. Le caractère limitatif de son budget a conduit la Caisse à renforcer le ciblage des interventions.

Les rapporteures soulignent l’importance de conserver des moyens suffisants à l’avenir pour les prestations d’évaluation des besoins, puis de d’aide individuelle à domicile.

Elles approuvent l’expérimentation engagée par la Caisse dans le secteur de l’aide à domicile sous la forme des paniers de services, dont le but est de diversifier la nature des réponses à l’intérieur des plans d’aide. Ceux-ci, pour 60 % d’entre eux, sont déjà constitués d’autres aides que l’aide au ménage. La diversification des interventions doit en effet être encouragée, en y insérant davantage de prévention, en lien avec le secteur des services à la personne.

d. Assurer la cohérence des réponses apportées aux besoins des personnes âgées à domicile

Pour le maintien à domicile, le besoin de services est souvent pluriel, ce qui pose la question de la cohérence de la réponse aux besoins de la personne âgée. Plusieurs services vont intervenir autour de la personne (service d’aide à domicile, SSIAD, temps d’hospitalisation, temps de retour à domicile, par exemple).

Le déploiement des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (MAIA) représente l’une des démarches d’intégration des réponses sociales, médico-sociales et sanitaires à l’intention des personnes en perte d’autonomie. Les bénéfices de ce dispositif relativement récent (250 MAIA couvrant 60 % du territoire, soit six communes sur dix), et qui était à l’origine limité aux malades d’Alzheimer, sont visibles, à travers le travail de coordination et celui des gestionnaires de cas qui permettent de suivre les situations les plus complexes, soit du fait de la perte d’autonomie, soit de l’isolement.

Les rapporteures approuvent la progression du maillage du territoire avec le déploiement de 100 MAIA supplémentaires pour 2015 et 2016, pour parvenir à l’objectif cible de 350 MAIA.

De même, elles soutiennent le déploiement expérimental du programme national PAERPA (personnes âgées en risque de perte d’autonomie) dont l’objectif est d’optimiser le parcours de santé des personnes âgées de plus de 75 ans dont l’état de santé est susceptible de s’altérer pour des raisons d’ordre médical ou social. L’enjeu est celui d’une prise en charge globale et de qualité intégrant l’ensemble des secteurs de la santé (hospitalier, médico-social, social et ambulatoire). Lorsque le dispositif d’animation du PAERPA s’adosse à celui de la MAIA, il est possible de progresser réellement vers une intégration concrète des réponses sanitaires, sociales et médico-sociales destinées à une personne âgée, au lieu d’avoir une juxtaposition de dispositifs.

Les rapporteures approuvent l’effort entrepris pour assurer une intégration des réponses sanitaire, sociale et médico-sociale destinées à une personne âgée dans chaque département, sur la base du déploiement des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (MAIA).

e. Développer une offre intégrée et individualisée de services

La demande de services tant de la part de la personne aidée que de la part des acteurs publics est en évolution : elle doit prendre en compte les politiques de prévention visant à différer ou éviter la perte d’autonomie, les possibilités offertes par le progrès technologique, la nécessité de maîtriser la dépense publique et la perspective du phénomène de vieillissement de la population, les plus grandes exigences des personnes âgées ou de leurs proches en ce qui concerne le contenu de l’offre (tous les services qui contribuent au bien vieillir à domicile), et enfin, la qualité des services rendus.

Aussi serait-il souhaitable d’évoluer vers une offre intégrée apportant des réponses individualisées, aussi bien aux besoins de la prévention et de la coordination de proximité qu’à ceux de la compensation de la perte d’autonomie, s’appuyant aussi sur les technologies innovantes disponibles.

Les travaux de l’Agence nationale des services à la personne, conduits en 2011 et 2012, sur les bouquets de services amorçaient cette évolution. Les expérimentations de paniers de services de la CNAV vont dans le même sens, de même que par exemple le projet Autonom@Dom du conseil général de l’Isère qui propose d'évaluer une plateforme unique intégrant des offres de services sanitaires, médico-sociaux et de téléassistance.

En septembre 2013, dans un rapport intitulé « Services à la personne – Constats et enjeux », France Stratégie faisait la préconisation suivante : « Une autre modalité de structuration de l’offre serait d’améliorer le contenu de l’offre de services et sa qualité en développant des bouquets de services ou des offres de services intégrés et en soutenant la diffusion des technologies de l’information et de la communication ».

Le contrat de filière Silver économie (décembre 2013) va un peu plus loin en prévoyant de retenir un « schéma d’organisation cible dont les trois piliers sont : l’opérateur pivot, les bouquets de solutions et un système d’information entre les acteurs ».

Enfin, la Caisse des dépôts et consignations, dans un rapport d’étude publié en 2013, intitulé « @utonomie et bien vieillir à domicile », développe le concept d’une réponse personnalisée s’appuyant sur un ensemble de solutions à la fois humaines, techniques et numériques.

Il conviendrait de favoriser l’expérimentation de cette offre de services intégrée, afin de comprendre dans quelle mesure elle modifierait les procédures d’intervention et de gestion des acteurs de l’aide et de l’accompagnement à domicile.

f. Faut-il envisager une évolution du rôle du prestataire ?

Accroître la gamme de services traditionnellement offerts et couvrir l’ensemble des besoins du bien vieillir à domicile, notamment en mobilisant des solutions technologiques innovantes, modifierait le rôle du prestataire de services. Dans la perspective d’un bouquet de solutions, son rôle s’élargirait à une fonction d’opérateur pivot capable de construire cette offre globale et personnalisée, et d’assurer, y compris pour les personnes les plus fragilisées, la coordination de proximité nécessaire à leur accompagnement et d’adapter rapidement ses prestations.

Cette évolution impacterait en pratique l’organisation et le fonctionnement interne, la gestion des ressources humaines, la formation professionnelle, la gestion économique et financière, la complémentarité et les partenariats avec d’autres acteurs.

Les dispositifs de télégestion devraient être adaptés pour le contrôle et la facturation ; et l’émergence du bouquet de solutions modifierait considérablement la relation entre le financeur de prestations sociales et le service d’aide et d’accompagnement à domicile.

Le financement basé sur l’heure et le tarif horaire serait logiquement remplacé par des financements forfaitaires basés sur des formules de prise en charge en fonction des niveaux de fragilité.

Selon M. Gilles Dumont, chef de la mission des services à la personne au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, entendu par les rapporteures, le bouquet de services aurait aussi pour conséquence de conférer une nouvelle responsabilité au prestataire, en passant d’une culture de moyens à une culture de résultat. En contrepartie de la souplesse qui lui serait laissée pour organiser, assurer et adapter les prestations d’aide et d’accompagnement, le prestataire devrait assez logiquement rendre compte de la conduite de ses prestations, sur la base d’indicateurs définis par le financeur. Le contrôle changerait donc de nature et porterait sur des éléments qualitatifs, tout aussi pertinents que la comptabilité des heures d’intervention.

En outre, le déploiement d’une offre de service intégrée et personnalisée devrait pouvoir s’appuyer sur une grande fluidité des échanges entre les différents acteurs de l’accompagnement, le ou les financeurs de prestations sociales, la personne âgée et son entourage.

Proposition n° 13 des rapporteures : favoriser l’expérimentation de l’offre de services intégrée couvrant l’ensemble des besoins du bien vieillir à domicile :

– conférer au prestataire de services une souplesse pour organiser, assurer et adapter les prestations d’aide et d’accompagnement ;

– prévoir une modalité de contrôle de la conduite des prestations sur la base d’indicateurs définis par le financeur, admettant des éléments qualitatifs à côté ou à la place du temps d’intervention.

II. FAVORISER LA COEXISTENCE HARMONIEUSE DES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D’AUTONOMIE

Dans le cadre de leurs travaux sur les services à la personne, les rapporteures ont souhaité mettre l’accent sur la contribution des services d’aide et d’accompagnement à domicile à la politique de maintien à domicile des personnes âgées. Il s’agit de mieux intégrer ces services dans une politique d’ensemble en supprimant les freins réglementaires et techniques à une meilleure coordination avec les acteurs de la prévention et du soin.

Les services d’aide et d’accompagnement des personnes âgées dépendantes à domicile font l’objet d’une définition par le code de l’action sociale et des familles (CASF). Ce sont les services qui « concourent notamment : 1° au soutien à domicile ; 2° à la préservation ou la restauration de l’autonomie dans l’exercice des activités de la vie quotidienne ; 3° au maintien ou au développement des activités sociales en lien avec l’entourage ». Dans la pratique, les services d'aide à domicile assurent des prestations de services ménagers et des prestations d'aide à la personne pour les activités ordinaires et les actes essentiels de la vie quotidienne (l’entretien du logement, l’entretien du linge, la préparation des repas, les courses, l’aide à la toilette, l’aide à l’habillage et au déshabillage). Les services d'aide à domicile ne doivent cependant pas se substituer à l'infirmière ; ainsi l'auxiliaire de vie sociale peut effectuer une toilette mais pas de soins.

L’enjeu de mieux coordonner les acteurs intervenant au titre du maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, et notamment les services d’aide à domicile, repose sur trois problématiques principales :

– celle de l’intervention des acteurs de la prévention de la perte d’autonomie (caisse nationale d’assurance vieillesse, mutuelles, centres communaux d’action sociale…) en amont de la prise en charge de la dépendance ;

– celle de la coexistence d’une offre de services privés aux tarifs libres avec une offre planifiée et réglementée par les conseils généraux ;

– celle de la coordination entre les services d’aide à la personne et les acteurs du soin autour de la personne âgée en perte d’autonomie.

A. LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D’AUTONOMIE

1. De nombreux acteurs intervenant pour le développement d’une offre de services aux personnes âgées

Nombreux sont les acteurs concernés, à des degrés divers, par les services d’aide au maintien à domicile des personnes âgées.

Trois ministères contribuent à la définition du cadre juridique et financier dans lequel évoluent ces services. Comme l’a rappelé la première partie du présent rapport, le pilotage de la politique de développement des services à la personne est dispersé entre le ministère chargé de l’emploi et celui chargé de l’industrie. Au sein du ministère chargé de la santé et des affaires sociales, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) s’est vue conférer, en 2010, des pouvoirs étendus s’agissant des services destinés aux publics fragiles. Selon la Cour des comptes, le travail interministériel entre la DGCS et la direction générale des entreprises du ministère chargé de l’industrie est considéré comme satisfaisant par les directions intéressées.

Liquidateurs de plusieurs prestations sociales et notamment, s’agissant des personnes âgées, de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile, les conseils généraux ont un rôle de solvabilisation de la demande d’aide à domicile et de planification de l’offre de services qui s’accommode parfois mal de la logique de développement économique portée par les services déconcentrés des ministères chargés respectivement de l’industrie et de l’emploi au sein des DIRECCTE. L’administration d’un secteur jusqu’alors essentiellement associatif par le biais d’un régime d’autorisation et d’une tarification se heurte à l’irruption de nouveaux acteurs privés agréés, aux tarifs libres, dont les prestations entrent dans le champ de l’APA à domicile, financée aux trois quarts par les conseils généraux.

Les régions ayant compétence en matière d’emploi et de développement économique, elles auraient vocation à jouer un rôle dans la structuration d’un secteur des services à la personne. La loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 a par ailleurs chargé les agences régionales de santé (ARS) du pilotage de l’offre de soins ainsi que de l’offre médico-sociale au niveau régional. Ce sont les ARS qui définissent la tarification des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et celle d’une partie des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD).

Les communes et les intercommunalités jouent un rôle actif dans l’offre de services et d’équipements répondant aux besoins spécifiques des personnes âgées, qui vont bien au-delà du portage des repas et de l’aide-ménagère ponctuelle. L’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) s’interroge d’ailleurs sur la compatibilité des modes de financement des aides individuelles en nature, incluant des subventions communales aux associations, avec la définition de l’acte de mandatement au sens du droit communautaire.

La Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), en lien avec le régime social des indépendants et celui des artisans, met en place des plans d’actions personnalisés avec barème progressif et ticket modérateur, ciblés sur des personnes âgées non dépendantes au titre d’une intervention précoce. Au moyen de contrats avec tarification horaire conclus avec un grand nombre d’intervenants, elle expérimente aujourd’hui une offre de « paniers de services ». La CNAV dit rechercher autant que possible une collaboration avec les conseils généraux, notamment pour une évaluation partagée des besoins des personnes âgées, un suivi commun des organismes de service à la personne et l’échange d’informations.

Enfin, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) concourt au versement des aides des conseils généraux en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Elle garantit ainsi l’égalité de traitement sur tout le territoire et pour l’ensemble des handicaps, en assurant la répartition équitable de l’objectif général de dépenses, qui regroupe les dépenses de l’assurance maladie (sous-ONDAM médico-social) destinées aux établissements et aux services médico-sociaux, ainsi que le produit de la cotisation de solidarité pour l’autonomie (CSA). Elle assure une mission d’expertise, d’information et d’animation à l’attention des divers acteurs du champ de l’autonomie. Elle contribue à la modernisation du secteur de l’aide à domicile dans le cadre de démarches contractuelles dites « de la section IV », pour des montants s’élevant entre 65 et 75 millions d’euros. Elle soutient aussi le déploiement des centres d’information et d’accueil départementaux (CIAD) et des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA), qui constituent des démarches d’intégration des réponses, sociales, médico-sociales et sanitaires autour des personnes âgées.

Dans le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, la CNSA se voit conférer un rôle de pilotage de l’ensemble de la politique de prévention et de prise en charge de la perte d’autonomie.

2. Les prestations versées au titre de l’APA à domicile aux personnes âgées dépendantes

L’allocation personnalisée d’autonomie à domicile concerne plus spécifiquement les personnes âgées dépendantes. Elle est gérée par les conseils généraux.

a. Les équipes médico-sociales des conseils généraux élaborent des plans d’aide personnalisés

Pour être éligible à l’APA, le demandeur doit avoir plus de soixante ans et souffrir d’une perte d'autonomie dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne – le degré de la perte d’autonomie du demandeur doit le placer dans le groupe GIR 1 à 4 par référence à la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2 du code de l’action sociale et des familles.

La grille nationale « autonomie gérontologique groupes iso-ressources » (AGGIR)

La grille AGGIR permet une évaluation de la perte d’autonomie de la personne en repérant ce qu’elle fait et ce qu’elle ne fait pas seule (à l’exclusion de l’aide apportée par les aidants et les soignants). Cette grille distingue six niveaux de GIR :

GIR 1 : il regroupe les personnes confinées au lit ou au fauteuil ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, qui nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants.

GIR 2 : il comprend les personnes confinées au lit ou au fauteuil dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante, ou celles dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités motrices.

GIR 3 : il correspond essentiellement aux personnes ayant conservé leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle.

GIR 4 : il comprend deux groupes de personnes. D’une part celles qui n’assument pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l’intérieur du logement. Elles doivent parfois être aidées pour la toilette et l’habillage. La grande majorité d’entre elles s’alimente seule. D’autre part, celles qui n’ont pas de problèmes pour se déplacer mais qu’il faut aider pour les activités corporelles ainsi que pour les repas.

GIR 5 : Personnes âgées ayant seulement besoin d'une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage.

GIR 6 : Personnes âgées n'ayant pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie courante.

Source : Article L. 232-2 du code de l’action sociale et des familles.

L’APA est alors attribuée sur la base d’un plan d’aide prenant en compte tous les aspects de la situation de la personne âgée, et donc variable selon le degré de perte d’autonomie. Cette prestation est accordée aussi bien aux personnes hébergées dans les établissements médico-sociaux (pour 40 % des sommes actuellement versées par les conseils généraux) qu’aux personnes dépendantes demeurant à domicile (60 % du montant total).

Dans ce dernier cas, l’allocation est affectée à la couverture des dépenses de toute nature nécessitées par les besoins de la personne dépendante, déterminées dans le cadre d’un plan d’aide individualisé élaboré par une équipe médico-sociale du conseil général.

Lorsque l’équipe médico-sociale estime nécessaire, dans le plan d’aide, de prévoir l’intervention d’une tierce personne à domicile, l’APA est affectée à la rémunération d’un service prestataire, sauf refus exprès du bénéficiaire.

Le montant de l’APA sera égal au montant du plan d’aide effectivement utilisé par le bénéficiaire, diminué d’une participation éventuelle (ticket modérateur) laissée à sa charge et calculée en fonction de ses ressources déterminées dans des conditions fixées par la loi. En 2013, la participation du bénéficiaire était nulle pour un revenu mensuel individualisé inférieur à 734,66 euros, puis elle augmentait linéairement en fonction du revenu. À partir de 2 927,66 euros, la participation du bénéficiaire était constante à 90 % du montant du plan d’aide. L’allocation était plafonnée à un montant variant en fonction du degré de dépendance du bénéficiaire.

L’évolution des dépenses au titre de l’APA à domicile, du nombre de bénéficiaires et du montant des plans d’aide programmés fait l’objet d’un suivi régulier de l’INSEE. (29) Le nombre de bénéficiaires de l’APA à domicile est passé de 303 000 personnes à la fin de l’année 2002 à 722 000 bénéficiaires au 1er janvier 2012. Sur cette période, l’augmentation du nombre de bénéficiaires a été régulière, mais cette progression se ralentit légèrement depuis 2009 : le rythme de progression était de 9,2 % par an entre 2005 et 2009 ; il est seulement de 2,2 % entre 2009 et 2012.

AUGMENTATION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L’APA

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Source : « Les chiffres clés de l’autonomie », CNSA, 2012.

Les bénéficiaires de l’APA forment une population dont les caractéristiques sociodémographiques sont les suivantes : en 2011, les trois quarts des bénéficiaires étaient âgés de plus de 79 ans et 6 mois ; trois quarts étaient des femmes, et 20 % étaient évalués comme très dépendants en groupe iso-ressources (GIR) 1 ou 2. La moitié des bénéficiaires avaient des ressources mensuelles, au sens de l’APA, inférieures à 1 085 euros (30) et 16 % n’acquittaient pas de ticket modérateur.

DISPERSIONS DES RESSOURCES MENSUELLES DES BÉNÉFICIAIRES DE L’APA À DOMICILE, FIN 2007 ET FIN 2011

(en euros courants)

 

1er quartile

Médiane

3e quartile

Moyenne

Moyenne des revenus des personnes dont le niveau de vie est inférieur au 1er quartile

2007

696

932

1 235

1 039

492

2011

825

1 085

1 428

1 208

600

Lecture : un quart (1er quartile) des bénéficiaires de l’APA à domicile ont des ressources au sens de l’APA inférieures à 825 euros fin 2011. En moyenne, ces bénéficiaires ont des ressources de 600 euros. Trois bénéficiaires de l’APA à domicile sur quatre (3e quartile) ont des ressources au sens de l’APA supérieures à 1 428 euros fin 2011. Les ressources prises en compte excluent les prestations du minimum vieillesse et de l’ASPA.

Source : Les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile et leurs ressources en 2011, Mélanie Bérardier, février 2014.

b. Ces plans d’aide ne parviennent pas à répondre adéquatement aux besoins

La moitié des plans d’aide notifiés prévoit plus de 466 euros de dépenses mensuelles. Tant les informations recueillies par les rapporteures que les estimations de la direction de la recherche des études et des statistiques (DREES) font cependant apparaître qu’un nombre important des plans d’aide sont « saturés », c’est-à-dire que les bénéficiaires auraient besoin de plus d’aide qu’il est possible de leur accorder. Selon la DREES, 20 % des plans d’aide étaient saturés en 2011, et la proportion est encore plus importante pour les GIR 1, dont la part de plans d’aide saturés serait de 42 %.

Par ailleurs, les bénéficiaires ne consomment pas toujours l’intégralité du plan d’aide qui a été conçu pour eux, notamment lorsque le ticket modérateur représente une part importante de leur revenu. Il constitue alors un obstacle au recours de la personne dépendante à l’aide qui lui est nécessaire. Ainsi, dans le département de la Seine-Saint-Denis, où se sont rendues les rapporteures le 25 mai 2014, 20 à 25 % des plans d’aide prescrits ne sont pas consommés.

LE MONTANT DES PLANS D’AIDE NOTIFIÉS ET LEUR PROPORTION
PAR RAPPORT AUX PLAFONDS EN VIGUEUR À LA FIN 2011

 

Montant du plan d’aide notifié
(en euros)

Proportion du montant du plan d’aide par rapport au plafond (en %)

1er quartile

Médiane

3e quartile

1er quartile

Médiane

3e quartile

GIR 1

868

1 166

1 232

71

95

99

GIR 2

612

927

1 050

57

87

99

GIR 3

454

660

781

56

82

96

GIR 4

252

359

486

47

67

91

Ensemble

306

466

665

51

74

96

Lecture : trois bénéficiaires de l’APA sur quatre (3e quartile) en GIR 1 ont un plan d’aide notifié inférieur à 1 232 euros et un quart a un plan d’aide notifié inférieur à 868 euros. Un bénéficiaire sur quatre en GIR 3 s’est vu notifier un plan d’aide au plus égal à 56 % du plafond en vigueur pour le GIR 3.

Source : Les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile et leurs ressources en 2011, Mélanie Bérardier, février 2014.

Le taux de saturation du plan d’aide varie également en fonction du revenu des bénéficiaires : l’application du ticket modérateur peut avoir pour conséquence un sous-dimensionnement de certains plans d’aide par les équipes médico-sociales pour alléger la contrainte financière des ménages. Selon l’étude d’impact du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, un bénéficiaire ayant un revenu de 1 500 euros par mois acquitte une participation de 176 euros par mois s’il est placé en GIR 4 (avec des besoins évalués au plafond), alors qu’il devrait s’acquitter de 410 euros s’il était placé en GIR 1.

La question de la solvabilisation des personnes âgées dépendantes est donc un élément essentiel pour atteindre l’objectif de développement du maintien à domicile. Une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) (31) avait préconisé, en 2010, de faire évoluer les règles de solvabilisation afin d’ajuster au mieux le niveau de prise en charge avec les besoins effectifs des personnes et leurs capacités contributives. Se pose également la question de l’égalité entre bénéficiaires et de l’homogénéité de l’évaluation du besoin d’aide par les services sociaux.

Les acteurs de l’aide à domicile, agents des services « autonomie » des conseils généraux ou représentant des structures d’aide à domicile, ont évoqué devant les rapporteures les difficultés de la prise de conscience des besoins de la personne dépendante pour nombre de familles. En effet, les plans d’aide élaborés par les services médico-sociaux établissent les heures de service indispensables à la personne dans le domaine des soins, des gestes au corps et du ménage dans les pièces à vivre ; or cette évaluation n’englobe pas l’ensemble des services dont la personne a besoin pour assurer un bien-être acceptable. Pour cela, des services que l’on pourrait qualifier de connexes doivent être ajoutés (autres types d’aide, ménage dans les pièces non considérées comme pièces à vivre au sens strict) : les aides de cette nature seront identifiées par le responsable du service à domicile chargé d’intervenir. Or cette identification, assortie d’une proposition d’intervention, est souvent considérée comme une proposition commerciale par la famille.

C’est pourquoi les rapporteures s’interrogent sur l’intérêt d’une évolution de la présentation du plan d’aide selon une logique différente, prenant en considération les besoins d’une manière plus globale, de manière à inclure non seulement les gestes au corps mais aussi les besoins connexes importants pour le bien-être de la personne en perte d’autonomie. Cette présentation ferait apparaître la part de prise en charge de la collectivité publique (sans changement par rapport à la situation actuelle), énonçant clairement les services et les heures non pris en charge. Si une telle présentation souligne les limites de la prise en charge collective, elle comporte également un aspect pédagogique et responsabilisant qui fait défaut dans le dispositif actuel qui laisse cette responsabilité aux services et aux aidants sociaux, en face à face avec les familles.

Les rapporteures soulignent que cette présentation des plans d’aide est en vigueur dans d’autres États européens, avec une analyse des services indispensables au bien-être de la personne puis la définition du forfait pris en charge par la collectivité. Ce système est en vigueur au Luxembourg, avec une prise en charge des douze premières heures d’aide par la famille. Il se rapprocherait aussi du « projet de vie » établi pour les personnes en situation de handicap.

Elles n’ignorent pas qu’une présentation plus exhaustive des besoins de la personne ne conduirait pas à améliorer significativement sa prise en charge lorsque les ressources de la personne aidée et de sa famille sont faibles. Elle ne pourrait être améliorée que si la situation matérielle de la famille permet de consacrer une dépense plus importante, une fois la prise de conscience réalisée.

Proposition n° 14 des rapporteures : adopter une nouvelle présentation des plans d’aide de l’APA à domicile en distinguant, d’une part, un socle de services liés à la prise en charge de la dépendance de la personne aidée, et, d’autre part, les autres services répondant à des besoins relevant du bien-être de la personne.

B. UN DOUBLE RÉGIME RÉGLEMENTAIRE : L’AUTORISATION ET L’AGRÉMENT

Au sein du champ économique des services à la personne, le secteur des services d’aide aux personnes âgées à domicile occupe une place particulière. La structure de l’emploi est en effet sensiblement différente : le recours à l’emploi direct y est moins fréquent et le recours aux organismes soumis à un contrôle de l’administration, sous la forme d’un agrément ou d’une autorisation, est plus répandu.

Cet état de fait s’explique en partie par les effets de la réglementation : le montant de l’APA est réduit de 10 % en cas de recours à un emploi de gré à gré et les tarifs des services autorisés, qui réalisent 90 % du volume des prestations fournies par les services d’aide à domicile, sont fixés par les conseils généraux. Au contraire, les tarifs des services agréés, fournissant les 10 % restants, sont libres.

1. L’enjeu de planification d’une offre de qualité sur l’ensemble du territoire pour les conseils généraux

La réglementation des services à la personne obéit à une logique de la planification de l’offre. La Cour des comptes rappelle que le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie ne constitue pas à ce jour une politique publique autonome. Sous le vocable « d’autonomie » sont regroupées les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées. La notion de perte d’autonomie va au-delà des bénéficiaires de l’APA puisqu’elle concerne aussi les GIR 5 et 6.

Les conseils généraux jouent un rôle majeur dans la mise en œuvre de cette politique de solidarité. Ils assurent le versement de plusieurs prestations sociales visant au maintien domicile et à la prise en charge de la dépendance : l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Gestionnaires de l’APA, s’appuyant sur des structures essentiellement publiques ou associatives, les conseils généraux ont un pouvoir de tarification en même temps qu’une mission de solvabilisation de la demande par le biais de l’aide sociale. Ils assurent de ce fait la planification de l’offre au moyen d’appels à projets à l’issue desquels des services sont autorisés et font l’objet d’une tarification.

Les services d'aide à domicile souhaitant proposer leurs prestations aux personnes âgées doivent pour cela obtenir des pouvoirs publics l'autorisation ou l'agrément mentionnés à l'article L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles (CASF). L'une et l'autre de ces deux procédures habilitent les services qui s'y soumettent à intervenir au bénéfice des personnes âgées bénéficiaires de l'APA.

Instaurée par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, l’autorisation est délivrée par arrêté du président du conseil général pour une durée de 15 ans.

Lorsqu’ils optent pour le régime de l’autorisation, sur le fondement de l'article L. 312-1 du CASF qui assimile les services d’aide à domicile à des établissements et services sociaux ou médico-sociaux, les services d'aide sont soumis à une régulation régie, pour l'essentiel, par les conseils généraux : le président du conseil général autorise ces structures à exercer une mission auprès des publics fragiles dans son département et fixe leur tarif horaire. La procédure de tarification par le président du conseil général est établie par le décret du 22 octobre 2003 ; elle est contradictoire pour les prestations relevant de sa compétence.

Cependant, les conseils généraux ne sont pas entièrement libres en la matière : les conditions et la méthode de tarification sont, en raison de leur caractère très contraignant pour des organismes de droit privé, fortement encadrées par l'État. Le CASF prévoit ainsi les dispositions financières relatives aux services soumis à autorisation dans les articles R. 314-1 à R. 314-208 de sa partie réglementaire.

