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2554

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur la formation des militaires

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Francis HILLMEYER et Jean-Michel VILLAUMÉ,

Députés.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur la formation des militaires est composée de :

– MM. Francis Hillmeyer et Jean-Michel Villaumé, rapporteurs ;

– Mmes Isabelle Bruneau, Catherine Coutelle, MM. Philippe Folliot et Damien Meslot, membres.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : DES PARCOURS DE FORMATION EXIGEANTS 7

I. LA FORMATION INITIALE, CREUSET DE L’IDENTITÉ DES ARMÉES 7

A. LES GRANDES ÉCOLES MILITAIRES : UNE EXCELLENCE À CONFORTER 7

1. Des profils variés 8

2. Des formations diversifiées 11

3. Un rayonnement à consolider 14

B. LES ÉCOLES DE SOUS-OFFICIERS ET DES MILITAIRES DU RANG 17

1. Les écoles de sous-officiers 17

2. La formation initiale des militaires du rang et des quartiers maîtres de la flotte 19

II. LES SPÉCIALISATIONS ET LA FORMATION CONTINUE : GARANTIR UN NIVEAU DE TECHNICITÉ ÉLEVÉ 21

A. FORMER DES SPÉCIALISTES 21

1. Les écoles de spécialité : l’apprentissage d’un savoir-faire technique 21

2. Les formations en unité : du savoir-faire individuel à la compétence collective 23

B. LA FORMATION CONTINUE 24

1. Un escalier social efficace 24

2. La formation continue des officiers 26

DEUXIÈME PARTIE : UN APPAREIL DE FORMATION EN PLEINE MUTATION 31

I. UN PILOTAGE DE LA FORMATION RÉORGANISÉ MAIS DES OUTILS DE MESURE ENCORE TROP LACUNAIRES 31

A. LA GOUVERNANCE DE L’APPAREIL DE FORMATION 31

1. Une coordination interministérielle rénovée 31

2. Le pilotage au niveau de chacune des armées 33

3. Une adaptation continue des formations dispensées 34

B. UNE MESURE DE L’EFFORT DE FORMATION PERFECTIBLE 36

1. Des coûts mal connus 36

2. Une activité globalement en baisse 38

II. UNE RATIONALISATION DE L’OUTIL DE FORMATION LARGEMENT ENTAMÉE 40

A. DES MUTUALISATIONS NOMBREUSES ENTRE LES ARMÉES 40

1. Les regroupements d’écoles au sein des armées 40

2. Les mutualisations interarmées 41

B. LES RAPPROCHEMENTS AVEC DES PARTENAIRES ÉTRANGERS 43

1. Des échanges d’élèves de plus en plus nombreux 43

2. Des coopérations pour des formations communes 45

C. UNE OUVERTURE VERS LE MONDE CIVIL À CONFORTER 47

1. Des externalisations nombreuses 47

2. Tirer un meilleur profit de la coopération avec l’industrie 48

TROISIÈME PARTIE : QUATRE DÉFIS À RELEVER 51

I. RENFORCER LA CULTURE DE LA MIXITÉ DANS LES ÉCOLES 51

1. La persistance de comportements intolérables 52

2. Les mesures proposées et leur mise en œuvre 54

II. DÉVELOPPER L’USAGE DE LA SIMULATION 56

III. PRENDRE PLEINEMENT LE VIRAGE DE LA CYBERDÉFENSE 59

1. Développer les formations 59

2. Encourager la recherche 60

IV. RÉDUIRE LE TEMPS EN ÉCOLE PAR LA FORMATION À DISTANCE ET LA CERTIFICATION PROFESSIONNELLE 61

1. L’enseignement à distance 61

2. Développer les démarches de certification professionnelle 63

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 67

EXAMEN EN COMMISSION 69

ANNEXES 89

ANNEXE 1 : AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION 89

ANNEXE 2 : FORMATIONS MUTUALISÉES ENTRE LES ARMÉES 93

INTRODUCTION

L’effort que les armées consacrent à la formation des militaires représente un enjeu stratégique pour elles.

Alors qu’elles sont fortement sollicitées sur les théâtres d’opérations, tant intérieurs qu’extérieurs, l’exigence d’efficacité opérationnelle est de plus en plus forte et impose en effet à leur personnel disponibilité, réactivité, compétence et maîtrise.

Les évolutions technologiques et la montée en gamme que représente la livraison des systèmes d’armes et équipements prévus par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019, imposent par ailleurs l’acquisition de compétences nouvelles, indispensables à la mise en œuvre de ces matériels.

Enfin, la dynamique de transformation en profondeur des armées vers un modèle plus resserré nécessite d’adapter leur gestion des ressources humaines pour maintenir les compétences en nombre suffisant, individualiser les parcours de formation et faciliter la reconversion.

C’est donc bien parce qu’elle conditionne leur capacité opérationnelle que la commission de la Défense a souhaité consacrer une mission d’information à la formation dans les armées. La mission s’est intéressée prioritairement aux trois armées, armée de terre, armée de l’air et marine, et n’a abordé que de manière incidente les services spécialisés et la gendarmerie.

Il ne s’agissait naturellement pas de dresser un panorama exhaustif des parcours et dispositifs de formation des différentes armées mais plutôt d’essayer d’en faire ressortir les grandes tendances et les perspectives pour l’avenir.

Au terme de leurs travaux, les membres de la mission d’information constatent que les armées imposent des parcours très exigeants à leurs militaires, quel que soit leur corps ou leur armée. La condition de militaire, plus que tout autre métier probablement, exige en effet d’acquérir des compétences nouvelles, à chaque étape du parcours professionnel, à chaque changement d’affectation – et ils sont nombreux.

L’appareil de formation est très dense car le modèle d’armée défini par le Livre blanc de 2013 exige de disposer d’une palette de compétences extrêmement variées. Il a néanmoins connu de profondes mutations ces dernières années et a été largement rationalisé par le regroupement d’écoles et la mutualisation de nombreuses formations entre les armées. Sa gouvernance a été également rénovée et il importe qu’il soit doté au plus vite d’outils comptables indispensables à la bonne connaissance de ses coûts analytiques.

Les membres de la mission d’information partagent la conviction qu’il doit à présent être possible de tirer un meilleur profit des coopérations avec les industriels, de s’ouvrir davantage au monde de l’enseignement supérieur et d’engager une démarche plus ambitieuse de certification professionnelle ainsi que le prévoient le Livre blanc et la politique des ressources humaines du ministère de la Défense à l’horizon 2015.

PREMIÈRE PARTIE : DES PARCOURS DE FORMATION EXIGEANTS

La formation des militaires répond avant tout à une finalité opérationnelle. Elle permet l’acquisition des compétences, savoir-être et savoir-faire requis pour répondre aux missions et contrats opérationnels des forces armées tels que définis par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Elle constitue un capital immatériel sur lequel repose la qualité opérationnelle des forces armées.

La formation doit assurer, selon les termes employés par les armées, un continuum cohérent tout au long de la carrière des militaires, et doit mêler pour cela enseignement académique, technique et opérationnel.

I. LA FORMATION INITIALE, CREUSET DE L’IDENTITÉ DES ARMÉES

La formation initiale vise à transformer des jeunes civils, en quelques mois ou quelques semaines, en des militaires capables de tenir un premier emploi opérationnel. Pour les officiers, elle doit en outre leur permettre d’acquérir une aptitude au commandement et au management des hommes. La formation humaine y est donc essentielle pour l’acquisition de savoir-être indispensable à la vie dans un cadre militaire.

La formation initiale joue également un rôle fondamental, tous les interlocuteurs entendus par la mission ont insisté sur ce point, dans l’acculturation des hommes et des femmes à l’armée qu’ils vont servir. Cette identité d’armée est indispensable à la réussite de l’amalgame entre des jeunes venus d’horizons, de milieux et de niveaux scolaires très hétérogènes.

A. LES GRANDES ÉCOLES MILITAIRES : UNE EXCELLENCE À CONFORTER

La formation initiale des officiers est assurée par des établissements d’enseignement supérieur propres à chacune des armées : les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (ESCC) pour l’armée de terre, l’école navale et le groupement des écoles du Poulmic (ENGEP) pour la marine nationale et les écoles d’officiers de l’armée de l’air (EOAA) de Salon de Provence pour l’armée de l’air.

Dans la lignée des orientations fixées par le Livre blanc de 2013, la politique des ressources humaines du ministère de la Défense leur assigne comme objectifs de « continuer à délivrer des formations de très haut niveau, dans les domaines des savoirs et savoir-faire académiques et militaires mais aussi ceux des savoir-être (éthique, esprit collectif, etc.) ». Aussi, afin que les diplômes qu’elles délivrent continuent à être reconnus, doivent-elles « s’inscrire dans les grandes tendances et dynamiques de l’enseignement supérieur afin de rester visibles à l’échelle nationale et à l’international. »

1. Des profils variés

Les trois grandes écoles militaires que sont Saint-Cyr, l’école navale et l’école de l’air ont pour mission première de former les futurs chefs militaires des trois armées, sachant commander, capables de décider en situation difficile.

La formation qui est dispensée à ces futurs chefs est conçue de façon globale et intégrée : à l’issue de leur parcours, ils sont directement employables par les forces armées. Elle comprend donc une formation humaine, une formation militaire mais aussi une formation académique et scientifique. Elle est proche en cela de la plupart des académies militaires étrangères, même si certains pays ont fait le choix de recruter directement des ingénieurs diplômés afin de ne leur délivrer qu’une formation militaire (1).

Les trois grandes écoles militaires ont également pour point commun d’avoir connu de profondes transformations au cours des quinze dernières années, liées à la réorganisation des structures du ministère de la Défense et à la réduction du format des forces armées.

Elles regroupent désormais chacune sur un site unique les formations initiales de l’ensemble des officiers de carrière, y compris ceux issus du recrutement interne, les formations destinées aux officiers sous contrats, aux officiers de la réserve ainsi qu’un certain nombre de formations spécialisées, comme le détaille l’encadré ci-dessous.

Des formations optimisées

Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (ESCC) assurent la formation initiale de tous les officiers de l’armée de terre, quelle que soit leur origine (directe ou semi-directe), quelle que soit leur destination (carrière longue ou carrière courte), quel que soit leur statut (active ou réserve) et quelle que soit leur spécialité (encadrement, technique ou administrative).

Cette formation est assurée au sein de trois groupes d’écoles distincts :

– l’école spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM), créée en 1802 par Napoléon, forme chaque année environ 200 officiers de recrutement externe au cours d’une formation semestrialisée d’un an ou de trois ans. Elle délivre un grade de master ;

– l’école militaire inter-armes (EMIA), créée en 1961, forme chaque année environ 100 officiers de recrutement interne au cours d’une formation semestrialisée de deux ans. Elle délivre un grade de licence ;

– le 4e bataillon de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, forme chaque année environ 900 stagiaires, officiers sous contrat, pour des formations allant d’un à six mois. Il forme également des officiers de la DGA, des essences, du SSA et de la gendarmerie nationale.

L’école navale et le groupe des écoles du Poulmic (ENGEP) accueillent chaque année 1 420 élèves, dont 750 officiers.

L’école navale assure la formation initiale de 80 officiers de carrière par an mais également celle des officiers spécialisés de la marine de carrière, des officiers sous contrat, des volontaires officiers aspirants, des élèves polytechniciens, des ingénieurs militaires d’infrastructure (IMI) et des ingénieurs des études techniques de l’armement (IETA).

L’ENGEP délivre aussi des formations initiales et continues aux métiers de marin (manœuvrier, navigateur-timonier, guetteur de la flotte) pour son personnel non officier ainsi que pour les personnels des douanes ou de la gendarmerie. Elle assure enfin l’ancrage « marine » des commissaires des armées.

Les écoles d’officiers de l’armée de l’air (EOAA) sont responsables de la formation initiale des officiers. L’école de l’air forme les futurs officiers de carrière (64 par promotion en moyenne) tandis que l’école militaire de l’air assure la formation des officiers issus du recrutement interne (une trentaine par an).

L’EOAA délivre également un grand nombre de formations à destination des officiers sous contrat, des volontaires aspirants, des officiers de réserve ainsi que des stages pour les élèves polytechniciens, les ingénieurs des études techniques de l’armement et les ingénieurs militaires d’infrastructure.

Le recrutement des futurs officiers de carrière se fait principalement par voie de concours, à l’issue de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

À l’école spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM), le recrutement CPGE s’effectue par le biais de trois filières de concours : une filière sciences (68 places offertes en 2014), une filière sciences économiques et sociales (29 places en 2014) et une filière lettres (28 places en 2014). Les concours de l’école de l’air et de l’école navale sont en revanche réservés aux élèves issus de classes préparatoires scientifiques.

Le nombre de candidats permet de maintenir, année après année, un taux de sélection élevé, garant de l’excellence des futurs élèves-officiers. Le nombre d’admis au concours de l’école navale était par exemple de un pour 20 candidats en 2013.

Des voies d’accès nouvelles ont été ouvertes ces dernières années aux candidats ayant déjà accompli un premier parcours universitaire.

L’école de l’air propose ainsi un recrutement à bac + 3 aux titulaires d’une licence scientifique, un recrutement à bac + 3, en partenariat avec l’institut d’études politiques (IEP) d’Aix-en-Provence, aux autres titulaires d’une licence, ainsi qu’un recrutement sur titre au niveau master 2, pour une formation spécifique d’une année.

L’école navale admet en deuxième année des étudiants en master 1 scientifique issus de l’université ou en deuxième année d’école d’ingénieur, et en troisième année des étudiants en master 2, de toutes spécialités, issus de l’université, d’écoles de commerce ou d’ingénieurs.

L’ESM a mis en place pour sa part un recrutement sur titre (OST) ouvert aux étudiants diplômés d’une grande école ou d’un master, qui suivent alors une formation d’une année. Si l’armée de terre ne se fixe pas d’objectif lié à la physionomie des diplômes recherchés, on constate ces dernières années une augmentation de la part de candidats provenant des instituts d’études politiques et une baisse de la part de candidats titulaires d’un diplôme d’ingénieurs. 11 places étaient offertes à cette voie en 2014. Le recrutement à bac + 3 a en revanche été suspendu, faute de candidats en nombre suffisant.

ÉVOLUTION DES FLUX DE RECRUTEMENT À L’ÉCOLE MILITAIRE DE SAINT-CYR

Source : ESM.

Si les effectifs concernés par ces nouvelles voies d’admission demeurent relativement marginaux, ils permettent néanmoins d’apporter aux profils des futurs officiers une diversité bienvenue, quand la grande majorité des élèves-officiers ont suivi leur classe préparatoire dans un lycée militaire. Dans la mesure où ils accomplissent une scolarité plus courte, leur formation est en outre moins coûteuse pour les armées.

Dès lors, il serait tentant d’augmenter significativement la proportion des élèves admis par ces voies-là. Les personnalités entendues par la mission d’information ont cependant souligné que les viviers de candidats n’étaient pas toujours suffisants pour assurer un taux de sélection satisfaisant et qu’une scolarité trop courte faisait peser une contrainte très forte sur les formations dispensées.

Si les rapporteurs entendent bien ces arguments, ils estiment que la diversité des profils des recrutés constitue un atout pour des forces armées qui agissent, sur le territoire national ou en opérations extérieures, sur des théâtres très différents, au contact des populations.

Proposition n° 1 : augmenter, dans les grandes écoles militaires, la proportion de places offertes aux étudiants ayant déjà accompli un premier parcours universitaire.

2. Des formations diversifiées

La scolarité des grandes écoles d’officier se déroule sur trois ans, pour les candidats issus de classes préparatoires, répartis en six semestres, conformément au processus de Bologne.

L’enseignement y est dispensé par un encadrement mixte, composé de militaires et d’enseignants détachés de l’éducation nationale. Il est important de souligner qu’il n’existe pas de métier de formateur dans le répertoire des métiers des armées et que les cadres, aussi bien en unité qu’en école, ont pour mission première de transmettre des connaissances et des savoir-faire à leurs subordonnés. La pédagogie fait partie de leur formation initiale et tous les cadres nouvellement affectés en écoles suivent en outre un stage de pédagogie à leur accueil.

La scolarité à l’école de Saint-Cyr se déroule en six semestres, dont deux à dominante militaire et deux à dominante académique.

ORGANISATION DE LA SCOLARITÉ À L’ÉCOLE SPÉCIALE MILITAIRE DE SAINT-CYR

Source : ESM.

Chaque semestre poursuit des objectifs particuliers qui respectent une progression logique dans la formation de l’officier. La formation militaire et humaine est distillée tout au long de la scolarité.

L’attribution du diplôme de l’ESM de Saint-Cyr en fin de scolarité confère le grade universitaire de master. Les élèves-officiers de la filière sciences de l’ingénieur se voient, en outre, décerner le titre d’ingénieur.

Les élèves-officiers issus du recrutement OST effectuent une scolarité d’un an qui comporte les deux semestres à dominante militaire (semestres 1 et 6 du cursus à trois ans).

Les élèves de l’école militaire interarmes effectuent une scolarité en quatre semestres à dominante académique. L’attribution en fin de scolarité du diplôme de l’EMIA leur confère un grade universitaire de licence.

La formation à l’école navale, théorique et pratique, comprend six semestres et est organisée autour des trois axes fondamentaux que sont la formation maritime, la formation militaire et humaine, et la formation scientifique.

LA FORMATION À L’ÉCOLE NAVALE

Première année

Semestre 1

Semestre 2

Formation humaine et militaire

Formation aux métiers de marin militaire

Tronc commun scientifique

Formation humaine et militaire

Formation aux métiers de marin militaire

Deuxième année

Semestre 3

Semestre 4

Formation scientifique majeure/mineure

Formation humaine et militaire

Formation aux métiers de marin militaire

Formation scientifique

Approfondissement

Formation humaine et militaire

Formation aux métiers de marin

Troisième année

Semestre 5

Semestre 6

Formation scientifique

Projet de fin d’études

Formation humaine et militaire

Formation aux métiers de marin militaire

Mission « Jeanne d’Arc » sur BPC

Diplôme d’ingénieur de l’école navale

Source : École navale.

Deux diplômes sont délivrés à l’issue de la scolarité : le diplôme d’ingénieur de l’école navale et, pour les élèves issus du recrutement interne, le diplôme de master de l’école navale.

Trois filières sont proposées aux élèves : la filière « énergie », dont sont issus les officiers chargés de la mise en œuvre des systèmes de propulsion et du maintien en condition opérationnelle, la filière « énergie aéronautique », dont sont issus les officiers chargés du maintien en condition opérationnelle des aéronefs embarqués, et la filière « opérations », dont sont issus les officiers chargés de la conduite directe des opérations aéromaritimes. Si la formation n’est différenciée qu’au début de la deuxième année, les élèves-officiers sont orientés dans une de ces trois filières dès leur intégration.

Tous ont vocation à embarquer à bord des bâtiments de surface ou des sous-marins et acquièrent donc, à un degré variable selon la filière, les savoir-faire communs de la mise en œuvre d’un bâtiment de combat. Ils mettent en pratique ces savoir-faire lors de la mission d’application à la mer à bord d’un bâtiment de projection et de commandement (BPC) et d’une frégate à laquelle le sixième semestre de scolarité est consacré et qui constitue un stage d’immersion professionnelle.

À l’issue de leur scolarité, en fonction de leur orientation professionnelle, les jeunes officiers sont directement affectés dans les forces ou poursuivent une formation de spécialité (énergie, énergie aéronautique, commando, pilote, plongeur démineur, etc.).

L’école de l’air délivre également plusieurs types de diplômes.

Les élèves issus des classes préparatoires ou recrutés après une licence scientifique suivent un parcours de trois ans, au terme duquel leur sont délivrés les diplômes de l’école de l’air et d’ingénieur de l’école de l’air.

Ceux issus du concours externe au niveau de la licence suivent, en partenariat avec l’IEP d’Aix-en-Provence, un parcours de trois ans et se voient attribuer le diplôme de l’école de l’air ainsi qu’un master de sciences politiques parcours école de l’air.

Enfin, les officiers issus du recrutement interne se voient attribuer le diplôme de l’école militaire de l’air ainsi qu’une licence, délivrée en partenariat avec l’Université d’Aix-Marseille, en sciences économiques ou en maintenance des systèmes pluritechniques aéronautiques.

Dans une note d’orientation stratégique du 22 septembre 2014 l’école de l’air s’est engagée dans un projet ambitieux de création d’une école unique, qui lui permettrait de disposer d’un outil de formation décloisonné, d’un recrutement diversifié ainsi que d’une ouverture renforcée vers l’extérieur et l’international. « Les formations seront décloisonnées au maximum en créant des passerelles entre les différents cours et en multipliant les rendez-vous communs entre les promotions » peut-on lire.

Si les officiers issus du recrutement interne continueront à suivre des cursus de niveau licence, ils pourront, dans certains cas, accéder à des cursus de niveau master, le but consistant à décloisonner les formations en fixant des objectifs correspondant à un niveau académique et non à un mode de recrutement. Pour ce faire, le projet prévoit la mise en place de trois cours distincts comprenant différentes filières : les cours seraient déclinés en un cours de formation de l’officier de l’école de l’air, un cours de licence de l’école de l’air et un cours de master de l’école de l’air. En fonction de leurs résultats, les élèves à fort potentiel pourront prétendre à une formation supérieure. Réciproquement, les plus faibles pourraient être réorientés si nécessaires.

Enfin, le projet prévoit l’adoption d’un même insigne pour tous les officiers formés à Salon, quel que soit leur recrutement, ce qui constituera un repère commun pour l’identité collective.

Si les membres de la mission sont respectueux de l’identité et des traditions de chacune des armées, ils estiment que le projet de l’école de l’air pourrait être, à l’avenir, une source d’inspiration pour les autres écoles.

Proposition n° 2 : encourager les grandes écoles militaires à décloisonner leurs cursus pour tendre vers des modèles d’écoles uniques, assorties d’un insigne commun.

3. Un rayonnement à consolider

Afin de conforter leur position dans le référentiel des grandes écoles nationales, les écoles d’officiers développent depuis plusieurs années des partenariats avec plusieurs établissements d’enseignement supérieur. Cette démarche est encouragée par le Livre blanc de 2013 : « Un effort particulier doit viser à associer les écoles d’officier, dans le respect de leur identité militaire, à des institutions civiles de même niveau en s’inscrivant dans la logique actuellement à l’œuvre de regroupement entre grandes écoles et universités et en permettant ainsi la mise en commun de diplômes. »

Le mouvement de concentration constaté dans l’évolution de l’enseignement supérieur impose aux grandes écoles de conserver une taille critique suffisante pour rentabiliser les infrastructures et les moyens pédagogiques, mais aussi pour attirer des enseignants-chercheurs de qualité. À cet égard, la diminution constante du volume des promotions d’officiers (- 32 % en dix ans à l’ESM par exemple) représente un réel défi pour les grandes écoles militaires.

Des doubles cursus sont déjà proposés à un nombre croissant d’élèves.

Les écoles de Saint-Cyr ont ainsi conclu avec l’ESSEC, en 2009, une convention de double diplôme qui permet chaque année à des élèves de ces deux écoles de suivre deux semestres de scolarité hors de leur établissement d’origine.

L’école navale a mis en place des doubles diplômes avec plusieurs écoles d’ingénieur : l’école centrale de Nantes, Supélec, Telecom Bretagne, ou encore les Arts et métiers.

L’école de l’air propose depuis 2010 un cursus « études politiques », en partenariat avec l’IEP d’Aix-en-Provence. Les élèves passent trois années au sein d’une promotion de l’école de l’air et y partagent avec leurs camarades du cursus ingénieur plus de la moitié de leur temps de formation au sein d’un tronc commun (formation du chef et du combattant, formation pratique aéronautique, formation en sciences humaines et sociales).

Des partenariats avec d’autres établissements d’enseignement supérieur ont également été conclus par les écoles de Saint-Cyr afin d’échanger des élèves pour un semestre. En 2014, cinq élèves-officiers ont ainsi effectué leur quatrième semestre à l’IEP de Paris, un à HEC (école des hautes études commerciales), deux à l’Université de Paris II Assas, trois à l’ISAE (Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace), deux à l’ENSTA-Bretagne (école nationale supérieure des techniques avancées) et deux à l’école polytechnique, ce qui représente environ 10 à 15 % d’une promotion. Dans le même temps, l’ESM accueille chaque année, pour un semestre, cinq étudiants de l’IEP de Paris.

Cette politique d’externalisation de semestres est à encourager car elle favorise une meilleure connaissance mutuelle entre établissements civils et militaires. Elle permet en outre aux écoles militaires de jauger le niveau d’excellence de leurs élèves au sein d’autres établissements d’enseignement supérieur et de conforter, grâce aux (bons) résultats obtenus, leur statut de grande école. Elle se heurte néanmoins à une limite, la nécessité d’optimiser, sur une période de trois ans, la formation des élèves-officiers.

Proposition n° 3 : augmenter la proportion d’élèves-officiers effectuant un semestre de scolarité dans un autre établissement d’enseignement supérieur et accueillir, dans le même temps, une plus grande proportion d’étudiants issus de ces établissements.

Les écoles militaires sont également fortement impliquées dans les activités de recherche à travers les différents laboratoires qu’elles abritent et les partenariats qu’elles ont conclus avec plusieurs établissements d’enseignement supérieur et entreprises.

Les ESCC ont par exemple établi des partenariats de recherche et d’échanges d’élèves dans le cadre de projets de recherche avec 36 établissements ou structures institutionnelles françaises et 109 établissements issus de 41 pays différents. Elles sont également membres associés de deux pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) : le PRES « Université européenne de Bretagne » et le PRES « Sorbonne université ».

La politique de recherche de l’école navale repose sur l’institut de recherche de l’école navale (IRENav) qui s’inscrit dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche de la région Bretagne, en partenariat avec l’université des arts et métiers ParisTech. Membre du PRES Sorbonne, l’école navale développe également une politique partenariale active, tant avec des établissements d’enseignement supérieur, que des organismes publics (Météo France, IFREMER), que des industriels (DCNS, Thales, Areva, MBDA…)

Le centre de recherche de l’armée de l’air (CReA) effectue à la fois des activités de recherche académique et de recherche institutionnelle au profit de l’armée de l’air. Il assure également un enseignement de haut niveau aux élèves de l’école de l’air. Cette dernière a également conclu une convention avec l’ONERA (office national d’études et de recherches aérospatiales) pour accueillir un centre sur son site, ce qui permet de développer des synergies avec le CReA.

