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N
° 2254 et N° 2255

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI n° 1339, autorisant l’approbation de l’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak,

ET

– LE PROJET DE LOI n° 1340, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Irak, d’autre part,

PAR Mme Chantal GUITTET

Députée

——

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. DES ACCORDS QUI CONSERVENT TOUTE LEUR PERTINENCE MALGRÉ UNE ÉVOLUTION PROFONDE DU CONTEXTE 7

A. LA SITUATION A CONSIDÉRABLEMENT CHANGÉ EN IRAK DEPUIS LA SIGNATURE DES ACCORDS DE COOPÉRATION AVEC LA FRANCE ET L’UNION EUROPÉENNE 7

B. LES ACCORDS DE COOPÉRATION SOUMIS À LA COMMISSION CONSERVENT NÉANMOINS TOUTE LEUR PERTINENCE 8

1. La nécessité de renforcer la coopération dans des secteurs clefs pour la stabilisation de l’Irak 8

2. L’opportunité d’un dialogue politique UE-Irak 8

3. Une crise qui ne doit pas occulter les besoins de long terme 8

II. LE VOLET EUROPÉEN DE LA COOPÉRATION : L’ACCORD SIGNÉ LE 11 MAI 2012 11

A. UN ACCORD AMBITIEUX, QUI VISE À DÉVELOPPER LES RELATIONS ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET L’IRAK DANS UN CADRE PARTENARIAL D’ENSEMBLE, PLUS VISIBLE ET DE LONG TERME 11

1. La participation de l’Union européenne au soutien international à l’Irak 11

2. L’apport de l’accord de partenariat et de coopération UE-Irak 12

B. LES QUATRE PRINCIPAUX VOLETS DE L’ACCORD : DIALOGUE POLITIQUE ; COMMERCE ET INVESTISSEMENTS ; COOPÉRATIONS SECTORIELLES ; JUSTICE, LIBERTÉ ET SÉCURITÉ 13

1. Le dialogue politique et la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité 13

2. Le commerce et les investissements 14

3. Le développement d’une coopération sectorielle très étoffée 17

4. Les questions de justice, de liberté et de sécurité 17

C. STIPULATIONS INSTITUTIONNELLES, GÉNÉRALES ET FINALES 18

III. LE VOLET BILATÉRAL DE LA COOPÉRATION : L’ACCORD DE PARTENARIAT FRANCO-IRAKIEN DU 16 NOVEMBRE 2009 21

A. UNE COOPÉRATION QUI PARTICIPE AU RENOUVEAU DES RELATIONS FRANCO-IRAKIENNES 21

1. Des relations bilatérales qui ont été relancées à partir de 2008 21

2. Une coopération bilatérale active 22

a. La coopération culturelle 22

b. La coopération éducative et linguistique 23

c. La coopération universitaire 24

d. L’appui à la société civile et la coopération en matière de gouvernance 25

3. Une coopération qui se poursuit 25

B. LES STIPULATIONS DE L’ACCORD DE PARTENARIAT FRANCO-IRAKIEN 26

1. Un support juridique unique pour favoriser la coopération bilatérale 26

2. Un champ très large d’actions 26

3. Les stipulations relatives à la mise en œuvre de la coopération 27

4. Stipulations finales 29

CONCLUSION 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

ANNEXES : 37

ANNEXE N°1 : Auditions 39

ANNEXE N°2 : Carte de l’Irak 41

ANNEXE N°3 : Déclaration commune du 2 juillet 2009 43

_____

ANNEXE – TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 47

INTRODUCTION

L’accord de partenariat et de coopération (APC) entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République d’Irak, d’autre part, a été signé à Bruxelles le 11 mai 2012 par la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, et par le ministre irakien des affaires étrangères, qui était alors M. Hoshyar Zebari.

L’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak a été signé le 16 novembre 2009, lors de la visite d’Etat à Paris de l’ancien président irakien Jalal Talabani. Il s’inscrit dans le prolongement de la déclaration conjointe du 2 juillet 2009, par laquelle M. François Fillon, alors Premier ministre français, et M. Nouri al-Maliki, alors Premier ministre irakien, réaffirmaient leur volonté de renforcer, d’élargir et de diversifier les relations bilatérales, en veillant à les adapter aux besoins (1).

Votre Rapporteure a jugé logique et utile de présenter ensemble ces deux accords, car ils constituent des volets complémentaires. Si la politique de coopération menée par la France demeure distincte de celle qui est mise en œuvre au plan européen, leurs objectifs convergent en grande partie, notamment en matière de bonne gouvernance et de renforcement de l’Etat de droit. Des synergies dans les domaines de compétences partagées peuvent par ailleurs exister, notamment en matière de financement.

Au regard de leur intérêt pour le renforcement de la coopération avec l’Irak et du soutien accru qu’ils permettront d’apporter à ce pays dans la situation de crise aiguë qu’il traverse actuellement, ces deux accords appelleront les mêmes conclusions favorables de la part de votre Rapporteure.

I. DES ACCORDS QUI CONSERVENT TOUTE LEUR PERTINENCE MALGRÉ UNE ÉVOLUTION PROFONDE DU CONTEXTE

A. LA SITUATION A CONSIDÉRABLEMENT CHANGÉ EN IRAK DEPUIS LA SIGNATURE DES ACCORDS DE COOPÉRATION AVEC LA FRANCE ET L’UNION EUROPÉENNE

La situation sécuritaire et humanitaire s’est considérablement dégradée par rapport au contexte dans lequel les présents accords de coopération ont été signés, respectivement en 2009 et en 2012.

Après ses offensives lancées en janvier, puis en juin de cette année, Daesh (acronyme en arabe de l’Etat Islamique en Irak et au Levant) étend aujourd’hui son influence sur environ un tiers du territoire irakien – et du territoire syrien –, où il s’efforce de contrôler les points de communication et les axes stratégiques principaux (villes, fleuves, postes-frontières). Cette organisation terroriste dispose de ressources financières et militaires considérables, notamment depuis la prise de Mossoul, en juin, qui lui a permis de saisir du matériel militaire américain et de s’emparer de quelque 500 millions de dollars de la Banque centrale. Au plan humanitaire, l’avancée de Daesh et ses exactions épouvantables à l’égard des populations civiles ont conduit à des flux considérables de personnes déplacées – plus de 1,8 million de personnes, d’après les Nations Unies.

Depuis le début de l’année 2014, l’Irak ne se trouve donc plus dans la phase de « reconstruction » ou dans la logique « post-crise » auxquelles font référence les études d’impact accompagnant les projets de loi dont la Commission est saisie. Alors qu’un document de stratégie conjointe pour la coopération entre l’Union européenne et l’Irak (« Joint Strategy Paper 2011-2013 ») était allé jusqu’à suggérer qu’il était temps de passer d’une logique de reconstruction en Irak, après des années d’embargo et de conflits armés, à une approche de développement, le pays vient de rebasculer dans une crise particulièrement grave en matière sécuritaire et humanitaire.

Ce contexte nouveau a conduit la communauté internationale à renforcer et à étendre sa coopération avec l’Irak dans tous les domaines – efforts politiques et diplomatiques pour constituer une large coalition internationale contre Daesh ; livraison d’équipements militaires ; appui aérien à l’armée irakienne et aux forces kurdes qui combattent au sol ; établissement d’un « pont humanitaire » pour venir en aide aux personnes réfugiées.

B. LES ACCORDS DE COOPÉRATION SOUMIS À LA COMMISSION CONSERVENT NÉANMOINS TOUTE LEUR PERTINENCE

1. La nécessité de renforcer la coopération dans des secteurs clefs pour la stabilisation de l’Irak

La situation que votre Rapporteure vient de présenter brièvement confirme la nécessité de renforcer la coopération dans les secteurs les plus défaillants en Irak, en particulier la bonne gouvernance, l’Etat de droit, la justice et le secteur de la sécurité. Les dérives nombreuses de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki dans ces différents domaines ont en effet puissamment contribué à dresser les différentes composantes de la société irakienne les unes contre les autres, ce qui explique en partie le déclenchement de la crise actuelle en Irak.