Le régime de l’autorisation s’inscrit dans une logique classique de protection sociale des publics fragiles, où l’offre de services est territorialisée par la puissance publique, c’est-à-dire le conseil général. Pour les services d’aide à domicile, le président du conseil général engage la procédure d’appel à projets à partir du schéma départemental avec une perspective de couverture des besoins identifiés sur le territoire puis sélectionne les projets à partir d’un cahier des charges. L’arrêté d’autorisation est pris après classement des projets par la commission de sélection d’appel à projets.

Ne sont pas concernées par la procédure d’appel à projets (article L. 313-1-1 du CASF) les transformations de services autorisés sans modification de la catégorie de prise en charge, les extensions de structures autorisées existantes lorsqu’elles ne dépassent pas 15 places et 30 % de la capacité initiale et le renouvellement des autorisations.

2. La création d’un agrément et d’une faculté d’option pour faciliter la création d’entreprises en 2005

La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, dite « loi Borloo », a fait entrer un nouvel acteur dans le système en permettant à d'autres types de structures, dites « agréées », d'intervenir auprès des personnes dépendantes : ces prestataires d'aide à domicile échappent à la régulation des conseils généraux, tout en étant destinataires de l’APA, financée aux deux tiers par les conseils généraux.

Le régime de l’agrément date initialement de la loi du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l’emploi, et a été plusieurs fois modifié depuis. Le régime actuel, ouvert par la loi de 2005, s’inscrit dans une logique de développement du champ des services à la personne et de l’emploi, avec une offre régulée par la demande. Le code du travail encadre ce champ d’activité, par dérogation accordée par l’article L. 313-1-2 du code de l’action sociale et des familles. L’agrément est délivré par l’unité départementale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

Certains conseils généraux ont été réticents à accorder des avis favorables à l’activité des services agréés, dont l’activité est alors inexistante ou très réduite. D’autres ont admis leur activité, mais ont privilégié le dialogue avec les services autorisés, en compensant les services agréés de manière inférieure aux services autorisés par une valorisation de l’APA plus basse. Dans ce dernier cas, les services agréés s’estiment mal valorisés pour le travail qu’ils réalisent et défavorisés en raison de la différence d’autorité de référence et la différence entre les outils de contrôle mis en œuvre.

Les services autorisés, de leur côté, peuvent se sentir concurrencés ou menacés par l’arrivée d’autres organismes dans leur champ d’action, avec une déstabilisation du contexte économique de l’activité.

Enfin, il a été noté que le bon fonctionnement du droit d’option dépend encore beaucoup de la qualité des liens entre les personnes en charge de ces dossiers au conseil général et dans les services de l’État.

On observe ainsi une grande diversité des situations locales dans le poids respectif des services autorisés et des services agréés, reflétant la variété des politiques départementales à l’égard du droit d’option.

Ainsi que l’a noté le rapport de la mission conduite par Mme Bérengère Poletti en 2011 (32), la logique duale qui résulte de la loi de 2005 est une exception dans le champ de la solidarité, du social et du médico-social. Elle ne s’inscrit pas dans l’organisation mise en place par la suite par la loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009, dont l’un des objets a été d’instaurer la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées par les agences régionales de santé et le conseil général.

3. La recherche d’une unification réglementaire par les contrats d’objectifs et de moyens

Différentes solutions ont été proposées par l’Association des départements de France, par les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ou de l’Inspection générale des finances (IGF). Certaines préconisent soit le basculement dans un régime ou dans un autre ou en faveur de l’autorisation (rapport de la Cour des comptes de 2005), soit un rapprochement des outils et une meilleure coordination de la politique en faveur des publics fragiles par une gouvernance partagée entre l’agence régionale de santé (ARS) et le conseil général.

a. Une fusion des deux régimes serait une source de complications

Au cours des travaux des rapporteures, la direction générale des entreprises s’est prononcée en faveur du régime de l’agrément, celui de l’autorisation lui paraissant davantage menacé par la demande d’information formulée par la Commission européenne, à la suite d’une plainte déposée par une entreprise s’estimant discriminée, eu égard à la différence de tarifs pratiqués par le conseil général entre les organismes autorisés et les organismes agréés.

Au cours de la table ronde du 5 novembre 2014 consacrée à l’organisation et la gouvernance du réseau des services de maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, Mme Jingyue Xing, chercheure à l’École normale supérieure, a soutenu qu’une régulation publique était nécessaire au regard des écarts entre les coûts de production au niveau infra-départemental, d’une part, et des besoins contraints des personnes dépendantes, d’autre part. Elle recommande donc de conserver le régime de l’autorisation, plus exigeant.

La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a en outre signalé que l’autorisation automatique des services aujourd’hui agréés poserait un problème économique certain pour les conseils généraux : les organismes de services à la personne qui prestent moins de 15 000 heures par an représentent en effet 25 % du secteur mais ne servent que 5 % des besoins des publics fragiles. Dans l’hypothèse d’une fusion des deux régimes, l’autorisation générale de ces services figerait la situation et entraînerait une atomisation durable du secteur.

À ce stade, il ne semble donc pas souhaitable de remettre en cause la présence sur le terrain, à des degrés divers selon les départements, des logiques de l’autorisation et de l'agrément. Il ne faut d’ailleurs pas méconnaître que ces logiques peuvent parfois être complémentaires : c’est le cas lorsque des services autorisés de statut public font appel à des services privés agréés pour sous-traiter des prestations d’intervention les dimanches et jours fériés.

Pour M. Luc Broussy, représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF), la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) est l’aboutissement d’un processus consensuel sur la refondation tarifaire. Elle devrait permettre de dépasser le débat sur l’agrément ou l’autorisation, en reprenant les mêmes principes qui ont fait le succès de la réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) : la contractualisation des objectifs ; la globalisation des tarifs ; des objectifs de qualité.

Le cadre contractuel permettra de s’adapter à la diversité des territoires, qui font face à des enjeux très différents suivant qu’ils sont ruraux ou urbains, comme les rapporteures l’ont mis en évidence dans le cadre de l’enquête qu’elles ont conduite auprès de vingt conseils généraux. (33)

b. La loi d’adaptation de la société au vieillissement a pour ambition de dépasser la dualité de régime

L’objectif du chantier de la refondation de l’aide à domicile engagé dans le cadre du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, déposé le 3 juin 2014 à l’Assemblée nationale et adopté par cette dernière en première lecture le 17 septembre 2014, est, selon son exposé des motifs, de sécuriser le financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile et d’introduire un cahier des charges de missions opposables aux services.

Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) prévu par l’article L. 313-11 du code de l’action sociale et des familles (CASF) en faveur des établissements ou services sociaux et médico-sociaux autorisés constitue le point d’appui de cette refondation, qui a pour objet de substituer aux tarifs horaires administrés régis par les articles R. 314-130 à R. 314-134 du CASF une régulation de type contractuel, liant des services d’aide à domicile explicitement investis de missions d’intérêt général et les autorités départementales chargées de l’autorisation.

Par les dispositions prévues aux articles 31 à 33 du projet de loi, le Gouvernement vise à amplifier la dynamique de développement des CPOM dans le secteur de l’aide et de l’accompagnement à domicile pour faire de cet outil le principal instrument de régulation du secteur.

Cette démarche s’inscrit également dans une perspective d’adaptation des outils de régulation économique aux exigences de la réglementation communautaire à l’égard des services d’intérêt économique général (SIEG).

Enfin, l’accès au marché des services d’aide à domicile agréés est amélioré, ceux-ci pouvant soit adhérer directement au nouveau dispositif de contractualisation, soit bénéficier pendant la durée de la transition d’une procédure simplifiée d’accès au statut de service autorisé.

L’article L. 313-11-1 introduit par l’article 31 du projet de loi complète le dispositif des CPOM prévu par l’article L. 313-11, en définissant les obligations contractuelles spécifiques pour les SAAD, autorisés ou agréés, adhérant à un CPOM : l’article reprend le principe posé par l’arrêté interministériel du 30 août 2012 d’une définition nationale de l’architecture globale des CPOM mise en place entre les conseils généraux et les services à domicile.

Le contenu des CPOM est précisé afin, d’une part, de mieux transcrire la notion de mandatement attachée à la réglementation européenne applicable aux services d’aide à domicile pour les personnes dépendantes et, d’autre part, d’assurer la cohérence des CPOM avec les objectifs généraux de la politique nationale en faveur des personnes âgées.

L’application de la réglementation européenne à l’égard des services d’aide et d’accompagnement à domicile

Les services d’aide et d’accompagnement à domicile réunissent les trois conditions définies par la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes pour que leur activité soit qualifiée de « service d’intérêt économique général » (SIEG) :

– l’activité est économique au sens du droit de la concurrence (activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné) ;

– l’activité revêt un caractère d’intérêt général ;

– l’activité a été confiée à une entreprise par un acte exprès de la puissance publique.

La qualification de SIEG autorise, sur le fondement de l’article 106§2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne de décembre 2007, des dérogations aux règles du Traité pour les entreprises chargées de la gestion d’un SIEG, dès lors que ces dérogations sont nécessaires à l’accomplissement de la mission qui leur a été confiée.

Dans le secteur de l’aide à domicile, la question de la troisième condition, dite de mandatement, a été évoquée en 2006 lors de la transposition de la directive dite « Services » n° 2006/123/CE, qui avait pour objet de lever les obstacles réglementaires pour l’accès des entreprises européennes à tous les marchés nationaux. Ces travaux de transposition ont débouché sur des adaptations législatives de faible ampleur de la procédure d’appel à projets, pour le régime de l’autorisation, et de simplification du régime de l’agrément, pour les services agréés. Ils ont toutefois fait apparaître des divergences dans l’usage de la notion de mandatement en droit communautaire dérivé, entre la réglementation communautaire relative à la libre circulation sur le marché intérieur et la réglementation relative aux aides d’État (à laquelle se rattachent les SIEG).

Bien que la procédure d’appel à projets constitue, dans le cas des services d’aide à domicile autorisés, un acte de mandatement au sens de la directive « Services », elle ne semble pas répondre en elle-même aux exigences formelles de la réglementation relative aux aides d’État, définies par la décision de la Commission européenne 2005/842/CE du 28 novembre 2005 (appartenant au paquet « Monti-Kroes », du nom des deux commissaires européens) et prolongées par la décision de la Commission 2012/21/EU du 20 décembre 2011 (paquet « Almunia »).

Ces textes entendent permettre l’analyse par la Commission européenne des relations financières entre les pouvoirs publics nationaux et les organismes tiers, en vue de déterminer quels types de compensations de charge de service public peuvent être considérés comme des aides licites, au sens du Traité, ou comme des aides d’État compatibles avec le marché intérieur et exemptées à ce titre de notification auprès de la Commission européenne.

La volonté des pouvoirs publics de développer la régulation contractuelle dans le secteur de l’aide à domicile, qui devrait conduire, dans un certain nombre de cas, au versement par les conseils généraux aux organismes contractualisés de dotations pour compensation des charges d’intérêt général, accroît les enjeux d’une bonne conformité aux règles communautaires.

Dans cette perspective, le projet de loi fait figurer dans le CASF les éléments devant impérativement être présents dans l’acte de mandatement, selon la Commission européenne : la nature et la durée des obligations de service public ; l’entreprise et, s’il y a lieu, le territoire concerné ; la nature des droits exclusifs ou spéciaux éventuellement octroyés ainsi que les paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation. Il faut signaler en surplus la demande de la Commission européenne de voir également mentionner la méthode de calcul des coûts utilisée pour évaluer les compensations pour charges d’intérêt général.

Par ailleurs, le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale précise les orientations nationales devant être prises en compte par les futurs CPOM : la qualification professionnelle, le développement des actions de prévention et le renforcement de la coordination entre les différents intervenants. Cette liste a été enrichie lors de l’examen du texte devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale puis lors de son examen en séance publique, par l’insertion des objectifs de promotion professionnelle et de promotion de la bientraitance.

CORRESPONDANCES ENTRE LES CATÉGORIES OBLIGATOIRES DES CPOM

Catégories obligatoires d’un CPOM prévues par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement

Catégories obligatoires d’un CPOM prévues par l’arrêté interministériel du 30 août 2012

1) Le nombre et les catégories de bénéficiaires pris en charge au titre d’une année

1) Le périmètre des activités (territoires, nombre de personnes dans la file active, amplitude d'ouverture) du service relevant du CPOM

2) Le territoire desservi et les modalités horaires de prise en charge

3) Les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre

5) Participation aux actions de prévention

bis) Les modalités de mise en œuvre des actions de prévention de la maltraitance et de promotion de la bientraitance

7) Nature des liens de coordination

2) La liste des missions d'intérêt général remplies par le service :

– les missions mentionnées aux articles L. 312-1-I (6° et 7°) et D. 312.6 du code de l'action sociale et des familles ;

– les autres missions d'intérêt général que le SAAD s'engage à remplir et les contraintes liées à leur exécution pouvant faire l'objet d'une compensation financière dans le cadre de la tarification.

4) Les paramètres de calcul, de contrôle, révision, récupération des financements

 

6) Les objectifs de qualification et de promotion professionnelle au regard des publics accompagnés et de l’organisation des services

3) Le niveau de qualification des personnels d'intervention en fonction notamment du niveau de classement en GIR des personnes âgées prises en charge et des personnels relevant des " fonctions support ".

8) Nature et forme des documents de suivi

4) Les indicateurs de référence communs aux services inclus dans l'expérimentation départementale en termes d'organisation permettant d'encadrer l'allocation de ressources (notamment du plafond des frais de structure, du niveau de qualification et d'encadrement, du territoire d'intervention)

9) Critères d’évaluation des actions

 

L’article 33 du texte adopté par l’Assemblée nationale favorise la structuration du secteur de l’aide à domicile en instaurant une procédure dérogatoire qui donne la possibilité aux services agréés d’obtenir le statut de service autorisé à leur demande et sans attendre le lancement d’un appel à projets par les conseils généraux.

Le bénéfice de cette procédure est toutefois conditionné à un renoncement définitif au régime de l’agrément pour les organismes concernés.

La coordination de la procédure avec le dispositif actuel est principalement assurée par la conclusion d’un CPOM avec le conseil général, qui est obligatoire, excepté en cas d’habilitation simultanée à accueillir des bénéficiaires de l’aide sociale.

Par cette disposition, les conseils généraux, qui ont la possibilité de s’opposer par avis motivé à l’autorisation d’une structure d’aide à domicile, définissent la politique départementale d’aide à domicile dans laquelle s’inscrira l’action des services nouvellement autorisés.

D’autre part, la signature d’un CPOM garantit la présence effective d’un mandatement au regard du droit européen en dépit du fait que le service ait été autorisé par dispense d’appel à projets. (34)

La durée de la période de transition au cours de laquelle sera ouverte la procédure d’autorisation dérogatoire a fait l’objet d’une discussion lors de l’examen du projet de texte en séance publique, à l’issue de laquelle cette durée a été ramenée de trois à deux ans.

C. UNE ÉTANCHÉITÉ TROP STRICTE AVEC LE DOMAINE DU SOIN

L’amélioration de la coordination des acteurs du secteur médico-social autour des personnes âgées est une nécessité au regard d’enjeux tant sociaux que financiers. Les défaillances actuelles du système d’information et de prise en charge conduisent, le plus souvent, à un recours abusif à l’hospitalisation ou au placement en établissement, qui sont coûteux et ne correspondent pas au souhait d’une majorité de personnes âgées. Accompagner davantage les ruptures ou les vulnérabilités temporaires (hospitalisations, veuvage) favorise la prévention de la perte d’autonomie.

Comme on l’a vu plus haut, le « parcours de santé des aînés » (PAERPA) a pour objectif d’améliorer la prise en charge des personnes âgées, en mettant fin aux difficultés ou ruptures dans leur prise en charge. En partant des besoins de la personne et de ses aidants, les différentes actions mises en œuvre visent ainsi à mieux coordonner les multiples intervenants en ville, à l’hôpital, ou dans le médico-social. En particulier, les professionnels de santé en ville s’organisent pour éviter un recours excessif à l’hospitalisation – souvent dommageable pour l’autonomie des personnes âgées. Il est expérimenté par neuf ARS depuis septembre 2013, sur la base d’un cahier des charges national.

Il reste néanmoins des freins à une pleine intégration des services à la personne dans ces parcours de santé.

1. Un cadre réglementaire et conventionnel trop rigide

Comme l’indique la Cour des comptes, les personnels de l’aide à domicile peuvent, pour une même tâche, connaître des modalités d’encadrement de leur travail différentes. Les organismes font face à un schéma de gestion complexe, mêlant cadre d’intervention, structure d’emploi, cadre réglementaire et règles de gestion des ressources humaines.

CADRE D’INTERVENTION DES PERSONNELS CONCOURANT
AU MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D’AUTONOMIE

Mode d’intervention

Structure d’emploi

Cadre réglementaire

Cadre de gestion des ressources humaines

Prestataire

Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD)

Autorisations (CASF)

Convention collective nationale de la branche de l’aide à domicile (associatif non lucratif)

Convention collective des établissements privés d’hospitalisation de soins, de cure et de garde à but non lucratif

Droit de la fonction publique (FPH ou FPT)

Services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD)

Autorisation (CASF) ou agrément (Code du travail)

Convention collective nationale de la branche de l’aide à domicile (associatif non lucratif)

Convention collective de la branche des entreprises de services à la personne

Droit de la fonction publique (FPH ou FPT)

Services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD)

Autorisation (CASF) ou autorisation et agrément (CASF et Code du travail)

Convention collective nationale de la branche de l’aide à domicile (associatif non lucratif)

Droit de la fonction publique (FPH ou FPT)

Mandataire

Particulier employeur

Convention collective du particulier employeur

Emploi direct

Source : Cour des comptes.

La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) est en charge du pilotage des politiques de solidarité. À ce titre, elle contrôle la légalité et les conséquences financières de tout accord collectif ou de branche concernant les établissements et services sociaux et médico-sociaux. L’agrément de l’accord peut d’ailleurs être refusé au nom de la préservation des finances publiques. Un taux d’évolution de la masse salariale est défini chaque année par la DGCS à la suite d’une conférence regroupant les partenaires sociaux du secteur et les élus locaux.

Outre la diversité des modes d’intervention et celle du cadre réglementaire, précédemment évoquée, les services à domicile à destination des personnes âgées en perte d’autonomie se caractérisent aussi par la diversité de leur cadre conventionnel. Outre les trois conventions collectives des branches des services à la personne, certains SSIAD appliquent la convention collective des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif. Les SSIAD publics sont quant à eux régis par le droit de la fonction publique. Enfin, des SSAD publics sont gérés par des communes ou des centres communaux d’action sociale (CCAS) en vertu du droit de la fonction publique territoriale. En pratique, selon la Cour, les 9/10e de l’aide au domicile des personnes fragiles sont assurés par les secteurs public et associatif.

2. De nombreux défis pour le développement d’une offre de services mixte : les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD)

Afin de favoriser une prise en charge coordonnée et globale des personnes âgées ou handicapées en perte d’autonomie, le décret n° 2004-613 du 25 juin 2004, codifié à l’article D. 312-7 du code de l’action sociale et des familles, a permis de regrouper au sein d’un même service, le service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD), les missions des SAAD et des SSIAD.

Ils proposent donc une prise en charge intégrée des bénéficiaires d’aide à domicile. Les avantages attendus sont nombreux : mieux intégrer les prestations de soin et d’aide à domicile, limiter le nombre d’interlocuteurs pour la personne âgée, libérer les infirmiers des tâches administratives, limiter l’isolement des prestataires de services d’aide à domicile qui seraient intégrés dans une même chaîne gérontologique, proposer des perspectives professionnelles aux salariés des SAAD, etc.

Le rapprochement de l’aide et du soin à domicile : une expérience pilote réalisée dans le département du Doubs

Depuis juillet 2014, le département du Doubs accueille la première équipe polyvalente d’intervenants à domicile regroupant plusieurs catégories d’intervenants professionnels assurant des missions en commun, sous la responsabilité d’un coordinateur. Cette expérience, après évaluation, devrait permettre de rendre concrète la possibilité ouverte par le décret du 25 juin 2004 de créer des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) qui n’avait jusqu’alors pas d’application pratique.

La réalisation des aides et des soins relève de professionnels, de modalités d’organisation et de financeurs différents, ce qui constitue une difficulté à résoudre. L’expérience veut aussi remédier à l’absence de polyvalence dans les interventions à domicile qui suscite des difficultés pour les bénéficiaires.

Le service polyvalent de l’AMSAD Léopold Bellan à Paris : l’aspiration à une prise en charge globale et coordonnée des soins et de l’accompagnement à domicile

L’association parisienne Léopold Bellan (créée en 1960) a longtemps géré un service d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) distincts. En 2007, cet établissement a mis en place un service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD) pour améliorer la coordination entre ces différents services intervenant souvent parallèlement chez les mêmes personnes.

Selon la coordinatrice de ce SPASAD, l’action du service a gagné en efficacité, et le dialogue entre soignants et auxiliaires de vie a été largement amélioré. Cependant, le fait que les services interviennent dans le cadre de modes de financement différents, de conventions collectives différentes et de fonctionnements différents nuit à la cohésion et la circulation de l’information qui pourraient encore être améliorées. L’évolution souhaitée par les dirigeants de cette structure serait de pouvoir bâtir une seule équipe, réunissant aides à domicile et soignants, sur la base d’un seul planning.

D’après le rapport de la Cour des comptes, le modèle de financement des SPASAD est cependant fragile. Ils font en effet l’objet d’une double tarification par les ARS et par les conseils généraux. Le pilotage de la structure est ainsi rendu complexe par l’existence de deux autorités tarificatrices concomitantes. De même, le regroupement des aides à domicile et des personnels de soins dans un même service oblige à une coordination des intervenants à domicile. Les frais occasionnés par ces besoins supplémentaires ne sont que très peu pris en compte par les autorités tarificatrices.

Au cours de la table ronde du 5 novembre 2014 sur l’organisation et la gouvernance du réseau des services de maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, M. Marc Bourquin, directeur du pôle médico-social de l’Agence régionale de santé Île-de-France, a soulevé la question d’un financement unique des SPASAD. M. Luc Broussy, représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF), estime que le niveau départemental doit être privilégié. Dans ces conditions, un financement unique impliquerait de déléguer des crédits de la sécurité sociale aux conseils généraux, ce qui n’est pas envisagé actuellement. La dualité de financement a donc vocation à se perpétuer et pose la question d’une amélioration de la gouvernance. Aujourd’hui, en dépit d’une bonne volonté partagée en Île-de-France, la coordination exige environ un an pour la prise d’une décision, selon M. Bourquin.

Afin de pallier les difficultés de gestion rencontrées par les SPASAD, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement propose la création, à titre expérimental, d’un « modèle intégré d’organisation, de fonctionnement et de financement » de ces services, dont la mise en place reposerait à la fois sur des modalités précisées par un cahier des charges et sur la signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) entre le service, le directeur général de l’ARS et le président du conseil général.

M. Marc Bourquin a aussi fait part de l’inquiétude des ARS qui craignent qu’une partie des moyens destinés aux aides-soignantes servent à couvrir les charges de services moins rémunérateurs ou structurellement déficitaires au sein du SPASAD. Selon Mme Nathalie Cuvillier (DGCS), les contrats d’objectifs et de moyens devront justement prévenir ce risque. Au niveau local, la signature d’un CPOM entre le service volontaire, le président du conseil général et le directeur général de l’ARS est un préalable indispensable à la mise en place d’un SPASAD expérimental. L’objet d’un CPOM, en vertu de l’article L. 313-11 du code de l’action sociale et des familles, est notamment de fixer les obligations respectives des parties signataires, et de prévoir les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis. Dans le cadre des expérimentations du modèle intégratif des SPASAD, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement définit spécifiquement quatre catégories de clauses obligatoires de ce CPOM (cf. encadré ci-dessous).

Les clauses obligatoires des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens relatifs aux SPASAD selon le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement

1.– Le contrat doit organiser les modalités de coordination des soins, des aides et de l’accompagnement des personnes âgées ou handicapées. Il confie à un infirmier, employé par le service, le soin de mieux articuler les différentes interventions, afin de pallier le manque de synchronisation relevé dans l’organisation actuelle des SPASAD. L’infirmier coordonnateur sera en charge d’élaborer le plan individualisé de soins, d’aides et d’accompagnement ; son action devrait ainsi permettre d’harmoniser l’intervention de l’ensemble des professionnels de santé intervenant à domicile et d’améliorer sensiblement la qualité de la prise en charge des personnes dépendantes.

2.– Les parties doivent s’accorder, dans les termes du contrat, sur le financement des activités d’aide à domicile : tarifs horaires, dotation globale ou forfait global – qui est l’une des modalités de financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile prévues dans le cadre des expérimentations prévues à l’article 32 du projet de loi – tels que déterminés par le président du conseil général.

3.– En ce qui concerne les activités de soins infirmiers à domicile, le contrat devra fixer la dotation globale de soins infirmiers, telle que déterminée par le directeur général de l’agence régionale de santé.

4.– Enfin, les différentes parties au contrat doivent s’entendre sur « la définition des actions de prévention » mises en place par le SPASAD, ainsi que sur « leurs modalités de mise en œuvre et de suivi ». Il est également précisé que les modalités de répartition du financement de ces actions entre le département et l’agence régionale de santé sont déterminées dans le contrat.

D’autres freins méritent toutefois un surcroît d’attention. En particulier, la question de la couverture territoriale des SPASAD mérite d’être abordée, les périmètres des services de soins infirmiers et ceux des services d’aide et d’accompagnement à domicile ne se recoupant pas forcément. La question de la coordination avec les services évaluateurs du conseil général pourrait aussi être posée. Au cours de la table ronde du 5 novembre, Mme Jingyue Xing, chercheure à l’École normale supérieure, a proposé la constitution de pôles médicaux-sociaux, sur le modèle des centres locaux de services communautaires (CLSC) du Québec qui sont à la fois prescripteurs et offreurs de services à la personne. Les conseils généraux pourraient déléguer la révision du plan d’aide à des infirmiers coordonnateurs de ces centres, qui seraient en quelque sorte la réunion des centres locaux d’information et de coordination (CLIC) et des SPASAD.

III. LA RÉFORME DU SYSTÈME DE TARIFICATION DES PRESTATIONS DONT BÉNÉFICIENT LES PERSONNES ÂGÉES AU TITRE DE L’APA

Le système de tarification des services d'aide à domicile pour les personnes âgées dépendantes est un instrument de régulation devenu central dans l’économie de ce secteur d’activité. Cependant, la responsabilité que porte ce système dans la crise actuelle traversée par les services d’aide à domicile est aujourd’hui dénoncée par un grand nombre d’acteurs.

A. UN FONCTIONNEMENT QUI ATTEINT SES LIMITES, TANT POUR LES PRESTATAIRES QUE POUR LES BÉNÉFICIAIRES

1. Une procédure unique, une mise en œuvre variée

La procédure de tarification administrée ne s’applique qu’aux services ayant opté pour l’autorisation et ayant été autorisés par le conseil général.

a. La procédure de la tarification

L’article R. 314-130 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les services d'aide à domicile autorisés font l'objet de tarifs horaires fixés par le président du conseil général de leur département d'implantation. Les sommes versées au titre de l’APA sur la base de ces tarifs horaires sont versées mensuellement à terme échu.

Pour permettre la fixation des tarifs horaires, le service distingue au sein de ses propositions budgétaires :

– les dépenses afférentes aux rémunérations des aides et employés à domicile ;

– les dépenses afférentes aux rémunérations des personnes qui coordonnent, encadrent ou apportent leur soutien aux agents mentionnés ci-dessus ;

– les frais de structure du service : ceux-ci représentent les dépenses de direction, de gestion et d'administration générale, et notamment les frais de déplacement des personnels. Elles sont égales à la différence entre, d'une part, les charges du service, éventuellement majorées ou minorées de la reprise du résultat d'exercices antérieurs, et d'autre part, la somme des rémunérations des personnes intervenant à domicile.

Si ces dépenses sont communes à d'autres services de la même personne gestionnaire, il est joint aux propositions budgétaires du service un tableau qui permet la répartition de ces charges communes. Dans le cadre de la procédure contradictoire, le président du conseil général peut obtenir, sur sa demande, les documents comptables relatifs aux autres services.