Ces laboratoires de recherche et, d’une manière plus générale, les partenariats conclus avec les établissements d’enseignement supérieur et les industriels témoignent de la bonne intégration des écoles militaires dans leur environnement et participent à leur rayonnement. Ils offrent aux élèves-officiers une ouverture sur le monde civil et l’industrie qui leur permet de rester au contact des innovations les plus récentes.

Alors qu’une plus grande autonomie a été accordée aux universités, la marine travaille depuis plusieurs mois sur un changement de statut de son école navale par la création d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

Les EPSCP sont des établissements nationaux d’enseignement supérieur et de recherche, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière. Ce statut permet de répondre de plein droit aux appels d’offres et de nouer plus rapidement des partenariats avec d’autres écoles, universités ou laboratoires de recherche. Il est également plus attractif pour le personnel enseignant, en leur offrant des perspectives de progression statutaire.

Sur le plan financier, l’absence d’autonomie rend actuellement problématique pour les écoles militaires le développement d’activités permettant de valoriser l’utilisation des infrastructures par des usagers extérieurs ou de compléter les allocations budgétaires par des ressources propres.

Le rapport sur la formation des militaires effectués en 2011 par le contrôle général des armées et l’inspection générale des armées (2) avait étudié cette possibilité de transformation statutaire des grandes écoles d’officiers, en même temps que l’adossement à des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) et la création d’une académie des grandes écoles militaires sous un statut unique.

Les membres de la mission d’information partagent la conviction que la transformation des grandes écoles militaires en EPSCP leur permettrait de disposer des marges de manœuvre qui leur manquent aujourd’hui.

Proposition n° 4 : accélérer le changement de statut des écoles militaires pour en faire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

B. LES ÉCOLES DE SOUS-OFFICIERS ET DES MILITAIRES DU RANG

1. Les écoles de sous-officiers

Les sous-officiers recrutés par l’armée française sont titulaires au minimum d’un baccalauréat. Leur formation initiale, de quatre à huit mois, est dispensée par trois écoles, propres à chacune des armées.

La formation initiale des sous-officiers de l’armée de terre est assurée par l’école nationale des sous-officiers d’active (ENSOA), à Saint-Maixent. Celle-ci accueille chaque année environ 2 000 stagiaires, dont 650 jeunes civils (« recrutement direct »), 1 000 militaires du rang (« recrutement semi-direct ») ayant en moyenne un peu plus de cinq années d’ancienneté dans l’armée ainsi que 200 militaires du rang ayant une quinzaine d’années d’ancienneté (« recrutement rang »).

Les stagiaires y suivent une formation dont le but est « de leur faire acquérir un comportement se manifestant aux plans moral, physique et intellectuel, par une aptitude à commander, à organiser et à animer une cellule fonctionnelle ou un groupe d’une dizaine de personnes. » Elle forme des sous-officiers aptes à :

– tenir leur rôle d’encadrement dans les activités quotidiennes de la communauté militaire, à l’instruction, dans l’accomplissement des missions opérationnelles et dans la gestion de leurs subordonnés ;

– participer aux actions générales de protection et de défense pour réaliser les missions communes de l’armée de Terre (MICAT) dans le cadre du concept de projection.

S’ils partagent locaux et encadrement pédagogique, les stagiaires suivent des parcours différents. Ceux issus du recrutement direct ont une formation de huit mois, dont les deux premiers sont consacrés à la formation militaire générale et un mois à un stage dans un corps de troupe. Les élèves du recrutement semi-direct ne restent que quatre mois à l’ENSOA et ceux issus du rang une seule semaine.

L’école de maistrance incorpore et forme, au centre d’instruction naval de Brest, environ 800 futurs officiers-mariniers (sous-officiers de la marine nationale) par an, appartenant à 26 spécialités différentes. Ils y reçoivent en 16 semaines un enseignement commun, dans les domaines de la formation militaire, maritime et sportive. La formation y est essentiellement pratique et leur permet de voir délivrer le brevet de maistrance, afin de rejoindre des formations spécialisées pour compléter leur cursus.

Si la majeure partie des candidats, plus de 70 %, sont uniquement titulaires du baccalauréat, le recrutement de jeunes à bac + 2 est en augmentation depuis trois ans. Il est également intéressant de noter que la proportion de bacs professionnels est de plus en plus importante, jusqu’à représenter 40 % des effectifs de certaines sessions. Cette tendance est encouragée par l’encadrement de l’école, qui a adapté son enseignement académique à ces nouveaux profils, car ils deviennent, sur la durée, d’excellents marins.

La formation militaire initiale des sous-officiers de l’armée de l’air s’effectue aux écoles des sous-officiers et des militaires du rang de l’armée de l’air (ESOMAA), à Rochefort. Le programme de formation militaire initiale des sous-officiers s’articule autour de deux périodes de formation, d’une durée de deux mois chacune.

Il résume assez bien les principes qui guident la formation des sous-officiers dans les armées et à ce titre est reproduit dans l’encadré ci-après.

Objectifs de la formation initiale des sous-officiers :

l’exemple de l’armée de l’air.

L’un des objectifs fondamentaux de cette formation est le développement de l’identité de l’aviateur autour de ses quatre valeurs cardinales : Respect – Intégrité – Service – Excellence (RISE). Au-delà de la préparation physique progressive et des gestes élémentaires du combattant (assortis des notions d’entraide et de dépassement de soi), la formation militaire initiale du futur sous-officier de l’armée de l’air est en effet fortement axée sur :

– l’acculturation propre à l’armée de l’air : la découverte du milieu aéronautique, de son histoire et de ses traditions, l’organisation, le fonctionnement et les missions des différentes composantes opérationnelles et de soutien de l’armée de l’air (parrainage des compagnies par des unités opérationnelles de l’armée de l’air, vol au centre militaire de planeurs (CMP) de Saintes,…) ;

– le développement de l’autonomie du futur sous-officier en matière d’encadrement : connaissance des différents statuts et cursus professionnels et promotionnels, et notamment des personnels appelés à servir sous leurs ordres une fois affectés en unité dans les forces ;

– le développement de l’autonomie du futur sous-officier en qualité de spécialiste : recherche d’aisance relationnelle pour savoir s’imposer et s’affirmer au sein d’un groupe de travail, aguerrissement en matière de gestion des impératifs et des contraintes, prise en compte des facteurs de risque au cours des missions ;

– le développement de l’esprit de cohésion, d’équipe et sensibilisation sur la nécessité de rigueur : le sous-officier de l’armée de l’air dans son rôle de spécialiste travaille principalement en équipe. À ce titre, les activités inscrites au programme de formation militaire initiale (tir, armement, combat, marches, sport, etc.), sont essentiellement des moyens pédagogiques pour amener le futur sous-officier à répondre à l’objectif de prise de conscience des enjeux du travail en équipe ;

– la notion d’appartenance à l’armée de l’air et au monde de l’aéronautique militaire : le premier contact d’un élève ab initio qui a choisi de servir au sein de l’armée de l’air est primordial, ne serait-ce que pour faciliter son intégration et son adaptation au milieu de l’aéronautique militaire. En effet, tout au long des 17 semaines que compte la formation, le futur sous-officier est en permanence au contact de formateurs ou d’instructeurs appartenant à son armée de prédilection, et a ainsi l’opportunité et la facilité de partager les mêmes valeurs, les mêmes préoccupations et d’échanger sur les mêmes références.

Sur ce même aspect d’appartenance identitaire à l’armée de l’air, l’analyse des différents sondages de motivation réalisés auprès des élèves ab initio au cours de leurs formalités d’incorporation, confirme leur attirance prononcée et surtout exclusive pour servir dans le domaine de l’aéronautique militaire. La formation militaire initiale se doit donc de répondre à cette attente, sans se méprendre, car toute autre image généraliste délivrée, pourrait engendrer insatisfaction, démotivation, voire départ prématuré de l’armée de l’air.

Source : ESOMAA

2. La formation initiale des militaires du rang et des quartiers maîtres de la flotte

Les militaires du rang et les quartiers-maîtres de la flotte (QMF) sont recrutés par les armées sans condition de diplôme. Ils reçoivent une formation de quelques semaines, essentiellement pratique.

La formation initiale des militaires du rang de l’armée de terre est dispensée au sein d’un de ses dix centres de formation initiale des militaires du rang (CFIM). Ils y reçoivent une formation générale initiale (FGI) d’une durée de douze semaines. Ces douze semaines sont précédées d’une semaine d’incorporation dans les formations d’emploi et sont suivies d’une période « d’acclimatation » de retour au régiment, comprenant une semaine de permission. Les CFIM ne sont pas des formations autonomes : ils sont adossés, dans la mesure du possible, à un régiment de la brigade bénéficiaire.

Les objectifs de cette formation sont de permettre aux jeunes recrues d’intégrer progressivement la communauté militaire, de disposer du socle d’aptitudes nécessaires à l’exécution des missions de service courant dans le premier emploi tenu et d’acquérir, de manière homogène, l’instruction militaire fondamentale.

Malgré la nécessité de recruter 7 000 militaires du rang chaque année, l’armée de terre parvient à conserver un taux de sélection suffisant, qui est d’un admis pour 2,4 candidats.

Les militaires techniciens de l’air et volontaires militaires du rang de l’armée de l’air reçoivent une formation de huit semaines au centre de formation militaire élémentaire (CFME) de Saintes. Une éducation militaire, une instruction civique et une formation de base du combattant leur sont dispensées.

Dans la marine, le centre d’instruction naval de Saint-Mandrier pilote l’école des matelots, dont le premier objectif consiste à faire des jeunes recrues des marins militaires, fiers de servir à bord des unités de la marine, et possédant les connaissances élémentaires de leur nouveau métier. Elle se déroule en deux phases : une formation initiale équipage (FIE) de cinq semaines commune à tous et suivie d’une formation élémentaire au métier (FEM), propre à chacun des métiers de matelot.

La formation de cinq semaines leur apprend les rudiments de la vie militaire et maritime. À travers une formation générale, ils réussiront à identifier les grandes lignes de l’organisation de la défense et de la marine. La formation militaire les initie aux règles de leur nouvelle vie et aux mouvements de troupes, avec ou sans armes, et leur apprend les règles de comportement et de politesse militaire. Grâce à la formation maritime, ils apprennent à maîtriser le vocabulaire du marin et à participer aux manœuvres courantes sur un bâtiment de combat. La formation protection définit leur place au sein d’une organisation de protection et de défense ainsi que le rôle du factionnaire, elle se conclut par une séance de tir réel.

D’une manière générale, on constate une augmentation du niveau académique des candidats recrutés par les armées. Là où la plupart des militaires du rang recrutés étaient titulaires de CAP ou de BEP, la proportion de bacheliers est majoritaire dans l’armée de terre depuis 2012. Le même phénomène est observé dans l’armée de l’air et dans la marine. Dans cette dernière, plus d’un quartier-maître de la flotte recruté sur deux est également désormais titulaire du baccalauréat. Quelques bac + 2 ou 3 sont également recrutés par cette filière.

Cette augmentation de la proportion des bacheliers s’explique principalement par la volonté de nombreux candidats aux écoles de sous-officiers de postuler en deuxième choix aux emplois de militaire du rang ou de quartier-maître de la flotte.

Les armées constatent par ailleurs un désistement de candidats assez significatif dans les premières semaines, alors qu’ils étaient motivés au départ au vu des résultats d’entretien et des évaluations : absence à l’incorporation, renonciation à signer le contrat ou dénonciation du contrat. Les raisons souvent avancées sont l’éloignement géographique ou les contraintes militaires. Cette versatilité beaucoup plus marquée des jeunes générations peut constituer un réel problème pour le recrutement.

De façon originale, la marine nationale a recréé son école des mousses en 2009, dans le cadre du plan « égalité des chances ». Sa mission est d’incorporer et de former de jeunes gens de 16 à 17 ans, sans condition de diplôme, en sortie de troisième ou en classe de seconde. La sélection s’effectue d’abord sur la motivation, les qualités intrinsèques et enfin les acquis scolaires : 180 dossiers sont retenus en moyenne chaque année, pour un peu moins de 500 déposés.

Grâce à une scolarité d’un an sanctionnée par l’obtention du brevet de mousse, elle offre une véritable formation professionnelle permettant l’apprentissage d’un métier de marin et la consolidation des acquis scolaires sur la base d’un niveau de seconde professionnelle. À l’issue de leur scolarité, qui se déroule sur le site du centre d’instruction naval de Brest, les mousses ont vocation à devenir quartiers-maîtres de la flotte et se voient proposer un contrat d’engagement de quatre ans dans la marine. Plus des trois quarts d’entre eux signent ce contrat.

Œuvre sociale au départ, l’école des mousses fournit d’excellents QMF à la marine, dont ils représentent 10 % des effectifs chaque année. Cette réussite témoigne du savoir-faire des armées dans la prise en charge de publics fragiles, en situation d’échec scolaire. Les membres de la mission estiment qu’une telle initiative devrait pouvoir être transposée aux autres armées, à condition de leur octroyer les moyens nécessaires au bon fonctionnement d’un tel dispositif.

Proposition n° 5 : favoriser la création, dans chacune des armées, d’écoles à destination des élèves en situation d’échec scolaire, en y consacrant des moyens spécifiques.

II. LES SPÉCIALISATIONS ET LA FORMATION CONTINUE : GARANTIR UN NIVEAU DE TECHNICITÉ ÉLEVÉ

La formation des militaires ne s’arrête pas à la sortie de leur école de formation initiale. Tout au long de leur carrière, ils vont acquérir, à des degrés divers, des compétences complémentaires, nécessaires à la mise en œuvre d’équipements complexes, compétences qu’ils devront régulièrement mettre à jour pour tenir compte de l’évolution technologique, du format des armées ou encore de ses modalités d’intervention.

A. FORMER DES SPÉCIALISTES

S’ils ont acquis, à l’issue de leur formation initiale, une première formation militaire, les militaires doivent acquérir dans un second temps une compétence technique qui doit les rendre capables de mettre en œuvre les matériels et équipements des différentes composantes des armées.

1. Les écoles de spécialité : l’apprentissage d’un savoir-faire technique

À la sortie de leur école, les officiers et sous-officiers de l’armée de terre suivent une formation technique au sein de l’une des huit écoles de spécialistes de l’armée de terre : école de l’aviation légère de l’armée de terre, école de l’infanterie, école de cavalerie, école d’artillerie, école du train, école du matériel, école du génie et école des transmissions.

En fonction de la spécialité retenue, cette formation technique s’étale sur cinq à 36 semaines. Les sous-officiers se voient attribuer à l’issue de leur parcours un « Brevet de spécialité de l’armée de terre » (BSAT).

Les sous-officiers choisissant de servir dans les troupes de montagne effectuent un parcours un peu particulier puisqu’ils intègrent d’abord l’école militaire de haute montagne (EMHM) pour deux semaines avant de suivre une formation de deux mois à l’ENSOA de Saint-Maixent puis de réintégrer l’EMHM pour une durée de douze mois.

Le schéma est le même dans l’armée de l’air, où officiers et sous-officiers rejoignent les différentes écoles d’application de l’armée de l’air : école de pilotage de l’armée de l’Air, à Cognac, école de l’aviation de chasse, à Tours, école de l’aviation de transport, d’Avord ou encore école de formation des navigateurs de combat (EFNC), à Salon de Provence.

Dans la marine, la formation initiale des officiers mariniers à l’école de maistrance est complétée par un brevet d’aptitude technique (BAT) de spécialité de quelques semaines à quelques mois. À l’issue de cette période, les officiers mariniers sont affectés en unité opérationnelle ou en état-major.

La marine dispose pour cela d’un grand nombre d’écoles : le centre d’instruction naval (CIN) de Saint-Mandrier, l’école des fusiliers marins, à Lorient, les écoles des marins météorologistes océanographes (ECOMETOC), à Toulouse, l’école des hydrographes, à Brest, l’école des fourriers à Querqueville, l’école de navigation sous-marine, à Brest ou encore l’école du personnel de pont d’envol, à Hyères.

Les quartier-maîtres et matelots de la flotte bénéficient pour leur part d’une formation élémentaire au métier :

– au CIN de Saint-Mandrier pour les marins pompiers des ports, les matelots machine, opérations navales branche système de combat et opérations navales branche système d’information et de communication ;

– à l’école de manœuvre et de navigation à Lanvéoc pour les matelots opérations navales branches passerelle et matelots pont ;

– à l’école des marins pompiers de Marseille pour ceux qui ont été recrutés au titre de ce métier.

Le CIN de Saint-Mandrier, université de la marine

Le CIN de Saint-Mandrier forme les marins, officiers (cadres de conduite et cadres de direction) et non officiers des forces de surface et sous-marines à la conduite des opérations aéromaritimes, à la maintenance et à la mise en œuvre des équipements embarqués. Il forme également ponctuellement des militaires des autres armées ainsi que des civils.

Il organise des stages au profit d’élèves de l’enseignement secondaire professionnel, candidats potentiels à un engagement dans la marine.

Le CIN est également chargé de la formation au management et à l’exercice de l’autorité des officiers mariniers, pôle d’expertise pédagogique pour la marine nationale et pôle d’expertise pour la réalisation de produits multimédias au profit de l’ensemble des écoles de la marine.

Réparti sur 110 hectares et deux sites, il dispense des formations dans huit spécialités, au profit de 2 634 élèves en 2014, 5 275 stagiaires, 884 stagiaires de bac pro marine répartis en 20 sessions, 760 élèves en formation initiale incorporés, ce qui représente au total 177 228 heures de cours dispensées par 362 instructeurs.

Compte tenu du nombre de spécialités que requiert le modèle d’armée défini par le Livre blanc de 2013, le défi pour les armées est de parvenir à produire des flux de spécialistes en nombre suffisant dans un contexte de réduction des effectifs.

Cette contrainte est particulièrement forte pour la marine nationale qui, dans le cas de l’aéronautique navale ou des forces sous-marines, doit former des micro-populations de spécialistes sur lesquels repose la mise en œuvre d’une de ses composantes. La variété des parcs et des systèmes d’armes mis en œuvre – certains ont été conçus dans les années 1970 quand d’autres sont entrés en service dans le cours de l’année – impose également une gestion très fine des flux de personnels.

Le tableau ci-après illustre le parcours de formation du personnel non-officier de l’aéronautique navale.

PARCOURS DE FORMATION DU PERSONNEL NON-OFFICIER
DE L’AÉRONAUTIQUE NAVALE

Source : Aéronautique navale.

2. Les formations en unité : du savoir-faire individuel à la compétence collective

Si la formation individuelle s’effectue au sein des différentes écoles de formation initiale et de spécialité, la compétence collective s’acquiert dans les différentes unités d’affectation des militaires.

Les unités de la marine nationale sont ainsi des acteurs déterminants dans la formation du personnel. Il leur revient de prolonger l’enseignement reçu dans les centres de formation : la compétence reçoit ses racines en école puis est nourrie et illustrée dans l’emploi. C’est ce qui définit les actions de formation notamment dans les premières années après la fin d’un cours.

Sous la forme d’un « apprentissage en milieu professionnel », les actions de formation en unité favorisent la consolidation de la compétence et l’élargissent par l’entraînement et par l’expérience. Elles préparent à l’exercice d’un emploi de niveau supérieur. Les autorités organiques sont chargées d’organiser l’apprentissage professionnel qui comprend la formation interne et le compagnonnage, et dont le parcours est jalonné par des qualifications.

La compétence collective de l’équipage est du ressort de chacun des commandants organiques de force : force d’action navale, aéronautique navale, force océanique stratégique et fusiliers-commandos.

Le commandant de force maritime traduit le besoin de compétence collective en cycle d’entraînement collectif progressif qui amène un équipage d’un niveau élémentaire jusqu’à une qualification opérationnelle standard. Le rôle du commandant de force maritime est de délivrer cette certification qui autorise l’emploi des unités. Ce cycle est scandé par des étapes d’évaluation : stages de mise en condition initiale (MECI), stages de mise en condition élémentaire (MECE) et stages de mise en condition opérationnelle (MECO).

Une fois la qualification standard acquise, il appartient au commandant, sous la supervision du commandant de force maritime, d’entretenir l’acquis et de l’améliorer jusqu’à la qualification dite supérieure (label autorisant les missions opérationnelles les plus exigeantes) qui est délivrée par le commandant de force maritime sur la base des actions d’entraînement effectuées et de son appréciation qualitative des résultats atteints.

B. LA FORMATION CONTINUE

La formation continue accompagne les militaires au fil de leur parcours professionnel et se décline selon le niveau de qualification acquis, l’expérience et les grades. Elle constitue un outil indispensable pour répondre à l’exigence d’adaptabilité spécifique de l’engagement des forces armées, et participe pleinement aux processus de promotion interne et de reconversion.

Il n’existe pas dans les armées de définition arrêtée de la formation continue. Il est néanmoins possible d’y distinguer trois grandes notions, qui se recoupent entre elles : les formations de cursus, les formations d’adaptation à l’emploi et l’enseignement militaire supérieur. Si les deux premières notions sont communes à tous les militaires, l’enseignement militaire supérieur ne concerne que les officiers.

1. Un escalier social efficace

La formation continue des sous-officiers de l’armée de terre se réalise par l’intermédiaire du brevet supérieur de technicien de l’armée de terre (BSTAT).

Pour diminuer le taux d’échec mesuré dans les années 2005-2008 (entre 20 et 25 % des candidats), et afin de pouvoir répondre aux besoins fonctionnels du ministère, un BSTAT rénové a été mis en œuvre à compter de 2011. L’objectif est désormais d’atteindre 90 % de réussite.

Beaucoup d’entre eux ont vocation à rejoindre l’EMIA pour devenir officiers, la candidature étant possible dès trois années de service : 70 % des officiers de carrière sont aujourd’hui issus du recrutement interne. En 2014, 225 sous-officiers ont été recrutés comme officiers.

La formation continue des militaires du rang est composée :

– du certificat de qualification technique (CQT) qui sanctionne l’acquisition des connaissances délivrées au cours de la formation de niveau élémentaire ;

– du certificat de qualification technique supérieur (CQTS) qui valide les compétences et les aptitudes à occuper un poste de niveau fonctionnel supérieur.

89 % des militaires du rang sont titulaires du CQT en cinquième ou sixième année de service et 84 % des militaires du rang sont titulaires du CQTS en huitième, neuvième ou dixième année de service, certificat qui leur permet de pouvoir demander à servir au-delà de onze ans.

Les militaires du rang peuvent prétendre intégrer l’ENSOA dès trois ans de service (recrutement semi-direct) ou dans leur treizième, quatorzième ou quinzième année de service (recrutement « rang »). L’objectif de l’armée de terre est de recruter deux tiers de ses sous-officiers parmi la population des militaires du rang. Cet objectif a été atteint en 2013 pour la première fois. Les sous-officiers d’origine rang, au niveau scolaire hétérogène, allant de l’absence de diplôme au bac +2, ont des perspectives de carrière similaires à leurs homologues de recrutement direct, titulaires d’un bac et plus.

LE RECRUTEMENT SOUS-OFFICIER D’ORIGINE CORPS DE TROUPE

Type de recrutement

Nombre d’admis

2013

2014

Semi-direct

889

972

Rang

220

201

Légion

90

105

TOTAL

1199

1278

Source : armée de terre.

Dans la marine, les compétences des officiers-mariniers sont sanctionnées par la détention d’un brevet correspondant à chaque niveau d’emploi. 29 métiers de base (brevet d’aptitude technique, BAT), 46 métiers de niveau chef d’équipe (BS) et 174 spécialisations sont proposées.

D’opérateur élémentaire à l’issue de leur formation initiale, ils passent à opérateur confirmé après leur formation de spécialité, sanctionnée par le brevet d’aptitude technique (BAT).

Ils peuvent ensuite prétendre à l’obtention d’un brevet supérieur (BS). Ce brevet sanctionne l’acquisition d’un haut niveau technique et donne l’aptitude « chef d’équipe ». Outre la voie normale d’admission, entre cinq et quinze ans de services, par une sélection basée sur des critères de connaissances professionnelles et de qualité de services rendus, d’autres voies permettent également d’accéder au BS : présélections particulières, accès par concours (inspecteur de la sûreté navale), attribution d’office (filière renseignement etc.). Ce brevet peut être également attribué via une démarche de validation des acquis de l’expérience (VAE).

Le brevet de maîtrise (BM) sanctionne enfin l’acquisition d’un haut niveau de compétences et permet au marin qui en est titulaire d’occuper des postes à responsabilité élevée. Le BM peut être obtenu à l’issue d’une formation supérieure, de façon mixte (formation supérieure et parcours professionnel) ou qualifiante (parcours professionnel).

Après quelques années d’expérience, entre deux et six ans de service, les quartiers-maîtres de la flotte qui montrent une réelle adaptation à l’institution et les qualités nécessaires pour exercer des responsabilités plus importantes sont admis au BAT sur proposition de leur commandant. Ils rejoignent alors le cursus de carrière d’officier marinier. 50 % des QMF sont ainsi sélectionnés pour suivre le BAT.

La marine joue également un rôle très positif dans la mobilité sociale de ses hommes et de ses femmes puisque, chaque année, 40 % des officiers recrutés sont issus des sous-officiers et 50 % des officiers mariniers sont issus des QMF.

2. La formation continue des officiers

La formation continue joue un rôle de sélection permanente dans la progression de carrière des officiers. L’échec à une formation peut entraîner un arrêt de la progression de grade, une réorientation ou un changement de spécialité ou encore un départ de l’institution.

Elle présente trois caractéristiques principales :

– le caractère continu de la formation, tout d’abord, c’est-à-dire le fait de ponctuer le parcours professionnel d’un officier de formations qui lui permettent à la fois de s’adapter à son emploi et de progresser par étapes successives vers un emploi supérieur ;

– l’approfondissement de l’ensemble des composantes de la formation tout au long de la carrière : académique, opérationnelle, physique et sportive, technique et comportementale ;

– l’harmonisation et la complémentarité entre toutes les étapes de la formation. L’officier doit en effet être capable à la fois de maîtriser un domaine particulier et de faire preuve de polyvalence compte tenu de la variété des postes qu’il est appelé à occuper.