Néanmoins, il faut être conscient du fait que l’appui de l’Union européenne dans ces différents domaines ne présentera de réelle efficacité que si les politiques mises en œuvre font l’objet d’une véritable appropriation par les autorités irakiennes, ce qui n’était que très marginalement le cas jusqu’à présent. La nomination d’un nouveau Premier ministre, M. Haidar al-Abadi, dans la mesure où celui-ci s’est engagé à ne pas appliquer les mêmes politiques que son prédécesseur, constitue un signal positif.

2. L’opportunité d’un dialogue politique UE-Irak

L’accord de partenariat et de coopération UE-Irak instaure un dialogue politique structuré et régulier, qui offre à l’Union européenne la possibilité d’exercer une influence plus déterminante. Ce dialogue pourrait notamment être l’occasion d’échanger sur la mise en œuvre des politiques dites « d’inclusivité » que le nouveau Premier ministre irakien s’est engagé à mener et d’insister au plus haut niveau sur leur nécessité – ne serait-ce que pour détacher Daesh de ses alliés de circonstance, tribus sunnites et anciens officiers baasistes.

Votre Rapporteure présentera plus en détail le dialogue politique et la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité qui devrait s’instaurer entre l’UE et l’Irak lorsqu’elle examinera le titre I de l’accord soumis à la Commission. Ce volet comporte notamment des stipulations relatives à la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et contre la dissémination des armes légères et de petit calibre.

3. Une crise qui ne doit pas occulter les besoins de long terme

Dans les circonstances actuelles, les priorités doivent bien sûr être la lutte contre Daesh, le rétablissement de la situation sécuritaire, la réponse à la crise humanitaire et la mise en œuvre de politiques de réconciliation en Irak. Mais la crise aigüe que le pays connaît depuis le début de l’année ne change rien à ses besoins structurels, pour lesquels une coopération avec l’Union européenne – et la France en particulier – reste particulièrement précieuse.

Ces besoins sont considérables dans de nombreux domaines : la formation de personnels qualifiés, après des années d’embargo et de guerre ; la mise à niveau de l’état des connaissances dans les domaines scientifiques et techniques ou en matière de santé ; les infrastructures à reconstruire dans la plupart des secteurs – eau, assainissement, transports, électricité, mais aussi extraction et raffinage du pétrole ; les libertés publiques et les droits de l’homme ; la restructuration de l’appareil de sécurité.

Dans le secteur agricole, l’étude d’impact jointe au projet de loi autorisant l’approbation de l’accord franco-irakien de 2009 apporte quelques précisions sur l’étendue des besoins. « Le pays importe l’essentiel de sa consommation. Les remontées d’eau salée (les sols n’étant plus drainés) ont réduit les zones de production. Le manque d’équipement et d’intrants a fait le reste. Les différents conflits ont contribué à la pollution de régions entières (épaves, matériels de guerre, substances chimiques, mines antipersonnel), tandis que l’ignorance, la mauvaise gestion et l’action politique violente contribuaient à la pollution des fleuves, au desséchement des marais millénaires du sud du pays ».

Le secteur des hydrocarbures n’est nullement épargné, alors que les exportations de pétrole sont cruciales pour le pays, puisqu’elles représentent près de 93 % des recettes budgétaires. Outre les difficultés liées à la crise sécuritaire particulièrement grave que le pays traverse, et qui a vu de nombreuses infrastructures pétrolières échapper au contrôle des autorités centrales, les opérations d’extraction et d’acheminement du pétrole sont structurellement ralenties par le manque d’équipements de qualité. Quant aux raffineries irakiennes, elles ne sont ni en bon état, ni en nombre suffisant.

II. LE VOLET EUROPÉEN DE LA COOPÉRATION : L’ACCORD SIGNÉ LE 11 MAI 2012

A. UN ACCORD AMBITIEUX, QUI VISE À DÉVELOPPER LES RELATIONS ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET L’IRAK DANS UN CADRE PARTENARIAL D’ENSEMBLE, PLUS VISIBLE ET DE LONG TERME

1. La participation de l’Union européenne au soutien international à l’Irak

Depuis 2003, l’Union européenne a déjà consacré plus d’un milliard d’euros à la reconstruction de l’Irak. Outre l’aide humanitaire, l’action engagée par l’Union européenne s’est concentrée sur le renforcement des capacités institutionnelles de l’Etat, sur le développement de stratégies et de politiques publiques, sur l’Etat de droit et sur la gouvernance démocratique.

Dans ce domaine, la France a été l’un des principaux contributeurs à la mission européenne EUJUST LEX-Irak, qui a été mise en place en 2005 et dont le mandat s’est achevé le 31 décembre 2013. Cette mission reposait en particulier sur des actions de formation des forces de police et des autorités judicaires, menées directement à Bagdad, et sur des actions tendant à promouvoir une culture de respect des droits de l’homme en Irak.

Au plan international, les priorités des programmes financés par les principaux donateurs peuvent être résumées de la manière suivante :

– Agences des Nations Unies, PNUD, Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak (UNAMI) : renforcement des capacités institutionnelles en matière de police et de justice ;

– Unesco, ONU-Femmes : assistance au développement de politiques publiques et de stratégies nationales pour la protection des femmes, pour la lutte contre la violence domestique, pour la lutte contre le trafic d’êtres humains et pour la préservation du patrimoine ;

– Etats-Unis : justice, police, Etat de droit, coopération universitaire.

Jusqu’à présent, l’aide internationale a surtout fait appel à une coopération avec les institutions irakiennes, et les résultats ont généralement été mitigés. En effet, le niveau d’appropriation des programmes par les autorités irakiennes a été plutôt faible, en particulier pour les actions en faveur d’une plus grande transparence, qui se sont heurtées à la pratique du pouvoir de l’ancien Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki.

Très peu de projets ont été orientés vers les ONG et la société civile, en dehors d’un programme du Fonds social de développement (FSD) français et de quelques lignes de crédits prévues pour les ONG par certains pays, notamment les Etats-Unis, l’Allemagne et la Suède, ou encore par l’Union européenne.

2. L’apport de l’accord de partenariat et de coopération UE-Irak

L’accord de partenariat et de coopération (APC) signé le 11 mai 2012 confirme la détermination de l’Union européenne à renforcer et à élargir son soutien à l’Irak.

– L’APC donne un cadre d’ensemble à la coopération européenne, qui repose jusqu’à présent sur une approche sectorielle. L’accord de 2012 couvre un ensemble particulièrement étendu de domaines, déclinés en quatre volets : le dialogue politique et la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité ; le renforcement des relations dans les domaines du commerce et des investissements ; le développement de coopérations sectorielles multiples ; les questions de justice, de liberté et de sécurité.

– La question des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit est abordée dès l’article 2 de l’accord. Conformément à cet article, qui fait référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux autres instruments internationaux pertinents, le respect de ces principes « sous-tend les politiques intérieures et internationales des deux parties et constitue un élément essentiel du présent accord ».

Cette question fait notamment partie des sujets entrant dans le cadre du dialogue politique instauré par le titre I et des coopérations sectorielles prévues au titre III (article 86). Par ailleurs, en cas de non-respect de l’article 2 par une Partie, l’article 121 permet à l’autre Partie de prendre des « mesures appropriées » avec un effet immédiat (2).

– Comme le précise l’étude d’impact, l’accord de partenariat et de coopération établit pour la première fois des relations de nature contractuelle entre l’Union européenne et l’Irak. Jusqu’à présent, le cadre contractuel s’est limité à la signature, en 2010, d’un simple Memorandum of Understanding prévoyant un renforcement de la coopération dans les domaines de la sécurité énergétique, des énergies renouvelables et de la recherche scientifique. La dimension partenariale de l’accord signé en 2012 coïncide avec un rehaussement de son statut par rapport au mandat initialement confié à la Commission européenne dans le cadre des négociations avec l’Irak – à l’origine, il ne devait s’agir que d’un simple accord de commerce et de coopération.