Le tarif horaire des aides et employés à domicile est obtenu en divisant le montant des dépenses afférentes aux rémunérations des aides et employés à domicile, dont le président du conseil général accepte la prise en charge, par le nombre annuel d'heures prévisionnelles d'intervention, et en ajoutant à ce rapport le coût horaire de structure et le coût horaire de coordination, d'encadrement et de soins.

La rémunération du service d'aide à domicile peut, par dérogation aux dispositions de l'article R. 314-130 mentionnées plus haut, s'effectuer sous la forme d'une dotation globale de financement.

b. Une mise en œuvre variable selon les départements

Les départements qui pratiquent une tarification par service témoignent généralement d’une volonté d’utiliser la procédure de tarification pour maîtriser les coûts des services à domicile, ainsi que le souligne le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2010. Cette volonté se manifeste par une étude de l’ensemble des charges des services d’aide à domicile, pouvant aboutir au rejet de certaines charges, ainsi que par des demandes d’audit des structures afin d’en voir améliorer la gestion et l’efficacité.

La mission de l’IGAS effectuée en 2010 avait constaté un écart de tarifs allant de 13,05 euros/heure à 25,17 euros/heure. L’écart entre les tarifs départementaux moyens était à cette date de 16,24 euros à 19,65 euros. La différence entre les tarifs, qui relève de la marge d’appréciation laissée par le décret aux autorités de tarification, provient des écarts de coûts de revient constatés, aux pratiques de tarification différentes, ainsi qu’à l’absence de référence nationale commune.

Le cadre de la gestion diffère également. Ainsi certains départements s’appuient sur des référentiels locaux (dont les indicateurs de référence sont parfois fixés à des niveaux très différents). La reprise des déficits ou des excédents fait aussi l’objet d’une pratique différente : certains départements acceptent de reprendre les déficits, d’autres ne le font que de manière exceptionnelle.

Selon le rapport de l’IGAS, le dialogue de gestion organisé par la réglementation du code de l’action sociale et des familles sur la tarification est souvent perçu comme excessivement unilatéral par les services d’aide à domicile, qui comprennent mal le refus de prendre en compte certaines dépenses et cela, malgré l’existence d’un référentiel.

2. Une tarification trop complexe

Dans le contexte particulier des aides à domicile, le niveau des tarifs affichés détermine la participation financière des personnes âgées au financement de leur prise en charge (notion de ticket modérateur) et oriente les personnes âgées, dans leur choix de recourir aux différentes formes d’emploi possibles : emploi de gré à gré, recours à un organisme mandataire, recours à un service agréé ou recours à un service autorisé.

Ainsi que l'ont montré les rapports successifs de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2010 (35) et de Mme Bérengère Poletti (36), dans le cadre de la mission qu'elle a réalisée sur ce sujet à la demande de la ministre de la santé et des affaires sociales en 2011, c’est l’imbrication des différents rôles que jouent les tarifs administrés dans le cadre de la mise en œuvre de l'APA qui fait la complexité de la régulation du champ des services d’aide à domicile pour les pouvoirs publics.

Outre leur rôle traditionnel de financement des charges des services à domicile, décrit par les articles R. 314-130 à R. 314-134 du code de l’action sociale et des familles, les tarifs servent également, dans le silence des textes réglementaires, de base de calcul pour :

– la détermination du coût des plans d'aide mis en place dans le cadre de l'APA ;

– le versement de l’APA à domicile par les conseils généraux une fois les interventions à domicile exécutées.

Les tarifs administrés des services d’aide à domicile exercent de fait une triple fonction dans la régulation économique de ce secteur, dont les modalités d’action sont décrites dans le graphique ci-dessous.

LES DIFFÉRENTS CHAMPS RÉGLEMENTAIRES RÉGISSANT LA TARIFICATION DES SERVICES D’AIDE À DOMICILE

Les différentes fonctions des tarifs ont des effets contradictoires :

– la fonction de financement des tarifs administrés conduit à souhaiter qu’ils soient suffisamment hauts pour couvrir les charges des services à domicile (incitation à la hausse) ;

– leur fonction de tarif de référence lors de l’établissement du plan d’aide (ou tarif « de valorisation ») conduit à souhaiter que les tarifs horaires soient assez bas pour permettre de programmer un nombre suffisant d’heures d’aide à domicile dans le respect des plafonds financiers de l’APA (incitation à la baisse) ;

– leur fonction de base de remboursement conduit à souhaiter qu’ils soient modérés pour limiter le montant des dépenses du conseil général et des restes à charge assumés par les bénéficiaires de l’APA (incitation à la baisse).

3. Des tarifs globalement trop faibles

a. L’augmentation des coûts d’intervention

Les organismes d’aide à domicile, opérant une activité de service composée à 90 % de coûts salariaux, supportent des coûts d’intervention dont la charge peut s’aggraver sensiblement sous l’influence parfois très indirecte de certains facteurs. Les responsables des services d’aide à domicile rencontrés par les rapporteures ont souligné que l’impact sur leur équilibre financier des décisions relatives à la gestion des ressources humaines leur paraissait souvent sous-estimé : il en est ainsi de la mise en œuvre du compte pénibilité, de l’encadrement du temps partiel et des nouvelles dispositions des conventions collectives, par exemple.

Les données extraites du système comptable national de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile montrent qu’en considérant les seuls coûts directs des interventions (hors frais de structure et coûts administratifs), près d’un tiers de ces coûts ne sont pas directement attachés aux interventions réalisées.

DÉCOMPOSITION DU COÛT DIRECT D’UNE INTERVENTION

Coût direct total

18,36 €/h

- dont coût salarial au taux de base

12,20 €/h

- dont heures improductives (1)

3,08 €/h

- dont impact qualification et ancienneté

1,65 €/h

- dont trajets (frais et temps)

1,43 €/h

(1) heures improductives : heures perdues dans le cadre de la modulation, heures de formation.

Source : Extraction ARGOS au 10/06/2014.

DÉCOMPOSITION DES COÛTS D’INTERVENTION NON SALARIAUX

Heures improductives

Annualisation

0,08 €/h

Professionnalisation (1)

0,29 €/h

Qualification/Ancienneté

Qualification

0,56 €/h

Ancienneté

1,09 €/h

Trajets

Temps de trajet

0,77 €/h

Frais de déplacement

0,66 €/h

(1) Professionnalisation : formation, réunions d’équipe, groupe de parole.

Source : Extraction ARGOS au 10/06/2014.

D’autres facteurs de coûts agissent de façon plus insidieuse. Ainsi en est-il de la politique de fragmentation des temps d’intervention mise en œuvre par certains conseils généraux pour maîtriser la croissance des heures d’aide à domicile programmées. Dans l’un des départements visités par les rapporteures, les interventions de moins d’une heure représentent 40 % à 45 % de l’ensemble des interventions réalisées par certaines associations d’aide à domicile. En termes de coût de revient, deux interventions d’une demi-heure sont nettement plus coûteuses qu’une intervention d’une heure, alors qu’elles sont parfaitement équivalentes du point de vue du financeur qui applique la tarification horaire : il faut non seulement prendre en compte le doublement des frais de déplacement, mais également le temps pris par les tâches redondantes et la multiplication des problèmes d’inter-vacations (temps improductif entre deux interventions).

b. Des revalorisations de tarifs insuffisantes

Dans son principe, la procédure de tarification des services autorisés tient compte de l’ensemble des coûts des services autorisés tels qu’ils ont été constatés l’année précédente et l’incidence des facteurs d’augmentation des coûts devrait être neutralisée par la procédure de reprise des déficits.

Pourtant, les services d’aide domicile rencontrés par les rapporteures ont souligné que, dans la pratique, des charges pouvaient ne pas être reprises par les conseils généraux, auxquels le code de l’action sociale et des familles donne la possibilité d’en écarter certaines lors de la détermination des tarifs.

Ainsi, les tarifs des services autorisés auraient souvent progressé ces dernières années moins rapidement que l’augmentation des coûts constatés : certains facteurs d’accroissement des coûts, tels que les augmentations salariales réglementaires (37) ou des obligations découlant des conventions collectives récemment introduites, n’ont pas pu être intégralement répercutées dans les tarifs appliqués par des services autorisés. La responsable d’une association d’aide à domicile dans un département visité par les rapporteures a fait état d’une augmentation annuelle moyenne de 1,9 % de ses tarifs horaires entre 2008 et 2014, alors que pendant la même période le ministère de l’économie et des finances autorisait, par arrêté, une augmentation annuelle maximum de 2,6 % des tarifs des services autorisés.

Les déficits nés d’un écart grandissant entre les recettes et leurs charges se seraient donc aggravés du fait de l’utilisation de la procédure de tarification aux fins de restrictions budgétaires départementales.

c. Une stabilisation des aides accordées au titre des plans d’aide

Certains responsables de services à domicile rencontrés par les rapporteures ont fait le constat d’une stabilisation du nombre de bénéficiaires de l’APA à domicile et d’une baisse du montant global des plans d’aide. Ce contexte nouveau, après les années de forte croissance entre 2005 et 2009 (38), avive la concurrence entre les services qui ne peuvent pas espérer une augmentation de leur volume d’activité pour couvrir leurs frais de structure.

Depuis 2009, les dépenses de l’APA à domicile continuent de progresser au niveau national, mais à un rythme inférieur de moitié au rythme d’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’APA (1,6 % contre 3,2 % par an). Entre 2007 et 2011, les montants médians des plans d’aide notifiés ont ainsi diminué de 4 %, baisse principalement concentrée pour les plans des bénéficiaires évalués en GIR 4 (réduction de 9 % du montant moyen des plans).

L’INSEE a analysé plus précisément les liens entre l’augmentation du nombre de bénéficiaires et la baisse du montant moyen des plans notifiés. (39)

ÉVOLUTION DE LA DISTRIBUTION DES RESSOURCES MENSUELLES
DES BÉNÉFICIAIRES DE L’APA ENTRE 2007 ET 2011

Source : Les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile et leurs ressources en 2011, Mélanie Bérardier février 2014.

Les travaux de Mme Mélanie Bérardier montrent qu’entre 2007 et 2011, les effets du renouvellement de la population des bénéficiaires de l’APA auraient dû induire au contraire une augmentation du montant moyen des plans d’aide. Depuis 2007, il apparaît en effet que les personnes âgées introduisant une nouvelle demande d’allocation personnalisée d’autonomie à domicile bénéficient de revenus en moyenne plus élevés, ce qui induit statistiquement des plans d’un montant plus élevé (40) et une baisse de la part à la charge des conseils généraux, une fois déduit le montant du ticket modérateur. (41) Ainsi, la part des personnes non soumises au ticket modérateur, du fait de la faiblesse de leurs ressources, dans l’ensemble des bénéficiaires de l’APA à domicile, s’est réduite de 23 % en 2007 à 16 % en 2011.

4. Les effets conjugués du faible niveau des tarifs et de la rigidité de la tarification

La conjonction de la faiblesse et de la rigidité excessive des tarifs a produit des effets pervers.

a. La mise sous pression des plans d’aide

L’augmentation des tarifs se répercute sur le volume des heures inscriptibles dans les plans d’aide aux personnes âgées les plus dépendantes.

Les personnes âgées ayant les besoins d’aide les plus importants ne peuvent bénéficier d’un volume d’heures suffisant si les tarifs de référence utilisés sont élevés. L'impact de ce phénomène lié à la saturation des plans d'aide a été évalué dans le rapport de Mme Bérengère Poletti. (42) Les calculs montrent par exemple que, si le tarif de référence passe de 18,80 euros l'heure à 22 euros l’heure, le volume d'heures possible diminue de 67 heures à 57 heures pour les personnes les moins autonomes (GIR 1).

Du fait de la saturation des plans d’aide pour les personnes les plus dépendantes (43), on observe aujourd’hui dans un grand nombre de départements un mouvement de contournement de la grille tarifaire : les personnes dont le plan d’aide atteint le plafond réglementaire (44) recourent à un emploi de gré à gré ou à des mandataires plutôt qu’à des structures, dans le seul but d’augmenter le nombre d’heures d’aide à domicile mobilisables.

b. Une forfaitisation des coûts excessive

La formule du tarif horaire, établie comme le régime tarifaire de droit commun pour les services autorisés par l'article R. 314-130 du code de l’action sociale et des familles, suppose une forfaitisation de certaines charges – les frais de déplacement et les heures d’encadrement ou de formation – préjudiciable aux capacités d’adaptation des services d'aide à domicile. Il convient de souligner le caractère prévisionnel de la procédure de tarification, effectuée à partir du montant des charges de même nature observées lors des exercices comptables précédents.

L’heure d’intervention choisie comme unité de financement a évidemment un coût de revient variable : une heure d’intervention le dimanche chez une personne âgée vivant dans un village reculé et n’ayant besoin que d’une heure d’aide à la toilette coûte beaucoup plus cher qu’une heure d’intervention en semaine chez une personne vivant à proximité des bureaux du service d’aide et recevant trois heures d’affilée.

Aussi le coût de revient moyen d’une heure d’intervention est-il largement lié à la structure d’ensemble de l’activité du service : plages hebdomadaires d’intervention, rayon géographique d’intervention, intervention de personnels qualifiés…

Une partie des conseils généraux distinguent deux tarifs d’intervention selon le jour d’intervention ; certains font une distinction selon la catégorie d’intervenants. Pourtant, la localisation de la personne aidée ne semble jamais prise en compte par les conseils généraux, alors que la question des coûts de déplacement devient de plus en plus incontournable. Les frais de déplacement peuvent en effet représenter entre 1 % et 7 % de l'ensemble des charges budgétaires en fonction de la couverture géographique du service. Cette absence de prise en compte peut nuire à la prise en charge de certaines personnes âgées trop isolées géographiquement afin de maîtriser le coût horaire moyen des prises en charge. Le risque de sélection des bénéficiaires sur un critère géographique est réel.

Il serait en conséquence souhaitable de modifier la nomenclature de tarifs horaires pour avoir une information sur l’éloignement du lieu d’intervention par rapport à l’implantation du service. De même, il conviendrait de tenir compte des coûts de rémunération liés aux interventions les dimanches et jours fériés.

La reprise du déficit annuel par le conseil général, dans le tarif de l’année suivante, est certes un moyen de neutraliser le risque financier lié à la variation de la structure d’activité. Cependant cette compensation ne corrige pas les surcoûts d’intervention, se fait avec délai, et elle n’est pas systématique.

c. Des restes à charge plus élevés que prévu

Les restes à charge payés par la personne dépendante ou sa famille sont d’un montant plus variable que ne le prévoyait initialement la réglementation, fondée sur l’idée du paiement d’un ticket modérateur calculé en fonction des ressources des bénéficiaires. Le reste à charge moyen était évalué en 2011 à 570 euros pour les personnes aidées à domicile, montant à comparer avec le reste à charge moyen lors du placement de la personne dépendante en établissement, qui était alors de 2 300 euros.

Selon le rapport sur la dépendance publié en 2010 par Mme Valérie Rosso-Debord (45), le reste à charge mensuel moyen serait, à domicile, de 350 euros, tandis qu'en établissement, les familles déboursent entre 2 200 euros et 2 900 euros mensuels.

À l’heure actuelle, la participation financière des bénéficiaires des plans d’aide à domicile dépend de la politique décidée par le conseil général. Les rapporteures ont ainsi pu constater l’importance de ce facteur sur le recours effectif des bénéficiaires à l’intégralité du plan d’aide.

Dans les départements où les heures d’aide ne sont pas remboursées à hauteur des factures établies par les services d’aide à domicile mais sur la base du tarif de référence départemental, le taux de non recours augmente significativement, pour des raisons essentiellement financières. Ainsi dans le département de Seine-Saint-Denis, visité par les rapporteures le 25 mai 2014, le taux de non consommation des heures prévues est de 25 %, alors qu’il est de 15 % des heures programmées au niveau national.

Les rapporteures ont également constaté de grandes différences en ce qui concerne la politique de récupération des restes à charges non payés par le bénéficiaire ou sa famille. Certains départements s’efforcent de récupérer les sommes dues en adressant des courriers de rappel à la famille de la personne dépendante, puis en l’assignant en justice sur la base des dispositions du code civil relatives à l’obligation alimentaire due aux parents. Dans d’autres départements en revanche, le financement du reste à charge ne semble pas constituer une difficulté, et lorsqu’il n’est pas honoré par le bénéficiaire ou par sa famille, le conseil général ne se retourne pas contre les débiteurs.

Les restes à charges impayés peuvent également peser dans la gestion des services à domicile. Lors de la visite des rapporteures dans le département du Pas-de-Calais, le 1er juillet 2014, des responsables des services à domicile ont ainsi fait part de leurs interrogations sur leur capacité juridique à interrompre un contrat d’aide à domicile avec un bénéficiaire de l’APA qui refuserait, en toute connaissance de cause, de régler son ticket modérateur.

Ces effets pervers se sont accrus récemment sous l’effet de facteurs tels que la baisse du montant des plans d’aide et la réduction des soutiens apportés par les communes à des services à domicile publics ou associatifs. La contrainte financière est donc devenue plus lourde pour un certain nombre de services autorisés, confrontés à des problèmes de financement accrus alors que la pluralité des fonctions jouées par les tarifs administrés rend difficile l’ajustement rapide de ces tarifs.

Proposition n° 15 des rapporteures : adapter le dispositif de tarification des plans d’aide à domicile pour les bénéficiaires de l’APA :

– prévoir dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) un plafonnement du nombre d’interventions inférieures ou égales à une demi-heure ;

– afin d’éviter le risque de sélection des bénéficiaires de l’aide à domicile sur un critère géographique, prévoir dans la nomenclature des interventions une information sur la localisation du bénéficiaire ;

– ouvrir la possibilité d’appliquer un tarif pour les dimanches et les jours fériés intégrant les suppléments de coûts de rémunération pour les intervenants, considérant que le coût horaire est 25 % supérieur pour ces prestations.

B. UN CONTEXTE D’EXPÉRIMENTATIONS ET DE RÉFORMES

Fin 2011, le Parlement a ouvert la voie à la mise en œuvre de nouvelles modalités de tarification en autorisant, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, des expérimentations par les conseils généraux qui le souhaitent, pour une durée limitée à 3 ans. L’article 150 de cette loi de finances institue le principe d’un cadre expérimental pour les conseils généraux qui souhaiteraient mettre en place un dispositif alternatif à celui de tarification horaire défini aux articles R. 314-130 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

Les limites de ce cadre expérimental ont été précisées par un arrêté interministériel du 30 août 2012. Cet arrêté indique que les tarifications expérimentales sont mises en œuvre avec les services d’aide à domicile volontaires par voie contractuelle, sous la forme d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) pour les services autorisés ou d’une convention pour les services agréés.

1. Les dispositifs expérimentaux de tarification alternative

Les expérimentations engagées doivent respecter les principes énoncés dans un cahier des charges annexé à l’arrêté. Celui prévoit deux types de tarification expérimentale. La première reprend un modèle promu par l’Assemblée des départements de France et qui repose sur le paiement d’une dotation annuelle globale aux services d’aide à domicile contractualisés, couvrant les frais de fonctionnement de ces structures. Le second type de tarification envisagé par l’arrêté interministériel maintient le principe d’une tarification en fonction des heures réalisées. Les informations transmises par les services des conseils généraux montrent cependant que les expérimentations engagées jusqu’à présent ne se sont jamais inspirées du deuxième type de tarification proposée.

Les annexes I et II de l’arrêté interministériel définissent les lignes forces du nouveau modèle tarifaire promu par l’Assemblée des départements de France, sachant que dans la pratique, les conseils généraux « expérimentateurs » n’ont repris qu’en partie ces axes.

Les principales caractéristiques du modèle tarifaire décrit dans les annexes I et II du cahier des charges sont les suivantes.

a. L’abandon du cadre horaire pour la facturation des prestations accomplies par les services d'aide à domicile

L’arrêté reprend la possibilité ouverte par l’article R. 314 -39, selon lequel les services signataires d’un CPOM peuvent recevoir une dotation globale en lieu et place du remboursement horaire prévu par les articles R. 314-130 à R. 314-134.

Dans cette hypothèse, une dotation globale se substitue au tarif horaire pour le financement des services. Cette dotation globale permet de financer à concurrence de leurs besoins de financement les services à la personne sans avoir à augmenter le niveau des tarifs servant de base à l’établissement des plans d’aide et au calcul du reste à charge pour les bénéficiaires.

b. Une forfaitisation sur la base des prestations programmées

Le versement d’une dotation globale prenant en considération l’activité des services d’aide à la personne sur l’ensemble de l’année s’accompagne du paiement aux services d’aide à domicile adhérents des prestations telles qu’elles sont programmées et non plus réalisées.

La dotation globale annuelle préconisée par l'Assemblée des départements de France s'apparente ainsi à un paiement forfaitaire, calculé sur la base des plans d'aide acceptés par toutes les parties – bénéficiaires, conseil général et services d'aide à domicile adhérents.

La volonté exprimée par les pouvoirs publics est de résoudre les problèmes financiers liés à l’existence des « heures perdues » que représentent les interventions programmées dans le planning des services mais non réalisées par le fait des bénéficiaires (portes closes, périodes d’hospitalisation, renoncement des bénéficiaires …). Ces heures perdues n’étaient jusqu’à présent payées ni par les conseils généraux ni par les bénéficiaires, alors qu’elles sont considérées comme un facteur des déficits financiers que connaissent les services d’aide à domicile.

Selon le nouveau dispositif promu par l’Assemblée des départements de France, les interventions inscrites dans un plan d’aide proposé à un bénéficiaire de l’APA serviraient de base de calcul pour la contribution financière du conseil général autant que pour celle du bénéficiaire du plan d’aide, par dérogation notamment à l’article R. 232-11 du code de l’action sociale et des familles. (46)

En ce qui concerne la participation du conseil général, un dispositif global vérifie que la souplesse accordée dans l’exécution des plans d’intervention ne conduit pas à une baisse du nombre d’heures réalisées par les services d'aide à domicile adhérents. Le cahier des charges interministériel prévoit ainsi que le forfait annuel fait l'objet de versements mensuels à hauteur de 90 % de son montant, le solde étant débloqué en fin d'année en fonction de la réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés dans le cadre des CPOM.

c. Des responsabilités accrues pour les services, en tant qu’acteurs des politiques départementales

En contrepartie de cet assouplissement de leurs contraintes financières, les services d’aide à domicile se voient attribuer des responsabilités plus importantes, qui font de ces acteurs de nouveaux partenaires de la politique départementale de la prise en charge des personnes âgées à domicile.

Le cahier des charges interministériel prévoit ainsi qu'une fois définis les objectifs quantitatifs d'intervention du plan d'aide, les services d'aide à la personne ont la latitude d'adapter leurs interventions en fonction des besoins du bénéficiaire, autant à la baisse (départ en vacances ou hospitalisation,...) qu'à la hausse (dégradation de l'état de dépendance), dès lors que ces adaptations sont limitées et ne justifient pas une révision du plan d'aide. D'une manière plus générale, il appartient au service d'aide à domicile d'informer les services du conseil général des changements dans la situation des bénéficiaires pouvant motiver un réexamen de celle-ci par les services départementaux.

Le cahier des charges précise en outre que les services d'aide à domicile adhérents peuvent également être mandatés pour devenir l'interlocuteur des usagers en matière d'aménagement du logement et de gestion des aides techniques.

2. L'accélération de la refondation de l’aide à domicile aux personnes âgées par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement

Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, déposé le 3 juin 2014 à l’Assemblée nationale et adopté par cette dernière en première lecture le 17 septembre 2014, inscrit dans le cadre de la démarche de régulation contractuelle les expérimentations tarifaires déjà engagées par certains conseils généraux sur la base de l’article 150 de la loi de finances pour 2012. Ces conseils généraux sont au nombre de 13 selon les résultats de l’enquête réalisée par les rapporteures. (47) Le projet de loi prévoit une évaluation nationale de ces expérimentations au cours de l’année 2015.

La période fixée par l’arrêté interministériel du 31 août 2012 autorisant les conseils généraux à initier une expérimentation tarifaire se terminait originellement au 31 décembre 2013. Elle a été prolongée d’une année supplémentaire par un arrêté interministériel en date du 6 janvier 2014.

Dans le projet de loi, le Gouvernement avait prévu, à l’article 32, d’autoriser le lancement de nouvelles expérimentations tarifaires dans l’année suivant la publication de la loi, mais pour une durée limitée à une seule année.

Le même délai d’une année s’imposait également aux expérimentations déjà engagées, ce qui aurait entraîné une réduction significative de la durée normalement prévue pour les expérimentations, dont certaines sont très récentes, voire en sont encore au stade du lancement, comme le montrent les informations recueillies par les rapporteures auprès des conseils généraux.

DATE DE DÉMARRAGE DES EXPÉRIMENTATIONS PAR LES CONSEILS GÉNÉRAUX, INTERROGÉS PAR LA MISSION D’ÉVALUATION DU CEC,
AYANT UN TERME NORMAL DE TROIS ANNÉES

 

Nature de l’acte contractuel

Début de la démarche de contractualisation

01 Ain

CPOM

2012

02 Aisne

CPOM

2014 (fonctionnement sous dotation globale depuis 2005)

16 Charente

CPOM

2013

22 Côtes d’Armor

CPOM (2 types)

2011

25 Doubs

CPOM

2005

37 Indre-et-Loire

n.r.

en projet

38 Isère

convention pluriannuelle

2009

46 Lot

n.r.

2012

48 Lozère

n.r.

en projet

54 Meurthe-et-Moselle

CPOM

2013

62 Pas-de-Calais

CPOM

2005

66 Pyrénées-Orientales

(CPOM)

en projet

72 Sarthe

CPOM

2013

Sur la base de ces informations, l’Assemblée nationale a adopté un amendement modifiant l’articulation entre les expérimentations et l’évaluation de ces expérimentations que le Gouvernement présentera devant le Parlement en 2015 : alors qu’il était initialement prévu que la phase d’évaluation serait engagée à la fin des expérimentations, la durée de celles-ci étant réduite pour raccourcir le calendrier, il a été décidé que l’évaluation serait conduite au plus tôt après la promulgation de la loi, sans attendre la fin des expérimentations.

Lors de l’examen du texte en séance publique, le Gouvernement a également présenté un amendement, adopté par l’Assemblée nationale, incluant dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) les modalités de solvabilisation des personnes utilisatrices des services résultant, le cas échéant, des expérimentations prévues par la loi de finances pour 2012. Cette disposition, précise le Gouvernement dans l’exposé des motifs de l’amendement, vise à permettre d’inclure dans les CPOM un règlement forfaitaire du ticket modérateur dû par la personne âgée, dès lors que le service d’aide à domicile relève d’une expérimentation au titre de la loi de finances pour 2012 et applique déjà ce mode de règlement. Cette disposition permet donc d’assurer la pérennité complète des expérimentations actuellement engagées, au-delà du terme des trois années initialement prévu, en fournissant une base juridique claire aux systèmes de paiement forfaitaire actuellement expérimentés.

3. La modernisation de la télégestion

La télégestion fait partie des outils de gestion ayant vocation à être adoptés dans le cadre des CPOM. En automatisant les relevés de temps de présence des intervenants à domicile, la télégestion représente un atout indéniable dans l’amélioration de la qualité des services d’aide à domicile, et dans la transparence entre les structures et les conseils généraux, qui peuvent ainsi avoir une information plus fiable sur l’effectivité des prestations payées. Il s’agit de remplacer le contrôle du service fait, traditionnellement opéré grâce à des feuilles de vacation ou de présence, par un contrôle téléphonique.

Au cours d’une table ronde organisée le 2 octobre 2014, Mme Michèle Debonneuil a alerté sur l’obsolescence de nombre de projets de déploiement de la télégestion conduits par les conseils généraux, appuyés sur le téléphone fixe. Dans un tel système, l’intervenant signale son arrivée en composant un numéro gratuit depuis le poste téléphonique du bénéficiaire. En fin d’intervention, l’intervenant rappelle le numéro gratuit et signale son départ. Plusieurs organismes de services à la personne estiment que ce mode de télégestion est déjà obsolète au regard des possibilités offertes par les téléphones portables, notamment la géolocalisation. Ils signalent en outre qu’un système appuyé sur le téléphone fixe permet rarement de comptabiliser l’intégralité du temps consacré au service : concrètement, il se passe souvent plusieurs minutes entre l’arrivée de l’intervenant et son coup de téléphone. Mme Debonneuil regrette que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne joue pas un rôle plus moteur dans la modernisation et l’harmonisation des systèmes de télégestion développés par les conseils généraux, qu’elle contribue à financer à hauteur de 50 %, ainsi que, plus largement, des systèmes d’information des fédérations d’associations.