Elle est divisée en deux parties, une première, assurée par chacune des armées, conduit certains officiers jusqu’au grade de commandant/capitaine de corvette, sanctionnée d’un diplôme de l’enseignement militaire supérieur de premier degré (EMS1), une deuxième, dispensée dans un cadre interarmées, conduit les officiers sélectionnés vers l’enseignement militaire supérieur de deuxième degré (EMS2) à travers l’école de guerre puis, pour quelques-uns, au centre des hautes études militaires (CHEM) qui leur ouvre la voie des grades d’officiers généraux.

Dans l’armée de terre, l’EMS1, récemment rénové, recouvre quatre formations d’état-major différenciées. Le choix de la formation se fait lors de la formation des futurs commandants d’unité (CFCU), formation de cursus intéressant tous les capitaines entre un et deux ans de grade.

Les formations d’état-major proposées sont les suivantes :

– la formation supérieure d’état-major (FSEM), sanctionnée par l’obtention du diplôme d’état-major (DEM) ;

– la formation générale élémentaire d’état-major (FGEEM), qui permet d’obtenir le diplôme technique (DT), dans cinq options au choix : sciences de l’ingénieur (SI), systèmes de télécommunication et d’information (STI), sciences de l’homme et de la société (SHS), administration et gestion logistique (AGL), langues et relations internationales (LRI) ;

– la formation d’état-major (FEM), qui aboutit à l’obtention du diplôme d’aptitude aux emplois d’officiers supérieurs (DAEOS) ;

– la formation générale complémentaire d’état-major (FGCEM), qui prépare au concours de l’école de guerre, et permet d’accéder à l’enseignement militaire supérieur du deuxième degré (EMS2).

La marine présente la particularité par rapport aux deux autres armées d’orienter ses officiers, à l’issue de leurs quatre premières années dans les forces, vers des écoles de niveau II rattachées à l’EMS1 : école des systèmes de combat et armes navals (ESCAN), école supérieure des fusiliers et des commandos (ESFC), école des applications militaires de l’énergie atomique (EAMEA), école de guerre des mines (EGM), écoles d’ingénieur (ECING), écoles supérieures (ECOSUP), pour la durée d’une année scolaire environ. Ces formations permettent une employabilité de sept à huit ans dans la mise en œuvre des unités opérationnelles de la marine, au sein de structures fonctionnelles consacrées à la conduite de l’action ou encore au sein des structures organiques préparant les forces à l’action.

Dans l’armée de l’air, l’EMS1 comporte deux niveaux. Le premier niveau constitue un niveau de qualification, à l’intention des officiers qui ne sont pas titulaires d’un diplôme d’ingénieur ou d’un deuxième ou troisième cycle de l’enseignement supérieur. Il comprend un volet militaire et un volet technique et donne lieu à l’attribution d’un diplôme technique option « qualification » (DTQ).

Le deuxième niveau, qui concerne tous les officiers, est un niveau de perfectionnement. Une formation générale et au commandement fait l’objet d’un enseignement qualifié « cycle de formation et perfectionnement au commandement », dispensé par le centre d’enseignement militaire supérieur Air. Réparti en deux phases, il conduit en quatre ans, à l’attribution du DAEOS puis, pour ceux qui ont réussi, prépare en trois ans à l’EMS2. La grande majorité de la formation s’effectue à distance.

Le schéma ci-après synthétise les différentes étapes des parcours professionnels des officiers de marine et met en évidence les nombreuses étapes de formation.

LE PARCOURS PROFESSIONNEL DES OFFICIERS DE LA MARINE NATIONALE

Source : École navale.

L’école de guerre dispense aux officiers qui ont réussi son concours l’enseignement militaire du deuxième degré.

Sa mission première est de préparer les officiers supérieurs des trois armées, de la gendarmerie nationale, de la direction générale de l’armement (DGA) et des services interarmées à exercer des responsabilités élevées d’état-major et de commandement.

Elle délivre, sur une année scolaire, aux 300 stagiaires, dont un tiers d’étrangers, une formation professionnelle qui vise à leur permettre de préparer, prendre et mettre en œuvre des décisions dans le commandement des forces armées engagées en opérations et dans l’exécution de la politique de défense par l’administration centrale du ministère de la Défense.

Le cycle annuel de formation comprend une phase « spécifique armée » de douze semaines, en début de cycle, une phase « enseignement interarmées » articulée autour d’enseignements généraux, d’exercices et de modules d’approfondissements optionnels, avec une phase de « spécifique France », en fin d’année.

La scolarité est sanctionnée par l’attribution du brevet d’études militaires supérieures (BEMS) ainsi que par la certification d’expert de la défense en management, commandement et stratégie (EDMCS).

Le centre des hautes études militaires (CHEM) délivre enfin à une trentaine d’officiers supérieurs français et étrangers, destinés à exercer les plus hautes responsabilités, l’enseignement militaire supérieur « au-dessus du deuxième degré », appelé par facilité de langage EMS3.

De septembre à juin, ses auditeurs y suivent une formation de niveau politico-militaire et stratégique qui concerne les domaines opérationnels, la préparation du futur, le management et l’organisation du futur ainsi que les aspects interministériels et internationaux des questions de défense. Le projet pédagogique vise à apprendre aux auditeurs à préparer les conditions de la décision politico-militaire et à développer leurs qualités de leadership dans le cadre de leurs futures responsabilités.

Les auditeurs sont co-acteurs de leur formation, à laquelle ils participent notamment par leur implication dans la définition, la préparation et l’organisation des différentes activités. Leurs travaux contribuent à enrichir la réflexion stratégique sur les sujets qu’ils étudient. Le CHEM ne disposant pas de corps professoral, il est fait appel à des conférenciers extérieurs, civils ou militaires, français ou étrangers.

Les auditeurs du CHEM sont également auditeurs de plein droit de la session nationale « Politique de défense » de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), à laquelle ils participent, notamment pour acquérir une culture de défense globale, rencontrer des auditeurs civils et se constituer un réseau au sein des administrations et de la société civile.

L’Institut des hautes études de la défense nationale

Créé en 1948, l’IHEDN est un institut de formation ayant pour mission de développer l’esprit de défense et de sensibiliser aux questions internationales des responsables de haut niveau appartenant à la fonction publique, civile et militaire, ainsi qu’aux différentes catégories socio-professionnelles en vue d’approfondir en commun leurs connaissances des questions de défense, de politique étrangère, d’armement et d’économie de la défense.

Il réunit chaque année, en deux sessions nationales « Politique de défense » et « Armement et économie de la défense », 150 auditeurs qui suivent une cinquantaine de demi-journées de conférences/débats, des travaux en comité et effectuent trente jours de visite, en France et à l’étranger.

DEUXIÈME PARTIE : UN APPAREIL DE FORMATION EN PLEINE MUTATION

Depuis plusieurs années, l’appareil de formation est engagé dans une démarche de rationalisation de ses moyens humains et financiers, qui s’est traduite par une réorganisation de sa gouvernance et une mutualisation croissante des formations dispensées.

I. UN PILOTAGE DE LA FORMATION RÉORGANISÉ MAIS DES OUTILS DE MESURE ENCORE TROP LACUNAIRES

Si le pilotage de la formation, tant au niveau ministériel qu’au niveau de chacune des armées semble efficace, il ne dispose malheureusement pas encore de tous les outils nécessaires à la mesure réelle de l’effort de formation et de son évolution.

A. LA GOUVERNANCE DE L’APPAREIL DE FORMATION

1. Une coordination interministérielle rénovée

En vertu des décrets du 15 juillet et du 5 octobre 2009 (3), la responsabilité de la formation dans les armées relève en premier lieu, comme cela est traditionnel, de chacun des chefs d’état-major des armées. Les décrets précisent qu’ils sont responsables, pour les militaires relevant de leur armée, de la formation initiale ainsi que des « parcours professionnels et de carrière des personnels ».

Ces mêmes décrets de 2009 ont confié au chef d’état-major des armées un rôle de coordination des choix stratégiques liés à la formation, ce qui est nouveau. Ils précisent en effet que ce dernier est désormais responsable de la formation dans les armées et de l’enseignement militaire supérieur.

Cette coordination s’incarne dans le comité de coordination de la formation (CCF). Créé en 1993, le CCF est une instance collégiale de réflexion, de concertation et d’arbitrage pour ce qui concerne les actions de création, de mutualisation, de rationalisation de la formation du personnel civil et militaire du ministère de la Défense. Y sont également discutés l’ensemble des sujets d’actualité ayant trait à la formation, même si cela n’entraîne pas nécessairement de décision formelle.

Alors qu’elle était jusqu’ici tournante et exercée alternativement par des représentants des trois armées, la présidence du CCF est assurée, depuis 2009, par l’état-major des armées et conjointement, depuis 2012, avec le directeur des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD). La réorganisation de l’EMA ayant entraîné la suppression de la sous-chefferie « ressources humaines », la coprésidence du CCF est assurée, coté état-major, par le sous-chef « performance » depuis septembre 2014 (4).

Cette coprésidence témoigne de la volonté de se doter d’un pilotage stratégique plus vigoureux de la formation, l’association de la DRH-MD permettant de mettre en cohérence la politique de formation des militaires avec celle, plus globale, des ressources humaines du ministère. Dans la lignée des orientations fixées par le Livre blanc 2013, l’autorité fonctionnelle renforcée du DRH-MD sur les DRH d’armées doit permettre de faciliter la coordination au sein du ministère.

Le CCF est notamment chargé de préparer deux comités exécutifs par an consacrés à la formation (5). Ses travaux s’appuient sur des commissions spécialisées de formation qui sont des groupes de travail portant sur un sujet spécifique. Il propose et suit la mise en œuvre des actions permettant de :

– favoriser la mutualisation des actions de formation au sein du ministère mais également en interministériel ;

– optimiser l’emploi des infrastructures et des outils de formation ;

– faciliter le développement de solutions innovantes, notamment grâce aux nouvelles technologies informatiques et de communication ;

– identifier les coûts de formation et optimiser l’utilisation des ressources financières allouées à la formation ;

– aménager les parcours de formation, à partir de la formation initiale, dans le respect des spécificités d’armée ;

– s’assurer de la cohérence de la formation entre militaires et civils ;

– étudier les voies de coopération avec les systèmes de formation équivalents existants à l’étranger ;

– faire converger les référentiels de compétence et des métiers.

Depuis plus de vingt ans, le CCF a permis de rapprocher et de mutualiser de nombreuses formations entre les armées, en confiant à l’une d’entre elles la formation dans un domaine au profit d’une autre. Ce travail approchant aujourd’hui de ses limites (cf. infra), il se concentre désormais sur deux sujets :

– définir un référentiel des emplois ministériels (REM) qui, en aidant à la description des besoins en compétences des employeurs, a vocation à se substituer aux référentiels en vigueur et à proposer un référentiel ministériel unique capable de rapprocher les besoins des employeurs des formations ;

– identifier les coûts de formation, aujourd’hui mal connus des armées.

2. Le pilotage au niveau de chacune des armées

L’organisation de la formation est principalement du ressort de chacune des armées, sous l’autorité de leurs chefs d’état-major.

Les structures centrales de pilotage des différentes armées sont aujourd’hui très proches, l’essentiel des compétences y étant concentré au sein de leurs directions des ressources humaines respectives. Les compétences des commandements de la formation, qui étaient jusqu’à une date récente, distincts de la politique des ressources humaines, leur ont en effet été transférées.

Dans l’armée de terre, le directeur des ressources humaines de l’armée de terre (DRH-AT) est chargé du recrutement et de la formation du personnel militaire ainsi que de l’organisation des examens et des concours d’admission dans les différentes écoles. Il propose au chef d’état-major de l’armée de terre la politique de formation de son armée. Il s’appuie pour cela sur une instance de coordination, la commission permanente de la formation (CPF), présidée par un sous-directeur de la formation.

À un deuxième niveau, le pilotage opérationnel fait l’objet de processus décentralisés, en fonction de familles professionnelles, permettant de décliner les contenus de formation dans une dynamique de parcours professionnels. Dans le même temps, des processus centralisés permettent de définir un cadre de gestion et d’optimiser l’utilisation des ressources.

Pour la marine nationale, le directeur du personnel militaire de la marine (DPMM) assume des fonctions similaires à celles du DRH-AT en matière de recrutement et de formation de son personnel. Il a autorité sur les centres de formation, écoles militaires et autres organismes.

Un comité directeur de la formation (CODIR) réunit les représentants de l’ensemble des autorités de la marine exerçant des responsabilités en matière d’acquisition de compétences. Présidé par le sous-chef d’état-major « ressources humaines » de la marine, il assure la maîtrise, l’optimisation et la rationalisation du dispositif de formation. Doté d’un secrétariat permanent, il exerce sa gouvernance en séances plénières ou à travers des études coordonnées par son secrétariat permanent. Son rôle est de définir les orientations stratégiques, de coordonner leur mise en œuvre afin d’harmoniser les pratiques et d’arbitrer les décisions d’évolution des formations de la marine. Il assure également l’interface avec le CCF.

L’armée de l’air s’est dotée d’une instance équivalente à celle des autres armées en 2011, la commission permanente de la formation (CPF). Placée sous l’autorité du directeur des ressources humaines de l’armée de l’air (DRH-AA), elle vise principalement à garantir la cohérence et l’optimisation de la formation au sein de l’armée de l’air.

3. Une adaptation continue des formations dispensées

L’adaptation des formations fait l’objet d’un dialogue constant entre les directions des ressources humaines de chacune des armées, les organismes de formation et les autorités d’emploi des forces.

Il faut garder tout d’abord à l’esprit que les cadres des différentes écoles sont issus directement des forces et que les armées s’efforcent d’y envoyer des militaires ayant servi dans les opérations extérieures les plus récentes, comme les membres de la mission d’information ont pu le constater par exemple lors de leur déplacement aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan.

Les chaînes de retours d’expérience sont formalisées par différentes instructions propres à chacune des armées.

Dans la marine, une instruction du 18 janvier 2014 détaille par exemple les modalités de ce retour d’expérience. Il s’appuie sur deux types de processus.

Le retour d’expérience « à chaud », tout d’abord, est interne aux écoles. Il comprend les visites de cours et les commissions de suivi pédagogique. La satisfaction des élèves sur le contenu de la formation et la manière dont elle a été dispensée est mesurée de façon anonyme et organisée par les commandants d’école.

Les experts métier des écoles, issus des forces, au premier rang desquels les pilotes de formation et de spécialité, utilisent leur expérience pour améliorer en permanence les contenus pédagogiques grâce à une analyse critique des contrats de formation (objectifs et déroulement de cours) et des dossiers pédagogiques.

Enfin, chaque cours ou stage se conclut par un conseil d’instruction, adressé à la DPMM, qui, outre la synthèse des résultats des élèves, établit un bilan général du déroulement de la formation, des difficultés rencontrées (matériel, niveau des élèves, etc.) envisagées pour la session suivante.

Le retour d’expérience « à froid » vise à fournir une analyse approfondie de la formation délivrée afin d’évaluer la pertinence des objectifs des cours délivrés et leur adéquation avec les besoins des forces.

Il s’appuie sur deux outils principaux :

– les fiches d’évaluation des compétences (FEC) ;

– les réunions entre les forces et les écoles.

Les FEC revêtent la forme d’un questionnaire adressé à l’unité d’affectation du marin six mois après la fin de sa formation. Il est découpé en trois parties remplies par le marin, par le chef de service et par le commandant d’unité. L’évaluation porte sur l’adéquation des compétences observées et sur l’adéquation à l’emploi au regard des objectifs assignés à la formation.

Les FEC sont retournées à l’école au plus tard douze mois après le début de la formation. Elle les exploite et en constitue une synthèse adressée annuellement aux autorités de domaine de compétences (ADC, c’est-à-dire les experts « métiers » de la marine, placés auprès des différentes autorités d’emploi des forces) et à la DPMM. Ces synthèses constituent une partie des éléments qui nourrissent le travail relatif aux études d’opportunité.

Le retour d’expérience organisé entre les forces et les écoles a pour objectif de formuler une évaluation générale du niveau de formation des marins, observé dans la force. Ce retour d’expérience s’appuie sur :

– les synthèses des FEC ;

– les rapports de fin de mission, de fin de commandement, les comptes rendus d’inspections, de stages de remise en condition opérationnelle et d’arrêt technique ;

– les comptes rendus d’audits et enquêtes.

ORGANISATION DU RETOUR D’EXPÉRIENCE DANS LA MARINE


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Parallèlement, les différentes autorités d’emploi de la marine peuvent exprimer des besoins auprès du sous-chef d’état-major « ressources humaines » de la marine. En fonction de l’analyse du besoin opérationnel, une étude d’opportunité est présentée au CODIR. Elle vise à proposer une vision globale des compétences requises et à proposer la création ou l’adaptation d’un dispositif de formation. Elle permet d’analyser les enjeux, coûts et risques avant toute décision. Les formations ainsi créées font ensuite l’objet de contrats de formation avec les écoles et autres organismes de formation, approuvées par les autorités de domaine de compétence.

Les processus sont assez proches dans les autres armées. Dans l’armée de terre, la DRH-AT organise par exemple régulièrement des rencontres avec le commandement des forces terrestres (CFT). Les organismes de formation, par l’intermédiaire de leurs divisions études et prospective, participent pour leur part à des réunions de réseau, au retour d’expérience (RETEX) ainsi qu’aux programmes d’armement. Ils réalisent en outre chaque année des revues de programme. Les modifications, créations ou fermetures d’actions de formation sont ensuite validées par la commission permanente de la formation (CPF).

B. UNE MESURE DE L’EFFORT DE FORMATION PERFECTIBLE

1. Des coûts mal connus

Il faut tout d’abord souligner que les armées ne disposent plus depuis 2009 d’un système de comptabilité analytique leur permettant de retracer avec précision les coûts de la formation.

Compte tenu de la réorganisation du soutien et de la création des bases de défense, la production des comptes organiques a été arrêtée et il n’existe en effet pas de données fiables collectées et agrégées en vue de connaître les coûts complets de la formation.

Dans la loi de finances initiale, les crédits dédiés à la formation sont aujourd’hui dispersés au sein de plusieurs sous-actions plus globales de la mission « Défense », là où ils étaient inscrits dans des sous-actions clairement intitulées « Formation des forces ».

Au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », chacune des actions 2 « Préparation des forces terrestres », 3 « Préparation des forces navales » et 4 « Préparation des forces navales » comprend ainsi une sous-action « Ressources humaines » regroupant les crédits consacrés au financement des organismes de formation dépendant de chacune des armées, mais également les crédits nécessaires à la gestion, au recrutement et à l’administration des ressources humaines.

Les activités de soutien des organismes de formation relèvent en revanche d’autres actions du programme 178 ou du programme 212 « Soutien de la politique de défense ».

Cette absence de connaissance, à la fois globale et détaillée, du coût de la formation rend difficile le pilotage de cette activité car elle empêche d’éclairer la décision en matière d’externalisation, de mutualisation, de facturation des prestations de formation ou encore de comparaison des coûts des mêmes prestations effectuées par deux organismes différents.

Ce point a été soulevé par le rapport du contrôle général des armées sur la formation des militaires de 2011 et a fait l’objet de nombreuses observations de la part de la Cour des comptes.

Aussi un mandat a-t-il été confié au comité de coordination de la formation (CCF) et à la direction des affaires financières du ministère de la Défense, qui ont constitué un groupe de travail chargé de proposer une méthode d’identification et de calcul des coûts. Ce programme est appelé ARAMIS et devrait proposer une première méthode de calcul au premier semestre 2015 avant d’être pleinement opérationnel à l’horizon 2016.

Les estimations communiquées à la mission d’information font état d’un coût global de la formation des militaires de près d’un milliard d’euros par an. Il est en revanche impossible de fournir un chiffrage par armée. Cette évaluation d’un milliard est à rapporter au dernier chiffrage bien documenté, celui de 2008, soit 1,5 milliard d’euros, sans qu’il soit possible d’en analyser précisément les causes.

Comme l’avait souligné le rapport précité du contrôle général des armées en 2011, la création d’outils de comptabilité analytique nécessitera de réfléchir au périmètre et à la définition de la formation. Le chiffrage de la formation délivrée en unités opérationnelles, aujourd’hui impossible, devra ainsi être effectué selon des règles communes et prendre en compte à la fois la contribution des matériels et du personnel.

Les écoles et organismes de formation ne disposent aujourd’hui pas d’une vision complète de leurs coûts. Ne constituant pas des entités budgétaires propres, ils relèvent de différents programmes et donc de différents interlocuteurs : l’administration centrale pour leur masse salariale et leurs besoins en investissements, le groupement de soutien des bases de défense pour les dépenses de fonctionnement et les différents services interarmées pour les infrastructures ou les systèmes d’information. Seules les dépenses pédagogiques sont gérées par les écoles elles-mêmes.

Lors de leurs déplacements dans les différentes écoles, les membres de la mission ont souvent entendu le constat de la difficulté que représentait cette situation pour la gestion quotidienne et à long terme. Un réel pouvoir de décision en matière de gestion pourrait être octroyé aux écoles afin qu’elles puissent s’inscrire dans une stratégie de long terme. Une des solutions pourrait être de les doter d’un statut d’EPSCP, comme cela a été évoqué dans la première partie.

2. Une activité globalement en baisse

Si le coût global de la formation ne peut être, à l’heure actuelle, mesuré par les armées, il est en revanche possible de mesurer leur effort de formation par la comptabilisation du nombre de journées de formation et d’actions de formation. Les données recueillies ne sont malheureusement pas pleinement satisfaisantes pour pouvoir en tirer des conclusions claires.

VOLUME DE FORMATION DISPENSÉ À L’ENSEMBLE DES MILITAIRES

93 586 actions de formations dont

• 20 % pour les officiers (19 011) ;

• 52 % pour les sous-officiers (48 987) ;

• 21 % pour les militaires du rang (19 283) ;

• 7 % pour les volontaires (6 304).

3 929 197 journées de formation dont

• 28 % pour les officiers (1 074 680) ;

• 55 % pour les sous-officiers (2 168 875) ;

• 12 % pour les militaires du rang (480 995) ;

• 5 % pour les volontaires (204 647).

Source : DRH-MD.

Entre 2009 et 2013, le nombre total de journées de formation, initiale et continue, dispensée aux militaires des trois armées a diminué de 0,8 %.

NOMBRE DE JOURNÉES DE FORMATION OFFERTES AUX TROIS ARMÉES

 

2009

2010

2011

2012

2013

Évolution 2009/2013

Terre

1 499 590

1 436 275

1 288 830

1 086 595

963 020

- 35,8 %

Marine

970 304

969 698

955 771

950 644

910 585

- 6,1 %

Air

306 666

629 407

628 824

806 153

881 391

+ 187,4 %

Total

2 776 560

3 035 380

2 873 425

2 843 392

2 754 996

- 0,8 %

Source : bilans sociaux du ministère de la Défense.

Cette légère diminution globale du nombre de journées de formation (-0,8 %), passé de 2 776 560 en 2009 à 2 754 996 en 2013, masque des disparités importantes entre les armées puisque là où l’effort de formation de l’armée de terre diminue fortement (- 35,8 %), celui de l’armée de l’air a effectué un bond spectaculaire (+ 187,4 %).

Cette augmentation dans l’armée de l’air trouve son explication principale dans le doublement du nombre d’élèves-officiers sur la période 2010-2012 lié à l’allongement de leur formation initiale et de spécialité d’une année. La mise en place de stages d’adaptation à l’emploi pour le personnel projeté en opérations, de nouveaux stages pour adapter le dispositif de formation aux nouvelles compétences identifiées ou encore l’acquisition de nouveaux matériels expliquent le reste de l’augmentation.

En 2013, l’effort de formation consenti pour les officiers représente 28 % du nombre total de journées de formation dispensées à l’ensemble des militaires du ministère de la Défense, soit 1 074 680 journées. Cette part relative est en diminution constante puisqu’il était de 42 % en 2009, de 39 % en 2010 et 2011 et de 33 % en 2012.

NOMBRE DE JOURNÉES DE FORMATION PAR CATÉGORIE ET PAR ARMÉE EN 2013

 

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

Volontaires

Total

Terre

389 060

518 105

55 855

0

963 020

Marine

175 097

433 029

288 547

13 912

910 585

Air

201 513

609 119

64 122

6 637

881 391

Source : bilan social 2013.

Pour rendre compte du volume de formation, les bilans sociaux du ministère de la Défense utilisent également la notion « d’action de formation », qui comprend la formation initiale, les formations de cursus et les formations d’adaptation à l’emploi. Elle n’intègre en revanche pas les formations externalisées, les formations en unité des militaires du rang ainsi que les stages d’instruction au sein des unités d’instruction spécialisées (UIS).

Les bilans sociaux ne précisent en outre pas la durée des formations associée à ces différentes actions. La notion d’action de formation ne semble donc pas réellement pertinente pour appréhender l’évolution des volumes de formation concernés.

NOMBRE TOTAL D’ACTIONS DE FORMATION PAR CATÉGORIE ET PAR ARMÉE EN 2013

 

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

Volontaires

Total

Terre

4 139

10 261

9 996

2 378

26 774

Marine

2 039

8 461

3 692

623

14 815

Air

6 306

11 145

3 446

136

2 103

Source : bilan social 2014.

II. UNE RATIONALISATION DE L’OUTIL DE FORMATION LARGEMENT ENTAMÉE

D’importants efforts de rationalisation de l’appareil de formation ont été accomplis par les armées ces dernières années pour répondre à la réduction de leurs effectifs et de leurs formats. Ils se sont traduits par des mouvements de regroupement de sites au sein de chacune des armées mais aussi par la création de centres communs à toutes les armées ainsi que par des échanges plus approfondis avec le monde civil.

A. DES MUTUALISATIONS NOMBREUSES ENTRE LES ARMÉES

1. Les regroupements d’écoles au sein des armées

Des regroupements d’écoles ont déjà eu lieu au sein de chacune des armées, principalement dans l’armée de terre.