– Grâce à l’ampleur nouvelle des coopérations prévues et grâce à la dimension partenariale qui est conférée aux relations avec les autorités irakiennes, l’APC devrait renforcer la visibilité de l’action européenne et donner à l’UE les moyens d’exercer une influence plus déterminante.

– Ce partenariat s’inscrit dans une perspective de long terme, puisqu’il est conclu pour une durée de 10 ans, renouvelable d’année en année par tacite reconduction, conformément à l’article 116 de l’accord.

B. LES QUATRE PRINCIPAUX VOLETS DE L’ACCORD : DIALOGUE POLITIQUE ; COMMERCE ET INVESTISSEMENTS ; COOPÉRATIONS SECTORIELLES ; JUSTICE, LIBERTÉ ET SÉCURITÉ

1. Le dialogue politique et la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité

Le titre I de l’accord a pour objet d’établir un dialogue politique structuré et régulier.

– Conformément à l’article 3, ce dialogue politique porte sur tous les sujets présentant un intérêt commun, en particulier la paix, la politique étrangère et de sécurité, le dialogue national et la réconciliation, la démocratie, l’Etat de droit, les droits de l’homme, la bonne gouvernance, ainsi que la stabilité et l’intégration au plan régional. Il est prévu que ce dialogue politique ait lieu chaque année, au niveau des ministres et des hauts fonctionnaires.

– Les stipulations relatives à la coopération en matière de lutte contre le terrorisme (article 4) présentent un intérêt particulier dans le cadre de l’action engagée contre Daesh. La coopération prévue à l’article 4 repose en particulier sur des échanges d’informations, conformément au droit international et national, sur des actions de formation et sur des échanges d’expérience.

Il a été indiqué à votre Rapporteure que toute demande de coopération pour lutter contre des groupes terroristes serait examinée à l’aune de leur inscription sur la liste de sanctions des Nations Unies contre Al-Qaida ou de la liste de l’Union européenne des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme.

– Les Parties s’engagent à coopérer dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs (article 5). L’Irak s’engage ainsi à signer ou à ratifier tous les instruments internationaux en la matière et à mettre en place un système efficace de contrôles nationaux.

L’Irak est aujourd’hui partie aux principaux instruments internationaux en matière de non-prolifération – traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, convention sur l’interdiction des armes biologiques, convention sur l’interdiction des armes chimiques, traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Les autorités irakiennes ont fait d’autres gestes significatifs en adhérant au code de conduite de la Haye contre la prolifération des missiles balistiques, en 2011, en ratifiant le protocole additionnel de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), en 2012, et en participant à l’Initiative de sécurité contre la prolifération.

– Dans le domaine de la lutte contre la dissémination des armes légères et de petit calibre (ALPC), les Parties conviennent de respecter intégralement leurs obligations respectives, conformément aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies et conformément à leurs engagements internationaux – le traité sur le commerce des armes, le programme d’action des Nations Unies sur les ALPC et l’Instrument de traçage international qui lui est rattaché. La porosité des frontières irakiennes, le niveau de corruption, le marché noir et la faible sécurisation des dépôts d’armes font de l’Irak l’une des zones les plus exposées à la dissémination des armes légères et de petit calibre.

– L’accord prévoit une coopération juridique destinée à permettre l’adhésion de l’Irak au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les principaux enjeux sont les suivants : la lutte contre l’impunité pour les crimes relevant de la compétence de la Cour (crimes de guerre, crime de génocide et crime contre l’humanité) ; l’établissement d’un système juridictionnel national crédible au plan pénal – en vertu du principe de complémentarité inscrit dans le Statut de Rome, les juridictions nationales sont compétentes pour juger les crimes relevant de la compétence de la Cour, celle-ci n’intervenant que si les juridictions nationales sont dans l’incapacité de juger ou en cas de manque manifeste de volonté politique ; l’adaptation du code pénal et de la procédure pénale au Statut de Rome (infractions, entraide pénale, coopération avec la Cour).

Le système judiciaire irakien reste fortement marqué par les politiques autoritaires et sectaires qui ont été menées dans ce pays. Les ONG dénoncent des mauvais traitements et des actes de torture, légitimés au nom de la lutte anti-terroriste, des techniques d’enquête visant d’abord la rapidité et l’obtention, parfois forcée, d’aveux faisant office de preuve souveraine, l’intervention de l’armée ou des forces spéciales à la suite d’attentats, dans des conditions incompatibles avec les procédures judiciaires d’un Etat de droit, ainsi qu’un niveau de corruption massif.

2. Le commerce et les investissements

Le resserrement des liens avec l'Irak en matière de commerce et d’investissements est un facteur important pour la reconstruction et le développement du pays.

Au plan tarifaire, le chapitre relatif au commerce des marchandises prévoit que les Parties s’accordent mutuellement le traitement de la nation la plus favorisée, conformément à l’article 1er du GATT de 1994. On notera que les produits originaires de l’Union européenne ne seront pas soumis à un droit de douane excédant la taxe dite de « reconstruction », de 8 %, qui est actuellement applicable aux produits importés. Les produits irakiens importés dans l’UE, quant à eux, ne pourront se voir imposer un droit de douane excédant ceux qui frappent les importations originaires des membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

L’accord précise qu’aucune de ses stipulations ne peut faire obstacle à l’adoption, par les Parties, de mesures antidumping, compensatoires ou de sauvegarde, conformément aux articles du GATT de 1994. Les stipulations de l’accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce s’appliquent aussi entre les Parties. Celles-ci doivent coopérer dans le domaine des mesures sanitaires et phytosanitaires, afin de faciliter les échanges tout en protégeant la santé et la vie des personnes, et en préservant les végétaux.

L’Irak et l’OMC

L’Irak a fait part de sa volonté d’adhérer à l’OMC en 2004. Un groupe de travail, créé quelques mois plus tard, s’est réuni à plusieurs reprises en 2007 et en 2008. L’Irak a transmis plusieurs documents qui lui étaient demandés, notamment en ce qui concerne le secteur agricole, la propriété intellectuelle et les obstacles techniques au commerce, mais le processus paraît bloqué depuis 2010.

Malgré une visite de parlementaires irakiens à Genève en octobre dernier, ainsi que d’importants programmes d’assistance, il a été indiqué à votre Rapporteure que l’Irak était « sorti du radar du secrétariat de l’Organisation ».

L’accord comporte des mesures de libéralisation progressive du commerce des services et de l’établissement entre les Parties. Sauf exceptions prévues à l’article 24, l’Union européenne étend aux services ou prestataires de services de l’Irak le traitement résultant de sa liste d’engagements spécifiques au titre de l’accord général sur le commerce des services (AGCS) ; l’Irak, pour sa part, accorde aux services, fournisseurs de services, établissements et investisseurs de l’Union un traitement non moins favorable que celui qu’elle prévoit pour ses propres services, fournisseurs de services, établissements et investisseurs similaires – l’Irak pourra néanmoins déroger à cette clause, avec l’accord du comité de coopération instauré au titre V, si le traitement accordé n’est pas moins favorable que celui prévu pour tout pays tiers. Après son adhésion à l’OMC, l’Irak étendra aux services et fournisseurs de l’Union le traitement résultant de sa liste d’engagements spécifiques au titre de l’AGCS.

Les Parties s’engagent, à l’article 32, à stimuler des investissements mutuellement avantageux en créant un climat favorable aux investissements privés.

Les Parties s’efforcent aussi de libéraliser les paiements courants et les mouvements de capitaux entre elles, conformément aux engagements contractés dans le cadre des institutions financières internationales. L’article VIII des Statuts du FMI prévoit notamment le non-recours aux restrictions sur les paiements courants.