Selon Mme Debonneuil, la CNSA finance en effet les systèmes d’information des quinze fédérations d’associations, chaque système étant différent. Dans toutes les régions où se trouvent les représentants des quinze fédérations d’associations, les conseils généraux doivent travailler avec quinze structures différemment organisées, souvent incapables d’établir des plans d’aides et d’effectuer les contrôles nécessaires. Ce manque d’organisation et de standardisation entraine une situation confuse et un gaspillage financier qui pourrait être évité, selon Mme Debonneuil.

Par le passé, la direction générale des entreprises (DGE, ex-DGCIS) aurait tenté de mettre en place un système unique, commun aux associations et aux entreprises, que les conseils généraux et les fédérations auraient pu s’approprier afin de créer une organisation efficace et de permettre aux associations de se mettre à niveau et de concurrencer plus facilement les entreprises. Après sept années de travail, cet outil avait été conçu. Mais aujourd’hui, seule la Corse du Sud l’expérimente, selon Mme Debonneuil, qui a ajouté que les fédérations étaient très réticentes à utiliser ce système et qu’il était extrêmement difficile, dans une situation déjà confuse et sans soutien de l’État, de mener un projet coopératif. Il faudrait aujourd’hui parvenir à mettre en place un groupe de travail qui permette à ceux qui ont déjà adopté le nouveau système de témoigner.

La CNSA accompagne à travers des démarches contractuelles et des financements les actions de modernisation du secteur à hauteur de 60 à 75 millions d’euros par an. Elle a contractualisé avec environ 80 départements. Le choix de ne pas contractualiser peut s’expliquer par le fait que certains conseils généraux estiment être auto-suffisants mais aussi par le fait que certains conseils généraux éprouvent des difficultés pour formaliser un plan d’action. La contractualisation se fait en effet sur la base d’un plan pluriannuel structuré, qui s’appuie sur des acteurs de terrain, accompagné d’un plan de financement.

Selon Mme Geneviève Gueydan, directrice de la CNSA et M. Étienne Deguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie, la CNSA a accompagné l’association Édisanté pour la définition d’un référentiel en matière de télégestion, appelé Esppadom, en lien avec des conseils généraux et des éditeurs informatiques, en particulier ceux qui sont prestataires des départements pilotes. 27 conseils généraux dont les 6 pilotes et volontaires ont participé aux travaux conduits. La CNSA est représentée au comité de pilotage. La convention conclue en septembre 2013 pour 15 mois est en cours d’exécution. Elle prévoit une subvention de la CNSA de 0,39 million d’euros. Dans le cadre des conventions pluriannuelles au titre de la section IV actuellement en cours d’exécution (conventions conclues depuis 2012), la télégestion (qu’il s’agisse de son déploiement ou en amont de la réalisation d’audit) est un axe de modernisation retenu par 42 conseils généraux. Progressivement, au fur et à mesure des conventions signées avec les conseils généraux, la CNSA leur demande de reprendre le référentiel Esppadom.

Mme Gueydan et M. Deguelle ont toutefois admis que la CNSA pourrait peut-être étudier une modulation des cofinancements en fonction de la formule de télégestion adoptée et du respect du référentiel Esppadom.

Dans les années à venir, de nouvelles difficultés pourraient toutefois survenir en lien avec la difficulté, éprouvée par certains conseils généraux, à financer la part du plan d’action restant à leur charge. Déjà aujourd’hui, dans l’application de certaines conventions, il existe un décalage entre les montants initiaux des programmes envisagés, parfois très ambitieux, sur des calendriers resserrés, et la réalité de l’application. Beaucoup d’avenants sont conclus pour étendre les actions, voire réduire le montant des enveloppes, compte tenu de difficultés opérationnelles à mettre en œuvre ces actions.

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Lors de sa séance du 10 juillet 2014, le Comité entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur l’évaluation du développement des services à la personne, réalisée par la Cour des comptes à la demande du Comité.

M. le président Claude Bartolone. Nous allons entendre M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, qui va nous présenter la contribution de la Cour des comptes à l’évaluation du développement des services à la personne. Je vous rappelle que nous avons décidé de réaliser cette évaluation en octobre 2013 et que nous avons demandé l’assistance préalable de la Cour des comptes. Son Premier président est accompagné de M. Pascal Duchadeuil, président de chambre, et de M. Henri Paul, président de chambre, rapporteur général.

Le rapport vous a été distribué. Cette audition est ouverte à la presse. Nos deux rapporteures sont Martine Pinville pour la majorité et Bérengère Poletti pour l’opposition. Elles seront accompagnées dans leurs travaux par un groupe de travail désigné par les commissions concernées et composé de Joëlle Huillier, Isabelle Le Callennec et Denys Robiliard.

Monsieur le Premier président, nous vous écoutons.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de revenir auprès de votre Comité d’évaluation et de contrôle pour vous présenter une nouvelle contribution de la Cour des comptes. Je constate qu’au fil des mois et des travaux une relation de plus en plus étroite se tisse entre votre Comité, ses rapporteurs et les équipes de la Cour. Je m’en réjouis car une telle relation contribue à donner toute sa portée à la nouvelle rédaction de l’article 47-2 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle de 2008, qui donne pour mission à la Cour d’assister le Parlement dans le contrôle du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques.

Le rapport que je vous présente aujourd’hui porte sur « le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie ». Il arrive à point nommé avant le commencement prochain, dans cette enceinte, de vos travaux sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui a été présenté en conseil des ministres le 3 juin dernier.

Pour réaliser ce rapport, la Cour a souhaité s’appuyer sur les résultats d’un atelier organisé avec les administrations concernées et des chercheurs sur la mesure de l’emploi dans les services à la personne et de l’efficacité des aides publiques. Ce travail comporte par ailleurs des comparaisons internationales qui, je l’espère, éclaireront utilement votre Comité.

Pour vous présenter le rapport de la Cour, je suis entouré de Pascal Duchadeuil, qui sera installé cette après-midi comme président de la cinquième chambre et qui a préparé ces travaux, d’Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes, et de Dominique Antoine, conseiller maître, président de section. Je remercie également les rapporteurs d’avoir contribué à ce rapport et à ses annexes : Valérie Charolles, conseillère référendaire, Cédric Brottier, auditeur, et Isabelle Gandin, assistante. J’adresse aussi mes remerciements à Philippe Hayez, conseiller maître et contre-rapporteur.

Avant de vous présenter les principaux constats et les recommandations de la Cour et de répondre à vos questions, je souhaite revenir rapidement sur le cadre de cet exercice.

Lorsque votre Comité a saisi la Cour d’une demande portant sur « le développement des services à la personne », nous n’avons guère été surpris. Cette politique, fondée pour l’essentiel sur la loi du 26 juillet 2005, dite « loi Borloo », est bien connue de la Cour, qui en avait dressé un premier bilan dans son rapport public annuel de 2010. Près de dix ans après cette loi et quatre ans après notre publication, une nouvelle analyse de l’efficacité des mesures prises dans ce domaine et un suivi de nos recommandations paraissaient opportuns, d’autant que le soutien de l’emploi est au cœur des préoccupations des autorités publiques. Les attentes formulées par les rapporteures de votre Comité, Mmes Pinville et Poletti, portaient à la fois sur ce dispositif de soutien à l’emploi et sur l’adaptation de la société au vieillissement de la population, dans la perspective d’une intervention prévisible du législateur. Elles se sont traduites pour nous par une obligation double. D’une part, une obligation de résultats, avec une remise de notre rapport dans des délais compatibles avec l’examen du projet de loi. Nous avons modifié le calendrier de l’instruction, dans le cadre d’un contrôle que je qualifierai de classique, l’hypothèse d’une évaluation de politique publique au sens que lui donne habituellement la Cour n’étant pas réaliste compte tenu des délais. D’autre part, une obligation de moyens nous amenant à porter une attention particulière à la question du maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, qui comptent pour environ un tiers de l’activité des services à la personne.

Avant votre saisine, la Cour avait engagé une enquête commune avec les chambres régionales et territoriales des comptes, dont les résultats sont attendus pour l’automne 2015. Pour éclairer au mieux votre Comité, nous avons accéléré la part de ces travaux réalisée par la Cour. Aussi mon propos portera-t-il essentiellement sur les sujets relevant de la compétence directe de la Cour et sera-t-il davantage consacré au pilotage de la politique, aux mesures générales de financement et aux enjeux de formation et de qualification des personnels, comme il avait été convenu avec vos rapporteures.

La Cour a cherché à savoir si la politique de soutien aux services à la personne, qui s’appuyait en 2012 sur environ 6 milliards d’euros de mesures fiscales et sociales – et aujourd’hui sur environ 6,5 milliards d’euros –, pouvait contribuer à répondre aux besoins croissants du soutien à domicile des personnes âgées. Ses constats la conduisent à formuler douze recommandations que je présenterai au fil de quatre messages principaux : premièrement, les deux principaux objectifs visés par la politique de développement des services à la personne – le soutien à l’emploi et la solidarité avec les personnes fragiles – se juxtaposent sans être articulés ; deuxièmement, l’impact des aides consenties sur l’emploi reste limité ; troisièmement, la professionnalisation et la structuration des activités représentent des enjeux clés pour assurer une plus grande attractivité du secteur ; enfin, face au coût croissant de la politique menée, un ciblage des aides sur certaines activités et certains publics apparaît nécessaire.

Le premier message de la Cour, c’est que la politique publique poursuit simultanément, depuis au moins un quart de siècle, deux objectifs principaux et distincts : le soutien à l’emploi peu qualifié, par des mesures d’abaissement du coût du travail et de résorption du travail dissimulé ; l’aide aux publics fragiles, personnes âgées dépendantes ou personnes handicapées, ainsi qu’aux familles avec enfants en bas âge. La Cour recommande que ces objectifs soient mieux articulés, en associant à chacun les instruments permettant de les atteindre, et dotés d’indicateurs de résultats – c’est la recommandation n° 1 –, de sorte qu’une appréciation puisse effectivement être portée sur l’efficacité des mesures prises.

Par ailleurs, même si l’on ne considère que les seules activités de soutien à domicile des personnes fragiles, on ne peut qu’être frappé par la diversité des acteurs et des modes d’interventions, aussi bien au niveau central que local. Cette situation conduit à des incohérences, puisqu’il existe aujourd’hui deux régimes juridiques pour les organismes qui rendent des services à ces personnes : un régime d’autorisation et un régime d’agrément. Cela nous conduit à préconiser l’unification de ces régimes – c’est la recommandation n° 3.

Enfin, plusieurs ministères sont en charge de cette politique publique – l’économie, l’emploi et les affaires sociales – et leur action n’est pas suffisamment coordonnée. L’efficacité de la politique serait pourtant améliorée si le ministère chargé de son pilotage, c’est-à-dire le ministère chargé de l’économie, était aussi responsable des dépenses budgétaires et fiscales qu’elle génère – c’est la recommandation n° 4.

Le deuxième message de la Cour, c’est que l’impact des aides sur l’emploi est limité. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour s’est d’abord attachée à apprécier l’efficacité des mesures existantes du point de vue de la création d’emplois. Or, nous constatons que la mesure de l’emploi dans le secteur est toujours aussi peu précise, en raison de divergences de mesure entre les administrations. Ainsi, selon le champ et la définition retenus par les administrations, les statistiques peuvent faire apparaître des différences de plus d’un million de salariés ! Cette situation est d’autant moins acceptable qu’elle avait fait l’objet d’une recommandation du Conseil national de l’information statistique (CNIS), émise en 2012 à la suite de la précédente enquête de la Cour. Aussi la juridiction souhaite-t-elle alerter la représentation nationale sur la nécessité de la mise en œuvre de cette recommandation du CNIS – c’est la recommandation n° 5 de la Cour.

Après avoir analysé les diverses données disponibles, force est de considérer que l’effet des mesures demeure limité : selon notre décompte, seule une petite moitié des 500 000 emplois envisagés par le plan de 2005 a été créée. En 2012, 1,3 million de personnes, hors doubles comptes, étaient employées dans les services à la personne, ce qui représente 5,5 % de l’emploi total. Compte tenu de l’importance des temps partiels, ces emplois représentent 513 000 équivalents temps plein, ramenant la part des services à la personne à 2 % de l’emploi total en équivalents temps plein – à mettre en regard des 6,5 milliards d’euros alloués en 2014 à la politique de soutien aux services à la personne.

Je précise qu’à la suite de l’atelier de travail organisé avec les administrations et chercheurs concernés, nous avons établi ce chiffre en retenant un mode de décompte plus favorable pour les services à la personne que celui appliqué jusqu’ici par les administrations. Cela n’en représente pas moins un coût par emploi relativement élevé par rapport à d’autres mesures. En effet, les aides publiques représentent environ 4 500 euros en moyenne par personne et 11 800 euros par emploi en équivalent temps plein – soit un niveau correspondant au haut de la fourchette des contrats aidés, et proche de celui des bénéficiaires d’allocations de retour à l’emploi.

Pour autant, une certaine prudence s’impose. L’impact des mesures de soutien aux services à la personne ne saurait être considéré comme inexistant : la part des services à la personne dans l’emploi total s’est en effet affirmée et continue de le faire depuis le début de la crise de 2008. Nous rejoignons ici les analyses du ministère de l’emploi et de celui de l’économie pour considérer que ce secteur a plutôt mieux résisté que les autres. Sur ce point, l’examen approfondi des données détaillées fournies par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) indique que la suppression de l’abattement de 15 points de cotisation et celle du mode de calcul forfaitaire des cotisations, respectivement mises en œuvre en 2011 et en 2013, n’ont sans doute pas eu un impact aussi grand qu’on le prétend. Nous relevons en revanche que, depuis ces suppressions, les particuliers employeurs bénéficient d’un niveau d’aide moins élevé que les organismes de services à la personne. En effet, ces derniers disposent des mesures dites « Fillon » d’allégement de cotisations sociales et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

Sur ce sujet, la prudence s’impose du fait que la part du travail dissimulé demeure mal appréhendée. Même si le phénomène est par nature difficile à cerner, l’absence d’étude récente ouvre la porte à des publications alarmistes qui justifient un soutien financier massif au secteur. Or, les données de l’ACOSS suggèrent qu’il n’y a pas eu de sortie majeure du système déclaratif à la suite de la suppression des mesures financières incitatives. En tout état de cause, le soutien financier n’est pas le seul moyen de lutter contre l’économie souterraine. Aussi la Cour demande-t-elle, d’une part, la réalisation sans délai d’une étude sur échantillon représentatif et, d’autre part, des efforts supplémentaires de simplification des démarches des employeurs – c’est la recommandation n° 6. Le développement du chèque emploi service universel (CESU) préfinancé et, plus généralement, des mécanismes de tiers payant – c’est la recommandation n° 7 – contribuerait à cette simplification.

Le troisième message de la Cour est que la professionnalisation et la structuration des activités sont des enjeux clés pour améliorer l’attractivité du secteur. On peut estimer, sur la base de données relativement anciennes – 2008 –, que le nombre des intervenants à domicile auprès des personnes âgées en perte d’autonomie est de l’ordre de 550 000. Ce nombre est manifestement insuffisant pour faire face aux besoins liés au maintien à domicile des personnes âgées dans le contexte du vieillissement de la société, compte tenu notamment de la réduction prévisible du nombre des « proches aidants » et de l’âge relativement élevé des salariés concernés. Mais paradoxalement, le secteur des services à la personne cumule un nombre de demandes d’emploi non satisfaites de l’ordre de 500 000 emplois et, selon les représentants des employeurs, plusieurs dizaines de milliers d’emplois non pourvus. C’est donc à juste titre que le plan de 2005 s’était donné pour objectifs la professionnalisation et la structuration des activités, ce qui intéresse très directement le maintien des personnes âgées à domicile. La France se singularise par la place très importante que prend l’emploi par le particulier, que ce soit directement ou via un mandataire mettant ce particulier en relation avec son futur salarié. Le recours à des entreprises prestataires ne représente qu’un tiers des heures. Plusieurs mesures de simplification sont envisageables, comme la réduction des incitations à l’activité de mandataire, objet de la recommandation n° 9.

Mais, pour remédier au déficit d’attractivité persistant de ces activités, une meilleure qualification des personnels devrait être encouragée. Les salariés travaillant dans les services à la personne sont en effet aujourd’hui couverts par trois conventions de branches principales, selon le cadre juridique dans lequel ils travaillent, sans lien avec la nature de leur activité. Chacune de ces branches – particuliers employeurs, économie sociale et solidaire, entreprises privées – met en place sa propre politique de formation. Il en résulte un éclatement de la carte des formations et des qualifications, et un foisonnement illisible des différentes qualifications certifiées. Ce cadre ne permet pas d’offrir des progressions de carrière, ce qui impose, comme le propose la Cour dans sa recommandation n° 10, un effort de simplification de cette carte.

Le mode de tarification des services aux personnes en perte d’autonomie peut constituer un frein à la montée en qualification des salariés. En effet, si les tarifs fixés par les collectivités territoriales évoluent de façon peu dynamique, les employeurs peuvent limiter l’accès aux formations qualifiantes pour éviter les revalorisations salariales qu’elles entraînent. Ce constat appelle la mise en place de nouvelles formes de tarification, comme le propose le projet de loi. Le rapprochement de certains métiers exercés aussi bien à domicile que dans les établissements, comme celui d’aide-soignant, devra être encouragé. Le cloisonnement entre les statuts et les métiers pose en effet des difficultés pratiques et empêche également d’organiser des parcours entre des métiers souvent très proches. C’est pourquoi le développement des passerelles entre métiers voisins, objet de la recommandation n° 11 de la Cour, apparaît comme un moyen de renforcer l’attractivité du secteur au moins aussi important que les aides financières apportées sous forme de dépenses fiscales et de niches sociales.

Le quatrième message de la Cour, c’est qu’un meilleur ciblage des mesures de soutien pourrait soutenir l’offre de services aux personnes fragiles, sans défavoriser l’emploi. Les services à la personne bénéficient aujourd’hui de sept dépenses fiscales et de quatre niches sociales. Ainsi que le pressentait déjà la Cour en 2010, le coût brut de ces dispositifs a doublé en dix ans en euros constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, alors que l’emploi lié a connu une évolution beaucoup moins forte. La rationalisation intervenue depuis 2011, notamment à la suite du rapport d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de M. Henri Guillaume, a permis dans un premier temps de contenir ce coût. Après une réduction en 2011 et 2012, ce coût est à nouveau orienté à la hausse depuis 2013, avec une prévision pour 2014 à 6,5 milliards d’euros. Cette nouvelle augmentation résulterait de l’introduction de la déduction forfaitaire de 75 centimes par heure, et d’effets de vase communicant entre niches sociales et dépenses fiscales : la baisse des exonérations et réductions de cotisations sociales a pour effet mécanique d’augmenter le coût de la réduction ou du crédit d’impôt.

On peut certes tenter de relativiser cet effet, mais le coût net de ces mesures, c’est-à-dire la prise en compte des gains pour l’État que procure le soutien de l’activité, est apprécié de manière bien trop imparfaite pour pouvoir guider la décision. C’est pourquoi la Cour préconise, dans sa recommandation n° 8, d’évaluer les impacts des aides fiscales et sociales aux services à la personne au regard des autres formes d’aide que sont les allégements généraux de cotisations sociales et les prestations sociales directes.

Des évolutions devront avoir lieu pour assurer la soutenabilité des aides du point de vue des finances publiques dans un contexte où la demande a vocation, dès lors qu’elle serait suffisamment solvable, à aller croissant du fait du vieillissement. Quatre leviers peuvent être actionnés, de façon alternative ou simultanée, pour contribuer à mieux orienter les mesures générales de soutien des services à la personne au profit des personnes les plus fragiles, en particulier du maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie.

Le premier levier serait un resserrement du champ des services bénéficiant d’un soutien financier public, ce champ apparaissant exceptionnellement large, notamment en comparaison avec sept de nos principaux voisins européens, comme vous le voyez sur le tableau n° 2. Il n’est que de faire l’inventaire des 23 activités éligibles pour prendre conscience que celles-ci n’ont pas toutes la même utilité sociale. La Cour propose ainsi, dans sa recommandation n° 2, que les aides à des activités comme les cours à domicile, les soins esthétiques ou la promenade d’animaux, fassent l’objet d’un réexamen.

Le deuxième levier concerne la TVA applicable aux prestations de services à la personne. Une simplification du régime actuel, qui comporte maintenant trois taux – 5,5 %, 10 % et 20 % – et une exonération, pourrait permettre un gain annuel de 100 millions d’euros au minimum.

Le troisième levier est la remise en cause du principe de l’exonération de cotisations patronales dont bénéficient depuis 1948 les personnes de plus de 70 ans sur un simple critère d’âge, et non de fragilité. Ce seuil, fixé à une époque où l’espérance de vie en bonne santé n’était pas la même, n’a pas été révisé depuis. Selon nos estimations, la suppression de cette mesure pourrait procurer un gain net de 200 à 300 millions d’euros pour les budgets de l’État et de la sécurité sociale. En cas de simple report de l’exonération à l’âge de 80 ans, l’économie serait réduite à 100 millions d’euros. Je précise que l’exonération de cotisations patronales pour les publics fragiles – titulaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de l’aide ménagère ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) – resterait inchangée.

Le dernier levier est celui d’un abaissement du plafond des dépenses éligibles au crédit d’impôt pour les foyers ayant une activité professionnelle et à la réduction d’impôt pour les autres. Cet abaissement pourrait être différencié selon la situation des bénéficiaires, voire ne pas concerner les publics fragiles. Le rapport fournit à cet égard différents scénarios possibles, en distinguant, d’une part, les personnes fragiles et les familles avec enfants en bas âge, pour lesquelles le plafond actuel de 12 000 euros de dépenses par an serait maintenu et, d’autre part, les services dits de confort offerts aux autres bénéficiaires. En fonction des seuils retenus, des économies significatives pourraient être obtenues : à titre d’illustration, elles seraient de 670 millions d’euros par an en cas d’abaissement du plafond annuel à 4 000 euros pour les publics non prioritaires, ce qui représente environ cinq heures de prestations par semaine, ou encore de 935 millions d’euros pour un plafond fixé à 3 000 euros, soit environ trois heures trente de prestations par semaine – mais, entre les plafonds de 3 000 euros et de 12 000 euros, des scénarios intermédiaires ont, bien entendu, vocation à être étudiés.

Ce n’est qu’au terme des travaux qu’elle conduira dans les prochains mois que la Cour sera en mesure d’analyser plus précisément le schéma global de financement du maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie et de déterminer éventuellement le besoin de financement à moyen terme auquel il faudra faire face. À ce stade, la Cour estime qu’un meilleur ciblage des aides aux services à la personne serait la voie la plus souhaitable pour permettre, sans reconfiguration d’ensemble des aides, des économies substantielles qui pourraient aller, en actionnant l’ensemble des leviers possibles, jusqu’à 1,3 milliard d’euros par an, et qui pourraient être mobilisées pour répondre aux enjeux du vieillissement de la population et du redressement des finances publiques.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, je tiens à vous remercier, ainsi que tous ceux qui vous entourent et ont participé à la rédaction de votre rapport, pour la qualité de vos travaux – d’autant que nous avions assorti notre demande de délais assez réduits, du fait de l’examen prochain de la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Les éléments que vous nous communiquez nous seront précieux lors de la discussion de cette loi en première lecture par notre assemblée au mois de septembre.

Ainsi que l’analyse le rapport de la Cour, le secteur des services à la personne compte de très nombreuses demandes d’emploi – près de 500 000 –, mais aussi un nombre important d’emplois non pourvus, évalué à 132 700 en 2013. C’est un métier important en termes de projet de recrutement, même si, comme nous l’avons vu dans nos auditions, les recrutements s’avèrent souvent difficiles pour les associations et les entreprises de services à la personne. Il s’agit d’un secteur qui offrira des postes à pourvoir en nombre croissant dans les dix prochaines années. La politique de développement des services à la personne doit donc assurer à ce secteur un cadre juridique clair et des conditions fiscales équilibrées et favorables, s’agissant de personnes vulnérables ; il convient aussi d’améliorer les perspectives de formation, de mobilité et de carrière des personnes, souvent peu qualifiées, qui se consacrent à ces emplois. Le chantier qui se trouve devant nous est donc ardu, mais l’enjeu est très important en termes d’emploi comme de solidarité à l’égard d’une catégorie de la population que nous souhaitons accompagner.

La Cour observe que le coût de la politique d’aide aux services à la personne a plus que doublé de 2003 à 2013, alors que le nombre d’emplois en équivalents temps plein n’a augmenté que de 50 % sur la même période. Peut-on en déduire que cette politique publique a créé des effets d’aubaine et si oui, lesquels ?

Vous notez également le manque de cohérence de la liste des 23 activités de services à la personne bénéficiant d’aides publiques et le caractère excessif de cette liste par rapport à nos voisins européens. La Cour recommande de réexaminer la pertinence des aides pour les services dits de confort. Ne faudrait-il pas aller plus loin et restreindre le champ des 23 activités actuellement couvertes par les aides publiques ?

Pour ce qui est de la structuration des services à la personne en filières, la préconisation d’ouvrir des logiques transversales de filières entre les trois composantes des services à la personne – services aux personnes handicapées et dépendantes, services à la petite enfance, services de confort – semble très pertinente pour faciliter la carrière des salariés. Concrètement, quelles seraient les voies de cette transversalité ?

En ce qui concerne la formation des salariés des services à la personne, vous soulignez la nécessaire montée en formation pour la prise en charge de personnes de plus en plus fréquemment dépendantes. Nos auditions ont mis en évidence des contradictions relatives à la formation et la carrière des salariés du secteur de l’aide à domicile pour les personnes âgées dépendantes : les conseils généraux ont d’abord encouragé la formation des salariés avant que, par le biais de la tarification, certains incitent les services à limiter le nombre de salariés formés, voire à se séparer d’une partie d’entre eux en raison du coût qu’ils représentent. Nous avons pu nous rendre compte de la situation en nous rendant dans la Sarthe, et savons que les ressources des conseils généraux ne sont pas appelées à progresser. Dans ces conditions, comment les expérimentations tarifaires pourraient-elles améliorer la situation ?

Enfin, il est certain que la coexistence de quatre taux de TVA pour les activités de services à la personne est source de complexité. La Cour note justement que la distinction entre les activités soumises au taux de 5,5 % et celles soumises au taux de 10 % n’a pas de vraie cohérence, et recommande de revenir sur le taux de 10 % pour les activités dites de confort. Avez-vous pu évaluer les conséquences de ce changement de taux sur l’équilibre économique des entreprises concernées, dont les marges sont déjà très réduites, notamment face à la concurrence des emplois directs et du recours au secteur associatif, non soumis à la TVA ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, je vous remercie pour votre présence parmi nous et pour la présentation de vos travaux qui étaient très attendus. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir su vous adapter aux demandes particulières que nous avions formulées – nous avions notamment souhaité que soit ciblée une première problématique sur les personnes dépendantes – ainsi qu’au délai réduit dont vous disposiez pour nous livrer le fruit de vos réflexions, qui nous sera très utile lors de l’examen de la loi d’adaptation de la société au vieillissement.

Au vu du tableau faisant apparaître l’évolution comparée du coût des aides publiques – dépenses fiscales et niches sociales – et des emplois créés, on peut considérer à première vue que ces aides n’ont qu’un faible effet sur la création d’emplois. Cela dit, dans le contexte économique que nous connaissons, on peut également penser que, sans ces aides, le nombre d’emplois aurait diminué au lieu d’augmenter.