À l’été 2010 par exemple, l’école d’application de l’infanterie de Montpellier et l’école d’application de l’artillerie se sont regroupées pour former les écoles militaires de Draguignan (EMD).

L’école militaire supérieure d’administration et de management (EMSAM) a également rejoint le site des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, fusionnant ainsi avec l’école militaire du corps technique et administratif (EMCTA), pour former l’école d’administration militaire (EAM).

En 2011, les deux écoles du service de santé des armées (ESSA) ont fusionné en une seule entité : l’école de santé des armées de Lyon. L’école du personnel paramédical des armées rejoindra ce site à partir de 2016. Le centre d’instruction santé de l’armée de terre (CISAT) de Montigny-lès-Metz a été également transféré vers La Valbonne, favorisant un regroupement avec le régiment médical déjà implanté sur ce site.

L’année 2012, enfin, a été marquée par de nouveaux rapprochements d’écoles ou transferts de formations : intégration de l’école d’état-major de Compiègne aux écoles militaires de Saumur, transfert de la formation « plongée » de l’armée de terre à l’école de plongée de Saint-Mandrier.

Si quelques efforts de regroupements de sites peuvent certainement encore être accomplis, les coûts en infrastructure pourraient s’avérer dirimants dans de nombreux cas. En outre, la fermeture d’écoles, conjuguée à la fermeture de plusieurs régiments pour répondre aux exigences de la LPM, risquerait de se heurter à des impératifs d’aménagement du territoire, à l’heure où les déserts militaires se font de plus en plus nombreux.

2. Les mutualisations interarmées

D’importants rapprochements ont été opérés au cours des quinze dernières années par les armées pour dispenser des formations communes. Les formations en question concernent essentiellement des formations de spécialistes, qui nécessitent des structures dédiées souvent significatives et spécifiques au métier concerné et dont la duplication s’avérait trop coûteuse.

Chacune des armées dispense ainsi aujourd’hui, en fonction de ses spécialités, des formations au profit d’une ou plusieurs autres armées. Le mouvement s’est accéléré au cours des dernières années, sous le pilotage du comité central de formation (CCF).

L’armée de l’air dispense ainsi une vingtaine d’actions de formation au profit de l’armée de terre, de la marine, de la direction générale de l’armement et des autres services, ce qui représentait 4 186 élèves et stagiaires formés en 2013.

Du fait de son expertise en milieu aéronautique, l’armée de l’air assure par exemple la formation initiale des pilotes d’avions de l’aéronautique navale au profit de la marine. Elle dispense également la formation à la maintenance aéronautique de la défense au profit de toutes les armées à l’école des sous-officiers de l’armée de l’air (EFSOAA) de Rochefort. L’EFSOAA accueille ainsi les mécaniciens de l’aéronautique navale depuis 2001 et des mécaniciens de l’aviation légère de l’armée de terre depuis 2010. À titre d’exemple concret, les cours air et marine reposent actuellement sur un socle commun qui représente 95 % de la formation.

Dans le même temps, 1 082 aviateurs, tous grades confondus, étaient formés à l’extérieur de l’armée de l’air, au sein de 28 actions de formation.

L’armée de terre assure également un grand nombre de formations au profit des autres armées : 30 % de ses actions de formation sont aujourd’hui mutualisées.

Pour ne prendre que quelques exemples, l’école de l’aviation légère de l’armée de terre (EALAT) de Dax assure la formation initiale des pilotes d’hélicoptère de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air et de la gendarmerie. L’école du génie d’Angers et l’école des transmissions de Rennes dispensent également des formations à l’ensemble des armées.

La marine assure pour sa part la formation aux métiers et spécialités embarquées de toutes les armées au centre d’instruction naval de Saint-Mandrier, la formation aux atomiciens de la DGA ou encore une formation aux métiers du marin au profit de la gendarmerie nationale, des douanes ou des affaires maritimes.

L’école des fourriers de Querqueville assure la formation des militaires de la marine, de l’armée de terre et de l’armée de l’air aux métiers de l’administration, de la gestion des ressources humaines et de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que la formation des spécialistes de la restauration de la gendarmerie nationale

L’essentiel des mutualisations réalisées ces dernières années sous l’égide du CCF est retracé dans le tableau ci-après, un tableau recensant l’ensemble des formations mutualisées figurant également en annexe.

Domaines

Acteurs

Hélicoptères :

- Mutualisation de la formation initiale des pilotes d’hélicoptère à l’EALAT

- Mise en place du Contrat partenariat d’État (CPE) HELIDAX depuis 2011 au sein de l’EALAT Dax (20 000 heures de vol annuelles correspondant au plan de charge de l’école)

Armées et gendarmerie

Aéroportée : Regroupement des formations de l’inter-domaine TAP au sein de l’ETAP

Armées et gendarmerie

Cynotechnie :

- Transfert de la formation mutualisée du 132e BCAT à Suippes vers le 17GA à Biscarosse

- Mutualisation cynotechnique du module de la FS1 « maître chien »

Terre et marine

Armées

Maintenance aéronautique :

Transfert des formations (cellule-moteur-aéronef et avionique) de l’armée de terre de Bourges vers l’EFSOAA

Armées

Plongée : Transfert de la division formation de l’armée de terre vers l’école de plongée de Saint-Mandrier

Terre et marine

Communication :

- Regroupement des formations des communicants dispensées par les armées au sein de la DICoD

- Transfert des formations aux métiers de l’image dispensées par l’École des métiers de l’image (EMI) de l’ECPAD

Armées et services

Armées

Météorologie et océanographie : Mutualisation de la formation initiale assurée gratuitement par l’École nationale de la météorologie de Météo France à Toulouse

Armées

Cette ambitieuse politique de mutualisation s’est accompagnée de la constitution et du développement de pôles d’excellence interarmées dans de nombreux domaines de spécialité : cyberdéfense ; munitions et pyrotechnie ; nucléaire – radiologique – bactériologique et chimique (NRBC) ; ciblage ; renseignement, pour lesquels la satisfaction du contrat opérationnel exige en effet un niveau technico-opérationnel performant.

De l’avis des responsables entendus par les rapporteurs, au terme de quinze années d’efforts, la marge de manœuvre en matière de mutualisation est désormais relativement restreinte et il semble difficile d’aller plus avant dans cette voie.

Plusieurs obstacles ont été soulevés.

Tout d’abord, le coût de la mutualisation doit être évalué dans son ensemble, et pas seulement en termes d’économies de structures. Les coûts de déplacement des élèves et des instructeurs, mais aussi la durée de leur indisponibilité en fonction d’exigences pouvant varier d’une armée à l’autre doivent ainsi être pris en compte. Dans certains cas, il peut donc être préférable de faire effectuer des formations en stage court dans une structure proche plutôt que de déplacer des élèves à travers la France.

Une plus grande mutualisation des formations peut aussi aller à l’encontre du principe de « juste besoin » identifié par chacune des armées. Plus un programme s’adresse à un profil diversifié d’élèves, plus le risque est en effet important qu’il ne réponde pas parfaitement à leurs attentes. La mutualisation peut donc, dans certains cas, comporter un risque de sur-formation en plus d’une perte de temps.

Enfin, et toutes les armées sont très vigilantes sur ce point, la logique du milieu ne doit pas être négligée. La « décontextualisation » d’une formation hors du milieu maritime peut, par exemple, se traduire pour un marin par l’incapacité à transposer des apprentissages théoriques en une compétence pratique à bord de son unité : si les systèmes d’information et de communication (SIC) à bord d’un bâtiment de la marine ont des similitudes avec les SIC des autres armées, ils présentent également des aspects totalement spécifiques propres aux unités navales, en particulier dans l’exploitation des ondes hertziennes et des systèmes de chiffrement.

B. LES RAPPROCHEMENTS AVEC DES PARTENAIRES ÉTRANGERS

1. Des échanges d’élèves de plus en plus nombreux

Les grandes écoles militaires se sont engagées, depuis plusieurs années déjà, dans une politique d’échanges d’élèves avec des académies militaires étrangères. Une part croissante d’élèves-officiers accomplit désormais une partie de leur parcours dans une académie étrangère, les écoles accueillant dans le même temps des élèves de pays partenaires.

La France et l’Allemagne ont, en outre, conclu un partenariat pour échanger, pendant toute la durée de leur scolarité, des élèves-officiers de la marine et de l’armée de terre. Recrutés selon une voie spécifique, cinq élèves-officiers en formation initiale en Allemagne (EOFIA), pour l’armée de terre, et deux élèves français en formation à l’école navale allemande (EFENA), pour la marine, effectuent ainsi la totalité de leur formation, respectivement de trois et cinq ans, en Allemagne.

Il existe, dans la marine, une longue tradition d’échanges dans le domaine de la formation avec les pays européens et nord-américains mais qui s’étend désormais avec des partenaires plus récents, comme le Brésil.

L’école navale poursuit tout d’abord une démarche d’ouverture très volontariste pour ses élèves avec des échanges de semestres entre les académies navales. Ces échanges ne sont pas des petits stages d’ouverture internationale mais bien des parcours ciblés qui s’inscrivent dans la scolarité des élèves-officiers et validant les ECTS, en France comme à l’étranger. On compte en outre parmi les cadres de l’école navale des officiers américain, britannique, allemand, italien et espagnol et de la même façon, des officiers français assurent l’encadrement dans les académies navales de ces pays.

Ensuite, dans le cadre des accords dits de Lancaster House, la marine a intensifié depuis 2010 un dialogue fructueux avec la Royal Navy pour former de façon croisée des officiers dans des domaines opérationnels de façon à donner une véritable culture commune et à préparer les deux marines à la mise en place d’une coopération plus poussée dans la perspective d’un groupe aéronaval partagé entre les deux pays. Cette coopération se traduit en 2014 par des formations croisées d’officiers des forces de surface et par des perspectives de postes d’échanges en unités opérationnels à court terme.

Enfin, la mission « Jeanne d’Arc », école d’application des officiers de marine, embarque chaque année une vingtaine d’élèves-officiers étrangers (23 cadets étrangers de 18 nationalités différentes pour la campagne 2014), ce qui renforce la culture internationale des élèves français et permet de donner une formation opérationnelle française à ces jeunes officiers étrangers.

Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan accueillent pour leur part chaque année environ une trentaine d’élèves-officiers internationaux (20 à l’ESM, soit 15 % d’une promotion et 10 à l’EMIA, soit 10 %). Recrutés sur un concours organisé par la France, ils effectuent la totalité de la scolarité à l’école pour laquelle ils ont été recrutés et en sont diplômés en cas de réussite de la scolarité. Les Européens ne représentent que 10 % de cette population, la majorité des élèves étrangers venant de pays africains ayant conclu un accord avec la France.

Depuis 2011, les ESCC ont mis en place, au profit des élèves-officiers de l’ESM, deux semestres en langue anglaise. En s’affranchissant ainsi de la barrière linguistique, les ESCC ont suscité un intérêt croissant de la part d’académies militaires étrangères. En 2013-2014, l’ESM a accueilli 21 cadets étrangers au sein de ses semestres en langue anglaise.

Dans l’espace concurrentiel de la formation initiale des officiers, le concept de formation unifiée proposée par les ESCC trouve un écho favorable auprès d’un nombre croissant de pays européens. L’ESM envisage dès lors de mettre en place un deuxième semestre en langue anglaise, ce qui lui permettra de doubler son offre de formation. Des cours en Français pourraient être introduits dans ces semestres internationaux et des instructeurs de pays pourvoyeurs d’étudiants pourraient, le cas échéant, venir compléter la formation de leurs étudiants dans leur langue natale. Il s’agit d’une démarche tout à fait intéressante, qu’il convient d’appuyer.

De la même manière, l’école de l’air accueille un nombre significatif d’élèves étrangers : des cadets d’autres académies de l’air reçus en échanges longs dans le cursus ingénieur, des élèves étrangers en formation dans d’autres programmes.

L’école porte par ailleurs un effort particulier sur des échanges longs réalisés au cours du cinquième semestre de scolarité du cursus ingénieur. Ainsi, 20 élèves, soit 28 % d’une promotion, effectuent une partie de leur scolarité à l’étranger de septembre à décembre : sept sous-lieutenants aux États-Unis, à l’académie de l’air américaine du Colorado, deux au Canada, au Collège militaire royal de Kingston, trois en Allemagne, à l’université de la Bundeswher de Munich, quatre en Espagne, à l’Académie générale de l’air de San Javier, un en Italie, à l’Accademia aeronautica, deux en Belgique, à l’école royale militaire et enfin un au Japon, à la National Defense Academy.

2. Des coopérations pour des formations communes

Si les échanges entre académies militaires de pays partenaires sont de plus en plus nombreux, les mutualisations de modules de formations à l’étranger, qui signifient la fermeture d’une structure de formation au profit d’une autre, sont en revanche plus rares. On se heurte ici à des impératifs politiques de maintien de savoir-faire sur le territoire national.

L’exemple le plus poussé de coopération en matière de formation est probablement l’école franco-allemande de pilotage d’hélicoptères Tigre, basée au Luc, qui, depuis 2003, forme les équipages allemands et français sur le système d’armes commun, définit des concepts de formation communs et harmonise les conditions d’exécution des stages et des conditions de vie. L’encadrement est bi-national et le commandement est assuré alternativement par un officier supérieur allemand ou français.

Le centre de formation franco-allemand des personnels technico-logistiques, situé à Fassberg, en Allemagne, forme pour sa part les maintenanciers de l’hélicoptère Tigre et relève de l’autorité du général commandant les écoles militaires de Bourges.

Des perspectives nouvelles de coopération sont également à l’étude avec l’Allemagne, pour la constitution d’un centre d’excellence franco-allemand de formation des parachutistes, en lien avec l’école des troupes aéroportées de Pau, pour la formation du Génie, à Ingolstadt, mais aussi avec l’Espagne, en matière de contre-IED, à Oyo de Manzaneres et avec l’Autriche, pour le Mountain training initiative.

La communauté LRU (lance-roquettes unitaire – 13 systèmes prévus en 2019 en France) qui compte l’Allemagne, la Finlande, la France, l’Italie et le Royaume-Uni coopère aussi régulièrement et les équipages français seront formés pour certains modules en Allemagne.

La France et la Belgique ont également su nouer un partenariat fructueux pour la formation des pilotes d’hélicoptère et des pilotes de chasse, les formations étant assurées, dans les deux cas, par les armées françaises au profit des armées belges.

L’armée de terre assure ainsi de manière pérenne la formation initiale des pilotes d’hélicoptères de l’armée et de la police belges. Elle assure également les qualifications techniques des pilotes et mécaniciens Tigre ou NH90 de l’Espagne et de la Belgique.

L’armée de l’air assure pour sa part la formation des pilotes de chasse de l’armée belge. Implantée sur la base aérienne de Cazaux depuis 1963, l’école de transition opérationnelle « Commandant René Mouchotte » intègre ainsi depuis 2004 l’Advanced Jet Training School. Cette structure a été créée conjointement par la France et la Belgique dans le but de mutualiser la formation des pilotes de chasse des deux pays. Elle est également ouverte à d’autres nationalités.

Cette école constitue la dernière étape de formation des pilotes de chasse français et belges et des navigateurs officiers systèmes d’armes français. L’unité a pour mission de former les stagiaires aux bases de leur futur métier de pilotes et navigateurs de combat. À l’issue de leur formation, les stagiaires rejoignent leurs unités de combat sur tous types d’avions de chasse, Rafale, Mirage 2000 et F16.

Dans l’autre sens, certaines formations des marins français sont effectuées à l’étranger comme les formations des pilotes de chasse de l’aéronavale aux États-Unis ou une partie de la formation des officiers chargés du contrôle de la chasse en Grande Bretagne.

FORMATIONS EXTERNALISÉES DE LA MARINE

Désignation

Armée réalisant la formation

Population concernée

Nature de la formation ou spécialité concernée

Nombre d’élèves marins

(flux annuel moyen)

Durée théorique

Fréquence

États-Unis :

DET EAN (6) Meridian dont Whiting Field

US Navy

OFF (7)

Cursus pilotes de chasse et E2C (Hawkeye)

10 par an

De 14 à 24 mois selon le cursus

Permanent

Royaume-Uni :

OPC3D (8)

RAF (9)

OFF

Embarquement de préparation de mission et de contrôle dans la 3dimension

0 à 2 par an

5 mois

1 fois par an

OTAN :

Oberammergau, Rome IASD (10) et Naval College (NDC)

OTAN

OFF

Préparation aux emplois en milieu OTAN (conduite des opérations et exercices multinationaux)

5 par an

Rome IASD : 6 mois

Rome NDC : 6 mois

Oberammergau :

1 à 2 semaines

Rome IASD : 2 fois par an

Rome NDC : 2 fois par an

Oberammergau :

35 stages par an

Source : DPMM.

C. UNE OUVERTURE VERS LE MONDE CIVIL À CONFORTER

« L’ouverture permet de rester en phase avec l’évolution rapide de la société française, d’appréhender l’émergence de technologies structurantes ou d’anticiper des évolutions majeures, qu’elles soient militaires, politiques, économiques ou culturelles » peut-on lire dans la politique générale de formation de l’armée de l’air. Cette ouverture se traduit aujourd’hui principalement par l’externalisation de certaines formations dans des institutions civiles et par une coopération plus étroite avec les industriels.

1. Des externalisations nombreuses

Si les grandes écoles militaires ont mis en place des partenariats de recherche et des conventions de stage avec des universités et des grandes écoles françaises, d’autres actions de formation sont menées de manière étroite avec des institutions civiles.

Dans un contexte financier contraint et pour tenir compte de la diminution du flux des élèves formés, les armées ont d’ores et déjà externalisé un certain nombre de leurs formations au sein d’institutions civiles dans des métiers appliquant des normes civiles aisément transposables dans le secteur militaire ou nécessitant des compétences rares.

C’est le cas par exemple pour la formation des météorologistes de la marine qui sont formés au sein de l’école nationale de météorologie de Toulouse (dépendant de Météo France) et des contrôleurs d’aéronautique de la marine et de l’armée de l’air qui sont formés au sein de l’ENAC (école nationale de l’aéronautique civile qui forme les contrôleurs aériens civils).

Par ailleurs, toujours pour ce qui concerne la marine, certaines formations techniques et supérieures du CIN Saint-Mandrier, en particulier dans le domaine des systèmes d’information et de communication (SIC), sont confiées ou partagées avec l’université de Toulon.

Le bureau des écoles et de la formation de la marine mène également un projet novateur avec les industriels de la filière navale, en particulier DCNS et les chantiers STX et Piriou, pour favoriser la création d’un bac pro correspondant aux besoins à la fois des industriels navals et de la marine. Ce projet appelé « classes navales » est actuellement en phase de consolidation auprès de l’inspection générale de l’éducation nationale.

L’école des applications militaires de l’énergie atomique (EAMEA) a par ailleurs noué de nombreux partenariats avec l’enseignement supérieur et avec les différents acteurs civils et militaires et ministériels dans le domaine nucléaire (EDF, DGA, universités, CEA, etc.). Ces partenariats ont permis de valoriser et d’optimiser les enseignements et stages croisés entre ces différents organismes.

De la même manière, l’armée de terre recourt à des écoles ou universités civiles pour former certains de ses cadres. Ces formations ont concerné 57 officiers en 2012-2013 et ont été dispensées par des organismes aussi divers que l’école des mines de Paris, l’école nationale supérieure des arts et métiers, Supélec Paris, l’Institut national des langues et civilisations orientales, l’Institut d’administration des entreprises ou encore l’université de Paris-Dauphine. 46 officiers de l’armée de l’air ont également suivi des formations dans des établissements d’enseignement supérieur civils.

2. Tirer un meilleur profit de la coopération avec l’industrie

La coopération des armées avec l’industrie est appelée à s’approfondir dans les années à venir. La réduction des volumes de matériels acquis, qui créé des situations dans lesquelles les flux de personnel à former deviennent très réduits, conjuguée à l’augmentation de la durée de vie d’équipements de plus en plus sophistiqués, imposent en effet aux armées de partager au mieux leurs outils de formation pour en faire diminuer les coûts.

Les industriels participent déjà à la formation des militaires lors de la mise en service de nouveaux équipements. Ils effectuent la formation « industrielle » des premiers utilisateurs mais surtout celle des « primo-formateurs » qui vont acquérir le savoir-faire pour le transmettre ensuite aux différents organismes de formation sous forme de dossiers pédagogiques et dossiers adaptés aux militaires.

Inversement, l’armée participe de plus en plus à la formation des industriels en leur mettant à disposition ses infrastructures ou leur délivrant des prestations de formation. L’école de formation des sous-officiers de l’armée de l’air (EFSOAA) a ainsi pu nouer des contacts fructueux avec plusieurs industries.

Des formations au bénéfice de l’industrie : l’exemple de l’EFSOAA

Le premier partenariat a été créé en 2007, afin de répondre au besoin de formation de la SOGERMA, confrontée à la montée en cadence du chantier de l’A350, à de nombreux départs à la retraite d’ouvriers spécialisés et à l’absence de formation aéronautique initiale dans le secteur géographique local. Le besoin portait sur un stage d’adaptation à l’emploi « d’ajusteur monteur cellule aéronef ». Le stage a été reconduit en 2011 et 2012. La prestation fournie consistait à la mise à disposition d’un atelier de chaudronnerie et d’une salle de cours pendant huit semaines. La formation accueillait jusqu’à dix stagiaires, sans qu’aucun formateur de l’EFSOAA n’intervienne dans la formation.

Par ailleurs, en 2009, la société Dassault Aviation de Biarritz a recherché un organisme de formation en mesure de réaliser un stage sur les technologies modernes de câblage et de connectique. L’EFSOAA a été le seul interlocuteur en capacité de répondre à ce besoin spécifique. Le stage a été reconduit en 2012. La prestation consistait en un stage de sept jours, au profit de six personnes, dispensé entièrement avec les moyens de l’EFSOAA, hors fournitures des matériaux nécessaires à la réalisation des travaux pratiques.

Enfin, actuellement, des échanges ont lieu entre l’EFSOAA et la SOGERMA, suite à une demande de cette dernière concernant une formation d’acculturation au milieu aéronautique. Un programme « sur mesure » a été élaboré et est aujourd’hui validé par la SOGERMA. La prestation consiste en un stage de cinq jours dispensé entièrement avec les moyens de l’EFSOAA (locaux, matériels, instructeur). Dans son expression de besoin, la SOGERMA envisage deux à trois stages de huit à dix stagiaires par an sur la période 2013-2017.

De multiples échanges avec l’industrie, aux niveaux national (EADS, Thales, Dassault, SAFRAN, GIFAS) comme local (SOGERMA) ont permis d’identifier un ensemble de 17 prestations de formations susceptibles d’intéresser les entreprises.

Ces prestations peuvent être collectives, individualisées ou mixtes. Elles comprennent des parties théoriques et pratiques.

S’agissant des formations en elles-mêmes, elles s’étendent de l’acculturation (initiation aéronautique, initiation hélicoptère) à la formation technique (conseiller formateur en habilitation électrique, initiation au conditionnement d’air, fluides frigorigènes, câblage et connectique, découverte de la spécialité aérostructure, matériaux stratifiés et plastiques aéronautiques, bois et toile, soudure argon) en passant par des enseignements transverses (manager technique, encadrement d’une équipe, formation facteur humain, ISO 9001 et audit qualité, information/formation pédagogique pour les cadres, formation pédagogique de formateur enseignant).

Il convient de préciser que ces formations sont susceptibles d’être dispensées en conservant un dimensionnement de l’EFSOAA strictement en adéquation avec les besoins de formation du personnel du ministère de la Défense. L’organisation des cours, tout en étant optimisée, dégage en effet certaines marges de manœuvre en termes de ressources humaines et de moyens pédagogiques disponibles au sein de l’EFSOAA.

Des prestations de formation ont d’ores et déjà été réalisées ponctuellement ces dernières années par l’EFSOAA au profit de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) de Charente-Maritime, de la société Dassault et de l’entreprise SOGERMA de Rochefort. Elles ont toutes été dispensées dans le cadre d’une convention réglementaire.

L’intérêt de l’industrie pour certaines formations dispensées par l’EFSOAA étant identifié, se pose la question des contreparties afférentes. Il apparaît qu’une approche consistant à rechercher des contreparties en nature rencontre rapidement des limites.

Le recours à la taxe d’apprentissage, dont bénéficie déjà l’EFSOAA à hauteur d’environ 30 000 euros à 40 000 euros par an, n’est visiblement pas une solution adaptée car les montants sont limités et ne peuvent être mis en rapport direct avec des prestations dont les entreprises versant cette taxe auraient bénéficié.

Une proposition de tarification des 17 prestations a donc été élaborée par l’EFSOAA en tenant compte du type d’enseignement proposé, du niveau d’expertise requis pour l’instructeur, de la plus-value que le stage apporte au bénéficiaire, et enfin, de la sensibilité commerciale du domaine concerné. Les prix s’échelonnent de 150 euros à 350 euros par jour et par stagiaire.

En contrepartie de ces prestations, l’EFSOAA souhaiterait que les circuits financiers lui permettent de réinvestir les sommes acquises dans la mise en œuvre des projets d’avenir de l’école, soit grâce à un fléchage des crédits (fonds de concours), soit grâce à la mise en place d’une structure conférant une autonomie financière à l’école, par exemple la création d’un fonds de dotation. Cette question est en cours d’étude.

Source : EFSOAA.

Cette politique mériterait d’être développée car elle peut être une source de revenus significative pour les armées, à condition que les bénéfices en reviennent aux écoles. La création de fonds de dotation, dont les grandes écoles militaires sont déjà dotées, pourrait ainsi être généralisée à l’ensemble des structures qui en auraient l’usage. Il resterait alors à définir une stratégie claire de facturation des prestations et de partage des équipements. À cet égard, il est regrettable que le comité de coordination de la formation ne se soit pas encore saisi de ce sujet.

Proposition n° 7 : demander au CCF de définir une méthodologie, commune aux trois armées, permettant de préparer et de développer des partenariats de formation avec les industriels.

TROISIÈME PARTIE : QUATRE DÉFIS À RELEVER

La loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 constitue la première étape de la mise en œuvre de la stratégie de défense qui permettra à un nouveau modèle d’armée de voir le jour à l’horizon 2025. Pour accompagner ces évolutions, la politique de formation du ministère de la Défense doit, selon les membres de la mission d’information, relever quatre défis : renforcer la culture de la mixité dans les écoles, développer les usages de la simulation, prendre le virage de la cyberdéfense et développer la certification professionnelle.