L’accord prévoit l’ouverture effective et réciproque des marchés publics – application par chaque Partie d’un traitement non moins favorable que pour ses biens, services et fournisseurs nationaux ; interdiction d’appliquer un traitement moins favorable en raison du degré de contrôle ou de participation étrangers. En raison de ses besoins spécifiques, notamment en matière de développement ainsi qu’au plan financier, l’Irak peut néanmoins établir un programme temporaire de prix préférentiels, autorisant une différence de prix de 5 % sur les biens et services et de 10 % sur les travaux pour les fournisseurs exclusivement irakiens, pendant une période limitée à 10 ans.

Dans le domaine de la propriété intellectuelle, l’Irak s’engage à adopter, dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’accord, des dispositions législatives garantissant une protection adéquate et effective, dans le respect des normes internationales les plus strictes. Dans un délai de trois ans, l’Irak doit adhérer aux conventions multilatérales existant dans ce domaine ou assurer leur respect – ces conventions sont visées dans une annexe à l’accord.

L’accord prévoit deux niveaux de protection à respecter en matière de droits de propriété intellectuelle.

Un premier niveau, très contraignant, concerne les accords les plus importants à mettre en œuvre en Irak, selon deux étapes :

- l’adhésion, dans un délai de trois ans, à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’OMC et à d’autres accords multilatéraux en matière de propriété intellectuelle garantissant l’application adéquate et efficace des obligations qui en découlent ;

- la transposition en droit interne de ces règles internationales, assortie de l’obligation de se doter de moyens efficaces pour faire respecter ces droits.

Un deuxième niveau de protection est demandé à l’Irak, qui doit aussi se conformer à d’autres conventions multilatérales en matière de propriété intellectuelle. Ces stipulations ont une portée moins contraignante que les précédentes, car il est seulement prévu que l’Irak prenne en compte ces textes dans sa législation.

Un mécanisme de règlement des différends est prévu, afin de parvenir, dans toute la mesure du possible, à une solution mutuellement satisfaisante : une concertation doit avoir lieu dans un délai de 30 jours, réduit à 15 jours pour les cas urgents ; à l’expiration de ce délai, la Partie plaignante peut demander la constitution d’un groupe spécial d’arbitrage, composé de 3 membres ; la Partie mise en cause devra informer la Partie plaignante et le comité de coopération (institué au titre V) des mesures prises pour se conformer à la décision du groupe spécial d’arbitrage.

Il a été indiqué à votre Rapporteure qu’il n’existait pas d’évaluation permettant de mesurer précisément l’impact potentiel du titre II de l’accord. Les relations commerciales entre l'UE et l'Irak sont néanmoins prometteuses, de même que les perspectives pour l'Irak, une fois ce pays stabilisé, de devenir un partenaire stratégique de l’UE dans le domaine de l'énergie.

Avant le déclenchement de la crise actuelle, l’UE était déjà le deuxième partenaire commercial de l'Irak, après les États-Unis. En 2012, les échanges bilatéraux avaient atteint un montant total de 17,5 milliards d’euros – 4,7 milliards d'euros d’exportations de l’UE vers l’Irak, constituées essentiellement de machines, d'équipements de transport, de produits chimiques, de denrées alimentaires et d'animaux vivants ; 12,8 milliards d'euros d’importations, dominées à 99,7 % par le pétrole.

3. Le développement d’une coopération sectorielle très étoffée

Le titre III de l’accord (articles 81 à 101) favorise la coopération dans les domaines suivants : le développement social et humain ; l’éducation, la formation et la jeunesse ; l’emploi et le développement social ; la reconnaissance du rôle et de la contribution potentielle d’une société civile organisée ; la promotion et la protection effective des droits de l’homme ; la politique industrielle et la politique à l’égard des petites et moyennes entreprises ; la promotion et la protection des investissements ; les normes industrielles ; l’agriculture, la sylviculture et le développement rural ; l’énergie ; les transports ; l’environnement ; les télécommunications ; les sciences et la technologie ; les questions douanières et fiscales ; la statistique ; la stabilité macro-économique et les finances publiques ; le développement du secteur privé ; le tourisme ; les services financiers.

Afin de réaliser ces objectifs de coopération, il est prévu que l’Irak bénéficie d’une assistance technique et financière, sous la forme d’aides non remboursables (article 81). Cette assistance relève de la coopération au développement de l’Union européenne. Ses objectifs et les domaines couverts sont définis dans un programme indicatif traduisant des priorités établies d’un commun accord entre les deux Parties. Le gouvernement irakien doit désigner un correspondant antifraude responsable de la coopération effective avec les institutions et organes de l’Union compétents en la matière.

4. Les questions de justice, de liberté et de sécurité

Le titre IV de l’accord (articles 102 à 110) favorise le développement d’une coopération pour garantir l’Etat de droit, d’une coopération judiciaire en matière civile et en matière pénale, mais aussi de différentes coopérations destinées à aligner le niveau de protection des données à caractère personnel sur les normes internationales les plus strictes, à gérer conjointement les flux migratoires entre les territoires des Parties (dialogue sur les questions relatives aux migrations, évaluation des besoins, prévention et maîtrise de l’immigration irrégulière, notamment par la réadmission des clandestins) et à lutter contre la criminalité organisée et la corruption, contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que contre les drogues illicites.

De manière plus surprenante, des stipulations favorisant la coopération culturelle (article 109) et la coopération régionale (article 110) sont insérées dans le titre IV de l’accord, intitulé « Justice, liberté et sécurité ».

C. STIPULATIONS INSTITUTIONNELLES, GÉNÉRALES ET FINALES

Un Conseil de coopération (article 111) est chargé de superviser la mise en œuvre de l’accord. Composé de représentants des Parties, il se réunit au niveau ministériel au moins une fois par an. Il peut être saisi de tout différend relatif à l’application et à l’interprétation de l’accord, qu’il peut régler par voie de recommandation. Le conseil de coopération peut aussi examiner toute question bilatérale ou internationale d’intérêt commun.

Une Commission parlementaire de coopération est instituée, à l’article 113, pour permettre des échanges entre membres du Parlement irakien et membres du Parlement européen. Cette commission est informée des recommandations du Conseil de coopération, auquel elle peut elle-même adresser des recommandations.

Les autres stipulations du titre V n’appellent pas de commentaires particuliers, hormis l’article 117.

Cet article permet l’application provisoire d’une partie de l’accord, c’est-à-dire avant son entrée en vigueur. Celle-ci est conditionnée par sa conclusion par l’Union européenne, conformément à l’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et par sa ratification par l’ensemble des Etats membres, selon les procédures prévues par leur droit interne. Il s’agit en effet d’un accord dit « mixte », intervenant dans les domaines de compétence de l’Union européenne et de ses Etats membres.

La possibilité d’application provisoire ne concerne que des stipulations relevant de la compétence exclusive ou partagée de l’Union. Conformément à l’article 3 de la décision du Conseil du 21 décembre 2011 relative à la signature et à l’application provisoire de certaines stipulations de l’accord, l’article 2 (relatif au respect des droits de l’homme), le titre II (commerce et investissements), le titre III (domaines de coopération) et le titre V (dispositions institutionnelles, générales et finales) sont appliqués à titre provisoire depuis le 1er août 2012. Ni le titre I de l’accord (dialogue politique et coopération en matière de politique étrangère et de sécurité), ni le titre IV (Justice, liberté et sécurité) ne sont donc concernés.

A ce jour, l’accord n’a été ratifié que par la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Espagne, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal et la Slovaquie.

III. LE VOLET BILATÉRAL DE LA COOPÉRATION : L’ACCORD DE PARTENARIAT FRANCO-IRAKIEN DU 16 NOVEMBRE 2009

A. UNE COOPÉRATION QUI PARTICIPE AU RENOUVEAU DES RELATIONS FRANCO-IRAKIENNES

1. Des relations bilatérales qui ont été relancées à partir de 2008

Comme le rappelle l’étude d’impact jointe au projet de loi autorisant l’approbation de l’accord du 16 novembre 2009, les relations franco-irakiennes étaient intenses dans les années 1970 et 1980, notamment en matière universitaire, scientifique et culturelle – archéologie, muséologie, échanges universitaires, octroi de bourses, organisation d’expositions et d’événements culturels. Cette coopération s’est ensuite considérablement réduite, jusqu’à se limiter à une activité unilatérale d’enseignement de la langue française depuis notre centre culturel de Bagdad.