Comme vous l’avez dit, le travail dissimulé est l’une des grandes questions qui se posent à nous, et nécessiterait la rédaction d’un rapport spécifique. Si le nombre des emplois déclarés diminue, nous allons assister à une fuite de ces emplois vers le travail dissimulé, ce qui sera cause de pertes à plusieurs égards : en termes de moyens financiers, mais aussi de suivi des salariés et de qualité du travail. Le travail dissimulé va parfois de pair avec le travail déclaré, les employeurs et leurs salariés convenant de ne déclarer qu’une partie des heures effectuées, ce qui permet tout de même de faire bénéficier les salariés d’une couverture sociale. Cette économie souterraine est aujourd’hui une réalité – l’un des objectifs de la loi Borloo de 2005 était de la réduire – et, de ce point de vue, il serait intéressant de comparer la situation de la France à celle d’autres pays européens.

Je conclurai en évoquant la coexistence des services autorisés et des services agréés pour les services d’aide à domicile des personnes dépendantes – une problématique souvent évoquée par les conseils généraux, chargés de mettre en œuvre les politiques d’aide aux personnes âgées dépendantes. Il existe une forte demande de la part des associations, qui interviennent depuis très longtemps, pour que l’on en revienne à une généralisation des services autorisés, les services commerciaux agréés pouvant apparaître comme des éléments perturbateurs même si leur activité économique représente une part plutôt réduite de l’aide à domicile – de l’ordre de 5 % à 6 %. D’autre part, il leur est parfois reproché de fournir des services de moins bonne qualité, alors que la fragilité des personnes suivies nécessiterait justement l’intervention de personnels mieux formés. Il me semble qu’une telle vision des choses est un peu caricaturale, et que l’on a tout intérêt à faire très attention avant de prendre des décisions dans ce domaine. Vous semblez préconiser qu’il n’y ait plus qu’un seul régime d’activité, de préférence celui de l’agrément, eu égard à la problématique de l’emploi. Le texte que nous étudions actuellement semblant plutôt privilégier la voie de l’autorisation, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre façon de voir les choses : souhaitez-vous supprimer le régime de l’autorisation, le réserver aux publics les plus fragiles, ou conserver les deux systèmes ?

M. Didier Migaud. Mme Pinville s’interroge sur un éventuel effet d’aubaine. L’étude que nous avons menée montre que l’impact des aides publiques sur le développement des services à la personne, sans être nul, est limité, et le chapitre II du rapport établit que des emplois ont été créés qui l’auraient été même sans soutien public. Nous n’avons pu mesurer l’ampleur de l’effet d’aubaine faute de temps mais aussi parce qu’il est difficile de cerner le phénomène avec précision. Nous observons toutefois que le plafond des dépenses éligibles à la réduction ou au crédit d’impôt est élevé – 12 000 euros – et que la dépense correspondante aurait été faite quoi qu’il en soit par les ménages aisés. Pour cette raison, l’abaissement du plafond pour les dépenses dites de confort figure au nombre de nos recommandations.

Le tableau comparatif du champ des services à la personne en France et dans sept autres pays européens qui figure à la page 30 du rapport est sans équivoque : notre pays est le seul dans lequel la palette d’activités soit aussi large. Nous recommandons de réexaminer la pertinence de ces aides, au nombre desquelles on trouve par exemple les cours à domicile, l’assistance administrative, l’assistance informatique, les soins esthétiques ou encore la promenade des animaux. J’ajoute qu’il s’agit de services dont la Commission européenne estime qu’ils font partie du marché concurrentiel, ce qui a conduit à leur appliquer le taux normal de TVA en 2012. Supprimer ces activités de la liste ne priverait pas les personnes fragiles du bénéfice de l’aide aux actes essentiels de la vie quotidienne.

M. Pascal Duchadeuil, président de chambre à la Cour des comptes. Pour favoriser les recrutements et la progression des carrières, le rapport insiste sur la nécessité de parvenir à la transversalité des qualifications et des formations. Le secteur est dispersé et les services à la personne recouvrent un ensemble de métiers très divers exercés sous l’autorité d’employeurs aux statuts juridiques différents : particuliers employeurs, entreprises de l’économie sociale et solidaire, entreprises privées. Il reviendrait au ministère du travail d’étudier la possibilité d’unifier ces statuts ou de progresser vers l’harmonisation. Sur un plan pratique, le secteur est caractérisé par l’émiettement des certifications professionnelles : 59 en tout et 19 pour le seul niveau V, c’est considérable. La simplification de la carte des formations et des qualifications pour les services à la personne s’impose. Ainsi des passerelles seraient-elles possibles ; cela ouvrirait des perspectives aux salariés, qui pourraient alors passer d’un emploi à domicile à un emploi en établissement. La transversalité des qualifications et des formations favoriserait aussi le passage d’emplois à temps partiel, très fréquents dans le secteur des services à la personne, à des emplois à temps complet assortis d’un salaire plus satisfaisant, ce qui renforcerait l’attrait, actuellement incertain, pour ces métiers.

Nous avons noté, comme vous, les tensions entre le budget des conseils généraux et le besoin de qualification qui induit un coût supplémentaire, et nous avons également constaté qu’une proportion maximale d’emploi de salariés de niveau V dans ce secteur a été instituée par certains départements, ce qui nous interpelle. L’expérimentation d’une gestion plus globale et par là plus rigoureuse permettra des arbitrages qui devraient donner à la formation toute sa place.

Le Premier président vous l’a dit, nous n’avons pu évaluer l’impact de la modification éventuelle du taux de TVA sur l’équilibre économique des entreprises concernées faute de modèles assez précis.

Vous aurez noté à la lecture du rapport que le plan de 2005 a joué un rôle dans la résorption du travail dissimulé puisque, en dix ans, la part du travail déclaré dans les services à domicile aurait augmenté de 20 points. La question est d’importance, la réduction du travail dissimulé abaissant le coût réel de la politique d’aide à la personne, à la fois parce que le salaire de toute personne déclarée induit le versement de cotisations et parce que l’impact sur la demande a des effets – mal appréhendés – de bouclage. Le tableau qui figure en page 190 montre la proportion d’emplois « informels » dans huit pays européens. On notera, sans autre commentaire, qu’elle serait de 70 % en Italie et de 15 % en Suède... Pour autant que ces indications aient une valeur, la France, avec 30 %, n’est pas dans la pire des situations mais des études complémentaires sont indispensables – plusieurs milliards d’euros sont en jeu.

La décision relevant du législateur et non de la Cour, nous avons évoqué sans prendre parti l’unification des régimes d’agrément et d’autorisation des services d’aide à domicile. Nous avons observé des mouvements contraires : alors que la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) plaide en faveur de l’agrément, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ouvre une période trois ans aux services agréés qui le souhaitent pour passer au régime d’autorisation. Cela signifie que deux régimes juridiques continueront de coexister, dont l’inspiration est différente : l’agrément tend à la planification des besoins, l’autorisation a une logique économique. Surtout, la Cour a tenu à souligner le risque de contentieux. Déjà, une plainte pour pratique discriminatoire visant un conseil général, déposée par une entreprise, a conduit la Commission européenne à adresser une demande d’information sur d’éventuelles discriminations entre structures agréées et structures autorisées.

Mme Christine Pires Beaune. Ayant à l’esprit la récente étude sur le sentiment de solitude ressenti par les personnes âgées, j’aimerais savoir si le champ des services à la personne inclut, dans des pays étrangers, des services qui ne figurent pas dans la liste française. Quelles conclusions la Cour tire-t-elle de la forte variation de l’avantage fiscal en fonction du décile de revenu de ceux qui en bénéficient ? Enfin, ai-je bien compris qu’une économie potentielle de 1,3 milliard d’euros est jugée possible sans reconfiguration globale des aides ?

Mme Isabelle Le Callennec. Je remercie la Cour pour ce rapport qui nous sera d’une aide précieuse. Vous avez rappelé le très fort soutien public aux aides à la personne. Il n’empêche qu’en 2013, selon l’ACOSS, 72 000 particuliers employeurs, soit 3,2 % d’entre eux, ont cessé de cotiser aux URSSAF ; le volume des heures déclarées a baissé et le travail dissimulé a explosé.

Vous recommandez une meilleure articulation des politiques publiques ; quel serait alors le rôle dévolu aux conseils généraux avant leur possible disparition ?

Dans un autre domaine, l’exclusion du champ de l’économie sociale et solidaire de nombreuses petites entreprises œuvrant dans le domaine des services à la personne ne risque-t-elle pas d’affaiblir encore le secteur, alors que les besoins sont très nombreux ? L’interdiction des contrats à temps partiel inférieur à 24 heures hebdomadaires ne risque-t-elle pas d’amplifier le phénomène ? Quel impact aura le gel des pensions de retraite sur le recours des classes moyennes aux services à la personne ?

Généraliser la dématérialisation du CESU préfinancé me semble une excellente suggestion. La Cour s’est-elle penchée sur le chèque d’accompagnement personnalisé ?

Enfin, les régions ont fait de grands efforts en matière de formation et de qualification ces dernières années ; quelles recommandations complémentaires leur feriez-vous ?

M. Jean-Christophe Fromantin. La Cour rappelle la dualité des objectifs de la politique de développement des services à la personne : emploi et solidarité. L’appréciation de cette politique dépend donc du point de vue que l’on adopte. En effet, certaines activités apparemment surprenantes figurant dans le champ des services à la personne sont tout à fait pertinentes pour qui traite d’emploi, mais elles n’ont pas leur place dans un dispositif à vocation sociale. En voulant évaluer une politique publique qui croise deux priorités, on court le risque de parvenir à des conclusions à l’interprétation compliquée. Si l’on fait du dispositif une lecture sociale, l’avantage fiscal accordé à une personne âgée de plus de 70 ans en bonne santé et qui peut très bien aller faire ses courses seule ne se justifie pas. Si on analyse le même dispositif dans l’optique de la création d’emplois, on comprend qu’aider quelqu’un à apprendre l’informatique à domicile ou venir lui dispenser des soins esthétiques peut être un moyen de l’aider à accéder à l’emploi. Il faudrait donc disposer de quelques éléments de comparaison avec les autres pays, selon que l’on envisage uniquement le champ social ou que l’on prend aussi en compte l’emploi ; dans ce dernier cas, une corrélation comparée s’impose des taux de cotisation, des taux de TVA et des taux de retour à l’emploi. Autant dire que les conclusions du rapport me laissent dubitatif. Il faut afficher d’emblée le cap suivi, sinon on reste dans un entre-deux gênant, et l’outil d’aide à la décision n’est pas fiable.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Les métiers de l’aide à domicile sont difficiles et peu attractifs, et il faut les rendre plus attrayants par la formation. Mais, singulièrement en zones rurales, les associations de services à domicile sont incapables de répondre aux besoins si, en même temps, une part trop importante de leur effectif doit se former ; cette situation a conduit au dépôt de bilan une association de ma circonscription. En ville, le phénomène est autre : aussitôt formé, le personnel fuit vers les établissements puis vers les hôpitaux, car à la difficulté physique de l’emploi s’ajoute la difficulté morale de l’assistance, en solitaire, à une personne dépendante. Les associations sont donc, là encore, confrontées à des difficultés inextricables. On peut donc comprendre que certains conseils généraux imposent un taux plafond de personnel formé, notamment en milieu rural. Je comprends la préoccupation exprimée par la Cour, mais la situation est paradoxale.

M. Didier Migaud. Il résulte de l’enquête menée en 2011 par la DGCIS et que reflète le tableau de la page 30 du rapport que la France a, seule, la palette complète des services d’aide à la personne ; aucun des autres pays étudiés ne les propose tous ni n’en propose d’autres.

Suivant la position constante de la Cour, nous recommandons d’évaluer l’impact des aides fiscales et sociales aux services à la personne par rapport à des allégements généraux de cotisations sociales et à des prestations sociales directes. C’est au législateur qu’il revient d’établir le plafond de l’avantage fiscal.

Nous n’avons pas travaillé sur le chèque d’accompagnement personnalisé, mais l’enquête à venir des juridictions financières sur les dispositifs locaux de soutien aux personnes âgées en perte d’autonomie et leur financement le permettra.

La mesure obligeant à une durée minimum de 24 heures pour les contrats de travail à temps partiel ne s’applique pas aux particuliers employeurs.

Votre observation, monsieur Fromantin, est justifiée, mais la Cour raisonne en fonction des objectifs définis par le législateur. En l’espèce, nous constatons qu’il y en a deux, et nous suggérons de mieux les articuler. Nous soulignons surtout qu’il pourrait y avoir un intérêt à une simplification, pour éviter qu’un des objectifs ne soit insuffisamment rempli et qu’une complexité excessive n’entraîne un gâchis d’aides publiques.

M. Pascal Duchadeuil. Le rapport analyse la diversité des acteurs en décrivant les modes d’intervention. Le Premier président a signalé la part prépondérante des particuliers employeurs, une caractéristique française qui entraîne à se poser la question intéressante du gisement d’emplois rendu possible par la solvabilisation de la demande ; nous en traiterons dans l’enquête à venir. Le rapport signale la montée en puissance des organismes de services à la personne, dont le nombre a été multiplié par vingt en huit ans ; à cela s’ajoute l’apparition des auto-entrepreneurs. Nous avons mis en valeur cet éparpillement notable.

M. le président Claude Bartolone. Monsieur le Premier président, madame, messieurs, nous vous remercions pour cette contribution aux travaux du CEC.

Il appartient désormais aux rapporteures du Comité de formuler, à partir des analyses de la Cour, des propositions visant à améliorer la politique de développement des services à la personne.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Lors de sa séance du 9 décembre 2014, le Comité examine le présent rapport.

M. Régis Juanico, président. Je vous prie d’excuser l’absence du président Claude Bartolone, qui m’a demandé de le suppléer pour présider cette réunion consacrée à l’examen du rapport, demandé par le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), sur l’évaluation du développement des services à la personne. Cette évaluation a fait l’objet d’une demande d’assistance à la Cour des comptes dont l’étude a été présentée par son Premier président, M. Didier Migaud, le 10 juillet dernier. Le rapport a été rédigé par Mmes Martine Pinville et Bérengère Poletti, dans le cadre d’un groupe de travail qui comprenait également Mmes Joëlle Huillier et Isabelle Le Callennec et M. Denys Robiliard.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Je regrette que la presse ait eu connaissance d’une partie du contenu de notre rapport avant même notre réunion d’aujourd’hui. Il est en effet d’usage que les rapporteurs ne communiquent qu’après l’autorisation de publication du rapport.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Je crois comprendre que vous faites allusion à l’article récent paru dans Les Echos. Si tel est le cas, j’en suis désolée, mais il me faut préciser que l’article fait état d’opinions et de propositions que j’avais émises lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

M. Régis Juanico, président. Mes chères collègues, je vous donne maintenant la parole pour présenter, à deux voix, votre rapport.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui a commencé au mois d’octobre 2014, nous avons demandé à la Cour des comptes de procéder à une étude générale sur l’ensemble du champ des services d’aide à la personne, incluant un volet plus ciblé sur les services aux personnes âgées en perte d’autonomie.

De janvier à juin 2014, ma collègue Bérengère Poletti et moi-même avons conduit nos travaux, centrés sur la tarification des services d’aide à domicile intervenant dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile.

Nous avons interrogé par voie de questionnaire les conseils généraux sur leurs pratiques en tant qu’autorité de tarification au sens de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles. L’objet de cette enquête a été d’appréhender la diversité des pratiques tarifaires selon les situations départementales et de mieux connaître les innovations tarifaires faisant suite à l’instauration du cadre de l’expérimentation ouverte par l’article 150 de la loi de finances pour 2012. Le résultat de cette enquête, conduite auprès de vingt conseils généraux, fait l’objet d’une annexe à notre rapport.

Dans le même temps, nous avons consacré un premier cycle d’auditions et de déplacements à cette problématique essentielle pour le maintien à domicile des personnes âgées, en nous rendant sur le terrain dans des départements représentatifs de la variété des pratiques et des situations : la Seine-Saint-Denis, la Sarthe et le Pas-de-Calais.

Pendant son enquête, la Cour des comptes avait cherché à savoir si la politique de soutien aux services à la personne, qui s’appuie aujourd’hui sur environ 6,5 milliards d’euros, pouvait contribuer à répondre aux besoins croissants représentés par le soutien à domicile aux personnes âgées.

Elle a formulé dans son rapport douze recommandations, reposant sur quatre constats principaux : les deux principaux objectifs visés par la politique de développement des services à la personne – le soutien à l’emploi et la solidarité avec les personnes fragiles – se juxtaposent sans être articulés ; l’impact des aides consenties sur l’emploi reste limité ; la professionnalisation et la structuration des activités représentent des enjeux clés pour assurer une plus grande attractivité du secteur ; face au coût croissant de la politique menée, un ciblage des aides sur certaines activités et certains publics apparaît nécessaire.

À partir de juillet 2014, nous avons mené un deuxième cycle d’auditions et de tables rondes, sur la base des constats et des recommandations de la Cour des comptes. À l’issue de ces travaux, auxquels ont été associés des chercheurs en sciences sociales, des représentants des administrations concernées et des parties prenantes, nous sommes parvenues à un constat commun et à une quinzaine de propositions partagées.

La question du ciblage des aides publiques fait cependant l’objet d’un débat, dont le présent rapport tente de montrer les enjeux.

Nous allons maintenant vous présenter le résultat de nos travaux qui, nous l’espérons, contribueront à renforcer et à perfectionner la politique de développement des services à la personne, et également, à donner plus d’attractivité aux professions concernées.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. La politique de développement des services à la personne concerne aujourd’hui un vaste champ composé de 23 activités diversement soutenues par des mesures de trois types : des exonérations de charges sociales pour un montant total de 1,8 milliard d’euros ; des avantages fiscaux pour un montant total de 4,2 milliards d’euros ; des réglementations spécifiques destinées à garantir la qualité des services destinés aux publics fragiles, ainsi que des mesures de simplification comme le chèque emploi-service universel ou le site Pajemploi, mises en œuvre par les caisses de sécurité sociale.

Les 23 activités du champ des services à la personne sont encadrées et soutenues à des degrés divers, les activités soumises à agrément n’étant pas forcément assimilables aux activités destinées aux publics fragiles.

La Cour des comptes porte un regard sévère sur la cohérence des variations qui déterminent le degré de soutien aux activités du secteur. On observe en effet de nombreuses distinctions. Les exonérations de cotisations sociales et le taux de TVA varient en fonction du public visé : personnes dépendantes, jeunes enfants, enfants de plus de six ans etc. Le crédit d’impôt et la réduction d’impôt dépendent, pour leur part, de la situation fiscale ou professionnelle du particulier bénéficiaire. Enfin, certaines aides sont liées à la modalité de recours au service : particulier employeur, prestataire, entreprise, association, structure publique... Tout cela est naturellement source de complexité et mériterait une clarification, ne serait-ce que pour uniformiser dans nos différents codes les notions de « public fragile », de « personne dépendante » ou de « personne en perte d’autonomie ».

L’ensemble du plan de soutien aux services à la personne représente aujourd’hui une dépense de 6,5 milliards d’euros. Toute tentative pour mieux orienter ou mieux cibler cette dépense se heurte à des difficultés, que notre rapport met en lumière.

Premièrement, le soutien des services à la personne répond à une double logique, car il relève en réalité de deux politiques publiques : une politique de solvabilisation des besoins des publics fragiles, dans un contexte de forte tension entre l’offre et la demande ; une politique de création d’emplois par la lutte contre le travail dissimulé. Cette logique duale est au cœur des difficultés de l’évaluation, au point qu’elle a inspiré le titre de notre rapport.

Bien que le soutien des services à la personne contribue à deux politiques publiques, les interactions entre les mesures bénéficiant à ce secteur et les mesures plus générales relevant des politiques de l’emploi et des politiques sociales sont très insuffisamment évaluées. Aucune étude ne permet de dire s’il est plus efficace de revaloriser les exonérations de charges sociales ou les prestations sociales. Le résultat du cumul des exonérations propres au secteur des services à la personne avec d’autres allègements, tels que les allègements « Fillon » ou le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), n’a pas été évalué non plus. Il existe probablement des redondances coûteuses pour nos finances publiques, ainsi que des distorsions de concurrence entre organismes de services à la personne du fait des possibilités de cumul, mais aucune étude ne permet de l’affirmer.

Deuxièmement, nous souhaitons insister sur la question du coût net. À l’instar de nombreuses fédérations de services à la personne et du ministère de l’économie, nous sommes persuadées que le soutien aux services à la personne, pour coûteux qu’il soit, est la source de grands bénéfices. C’est à l’aune de ces bénéfices qu’il conviendrait de redéfinir le contour de nos aides publiques. Je citerai deux exemples qui figurent dans le rapport.

Cas numéro 1 : un salarié de particulier employeur paye des cotisations sociales, mais donne également lieu à des cotisations patronales, d’autant que les exonérations de « Fillon » sur les bas salaires ne lui sont pas applicables. En retenant l’hypothèse d’une rémunération horaire de 10 euros, chaque heure travaillée coûte 5 euros à l’État, engendre 2,30 euros de cotisations salariales et 4,20 euros de cotisations patronales. Ce salarié fait donc rentrer dans les comptes de la sécurité sociale plus d’argent qu’il n’en sort des comptes de l’État.

Cas numéro 2 : celui d’un salarié au service d’un public fragile, employé par un prestataire qui, lui, a droit aux allégements « Fillon ». Les cotisations salariales sont toujours de 2,30 euros, mais les cotisations patronales ne sont plus que de 1,20 euro. Dans cet exemple, le salarié fait donc rentrer dans les caisses de la sécurité sociale moins d’argent qu’il n’en sort de celles de l’État.

La Cour des comptes nous invite à réduire les dépenses en faveur du secteur, mais avec quelles conséquences sur l’emploi déclaré ? Cette question est au cœur de nos divergences.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Notre premier débat a porté sur le champ des services à la personne éligible aux aides publiques. Ce champ est très vaste, et même unique en Europe : actuellement, n’importe quel couple d’actifs peut, par exemple, bénéficier d’un crédit d’impôt pour des cours de yoga à domicile ! Nous ne pouvons plus nous permettre de dépenser l’argent public de façon aussi indifférenciée. Je propose donc de mieux cibler les aides publiques, en réservant les services de confort, dont le taux de TVA est aujourd’hui de 20 %, aux personnes dépendantes. Il s’agit : des petits travaux de jardinage et débroussaillage à domicile ; des cours à domicile ; de l’assistance informatique et internet à domicile ; de la maintenance, de l’entretien et de la surveillance temporaire du domicile, que la résidence soit principale ou secondaire.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Pour ma part, j’estime que restreindre cette liste d’activités est une décision de principe dont je peux comprendre la logique, mais qui n’aura aucune efficacité. D’après le ministère de l’économie, ce sont justement ces services « de confort » qui rapportent le plus au budget de l’État, notamment grâce à la TVA ! Les exclure ne représentera donc pas un gain important pour les finances publiques, et peut même, au contraire, favoriser le recours au travail dissimulé. Cela va à l’encontre des souhaits des organismes de services à la personne, qui nous demandent de raisonner, non en termes d’activités, mais de publics cibles, à qui ils veulent offrir des bouquets de services innovants.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Notre deuxième désaccord porte sur le ciblage des avantages fiscaux liés à l’impôt sur le revenu. L’article 199 sexdecies du code général des impôts institue en en effet, d’une part, une réduction d’impôt sur le revenu pour l’emploi à domicile, pour les contribuables inactifs ou les couples monoactifs, et, d’autre part, un crédit d’impôt pour les contribuables exerçant une activité professionnelle.

Il en résulte que 22 % des personnes qui déclarent des dépenses de services à la personne n’ont droit à aucun avantage fiscal. Parmi eux, il y a des retraités non imposables, c’est-à-dire des personnes aux revenus modestes, dont certains sont pourtant en perte d’autonomie et ont des besoins importants d’aide à domicile. Ne faudrait-il pas leur permettre de bénéficier du crédit d’impôt ?

Les économistes ont des avis divergents sur ce point : les uns estiment qu’élargir le bénéfice du crédit d’impôt aux inactifs non imposables permettra de solvabiliser un public fragile, les autres jugent la mesure coûteuse et peu créatrice d’emplois, les ménages concernés n’étant de toute façon pas assez solvables, même avec un « coup de pouce » fiscal.

Faut-il, pour financer l’éventuel élargissement de ce crédit d’impôt, abaisser le plafond des dépenses éligibles ? Il est aujourd’hui fixé à 12 000 euros, mais peut atteindre 18 000 euros pour une famille avec quatre enfants à charge et 20 000 euros pour une personne invalide.

Je considère que le ciblage actuel des avantages fiscaux et du niveau des plafonds est injuste et inefficace. Les avantages fiscaux sont concentrés sur les ménages les plus aisés, tandis que des retraités modestes en sont privés. Or, ces retraités non imposables seront bientôt plus nombreux, car nous avons voté, dans la loi de finances pour 2015, un nouveau barème de l’impôt sur le revenu, en vertu duquel seront désormais non imposables des retraités dont les revenus leur permettraient d’avoir davantage recours à des services d’aide à domicile. Je propose donc d’élargir le bénéfice du crédit d’impôt à tous les bénéficiaires de l’APA, c’est-à-dire aux personnes en GIR 1 à 4. Pour financer cette mesure, nous abaisserions à son seuil d’efficacité, c’est-à-dire 7 000 euros, le plafond des dépenses éligibles, tandis que les autres plafonds spécifiques seraient abaissés de façon homothétique. Cet ajustement a recueilli l’assentiment de tous les experts que nous avons entendus. La création d’un plafond différencié pour la garde d’enfants de moins de trois ans à domicile pourrait également être mise à l’étude.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Pour ma part, je ne suis pas opposée à un élargissement du crédit d’impôt, mais je ne suis pas favorable à ce que cet élargissement se fasse au détriment des familles et de l’emploi. L’abaissement des plafonds, en réduisant les aides accordées aux ménages les plus « consommateurs » de services à la personne, pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’emploi. Veut-on vraiment prendre ce risque dans le contexte économique actuel ?

Pour les publics fragiles eux-mêmes, je ne peux soutenir ce qui s’apparente à une rustine fiscale destinée à compenser le manque d’ambition de la réforme de l’APA présentée par le Gouvernement.

Enfin, le ciblage sur les personnes âgées en perte d’autonomie méconnaît les besoins de publics tels que les personnes handicapées, les personnes isolées qui sortent d’hôpital, ou encore les parents de jeunes enfants, qui peinent à trouver des assistantes maternelles dans les zones immobilières tendues et ont recours à un important volume d’heures de garde d’enfants à domicile.

Troisième et dernier débat : la Cour des comptes préconise de remettre en question l’exonération de cotisations patronales du seul fait de l’âge – actuellement fixé à soixante-dix ans –, prévue à l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. Ce même article prévoit par ailleurs une exonération totale de cotisations patronales pour les personnes dépendantes, les personnes invalides et les parents d’un enfant handicapé. L’exonération du fait de l’âge date de 1948, date à laquelle l’espérance de vie en bonne santé n’était pas aussi grande qu’aujourd’hui. Les associations de services à la personne sont fortement opposées à une suppression, arguant des fragilités temporaires que peuvent avoir des personnes âgées à partir de soixante ans, sans pour autant être en GIR 1 à 4. Pour conserver au dispositif son caractère préventif, nous proposons à la fois de repousser l’âge pris en compte à quatre-vingts ans et d’étendre le bénéfice de cette exonération aux personnes en perte d’autonomie, c’est-à-dire évaluées en GIR 5.

Mais préparer les conditions du vieillissement à domicile, c’est aussi appréhender les besoins qui vont apparaître ou s’accentuer, et les moyens d’y répondre. Les métiers de l’aide à domicile sont ceux qui créeront le plus de postes dans les dix années à venir ; or, aujourd’hui, de nombreux postes à pourvoir le sont difficilement. Ces métiers sont en effet peu attractifs et ne permettent pas de bonnes évolutions de carrière. De nombreuses mesures seraient à prendre pour mieux structurer et professionnaliser ces métiers, certains progrès ayant toutefois déjà été réalisés.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Le secteur de l’aide à domicile est en effet peu attractif. Selon les données de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail pour 2011, plus des deux tiers des salariés de la branche de l’aide à domicile travaille à temps partiel – dont un quart en temps partiel subi – pour une moyenne hebdomadaire de 26 heures, condamnant ces salariés à la pluriactivité.