I. RENFORCER LA CULTURE DE LA MIXITÉ DANS LES ÉCOLES

La féminisation des admissions dans les grandes écoles militaires a commencé en 1972 avec l’école polytechnique mais ne s’est achevée qu’en 1993 avec l’école navale. Les femmes représentent aujourd’hui un peu plus de 10 % des élèves à l’ESM de Saint-Cyr et 14 % à l’école de l’air. Ces taux sont à peu près stables depuis une dizaine d’années et semblent satisfaire les commandements de ces écoles alors que l’on considère le seuil de 30 % comme décisif pour l’acceptation de la mixité.

La culture de la mixité n’est donc pas encore pleinement partagée au sein des écoles et il convient d’y être particulièrement attentif.

La féminisation des armées françaises : point de situation

La France possède aujourd’hui l’une des armées les plus féminisées des nations occidentales. Avec 32 329 femmes servant en son sein en 2013, les armées disposent d’un taux de féminisation de 15,1 %, contre 14,7 % aux États-Unis, 9,7 % au Royaume-Uni ou encore 9,1 % en Allemagne.

Ce taux a presque doublé depuis quinze ans puisqu’il était de 7,5 % en 1995 et n’a cessé de croître depuis : 11,4 % en 2002, 14,62 % en 2008. Il semble toutefois stagner depuis cinq ans, après un point haut de 15,15 % en 2010.

Ce taux masque d’importances disparités entre armées : là où le taux de féminisation est de 21,8 % dans l’armée de l’air, il n’est que de 9,8 % dans l’armée de terre, soit moins de la moitié. Cet écart important s’explique naturellement par l’importance, dans l’armée de terre, des forces de « mêlée », au contact du terrain, qui sont très peu féminisées. Ce taux est ainsi de 0,4 % dans l’infanterie, 0,6 % dans le combat des blindés, de la même manière qu’il n’est que de 0,4 % dans les fusiliers-marins de la marine.

RÉPARTITION DES FEMMES MILITAIRES PAR CATÉGORIE ET PAR ARMÉE

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

Volontaires

Total

Taux de féminisation

Terre

1 193

4 730

5 366

21

11 310

9,8 %

Marine

496

3 138

1 233

215

5 082

13,8 %

Air

815

5 013

4 004

92

9 924

21,8 %

Source : bilan social 2013.

Les femmes militaires servent aujourd’hui majoritairement dans deux domaines : l’administration et la gestion (40,3 % du total des effectifs féminins) et la santé (14,9 %). Seules 10,5 % d’entre elles servent dans des unités de combat, alors que 38,7 % des hommes y servent.

Cette surspécialisation du personnel féminin, alliée la réorganisation des structures du soutien des armées opérées ces dernières années, conduit, ainsi que l’avait souligné le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, « à une concentration des effectifs féminins au sein des groupements de soutien des bases de défense et, simultanément, à une diminution du nombre de femmes au sein des unités de combat » (11).

RÉPARTITION DES FEMMES MILITAIRES PAR FILIÈRES D’EMPLOI

Combat

Électronique Informatique

Administration

Gestion

Santé

Logistique

Sécurité

Personnel féminin

4,4 %

11,7 %

46,7 %

47,1 %

8,9 %

4,7 %

Personnel masculin

95,6 %

88,3 %

53,3 %

52,9 %

91,1 %

95,3 %

Ensemble

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

Source : Haut comité d’évaluation de la condition militaire.

Ces tendances à la surspécialisation des femmes dans certains emplois semblent en outre s’accentuer : le taux de féminisation ne cesse de progresser dans les filières d’emploi les plus féminisées alors qu’il diminue dans celles qui le sont les moins, notamment les unités de combat.

Dans les milieux où le taux de féminisation est élevé, l’acceptation des femmes ne constitue pas à un problème et l’organisation du travail prend en compte les demandes émanant de ces dernières.

La problématique est en revanche différente lorsque le taux de féminisation est très faible, ou que le personnel féminin est isolé. Les difficultés rencontrées n’y font pas toujours l’objet d’un suivi attentif. Aussi, les membres de la mission partagent-ils l’analyse du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, qui recommande que les femmes servant dans des unités très peu spécialisées fassent l’objet d’une gestion adaptée, comme cela est déjà pratiqué pour certaines spécialités de haute spécialité aux effectifs réduits.

1. La persistance de comportements intolérables

Si les membres de la mission d’information n’ont pas relevé de difficultés particulières au cours des entretiens qu’ils ont conduits – dont la plupart ont été faits en présence de la hiérarchie, ce qui ne facilite pas ce genre d’enquête – personne n’a nié l’existence de comportements inacceptables.

Ces comportements avaient été mis en lumière par deux rapports remis l’année dernière au ministre de la Défense : le rapport du contrôleur général des armées Gilles Chevalier (12), et le rapport de la mission d’enquête conduite par le contrôleur général des armées Brigitte Debernardy et l’inspecteur général des armées Didier Bolelli (13) ainsi que, l’année précédente, par le rapport du HCECM précité, consacré aux femmes dans les forces armées françaises.

Ces rapports soulignaient l’acuité de ce problème comportemental dans les écoles de formation initiale, en particulier les écoles d’officier. Les membres de la mission d’information ont donc saisi l’occasion que représentait la présence de la présidente de la délégation aux droits de femme de l’Assemblée nationale dans leurs rangs pour s’intéresser de plus près à ce sujet.

De l’avis des personnalités entendues et des analyses partagées, c’est bien dans les écoles d’officiers que la question de la place des femmes se pose avec le plus d’acuité. La durée de la formation et l’origine des jeunes recrues expliquent pour une large part la persistance de certains comportements. Le rôle qu’elles jouent dans la diffusion de comportements prohibés ou dans la lutte contre eux incite en outre à leur apporter une importance particulière.

Le rapport du CGA Chevalier évoque ainsi, dans le cas de l’ESM de Saint-Cyr, le comportement « d’une petite minorité affichant une vision dépassée de la place de la femme dans la société et se traduisant par des insultes inadmissibles, des incivilités ridicules » ou, au mieux une « indifférence courtoise ». Les jeunes femmes, analyse-t-il, semblent avoir « intégré que le fait d’être femme constituait un handicap, que leur carrière en serait « naturellement » plus difficile et que se faire traiter de « grosse » faisait en quelque sorte partie du paquetage… » Le rapport de la mission d’enquête constate pour sa part « à quel point un certain nombre de ces jeunes [garçons] sont fermés à la réalité contemporaine de la défense » et relève que les évolutions notées en cours de scolarité « ne suffisent pas à rendre normale la situation des jeunes filles qui restent discriminées. »

Cette « petite minorité », et le commandement de l’ESM de Saint-Cyr l’a confirmé aux parlementaires, est principalement issue des classes préparatoires des différents lycées militaires. Ils arrivent, selon la formule du commandement, avec « une conception parfois inexacte de la féminisation dans les armées et une attitude faite de préjugés ». Lorsque l’on sait que plus de 80 % des élèves entrant à Saint-Cyr sont issus des lycées militaires, on peut prendre la mesure du problème.

Dans le cadre des évaluations semestrielles et individuelles de scolarité réalisées par l’ESM, une question portant sur la qualité des relations hommes-femmes est posée systématiquement depuis 2012. Les résultats font apparaître la persistance d’avis critiques du personnel féminin quant à certains comportements d’élèves-officiers masculins, malgré un taux de satisfaction largement positif. Il est intéressant de noter que les mauvaises relations semblent s’atténuer au fil de la scolarité, avec le temps, l’expérience et la maturité.

2. Les mesures proposées et leur mise en œuvre

À la suite de la publication de ces deux rapports, le ministre de la Défense a présenté, le 15 avril 2014, un plan d’action complet pour l’égalité femmes-hommes et la lutte contre les harcèlements. Ce plan vient compléter les mesures prises par chacun des chefs d’état-major et la feuille de route du haut fonctionnaire à l’égalité du ministère, madame Françoise Gaudin, qui comprend une mesure visant à « faciliter l’accès aux formations militaires ».

Une attention particulière est ainsi portée aux écoles de formation initiale, dont la surveillance a été confiée aux inspecteurs généraux des armées. Les mesures proposées doivent à présent être pleinement mises en œuvre.

Il ressort des différentes analyses que les comportements déviants observés dans les écoles trouvent souvent leur source dans les classes préparatoires des lycées militaires. Plusieurs incidents graves avaient entraîné une importante réaction des autorités, en particulier de l’ancien chef d’état-major de l’armée de terre, le général Irastorza, en 2008. L’analyse de la situation dans les lycées militaires dépasse à l’évidence le cadre de cette mission d’information.

Les membres de la mission d’information réitèrent en revanche la nécessité de diversifier le recrutement des grandes écoles militaires, en ouvrant plus de places aux titulaires d’un bac + 3 ou d’un bac + 5. Le système actuel classes préparatoires-école d’officiers s’apparente en effet aujourd’hui à un système de classes préparatoires interne qui fait que, pendant cinq à six ans, les futurs officiers n’ont guère de contacts avec l’extérieur.

Ils rappellent également l’importance d’augmenter la proportion d’élèves-officiers effectuant une partie de leur scolarité dans un autre établissement d’enseignement supérieur. Ils rejoignent en cela les analyses du HCECM qui, dans son rapport précité, écrivait que « l’expérience montre que l’attitude des élèves-officiers est transformée pendant cette période à l’extérieur de l’école ».

Le rapprochement des formations des élèves-officiers de recrutement direct avec celles des élèves-officiers de recrutement interne est également une voie à approfondir, dans la mesure où la mixité semble mieux acceptée au sein de ces catégories – ce rapport l’a déjà proposé.

L’encadrement des écoles est conscient du rôle que joue le continuum classes préparatoires-école dans la reproduction de certains comportements, notamment à travers des activités de traditions communes. Il a déjà pris un certain nombre de mesures pour encadrer ces échanges. Le HCECM recommandait que seuls les élèves-officiers les plus anciens, et non plus ceux qui viennent juste d’intégrer, soient chargés de maintenir ces liens traditionnels, ce à quoi les membres de la mission d’information souscrivent totalement.

La féminisation de l’encadrement des écoles peut jouer également un rôle important dans la lutte contre certains comportements. Comme le soulignait le rapport du HCECM, la présence de personnel féminin dans l’encadrement témoigne, à l’égard des plus jeunes du « caractère irréversible de la présence des femmes au sein du corps des officiers ».

Ce taux demeure aujourd’hui relativement faible aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan : 14,8 %. Il est en outre en diminution, du fait du transfert du soutien, très féminisé, à la base de défense. Si le taux de féminisation du personnel civil de l’école est de 40 %, il n’est que de 10,3 % au niveau du personnel militaire, ce qui fait que seuls trois officiers féminins font partie des cadres de contact.

Les membres de la mission d’information appuient donc les recommandations du rapport de la mission d’enquête et du rapport du CGA Chevalier précités visant à renforcer l’encadrement de contact féminin dans les écoles et à nommer des officiers féminins chefs de promotion dès que possible.

Cette recommandation fait l’objet de l’action 2 de la feuille de route du haut fonctionnaire à l’égalité du ministère de la Défense. Il y est demandé de renforcer les effectifs féminins dans les écoles d’officiers, mais aussi dans les écoles de sous-officiers, des lycées militaires et des centres de recrutement. Les centres de recrutement jouent un effet un rôle fondamental dans les choix des carrières des futurs militaires et il est important qu’ils ne fassent pas preuve d’une certaine autocensure en orientant prioritairement les femmes vers les métiers les plus féminisés.

Un objectif de croissance de 10 % des effectifs féminins dans chacune de ces structures a été fixé par le plan d’action du ministère. Cet effort doit s’amplifier dans les années qui viennent.

Proposition n° 8 : amplifier la féminisation des effectifs des cadres des écoles et des centres de recrutement pour ouvrir les choix de carrière des femmes et promouvoir la mixité dans les armées.

Il est impératif aussi que des modules de formation centrés sur la problématique de l’égalité professionnelle femmes-hommes soient mis en place rapidement au sein de tous les centres et écoles de formation initiale, ainsi que le recommandait encore le HCECM. L’armée de terre réfléchit déjà à la mise en place d’actions de sensibilisation à la mixité et la lutte contre les stéréotypes dans ses écoles. Il est temps désormais de passer à l’action.

Enfin, les membres de la mission d’information ont pu constater que la présence de « référentes mixité » n’était pas encore effective dans toutes les écoles. Il est pourtant indispensable que les élèves féminines puissent trouver une oreille attentive qui puisse les aider dans la résolution des difficultés qu’elles sont susceptibles de rencontrer.

La situation des écoles de formation est connue de tous. La mission d’information ne remet pas en cause la bonne volonté des encadrants et des commandements qu’elle a rencontrés. Elle estime néanmoins urgent de mettre fin définitivement aux pratiques et à l’état d’esprit de quelques-uns. Cela passe certainement par un « coup de semonce » du ministre de la Défense, comme l’y invitent les auteurs du rapport d’enquête.

Une armée professionnelle est une armée féminisée et il serait absurde qu’elle se prive de la moitié de la ressource démographique d’une classe d’âge quand la qualité du personnel féminin, tant par ses compétences professionnelles, son sens du service et son adhésion aux valeurs de l’armée, ne s’est jamais démentie.

Le plan d’action contre les harcèlements, violences et discriminations

Présenté par le ministre de la Défense le 14 avril 2014, le plan d’action fait suite aux recommandations de la mission d’enquête conduite par le contrôleur général des armées Brigitte Debernardy et l’inspecteur général des armées Didier Bolelli. Il comprend dix mesures :

– accompagner les victimes, en leur facilitant l’accès aux associations agréées, en ouvrant un réseau de psychologues « écoute défense » et lui délivrant des informations sur ses droits ;

– mettre en place une cellule « Thémis » dont la mission, en liaison avec les inspecteurs généraux des armées, est d’accueillir les signalements et de les traiter. Au 11 décembre 2014, 66 cas avaient été traités depuis sa création ;

– inscrire le harcèlement dans le code de la défense et le code du soldat, chose faite par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

– mettre en place des actions de formation ciblées ;

– organiser la mixité dans les infrastructures ;

– mettre fin aux discriminations dans les écoles militaires ;

– communiquer en créant des espaces Internet dédiés à l’information sur les harcèlements et diffuser un guide relatif aux procédures à appliquer ;

– harmoniser la remontée d’information ;

– produire des statistiques ;

– clarifier la politique disciplinaire.

II. DÉVELOPPER L’USAGE DE LA SIMULATION

Comme ont pu le constater les membres de la mission d’information à l’occasion de leurs différents déplacements, les moyens en simulation jouent un rôle de plus en plus important dans la formation des militaires.

Présents dans tous les centres de formation, écoles et centres spécialisés, ils permettent de reproduire dans des conditions souvent très proches du réel, des situations opérationnelles. On peut les classer dans deux grandes catégories :

– les simulateurs d’équipements (avions, navires, systèmes d’armes), qui visent à l’acquisition de savoir-faire techniques sur l’équipement concerné. Il s’agit d’appareils complexes, conçus en étroite collaboration avec les industriels. Alors que la disponibilité des équipements des forces armées est soumise à de fortes contraintes, ces simulateurs permettent d’optimiser leur usage en ne dépassant pas le cadre du strict nécessaire. Ils permettent en outre de proposer des situations extrêmes, trop dangereuses pour être reproduites dans la réalité ;

– les simulateurs de centres de décision et de commandement, qui visent avant tout à l’acquisition de procédures dans le cadre d’un travail collectif. Il s’agit généralement là de la mise en réseau de plusieurs ordinateurs, à partir de logiciels plus ou moins sophistiqués.

De façon originale, l’école des sous-officiers de gendarmerie de Chaumont, que les parlementaires ont visité, a mis en place une troisième catégorie, la « brigade numérique ». Il s’agit en fait de la reconstitution de locaux d’une brigade de gendarmerie, équipée de nombreuses caméras, qui permet de proposer un grand nombre de mises en situation pratiques aux élèves, les instructeurs et les autres élèves suivant le déroulement dans une pièce adjacente sur leurs postes informatiques.

L’armée de l’air a naturellement développé de nombreux systèmes de simulation dans ses cursus de formation et surtout d’entraînement. Ainsi, le domaine du personnel navigant, du contrôle aérien, de la maintenance aéronautique bénéficient de systèmes de simulation performants, qui contribuent à l’acquisition des compétences indispensables aux aviateurs et au maintien du haut niveau d’expertise requis.

Par ailleurs, les simulateurs interconnectables permettent d’innover et de réaliser de la « simulation distribuée » qui trouve toute son utilité dans la gestion d’une situation opérationnelle complexe dans un environnement réaliste. Ce nouveau mode de simulation représente, selon l’armée de l’air, l’avenir de la formation.

Preuve de l’importance qu’elle entend accorder à la simulation, la direction des ressources humaines de l’armée de l’air s’est engagée depuis 2013 dans l’étude de la refonte complète de la formation professionnelle initiale des moniteurs de simulateur de vol.

Développée depuis une vingtaine d’années, la simulation occupe également une place essentielle au sein de l’armée de terre.

Deux pôles d’emploi en bénéficient :

– le pôle systèmes d’armes (PSA), qui reproduit le fonctionnement de tout ou partie d’un système d’armes et vise à l’acquisition de savoir-faire techniques. Il concerne aujourd’hui les systèmes d’armes des véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), des chars Leclerc ou encore de l’aviation légère ;

– le pôle commandement et coordination (PC2), qui permet l’acquisition des procédures d’échanges verticales – entre chefs et subordonnés – et horizontales – entre pairs – des ordres ou de l’information. Il s’agit aujourd’hui de Romulus et Janus, par exemple.

Dans la marine, la simulation joue depuis longtemps un rôle essentiel dans la conception des systèmes d’armes et des plates-formes. Elle permet la préparation des équipages, leur formation et leur entraînement.

La simulation a été renforcée ces dernières années dans le domaine de la navigation, de la manœuvre, de la conduite de la propulsion et même de la cyberdéfense. Ces simulateurs sont au plus près des forces dans les principaux ports de métropole. La mise à niveau des simulateurs historiques fait aussi l’objet d’une planification de remise à la hauteur, comme par exemple les simulateurs d’autodéfense.

Le renouvellement du « simulateur de défense à vue » permettra d’améliorer l’entraînement des équipes pour réagir plus efficacement contre une attaque aérienne ou de type asymétrique. En outre, le simulateur tactique de conduite des opérations (Espadon) est en cours de rénovation. La nouvelle version représentera entre autres le central opérations des frégates multi-missions (FREMM) et permettra d’entraîner les équipages optimisés.

Le commandement de la Force aéromaritime française de réaction rapide (FRMARFOR) s’entraîne ainsi régulièrement grâce à la simulation dans un cadre interarmées ou interalliés.

Le centre de simulation Rafale de Landivisiau sera bientôt connecté avec celui de l’armée de l’air pour permettre l’entraînement des chefs de patrouille. Avec Espadon nouvelle génération, il sera envisageable de se raccorder aux centres de simulation tactique de nos alliés britanniques et américains et ainsi permettre aux équipages de travailler ensemble avant un déploiement commun, par exemple.

L’acquisition des simulateurs est désormais l’objet d’un pilotage interarmées visant à mutualiser et rationaliser ce qui peut l’être. Par exemple, un simulateur commun pour entraîner et qualifier, selon les normes OTAN, les Forward Air Controller (FAC), qui contrôlent l’appui feu au sol, devrait bientôt équiper les trois armées

Les évolutions technologiques, caractérisées par le succès grand public et par des efforts civils de recherche et développement très importants, devraient conduire à l’avenir à faire diminuer les coûts d’acquisition de ces équipements. La marge de progression est donc importante pour les armées, au sein desquelles la place de la simulation est appelée à se renforcer.

III. PRENDRE PLEINEMENT LE VIRAGE DE LA CYBERDÉFENSE

Le Livre blanc de 2013 et la LPM 2014-2019 ont fait de la cyberdéfense un enjeu majeur de souveraineté et une priorité nationale. Les orientations stratégiques sont portées par le « Pacte défense cyber », lancé en février 2014 par le ministre de la Défense, articulé autour de six axes et défini par 50 mesures « pour changer d’échelle ».

Les six axes du Pacte défense cyber

Le pacte poursuit deux objectifs : développer les capacités du ministère et les mettre au service de la communauté nationale. Ses six axes visent à :

– durcir le niveau de sécurité des systèmes d’information et les moyens de défense et d’intervention du ministère et de ses grands partenaires de confiance ;

– préparer l’avenir en intensifiant l’effort de recherche tant technique et académique qu’opérationnel, tout en soutenant la base industrielle ;

– renforcer les ressources humaines dédiées à la cyberdéfense et construire des parcours professionnels associés ;

– développer le pôle d’excellence en cyberdéfense en Bretagne au profit du ministère de la Défense et de la communauté nationale de cyberdéfense ;

– favoriser l’émergence d’une communauté nationale Défense de cyberdéfense en s’appuyant sur un cercle de partenaires et les réseaux de la réserve ;

– cultiver un réseau de partenaires étrangers, en particulier en Europe, mais aussi au sein de l’Alliance atlantique et dans les zones d’intérêt stratégique.

1. Développer les formations

La question de la formation au « cyber » est essentielle mais difficile, comme l’a indiqué le vice-amiral Arnaud Coustillière, officier général en charge de la cyberdéfense à l’état-major des armées, aux membres de la mission d’information, car tout évolue en même temps : les organisations, les métiers, les compétences, les équipements.

Plus encore que dans d’autres domaines, les armées devront donc faire preuve d’une grande adaptabilité de leur appareil de formation.

Toutes les formations militaires incluent désormais une sensibilisation à ces questions. L’école des transmissions de Rennes, qui forme les spécialistes de l’informatique et des réseaux, développe aujourd’hui son catalogue de formations cyber, y compris pour des stages pour les équipes de réaction rapide.

Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan vont ouvrir à la rentrée prochaine, en septembre 2015, un master en opérations cyber et gestion de crise. Ce master vise à donner une culture technique aux opérationnels et une formation aux opérations aux experts techniques.

Des chaires de cyberdéfense se développent dans les écoles d’officier : elles associent entreprises, écoles et monde de la défense et permettent des travaux croisés au plus près des besoins et des capacités des participants. Elles hébergent aussi des doctorants et des thésards. La chaire de cyberstratégie de Saint-Cyr Coëtquidan, avec Thales et Sogeti, a deux ans et affiche un bilan tout à fait exceptionnel en matière de colloques et de publications. Une chaire de cybersécurité maritime de l’école navale, avec DCNS et Thales, sera inaugurée le 6 février prochain. Enfin, une chaire de cyber des systèmes aérospatiaux est en cours de création à l’école de l’air avec des partenaires industriels. Elle devrait ouvrir dans le cours de l’année 2015.

Par ailleurs, avec l’exercice DEFNET 2014, l’ESM a conforté sa place de pilier du pôle d’excellence cyber pour les entraînements opérationnels de grande ampleur et la gestion de crise, montrant ainsi toute sa capacité d’adaptation et d’ouverture vers le futur.

2. Encourager la recherche

Le pôle d’excellence en cyberdéfense de Bretagne a été créé en décembre 2013 par le ministre de la Défense. Son développement procède d’une dynamique globale fondée sur de nombreuses compétences du ministère dans la région, mais aussi de celles du monde académique et industriel régional. Il se structure autour de deux composantes : une consacrée à la formation initiale, la formation continue et l’enseignement supérieur, et une consacrée à la recherche et au développement d’un tissu industriel.

Ce pôle bénéficie de l’expertise de nombreux organismes de la défense : écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, école des transmissions, DGA-MI, ENSTA Bretagne, école navale. Il doit permettre de les mettre en relation avec les autres acteurs régionaux, afin de développer un écosystème qui permette de bénéficier d’innovations et de constituer un vivier potentiel de recrues pour la défense. Afin de faciliter sa gouvernance et la cohérence des actions à mener, un club des partenaires a été mis en place. Il se décline en clubs opérationnels : formation, recherche et développement économique.

De nombreuses initiatives ont été développées depuis sa création et beaucoup d’entreprises privées ont déjà signé des accords des partenariats avec le pôle. À peine plus d’un an après sa création, le bilan semble donc tout à fait positif.

Pour développer une pensée stratégique française, qui prenne le meilleur des idées étrangères mais soit adaptée à nos ambitions et à nos spécificités, il importe également d’encourager la rédaction d’ouvrages sur la cyberdéfense.

Les écoles d’officiers et les centres de recherche associés, ainsi que l’école de guerre, y consacrent naturellement une part de leurs travaux. Les nombreux colloques des chaires stimulent également la réflexion.

Pour soutenir la publication d’ouvrages, le ministère de la Défense a en outre créé le prix de l’ouvrage cyber, remis lors du forum international de la cybersécurité de Lille. Si le prix 2014 avait été attribué à deux officiers, le prix 2015 a été remis à un ouvrage collectif d’universitaires et de jeunes chercheurs.

IV. RÉDUIRE LE TEMPS EN ÉCOLE PAR LA FORMATION À DISTANCE ET LA CERTIFICATION PROFESSIONNELLE

Les regroupements de nombreux sites de formation opérés ces dernières années dans le cadre de la rationalisation de l’appareil de formation conduisent les armées à investir massivement les champs de l’enseignement à distance et de la validation des acquis de l’expérience.

1. L’enseignement à distance

L’enseignement à distance, pratiqué depuis longtemps par les armées, prend aujourd’hui deux formes : les cours par correspondance, sur support papier, et les cours dématérialisés, sur support informatique. Compte tenu des évolutions technologiques, marquées par la variété des supports (tablettes, smartphones) et l’accessibilité des réseaux, ces derniers sont appelés à jouer grandissant à l’avenir, à l’image des formations en ligne ouvertes à tous dans l’enseignement supérieur (MOOC – Massive Open Online Course en anglais).