Par la suite, si la perception de notre pays par les autorités irakiennes a pu souffrir de notre opposition à l’intervention militaire de 2003, comprise à tort comme une forme de soutien à l’ancien régime, notre image a fini par s’améliorer. Le ministère des affaires étrangères explique cette évolution par notre poids au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, par une meilleure compréhension, a posteriori, de nos positions, mais aussi par le souvenir des coopérations qui existaient dans les années 1970 et 1980 et des réalisations de nos entreprises en Irak à cette époque.

C’est à partir de 2008 que la relation franco-irakienne a vraiment été relancée dans tous les domaines. Ce renouveau s’est manifesté par de nombreuses visites, y compris au plus haut niveau. Le ministre français des affaires étrangères s’est rendu à Bagdad en août 2007 et en juin 2008, le Président de la République en février 2009 et le Premier ministre en juillet de la même année. Du côté irakien, la visite d’Etat à Paris du Président Talabani a été l’occasion de signer le présent accord de coopération culturelle, scientifique et technique, ainsi qu’un accord de coopération en matière de défense, un accord Coface et un accord d’entente avec l’Agence française de développement (AFD). Le rythme des contacts bilatéraux s’est ensuite ralenti de 2010 à l’été 2014, en raison de la difficile formation du gouvernement irakien après les élections législatives de 2010 et de la crise politique qui s’est ensuite instaurée.

Au plan commercial, les échanges entre la France et l’Irak se sont élevés à 1,34 milliard d’euros en 2013, contre 1,75 milliard d’euros en 2012, soit un recul de 23 %. Cette baisse se traduit à la fois dans nos importations (-17 %) et dans nos exportations (-31 %). La tendance à la baisse semble se poursuivre au cours de l’année 2014 (-27,8 % en glissement annuel pour le 1er trimestre).

La France occupait en 2013 une part de marché de 1,94 % en Irak – un montant en deçà de son potentiel, mais à considérer avec prudence du fait de l’absence de statistiques fiables. Notre pays est largement devancé par la Turquie (26 % de part de marché), qui s’impose comme le principal fournisseur de l’Irak en produits de consommation courante, et par la Chine, dont la part de marché ne cesse d’augmenter (jusqu’à atteindre 15 % aujourd’hui). Parmi les pays de l’OCDE, la France se situe en deçà des Etats-Unis (5 % de parts de marché) et de l’Allemagne (3 %), mais tout de même à un niveau comparable à celui de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni.

Notre balance commerciale avec l’Irak, important exportateur de pétrole, est en règle générale déficitaire. Le quasi équilibre atteint en 2011 (-41 millions d’euros sur 1,62 milliard d’euros d’échanges) était exceptionnel. Notre déficit commercial a ainsi atteint 338 millions d’euros en 2013, contre 279 millions en 2012. En 2013, nos exportations se sont établies à 500 millions d’euros, contre 730 millions un an plus tôt. Ces niveaux sont loin du potentiel offert par l’Irak, et la baisse de nos performances s’explique à la fois par la montée en puissance de la concurrence asiatique et turque, par une faible diversification (notamment en raison d’une présence insuffisante sur les produits agricoles, pharmaceutiques et chimiques) et par la dégradation de la situation sécuritaire en Irak.

Les investissements français en Irak ont progressé depuis 2009, en dépit des contraintes d’accès au marché et de la dégradation de la situation sécuritaire. Ces investissements ciblent les secteurs clés du développement de l’Irak. Total reste le 1er investisseur français, suivi de Lafarge. Le Service économique de Bagdad répertorie plus de 2 milliards d’euros d’investissements réalisés ces dernières années. Au total, 54 entreprises françaises seraient implantées en Irak, en particulier dans les secteurs de la construction, de l’énergie, des transports, des télécommunications et de l’agroalimentaire. Les sociétés françaises sont aussi présentes en Irak dans d’autres secteurs économiques, comme la santé et l’industrie, via la concession de franchises à des partenaires locaux qui assument l’investissement et reversent des royalties.

2. Une coopération bilatérale active

a. La coopération culturelle

Inauguré le 11 février 2012, l’Institut français en Irak (IFI) a pris la succession du centre culturel français à Bagdad, qui avait été créé en 1953. Outre des salles de cours, l’Institut est composé d'une bibliothèque, d’une salle de cinéma et de théâtre, pouvant accueillir 80 personnes, et d'un espace Campus France.

En 2013, l’Institut a soutenu une trentaine d’actions culturelles, notamment en matière de musique classique – orchestre national des jeunes musiciens irakiens –, de théâtre – projet « Siwa » réunissant des metteurs en scène français et irakiens – et d’architecture – colloque autour du gymnase Le Corbusier de Bagdad. L’Institut français s’est également associé aux activités de « Bagdad, capitale culturelle du monde arabe 2013 », pilotées par le ministère de la culture irakien.

L’Institut français à Erbil a, quant à lui, ouvert ses portes à l’automne 2009 pour répondre à la forte demande de coopération des autorités kurdes. Cette demande a notamment débouché sur une participation au festival international de théâtre d'Erbil, où une troupe française se produit chaque année, et au festival international de cinéma de Dohuk – où une priorité a été donnée au cinéma français lors de l'édition 2014. L’Institut français à Erbil joue aussi un rôle de moteur dans des projets culturels franco-kurdes, qui sont bien relayés par le ministère de la culture et les médias locaux.

L'Institut Français du Proche Orient (IFPO) (3) a ouvert à l'été 2011 un bureau dans la ville d'Erbil, où il intervient dans différents domaines, comme l’archéologie, les sciences sociales et humaines, ou encore l’histoire de l'antiquité. Depuis le mois de novembre 2012, l'IFPO a quitté ses bureaux temporaires pour s'installer dans la « maison Chalabi », située à l'intérieur de la citadelle d'Erbil, qui a été classée en juin 2014 au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Ce bâtiment est prêté par les autorités locales, lesquelles souhaitent faire de la citadelle d’Erbil un pôle d’attraction à moyen terme. Malgré sa rénovation, dans laquelle la société Lafarge a investi quelque 200 000 euros, la « maison Chalabi » pourrait être davantage utilisée et mieux connue du grand public.

Dans le domaine de l’archéologie, notre activité se concentre sur la région autonome du Kurdistan irakien, où cinq missions sont menées par des équipes françaises. Notre présence archéologique reste globalement assez faible, notamment au Sud de l’Irak, où nous ne sommes pas présents. D’autres pays – Etats-Unis et Italie – ont procédé à la relance de leurs programmes dans le Sud en 2013, mais ils ont dû les interrompre depuis les évènements de l’été 2014. A ce stade, la situation sécuritaire ne permet pas de faire des projections pour la reprise des activités archéologiques en dehors du Kurdistan, en dépit d’un potentiel de prospection exceptionnel.

b. La coopération éducative et linguistique

Pour ce qui est de l’enseignement des langues étrangères, l’Irak demeure un pays majoritairement anglophone et les moyens financiers à la disposition du service culturel et de coopération de l’ambassade, surtout orientés vers un programme boursier à coûts partagés que votre Rapporteure va présenter, ne permettent pas de soutenir les établissements publics ou privés qui enseignent le français, malgré l’existence d’une demande.

Le contexte sécuritaire ne permet pas davantage l’envoi de lecteurs, de volontaires internationaux ou de stagiaires « Français Langue Etrangère » (FLE). Dans la région autonome du Kurdistan irakien, un contexte plus francophile facilite en revanche notre action. Les moyens financiers restant néanmoins limités, l’initiative est entre les mains des communautés locales, avec un soutien de l’antenne de l’IFI à Erbil.