En outre, l’absence de mesure salariale générale dans la branche depuis 2009 a entrainé une baisse du pouvoir d’achat, ramenant les salaires au niveau du SMIC alors qu’ils le dépassaient de 10 % en moyenne. Les conditions de travail et la qualité des emplois, par ailleurs, sont mal appréhendées. Il s’agit d’un secteur difficile à réguler, du fait des horaires décalés, des lieux de travail multiples, des conditions de travail variables selon le domicile de l’usager. Les salariés sont de surcroît plus fortement exposés à des facteurs de risque professionnel physique – troubles musculo-squelettiques notamment – ou psychique – stress, fatigue morale. Il s’agit, selon les données de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), d’un secteur parmi les plus « accidentogènes ».

Quelle évaluation est faite du service rendu et des postes de travail eux-mêmes ? Si l’évaluation ex post de la qualité de l’emploi et du service est préconisée par l’administration, les chercheurs constatent qu’elle est encore balbutiante et se limite à des indicateurs de volume – en termes d’emploi essentiellement. L’employeur a en effet des difficultés à observer la qualité de l’intervention de son salarié et la charge de travail qui lui incombe.

C’est pourquoi il conviendrait de mettre en œuvre un processus d’évaluation sur la base d’indicateurs, ainsi qu’un accompagnement des salariés pour apporter des améliorations des conditions de travail et du service rendu.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Peu d’entreprises anticipent les besoins en recrutement et les départs à la retraite. Ceux-ci sont majoritairement non remplacés, les directeurs préférant dans un premier temps augmenter le nombre d’heures des intervenants déjà présents dans la structure. Des démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ont eu lieu dans quelques régions à l’initiative de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Les résultats positifs conduisent à souhaiter leur généralisation.

Dans ce contexte de faible attractivité des métiers, nos propositions ont aussi pour ambition de permettre à chacun de se réapproprier la formation professionnelle.

Les intervenants au domicile des personnes fragiles sont, dans leur grande majorité, peu qualifiés. Près d’un tiers d’entre eux n’ont pas été scolarisés au-delà du collège. En 2008, 21 % des aides à domicile possédaient le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS) ou le certificat d’aptitude aux fonctions d’aide à domicile (CAFAD), selon l’enquête réalisée auprès des intervenants à domicile (IAD) citée par la Cour des comptes. Les salariés des services à la personne accèdent moins fréquemment à la formation que les autres salariés : la moyenne de l’accès à la formation pour l’ensemble du secteur a été de 7,6 %, selon les données de la DARES pour 2012. Quant à la qualification, elle s’effectue souvent par la voie de la validation des acquis de l’expérience (VAE) : 2 538 DEAVS ont été délivrés par cette voie en 2012, soit 40 % du total. Enfin, le secteur est caractérisé par l’émiettement des certifications professionnelles : 59 certifications recensées fin 2012, dont 19 pour le seul niveau V. Cette multiplicité a pour conséquence un manque de lisibilité pour les salariés.

Ces données nous conduisent à émettre un certain nombre de propositions tendant à la refonte de la carte des formations et des qualifications, afin de surmonter les cloisonnements et assurer une transversalité permettant le passage d’un emploi à domicile à un emploi en établissement. Nous préconisons aussi le rapprochement entre les qualifications de niveau V et le diplôme d’aide-soignant. Il est également indispensable d’instaurer des équivalences de diplômes entre secteur sanitaire et médico-social et de créer des passerelles entre les métiers. Un stage dans un service d’aide à domicile devrait être inclus dans tous les cursus de niveau V. Enfin, il conviendrait de permettre qu’un certain nombre d’actes courants, même considérés comme médicalisés, soient réalisés par les auxiliaires de vie sociale ou des aides médico-psychologiques, afin de mettre le droit en accord avec les faits.

Notre rapport présente brièvement, en outre, les projections relatives au vieillissement de la population, à son espérance de vie sans incapacité, ainsi que les évaluations du nombre de personnes âgées en perte d’autonomie qui devront être aidées à moyen et long terme.

Mme Martine Pinville, rapporteure. À politique inchangée, la progression de la part des personnes âgées en établissement serait plus rapide que celle des personnes vivant à domicile, ce qui entrainera des coûts élevés. La mise en œuvre d’une politique volontariste en faveur du maintien à domicile est donc une condition de l’évolution des facteurs de décision des personnes et des familles : elle est indispensable pour réduire le besoin de places d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes.

Le coût global de la perte d’autonomie est en outre un enjeu important pour les finances publiques. En euros constants, la dépense publique consacrée à la prise en charge de la perte d’autonomie passerait d’environ 21 milliards d’euros en 2011 à 24,6 milliards en 2025 et à plus de 80 milliards en 2060. En euros 2011, la dépense publique serait de 35 milliards environ en 2060, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Le nombre de bénéficiaires de l’APA s’élèverait à 2 millions en 2040, la durée de perception passant de quatre ans aujourd’hui à cinq ans environ en 2020 et à six ans en 2040.

Nous avons également abordé la question des aidants, afin d’appréhender comment évoluera leur disponibilité. Cette disponibilité ira plutôt s’amenuisant, ce qui appelle une réflexion sur les types de soutien qui pourraient être leur être apportés et sur les coûts qui en résulteraient. L’amélioration de l’information disponible et la meilleure structuration locale des initiatives devraient faire partie des actions à conduire rapidement, à l’échelle du département, sous l’égide de la direction départementale de la cohésion sociale ou de l’antenne de l’agence régionale de santé (ARS).

Les travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales et de la santé mettent en évidence la modification de la proportion de personnes dépendantes susceptibles de recevoir l'aide d'un proche. On prévoit, jusqu’en 2025-2030, un rajeunissement des aidants ; on peut donc penser que, à court terme, l’entourage sera disponible. Mais, à partir de 2030-2040, les générations des baby-boomers arrivant aux âges de la dépendance auront moins de ressources dans leur entourage familial. La démographie entraînera une dégradation du ratio entre le nombre de personnes âgées dépendantes et le nombre d'aidants potentiels, la hausse de l'activité féminine aura des conséquences sur la disponibilité des aidantes potentielles, de même que le recul de l’âge du départ à la retraite.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Les travailleurs sociaux observent un taux important de non-recours aux droits chez certains publics, qui peut être dû à l’absence de diagnostic et au manque d’information. Ces intervenants comme les experts constatent que les dispositifs d’articulation entre secteur médico-social et secteur sanitaire sont lacunaires. Il peut arriver, notamment en milieu rural, que des personnes vivant à domicile en situation de grande fragilité, voire atteintes de démence sévère, échappent au diagnostic que pourrait formuler un médecin gériatre.

De telles situations posent la question de l’incitation au médecin traitant à faire appel aux intervenants médico-sociaux afin qu’une aide soit mise en place au domicile de la personne.

Il est donc important de généraliser les équipes mobiles de gériatrie présentes dans les centres hospitaliers, et qui sont encore très peu nombreuses. Le plan Alzheimer 2008-2012 n’a pas prévu de suivi à domicile du malade sous l’angle gérontologique. L’intervention d’un assistant de soins en gérontologie (ASG) à domicile remédierait à cette lacune. C’est pourquoi nous proposons l’extension au domicile des missions des ASG travaillant en institution.

Une autre solution, éventuellement complémentaire, serait de former les auxiliaires de vie à domicile à la capacité de repérage des prémices du déclin cognitif. Une adaptation de la formation prévue pour l’obtention du DEAVS pourrait être conçue, intégrant un module de formation sur la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et vivant à domicile.

La demande de services, tant de la part de la personne aidée que de la part des acteurs publics, est en évolution : elle doit prendre en compte les politiques de prévention visant à différer ou éviter la perte d’autonomie, les possibilités offertes par le progrès technologique, la nécessité de maîtriser la dépense publique et la perspective du phénomène de vieillissement de la population, les plus grandes exigences des personnes âgées ou de leurs proches en ce qui concerne le contenu de l’offre, ainsi que la qualité des services rendus.

La mise au point de bouquets de services nous paraît une solution prometteuse : elle conférerait une nouvelle responsabilité au prestataire, en passant d’une culture de moyens à une culture de résultat. Le prestataire bénéficierait d’une plus grande souplesse pour organiser, assurer et adapter les prestations d’aide et d’accompagnement, mais rendrait compte de la conduite de ses prestations sur la base d’indicateurs définis par le financeur. Le contrôle changerait donc de nature et porterait sur des éléments qualitatifs, aussi pertinents que la comptabilité des heures d’intervention.

Mme Martine Pinville, rapporteure. La coordination des acteurs est une question essentielle pour les personnes âgées en perte d’autonomie. Notre rapport revient sur deux problématiques essentielles : la coexistence d’une offre planifiée aux tarifs conventionnés et d’une offre aux tarifs libres ; la coordination des secteurs de l’aide à domicile et du soin.

Sur le premier point, les conseils généraux, liquidateurs de l’APA, ont aussi un pouvoir de tarification. Ils assurent une planification de l’offre au moyen d’appels à projets. Les services retenus au titre de l’appel à projet sont dits « autorisés » et font l’objet de cette tarification. En permettant à de nouvelles structures privées aux tarifs libres d’intervenir auprès des personnes dépendantes, le plan Borloo de 2005 a suscité de nouvelles difficultés. Dans certains départements, l’arrivée des acteurs privés a déstabilisé le tissu associatif existant. Certains conseils généraux ont dès lors pratiqué des tarifs plus bas pour les services non autorisés, ce qui pourrait poser problème au regard du droit de la concurrence.

L’objet des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) est de dépasser la dualité entre les deux régimes d’autorisation et d’agrément. Les CPOM permettront de mettre en rapport les tarifs avec les contraintes de service quasi-public que devront assumer les organismes de services, qu’ils soient agréés ou autorisés. Il est souhaitable, par exemple, qu’ils permettent de mieux rémunérer les organismes de services à la personne qui interviennent en zones rurales, auprès de personnes isolées.

Sur le deuxième point, la solution passe également par un CPOM. Nous souhaitons voir se développer les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD), qui proposent une offre intégrée autour de la personne âgée mais font face à une complexité réglementaire et financière. Réunissant des services d’aide à domicile financés par le conseil général et des services de soins infirmiers à domicile financés par l’ARS, les SPASAD s’inscrivent dans un cadre réglementaire et conventionnel complexe. Pour dépasser la complexité administrative, d’autres CPOM permettront de définir les missions et les financements conjoints des conseils généraux et des ARS.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Dernier point au cœur de nos travaux : la tarification. Nous avons conduit une enquête auprès de vingt conseils généraux, enquête annexée à notre rapport. Cette enquête révèle la grande diversité des pratiques départementales, avec des écarts de tarifs très importants. La contrainte budgétaire amène les conseils généraux à modérer les tarifs des services à la personne pour permettre de financer une demande croissante avec un plafond d’APA constant, d’où des déficits récurrents dans les organismes de services à la personne. D’autres facteurs de coût agissent de façon plus insidieuse. Ainsi en est-il de la politique de fragmentation des temps d’intervention mise en œuvre par certains conseils généraux pour maîtriser la croissance des heures d’aide à domicile programmées. Dans l’un des départements que nous avons visités, les interventions de moins d’une heure représentent 40 % à 45 % de l’ensemble des interventions réalisées par certaines associations d’aide à domicile.

Fin 2011, le Parlement a ouvert la voie à la mise en œuvre de nouvelles modalités de tarification en autorisant, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, des expérimentations par les conseils généraux qui le souhaitent, pour une durée limitée à trois ans. D’après notre enquête, treize conseils généraux expérimentent aujourd’hui une tarification alternative. Certains ont substitué aux tarifs horaires une dotation globale, dans le cadre d’un CPOM. D’autres, dans le cadre du modèle préconisé par l’Assemblée des départements de France (ADF), ont mis en place une forfaitisation sur la base de prestations programmées : un système d’abonnement qui introduit de la souplesse dans la consommation des heures, répondant au problème des heures perdues en cas d’hospitalisation ou départ en vacances du bénéficiaire de l’APA.

Nous préconisons d’introduire des éléments d’information obligatoire dans la nomenclature des CPOM pour éviter un certain nombre d’effets pervers. Il s’agit par exemple de plafonner le nombre d’interventions inférieures ou égales à une demi-heure, de tenir compte de l’éloignement géographique du bénéficiaire ou encore d’ouvrir la possibilité d’un tarif différencié pour les dimanches et les jours fériés.

M. Régis Juanico, président. Merci, chères collègues, pour la qualité de ce rapport ainsi que pour les nombreuses propositions que vous avez formulées. Plusieurs d’entre elles ont trait à la formation des personnels et aux passerelles entre les différents métiers. Vous êtes-vous interrogées sur les moyens de développer, dans le cadre des politiques sociales menées par les conseils généraux, la polyvalence des personnels ? Se pose et se posera de plus en plus, en effet, la question des personnes en perte d’autonomie ou en situation de dépendance, mais aussi celle des personnes handicapées vieillissantes.

D’autre part, vous envisagez de porter de soixante-dix ans à quatre-vingts ans l'âge requis pour bénéficier de plein droit de l’exonération de charges sociales patronales pour l’emploi de salariés à domicile, et d’étendre celle-ci aux personnes en GIR 5. Avez-vous pu chiffrer la portée financière de chacune de ces deux mesures ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. S’agissant des formations, une réflexion globale doit être menée sur les passerelles à créer entre l’exercice au domicile et l’exercice en établissement et entre les emplois auprès des différents publics fragiles. Pour que ces métiers deviennent attractifs, il faut offrir aux personnes qui les exercent des perspectives d’évolution, et également de formation, même non diplômante, car un cloisonnement demeure entre le travail en établissement et le travail au domicile, de même qu’entre les différents types de qualifications.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. On constate que certaines associations se spécialisent dans l’assistance aux personnes handicapées et d’autres dans l’assistance aux personnes vieillissantes, et que seules quelques-unes tentent de faire les deux. Il est vrai que nous avons nous-mêmes orienté nos travaux vers la problématique du vieillissement et de sa prise en charge, et vers les perspectives de création d’emplois qui en découlent.

Concernant les diplômes, il est indispensable de faire progresser la formation. Les métiers du domicile, qui sont situés au plus bas de l’échelle, sont les plus éprouvants, non seulement physiquement, mais aussi mentalement, du fait notamment qu’ils sont pratiqués dans l’isolement. Ceux et celles qui les exercent cherchent donc à évoluer dans leur qualification afin de pouvoir travailler en établissement. Nous avons donc beaucoup réfléchi à la simplification des formations et à la possibilité de créer des passerelles pour offrir des perspectives professionnelles plus valorisantes.

Nous avons étudié, Martine Pinville et moi, les questions de tarification. C’est un sujet que je connais bien, pour y avoir consacré un rapport à la demande de Mme Roselyne Bachelot. J’y proposais, déjà, de porter à quatre-vingts ans l’âge de l’exonération de plein droit des cotisations patronales, mais les associations comme les travailleurs sociaux s’y étaient opposés, au nom de la prévention. Je crois, toutefois, que les choses ont évolué et que l’on est encore en forme, généralement, à soixante-dix ans, alors que c’était loin d’être le cas au lendemain de la guerre, lorsque cet âge avait été retenu.

Ce passage de soixante-dix à quatre-vingts ans dégagerait 80 millions d’euros, ce qui n’est pas considérable, mais permettrait de financer l’extension de l’exonération aux personnes en GIR 5 ; initialement, nous comptions même aller jusqu’au GIR 6, mais nous avons appris, au cours de nos investigations, que toute personne âgée de plus de soixante ans était éligible au GIR 6 et qu’il suffisait d’en faire la demande !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Dans son rapport, la Cour des comptes estime que l’abaissement du plafond de la déduction et du crédit d’impôt à 7 000 euros permettrait d’économiser 260 millions d’euros qui pourraient ainsi être réaffectés au financement de l’extension du crédit d’impôt aux personnes bénéficiaires de l’APA.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Nous avons choisi d’intituler le rapport « Les services à la personne : entre le soutien à l’emploi et l’accompagnement des personnes fragiles » car nous avons été tiraillées, tout au long de notre travail, entre ces deux problématiques.

Par ailleurs, une des difficultés rencontrées provient du manque d’information sur les coûts et les recettes. Qu’il s’agisse d’une niche sociale ou d’une dépense fiscale, le coût indiqué par la Cour des comptes est toujours le coût brut, jamais le coût net, c’est-à-dire tenant compte des cotisations sociales ou des rentrées fiscales supplémentaires liées aux emplois créés. Or, le risque existe, si l’on supprime telle ou telle dépense par souci d’économie, de faire disparaître ces emplois, ou de les transformer en emplois non déclarés ou partiellement déclarés.

Si nous avons eu, Martine Pinville et moi, des divergences sur plusieurs points, nous sommes accordées, en revanche, sur d’autres, comme le passage de soixante-dix à quatre-vingts ans, mais nous avons trop souvent manqué d’évaluations chiffrées fiables. Ce fut le cas, par exemple, pour les quelque 23 activités ouvrant droit à réduction d’impôt ou de cotisations : on ignore en effet jusqu’au nombre d’heures de travail que représente chacune d’entre elles, l’employeur n’étant pas tenu de détailler l’activité concernée. Si des données plus fines étaient disponibles, cela permettrait de prendre en toute connaissance de cause des décisions concernant l’emploi à domicile.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Nous avons eu, tout au long de nos travaux, le souci de favoriser le meilleur accompagnement possible du public fragile que sont les personnes âgées ou vieillissantes, mais aussi des familles, et ce dans un cadre budgétaire contraint et un périmètre bien défini.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE 1 :
ENQUÊTE SUR LA TARIFICATION DES SERVICES D’AIDE À DOMICILE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES, DANS VINGT DÉPARTEMENTS MÉTROPOLITAINS

Les rapporteures ont souhaité interroger par voie de questionnaire les conseils généraux sur leurs pratiques en tant qu’autorité de tarification (au sens de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles) à l’égard des services d’aide à domicile intervenant dans le cadre de l’APA à domicile.

L’objet de cette interrogation était d’appréhender la diversité des pratiques tarifaires selon les situations départementales et de mieux connaître les innovations tarifaires faisant suite à l’instauration du cadre de l’expérimentation.

A. LES CRITÈRES DE CHOIX DES DÉPARTEMENTS INTERROGÉS

Les conditions n’étant pas réunies pour interroger l’ensemble des départements, le choix a été fait de limiter les investigations à 20 départements sélectionnés à partir de critères les plus à même d’illustrer des situations différenciées en matière de démographie, d’importance des besoins d’aide à domicile et d’engagement d’une démarche d’expérimentation tarifaire.

• La densité urbaine du département

Les travaux du CREDOC sur les coûts du maintien à domicile des personnes âgées (48) montrent que la géographie des départements a un double impact sur l'organisation des aides à domicile :

– d'une part, le maillage du territoire par les réseaux d'organismes de services à la personne diffère selon que l'on est en territoire urbain ou en territoire rural : lorsque les zones urbaines sont prépondérantes, les opérateurs rattachés à des enseignes nationales jouent un rôle structurant dans le réseau des organismes d'aide à domicile, tandis que dans les zones rurales, l'implantation géographique des opérateurs locaux joue un rôle déterminant ;

– d'autre part, les zones urbaines étendues favorisent l'émergence des communes comme acteurs principaux de la politique de services aux personnes âgées, les conseils généraux limitant alors leur rôle à une fonction de financement, tandis que dans les départements dont la géographie est centrée autour d'un pôle chef-lieu administratif, le conseil général est le principal architecte de la politique de maintien à domicile et tend, par l'établissement de partenariats, à instaurer un dispositif en étoile autour de la ville préfecture.

On peut ainsi distinguer trois profils départementaux :

– profil 1 : département rural ;

– profil 2 : département urbain polycentrique ;

– profil 3 : département à dominance urbaine et centré sur un chef-lieu administratif.

• L’importance des besoins en aide à domicile des personnes âgées dépendantes

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a réuni les données départementales sur les besoins des populations au titre de l’APA. Ces données font apparaître une forte variabilité des besoins, variabilité que la démographie n'explique qu'en partie : la demande en prestations d'aide à domicile varie de 1 à 10 lorsqu'on la rapporte au nombre total d'habitants dans chaque département et de 1 à 4 lorsqu'on la rapporte au nombre d'habitants âgés de plus de 75 ans dans chaque département. Les aides effectivement versées par les départements varient selon un facteur de 1 à 2 lorsqu'on les rapporte au nombre d'habitants âgés de plus de 75 ans.

Ces constats rejoignent ceux de la DARES, dont les modélisations expliquent 60 % des écarts constatés dans la structure démographique des départements. Ces modèles montrent également que le nombre de bénéficiaires des aides à domicile est d’autant plus élevé que la population rurale est nombreuse, que la part des agriculteurs et des ouvriers est élevée et que celle des retraités percevant le minimum vieillesse est importante. (49)

La combinaison de ces deux premiers critères (densité urbaine et besoins en aide à domicile) a conduit à sélectionner 20 départements dont 10 figurent parmi ceux qui présentent des besoins en aides à domicile les plus importants et 10 parmi ceux présentant des besoins les moins importants. 5 de ces 20 départements présentent un profil « rural », 8 un profil « urbain polycentrique » et 7 un profil « centré sur un chef-lieu administratif ».

• L’engagement d’une démarche d’expérimentation tarifaire

Parmi les 20 départements sélectionnés, 13 départements se sont engagés dans une refonte de leur tarification, incluant une expérimentation de contrats d'objectifs et de moyens. Ce sont les départements de l’Ain (01), l’Aisne (02), de la Charente (16), des Côtes d'Armor (22), du Doubs (25), de l’Indre-et-Loire (37), de l’Isère (38), du Lot (46), de la Lozère (48), de la Meurthe-et-Moselle (54), du Pas-de-Calais (62), des Pyrénées Orientales (66) et de la Sarthe (72).

CARACTÉRISTIQUES DES 20 DÉPARTEMENTS SÉLECTIONNÉS

 

Population départementale

Profil du département

Personnes de plus de 75 ans

Part des plus de 75 ans percevant l'APA

01 Ain

618 632

type 2

47 411

19 %

02 Aisne

542 550

type 2

47 884

26 %

08 Ardennes

281 866

type 3

25 500

29 %

12 Aveyron

275 487

type 1

38 000

28 %

13 Bouches-du-Rhône

1 982 423

type 3

184 534

19 %

15 Cantal

146 464

type 1

20 282

21 %

16 Charente

353 140

type 2

42 345

21 %

22 Côtes d’Armor

601 822

type 2

72 109

20 %

25 Doubs

532 549

type 2

46 105

22 %

35 Ille-et-Vilaine

1 015 427

type 3

85 915

20 %

37 Indre-et-Loire

598 872

type 3

61 408

16 %

38 Isère

1 232 257

type 3

99 532

21 %

46 Lot

175 860

type 1

24 487

23 %

48 Lozère

77 085

type 1

9 065

24 %

54 Meurthe-et-Moselle

735 062

type 3

65 132

22 %

58 Nièvre

216 568

type 1

29 371

22 %

62 Pas-de-Calais

1 464 038

type 2

119 032

29 %

66 Pyrénées-Orientales

459 798

type 2

55 623

20 %

72 Sarthe

569 029

type 2

58 888

18 %

93 Seine-Saint-Denis

1 545 357

type 3

84 771

20 %

B. UNE FORTE HOMOGÉNÉITÉ DES PRATIQUES TARIFAIRES, EN DÉPIT DE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS LOCALES

Les résultats de l’enquête montrent qu'en dépit d'une grande diversité des situations locales, on observe une forte homogénéité des pratiques tarifaires dans les départements interrogés.

1. La variété des situations départementales

Les réponses des départements interrogés montrent tout d’abord que le nombre de services d’aide à domicile autorisés ou agréés est très variable selon les départements. En valeur absolue, le nombre de services autorisés ou agréés varie entre 5, dans le département de la Lozère, et 162, dans le département des Bouches-du-Rhône.

Si l’on rapporte le nombre de services à la population du département, le ratio évolue entre 1 service d’aide pour 4 600 habitants – dans le département des Pyrénées orientales – et 1 service d’aide pour 25 000 habitants – dans le département des Ardennes. La répartition des valeurs départementales entre ces deux extrêmes montre qu’il n’existe pas de corrélation entre la taille des départements en termes de population et le nombre de services autorisés ou agréés. Le département des Bouches-du-Rhône, par exemple, qui est le département le plus peuplé de la sélection avec 2 millions d’habitants, n’occupe que la 12e place (sur 20) dans la distribution avec un service pour 12 230 personnes.

Plusieurs éléments peuvent expliquer cet état de fait. D’une part, on peut observer que, si nombre d’entreprises privées d’aide à domicile se sont créées et ont demandé leur agrément dans les départements les plus peuplés (où la demande est plus forte) à la suite de la loi sur le développement des services à la personne, cette situation n’est pas générale et on compte dans l’échantillon un certain nombre de départements où se sont créés plus de services agréés que dans un autre pourtant plus peuplé. (50)

D’autre part, la taille des services autorisés est très variable, du fait du regroupement des structures, encouragé pour faire face à la crise, mais pas seulement. La possibilité ouverte par le code de l’action sociale et des familles d’octroyer l’autorisation aux fédérations départementales de structures associatives (ADMR, UDCCAS notamment) peut réduire le nombre des services officiellement autorisés sans modifier la portée du champ des services autorisés. Ainsi les 54 associations ADMR (Aide à domicile en milieu rural) d’Ille-et-Vilaine sont comptabilisées comme 54 services agréés mais comme un seul service autorisé, la fédération départementale étant responsable de la procédure d’autorisation.

Les conseils généraux interrogés ont également indiqué la part de l’activité d’aide à domicile au titre de l’APA accomplie par les services autorisés.

Dans 15 départements sur 20, les services autorisés réalisent la grande majorité des prestations d’aide à domicile (plus de deux-tiers de l’activité) financées par l’APA.

Pour les 5 départements restants, les services autorisés conservent une part de marché supérieure à 30 % dans 4 départements et ne représentent que 10 % de l’activité d’aide à domicile pour l’APA dans un département. Il est utile de remarquer que ces 5 départements ne présentent aucun trait commun du point de vue de la démographie et de l’urbanisation : ce sont les départements des Bouches-du-Rhône, d’Indre-et-Loire, de l’Isère, de la Lozère et de la Seine-Saint-Denis. L’observation conduit à voir dans ce phénomène la marque du choix délibéré de la part du conseil général de ne pas s’appuyer particulièrement sur les services autorisés pour mettre en œuvre la politique de prise en charge à domicile des personnes âgées. Dans le cas particulier du département de Seine-Saint-Denis, visité par les rapporteures le 22 mai 2014, le conseil général, après avoir accepté plusieurs candidatures au statut de service autorisé dans les années qui ont suivi l’institution de l’APA, n’a pas autorisé de nouveaux services d’aide à domicile depuis 2005.

Dans 2 départements, tous les services autorisés ne font pas l’objet d’une procédure de tarification ; ceux qui ne sont pas tarifés se voient alors appliquer le régime tarifaire des services agréés. Dans le cas du département des Bouches-du-Rhône, une minorité des 40 services autorisés – 11 services – sont tarifés. Par contre dans le département de l’Ille-et-Vilaine, 4 services autorisés seulement, sur 27, ne sont pas tarifés.

RÉPARTITION ENTRE SERVICES AUTORISÉS ET SERVICES AGRÉÉS

 

Autorisés

Agréés

Population départementale

01 Ain

6

30

618 632

02 Aisne

31

16

542 550

08 Ardennes

5

6

281 866

12 Aveyron

13

nr

275 487

13 Bouches-du-Rhône

27

135

1 982 423

15 Cantal

2

4

146 464

16 Charente

7

29

353 140

22 Côtes d’Armor

53

31

601 822

25 Doubs

9

25

532 549

35 Ille-et-Vilaine

81

78

1 015 427

37 Indre-et-Loire

7

83

598 872

38 Isère

14

112

1 232 257

46 Lot

5

15

175 860

48 Lozère

2

3

77 085

54 Meurthe-et-Moselle

12

34

735 062

58 Nièvre

19

11

216 568

62 Pas-de-Calais

66

72

1 464 038

66 Pyrénées-Orientales

29

69

459 798

72 Sarthe

9

30

569 029

93 Seine-Saint-Denis

5

140

1 545 357

2. Une forte homogénéité des pratiques tarifaires

Si la fixation des tarifs des services d’aide à domicile autorisés par les conseils généraux est précisément définie par les articles R. 314-130 à R. 314-134 du CASF, les modalités d’instrumentalisation de ces tarifs (51) sont, dans le silence des textes, du ressort des politiques départementales.

Les informations communiquées par les conseils généraux interrogés montrent toutefois qu'en dehors du cadre particulier des expérimentations, la très grande majorité des départements organisent de manière très similaire leurs relations financières avec les services d'aide à domicile.

Il est ainsi possible de définir un schéma d’organisation prédominant en matière de tarification des services d’aide à domicile par les départements, à la lumière duquel il conviendra d’analyser les divergences, plus ou moins nombreuses selon les sujets, par lesquelles se singularisent les politiques départementales de prise en charge des personnes âgées dépendantes à domicile.

Dans ce schéma, les tarifs des services d'aide à domicile agréés sont fixés librement par ces services. Les prestations des services sont programmées dans les plans d'aide élaborés par l’équipe médico-sociale et remboursées aux bénéficiaires de l'APA à domicile sur la base d'un tarif départemental fixé annuellement par le conseil général.

L’encadré suivant décrit les éléments de ce mode de tarification.

Exemple de tarification des services agréés

Tarif départemental de référence : 18 euros par heure de travail au domicile.

Établissement du plan d'aide sur la base d'un besoin de 30 heures d'intervention par mois : coût des interventions établi à 18 € x 30 heures, soit un coût prévu de 540 euros. Ticket modérateur de 30 % à la charge du bénéficiaire.

Tarif proposé par le service agréé et accepté par le bénéficiaire : 24 €/h

Facture mensuelle présentée par le service : 24 € x 30 heures = 720 €

Participation mensuelle du conseil général au titre de l’APA : 70 % x 18 € x 30 h = 12,60 €/h x 30 h = 378 €

Le reste à charge du bénéficiaire se compose du ticket modérateur et du différentiel entre le tarif départemental de référence et le tarif libre du service agréé :

- montant du ticket modérateur : 30 % x 18 €/h x 30 h = 162 €

- différentiel entre les tarifs : 6 €/h x 30 h = 180 €

- Total du reste à charge mensuel pour le bénéficiaire : 342 €

En ce qui concerne les services autorisés, les conseils généraux déterminent annuellement pour chacun d'entre eux le niveau de tarif nécessaire pour couvrir les charges prévisibles pendant l'année à venir, suivant la procédure fixée aux articles R. 314-130 à R. 314-134 du CASF.

Chaque service autorisé se voit donc attribuer un tarif horaire applicable pendant une année. C'est ce tarif dit « individualisé » qui sert de base à l'établissement du plan d'aide APA, une fois que le bénéficiaire a indiqué à quel service d'aide à domicile il comptait s'adresser. C'est également ce tarif horaire qui sert de base pour le calcul des participations financières du conseil général et du bénéficiaire, une fois les interventions réalisées.

Exemple de tarification des services autorisés

Tarif obligatoire pour le service autorisé choisi : 23 euros par heure de travail au domicile.

Établissement du plan d'aide sur la base d'un besoin de 30 heures d'intervention par mois : coût des interventions établi à 23 € x 30 heures, soit un coût prévu de 690 euros. Ticket modérateur de 30 % à la charge du bénéficiaire.

Facture mensuelle présentée par le service : 23 € x 30 heures = 690 €

Participation mensuelle du conseil général au titre de l’APA : 70 % x 23 € x 30 h = 16,10 €/h x 30 h = 483 €

Le reste à charge du bénéficiaire se compose du seul ticket modérateur soit : 30 % x 23 €/h x 30 h = 207 €

De façon concomitante, les conseils généraux interrogés ont fait le choix de verser directement aux services autorisés prestataires l’allocation APA correspondant aux heures réalisées, ainsi que le permet l’article L. 232-15 du code de l’action sociale et des familles. (52)

Mode d’intervention
du service à domicile

Modalité de versement de l’APA

Emploi de gré à gré ou intervention en mode mandataire

au bénéficiaire de l’aide

Intervention en mode prestataire

au service d’aide à domicile, dans les conditions définies par l’article L. 232-15 du CASF

• Les tarifs servant de base pour établir le plan d’aide APA

Selon les données recueillies par l’enquête, seize départements sur vingt déclarent utiliser le tarif du service autorisé choisi par le bénéficiaire de l’aide pour élaborer le plan d’aide.

Quelques départements ont ainsi choisi de prendre comme base de référence un tarif horaire identique pour tous les services à domicile, qu’ils soient autorisés ou agréés, ce qui présente l’avantage de permettre de prescrire le même nombre d’heures d’aide quel que soit le service d’aide à domicile retenu, lorsque le plafond du plan d’aide a été atteint (soit 30 % des cas).

Les quatre départements de l’échantillon qui appliquent un tarif identique quel que soit le service à domicile retenu sont l’Ain, le Doubs, l’Ille-et-Vilaine et la Seine-Saint-Denis. Il convient toutefois de rappeler les particularités de certains contextes locaux : les services autorisés ne représentent que 10 % de l’aide à domicile pour l’APA en Seine-Saint-Denis, tandis que l’Ain et le Doubs font partie des départements expérimentateurs les plus innovants.

• Le tarif des services autorisés pris en compte au moment du versement de l’allocation APA

Dans quinze départements sur vingt, le tarif utilisé par le conseil général pour calculer l’allocation APA à verser est le tarif propre à chaque service autorisé. Dans ces départements, la même base tarifaire est donc utilisée pour le versement de l’allocation APA et pour le calcul du ticket modérateur payé par le bénéficiaire de l’aide. Le reste à charge pour les bénéficiaires est alors égal au seul montant du ticket modérateur.

Pour les 5 départements restants, le montant versé est déterminé par des règles spécifiques. Dans l’Ain et le Doubs, l’ensemble des services autorisés sont associés à l’expérimentation tarifaire du département.

 

Base tarifaire pour le versement de l’APA

Base tarifaire pour le ticket modérateur du bénéficiaire

Reste à charge pour le bénéficiaire

01 – Ain

Versement direct d’une dotation globale annuelle

Montant forfaitisé dans le cadre de l’expérimentation, sur la base du tarif unique départemental utilisé lors de l’élaboration du plan d’aide

Montant forfaitaire défini lors de l’élaboration du plan d’aide

13 – Bouches-du-Rhône

Versement au bénéficiaire, sur la base du tarif unique départemental

Ticket modérateur calculé sur la base du tarif unique départemental

Égal au montant du ticket modérateur + la différence entre le tarif du service autorisé et le tarif départemental

25 – Doubs

Versement direct d’une dotation globale annuelle

Ticket modérateur calculé sur la base du tarif unique départemental

Égal au montant du ticket modérateur

35 – Ille-et-Vilaine

Versement direct sur la base du tarif unique départemental auquel s’ajoute 1,30 euro, si le bénéficiaire acquitte un ticket modérateur ;

Versement sur la base du tarif propre au service autorisé, si le bénéficiaire de l’aide n’est pas soumis au ticket modérateur

Ticket modérateur calculé sur la base du tarif unique départemental

Égal au montant du ticket modérateur

93 – Seine-Saint-Denis

Versement au bénéficiaire, sur la base du tarif unique départemental

Ticket modérateur calculé sur la base du tarif unique départemental

Égal au montant du ticket modérateur + la différence entre le tarif du service autorisé et le tarif départemental

• La prise en compte des coûts annexes des interventions

Le principe de la réglementation tarifaire des services autorisés est la forfaitisation des coûts annexes aux interventions tels que, d’une part, les frais de déplacement (coût des moyens de transport et coût du temps de déplacement), et, d’autre part, les interventions nécessitant une qualification particulière ou bien programmées à des heures où les coûts en personnel sont plus élevés. (53)

Selon les dispositions réglementaires qui fixent la procédure de tarification des services autorisés (article R. 134-130 à R. 134-134 du code de l’action sociale et des familles), le tarif horaire est obtenu en faisant le rapport des charges prévisionnelles pour l’année à venir par le volume d’activité prévisible exprimé en heures d’intervention. Les charges prévisionnelles d’une année sont ainsi déterminées en fonction des charges constatées l’année précédente, charges qui intègrent de manière globale les frais de personnels, les frais de structure et les frais annexes tels que les indemnités kilométriques. La forfaitisation induite par cette procédure implique que les structures d’aide à domicile prennent à leur charge les frais supplémentaires attachés à toute intervention dépassant leur cadre habituel d’exercice.

Quatorze départements sur les vingt composant l’échantillon ont indiqué ainsi ne prendre en compte dans les tarifs des services autorisés les éléments de surcoût que par la forfaitisation, même si, dans la pratique, les services d’un conseil général couvrant une zone montagneuse difficilement accessible n’ignorent pas que les services autorisés peuvent parfois facturer directement des suppléments tarifaires aux bénéficiaires pour certaines interventions.

Six autres départements ont indiqué pour leur part qu’ils tenaient compte de certains éléments de surcoût dans la tarification des services à domicile. Les départements D’Ille-et-Vilaine, d’Indre-et-Loire et de Meurthe-et-Moselle appliquent un tarif différencié pour les interventions les dimanches et jours fériés. Le département de la Lozère déclare pour sa part tenir compte du lieu d’intervention et mieux valoriser les heures d’intervention de nuit par rapport à celles de jour. Le département des Bouches-du-Rhône a également signalé tenir compte du moment d’intervention mais n’a pas précisé de quelle façon. Enfin, le département des Ardennes a indiqué différencier les tarifs d’intervention selon la qualification des intervenants.

• Les relations financières entre les conseils généraux et les services autorisés

– L’existence d’un paiement direct au service d’aide à domicile

15 départements sur 20 ont opté pour un versement direct de l’APA à domicile à l’organisme prestataire, sur la base des informations relatives à l’exécution des prestations transmises par celui-ci. Cette option permet le développement de la télétransmission des données, vecteur de réduction des coûts de gestion de l’APA pour le conseil général.

– Le versement d’un acompte

5 départements sur les 18 ayant répondu à cette question versent aux services d’aide à domicile un acompte sur les sommes qu’ils leur devront au titre des prestations réalisées. Toutefois, ce nombre n’est pas représentatif au regard des 100 départements français, car ces 5 départements versent tous l’acompte dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), modalité qui ne concerne aujourd’hui que 14 départements.

– Le versement d’autres dotations

Les relations financières autres que tarifaires entre les conseils généraux apparaissent peu développées, les 5 départements déclarant verser une dotation spécifique en faveur des investissements ou des actions de modernisation des services à domicile le faisant dans le cadre d’un CPOM.

C. LA NOUVELLE DYNAMIQUE IMPULSÉE PAR LA DÉMARCHE D’EXPÉRIMENTATION

La possibilité de déroger au principe de la tarification horaire dans le cadre de la signature d’un CPOM a été ouverte par l’article 7 de l’ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005. Elle a été mise en œuvre dès cette date par les conseils généraux du Doubs et du Pas-de-Calais. Ces deux départements ont été rejoints par 4 autres : l’Ain, les Côtes-d’Armor, le Lot et l’Isère.

Depuis la promulgation de l’arrêté du 30 août 2012, la dynamique contractuelle s’est nettement amplifiée puisque 4 conseils généraux supplémentaires se sont lancés dans la contractualisation sous dotation globale avec des services autorisés (l’Aisne, la Charente, la Meurthe-et-Moselle et la Sarthe) et 3 autres sont sur le point de le faire (l’Indre-et-Loire, la Lozère et les Pyrénées orientales). De plus, le conseil général des Côtes d’Armor a notablement amplifié le champ de la contractualisation en signant de nouveaux CPOM sur la base du modèle proposé par l’arrêté du 30 août 2012.

CARACTÉRISTIQUES DE CONTRACTUALISATION ENTRE LES CONSEILS GÉNÉRAUX ET LES SERVICES D’AIDE À DOMICILE

 

Nature de l’acte contractuel

Début de la démarche de contractualisation

Services signataires

Reprise du modèle 1 du cahier des charges de l’arrêté du 30 août 2012

01 Ain

CPOM

2012

Ensemble des services autorisés (6)

Dispositif antérieur à l’arrêté

02 Aisne

CPOM

2014 (fonctionnement sous dotation globale depuis 2005)

Services autorisés volontaires

Oui

16 Charente

CPOM

2013

Ensemble des services autorisés (7)

Oui

22 Côtes d’Armor

CPOM
(2 types)

2011

8 services autorisés volontaires

pour 6 services autorisés

25 Doubs

CPOM

2005

Ensemble des services autorisés (9)

Dispositif antérieur à l’arrêté

37 Indre-et-Loire

n.r.

en projet

n.r.

n.r.

38 Isère

convention pluriannuelle

2009

Ensemble des services autorisés (9)

Dispositif antérieur à l’arrêté

46 Lot

n.r.

2012

3 services à domicile

Dispositif antérieur à l’arrêté

48 Lozère

n.r.

en projet

n.r.

n.r.

54 Meurthe-et-Moselle

CPOM

2013

Ensemble des services autorisés

Oui

62 Pas-de-Calais

CPOM

2005

n.r.

Dispositif antérieur à l’arrêté

66 Pyrénées-Orientales

(CPOM)

en projet

Services volontaires sélectionnés sur critères

n.r.

72 Sarthe

CPOM

2013

5 services autorisés volontaires sur un total de 9

Oui

1. Le renforcement et la clarification des liens de partenariat

Le principal constat qui ressort de l'analyse des réponses des conseils généraux est que la démarche contractuelle qu'ils engagent dans le cadre des expérimentations traduit non seulement une volonté de dépasser un encadrement tarifaire de l’offre par les pouvoirs publics jugé trop rigide, mais aussi de sortir de la logique de prestataire pour construire un partenariat visant à intégrer davantage les services d'aide à domicile dans la politique de prise en charge des personnes âgées dépendantes en leur confiant plus de responsabilités.

De la pluralité des objectifs énumérés dans les documents des conseils généraux ou leurs réponses au questionnaire ressortent par ailleurs deux autres grandes finalités poursuivies : l'amélioration du service rendu aux personnes âgées et la maîtrise des coûts de fonctionnement du service autorisé. De manière plus subsidiaire est abordée la question du soutien que peuvent recevoir les aidants.

a. Une ambition de structuration de l’offre

Les conseils généraux affirment de nouvelles ambitions concernant l'organisation départementale de l'aide à domicile. Pour le conseil général de Meurthe-et-Moselle, l'enjeu des CPOM est « d'organiser une structuration plus efficiente de l'offre d'aide à domicile […], impliquant non seulement la définition d'un socle minimal de prestations à apporter aux usagers, mais aussi une nécessaire harmonisation des pratiques et des coûts, ainsi qu'une indispensable régulation territoriale. »

Les structures sont ainsi mandatées pour contribuer à délivrer des prestations individualisées et réaliser le cas échéant des missions d’intérêt général précisées dans le cadre du contrat d’objectifs signé entre le conseil général et l’organisme gestionnaire.

Elles contribuent, sur un territoire donné, à « permettre aux personnes en situation de perte d’autonomie de vivre à domicile, dans des conditions de sécurité, de bientraitance, d’équité, de dignité, dans le respect de leurs projets de vie » (conseil général du Doubs).

Le conseil général de l'Ain indique plus précisément les missions d’intérêt général qu'il souhaite garantir par la contractualisation : « la prise en charge de toutes les populations s’adressant au service, la lutte contre l’isolement, l'insertion et la formation professionnelle, la participation à la sécurité des personnes et la réalisation d'actions de prévention »

Outre les missions d’intérêt général énumérées par le code de l’action sociale et des familles comme pouvant impliquer la participation des services d’aide à domicile, le conseil général de Meurthe-et-Moselle introduit deux « missions d’intérêt général spécifiques : la sécurisation des personnes en cas d'aléas climatiques ou autres et l’intervention en urgence dans le cadre d'une sortie d'hospitalisation. »

Le conseil général de la Charente demande pour sa part à ses partenaires de s’engager dans la réalisation d’actions de prévention dans le cadre d’une convention annexée au CPOM.

b. Le premier interlocuteur de la personne âgée

Dans les documents fournis, les listes des responsabilités confiées aux services d'aide à domicile apparaissent comme relativement hétérogènes. Toutefois ces responsabilités ont en commun d’approfondir le rôle de premier interlocuteur que jouent les services d'aide à domicile.

Ainsi, le CPOM de l'Ain désigne formellement le service à domicile signataire comme l’interlocuteur principal des parties et lui assigne le rôle « d’interlocuteur principal de l’usager notamment pour l’aménagement du logement et la gestion des aides techniques. Il participe à la coordination des intervenants médicaux et médico-sociaux au domicile de l’usager. »

Cependant, le premier rôle attendu des services d’aide à domicile auprès de l'usager est principalement d'apprécier l'adéquation effective du plan d'aide aux besoins du bénéficiaire.

c. L’adaptation des prestations aux besoins des personnes prises en charge

Les CPOM étudiés confient aux services à domicile la mission d'informer le correspondant au sein des services du conseil général, si nécessaire, et d'adapter en conséquence le plan d'aide.

Le document du conseil général de la Charente indique : « Les procédures relatives à l’élaboration, la révision et les urgences du plan d’aide APA restent en vigueur. Cependant, le SAAD peut, pour répondre à un besoin ponctuel de la personne âgée (par exemple : retour d’hospitalisation, absence momentanée de l’aidant familial…), avec l’accord de cette dernière et dans les limites fixées ci-après, augmenter le nombre d’heures prévues dans la décision APA ». Ce conseil général précise l'ampleur de la délégation de responsabilités : « L'augmentation est dans tous les cas limitée dans le nombre d’heures et dans la durée, elle ne devra pas excéder : 10 % du nombre d’heures prévues par année civile dans la décision APA,et une période de 3 mois consécutifs. »

Dans le cadre de leurs déplacements dans les départements de la Sarthe et du Pas-de-Calais, les rapporteures ont étudié les modalités prévues par les CPOM autorisant les services à domicile adhérents à moduler le temps d’intervention en fonction des besoins des personnes âgées.

Ces expérimentations concernent 5 des 6 services autorisés dans le département de la Sarthe et 1 service autorisé dans le département du Pas-de-Calais.

Le dispositif de modulation du temps d’intervention a pour objet de permettre aux services adhérents au CPOM de « mettre en réserve » tous les mois des heures d’intervention non réalisées dans le but de faire face, le moment venu, à des besoins d’aides supplémentaires (par exemple lors d’une sortie d’hospitalisation).

Ces deux départements établissent un lien fort entre la possibilité de report d’un mois sur l’autre des heures non réalisées et la forfaitisation du paiement par l’usager de son ticket modérateur. (54) Les responsables considèrent que l’abonnement payé par l’usager marque son accord avec le principe selon lequel la décision de reporter des heures, ou de les consommer, est du seul ressort du service d’aide à domicile, pour des raisons de fluidité de la gestion du report des heures. (55)

Dans ces deux départements, la logique d’individualisation des droits APA est conservée : les heures non réalisées ne peuvent être réutilisées pour satisfaire les besoins d’autres personnes, comme l’envisagent d’autres départements. De même, la référence aux heures effectivement réalisées par chaque service d’aide à domicile est conservée lors de la procédure de règlement du solde dû par le conseil général en fin d’année.

Les services d’aide à domicile n’ont donc pas intérêt à laisser s’accumuler des heures non réalisées dans des réserves individuelles qu’ils ne seraient plus capables de solder par la suite, sous peine de voir retirer de leur rémunération le montant des stocks d’heures non consommées.

Les services d’aide à domicile adhérents font donc preuve d’une certaine prudence dans la gestion du report des heures. Dans le département du Pas-de-Calais, le service concerné a indiqué qu’il s’agissait principalement d’une marge de manœuvre donnée aux intervenants à domicile pour ajuster au quotidien la durée de leurs interventions en fonction des besoins constatés, souplesse utile mais contrebalancée par la nécessité de gérer les retards acquis pendant la journée par rapport au planning d’intervention. Dans le département de la Sarthe, des responsables de services ont souligné que le principe de non fongibilité des heures, distinguant les heures de soin au corps et les heures de travaux domestiques, était un obstacle au rattrapage des heures non consommées, car « on ne peut pas programmer plusieurs toilettes dans une journée, alors qu’on peut faire une fois un grand ménage dans les pièces à vivre ».

d. L’amélioration de la qualité des prestations rendues

Parmi les éléments énumérés par les documents des conseils généraux, deux préoccupations sont saillantes : celle de la continuité temporelle du service et celle de l'universalité d'accès au service, notamment dans les zones territoriales mal couvertes par les services existants.

• Les exigences en matière de continuité temporelle du service

La notion de continuité temporelle comprend la question des horaires d’accueil téléphonique, qui permettent à l’usager de faire part de l’évolution de ses besoins, les conditions dans lesquelles des prestations d’aide peuvent être maintenues les dimanches et jours fériés, mais également la capacité du prestataire à assurer des prestations par les mêmes personnes.

Les principes de continuité temporelle énoncés dans les CPOM ont cependant été rarement traduits, dans les documents communiqués, en termes d’exigences opérationnelles.

On peut cependant citer l’objectif fixé par le CPOM du conseil général du Doubs qui demande aux services à domicile « d'assurer – directement ou indirectement – un fonctionnement ou des permanences 7 jours sur 7 sur l'amplitude horaire suivante : 7 h – 21 h ».

Pour sa part, le conseil général de Meurthe-et-Moselle demande la mise en place par le service adhérent d’un « accueil téléphonique efficient au minimum 7 heures par jour et d’un accueil physique possible des personnes à aider ou de leurs représentants sur rendez-vous en dehors des plages de permanence ».

• Les exigences en matière d’accessibilité du service

Le conseil général de l’Ain définit l’objectif d’accès universel comme « obligation d’accueillir l’ensemble des utilisateurs éligibles et de leur apporter une réponse adaptée à leur besoin ».

La politique de contractualisation peut favoriser une structuration territoriale de l’offre. Le conseil général peut ainsi préciser dans un cadre contractuel le territoire d’intervention à privilégier par les services sous CPOM, en fonction de besoins identifiés sur tout ou partie de son territoire afin que tous ses administrés puissent trouver une réponse à leurs besoins d’aide. Cette territorialisation est pratiquée notamment dans les territoires ruraux où les coûts de desserte (coût élevé de déplacement des personnels qualifiés pour une intervention à domicile) pourraient conduire à une exclusion de fait de certains bénéficiaires de l’APA.

Il est aussi possible de définir des territoires prioritaires d’intervention, pour lesquels un service d’aide à domicile s’engage à répondre à toutes les demandes d’intervention émanant de ce territoire, à l’instar du CPOM signé par le conseil général de Meurthe-et-Moselle : le service d’aide à domicile s'y engage « à permettre à tout moment et en toute circonstance l'accès à ses prestations à toute personne située sur le territoire défini en annexe n° 1 [territoire du Lunévillois et terres de Lorraine]. La couverture du territoire doit donc être entièrement assurée ».

La délimitation des territoires d’intervention est aussi intégrée à la démarche de contractualisation du conseil général du Pas-de-Calais, qui édite des brochures d’information à l’intention des bénéficiaires de l’APA, indiquant, pour chacune des neuf circonscriptions qui structurent les interventions sociales du département, le nom des services d’aide à domicile et les caractéristiques des prestations qu’ils offrent sur le territoire de la circonscription.

• Le soutien aux aidants

Le soutien aux aidants est une thématique moins répandue mais qui constitue une mission d’intérêt général pouvant être utilement reprise. À titre d’exemple, le conseil général du Doubs demande aux services adhérents aux CPOM d’être en capacité de mener des actions spécifiques en direction des aidants.

e. L’amélioration de l’efficacité du fonctionnement du service autorisé

Les préoccupations relatives au rétablissement de l’équilibre financier des services autorisés sont très souvent présentes dans les documents fournis par les conseils généraux. Elles font partie de la vision budgétaire pluriannuelle faisant l’objet de la contractualisation.

Ces documents définissent des indicateurs de performances propres à l’activité d’aide à domicile tels que le taux d’heures non présentielles, le taux d’encadrement, l’optimisation des frais de déplacement, la dématérialisation de documents et la télégestion.

Pour le conseil général de Meurthe-et-Moselle, l’objectif de « dégager des gains de productivité dans l'organisation et le fonctionnement des services d'aide et d'accompagnement à domicile, en visant la stabilisation à terme des coûts de revient des services et leur retour à l'équilibre » est l’un des grands principes fondant la contractualisation.

Il convient de noter que la convergence des tarifs est mentionnée plusieurs fois comme un objectif contractuel ou comme un indicateur de performance. Pour les responsables des conseils généraux, la pratique de tarifs d’intervention différents sur un même territoire est maintenant considérée comme un signe de dysfonctionnement du système.

2. Une reprise partielle des éléments du cahier des charges des expérimentations

Un autre point de la contractualisation concerne la démarche de forfaitisation introduite dans les relations financières entre le conseil général, les services d’aide à domicile et les bénéficiaires.

La forfaitisation se présente comme un compromis visant à assouplir les normes de paiement des prestations d'aide à domicile dans le but d'éviter les phénomènes de « trous dans les plannings de travail », générateurs de coûts masqués, en contrepartie d'une amélioration de la qualité de la prestation auprès de chaque bénéficiaire : augmentation du nombre d'heures de présence si nécessaire sans recours à une procédure de révision du plan d'aide, travail de coordination avec les autres intervenants au domicile, mise en place d'actions de prévention contre les chutes, par exemple.

La définition du montant de la dotation annuelle est à la base de l’adhésion des services d'aide à domicile à la démarche contractuelle. Au regard des documents type transmis par sept conseils généraux, ces documents fixent le plus souvent dans le CPOM lui-même ce montant, accompagné de l’objectif quantitatif en termes de personnes dépendantes prises en charge.

Un seul conseil général (l’Ain) ne prévoit pas explicitement de remise en cause du montant de la dotation en cas de non atteinte des objectifs. Dans les autres, une révision de la dotation globale est prévue en fin d'exercice comptable, au vu du degré de réalisation des objectifs quantitatifs fixés, lors du déblocage du solde de la dotation (5 ou 10 % de l'enveloppe initiale). Dans un cas (la Charente), les conditions de déblocage sont précisées : le service d'aide à domicile dispose d'une marge de 10 % en deçà de son objectif sans pénalité.

La forfaitisation du ticket modérateur du bénéficiaire est l'élément le moins communément repris par les conseils généraux : seuls 4 départements sur les 8 départements expérimentateurs qui ont transmis leur CPOM ont adopté cette procédure. Cette situation s’explique probablement par le fait que l’impact de la forfaitisation pour les bénéficiaires est d'autant plus important que le ticket modérateur est élevé et qu'à la marge, elle peut dissuader certains bénéficiaires de solliciter l'APA à domicile – en exigeant d'eux qu'ils s'engagent à des dépenses forfaitaires importantes sur toute la durée du plan.

MODALITÉS DE PAIEMENT DE LA DOTATION GLOBALE

 

En début d’exercice

En fin d’exercice

Versement d’un acompte

Forfaitisation de la participation du bénéficiaire

Paiement par le CG au prorata du degré de réalisation de l’objectif quantitatif, ou forfaitisation

01 Ain

Dotation annuelle globale

Oui (56) (57)

Forfaitisation intégrale

16 Charente

Acomptes mensuels à hauteur de 90 % de la dotation

Non précisé

Forfaitisation : déblocage des 10 % restant si 11/12ème des heures de l’activité prévisionnelle ont été effectuées

22 Côtes d’Armor

Acomptes mensuels à hauteur de 90 % de la dotation

Oui (58)

Forfaitisation :

négociation si non réalisation des objectifs

25 Doubs

Acomptes mensuels à hauteur de 90 % de la dotation

Non

Forfaitisation :

négociation du déblocage du solde (10 %) si non réalisation des objectifs.

46 Lot

n.r.

Oui, pour deux associations

n.r.