Cette nouvelle forme d’enseignement à distance, (E@D) s’appuie sur l’utilisation massive et quasiment systématique des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) dans tous les secteurs d’activité. Elle permet de répondre notamment à la culture numérique des nouvelles générations et ouvre l’accès à des volumes d’informations sans précédent. L’E@D permet en outre d’élargir l’offre de formation au plus grand nombre, y compris pour le personnel géographiquement excentré et d’adapter des formations au juste besoin de chaque apprenant.

La marine a acquis une expertise reconnue en matière d’enseignement à distance au sein du ministère de la Défense et continue à poursuivre une politique volontariste.

47 parcours ont été ainsi développés en acquisition de connaissances professionnelles spécifiques métiers ou transverses ainsi qu’en préparation académique de cours. Trois grands domaines répondent aujourd’hui de façon très satisfaisante à ses besoins :

– formation académique de type prérequis ;

– travail personnel de type anglais, navigation côtière, etc. ;

– formation métier de « niche », de type officier chargé de la plongée, fonctions « accessoires » des officiers et officier mariniers sur les unités embarquées.

L’expérience acquise au cours des quinze dernières années montre que certaines exigences doivent être prises en compte afin de rendre le transfert d’un cours in situ vers un cours en E@D :

– la taille et l’autonomie de la population visée en fonction de l’accessibilité de la population à des moyens informatiques connectés ;

– la stabilité du domaine enseigné par rapport à la fréquence des mises à jour nécessaire ;

– le niveau de complexité du cours : quatre à 60 jours de conception par module sont nécessaires, selon la complexité, pour une formation d’opérateur ;

– le besoin ou non d’un suivi en ligne par un tuteur.

Ces différents critères rentrent en compte dans la décision de délivrer un cours en enseignement à distance. Du fait de la multiplicité des spécialités, et donc de populations de taille peu importante, et de la grande technicité des spécialités, la rentabilité des produits dont le coût est élevé n’est pas avérée dans tous les cas.

Si l’armée de terre s’appuie sur la formation à distance depuis de nombreuses années, sous une forme classique à travers des cours par correspondance, elle a mis en place dans certaines écoles, depuis 2005, des formations à distance dématérialisées. C’est le cas notamment de l’école des transmissions de Rennes.

Depuis 2012, cet enseignement à distance est entré dans une phase d’industrialisation, et concerne désormais tous les organismes de formation. Il s’agit donc désormais de :

– définir et mettre à disposition les outils de production et de diffusion des cours ;

– former le personnel à tous ces outils (déjà 250 personnes l’ont déjà été dans les différents organismes de formation) ;

– concevoir et réaliser les cours ;

– mettre en place le nouveau processus d’acquisition des connaissances, en y associant largement les employeurs notamment le commandement des forces terrestres.

Le nombre d’inscrits aux formations E@D a progressé régulièrement : il est passé de 700 en 2007, à plus de 3 000 en 2013. Le nombre de cours disponibles progresse également, avec presque 300 cours dans le plan de production 2013-2014. Un « portail numérique de la formation » a été mis en ligne. Depuis septembre 2013, plus de 1 000 cours de référence ont été publiés.

Pour sa part, l’armée de l’air a déjà créé des formations en E@D pour le stage de formation au commandement, le stage mécanicien et guerre électronique (quatre stagiaires sur trois semaines par an) ou les formations ATPL (Airline Transport Pilot Licence – formation de pilote de ligne). D’autres sont à l’étude : cycles de formation et de perfectionnement au commandement (CFPC), langue anglaise dans le cadre de la préparation opérationnelle et individuelle du combattant (POIC).

Dans tous les cas, l’E@D n’a pas vocation à se substituer aux écoles ou aux centres de formation mais à préparer certains élèves avant leur entrée en école, et optimiser ainsi la formation dispensée sur place, ou à assurer un suivi dans la durée de certains d’entre eux. Il exige d’eux un degré élevé d’auto-discipline et de responsabilisation, ce qui n’est pas toujours constaté, a concédé un interlocuteur de la mission d’information.

2. Développer les démarches de certification professionnelle

Les armées se sont engagées, nous l’avons vu, dans une démarche active de partenariat avec des établissements d’enseignement supérieur afin qu’une part plus importante de leurs cadres bénéficie d’un double diplôme, civil et militaire. L’acquisition de diplômes civils peut également se faire en formation continue, lors des scolarités externalisées dans différents établissements. Ce mouvement est appelé à s’accentuer dans les années à venir et fait partie des priorités de la politique des ressources humaines du ministère.

Parallèlement à ces démarches, les armées s’efforcent, depuis une dizaine d’années, de développer leur politique de certification professionnelle. Celle-ci atteste d’une « qualification », c’est-à-dire de capacités à réaliser des activités professionnelles dans le cadre de plusieurs situations de travail, à des degrés d’autonomie et de responsabilités définis dans un « référentiel ».

Elle peut s’obtenir par deux voies : par la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou par la formation, c’est-à-dire l’obtention d’un titre « en miroir » d’un brevet militaire. Un diplôme technique (DT) des systèmes d’information et de communication correspond par exemple à une certification professionnelle de chef de projet en informatique.

La VAE, comme l’enseignement à distance, permet de réduire la durée des formations en école : les candidats à la VAE ayant exercé en milieu professionnel les compétences exigées par une certification, inhérentes au métier et à l’emploi visé, ne suivront ainsi pas les formations afférentes. De même, à la suite d’une validation partielle, ils acquerront les compétences manquantes, de préférence sur un poste de travail.

Le dispositif de validation des acquis de l’expérience entre désormais pleinement dans la politique de ressources humaines des armées. Dans la marine, 45 certifications proposées viennent, par exemple, durablement sécuriser les parcours professionnels, à la fois au service de la progression fonctionnelle interne, mais aussi dans l’optique d’un retour à la vie civile. Ce dispositif rencontre un succès croissant et le nombre des candidatures annuelles s’établit actuellement aux environs de 250. De 100 à 200 titres professionnels sont octroyés par an en moyenne depuis 2009.

Cette démarche permet par ailleurs de mettre en évidence une convergence des métiers exercés au sein des armées. Elle identifie ainsi des savoir-faire et des emplois communs dans les branches professionnelles des armées. Renforçant le champ de reconnaissance des emplois et compétences, la mutualisation établit de nouvelles passerelles, élargit les possibilités de mobilité fonctionnelle et de reconversion. 51 certifications du ministère de la Défense sont aujourd’hui inscrites au répertoire national.

CERTIFICATIONS PROFESSIONNELLES DÉLIVRÉES PAR L’ARMÉE DE TERRE

Domaine

Certification professionnelle

Organisme certificateur

Niveau

Informatique

Chef de projet en informatique

École des transmissions (ETRS) de Cesson – Sévigné.

II

Logistique et transports

Gestionnaire logistique, stockage et répartition de matériels et d’ingrédients

École de formation des sous-officiers de l’armée de l’air (EFSOAA) de Rochefort
École du matériel de l’armée de terre (EM) Écoles militaires de Bourges (EMB)

IV

Logistique et transports

Chef d’équipe logisticien d’entreposage

École de formation des sous-officiers de l’armée de l’air (EFSOAA) de Rochefort
École du matériel de l’armée de terre (EM) Écoles militaires de Bourges (EMB)

III

Maintenance aéronautique

Maintenicien en aéronautique, option porteur

École de formation des sous-officiers de l’armée de l’air (EFSOAA) de Rochefort
École du matériel de l’armée de terre (EM) Écoles militaires de Bourges (EMB)

IV

Sécurité / Surveillance / Cynotechnie

Agent cynophile de protection et d’intervention mention aide-dresseur

17e Groupe d’Artillerie (17e GA) de Biscarosse

V

Sécurité / Surveillance / Cynotechnie

Chef de service cynotechnique

17e Groupe d’Artillerie (17e GA) de Biscarosse
Escadron de formation des commandos de l’air (EFCA) de Dijon

III

Maintenance

Mécanicien de maintenance armement petits calibres

École du matériel de l’armée de terre (EM) Écoles militaires de Bourges (EMB)

IV

Source : armée de terre.

Les démarches de certification reposent sur les centres et écoles de formation des armées, les directions des ressources humaines et la cellule certification de l’agence de reconversion de la Défense. L’établissement d’un partenariat en 2010 entre la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) et la commission nationale de certification professionnelle (CNCP) permet en outre, chaque année, l’immersion professionnelle de deux membres du ministère au sein de cette commission pour une meilleure acquisition des processus de certification ainsi qu’une prise en compte des spécificités de la défense. Ce dispositif contractuel, aux retombées très positives, est en cours de reconduction entre les acteurs concernés.

3 700 personnels de la Défense avaient reçu une certification professionnelle au 1er janvier 2014 : 3 472 par la voie formation et 228 par la VAE. 709 candidats en avaient bénéficié en 2013. Compte tenu des flux de départs dans les années qui viennent, il reste incontestablement une marge de progression importante. Pour cela, l’agence de reconversion de la Défense a identifié trois pistes :

– le maintien des compétences au sein des armées pour le personnel en charge de la certification, afin de réduire sensiblement les délais de rédaction des demandes de certification ;

– la recherche systématique de la mutualisation des certifications dès la conception de la formation par les armées ;

– le renforcement de la CNPC par des nouveaux instructeurs afin de raccourcir les délais de traitement des dossiers.

La politique RH du ministère de la Défense à l’horizon 2025 a pris en compte cette exigence puisqu’elle s’est dotée d’un plan d’action qui vise notamment à « développer à grande échelle une politique volontariste de valorisation des acquis de l’expérience et de certification professionnelle. »

Les dispositifs de reconversion

L’article L. 4139-5 du code de la défense précise que le militaire peut bénéficier, sur demande agréée :

1°) de dispositifs d’évaluation et d’orientation professionnelle destinés à préparer son retour à la vie civile ;

2°) d’une formation professionnelle ou d’un accompagnement vers l’emploi destinés à lui permettre de réaliser son projet professionnel, que ce soit vers le secteur privé comme vers les fonctions publiques d’État, territoriale ou hospitalière.

Service à compétence nationale, l’agence de reconversion de la Défense, Défense Mobilité, a été créée en juin 2009 pour accompagner les militaires dans leur parcours de transition professionnelle. La politique de reconversion mise en œuvre par l’agence s’inscrit dans le cadre des recommandations du Haut comité d’évaluation de la condition militaire de juin 2009, visant à améliorer les conditions d’accès à l’emploi des militaires quittant l’institution.

En amont du départ de l’institution, Défense Mobilité propose des séances d’information tant collectives qu’individuelles, de manière à favoriser la préparation du retour à la vie civile et à faciliter la mise en œuvre ultérieure de la démarche de transition professionnelle du militaire.

Le processus de « reconversion » commence par un premier « entretien diagnostic » avec un conseiller en emploi, dans le but d’établir un diagnostic général sur ses attentes, ses besoins, et d’identifier les prestations les mieux adaptées pour préparer son retour à l’emploi civil.

L’étape suivante consiste à aider le candidat à s’orienter puis à élaborer un projet professionnel réaliste au regard de ses souhaits et capacités, et réalisable au regard de la situation effective du marché du travail dans sa zone de choix d’implantation géographique.

À l’issue des étapes, obligatoires, d’information, d’orientation, et selon les caractéristiques de son projet professionnel et les besoins de sa mise en œuvre, le militaire pourra se voir proposer :

– des actions d’accompagnement vers l’emploi ;

– des actions d’accompagnement de formation professionnelle ;

– un dispositif d’incitation au recrutement vers le secteur privé ;

– un dispositif d’accès à la fonction publique.

Enfin, Défense Mobilité accompagne le militaire notamment en lui proposant des actions d’acquisition des outils nécessaires pour se positionner sur le marché de l’emploi. Ces prestations, nécessaires lors de la recherche d’emploi ou de prospection ciblées, se traduisent par une aide à la rédaction du curriculum vitae et de la lettre de motivation, à la simulation des entretiens d’embauche ainsi que par la mise à disposition du site internet de Défense Mobilité, une mise en relation entre candidats et employeurs, et le suivi lors des premiers pas dans l’entreprise ou l’administration. Cette aide s’étend jusqu’à trois ans après la radiation des contrôles.

Une action importante est aussi menée pour nouer des partenariats avec les grandes entreprises et les différents ministères, de façon à développer des relations de proximité avec les petites et moyennes entreprises (PME et PMI) et les collectivités territoriales. Ainsi, par le biais des conseillers de Défense Mobilité, les candidats peuvent être mis directement en relation avec les entreprises afin d’étudier les possibilités d’une embauche quand celle-ci fait partie du « marché caché » notamment.

Défense Mobilité effectue, en outre, un suivi personnalisé des anciens militaires en situation de chômage indemnisé et mène également des actions en coopération avec Pôle emploi. Par ailleurs, une convention de collaboration avec Pôle emploi a été signée le 14 juin 2010, puis complétée le 19 décembre 2011. Outre le maintien des conseillers référents Pôle emploi dans chacun des pôles de Défense Mobilité, cette nouvelle convention permet la mise en œuvre de l’offre de service « coaching placement » au profit des anciens militaires.

Un accompagnement spécifique est proposé pour les militaires blessés en opérations ainsi que pour les conjoints.

Enfin, depuis décembre 2012, la gestion de l’indemnisation du chômage des anciens ressortissants est assurée par Pôle emploi en vertu d’une convention conclue entre l’État et Pôle emploi le 2 septembre 2011 et de son annexe « Défense » signée le 6 octobre 2011. Ce partenariat entre Défense Mobilité et Pôle emploi contribue aussi à optimiser l’accompagnement vers l’emploi des anciens ressortissants de la Défense.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : augmenter, dans les grandes écoles militaires, la proportion de places offertes aux étudiants ayant déjà accompli un premier parcours universitaire.

Proposition n° 2 : encourager les grandes écoles militaires à décloisonner leurs cursus pour tendre vers des modèles d’écoles uniques, assorties d’un insigne commun.

Proposition n° 3 : augmenter la proportion d’élèves-officiers effectuant un semestre de scolarité dans un autre établissement d’enseignement supérieur et accueillir, dans le même temps, une plus grande proportion d’étudiants issus de ces établissements.

Proposition n° 4 : accélérer le changement de statut des écoles militaires pour en faire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

Proposition n° 5 : favoriser la création, dans chacune des armées, d’écoles à destination des élèves en situation d’échec scolaire, en y consacrant des moyens spécifiques.

Proposition n° 6 : doter au plus vite les armées d’un outil complet de connaissance des coûts de l’appareil de formation.

Proposition n° 7 : demander au CCF de définir une méthodologie, commune aux trois armées, permettant de préparer et de développer des partenariats de formation avec les industriels.

Proposition n° 8 : amplifier la féminisation des effectifs des cadres des écoles et des centres de recrutement pour ouvrir les choix de carrière des femmes et promouvoir la mixité dans les armées.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur la formation des militaires au cours de sa réunion du mercredi 4 février 2015.

Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, je passe la parole à nos trois rapporteurs. Je dis bien trois, car MM. Jean-Michel Villaumé et Francis Hillmeyer ont de fait été accompagnés activement dans leurs travaux par Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, qui s’est intéressée particulièrement à la question de la féminisation.

M. Jean-Michel Villaumé, rapporteur. Nous sommes ici pour vous présenter les travaux de la mission d’information sur la formation des militaires.

La formation des militaires représente, vous le savez, un enjeu stratégique pour nos armées. Elle constitue un capital immatériel sur lequel repose leur qualité opérationnelle. Elle assure, tout au long de leur carrière, un continuum entre les enseignements académiques, techniques et opérationnels.

Alors qu’elles sont fortement sollicitées sur les théâtres tant intérieurs qu’extérieurs, nos armées doivent maintenir des compétences de qualité et en nombre suffisant à l’intérieur d’une trajectoire de baisse de leurs effectifs. Elles doivent également s’adapter en permanence à l’évolution de leurs nouveaux équipements, dont la mise en œuvre est de plus en plus complexe, tout en conservant les savoir-faire suffisants à la mise en œuvre d’équipements plus rustiques demeurant en service. Elles doivent, enfin, tenir compte des évolutions de la société française et être capables de transformer de jeunes civils en militaires opérationnels, disposant des savoir-faire et savoir-être indispensables à l’accomplissement de leurs missions.

Nous avons rencontré un grand nombre d’interlocuteurs des trois armées : directeurs des ressources humaines, major général des armées, ancien commandant de force internationale et avons effectué plusieurs déplacements en France.

Nous nous sommes ainsi rendus dans les trois grandes écoles militaires que sont Saint-Cyr Coëtquidan, l’école navale et l’école de l’air. Nous avons également visité les écoles de sous-officier de l’armée de terre de Saint-Maixent et de la gendarmerie de Chaumont. Nous sommes allés aux centres d’instruction navale de Brest et de Saint-Mandrier, où sont enseignées toutes les spécialités de la marine, et à la base aérienne de Cazaux, où se déroule la dernière étape du cursus de formation de nos pilotes de chasse. Nous avions prévu de nous rendre au centre d’information et de recrutement des armées (CIRFA) de Paris et à l’école des sous-officiers de l’armée de l’air de Rochefort mais n’avons pas pu visiter tous les centres de formation et écoles de spécialité des armées – il aurait fallu prolonger la mission de plusieurs mois ! Nous avons cependant pu nous faire une idée assez précise du système de formation des militaires.

Celui-ci impose des parcours très exigeants à nos militaires, quel que soit leur corps ou leur armée. La condition de militaire, plus que tout autre métier probablement, impose en effet d’acquérir des compétences nouvelles, à chaque étape du parcours professionnel, à chaque changement d’affectation – et ils sont nombreux.

L’appareil de formation, ensuite, est très dense car notre format d’armée exige de disposer d’une palette de compétences extrêmement variée. Il a néanmoins connu de profondes mutations ces dernières années et a été largement rationnalisé.

Il est, enfin, en constante évolution, pour tenir compte des réorganisations au sein du ministère de la Défense, de la montée en gamme technologique ou pour faire face aux nouvelles menaces.

M. Francis Hillmeyer, rapporteur. Intéressons-nous tout d’abord aux parcours de formation.

Ils sont divisés en deux phases : la formation initiale, dispensée en école, éventuellement complétée d’une formation de spécialité, et la formation continue qui comprend à la fois des formations d’adaptation à l’emploi et, pour progresser dans la hiérarchie, des formations de cursus, ainsi que, pour les officiers, un enseignement militaire supérieur.

Les officiers, vous le savez, sont formés en trois ans par les trois grandes écoles militaires. Ils sont recrutés principalement par voie de concours à l’issue de classes préparatoires aux grandes écoles. Le taux de sélection, très élevé, permet de garantir l’excellence des futurs élèves-officiers. Des voies nouvelles d’admission ont été ouvertes ces dernières années pour diversifier le profil des recrues et toutes les écoles recrutent désormais également à bac + 3 et bac + 5 des étudiants venus de toutes les filières : écoles de commerce, instituts d’études politiques, université.

Si les effectifs concernés par ces nouvelles voies d’admission demeurent relativement marginaux, ils permettent néanmoins d’apporter aux profils des futurs officiers une diversité bienvenue, quand la grande majorité des élèves-officiers ont suivi leur classe préparatoire dans un lycée militaire. Dans la mesure où ils accomplissent une scolarité plus courte, leur formation est en outre moins coûteuse pour les armées.

C’est pour cela que nous encourageons les écoles militaires à poursuivre dans cette voie et à offrir davantage de places à ces profils nouveaux. Cela fait l’objet de notre première proposition.

Les cursus et les diplômes proposés par les écoles se sont également diversifiés. Au traditionnel diplôme d’ingénieur se sont ajoutées des filières nouvelles – master de l’école navale, parcours « études politiques » de l’école de l’air – ainsi que de plus en plus de partenariats avec d’autres universités ou grandes écoles qui permettent aux élèves de décrocher un double diplôme avec l’institut d’études politique d’Aix-en-Provence, l’école supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) ou encore l’école centrale de Nantes.

Nous avons pu aussi constater que les échanges de semestres avec des universités partenaires étaient de plus en plus nombreux et qu’une part croissante des promotions effectuait une partie de sa scolarité à l’extérieur, en France ou à l’étranger, et effectuait également des stages ou des projets de recherche. Il faut renforcer ces échanges et cela fait également l’objet d’une proposition de notre part.

Nos grandes écoles d’officiers nous semblent donc plutôt bien intégrées dans leur environnement universitaire – mais aussi industriel – et participent au rayonnement des armées. Il faut renforcer cette dynamique d’ouverture.

Pour consolider ces actions, comme le Livre blanc sur la défense de 2013 les y invite, nous pensons nécessaire de faire évoluer leurs statuts pour en faire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Simples formations militaires, les écoles ne disposent en effet pas à l’heure actuelle d’une autonomie suffisante. Avec la réforme du soutien, elles n’ont pas la pleine maîtrise de leurs infrastructures ce qui les empêche de s’inscrire dans le long terme et rend plus difficile leur gestion. Un statut d’EPSCP leur permettrait de disposer d’une autonomie financière plus grande et de développer des activités pour valoriser l’utilisation de leurs infrastructures par des usagers extérieurs et de compléter ainsi leurs allocations budgétaires par des ressources propres. La marine réfléchit à ce statut pour son école navale et nous encourageons les autres armées à accélérer dans cette voie. Il s’agit de l’une de nos propositions.

Enfin, nous voulons souligner le caractère novateur du projet stratégique de l’école de l’air qui veut créer, à terme, une école unique en décloisonnant ses formations. Les élèves, quel que soit leur mode de recrutement, se verraient ainsi proposer des parcours de formation en fonction de leurs résultats et non plus seulement du mode de recrutement. Les sous-officiers ayant réussi le concours pourraient donc aller jusqu’au master, alors qu’ils s’arrêtent aujourd’hui au niveau licence. Un insigne unique « école de l’air » constituerait un repère commun d’identité collective. Là aussi, nous proposons aux armées de suivre cette voie-là.

Mme Catherine Coutelle, membre de la mission d’information. Les sous-officiers des trois armées suivent une formation de quelques mois, essentiellement pratique, dans leurs écoles respectives (Saint-Maixent, Rochefort et l’école de maistrance de Brest). Leurs choix de carrière sont plus contraints puisqu’ils sont directement recrutés sur une spécialité et ne peuvent en changer au cours de leur formation. Si le niveau général des candidats a augmenté, beaucoup de candidats étant diplômés de l’enseignement supérieur, la marine encourage le recrutement de bacs professionnels qui font, nous a-t-on dit, d’excellents marins sur la durée. La pédagogie de l’école de maistrance a été adaptée à ces nouveaux profils.

Le niveau des militaires du rang et des quartiers-maîtres de la flotte a aussi augmenté ces dernières années : plus de la moitié sont désormais titulaires du bac, alors qu’aucune condition de diplôme n’est exigée. J’ai pu constater au CIRFA de Poitiers que les armées recrutent en disant : « nous ne sommes pas une compensation à vos échecs scolaires » et encouragent les candidats à l’engagement à terminer leurs parcours scolaires avant de franchir le pas.

Leur formation, essentiellement militaire, ne dure que quelques semaines. Les candidats sont en nombre suffisant mais l’inconstance de notre jeunesse réserve parfois quelques surprises, et la découverte de l’institution militaire en fait partir quelques-uns dès les premiers jours.

À la sortie de leur école, officiers et sous-officiers poursuivent leur formation dans diverses écoles de spécialité quand les militaires du rang et les quartiers-maîtres de la flotte poursuivent leur apprentissage en unités.

Nos interlocuteurs ont bien insisté sur le caractère fondamental de cette formation initiale car c’est dans ces écoles que se forgent l’identité des aviateurs, marins et terriens ainsi que leur savoir-être.

La marine nationale, dans le cadre du plan « égalité des chances » a recréé son école des mousses en 2009 : 180 jeunes de 16 et 17 ans, y suivent une formation académique de niveau seconde professionnelle et une formation militaire et maritime. Les trois quarts d’entre eux s’engagent ensuite dans la marine en qualité de quartiers-maîtres de la flotte. C’est une formule originale, qui fait de bons marins mais, surtout, qui remet en selle un grand nombre des jeunes à qui le système scolaire ne convient pas. C’est pour cela que nous souhaitons que les deux autres armées adoptent des dispositifs de ce type. Cela fait l’objet de notre cinquième proposition.

Tout au long de leur carrière, les militaires vont ensuite, à travers la formation continue, prolonger leur formation à de nouveaux matériels et à de nouvelles missions. La formation continue comprend deux types de formation :

– des stages d’adaptation à l’emploi, aux changements d’affectation ;

– les formations de cursus, qui délivrent généralement des qualifications pour progresser en technicité et accéder à des emplois supérieurs.

Le parcours est particulièrement ardu pour les officiers car la formation joue pour eux un véritable rôle de sélection et que l’échec à un concours ou à un examen peut arrêter leur progression ou les conduire à quitter l’institution.

Au cours de leur première partie de carrière, les officiers se voient ainsi dispenser par les armées un enseignement militaire supérieur de premier degré. En fonction de leur réussite, ils pourront ensuite prétendre au deuxième degré de l’enseignement supérieur, dans un cadre interarmées, que représente l’école de guerre. Seule une minorité d’entre eux (moins d’une trentaine) pourra ensuite accéder au troisième degré, le centre des hautes études militaires, avant d’accéder aux grades d’officier général.

L’escalier social fonctionne assez bien dans les armées : les officiers de l’armée de terre sont, par exemple, à 70 % des anciens sous-officiers et les 2/3 des sous-officiers sont d’anciens militaires du rang. À l’intérieur de leur corps, les sous-officiers et militaires du rang passent également un certain nombre de qualifications qui leur permettent de gagner en technicité et de progresser en responsabilité.

M. Jean-Michel Villaumé. Venons-en à présent à l’organisation de l’appareil de formation. Il est en constante mutation, pour s’adapter aux exigences opérationnelles, aux nouveaux équipements et à la réduction du format des armées.

Il est cependant impossible d’en connaître le coût global, aujourd’hui. Nous y reviendrons plus tard.

La responsabilité de la formation des militaires est du ressort de chacun des chefs d’état-major mais un comité coordinateur de la formation, coprésidé par un représentant de l’état-major des armées et le directeur des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD), est chargé de la réflexion, de la concertation et de l’arbitrage pour ce qui concerne les actions de création, de mutualisation, de rationalisation de la formation du personnel civil et militaire du ministère de la Défense.