A la suite de la signature d’une convention avec le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK), le 9 octobre 2009 à Paris, la mission laïque française (MLF) a ouvert deux écoles internationales françaises à Erbil et à Souleymanieh.

Avec 130 élèves scolarisés à la rentrée 2013, l’école Danielle Mitterrand d’Erbil bénéficie d’une image très positive auprès des autorités locales comme auprès du public. L’école, qui a reçu en octobre 2013 une mission de l’Inspection de l’Education nationale, a obtenu un avis favorable de la commission interministérielle d'homologation des établissements d'enseignement français à l'étranger pour les cycles 1, 2 et 3 (maternelle et primaire). Elle devrait être effective à la rentrée 2014.

L’école Danielle Mitterrand de Souleymanieh, qui était initialement soutenue par la MLF, a été confrontée à de graves difficultés dès son ouverture. Sa fermeture est intervenue le 30 juin 2013. L’association franco-kurde « Dialog », fondée en 2013 et soutenue par le consul général, a créé une nouvelle école qui a pu ouvrir ses portes dès la rentrée 2013. Elle accueille déjà 50 enfants, dans les mêmes locaux. Cette école, inaugurée par l’Ambassadeur le 29 octobre dernier, porte également le nom de « Danielle Mitterrand ». Un partenariat avec l’Institut français d’Irak à Erbil a permis l’ouverture de cours de langue pour adultes à l’école l’après-midi. L’école a entamé un dialogue avec l’AEFE afin d’être accompagnée dans l’obtention d’une homologation.

c. La coopération universitaire

Notre contribution à la formation des élites intellectuelles irakiennes correspond à une forte attente des autorités, qui ont besoin de compétences pour la reconstruction du pays. C’est aussi une coopération susceptible de renforcer notre influence dans un pays désireux de diversifier ses partenariats.

L’appui qu’apporte notre ambassade en Irak consiste à promouvoir les programmes boursiers à coûts partagés signés en 2012 avec le ministère de l'enseignement supérieur (MESR) du gouvernement fédéral et celui de la région autonome du Kurdistan. Cet accompagnement vise à remplacer progressivement les bourses à taux plein existantes et à soutenir la pré-formation linguistique des candidats retenus.

Nous accueillons actuellement, dans le cadre du programme boursier à coûts partagés avec le MESR du gouvernement fédéral, deux promotions, soit 189 étudiants. Certaines difficultés – en particulier le faible niveau linguistique et académique de certains boursiers, sélectionnés uniquement par la Partie irakienne – ont conduit à une suspension temporaire du programme en 2014. Le programme boursier avec le Kurdistan d’Irak concerne aujourd’hui trois promotions, soit 102 boursiers.

d. L’appui à la société civile et la coopération en matière de gouvernance

Le renforcement de l'Etat de droit et le respect des droits de l'Homme et des normes démocratiques font partie des priorités affichées par les autorités irakiennes.

Notre ambassade soutient le réseau « Women Support Network in Kurdistan » qui rassemble ONU-Femmes, des ONG, des organes ministériels, ainsi que des institutions étrangères. Très actif, en particulier sur Internet, ce réseau est régulièrement à l’origine de propositions, notamment dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes. Depuis 2011, trois ONG ont bénéficié du soutien financier du service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’ambassade dans le domaine des droits des femmes, de leur accès au travail et de l’aide médicale aux populations féminines dans les zones rurales.

Dans le domaine de la gouvernance, en 2013, l'action du SCAC s’est essentiellement portée sur le financement de bourses en France au profit de juristes irakiens et de plusieurs initiatives en direction des médias – soutien local à la radio « Al Mahaba », formation en France (au sein de France 24) de six journalistes – et en direction des forces de l’ordre – avec la formation de dix officiers de police, membres de la nouvelle unité de protection des familles. Trois délégués irakiens ont par ailleurs été invités à participer au séminaire contre la peine de mort co-organisé par le ministère des affaires étrangères et notre Assemblée, les 9 et 10 octobre 2013, et huit fonctionnaires du Parlement irakien ont pu se rendre à Paris, du 13 au 20 avril, dans le cadre de la coopération parlementaire, pour une formation portant sur les questions budgétaires.

3. Une coopération qui se poursuit

L’Institut français en Irak (IFI) reste le seul centre culturel international en activité à Bagdad, en « zone rouge ». L’aggravation du contexte sécuritaire depuis le mois de juin dernier a cependant contraint l’IFI à renoncer à l’organisation d’évènements hors les murs.

Le développement des échanges dans les domaines du patrimoine et de l’enseignement supérieur est par ailleurs envisagé à court et long termes, notamment dans la perspective de formations aux métiers de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine.

Enfin, dans le contexte actuel, notre coopération humanitaire est probablement appelée à se développer encore.

Dans la situation particulièrement grave que l’Irak connaît aujourd’hui, l’approbation de l’accord de partenariat pour la coopération franco-irakienne du 16 novembre 2009 serait un gage très fort de notre volonté de continuer à agir sur le long terme en Irak.

B. LES STIPULATIONS DE L’ACCORD DE PARTENARIAT FRANCO-IRAKIEN

1. Un support juridique unique pour favoriser la coopération bilatérale

L’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre la France et l’Irak a pour objet de refonder et de renforcer la coopération bilatérale.

Conformément à son article 25, l’accord du 16 novembre 2009 se substituera à terme, dès son entrée en vigueur, aux accords préexistants :

– l’accord de coopération culturelle du 24 avril 1969 ;

– l’accord de coopération technique du 19 juin de la même année ;

– ainsi que les avenants et échanges de lettres subséquents.

En revanche, l’accord de 2009 ne concerne pas la coopération en matière de défense, pour laquelle un accord a été signé le 16 novembre 2009. Ce dernier texte n’a pas encore été ratifié par la Partie irakienne.

2. Un champ très large d’actions

Le deuxième alinéa de l’article 1er définit les objectifs, assez classiques, du partenariat entre la France et l’Irak. Il s’agit de contribuer :

– à une meilleure connaissance réciproque de leurs cultures respectives ;

– au développement de leurs ressources humaines ;

– à la gestion durable des ressources naturelles, notamment dans le domaine agricole.

Notre expertise est attendue par la Partie irakienne dans de nombreux domaines. Le premier alinéa de l’article 1er en établit la liste suivante : éducation, sport et jeunesse ; culture et livre ; production audiovisuelle et journalisme ; archéologie, muséologie, valorisation du patrimoine historique et naturel ; enseignement supérieur et recherche scientifique ; gouvernance et justice ; coopération décentralisée ; participation de la société civile ; développement économique et social.

Au-delà de la simple énumération figurant à l’article 1er, plusieurs stipulations de l’accord contribuent à dessiner plus précisément les contours de la coopération à mener. La rédaction de l’accord demeure toutefois suffisamment générale pour couvrir des actions variées dans tous les domaines visés :

– étude de la langue et de la culture (article 2) ;

– développement des activités du centre culturel français de Bagdad et du centre culturel irakien de Paris ; soutien à la circulation des œuvres et des créateurs (article 4) ;

– coopération entre bibliothèques et maisons d’édition ; échange et traduction d’ouvrages (article 5) ;

– coopération dans le domaine des médias, notamment audiovisuels, et formation des journalistes (article 6) ;

– patrimoine archéologique et historique (article 7) ;

– enseignement supérieur et recherche (articles 8 à 10) ;

– gouvernance démocratique, Etat de droit et modernisation du secteur public (article 11) ;

– législation et justice (article 12) ;

– société civile (article 14) ;

– relations économiques et financières (article 15) ;

– environnement des affaires (article 16) ;

– gestion durable des ressources naturelles (article 18) ;

– développement agricole (article 19).