54 Meurthe-et-Moselle

Acomptes mensuels à hauteur de 95 % de la dotation

Non

Forfaitisation : négociation du déblocage du solde (5 %) si non réalisation des objectifs

62 Pas-de-Calais

Acomptes mensuels à hauteur de 90 % de la dotation

Oui

Forfaitisation :

négociation du déblocage du solde (10 %) si non réalisation des objectifs

72 Sarthe

Acomptes mensuels à hauteur de 90 % de la dotation

Oui

Forfaitisation :

négociation du déblocage du solde (10 %) si non réalisation des objectifs

3. Des avancées certaines mais qui ne sont pas encore traduites par des dispositifs pleinement opérationnels

L’enquête réalisée montre que le principe de l’expérimentation tarifaire introduit est à l’origine d’une nouvelle dynamique parmi les conseils généraux en matière d’innovation pour le paiement des prestations des services d’aide à domicile.

En s’engageant dans des relations contractuelles pluriannuelles, les conseils généraux ont été amenés à préciser le rôle que peuvent jouer les services d’aide à domicile dans leur politique de prise en charge des personnes âgées à domicile. Grâce aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), les conseils généraux construisent une relation de partenariat faisant des services d’aide des acteurs à part entière des politiques départementales investis de responsabilités spécifiques.

Dans ce nouveau cadre partenarial, de nouvelles thématiques traduisent l’évolution des préoccupations des conseils généraux en faveur d’une prise en charge accessible à tous, quel que soit le territoire d’intervention, répondant davantage aux besoins en dehors des jours ouvrés, évolutive en fonction de la situation de la personne et mieux coordonnée avec les autres intervenants auprès de la personne aidée.

En contrepartie de la souplesse de facturation que suppose cette plus grande adaptabilité aux besoins des personnes âgées, les conseils généraux demandent à leurs partenaires de s’engager contractuellement sur des indicateurs garantissant une meilleure maîtrise des coûts du service.

Toutefois, l’examen des documents communiqués par les conseils généraux montre que, s’il s’agit là d’objectifs communément partagés, il est plus difficile de définir les normes pratiques qui leur correspondent et on ne trouve dans la documentation rassemblée que des éléments ponctuels tant sur le plan des obligations de continuité temporelle que sur celui de la définition de territoires prioritaires d’intervention. On ne trouve pas davantage de référence aux dotations spécifiques destinées à compenser les charges des missions d’intérêt général décrites.

Par ailleurs, l’enquête a permis de constater que la forfaitisation du paiement des interventions d’aide à domicile introduite par l’expérimentation recouvre des systèmes sensiblement différents selon les départements et que l’heure d’intervention demeure la base de facturation pour un certain nombre de départements expérimentateurs.

Comme le souligne le récent rapport des sénateurs Jean-Marie Vanlerenberghe et Dominique Watrin, déposé le 4 juin 2014, les dotations actuelles constituent des enveloppes dont le montant a été déterminé à partir de références historiques. Ce système peut perdurer sur plusieurs années sans risques importants de dérives financières dès lors qu’il demeure fondé sur des références horaires, tant au niveau de la mesure du volume d’activité qu’à celui de la connaissance des coûts.

Par contre, les risques de dérives financières apparaissent plus importants dès lors que la forfaitisation s’appuie sur des références liées aux coûts de manière moins étroite. Le cahier des charges de l’arrêté interministériel du 31 août 2012 préconise ainsi un faisceau d’indicateurs (nombre de personnes prises en charge, GIR moyen, évaluation de l’aide apportée par les proches sous la forme du calcul du GMP) correspondant bien à l’idée sous-jacente à la forfaitisation d’une délégation de responsabilité dans la prise en charge à domicile des personnes âgées, mais il peut se traduire au final, une fois les références historiques devenues obsolètes avec le temps, par une forte augmentation du coût de prise en charge par personne.

ANNEXE 2 :
SIMULATION DE L’IMPACT DE L’INSTAURATION
D’UN CRÉDIT D’IMPOT POUR L’EMPLOI D’UNE AIDE À DOMICILE
EN FAVEUR DES BÉNÉFICIAIRES DE L’ALLOCATION PERSONNALISÉE D’AUTONOMIE

1.– BÉNÉFICIAIRE DE L’APA VIVANT SEUL

1.1  GIR 1 : 105 heures par mois (12 000 personnes – 2 % des bénéficiaires de l’APA)

1.2  GIR 2 : 88 heures par mois (80 000 personnes – 12 % des bénéficiaires de l’APA)

1.3  GIR 3 : 70 heures par mois (100 000 personnes – 14 % des bénéficiaires de l’APA)

1.4  GIR 4 : 44 heures par mois (270 000 personnes – 38 % des bénéficiaires de l’APA)

2.– BÉNÉFICIAIRE DE L’APA VIVANT EN COUPLE

2.1  GIR 1 : 105 heures par mois (6 000 personnes – 1 % des bénéficiaires de l’APA)

2.2  GIR 2 : 88 heures par mois (40 000 personnes – 6 % des bénéficiaires de l’APA)

2.3  GIR 3 : 70 heures par mois (50 000 personnes – 7 % des bénéficiaires de l’APA)

2.4  GIR 4 : 44 heures par mois (130 000 personnes – 19 % des bénéficiaires de l’APA)

ANNEXE 3 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES

1. Auditions :

– Mme Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale, au ministère des Affaires sociales et de la santé, accompagnée de Mme Nathalie Cuvillier, sous-directrice de l’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées (2 avril 2014) ;

– Mme Dominique Lery, présidente d'ADHAP-Services et membre du conseil d'administration de la Fédération du service aux particuliers (FESP) (2 avril 2014) ;

– M. Dominique Balmary, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), accompagné de M. Alain Villez, conseiller technique, chargé des personnes âgées (2 avril 2014) ;

– Mme Anne Bruant-Bisson et M. Jacques-Bertrand de Reboul, auteurs du rapport de l'IGAS sur les questions de tarification et de solvabilisation des services d’aide à domicile en direction des publics fragiles (10 avril 2014) ;

– M. Jean-Pierre Hardy, directeur délégué Solidarités et développement social à l’Assemblée des départements de France (ADF), accompagné de Mme Marylène Jouvien, responsable de la veille institutionnelle, attachée parlementaire ADF (10 avril 2014) ;

– M. Thierry d’Aboville, secrétaire général de l'Union nationale des associations d'Aide à domicile en milieu rural (ADMR), accompagné de M. Christian Fourreau, directeur adjoint (10 avril 2014) ;

– M. Christophe Piteux, délégué général adjoint, en charge des services aux adhérents de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS), accompagné de Mme Eleonora Busi, conseillère technique (16 avril 2014) ;

– M. Francis Contis, président de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), accompagné de M. Yves Verollet, délégué général, et de M. Nicolas Pailloux, conseiller politiques publiques (16 avril 2014) ;

– M. Frank Nataf, vice-président de la Fédération française de services à la personne et de proximité (Fédésap), accompagné de M. Franck Sodoyer, secrétaire général (16 avril 2014) ;

– M. Maxime Aiach, président de la Fédération du service aux particuliers (FESP), accompagné de Mme Sandra Küntzmann-Burgo, vice-présidente et de M. Olivier Péraldi, directeur général (22 juillet 2014).

– Mme Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), accompagnée de M. Adrien Dufour, chargé de mission Pôle Affaires publiques et communication (12 novembre 2014).

– Mme Christiane Martel, présidente honoraire de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services au domicile (UNA) et M. Yves Verollet, délégué général (12 novembre 2014).

– M. Christian Junik, président de la Fédération française des services à la personne et de proximité (FEDESAP) et M. Franck Nataf, vice-président en charge de la commission autonomie, dépendance et handicaps (12 novembre 2014).

– M. Christophe Piteux, délégué général adjoint, en charge des services aux adhérents à l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), accompagné de Mme Eleonore Busi, chargée de mission, responsable personnes âgées/personnes handicapées à domicile (13 novembre 2014).

– M. Hugues Vidor, directeur général d’Adessadomicile, et M. Didier Duplan, directeur général adjoint, en charge des questions personnes âgées/personnes handicapées (13 novembre 2014).

– M. Philippe Perrin, président de l’Association professionnelle des émetteurs de CESU (APECESU) et président de Domiserve, accompagné de M. Nicolas Herbreteau, vice-président de l’APECESU et représentant le groupe Edenred (13 novembre 2014).

2. Tables rondes :

• « Impact des aides publiques aux services à la personne sur l’emploi » (23 septembre 2014) :

– M. François Guillaumat-Taillet, chef du département « Politique d’emploi » à la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), accompagné de M. Benoît Ourliac, chef de la mission de l’analyse économique, et de Mme Aurélie Goin, chargée d’études au sein de la mission de l’analyse économique ;

– M. Guillaume Lacroix, adjoint du chef de service Tourisme, Commerce, Artisanat et Services, de la direction générale des entreprises (DGE) au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique ;

– M. Emmanuel Bretin, sous-directeur des politiques sociales et de l’emploi à la direction générale du Trésor, accompagné de M. Jean-François Lebrun, chargé de mission ;

– Mme Claire Marbot, administratrice de la direction de la recherche des études et des statistiques (DREES), chercheur au centre de recherches en économie et statistique (CREST) ;

– Mme Elodie Alberola, chef de projets du département Évaluation des politiques sociales au CREDOC, accompagnée de Mme Isa Aldeghi, chargée de recherche.

• « Ciblage des aides publiques aux services à la personne » (2 octobre 2014) :

– M. Clément Carbonnier, maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise, chercheur au THEMA, co-directeur de l’axe « Politiques socio-fiscales » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques – Sciences Po (LIEPP) ;

– Mme Michèle Debonneuil, économiste, personnalité associée au Conseil économique, social et environnemental (CESE) ;

– M. Gilles Dumont, chef de la mission des services à la personne – service tourisme, commerce, artisanat et services – de la direction générale des entreprises (DGE) au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique ;

– Mme Hélène Garner, chargée de mission au département travail et emploi de France Stratégie.

• « Structuration et professionnalisation du secteur des services à la personne » (9 octobre 2014)

– M. François-Xavier Devetter, maître de conférence en sciences économiques à l’Université de Lille 1 ;

– M. Gilles Dumont, chef de la mission des services à la personne de la direction générale des entreprises (DGE), au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique ;

– M. Jean-Henri Pyronnet, adjoint à la sous-directrice en charge des relations individuelles et collectives du travail de la direction générale du travail (DGT) ;

– Mme Martine Rebière, conseillère à la section « solidarité – aide à domicile » d’Uniformation, accompagnée de Mme Claire Perrault, présidente de la commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle branche aide à domicile, et secrétaire générale adjointe en charge des relations sociales de la Fédération nationale des associations de l'aide familiale populaire FNAAFP/CSF ;

– Mme Isabelle Menant, chef de mission Anticipation et développement de l’emploi à la sous-direction des mutations économiques et de la sécurisation de l’emploi à la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), accompagnée de Mme Christine Matraglia, chargée de mission à la sous-direction des mutations économiques de la DGEFP – secteur services à la personne ;

– Mme Laurence Carlinet, directeur du développement de l’Association pour la gestion de la formation des salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOS PME), accompagnée de M. Laurent Barban, délégué grands comptes et branches.

• « Adéquation entre la demande et l’offre d’aide au maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie » (30 octobre 2014)

– Mme Magda Tomasini, sous-directrice de l’observation de la solidarité à la Direction de la recherche des études et des statistiques (DREES) ;

– M. Antonin Blanckaert, directeur de l'action sociale nationale à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ;

– Mme Geneviève Gueydan, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), accompagnée de M. Etienne Deguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie ;

– M. Jean-Loup Duros, président de l’association d’usagers « Vivre à domicile ».

• « Organisation et la gouvernance du réseau des services de maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie » (5 novembre 2104)

– Mme Jingyue Xing, chercheure à l’École normale supérieure, sur le rôle du système de tarification sur le développement des services et l’attractivité du secteur ;

– Mme Nathalie Cuvillier, sous-directrice de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées - Service des politiques sociales et médico-sociales de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ;

– M. Luc Broussy, représentant de l’Assemblée des départements de France (ADF), accompagné de Mme Marylène Jouvien, responsable de la veille institutionnelle ;

– M. Pascal Émile, directeur délégué de la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ;

– M. Marc Bourquin, directeur du pôle médico-social de l’Agence régionale de santé Île-de-France.

3. Déplacements :

• Département de Seine-Saint-Denis (22 mai 2014) :

– M. Pierre Laporte, vice-président de la commission de la solidarité, de l'insertion, de l'enfance, de la famille, de la santé, des personnes âgées et des personnes handicapées ;

– M. Yann Abraham, collaborateur de M. Laporte ;

– Mme Bérénice Delpal, directrice adjointe des services, Pôle solidarité ;

– Mme Delphine Hammel, directrice adjointe de la dépendance, des personnes âgées et des personnes handicapées (DPAPH) ;

– Mme Béatrice Niderkorn, adjointe au chef de service personnes handicapées (DPAPH) ;

– Mme Dorothée Lamarche, chef de bureau évaluation et développement (DPAPH) ;

– Mme Myosotis Kwawu Kokoe, chargée du suivi des SAD, service population âgée ;

– Mme Annie Sirvent, directrice adjointe Pôle des politiques de l'emploi, DIRECCTE Île-de-France-Unité territoriale de Seine-Saint-Denis ;

– Mme Sylvie Bessard, Union départementale des CCAS ;

– Mme Céline Blondeau, directrice d’Evolia 93, plateforme des services à la personne en Seine-Saint-Denis ;

– Mme Sophie Alexandre et Mme Seremet, Association SBD « Le service pour bien vivre à domicile » ;

– M. Arnaud Douarche, gérant d’Epicuria ;

– M. Patrick Chanterel, ADMR Noisy-le-Sec et Villepinte ;

– Mme Valérie Martinet, CCAS Aulnay ;

– Mme Sylvie Bessart, CCAS Saint-Denis

• Département de la Sarthe (26 juin 2014) :

– Mme Nicole Agasse, vice-présidente de la commission de la solidarité, en charge des personnes âgées et personnes handicapées ;

– Mme Marie-Hélène Gautier, directeur autonomie et dépendance ;

– Mme Gisèle Contrain-Etrayen, chef du service prestations et aide sociale ;

– Mme Marina Besseau, chargée des relations avec les SAAD, de la tarification et de la coordination des signalements des majeurs vulnérables ;

– M. Bruno Corcy, chargé du suivi de la convention CNSA de modernisation et de professionnalisation des services d’aide et d’accompagnement à domicile ;

– Mme Elodie Bastien, directrice de la fédération ADMR de la Sarthe ;

– M. Nicolas Fossey, directeur du CCAS de Sablé sur Sarthe ;

– M. Jean-Louis Lemierre, président de l’association Aide à Domicile ;

– Mme Carole Litolff, adjointe de direction en charge du domicile au CCAS du Mans ;

– Mme Isabelle Mangard, directrice de l’association Aide à Domicile ;

– Mme Françoise Renou, directrice du CCAS de La Flèche ;

– Mme Geneviève Coutable, présidente de l’association Soutien à domicile - Familles Rurales ;

– Mme Béatrice Grinda, directrice de l’association Ai’Dom ;

– Mme Catherine Roberton, directrice de l’association Familles Rurales ;

– M. Pierre Lebebvre, membre du conseil d’administration de l’association Proxim’Services

– M. Claudio Viola, directeur de l’association Proxim’Services ;

– Mme Florence Le Fourn, DIRECCTE UT72 ;

– Mme Josiane Couallier, gérante de la société COVIVA Bien vivre chez soi ;

– Mme Lydia Dalmasso, gérante de la société Adom72 ;

– M. Marc Davy, gérant de la société Âge d’Or Services ;

– M. Sylvain Jousse, gérant de la société Desmos Services ;

– Mme Céline Martin, gérante de la société Alliance Vie ;

– M. Pascal Maudet, directeur de O2 Sarthe.

• Département du Pas-de-Calais (1er juillet 2014) :

– M. Luc Gindrey, directeur de l’autonomie et de la santé au Conseil général du Pas-de-Calais ;

– M. Cyril Carbonnel, chef du service qualité et financements ;

– Mme Virginie Piekarski, chargée du développement territorial et de la contractualisation des CPOM ;

– Mme Françoise Lafage, directrice adjointe de la DIRECCTE UT62 (pôle développement de l’activité) ;

– Mme Annie Adancourt, présidente de l’UDCCAS ;

– M. Francis Hennebelle, président de l’ADMR ;

– Mme Katy Fuentes, directrice de l’ADMR ;

– M. Jean-Pierre Ledez, directeur, représentant UR Adessa ;

– Mme Christiane Martel, présidente honoraire de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services au domicile (UNA),

– M. Grégory Rehber, directeur adjoint de l’ADMR.

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES À L’ÉVALUATION DU DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE

Cette contribution peut être consultée à l’adresse suivante :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2437.pdf

1 () Ces catégories sont celles retenues par la Cour. Il semblerait toutefois pertinent d’y distinguer les « emplois familiaux » qui, en favorisant la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, encouragent l’activité du deuxième apporteur de revenu (le plus souvent la femme), au contraire des cours de yoga à domicile, par exemple.

2 () L’année 2014 a vu se développer une offre d’un genre nouveau : des places de marché en ligne, permettant aux particuliers de faire appel à des aides ménagères ayant le statut d’autoentrepreneurs. Ce mode de recours, qui fait reposer toutes les contraintes administratives sur l’autoentrepreneur, affiche des tarifs moindres que les agences traditionnelles. L’objectif assumé de ses promoteurs est de prendre des parts de marché sur le secteur informel.

3 () Garner H., Leuthereau-Morel N., « Gouvernance et organisation des services à la personne en Europe », Document de travail, France Stratégie, à paraître.

4 () Créée en 2006, la PCH doit progressivement remplacer l’ACTP. En juin 2012, 93 % de ses allocataires ont perçu un versement au titre d'une prestation. Sources : « Évolution des prestations compensatrices du handicap de 2006 à 2012 », Maude Espagnacq, DREES, Études et résultats n° 829, janvier 2013 ; « Les dépenses d’aide sociale départementale en 2012 », Elise Amar, DREES, Études et résultats, n° 870, février 2014.

5 () La Cour recommande d’ailleurs de produire des données consolidées à un rythme annuel et non bisannuel comme c’est le cas aujourd’hui.

6 () À la suite de l'avis motivé n° 2011/2112 du 21 juin 2012 adressé à la République française par la Commission européenne demandant la mise en conformité du droit français aux directives européennes de 2006 sur les services et le régime commun de TVA, le Gouvernement a pris le décret n° 2013-510 du 17 juin 2013 fixant la liste des activités de services à la personne éligibles aux taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée.

7 () À la différence d'une réduction d'impôt, un crédit d'impôt peut être remboursé, en totalité ou partiellement, au contribuable si le montant dépasse celui de l'impôt ou si le contribuable est non imposable.

8 () La Cour a dénombré 810 000 foyers inactifs qui déclarent des dépenses d’aide à domicile, pour un montant d’un milliard d’euros, mais qui ne sont pas imposables et ne sont donc pas remboursés. Ce chiffre est donc probablement un minorant par rapport à la réalité : il ne concerne que des personnes qui se donnent la peine de faire cette déclaration en l’absence de toute conséquence financière.

9 () Sur la base d’une dépense d’aide à domicile moyenne de 1 600 euros par an et donc d’un coût de 800 euros par ménage.

10 () Projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, n° 1994, déposé le 3 juin 2014 et adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 17 septembre 2014.

11 () La réduction/crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile est-elle efficace en tant que politique de l’emploi ? Méta-analyse des évaluations empiriques 1997-2007, Clément Carbonnier, juin 2014, SciencesPo. / Laboratoire interdiscipllinaire d’évaluation des politiques publiques.

12 () Les contrats aidés dans la politique de l’emploi, Cour des comptes, 2011.

13 () D’après l’article L. 232-2 du code de l’action sociale et des familles, les personnes âgées ayant seulement besoin d'une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage relèvent du GIR 5 et les personnes âgées n'ayant pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie courante relèvent du GIR 6.

14 () Document d’orientation Les services à la personne : bilan et perspectives, établi par Mme Michèle Debonneuil, inspectrice générale des finances, septembre 2008.

15 () Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011, par MM. Henri Guillaume et Mickaël Ohier, Inspection générale des finances, page 97.

16 () Une enquête de l’UNCCAS de 2013 évalue à 5 % la part des CCAS qui utilisent le CESU dans le cadre de leurs aides facultatives, sur un échantillon malheureusement trop faible pour être significatif (taux de réponse de 4 %). L’enquête suggère qu’un manque d’information est la cause de ce désintérêt.

17 () Enquête de l’observatoire Tendance, emploi, compétence du Medef menée auprès de 40 000 entreprises, citée par la Cour des comptes.

18 () Aide à domicile, rapport national, avril 2012 (Observatoire de branche de l’aide à domicile).

19 () Rapport du groupe Prospective des métiers et qualifications, Commissariat général à la stratégie et à la prospective et DARES.

20 () Données INSEE de 2010, publiées par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en 2013.

21 () Étude du Centre national d'animation et de ressources (Cnar) du champ sanitaire et social.

22 () Étude de M. Marquier, INSEE, 2010.

23 () Projection des populations âgées dépendantes. Deux méthodes d’estimation. Aude Lecroart (Drees), Olivier Froment, Claire Marbot, Delphine Roy (INSEE).

24 () Perspectives démographiques et financières de la dépendance, Rapport du groupe de travail, sous la direction de M. Jean-Michel Charpin, juin 2011.

25 () Rapport sur les perspectives de financement à moyen-long terme des régimes de protection sociale, présenté par Mme Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale, janvier 2014.

26 () L’allocation personnalisée autonomie à l’horizon 2040, Delphine Roy et Claire Marbot, Insee.

27 () Enquête « Handicap-santé » auprès des aidants, Drees, 2008.

28 () Selon les études de Roméo Fontaine, Retraite et société, 2009, et de Mmes Noémie Soullier et Amandine Weber, Drees, 2011.

29 () L’évolution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) de 2002 à 2009, Mélanie Bérardier et Élise Clément, Études et Résultats n° 780 • octobre 2011.

Les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile et leurs ressources en 2011, Mélanie Bérardier, Études et Résultats n° 876 • février 2014.

30 () Les montants moyens bruts des pensions dans la France entière s’élèvent à 1 194 euros en 2009 (source : INSEE).

31 () Mission relative aux questions de tarification et de solvabilisation des services d’aide à domicile en direction des publics fragiles, octobre 2010.

32 () Mission confiée par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, relative aux difficultés financières de l’aide à domicile et aux modalités de tarification et d’allocation de ressources des services d’aide à domicile pour les publics fragiles, janvier 2012.

33 () Voir annexe.

34 () L’appel à projets constitue en effet une des modalités de mandatement au sens du droit européen.

35 () Mission relative aux questions de tarification et de solvabilisation des services d’aide à domicile en direction des publics fragiles, octobre 2010.

36 () Mission confiée par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, relative aux difficultés financières de l’aide à domicile et aux modalités de tarification et d’allocation de ressources des services d’aide à domicile pour les publics fragiles, janvier 2012.

37 () Le SMIC horaire brut est passé de 8,40 euros en juin 2007 à 9,20 euros en décembre 2011, soit une augmentation de 9,2 %.

38 () L’augmentation des dépenses de l’APA à domicile a été de 7 % par an entre 2003 et 2009.

39 () Les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile et leurs ressources en 2011, Mélanie Bérardier, Etudes et Résultats n° 876 • février 2014.

40 () Les travaux statistiques montrent une corrélation positive forte entre le montant des plans notifiés et les ressources des bénéficiaires.

41 () Un calcul réalisé pour un bénéficiaire touchant le revenu médian en 2007 et 2011 montre que la part à la charge des conseils généraux a baissé de 10 % entre ces deux dates et que la participation des bénéficiaires a augmenté de 22 %.

42 () Mission confiée par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, relative aux difficultés financières de l’aide à domicile et aux modalités de tarification et d’allocation de ressources des services d’aide à domicile pour les publics fragiles, janvier 2012.

43 () 44 % des plans d'aide établis pour les Gir 1 sont saturés et 36 % des plans d'aide pour les Gir 2.

44 () Les plafonds d'aide sont fixés par l’article R. 232-10 du code de l'action sociale et des familles.

45 () Rapport d’information sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes (n° 2467), 23 juin 2010.

46 () Selon l’article R. 232-11 du CASF, « La participation du bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie prévue à l'article L. 232-4 est calculée au prorata de la fraction du plan d'aide qu'il utilise. ».

47 () Voir annexe.

48 () Approche du coût de la dépendance des personnes âgées à domicile, Anne Loones, CREDOC, décembre 2005.

49 () L’évolution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) de 2002 à 2009, Mélanie Bérardier et Élise Clément, Etudes et résultats n°780, octobre 2011.

50 () Le département de l’Ille-et-Vilaine compte par exemple 78 services agréés pour un million d’habitants alors que le département du Pas-de-Calais, pourvu de 1,4 million d’habitants, en compte 72. De même le département des Pyrénées orientales, qui comprend 460 000 habitants, compte deux fois plus de services à domicile agréés (69) que le département de Meurthe-et-Moselle (34) alors que ce dernier compte 735 000 habitants.

51 () L’instrumentalisation des tarifs des services d’aide à domicile correspond aux fonctions de base utilisées pour le calcul des plans d’aide et pour le versement de l’APA à domicile. Ces fonctions s’ajoutent à la fonction primitive de financement.

52 () L’article L. 232-15 du CASF prévoit que l’allocation personnalisée d’autonomie peut, après accord du bénéficiaire, être versée directement aux services d’aide à domicile avec lesquels le département a passé une convention.

53 () Les heures programmées les dimanches et jours fériés sont rémunérées pour exemple 25 % plus cher.

54 () La contribution mensuelle de l’usager n’est plus calculée en fonction du nombre d’heures effectivement réalisées, comme le prévoit la réglementation de droit commun, mais sur la base du nombre d’heures inscrites dans le plan d’aide notifié (système dit « de l’abonnement »).

55 () Dans le cas contraire, le service à domicile aurait à s’assurer, à chaque décision, de l’accord de l’usager, ce qui alourdirait significativement la gestion des heures reportées.

56 () L’article 3 du CPOM type dispose que « La participation financière mensuelle et forfaitaire de l’usager peut être déterminée en fonction uniquement de ses ressources, son niveau de dépendance et le volume d’aide qui lui est attribué ne sont plus pris en compte. »

57 () L’article 6 du CPOM type précise que « L’originalité du dispositif repose sur la forfaitisation de la participation de l’usager et la nouvelle adaptation du plan d’aide de l’APA. En effet, en fonction d’un plan d’aide de référence, l’association choisie par le bénéficiaire de l’APA et agissant dans le cadre du mandatement, peut décider d’augmenter ou de réduire son intervention en fonction du besoin réel de la personne âgée, avec un ratio de flexibilité à plus ou moins 10 % dans la limite de 3 mois. Au-delà de cette période, une révision du plan d’aide est demandée aux services du Département. »

58 () L’article 4 du CPOM type indique que « Le taux de participation de la personne est déterminé en fonction de ses ressources, conformément aux articles L. 232-3 et L. 232-4 de la loi n° 2001-641 du 20 juillet 2001 relative à l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA). Le montant de la participation de l'usager, qui dépend du contenu du plan d'aide, est lissé sur l'année civile et forfaitisé. La participation forfaitaire, laissée à la charge de la personne bénéficiaire de l'APA, est demandée chaque mois quel que soit le nombre d'heures effectuées. Lors de l'évolution du tarif horaire, le service met à jour si besoin le montant de la participation forfaitaire. (…) En contrepartie de la participation forfaitaire, le nombre d'heures mensuel défini dans le plan d'aide peut être modulé sur l'année selon les besoins de la personne. Dans tous les cas, le volume d'heures annuel prévu au plan d'aide doit être respecté dans la limite de plus ou moins 10 %. Si la situation nécessite une modification significative du nombre d'heures annuel (variation de 10 % du nombre d'heures du plan d'aide à la hausse ou à la baisse), une demande de révision devra être sollicitée par courrier, émanant soit de la personne ou de son représentant soit du service avec signature de la personne ou de son représentant. »


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