Cette instance a permis de procéder à un grand nombre de regroupements et de mutualisations dans l’appareil de formation, qui est aujourd’hui largement rationalisé.

Des regroupements d’écoles ont déjà eu lieu au sein de chacune des armées, principalement dans l’armée de terre. Pour ne citer que quelques exemples, l’école d’application de l’infanterie de Montpellier et l’école d’application de l’artillerie se sont regroupées en 2010 pour former les écoles militaires de Draguignan ; l’école militaire supérieure d’administration et de management a rejoint le site des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, fusionnant ainsi avec l’école militaire du corps technique et administratif, pour former l’école d’administration militaire.

Si quelques efforts de regroupements de sites peuvent certainement encore être accomplis, les coûts en infrastructure pourraient s’avérer dirimants dans de nombreux cas. En outre, la fermeture d’écoles, conjuguée à la fermeture de plusieurs régiments pour répondre aux exigences de la loi de programmation militaire (LPM), risquerait de se heurter à des impératifs d’aménagement du territoire, à l’heure où les déserts militaires se font de plus en plus nombreux.

Chacune des armées dispense par ailleurs aujourd’hui, en fonction de ses spécialités, des formations au profit d’une ou plusieurs autres armées. Les formations en question nécessitent des structures dédiées souvent significatives et spécifiques au métier concerné et dont la duplication s’avérait trop couteuse.

Du fait de son expertise en milieu aéronautique, l’armée de l’air assure par exemple la formation initiale des pilotes d’avions de l’aéronautique navale au profit de la marine.

L’école de l’aviation légère de l’armée de terre de Dax assure la formation initiale des pilotes d’hélicoptère de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air et de la gendarmerie.

L’école des fourriers de Querqueville de la marine assure la formation des militaires de la marine, de l’armée de terre et de l’armée de l’air aux métiers de l’administration, de la gestion des ressources humaines et de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que la formation des spécialistes de la restauration de la gendarmerie nationale.

Cette politique de mutualisation s’est accompagnée de la constitution et du développement de pôles d’excellence interarmées dans de nombreux domaines de spécialité : cyberdéfense ; munitions et pyrotechnie ; nucléaire – radiologique – bactériologique et chimique (NRBC) ; ciblage ; renseignement, pour lesquels la satisfaction du contrat opérationnel exige un niveau technico-opérationnel performant.

De l’avis des personnalités entendues, la marge de manœuvre en matière de mutualisation est, au terme de quinze années d’efforts, désormais relativement restreinte et il semble difficile d’aller plus avant dans cette voie.

Une plus grande mutualisation des formations pourrait ainsi aller à l’encontre du principe de « juste besoin » identifié par chacune des armées. Plus un programme s’adresse à un profil diversifié d’élèves, plus le risque est en effet important qu’il ne réponde pas parfaitement à leurs attentes. La mutualisation peut donc, dans certains cas, comporter un risque de sur-formation en plus d’une perte de temps.

La logique du milieu ne doit également pas être négligée – toutes les armées sont très vigilantes sur ce point. La « décontextualisation » d’une formation hors du milieu maritime peut, par exemple, se traduire pour un marin par l’incapacité à transposer des apprentissages théoriques en une compétence pratique à bord de son unité, comme dans le cas particulier de l’exploitation des ondes hertziennes et des systèmes de chiffrement.

Le coût en infrastructures, je l’ai déjà dit, peut également s’avérer dissuasif dans certains cas.

M. Francis Hillmeyer. Cette politique de rationalisation se traduit également par un recours croissant à des partenaires civils pour des formations très techniques ou dans des domaines pour lesquels l’armée ne possède pas de compétence. Beaucoup de militaires suivent déjà des formations « externalisées » à Météo France, l’école nationale de l’aviation civile (ENAC), aux langues orientales, l’école des mines de Paris, Supélec ou Dauphine, par exemple. C’est un mouvement qu’il faut amplifier, la politique RH du ministère pour 2025 insiste là-dessus : certaines spécialités reposent sur des populations très faibles et il est plus intéressant de les faire former ailleurs (on le fait, dans un domaine marin, pour nos pilotes de l’aéronautique navale).

Les rapprochements avec nos partenaires étrangers sont en revanche plus timides. Les échanges entre académies militaires de pays partenaires sont solides mais mériteraient d’être encore développés, comme nous le proposons. Saint-Cyr a développé une initiative intéressante : elle accueille des cadets étrangers en semestre international pour des enseignements dispensés en langue anglaise. Cela attire de plus en plus nos partenaires étrangers qui disposent d’armées de taille plus modestes que la nôtre et y voient une voie possible d’externalisation.

Si les échanges s’amplifient, les exemples de coopération internationale sont en revanche plus rares.

Le plus poussé est probablement l’école franco-allemande de pilotage d’hélicoptères Tigre, basée à Luc, qui, depuis 2003, forme les équipages allemands et français au système d’armes avec un encadrement bi-national.

Le centre de formation franco-allemand des personnels technico-logistiques, situé à Fassberg, en Allemagne, forme pour sa part les maintenanciers de l’hélicoptère Tigre et relève de l’autorité du général commandant les écoles militaires de Bourges.

On peut enfin citer l’exemple de l’armée de l’air qui, à Cazaux, au sein de son école de transition opérationnelle « Commandant René Mouchotte » intègre depuis 2004 l’Advanced Jet Training School qui forme pilotes de chasse français et belges. Les belges ont en effet externalisé l’intégralité de la formation de leurs pilotes à la France.

Cela appelle de notre part d’autres initiatives.

Nous voulons également évoquer la question du partenariat avec les industriels. Ceux-ci sont très intéressés par les infrastructures proposées par les armées et les prestations de formation qu’elles peuvent délivrer. L’école des sous-officiers de Rochefort a déjà noué des partenariats fructueux avec plusieurs industriels. Cela pourrait constituer une source de revenus significative pour les armées, à condition qu’elles se dotent d’une véritable stratégie en la matière. Nous plaidons donc pour que l’état-major et la DRH-MD se saisissent pleinement du sujet et réfléchissent aux structures adéquates, EPSCP, fonds de dotation, pour que les écoles valorisent leurs savoir-faire et en recueillent directement les fruits. Cela fait l’objet d’une proposition de notre part.

Pour poursuivre ces mutations, les armées doivent impérativement se doter rapidement d’une comptabilité analytique de leur appareil de formation. Depuis 2009, les armées sont en effet incapables, comme nous venons de le dire, de produire les coûts complets de leur système de formation ! La réorganisation des chaînes du soutien et la création des bases de défense rendent impossible une vision consolidée des coûts de la formation. On n’a pu nous fournir qu’une estimation globale, un milliard d’euros par an, sans qu’il soit possible d’en connaître la répartition par armée, corps, type de formation – initiale ou continue. Ce point a été soulevé par la Cour des comptes et le contrôle général des armées et un groupe de travail devrait fournir de premiers résultats dans le courant du premier semestre 2015 avant une mise en œuvre complète en 2016. Cet outil est indispensable aux choix qui doivent être faits en matière d’externalisation, de mutualisation et de valorisation.

Mme Catherine Coutelle. Nous nous sommes intéressés, pour finir, à quatre défis que devront relever les armées dans les années qui viennent.

Le premier défi est de renforcer la mixité dans les grandes écoles militaires.

La féminisation des admissions dans les grandes écoles militaires a commencé en 1972 avec l’école polytechnique mais ne s’est achevée qu’en 1993 avec l’école navale. Les femmes représentent aujourd’hui un peu plus de 10 % des élèves à l’école spéciale militaire (ESM) de Saint-Cyr et 14 % à l’école de l’air. Ces taux sont à peu près stables depuis une dizaine d’années et semblent satisfaire les commandements de ces écoles alors que l’on considère le seuil de 30 % comme décisif pour l’acceptation de la mixité.

Le classement en sortie des femmes est dans la moyenne mais leur orientation les guide plus particulièrement dans certaines filières : elles représentent 46 % des effectifs totaux de la filière administration et gestion, 47 % de la filière santé mais seulement 4 % des unités de combat.

Vous le savez, le ministre de la Défense n’a pas attendu la parution de l’ouvrage La guerre invisible, en février 2014, pour saisir pleinement des problèmes rencontrés par les femmes, notamment les violences sexuelles, au sein des armées. Il s’est doté d’un plan d’action depuis un an à la suite de deux rapports confiés au contrôle général des armées et à l’inspection générale des armées.

Ces deux rapports soulignaient l’acuité du problème dans les écoles de formation initiale, en particulier dans les écoles d’officier.

Le rapport Chevalier évoque ainsi, dans le cas de l’ESM de Saint-Cyr, le comportement « d’une petite minorité affichant une vision dépassée de la place de la femme dans la société et se traduisant par des insultes inadmissibles, des incivilités ridicules » ou, au mieux une « indifférence courtoise ». Les jeunes femmes, analyse-t-il, semblent avoir « intégré que le fait d’être femme constituait un handicap, que leur carrière en serait « naturellement » plus difficile et que se faire traiter de « grosse » faisait en quelque sorte partie du paquetage… » Le terme de « grosse » est employé couramment pour désigner les élèves féminines à Saint-Cyr… Le rapport Debernardy-Bolelli constate pour sa part « à quel point un certain nombre de ces jeunes [garçons] sont fermés à la réalité contemporaine de la défense » et relève que les évolutions notées en cours de scolarité « ne suffisent pas à rendre normale la situation des jeunes filles qui restent discriminées. »

Si nous n’avons pas relevé de difficultés particulières au cours des entretiens que nous avons conduits – dont la plupart ont été faits en présence de la hiérarchie, ce qui ne facilite pas ce genre d’enquête – personne n’a nié l’existence de comportements inacceptables.

Nous proposons quelques mesures pour relever ce défi de la mixité.

Il semble que l’origine du problème ne vienne pas tant des écoles que des classes préparatoires des lycées militaires, qui fournissent chaque année plus de 80 % des admis à Saint-Cyr.

C’est pour cela que nous réaffirmons la nécessité de diversifier les filières de recrutement, en ouvrant plus de places aux titulaires de bac + 3 ou bac + 5, et d’augmenter la proportion d’élèves-officiers qui accomplissent un semestre de scolarité dans un autre établissement. J’ai trouvé, pour ma part, qu’il y avait beaucoup de consanguinité au sein de ces écoles. Il faut les aérer ! Aujourd’hui, le continuum classes prépas-école fait que les futurs officiers restent en milieu fermé pendant cinq à six ans, ce qui n’est pas bon ! Il faut aussi proposer, en cours de scolarité, plus de possibilités d’effectuer un semestre dans une autre université ou à l’étranger.

Nous proposons également, dans la lignée des différents rapports remis au ministre l’année dernière, de féminiser davantage l’encadrement des écoles, en particulier ceux qui sont « au contact » des élèves, pour affirmer le caractère irréversible de la présence des femmes parmi les officiers. Aujourd’hui, et cela reflète bien le fonctionnement général de l’armée, l’essentiel des cadres féminins de Saint-Cyr est chargé des fonctions d’administration et de gestion !

Des actions de sensibilisation à l’égalité doivent également être mises en place dans les différentes écoles de formation initiale. L’état-major est en train d’élaborer un plan d’action en ce sens.

Des correspondantes mixité doivent enfin être accessibles à tous, ce qui n’est pas encore le cas dans les différentes écoles que nous avons visitées.

L’armée a tout à gagner d’une mixité plus importante. Les élèves sous-officiers que j’ai rencontrées à Saint-Maixent disaient tout le bien qu’elles pensaient de la mixité. Mais il faut atteindre un seuil de 30 % pour que cela ne pose plus de problème.

Le ministre devra certainement avoir une action plus volontariste si nous voulons relever ce défi.

M. Jean-Michel Villaumé. Le deuxième défi que nous avons mis en avant est celui des moyens de simulation utilisés pour la formation. Leur rôle est appelé à s’accroître dans les parcours grâce aux évolutions technologiques qui rendent leur conception moins coûteuse. Ils permettent en outre d’économiser des heures de vol ou de navigation, que l’on sait précieuses lorsque l’on connaît les tensions qui existent sur la disponibilité des équipements. Nous avons pu en voir plusieurs à l’occasion de nos différents déplacements. Il existe en fait de deux sortes :

– ceux qui simulent un système d’armes ou un matériel spécifique (avion, navire) pour acquérir un savoir-faire technique ;

– ceux qui simulent un centre de commandement ou une mise en situation, qui apprennent avant tout à travailler en réseau.

Le troisième défi est celui de la formation à la cyberdéfense. Le pacte défense cyber présenté il y a un peu plus d’un an par le ministre est très ambitieux. L’école des transmissions de Rennes, spécialisée dans les technologies de l’information et de la communication, développe aujourd’hui son catalogue de formations. Les écoles d’officiers sont également très actives : de chaires dédiés à la cyberdéfense sont en train d’y être créées, et Saint-Cyr et l’école navale participent activement au pôle d’excellence en cyberdéfense de Bretagne, créé il y a un an. L’activité en termes de publications est également importante, ce qui est fondamental pour nous aider à nous doter d’une pensée stratégique en la matière.

Enfin, nous pensons que les armées doivent adopter une stratégie plus ambitieuse en matière d’enseignement à distance et de certification professionnelle.

Ces deux outils permettent de diminuer le temps passé en formation.

Le catalogue d’enseignements à distance est en train d’être développé par les armées et, là aussi, les évolutions technologiques offrent des potentialités intéressantes dans les années qui viennent.

La certification professionnelle peut se faire par la reconnaissance de la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou la délivrance d’un double diplôme civil/militaire. Cette démarche demeure encore trop timide : seules 3 700 personnes ont bénéficié de la VAE depuis dix ans, ce qui est très faible. La politique RH du ministère à l’horizon 2025 s’est dotée d’un plan d’action ambitieux en la matière et il faut l’accompagner. Les parcours professionnels des militaires seront certainement plus courts à l’avenir et il importe donc de préparer au mieux leur reconversion, par la certification professionnelle, mais aussi par une politique d’échanges plus importante avec les institutions civiles, comme nous l’avons déjà dit.

M. Francis Hillmeyer. Pour conclure, nous pouvons dire que l’appareil de formation des militaires est réactif et déjà largement rationnalisé. Nos militaires suivent des parcours exigeants, qui font la qualité de leur engagement en opérations. Afin de conforter la place des armées dans la Nation et rester en phase avec les évolutions technologiques et sociétales, l’appareil de formation doit aujourd’hui poursuivre son ouverture vers les institutions civiles, tout en gardant ce qui constitue son ADN : développer chez ces hommes et femmes le sens de l’engagement au service des autres et du dépassement de soi.

Nos propositions sont les suivantes :

– augmenter, dans les écoles d’officiers, la proportion de places offertes aux étudiants ayant déjà accompli un premier parcours universitaire ;

– encourager les grandes écoles militaires à décloisonner leurs cursus pour tendre vers des modèles d’écoles uniques, assorties d’un insigne commun ;

– augmenter la proportion d’élèves-officiers effectuant un semestre de scolarité dans un autre établissement d’enseignement supérieur et accueillir, dans le même temps, une plus grande proportion d’étudiants issus de ces établissements ;

– augmenter la proportion d’élèves-officiers effectuant un semestre de scolarité dans une académie militaire étrangère et accueillir, dans le même temps, une plus grande proportion de cadets issus de ces établissements ;

– encourager les écoles militaires à adopter un statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ;

– favoriser la création, dans chacune des armées, d’écoles à destination des élèves en situation d’échec scolaire, en y consacrant des moyens spécifiques ;

– doter au plus vite les armées d’un outil complet de connaissance des coûts de l’appareil de formation ;

– définir une méthodologie, commune aux trois armées, permettant de préparer et de développer des partenariats de formation avec les industriels ;

– amplifier la féminisation des effectifs des cadres des écoles et des centres de recrutement pour promouvoir la mixité des choix de carrière des femmes.

M. Charles de La Verpillière. L’intérêt de ce rapport, qui traite d’un sujet fondamental, mérite d’être souligné.

Vous n’avez pas abordé la question de l’enseignement des langues – je pense notamment à l’anglais – dont on sait qu’il est loin d’être le point fort du système d’enseignement français en général. Pourtant, une bonne maîtrise des langues étrangères me paraît particulièrement cruciale pour les forces armées, non seulement parce que nous appartenons à l’OTAN, mais aussi parce que nous intervenons le plus souvent dans le cadre de coalitions internationales. Dans certains domaines, comme les opérations aériennes ou la cyberdéfense, l’anglais est d’ailleurs incontournable.

M. Jean-Jacques Candelier. Avez-vous étudié les difficultés que rencontrent les militaires du rang pour faire carrière au sein des armées ? Hier soir, le chef d’état-major des armées faisait valoir que dans nos armées, on peut s’engager comme militaire du rang et finir général de brigade ; je ne suis pas certain que cela soit fréquent… En somme, comment relancer l’ascenseur social dans les armées ?

M. Daniel Boisserie. Avant tout, je tiens à vous dire combien je suis étonné que l’on ne puisse pas connaître le coût de la formation des militaires : c’est une situation proprement inimaginable, et il est à craindre que le même constat pourrait être fait pour beaucoup de corps de l’État. Quant à votre proposition qui tend à développer des périodes d’immersion dans le secteur privé dans le cursus de formation des militaires, je pense qu’elle mériterait même d’être étendue, et rendue obligatoire, pour tous les corps de l’État, tant la méconnaissance du secteur privé est grande parmi les agents publics.

Vous avez souligné la qualité de la formation de nos militaires, y compris de nos gendarmes, or la formation peut aussi rapporter des ressources financières : une plus grande ouverture de nos écoles militaires à d’autres étudiants ne permettrait-elle pas d’obtenir des financements supplémentaires ?

M. Philippe Vitel. Vous n’avez pas mentionné le service de santé des armées, alors même qu’une bonne formation de ses personnels est cruciale pour la capacité opérationnelle. Or le projet de service intitulé « SSA 2020 » prévoit la suppression de 345 équivalents temps plein, dont 85 pour les personnels de formation. Cette situation ne doit-elle pas appeler notre vigilance ?

M. Jean-Michel Villaumé. Notre dispositif de formation à l’anglais est bon – ce n’est d’ailleurs plus tout à fait une langue étrangère pour nos militaires… Nous avons pu observer dans les écoles la qualité des équipements affectés à son enseignement.

Mme Catherine Coutelle. Les laboratoires de langue sont en effet bien équipés, mais « à l’ancienne ». Cela confirme d’ailleurs l’intérêt qu’il y a à donner aux écoles militaires une plus grande autonomie de gestion, qui faciliterait l’acquisition de matériels informatiques plus modernes.

M. Jean-Michel Villaumé. Un statut d’autonomie accrue permettrait aussi à ces écoles de percevoir la taxe d’apprentissage, et de développer divers partenariats.

M. Francis Hillmeyer. Pour ce qui est de la question de la promotion sociale au sein des armées, que soulevait notre collègue Jean-Jacques Candelier, il faut souligner qu’elle fonctionne mieux que dans le secteur civil ! Toutes les possibilités d’évolution sont offertes à celui qui s’engage comme militaire du rang, pourvu qu’il en ait les capacités.

M. Jean-Michel Villaumé. Rappelons à ce propose que les trois quarts des officiers de l’armée de terre sont issus du rang. Dans la marine, la moitié des officiers mariniers sont issus du rang et 40 % des officiers de marine sont d’anciens officiers mariniers.

M. Francis Hillmeyer. La progression dans les armées fonctionne d’autant mieux aujourd’hui que désormais, les recrues ont presque toutes le baccalauréat, voire un bac + 2.

M. Jean-Michel Villaumé. Le cas du service de santé des armées, qu’évoquait notre collègue Philippe Vitel, mériterait une étude spécifique. Mais l’organisation de son système de formation a connu à peu près les mêmes évolutions que celui des autres armées et services, comme en témoigne le regroupement à Lyon-Bron de plusieurs de ses écoles.

M. Philippe Vitel. En tout état de cause, le projet « SSA 2020 » méritera un examen particulier dans nos prochaines discussions sur l’actualisation de la loi de programmation militaire.

M. Jean-Michel Villaumé. S’agissant de la gendarmerie, qu’a citée Monsieur Boisserie, nous nous sommes déplacés à l’école de Chaumont, dont nous avons pu apprécier sur place le bon niveau d’équipement. Elle dispose par exemple d’une « cyberbrigade » tout à fait intéressante.

M. Daniel Boisserie. Nos écoles auraient tout intérêt à exporter leurs capacités de formation.

Mme Catherine Coutelle. Nos écoles militaires s’attachent aujourd’hui à se comparer aux universités et aux grandes écoles françaises. Mais, pour l’heure, il n’existe pas de comparaisons internationales : il n’y a pas de « classement de Shanghai » des académies militaires. Au niveau national, nos écoles militaires ont su développer des programmes d’échanges. Certaines écoles françaises, à l’instar de Sciences-Po, envoient systématiquement leurs étudiants passer un an à l’étranger. Mais deux freins limitent cette possibilité pour nos écoles militaires : d’une part, cela a un coût financier et, d’autre part, une année entière à l’étranger représenterait une part jugée trop importante du temps de scolarité, qui n’est que de trois ans.

M. Francis Hillmeyer. Si, comme nous le disait le chef d’état-major des armées hier soir encore, les armées françaises sont reconnues comme étant parmi les meilleures du monde, cela tient aussi à la qualité de la formation de leurs hommes et de leurs femmes !

Mme la présidente Patricia Adam. Puisque nous abordons la question de la promotion sociale au sein des forces armées, je tiens à souligner que 30 % des candidats qui entrent à l’école navale sont boursiers, et le fait qu’ils perçoivent une solde pendant leurs études contribue également à faciliter l’accès des jeunes issus de milieux défavorisés. La situation est sensiblement la même dans les autres écoles militaires, et je crois très important de le souligner.

M. Jean-Michel Villaumé. Il faut aussi souligner que les écoles militaires sont aussi, bien souvent, des « écoles de la deuxième chance ». Tel est le cas, par exemple, de l’école des mousses.

M. Alain Marty. Vous n’avez pas beaucoup évoqué la formation initiale des militaires du rang, qui s’effectue désormais non plus dans les régiments mais dans les centres de formation initiale des militaires du rang (CFIM). Il suffit de voir le comportement exemplaire de nos militaires du rang pour se convaincre de la qualité de l’instruction qui leur est délivrée. Quelle est votre analyse sur ce sujet ?

M. Yves Foulon. Vous nous avez fait le tableau d’une palette d’outils de formation à la fois large et organisée de façon rationnelle. Avez-vous cependant constaté des lacunes, ou des insuffisances ? Par ailleurs, quelle appréciation portez-vous sur les écoles dites « de la deuxième chance » ?

M. Michel Voisin. On cite souvent l’école des mousses, mais elle n’est pas la seule en son genre : il existe aussi ce que l’on appelle encore les « écoles des enfants de troupe », comme celle d’Autun.

Je suis surpris que l’on ne soit pas capable d’évaluer le coût de notre dispositif de formation militaire. Ne pourrait-on en avoir une estimation, au moins approximative, en prenant pour base le montant que doivent rembourser à l’État les anciens élèves qui renoncent à leur engagement de servir dans les armées, comme tel est le cas, par exemple, d’un certain nombre de médecins formés par le service de santé des armées ?

Enfin, je me demande s’il n’y a pas quelque chose de paradoxal à recommander, comme vous le faites, d’accroître les capacités de formation de nos écoles, notamment d’officiers, alors que, dans le même temps, les effectifs du ministère de la Défense sont réduits d’année en année.

Mme Catherine Coutelle. Le rapport contient de nombreux éléments relatifs à la formation initiale des militaires du rang. Dans l’armée de terre, alors que le besoin annuel en matière de recrutement s’élève à 7 000 militaires du rang, on compte 2,4 candidats par poste. Ceci témoigne d’une certaine attractivité et permet d’assurer un recrutement de qualité. Dans l’armée de l’air, les recrues reçoivent une formation de huit semaines dans les centres de formation militaire élémentaire (CFME).

D’une manière générale, on constate une augmentation du niveau académique des candidats recrutés dans les centres de formation. À ce stade, la situation semble satisfaisante. C’est la raison pour laquelle nous insistions sur l’expérience l’école des mousses, qui nous semble originale et intéressante à reproduire. L’école des enfants de troupe d’Autun n’est pas l’équivalent de l’école des mousses : il s’agit d’un lycée militaire classique, qui délivre une formation académique, tandis que l’école des mousses bénéficie d’une pédagogie spécifique ainsi que d’une formation militaire.

M. Francis Hillmeyer. Michel Voisin évoquait les échanges avec le civil. Nous proposons d’augmenter les échanges entre les mondes militaire et civil. Un certain nombre d’étudiants issus de l’université pourraient rejoindre une école militaire pendant un trimestre et vice versa. Cela se pratique déjà actuellement, mais pas suffisamment selon nous. Il s’agit de donner aux universitaires le goût du monde militaire, qu’ils ne connaissent pas forcément très bien, et inversement. Les militaires vivent parfois dans une sorte de bulle ; nous souhaitons ouvrir un peu cette bulle.

M. Jean-Michel Villaumé. Nous souhaitons ouvrir le monde militaire au monde universitaire en augmentant, dans les grandes écoles militaires, la proportion d’étudiants admis aux niveaux licence, master 1 ou master 2.

M. Francis Hillmeyer. Sur la palette des formations, je dois dire que nous avons vu un éventail très large, qui va de la formation typiquement militaire stricto sensu à des formations mobilisables dans le civil – formations techniques notamment. D’où notre demande qu’il existe des équivalences entre les mondes civil et militaire.

Sur l’école de la deuxième chance, nous avons entendu des avis divers. Certains militaires estiment que l’armée n’a pas vocation à être l’endroit où l’on « recase » les personnes dépourvues de qualification au motif qu’il serait facile pour les armées de les accueillir. Ce n’est pas du tout le cas. La volonté est bien de donner une nouvelle chance à ces personnes, mais à condition qu’elles s’impliquent dans les études qu’on leur demande de suivre. On retrouve cet aspect au niveau du service militaire adapté (SMA) outre-mer, avec des formations à des métiers divers, mécanicien par exemple.