3. Les stipulations relatives à la mise en œuvre de la coopération

En vertu de l’article 3, les deux Parties doivent faciliter l’implantation et le bon fonctionnement des centres d’enseignement et des établissements scolaires, dans le cadre de leur législation.

Le 3e alinéa de l’article 7 demande à la Partie irakienne de faciliter les travaux des missions archéologiques françaises en Irak.

L’article 8 répartit les coûts des visites de courte durée en France de la manière suivante : frais de séjour et frais de transport en France à la charge de notre pays ; frais de voyage aller et retour entre l’Irak et la France à la charge de la Partie irakienne.

Au plan financier, l’article 9 prévoit aussi que le financement des bourses d’étude, des frais de formation et des indemnités de stage est partagé par les deux Parties, sauf programme exceptionnel, décidé en commun.

Le même article établit une commission mixte de l’enseignement supérieur et des bourses, chargée de définir les priorités de la coopération universitaire et de la sélection des bourses selon des modalités définies par accord entre les Parties.

L’article 13 a pour objet de favoriser le développement de la coopération décentralisée. Elle est inactive à ce stade, principalement pour des raisons de sécurité. Certaines collectivités ayant accueilli des réfugiés kurdes dans les années 1980 souhaitent néanmoins développer des coopérations avec des villes de la région autonome du Kurdistan.

L’article 17 consacre le rôle de l’Agence française de développement (AFD), tout en renvoyant à une convention spécifique conclue avec l’Etat irakien.

L’AFD en Irak

Malgré l’abondance de ses ressources pétrolières, l’Irak devrait avoir recours pour de nombreuses années encore à l’aide financière internationale, tant les besoins liés à l’effort de reconstruction restent considérables. La structure de l’aide, jusqu’ici principalement octroyée sous forme de dons, se transforme progressivement en offre de prêts, aujourd’hui bonifiés et demain sans bonification.

Un bureau de l’AFD a été ouvert en octobre 2010 à Bagdad. En raison du contexte sécuritaire, la présence de l’AFD en Irak est assurée depuis l’été 2013 à partir de l’agence d’Amman, celle-ci disposant désormais d’une double compétence géographique.

L’AFD a été sollicitée par les autorités centrales et par la région autonome du Kurdistan en 2011 pour financer des projets de réhabilitation de périmètres irrigués, d’une part dans la région de Kut en Mésopotamie (financement envisagé : 60 M€), et d’autre part dans la région de Soran au Kurdistan (pour 40 M€). La complexité de ces projets implique la réalisation préalable d’importantes études de faisabilité, dont le financement sera assuré par les autorités concernées.

L’AFD envisage aussi de participer au financement d’autres projets identifiés par la Banque mondiale, notamment en ce qui concerne la réhabilitation et le développement de réseaux d’eau et d’assainissement dans l’agglomération de Bagdad.

PROPARCO, filiale de l’AFD dédiée au financement du secteur privé, a déjà octroyé trois financements en partage de risque avec la Société financière internationale, l’un dans le secteur des télécommunications et deux autres pour la modernisation de cimenteries, en appui au groupe Lafarge.

L’article 20 reconnaît à la société civile un rôle de proposition en matière de coopération, détaille les différentes formes que les actions peuvent prendre (bourses, échanges de visites, études et expertise…), et permet le recours à des opérateurs publics comme privés.

Le premier alinéa de l’article 21 demande à chacune des Parties de permettre le libre transfert hors de son territoire des sommes perçues ou versées au titre des activités de coopération, y compris les salaires, indemnités et cotisations.

Les 2e et 3e alinéas du même article comportent des mesures d’exonération ou de franchise de droits et taxes pour les matériels ou équipements d’appui et pour les transactions de tout ordre (documentation et matériel) dans le cadre des actions de coopération.

L’article 22, relatif à l’accueil des équipes d’assistance technique envoyées par la France pour accompagner la mise en œuvre des projets de coopération, demande que les bénéficiaires irakiens de ces projets mettent à disposition les moyens logistiques nécessaires. Les conditions de cette mise à disposition sont renvoyées à des accords particuliers.

Le 6e alinéa du même article permet l’importation en Irak, en suspension des droits et taxes douanières et en dispense des formalités relatives au contrôle extérieur et des changes, de mobilier et effets ou objets personnels, y compris un véhicule particulier.

Par l’article 23, les deux Parties s’engagent à faciliter le déplacement et le séjour des personnels concernés par l’accord. Cette clause, souvent formulée de manière assez générale dans les accords de coopération, est ici assortie d’engagements précis, notamment une exemption de permis de travail pour les experts concernés et des immunités de juridiction pour les actes et paroles accomplis et proférés dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

L’article 24 crée une commission mixte, culturelle, scientifique et technique, chargée de définir les grandes priorités de la coopération bilatérale et d’en assurer le suivi. Cette commission, formée de représentants des deux pays, doit se réunir alternativement à Paris et à Bagdad, au moins une fois tous les trois ans.

4. Stipulations finales

L’article 26, relatif à l’entrée en vigueur de l’accord, n’appelle pas de commentaires particuliers. L’accord prendra effet le deuxième jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la dernière notification. A ce stade, la Partie irakienne n’a pas encore transmis son instrument de ratification de l’accord.

Aux termes de l’article 27, l’accord restera en vigueur pour une durée de 5 années renouvelable par tacite reconduction.

CONCLUSION

L’accord de partenariat et de coopération (APC) signé le 11 mai 2012 permettra de développer et d’approfondir les relations entre l’Union européenne et l’Irak. L’APC inscrit en effet ces relations dans un cadre d’ensemble, une perspective de long terme et une relation partenariale qui faisaient défaut jusqu’à présent. Ce texte devrait conférer une plus grande visibilité et une plus grande efficacité à l’action de l’Union européenne en Irak.

Quant à l’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre la France et l’Irak, signé le 16 novembre 2009, il inscrit également notre action dans un cadre plus global. Cet accord, qui renouvelle notre engagement aux côtés de l’Irak, devrait permettre de consolider et d’élargir une coopération bilatérale déjà active dans de nombreux domaines – coopération culturelle ; coopération éducative et linguistique ; coopération universitaire ; appui à la société civile et coopération en matière de gouvernance.

Bien que l’Irak ne se trouve plus dans la phase de « reconstruction » ou dans la logique « post-crise » auxquelles font référence les documents accompagnant les projets de loi dont la Commission est saisie, ces deux accords UE-Irak et France-Irak conservent toute leur pertinence :

– ces textes permettent de conforter et de renforcer la coopération dans des secteurs dont les dysfonctionnements expliquent en grande partie la crise aiguë qui est de nouveau celle de l’Irak – bonne gouvernance, Etat de droit, justice ou encore secteur de la sécurité ;

– l’APC UE-Irak permettra d’instaurer un dialogue politique structuré et régulier qui pourrait notamment être l’occasion d’échanger sur les politiques dites « d’inclusivité » que le nouveau Premier ministre irakien s’est engagé à mettre en œuvre à l’égard des différentes composantes de la société irakienne, et qui sont primordiales pour favoriser une solution politique à la crise actuelle ;

– ces deux accords encouragent des coopérations visant à répondre à des besoins structurels massifs que l’Irak continue à connaître dans de nombreux domaines, et que la situation actuelle ne doit pas contribuer à occulter – des avancées dans les différents secteurs concernés contribueront aussi à la stabilisation de l’Irak à plus long terme.

C’est au bénéfice de ces observations que votre Rapporteure vous invite à adopter les deux projets de loi soumis à la Commission.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 8 octobre 2014, à 16 h30.

Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Merci pour votre rapport très détaillé et argumenté.