Concernant les coûts, c’est le changement du système militaire français qui fait qu’ils ne sont plus connus aujourd’hui. L’évaluation est en cours, nous savons que la Cour des comptes notamment y est très attachée. Nous devrions connaître, dès cette année, une première estimation du coût réel de la formation, c’est indispensable. Il faudra y veiller, c’est aussi le rôle de notre commission.

M. Jean-Michel Villaumé. À cet égard, nous comptons beaucoup sur la mise en place du logiciel Aramis, qui va être testé au deuxième semestre 2015 pour être généralisé à l’horizon 2016. Le chiffre d’un milliard d’euros a été évoqué mais, à ce stade, on en reste aux approximations. La Cour des comptes doit prochainement rendre un rapport sur le sujet.

M. Francis Hillmeyer. Il y a certes le coût de la formation, mais également le coût d’entretien des établissements. Nous avons notamment abordé ce sujet avec le général commandant l’école de Salon-de-Provence. Celui-ci nous affirmait que l’externalisation de services auparavant pris en charge en interne se révélait beaucoup plus coûteuse. Certaines personnes peuvent avoir des compétences acquises avant leur entrée en école militaire – en mécanique ou en électricité par exemple. Il s’agit peut-être de revoir ce système.

Mme la présidente Patricia Adam. Vaste sujet que celui de l’externalisation… Je souhaiterais revenir sur la question posée par Michel Voisin sur nos grandes écoles. Nos trois grandes écoles recrutent moins d’officiers du fait du dépyramidage. La question est donc : a-t-on besoin d’en former autant ? Dès lors, il faut que ces écoles s’ouvrent. Faute d’étudiants, et à plus forte raison dans le cadre de l’autonomie, des problèmes budgétaires pourraient se poser. Il est donc nécessaire d’ouvrir ces écoles qui forment aussi des ingénieurs. Elles pourraient accueillir des civils qui se formeraient au métier d’ingénieur. C’est une perspective que vous avez tracée dans le rapport et qui me semble très intéressante. Du reste, les commandants de ces écoles le souhaitent.

M. Jean-Michel Villaumé. C’est la raison pour laquelle nous insistons beaucoup sur l’évolution des statuts de ces écoles, avec davantage d’autonomie et d’ouverture au monde universitaire et aux entreprises.

Mme la présidente Patricia Adam. Avait été évoquée la création d’une école commune d’officiers avec une spécialisation en dernière année uniquement, sur le modèle de l’école du commissariat des armées. Une telle évolution aurait été dramatique. La France a un besoin global d’ingénieurs dans de nombreux domaines. Perdre trois grandes écoles d’ingénieurs constituerait un très mauvais message. Il faut les conserver, mais il est effectivement nécessaire d’ouvrir ces grandes écoles. Je crois que la réflexion avance, notamment à l’école navale.

M. Gilbert Le Bris. Je souscris totalement à vos propos Mme la présidente : l’ouverture est effectivement nécessaire. Il est bon que nos étudiants puissent aller au contact de l’Union européenne et de l’OTAN en particulier. Mais il est également utile que nous recevions dans nos écoles supérieures d’officiers des étudiants étrangers, et particulièrement des étudiants africains. Ces élèves deviennent par la suite, dans leurs pays, des vecteurs de l’influence française dans la durée, des avocats de la France. Ayant effectué l’école du commissariat des armées, je l’ai vécu personnellement ; les liens tissés au cours de la scolarité durent toute la vie. J’ai cru comprendre que les coupes budgétaires avaient pu restreindre notre ouverture en la matière alors que celle-ci est, à mon sens, essentielle.

Je rejoins également la présidente sur l’importance de l’identité d’armée, y compris dans les écoles. Il y a eu des velléités – qui, je l’espère, sont passées – de massifier la formation et de l’uniformiser, en lui appliquant un simple vernis maritime, aérien ou terrestre en fin de parcours. Ce n’est pas bon. Les jeunes qui s’engagent le font car ils ont une envie de terre, d’air, de mer, de gendarmerie. Ils ne s’engagent pas dans l’absolu, sans rattachement particulier. Il est important que l’on garde, à tous les niveaux de formation, cette notion d’identité d’armée et que l’on ne massifie pas excessivement les formations.

Une dernière remarque concernant la mixité. Je ne connais pas la situation dans les écoles mais, ayant eu l’occasion de faire un rapport sur le dialogue social dans les armées, je n’ai pas senti de problèmes particuliers en la matière. Dans le cadre de nos travaux, nous avions reçu des femmes officiers et sous-officiers pour leur demander comment elles percevaient leurs relations avec les hommes, supérieurs ou subordonnés. Systématiquement, elles ont évoqué le respect et n’ont fait état d’aucun problème. Je ne suis évidemment pas naïf, cela ne signifie pas qu’il ne se passe rien. Mais je ne voudrais pas que l’angle d’analyse retenu donne corps à des préjugés dans ce domaine. Après avoir rendu le rapport que j’évoquais, j’ai été interrogé par un journal mensuel national qui tenait à tout prix à me faire dire qu’il avait du harcèlement sexuel dans armées. J’ai répondu qu’il m’était impossible de l’affirmer, que le phénomène existait dans l’armée de la même manière qu’il existe dans l’ensemble de la société, mais que rien ne permettait de certifier qu’il était plus répandu dans le monde militaire. Mon interlocuteur m’a répondu que, dans ces conditions, le rapport ne l’intéressait pas ! Certaines personnes s’avancent avec des idées préconçues et cherchent absolument à nourrir leur réflexion dans le sens de ces idées. Je pense que dans les armées – je ne parle des écoles – la mixité est bien acceptée, et que le respect y est même plus répandu que dans la vie civile.

M. Jacques Moignard. Votre proposition de créer des établissements publics est-elle réellement pertinente compte tenu de leurs difficultés actuelles ?

M. Joaquim Pueyo. Je souhaiterais formuler une observation sur l’établissement public d’insertion de la Défense (EPIDe). Il s’agit d’un dispositif un peu spécifique : l’esprit est militaire, mais le financement ne l’est pas. Avec Marianne Dubois nous menons une mission qui traite notamment de ce sujet et nous pourrons vous apporter des précisions en la matière. Nous souhaiterons faire un bilan de l’EPIDe et tracer des perspectives d’avenir avec l’idée de le renforcer, le cas échéant, dans le cadre d’un grand service civique.

Compte tenu des nouvelles menaces auxquelles sont confrontés actuellement les militaires – notamment ceux de l’armée de terre comme en témoigne le cas grave de Nice – et dans le cadre de l’opération Sentinelle, avez-vous eu des informations sur des formations complémentaires adaptées à ces nouvelles menaces ? Vous n’avez peut-être pas eu le temps d’analyser cette question eu égard à son actualité très récente, mais il s’agit à mon sens d’un vrai sujet.

M. Philippe Meunier. Vous avez rappelé à juste titre l’excellence de la capacité opérationnelle de nos armées, conséquence d’un haut niveau de formation de nos militaires. De fait, si le système fonctionne, on peut évidemment chercher à l’améliorer mais il ne faut pas tomber dans le piège du changement pour le changement.

Sur le harcèlement, je rejoins notre collègue Gilbert Le Bris. Ce phénomène existe partout et nous devons être intraitables en la matière, sachant qu’il touche les personnels féminins comme masculins. Il faut éviter de tomber dans une démagogie un peu facile et dans les pièges qui nous sont habituellement tendus.

Quant à la mixité, je rappelle que l’objet de nos écoles est de former des cadres opérationnels. Le fait que le candidat soit féminin ou masculin n’importe pas ; il faut qu’il soit opérationnel. J’estime que la politique de quotas n’est pas une bonne politique. Si une candidate de haut niveau se présente, il serait absurde de la refuser au motif qu’on a déjà atteint le quota de 30 %, le même raisonnement étant valable pour un candidat. Si les rapporteurs partagent cette vision, je souscris entièrement à leurs propositions en la matière.

M. Francis Hillmeyer. L’intervention de M. Gilbert Le Bris n’appelle pas de remarques particulières, dans la mesure où nous sommes d’accord avec son analyse consistant à ne pas tomber dans le piège qui nous est tendu. S’agissant de l’identité des armées, nous avons fait le constat unanime que les écoles sont toutes attachées à une formation spécifique, d’où d’ailleurs la mutualisation de la formation des aviateurs. Pour répondre à M. Joaquim Pueyo, qui s’inquiétait des nouvelles menaces terroristes pesant actuellement sur la France, je précise que nos militaires sont déjà aguerris à s’auto-protéger au cours des OPEX où ils ont acquis des réflexes de sécurité. Les rencontres que j’ai faites m’ont montré qu’ils savent parfois mieux remplir une mission de surveillance que les gendarmes locaux. Ceux qui sont déployés aujourd’hui sur le territoire national sont efficacement formés. Il faut certes disposer de gens compétents, dans la mesure où ils sont armés, mais les écoles de formation les préparent bien à cette mission.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous précise, après avoir posé la question au général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, que tous les militaires déployés dans le cadre de l’opération Sentinelle ont déjà participé à une OPEX.

M. Jean-Michel Villaumé. Pour répondre à la question relative à l’identité des écoles, qu’il faut préserver, il convient de souligner que se développent parallèlement des pôles d’excellence interarmées, dans des domaines nécessitant un certain décloisonnement. C’est, par exemple, ce qui est en train de se faire en Bretagne en matière de cyberdéfense avec la participation de plusieurs écoles militaires mais aussi d’entreprises et d’universités. Le vice-amiral Arnaud Coustillière, officier général en charge de la cyberdéfense à l’état-major des armées, qui a d’ailleurs fait l’objet d’un récent article dans Paris Match, nous a confié que si la formation à la cyberdéfense est essentielle, il demeure difficile de mettre en place une nouvelle filière. Le ministre de la Défense nous l’a précisé hier, il s’agit bien d’une « quatrième armée ». C’est donc une filière d’excellence concernant l’ensemble de nos armées qu’il s’agit d’instaurer, d’où la nécessité d’ouvrir les écoles et d’instaurer des partenariats avec des organisations internationales, telles que l’OTAN ou l’Union européenne.

M. Philippe Vitel. En matière de cyberdéfense, il est essentiel de distinguer deux volets. Aujourd’hui nous disposons, dans la mesure où nous sommes engagés dans des cyberguerres, d’une formation professionnelle destinée à ceux qui vont devenir des spécialistes. Mais j’insiste sur la nécessité d’intégrer également cette matière dans le cadre de la formation de tous les militaires, quels que soient leur grade, corps ou mission. Chacun doit en effet être informé des risques en matière de cybersécurité, cyberprévention et cyberhygiène. La France est un exemple en la matière.

M. Jean-Michel Villaumé. Je précise que dans le cadre de la loi de programmation militaire, un crédit d’un milliard d’euros a été prévu à cet effet et qu’un recrutement de 550 personnels d’excellence est en cours.

Mme Catherine Coutelle. Concernant l’identité des écoles, il y a indéniablement une volonté de préserver une culture d’école qui explique les réticences à envoyer les élèves longtemps à l’extérieur, mais nous disposons d’une armée commune et il faut donc préserver une certaine cohérence d’ensemble. Sur la mixité, notre rapport énonce certes que si les membres de la mission n’ont pas relevé de difficultés particulières au cours de leurs entretiens, deux rapports, celui du contrôleur général Gilles Chevallier sur l’égalité des femmes et des hommes de la Défense ainsi que l’enquête du contrôleur général des armées Debernardy et du général Bolelli de l’inspection générale-terre, font des constats sévères de la situation des femmes dans certaines écoles, surtout pour Saint-Cyr. Mes propos se référaient ainsi davantage aux constats de ces deux rapports plutôt qu’à notre propre analyse. Saint-Cyr n’a d’ailleurs pas nié l’existence de problèmes, ce qui est compréhensible dans la mesure où l’armée est une société comme les autres. Il ne faut donc pas nier ou minimiser les problèmes mais dire qu’ils sont désormais traités.

Le ministre de la Défense a en effet réagi tout de suite par la mise en place de « correspondants mixité » afin que les victimes ne soient pas obligées de passer par la hiérarchie. Le projet de loi examiné en 2014, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, a fait le constat d’un phénomène identique dans l’université. Il est donc essentiel de trouver des structures adaptées. Le directeur général de la direction des personnels militaires de la gendarmerie nationale, le général Philippe Mazy, a indiqué lorsque nous l’avons rencontré qu’il avait enregistré environ 300 appels par mois de femmes harcelées depuis la mise en place d’un numéro d’appel direct. Ce phénomène se produirait d’ailleurs plus au sein de la gendarmerie, dans la mesure où les équipes de patrouille, constituées de trois gendarmes, sont de petits formats. Vous savez que je suis contre les quotas depuis toujours et que je défends la parité dans toutes les lois. Ici je ne défends pas la parité : les femmes doivent être recrutées sur leurs compétences et non en raison de leur sexe. C’est un constat que l’on peut faire dans toutes sociétés, il n’y a pas d’acceptation de l’autre sexe, masculin ou féminin en-deçà d’une proportion de 30 % sinon la minorité est discriminée. Or, beaucoup d’écoles n’affichent que 10 % d’éléments féminins et beaucoup s’en contentent. On est souvent face à des choix sexistes dans la mesure où les femmes intègrent qu’elles vont devoir mener un double métier de soldat et de mère, ce qui explique qu’elles vont plus vers les métiers de la santé, par exemple, alors que certaines sont très bonnes pour le combat. Il est très déplaisant que certains nient les difficultés. Un général m’a ainsi affirmé qu’il n’avait constaté qu’un cas de harcèlement depuis 2001. Je lui ai répondu que je ne le croyais pas ! Je ne cherche pas à maximiser le problème, mais il faut qu’on puisse en parler et surtout que les femmes, qui sont majoritairement victimes, trouvent des solutions dans l’armée et les écoles, pour être écoutées et entendues.

M. Jean-Michel Villaumé. Il est en effet essentiel qu’elles ne se cantonnent pas à des fonctions subalternes et de support logistique.

*

* *

La commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur la formation des militaires en vue de sa publication.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION

(Par ordre chronologique)

1. Auditions

Ø M. le général Fréderic Servera, directeur des ressources humaines de l’armée de terre, accompagné de M. le général Jean-marc Ripoll, général adjoint commandant les écoles ;

Ø M. le vice-amiral Christophe Prazuck, directeur du personnel militaire de la marine ;

Ø M. le général Claude Tafani, directeur des ressources humaines de l’armée de l’air ;

Ø M. le général Arnaud Martin, directeur de l’agence de reconversion de la Défense – Défense mobilité, accompagné de M. le colonel Philippe Debesse, chef du bureau de l’accès à l’emploi en entreprise ;

Ø M.  le général Philippe Mazy, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale ;

Ø M. le contrôleur général des armées Jacques Feytis, directeur des ressources humaines du ministère de la Défense ;

Ø Mme le contrôleur général des armées Brigitte Debernardy et M. le général Didier Bolelli, inspecteur général des armées ;

Ø M. le général Olivier de Bavinchove, ancien chef d’état-major de la force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) et commandant des forces françaises en Afghanistan ;

Ø M. le général Gratien Maire, major général des armées ;

Ø M. le vice-amiral Arnaud Coustillière, officier général chargé de la cyberdéfense à l’état-major des armées.

2. Déplacements

Ø Le 20 mai 2014, aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan :

– entretiens avec M. le général Antoine Windeck, commandant des écoles, M. le colonel Francis Chanson, directeur général de la formation militaire et M. Éric Ghérardi, directeur général de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

– déjeuner avec le commandement, l’officier mixité, une représentation des cadres et des élèves ;

– visite des installations.

Ø le 22 mai 2014 à Toulon :

– entretiens avec M. le capitaine de vaisseau Stéphan Meunier, commandant de l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque (COMESNA), M. le vice-amiral Hervé de Bonnaventure, commandant de la force de l’aéronautique navale (ALAVIA) et M. le vice-amiral d’escadre Philippe Coindreau, commandant de la force d’action navale (ALFAN) ;

– visite du centre d’instruction naval de Saint Mandrier et entretiens avec son commandant, M. le capitaine de vaisseau Pierre-Jean Remy, et l’encadrement.

Ø le 5 juin 2014 à la base aérienne 120 de Cazaux :

– entretiens avec M. le colonel Laurent Thiebaut, commandant de la base, et l’encadrement ;

– présentations dynamiques de l’école de transition opérationnelle, du centre de formation des techniciens de l’armée de l’air et du centre de formation à la survie et au sauvetage.

Ø le 10 juin 2014 à l’école nationale des sous-officiers d’active de l’armée de terre (ENSOA), à Saint-Maixent :

– entretiens avec M. le général Patrice Paulet, commandant de l’école, et l’encadrement ;

– tables rondes avec des élèves ;

– visite des installations.

Ø le 9 juillet 2014, à Paris, à l’école militaire :

– entretiens avec M. le général Jean-Marc Duquesne directeur de l’enseignement militaire supérieur, M. le vice-amiral Marc de Briançon, directeur de l’école de guerre et M. le général Bruno Maurice, directeur du centre des hautes études militaires (CHEM).

Ø le 19 novembre 2014, à l’école des sous-officiers de gendarmerie de Chaumont :

– entretiens avec M. le colonel Eric Le Calonnec, commandant de l’école, et l’encadrement ;

– tables rondes avec des élèves ;

– visite des installations.

Ø le 27 novembre 2014, à Brest :

– visite du centre d’instruction naval de Brest et entretiens avec son commandant, M. le capitaine de vaisseau Vincent Le Coguiec, le directeur de l’école de maistrance, M. le capitaine de frégate Emmanuel Geffroy, le directeur de l’école des mousses, M. le capitaine de frégate François-Xavier Lebouche et le proviseur du lycée naval, M. Damien Ganier ;

– entretiens avec le contre-amiral Philippe Hello, commandant de l’école navale et du groupement des écoles du Poulmic, et l’encadrement de l’école ;

– entretiens avec des élèves ;

– visite des installations de l’école.

Ø le 7 janvier 2015, à l’école de l’air, à Salon-de-Provence :

– entretiens avec M. le général Francis Pollet, commandant de l’école, et l’encadrement ;

– déjeuner avec l’encadrement et des élèves ;

– visite des installations.

ANNEXE 2

FORMATIONS MUTUALISÉES ENTRE LES ARMÉES

Entité prestataire

Entités bénéficiaires

Organismes de formation

Domaine / finalité

Premier Ministre

(SGDSN)

Fonction publique civile et militaire, différents secteurs d’activité de la Nation, des États membres de l’UE ou d’autres États.

Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN)

Politique de la défense ; armement et économie de défense (14)

Premier Ministre

(SGDSN)

Ministères de l’Économie et du Budget, de l’Intérieur, de la Défense ainsi que six directions

Académie du renseignement

Formations au renseignement

(initiales et supérieures)

Premier Ministre

(SGDSN)

Ministères de l’Intérieur, de la Défense, de la Santé et des Transports

Centre interministériel NRBCE(15)

Formations NRBCE

(adaptation à l’emploi, amélioration de l’interopérabilité)

État-major des armées

Toutes armées et services

Centre des hautes études militaires (CHEM)

Encadrement supérieur

État-major des armées

Toutes armées et services

École de guerre

Encadrement supérieur

État-major des armées

Toutes armées et services

Centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR)

Renseignement

État-major des armées

Toutes armées et services

Centre national du sport de la défense (CNSD)

Formation des moniteurs de sport

Armée de terre

Gendarmerie,

service de santé des armées,

service des essences des armées,

service du commissariat des armées/terre

Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan

(dont École d’administration militaire)

Formation initiale des officiers

Armée de terre

Toutes armées et directions

École des troupes aéroportées (ETAP)

Formations au parachutisme et aux techniques aéroportées

Armée de terre

Toutes armées et directions

Écoles militaires de Bourges (EMB)

Formations à la maintenance terrestre et aéro, à la logistique, IEC

Armée de terre

Toutes armées

École de l’aviation légère de l’armée de terre (EALAT) –

Base de Dax

Formations des pilotes d’hélicoptère

Armée de terre

Marine,

armée de l’air

École de l’aviation légère de l’armée de terre (EALAT) – Base du LUC

Formations tactiques sur hélicoptère

Armée de terre

Toutes armées et directions

École du génie

Bâtiment et infrastructure

Armée de terre

Toutes armées

École du génie

Prévention incendie

Armée de terre

Toutes armées

École du génie

Fouille opérationnelle, déminage et explosif

Armée de terre

Armée de terre, marine

École du génie

Plongeurs

Armée de terre

Toutes armées et directions

École des transmissions (ET) de Rennes

Télécommunications et systèmes d’information et de communication

Armée de terre

Armée de terre, marine,

armée de l’air

Écoles militaires de Draguignan – pôle infanterie

Combat de l’infanterie

Armée de terre

Toutes armées et directions /

marine,

armée de l’air,

service de santé des armées

Centre d’instruction santé de l’armée de terre (CISAT)

Secourisme, formation

complémentaire des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA)

Formation initiale aumôniers

Armée de terre

Toutes armées et directions,

armée de l’air,

gendarmerie

École militaire de spécialisation de l’outre-mer et de l’étranger (EMSOME)

Information sur pays d’affectation

Armée de terre

Armé de terre, marine,

armée de l’air

Écoles militaires de Draguignan– pôle artillerie

Sol air très courte portée (SATCP)

Armée de terre

Gendarmerie, marine, SSA

École militaire de haute montagne (EMHM)

Encadrement en montagne

Marine

Gendarmerie, gendarmerie maritime,

douanes,

direction des affaires maritimes

École navale

Formation initiale des officiers et formation aux métiers du marin

Marine

Toutes armées

Centre d’instruction naval de Saint – Mandrier

Formation initiale et formation aux métiers et spécialités embarquées

Marine

Toutes armées et services

École des fourriers

Gestion des ressources humaines - Secrétariat - Comptabilité et Restauration

Marine

Marine, armée de terre,

armée de l’air,

service de santé des armées

École de plongée

Formations subaquatiques

Marine

Armée de terre

École d’initiation au pilotage (EIP/50s)

Formations aéronautiques

Marine

Marine, armée de terre,

gendarmerie

École du personnel de pont d’envol (EPPE)

Formations aéronautiques

Marine

Toutes armées

École de spécialisation sur hélicoptères embarqués (ESHE)

Formations aéronautiques

Marine

Marine, Service de santé des armées

École des fusiliers (ECOFUSIL)

Protection/défense

Marine

Toutes armées et services,

délégation générale pour l’armement

École des applications militaires de l’énergie atomique (EMEA)

Atomiciens

Armée de l’air

Armée de l’air,

marine

Belgique, étrangers

Écoles de chasse de Salon, Cognac, Tours, Cazaux

Pilotes de chasse

Armée de l’air

Toutes armées

Belgique, étrangers

École de l’aviation de transport (EAT) Avord

Pilotes de transport

Armée de l’air

Toutes armées

École de formation des sous-officiers de l’armée de l’air (EFSOAA) Rochefort

Maintenance aéronautique

Armée de l’air

Toutes armées et services

Échelon central de neutralisation, enlèvement et destruction d’explosifs (EC NEDEX) Villacoublay

Neutralisation, enlèvement et destruction d’explosifs (NEDEX)

Armée de l’air

Air,

marine

Centre de formation Rafale (CFR)

Matériels communs Rafale

Armée de l’air

Air,

marine

École d’officiers de l’armée de l’air SALON

Officiers systèmes termes

Armée de l’air

Air,

marine,

terre

École d’officiers de l’armée de l’air SALON

Module navigabilité

Armée de l’air

Air,

marine

Escadron d’instruction sol du personnel navigant (EISPN) Salon,

École de pilotage de l’armée de l’air (EPAA) Cognac

École d’aviation de chasse (EAC) Tours

École d’aviation de transport (EAT) Avord

Formation de moniteur simulateur de vol

Armée de l’air

Air,

marine

Centre d’instruction du contrôle et de la défense aérienne (CICDA)

Mont de Marsan

Formation de planification et de conduite des opérations de la 3e dimension

Armée de l’air

Air,

marine,

terre

Centre d’instruction du contrôle et de la défense aérienne (CICDA)

Mont de Marsan

Formation contrôleurs de la circulation et de la défense aérienne

Service de santé des armées

Toutes armées et services

École du personnel paramédical des armées (EPPA) TOULON

Infirmiers

Service de santé des armées

Toutes armées et services

Centre de formation opérationnelle santé (CeFOS)

Secourisme, formation

complémentaire des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA)

Formation initiale aumôniers

Service des essences des armées

Toutes armées et services, gendarmerie, sécurité civile

Base pétrolière interarmées de Chalon sur Saône

Formation aux spécialités pétrolières

Service du commissariat des armées

Toutes armées et services

École des commissaires des armées (ECA)

Administration générale, soutien commun et aumôniers militaires

Source : direction du personnel militaire de la marine.

1 () Le Brittania Royal Naval College ne comporte par exemple aucun aspect académique, l’essentiel de la formation se déroulant à bord des bâtiments.

2 () Rapport sur la formation des militaires, 26 juillet 2011.

3 () Décret n° 2009-1177 du 5 octobre 2009 relatif aux attributions du chef d’état-major des armées et des chefs d’état-major d’armées.

4 () Décret n° 2014-1040 du 11 septembre 2014.

5 () Le comité exécutif, composé du CEMA, du DGA et du SGA, et présidé par le ministre de la Défense, est chargé d’éclairer ce dernier sur les choix à opérer dans l’exercice de ses attributions.

6 () Détachement école de l’aéronautique navale.

7 () Officiers de marine.

8 () Officier de planification et de conduite des opérations dans la 3e dimension.

9 () Royal Air Force.

10 () Institut des hautes études de défense.

11 () Haut comité d’évaluation de la condition militaire, 7e rapport : les femmes dans les forces armées françaises, juin 2013.

12 () Rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes au ministère de la Défense, CGA Gilles Chevalier, 20 février 2014.

13 () Rapport de la mission d’enquête sur les cas de harcèlement, agressions et violences sexuelles dans les armées, CGA Brigitte Debernardy, IGA Didier Bolelli, 4 avril 2014.

14 () Fusionnée avec le Centre des hautes études de l’armement depuis le 1er janvier 2010.

15 () NRBCE : nucléaire, radiologique, bactériologique chimique et explosifs.


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