M. Jean-Paul Dupré. Au regard des événements qui se déroulent en Irak, quelles peuvent être la crédibilité et l’applicabilité de ces accords ? Je pense en particulier à la coopération en matière de respect des droits de l’homme. Il est néanmoins vrai que l’approbation de ces accords offrirait un témoignage utile de notre soutien à l’avenir démocratique de ce beau pays qu’est l’Irak.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Je suis d’accord avec vous : il est un peu surréaliste de débattre de ces accords dans le contexte actuel. Cela dit, en ce qui concerne la France, il s’agit d’actualiser notre coopération, qui repose sur des textes datant de 1969. L’un des piliers de ces deux accords est, par ailleurs, le renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance, sujets qui importent beaucoup en Irak. Le signal envoyé et l’aide que nous pouvons proposer ne sont pas sans signification.

M. Thierry Mariani. Je voterai les deux projets de loi. Mais il s’agit plus d’un acte de foi que du réalisme, car je partage les interrogations de mon collègue Jean-Paul Dupré.

L’accord avec l’Union européenne a commencé à être négocié en 2006, il a été signé en 2009, puis paraphé à Bruxelles en 2012. Il n’entrera en vigueur que lorsque le dernier Etat l’aura ratifié. Où en est-on exactement ? Entre le début de la négociation et la mise en application, 10 ans vont probablement s’écouler, ce qui est un record.

L’article 105 de l’accord prévoit une coopération en matière de migration et d’asile avec l’Irak, qui doit assurer la réadmission sur son territoire de ses ressortissants refoulés. Je m’interroge sur le nombre de laissez-passer consulaires que les autorités irakiennes ont accordés récemment.

M. François Rochebloine. Merci à notre rapporteure pour son exposé très complet.

Je tiens à saluer l’action du Président de la République, du ministre des affaires étrangères et des hauts dignitaires religieux qui se sont récemment rendus en Irak. La situation de ce pays est extrêmement grave. Plus de deux mille Kurdes manifestaient hier devant l’Assemblée nationale, et ils exprimaient une vraie douleur.

Sans doute vaudrait-il mieux, d’ailleurs, qu’ils ne soient pas informés de l’examen de ces projets de loi, car ils ne correspondent pas à ce qu’ils attendent de nous. C’est quasiment de la provocation. Même les hauts dignitaires religieux appellent à fournir des armes. Il est d’ailleurs bien dommage que ces accords ne concernent pas la défense.

En ce qui concerne les mesures relatives à la circulation des armes, on voit bien, là aussi, le décalage avec la réalité.

Je voterai bien sûr les projets de loi, mais je vois mal l’intérêt de les examiner aujourd’hui. Il est bon, en revanche, que nous puissions évoquer la situation en Irak.

M. Axel Poniatowski. Il me paraît plutôt heureux que ces deux textes viennent en discussion aujourd'hui. C’est plutôt un signe encourageant que nous pouvons adresser aux Irakiens, afin de les soutenir dans la reconstruction de leur pays.

S’agissant de l’accord bilatéral de coopération, où en est-on du côté irakien ? On peut imaginer que la ratification ira plus vite pour cet accord. Quelles sont les perspectives ? Quant à l’accord avec l’Union européenne, j’aimerais savoir quels sont les autres Etats membres qui l’ont déjà ratifié.

M. Jean-Pierre Dufau. Je comprends les interrogations sur le télescopage entre l’évolution de la situation en Irak et l’examen de ces deux textes, mais il serait incompréhensible de ne pas faire preuve de la même volonté que d’autres pays européens.

La question kurde est évidemment complexe. Nous sommes nombreux à être interpellés par des Kurdes syriens. La question se pose aussi en Irak, dans des termes différents.

M. Jean-Marc Germain. Je voudrais saluer à mon tour la qualité du travail réalisé par notre rapporteure.

Ces deux textes viennent en examen bien tard, et peut-être de manière incongrue, mais les partenariats noués avec l’Irak n’en sont pas moins fondamentaux. On peut d’ailleurs se demander si ce n’est pas ce qui a manqué à ce pays pour stabiliser plus tôt sa situation. Le moment venu, ces accords permettront de construire plus durablement en Irak.

Je remercie notre collègue François Rochebloine d’avoir salué l’action du Président de la République et du Gouvernement français. Le Président irakien, que j’ai rencontré lorsqu’il est venu à Paris, compte beaucoup sur l’amitié franco-irakienne pour aller de l’avant.

Nous défendons tous l’idée d’un Irak uni, rassemblant les chiites, les sunnites et les kurdes. Nous devons donc apporter à cet Etat les moyens d’exister. Même si cela ne suffira pas, et même si cela ne doit pas non plus se substituer à l’action de court terme qui est nécessaire pour protéger les populations, ces accords font partie de l’aide que nous pouvons apporter pour aider l’Irak à se projeter dans un avenir démocratique et unifié.

La constitution de trois Etats qui cohabiteraient ensemble pourrait peut-être régler un certain nombre de problèmes à court terme, mais il pourrait ensuite en résulter des difficultés bien plus grandes, pouvant même confiner à des guerres de religion.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. L’accord entre l’Union européenne et l’Irak a déjà été ratifié par la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Espagne, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal et la Slovaquie. Comme pour d’autres accords internationaux, on peut en effet s’interroger sur les délais de ratification dans notre pays.

L’intérêt de ces deux accords est d’abord de montrer notre volonté d’aider l’Irak. Ensuite, ce n’est pas parce que ce pays va mal que nous devons cesser de lui proposer notre coopération. Les Etats-Unis disposent, pour leur part, d’un budget considérable pour mettre en œuvre un « accord-cadre stratégique » avec l’Irak, peut-être avec l’idée de bénéficier un jour d’un « retour » au plan économique. Au plan européen, même si le programme EUJUST-Lex s’est arrêté à la fin de l’année 2013, il faut reprendre les coopérations précédemment engagées dans ce cadre, afin d’aider l’Irak à se reconstruire dans de bonnes conditions. Quant à notre pays en particulier, il a depuis très longtemps des relations importantes avec l’Irak. Il serait dommage de les interrompre.

Je ne suis pas certaine que la délivrance des laissez-passer consulaires dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière soit aujourd’hui une priorité en ce qui concerne l’Irak. Nous avons plutôt été sollicités par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin d’accueillir des Irakiens en grande difficulté. Environ 500 demandes ont déjà été enregistrées à Badgad et à Erbil, avec une réponse positive dans 370 cas.

L’Irak n’a pas encore transmis son instrument de ratification de l’accord bilatéral de coopération. La situation ne facilite pas le travail du Parlement irakien.

Comme l’a indiqué Jean-Pierre Dufau, la question kurde est complexe. Nos actions de coopération concernent aussi les autorités de la région autonome du Kurdistan en Irak. Ces coopérations sont un des moyens de favoriser une plus grande stabilité dans ce pays.

L’accord franco-irakien de coopération ne concerne pas les questions de défense. Elles font l’objet d’un accord spécifique, signé en 2009. Il m’a été indiqué par le ministère des affaires étrangères que cet accord n’avait pas encore été ratifié par la partie irakienne.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification les projets de loi (n° 1339 et n° 1340).

ANNEXES

ANNEXE N°1

AUDITIONS 

Néant

ANNEXE N°2

CARTE DE L’IRAK

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ANNEXE N°3

DÉCLARATION COMMUNE DU 2 JUILLET 2009

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak, signé à Paris, le 16 novembre 2009 et dont le texte est annexé à la présente loi.

*

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Irak, d’autre part (ensemble quatre annexes), signé à Bruxelles le 11 mai 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des deux accords figure en annexe aux projets de loi (n° 1339 et n° 1340)

© Assemblée nationale

1 () Cette déclaration figure en annexe du présent rapport.

2 () Dans les autres cas, avant de prendre des mesures appropriées, il convient de fournir au Conseil de coopération tous les éléments nécessaires à un examen approfondi de la situation dans un délai de 30 jours ou bien, lorsque l’obligation concernée découle du titre II de l’accord, ce sont les procédures de règlement des différends mises en place par ce même titre qui s’appliquent.

3 () L’Institut Français du Proche-Orient (IFPO) est issu, en 2003, du regroupement de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient (IFAPO), de l’Institut français d’études arabes de Damas (IFEAD) et du Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC).