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N
° 2357

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI relatif à la réforme de l’asile,

par Mme Chantal GUITTET

Députée

Voir les numéros  :

Assemblée nationale : 2182, 2366, 2379.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. UNE NÉCESSAIRE RÉFORME DE L’ASILE EN FRANCE 9

A. FAIRE FACE À L’ÉVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE 9

1. Une hausse considérable depuis 2007 9

2. Une évolution en 2014 qui doit être considérée avec une certaine prudence 11

B. LA NÉCESSITÉ DE RÉDUIRE LES DÉLAIS D’EXAMEN DES DEMANDES D’ASILE 13

1. Des délais excessivement longs 13

a. A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides 13

b. A la Cour nationale du droit d’asile 15

c. Des délais « cachés » qui rallongent la procédure 16

2. Des répercussions en cascade sur le fonctionnement de notre système d’asile 17

C. UN DISPOSITIF D’ACCUEIL SATURÉ 18

1. Des centres d’accueil pour demandeurs d’asile sous-dimensionnés 18

2. Un recours excessif à l’hébergement d’urgence 19

II. VERS UNE PLUS GRANDE HARMONISATION DES RÉGIMES D’ASILE AU PLAN EUROPÉEN 21

A. UNE PREMIÈRE PHASE JUGÉE INSUFFISAMMENT POUSSÉE EN MATIÈRE D’HARMONISATION 21

1. L’établissement de normes minimales communes 21

2. Une convergence limitée 23

B. LES NOUVEAUX INSTRUMENTS LÉGISLATIFS DU « PAQUET ASILE » 25

1. La directive dite « qualification » 25

2. La directive dite « accueil » 26

3. La directive dite « procédures » 26

4. Le règlement dit « Dublin III » 27

C. LA COOPÉRATION PRATIQUE 28

1. Le nécessaire rapprochement des pratiques au plan européen 28

2. La contribution du Bureau européen d’appui en matière d’asile 29

III. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DONT LA COMMISSION S’EST SAISIE POUR AVIS 33

A. SÉCURISER LES CONDITIONS D’OCTROI DU STATUT DE RÉFUGIÉ ET DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE 33

1. Une clarification et une harmonisation bienvenues 33

2. L’établissement de la liste des pays d’origine sûrs 34

B. AJUSTER LE FONCTIONNEMENT DE L’OFPRA ET DE LA CNDA 38

1. La recherche d’une plus grande efficacité 38

a. Des procédures nouvelles à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides 38

b. A la Cour nationale du droit d’asile 40

c. L’asile à la frontière et les décisions de transfert vers un autre Etat responsable de l’examen de la demande 41

2. En corollaire, des garanties renforcées pour les demandeurs d’asile 42

a. A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides 42

b. A la Cour nationale du droit d’asile 44

C. AMÉLIORER LE CONTENU DE LA PROTECTION 44

1. Le droit au séjour et les titres de voyage 44

2. La réunification familiale 46

3. Une meilleure prise en compte des vulnérabilités 47

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 49

II. EXAMEN DES ARTICLES 57

Article 2 : Statut de réfugié 57

Article 3 : Protection subsidiaire 58

Article 4 : Dispositions communes au statut de réfugié et à la protection subsidiaire 58

Article 5 : Missions de l’OFPRA 58

Article 6 : Mode de désignation des pays d’origine sûrs 59

Article 7 : Examen des demandes par l’OFPRA 59

Article 8 : Refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile 62

Article 10 : Cour nationale du droit d’asile 62

Article 13 : Procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile 64

Article 18 : Droit au séjour des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des membres de leur famille 64

Article 19 : Contenu de la protection accordée 64

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 67

INTRODUCTION

Des délais d’examen des demandes d’asile excessivement longs, un dispositif d’accueil sous-dimensionné par rapport aux besoins réels des demandeurs, des moyens budgétaires en forte hausse, sans que des réponses cohérentes et satisfaisantes soient apportées, mais aussi des déboutés du droit d’asile dans des situations inextricables : la pérennité de notre système d’asile n’ira pas sans une profonde rénovation de son mode de fonctionnement.

Pour ne pas être un renoncement à notre tradition d’accueil des étrangers qui ont des motifs légitimes de demander à être placés sous la protection de la France, cet effort de rénovation doit permettre de laisser intacts les principes de notre droit d’asile, tout en rendant à ces principes toute leur effectivité. Tels sont les enjeux du présent projet de loi.

Ce texte vise à rendre plus efficace et plus équitable le fonctionnement du système d’asile en France, à l’occasion de la nécessaire transposition de trois nouvelles directives adoptées entre 2011 et 2013 (dites « qualification », « accueil » et « procédures »), afin de renforcer l’harmonisation au plan européen et de créer un véritable régime commun d’asile.

La Commission des affaires étrangères s’est naturellement saisie pour avis de ce projet de loi. Elle exerce, en effet, un suivi régulier et attentif de notre politique d’asile, celle-ci trouvant un double ancrage dans la convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés, dont le protocole de 1967 a levé les restrictions géographiques et temporelles, et dans les normes adoptées au plan européen.

La Commission des affaires sociales s’étant également saisie pour avis de ce projet de loi, votre Commission s’est centrée sur les articles 2 à 8, 10, 13, 18 et 19, qui concernent les conditions d’éligibilité à la protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire –, les procédures applicables en la matière, ainsi que le contenu de la protection accordée par la France.

Après avoir exposé la nécessité interne de la réforme qui est proposée à l’Assemblée nationale, au regard de la situation de notre système d’asile, puis les exigences qui résultent de l’approfondissement de l’harmonisation au plan européen, votre Rapporteure présentera les principales dispositions du projet de loi dont la Commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis.

I. UNE NÉCESSAIRE RÉFORME DE L’ASILE EN FRANCE

A l’occasion des auditions qu’elle a menées (1), votre Rapporteure a pu constater l’existence d’un degré assez élevé de convergence en ce qui concerne le diagnostic et la nécessité de réformer notre système d’asile, qui est manifestement à bout de souffle.

A. FAIRE FACE À L’ÉVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE

L’augmentation de la demande d’asile adressée à la France est la première caractéristique de la situation actuelle.

1. Une hausse considérable depuis 2007

Pour la 6année consécutive, l’année 2013 a été marquée par une nouvelle hausse de la demande de protection internationale en France (statut de réfugié au sens de la convention de Genève, protection subsidiaire (2) et statut d’apatride). Le nombre des demandes enregistrées s’est élevé à 66 251 (réexamens et mineurs accompagnants compris) (3), soit une augmentation de 7,8 % par rapport à l’année précédente. Depuis 2007, la demande de protection internationale est en hausse de 87 %.

En 2013, la hausse des premières demandes de protection internationale (hors demandes de réexamen) concerne en premier lieu les demandeurs en provenance du continent africain (avec 17 133 premières demandes, hors mineurs accompagnants). Leur origine est principalement la République démocratique du Congo (3 966 demandes), la Mauritanie (918 demandes), la Guinée (891 demandes), le Soudan (749 demandes) et la Côte d’Ivoire (784 demandes) (4).

L’Europe demeure le second continent d’origine des premières demandes, avec 15 828 demandes enregistrées en 2013, hors mineurs accompagnants. Ces demandes sont pour l’essentiel en provenance du Kosovo (3 514 demandes), d’Albanie (3 288 demandes), de la Russie (2 609 demandes) et de la Géorgie (1 757 demandes). On peut aussi noter que le nombre des demandeurs originaires des Balkans est globalement en diminution depuis le second semestre de l’année 2013.

Le 3continent d’origine des premières demandes de protection internationale est l’Asie, avec 10 953 demandes enregistrées, hors mineurs accompagnants. Les trois premiers pays d’origine étaient en 2013 le Bangladesh (2 921 demandes), la Chine (2 123 demandes), le Sri Lanka (1 771 demandes) et le Pakistan (1 683 demandes).

En 2013, le continent américain n’était à l’origine que de 1 784 premières demandes de protection internationale, dont 375 en provenance d’Haïti et 167 de la République dominicaine.

Comme le montre le graphique ci-dessous, la France se trouve actuellement dans la partie haute d’un cycle en matière de demande d’asile. Le niveau atteint reste néanmoins en-deçà des pics de 1989 et de 2004.

Source : rapport d’activité 2013 de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

Loin d’être propre à la France, cette tendance à la hausse est constatée dans l’ensemble de l’Union européenne, où la demande d’asile a quasiment doublé depuis cinq ans.

Source : Eurostat

Au plan international, la France se situe désormais au troisième rang des pays industrialisés pour l’accueil des demandeurs d’asile, derrière les Etats-Unis et l’Allemagne. Elle se trouve à la deuxième place au sein de l’Union européenne, où la demande d’asile reste très concentrée sur cinq pays. L’Allemagne (avec 127 000 demandes), la France (environ 65 000 demandes), la Suède (54 000 demandes), le Royaume-Uni (30 000 demandes) et l’Italie (28 000 demandes) représentent ainsi 70 % des demandes d’asile au plan européen.

2. Une évolution en 2014 qui doit être considérée avec une certaine prudence

Au cours des huit premiers mois de l’année 2014, la demande d’asile a connu une baisse d’environ 6 % en France. Cette évolution récente doit être accueillie avec une certaine prudence.

La tendance reste en effet à la hausse au plan européen, comme au plan international. Le nombre des demandes d’asile était tendanciellement en augmentation au cours du premier semestre 2014 en Europe.

EVOLUTION MENSUELLE DE LA DEMANDE D’ASILE EN EUROPE * (JANVIER 2013-JUILLET 2014)

* 28 Etats membres de l’Union européenne, Norvège et Suisse

Source : Bureau européen d’appui en matière d’asile, août 2014

Comme l’a précisé le rapporteur pour avis de votre Commission sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2015, M. Jean-Pierre Dufau, dans son dernier avis budgétaire, l’évolution constatée en France semble résulter principalement de la baisse importante de la demande en provenance de l’Albanie et du Kosovo, à la suite de leur inscription sur la liste des pays d’origines sûrs (5). Cette évolution a plus que compensé l’augmentation de la demande d’asile en provenance de la Syrie. Celle-ci reste moins élevée en France que dans d’autres pays européens, en particulier l’Allemagne et la Suède.

LA DEMANDE D’ORIGINE SYRIENNE EN FRANCE

Source : OFPRA

LA DEMANDE D’ORIGINE SYRIENNE EN EUROPE

2012

2013

2014(*)

 

Total des demandes syriennes dans l'UE (27 Etats)

23 510

Total des demandes syriennes dans l'UE (28 Etats)

50 470

Total des demandes syriennes dans l’UE (28 Etats)

16 700

Total des décisions

17 085

Total des décisions

36 790

Total des décisions

14 685

Total des admissions

15 580

Total des admissions

33 020

Total des admissions

14 244

Taux d’admission

91 %

 Taux d’admission

90 %

 Taux d’admission

97%

2014 (*) : quatre premiers mois de l’année

Chiffres EU, source Eurostat 2014

Pour 2015, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » reposent sur l’hypothèse prudente d’une hausse de la demande d’asile de 7,5 %.

L’hypothèse d’un renversement durable de tendance ne doit cependant pas être exclue. Ce fut ainsi le cas, dans notre pays, en 1989 et 2004, et l’on observe aussi, à ce stade, des évolutions divergentes au plan européen. Si la demande d’asile a augmenté de 69,8 % en Allemagne et de 23,6 % en Suède entre 2012 et 2013, elle a diminué de 26,2 % en Belgique et de 25 % en Suisse au cours de la même période.

La demande d’asile adressée à la France, comme à tout autre pays, résulte de la combinaison de multiples facteurs, lesquels ne sont d’ailleurs pas tous exogènes :

– l’évolution générale des crises internationales et leur impact sur les flux de réfugiés ;

– la possibilité de trouver asile dans des pays voisins ou, au contraire, de gagner la France pour y demander l’asile ;

– l’attrait de notre pays pour les réfugiés, qui dépend notamment des liens historiques, du degré de proximité géographique, du partage (ou non) de la langue française et de l’importance de la diaspora déjà présente ;

– l’image de la France au plan économique et en matière d’asile, qu’il s’agisse des conditions d’accueil, du taux d’admission à la protection internationale ou encore de la durée des procédures d’examen des demandes.

B. LA NÉCESSITÉ DE RÉDUIRE LES DÉLAIS D’EXAMEN DES DEMANDES D’ASILE

1. Des délais excessivement longs

Dans un rapport d’avril 2013, une mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale de l’administration (IGA) sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile, estimait à 19,5 mois en moyenne la durée de l’examen d’une première demande par l’OFPRA, suivie d’un recours devant la CNDA.

Il faut préciser que ce délai n’inclut pas des demandes ultérieures de réexamen, ni les étapes du parcours du demandeur d’asile antérieures au dépôt de sa demande. Dans le cadre d’une procédure plus longue (première demande, recours devant la CNDA, demande de réexamen à l’OFPRA et nouveau recours devant la CNDA), la mission conjointe estimait la durée moyenne totale à plus de 2 ans et 7 mois.

a. A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides

Le délai moyen de traitement d’un dossier par l’OFPRA s’élevait à 204 jours en 2013, soit près de 7 mois, contre un peu plus de 6 mois (186 jours) en 2012. Ce délai devrait être ramené à 196 jours en 2014 (prévision actualisée), et à 151 jours en 2015 (prévision). La cible fixée est d’atteindre un délai de 90 jours en 2017.

Du chemin reste encore à parcourir afin d’atteindre l’objectif d’un délai de 3 mois pour l’examen de la demande d’asile au stade de l’OFPRA, conformément aux engagements du Président de la République.

Quant au délai moyen de traitement des demandes en procédure dite « prioritaire », qui représentent environ un quart des dossiers, il s’élevait à 55 jours à l’OFPRA en 2013, alors que le délai réglementaire est de 15 jours.

Même si comparaison ne vaut pas raison, il n’est pas inintéressant de considérer ces délais dans une perspective européenne. Comme l’a indiqué M. Laurent Muschel, directeur « migration et asile » à la direction générale « affaires intérieures » de la Commission européenne, à l’occasion d’une table ronde sur la politique européenne de l’asile, qui était organisée par la commission des affaires européennes, le 15 avril dernier, le délai moyen pour une première décision ne dépasse pas en moyenne 9 jours aux Pays-Bas et 3 mois et demi en Suède.

Les efforts de réduction des délais à l’OFPRA reposent sur :

– un plan d’action pour la réforme de l’OFPRA qui a commencé à être mis en œuvre à compter du mois de septembre 2013 ;

– le renforcement, en cours, des effectifs et des crédits budgétaires, afin d’augmenter la capacité de décision de l’Office ;

– plusieurs dispositions figurant dans le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, qui sont présentées dans la troisième partie de ce rapport.

Le plan d’action pour la réforme de l’OFPRA a déjà permis d’augmenter le nombre des décisions prises. Au cours du 1er semestre 2014, la hausse était de 20 % par rapport à la même période en 2013. Afin d’atteindre l’objectif de réduction à trois mois du délai moyen de traitement des demandes d’asile, l’OFPRA doit maintenant parvenir à résorber son stock de dossiers (29 895 dossiers en instance de traitement au 31 décembre 2013). Ce stock a été stabilisé à partir d’août 2013 et il a commencé à baisser au cours des deux derniers mois de l’année.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution des stocks et des délais à l’OFPRA depuis janvier 2008.

b. A la Cour nationale du droit d’asile

L’évolution des délais de jugement par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) peut s’apprécier au regard de deux indicateurs différents : le délai moyen constaté, qui correspond à la moyenne des délais de jugement dans les affaires effectivement jugées pendant l’année ; le délai prévisible moyen (6), qui correspond au nombre de dossiers en stock à la fin de l’année, divisé par le nombre d’affaires jugées pendant l’année.

En 2013, les délais de jugement de la CNDA s’établissaient de la manière suivante :

– délai moyen constaté : 8 mois et 26 jours ;

– délai prévisible moyen : 6 mois et 24 jours.

Dans le rapport précité d’avril 2013, la mission conjointe IGF-IGAS-IGA estimait que le délai prévisible moyen de jugement « ne constitue pas un indicateur fiable de l’activité effectivement constatée et sous-évalue le délai réel de jugement ». C’est pourtant ce délai qui est retenu comme indicateur dans le cadre du « Projet annuel de performances » de la mission budgétaire « Conseil et contrôle de l’Etat », dont relève la Cour nationale du droit d’asile.

Quel que soit le mode de calcul retenu, on observe que le délai moyen de jugement a connu une réduction notable et régulière au cours des dernières années.

 

2010

2011

2012

2013

Délai moyen constaté

12 mois et 27 jours

11 mois et 10 jours

9 mois et 29 jours

8 mois et 26 jours

Délai prévisible moyen

14 mois et 20 jours

9 mois et 5 jours

8 mois et 7 jours

6 mois et 24 jours

Source : rapport d’activité 2013 de la CNDA

Cette amélioration de la situation s’explique notamment par la création de 50 emplois supplémentaires à la Cour en 2011, dont 40 de rapporteurs, pour renforcer la capacité d’instruction et de jugement de la juridiction.

En parallèle, la Cour s’est engagée dans une vaste réorganisation qui s’est notamment traduite par une rationalisation de l’élaboration des rôles, par la création d’un service chargé des procédures à juge unique, par la fusion de ses deux centres d’information, l’un juridique et l’autre géopolitique, et par une politique de dématérialisation des recours, des pièces, des mémoires et des convocations.

Des efforts ont également été réalisés afin de réduire la part des renvois imputables à la juridiction (notamment des erreurs d’adresse ou des demandes d’aide juridictionnelle non traitées). Il convient désormais de parvenir à réduire, autant que possible, les causes de renvoi extrinsèques.

Source : CNDA, rapport d’activité 2013

Il en est résulté une hausse notable du nombre des décisions rendues : + 44,6 % en 2011, + 7,9 % en 2012, + 3,2 % en 2013.

Fin 2013, le stock était constitué de 21 837 dossiers en instance de jugement, en diminution de 14,8 % par rapport à 2012. L’ancienneté moyenne du stock était de 6 mois et 1 jour.

c. Des délais « cachés » qui rallongent la procédure

La prise en compte des délais moyens à l’OFPRA et à la CNDA n’est pas suffisante pour estimer la durée complète des procédures de demande d’asile. Il convient en effet d’ajouter :

– le délai entre le dépôt de la demande d’asile et son enregistrement par l’OFPRA ;

– le délai de notification de la décision de l’OFPRA ;

– le délai entre cette notification et l’enregistrement du recours éventuel à la CNDA ;

– le délai de notification de la CNDA.

2. Des répercussions en cascade sur le fonctionnement de notre système d’asile

Votre Rapporteure estime que la réduction des délais de traitement des demandes d’asile doit être considérée, en soi, comme un objectif prioritaire. Il convient en effet d’apporter une réponse rapide et efficace à des personnes dont la situation personnelle, dans leur pays d’origine, conduit à solliciter la protection de la France. La durée excessive de l’examen des demandes risque d’accroître leur précarité sociale et juridique, et ainsi de multiplier les situations de souffrance.

Avec le niveau de la demande d’asile adressée à la France, les délais d’examen à l’OFPRA et à la CNDA constituent par ailleurs un élément déterminant des dépenses de prise en charge des demandeurs et, par conséquent, un facteur important de la soutenabilité de notre système d’asile.

Dans un rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, Mme Jeanine Dubié et M. Arnaud Richard rappelaient ainsi que les crédits de l’action 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » du programme budgétaire 303, qui retrace l’essentiel des coûts directs de cette politique publique, avaient augmenté de 70 % entre 2008 et 2013, alors que la demande d’asile n’avait augmenté que de 55 % au cours de la même période. L’écart entre ces deux taux s’explique pour l’essentiel par l’allongement des délais de traitement des demandes d’asile et par la prise en charge des demandeurs en attente d’une décision.

En avril 2013, la mission conjointe IGF-IGAS-IGA sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile estimait ainsi qu’un mois de réduction des délais à l’OFPRA représenterait une économie de 11,5 millions d’euros au titre de l’allocation temporaire d’attente (ATA) et de l’hébergement d’urgence, et qu’un mois de réduction des délais à la CNDA représenterait une économie de 15,1 millions d’euros.

Dans son rapport, cette mission conjointe estimait aussi que la durée excessive d’examen des demandes qui caractérise notre système d’asile constitue un « facteur d’attractivité » dans certains cas et qu’elle contribue au détournement de la procédure d’asile à des fins migratoires. Comme l’a rappelé M. Laurent Muschel, à l’occasion de la table ronde précitée, la longueur des procédures « augmente le nombre des faux demandeurs d’asile, qui se dirigent vers les Etats membres dans lesquels les procédures sont les plus longues ou les conditions d’accueil les meilleures ».

Il serait hâtif d’en conclure que la totalité ou même la majorité des déboutés du droit d’asile n’est pas constituée de personnes de bonne foi. Par ailleurs, les dysfonctionnements de notre système ne doivent pas être imputés aux demandeurs d’asile, et les améliorations qui doivent être apportées ne doivent pas se faire au détriment de l'écoute des demandeurs et de la qualité des décisions rendues.

Il est en revanche indéniable que la durée excessive de l’examen des demandes complexifie la question des déboutés et qu’elle contribue à hypothéquer l’effectivité des mesures d’éloignement qui peuvent être prises à leur égard.

C. UN DISPOSITIF D’ACCUEIL SATURÉ

La commission des affaires sociales s’étant également saisie pour avis du projet de loi relatif à la réforme de l’asile, il était logique que celle des affaires étrangères ne fasse pas porter son examen sur le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. Il paraît néanmoins utile de revenir brièvement sur la situation dans ce domaine, car tous les enjeux sont liés.

1. Des centres d’accueil pour demandeurs d’asile sous-dimensionnés

Malgré les efforts réalisés depuis 2012 pour créer 4 000 nouvelles places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), la part des demandeurs d’asile en cours de procédure et remplissant les conditions d’accès (7) qui sont effectivement hébergés dans ces structures ne devrait pas dépasser 38 % en 2014. La « cible » retenue pour 2017 par le « Projet annuel de performances » de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » est de 55 %.

Cette situation est naturellement dommageable, car les CADA constituent le dispositif le plus adapté pour les publics qui sont éligibles, du fait de l’accompagnement social et administratif que ces centres d’accueil permettent de proposer.

Par ailleurs, comme l’a relevé le rapport précité de l’IGAS, de l’IGF et de l’IGA, le coût unitaire journalier de la prise en charge d’un demandeur d’asile en hébergement d’urgence « semble au moins égal en moyenne à celui des CADA, puisqu’il est cumulable avec l’ATA pour les demandeurs d’asile majeurs » (8).

Votre Rapporteure s’interroge, s’agissant de la politique qui a été suivie en ce qui concerne les CADA, sur la part de responsabilité qui revient à une sorte de malthusianisme consistant à sous-dimensionner l’offre d’accueil de droit commun afin de dissuader la demande d’asile, en grande partie soupçonnée d’être illégitime, et ce qui correspond à un pur déni de la réalité.

2. Un recours excessif à l’hébergement d’urgence

Les demandeurs d’asile qui ne bénéficient pas d’un hébergement en CADA, faute de place ou parce qu’ils n’y sont pas éligibles, peuvent être admis dans une structure d’hébergement d’urgence dédiée aux demandeurs d’asile (HUDA) (9), dont la majorité des places consiste en réalité en des nuitées hôtelières.

Ces structures sont souvent éloignées des plates-formes de premier accueil auxquelles les bénéficiaires de ce dispositif peuvent s’adresser. Le niveau des prestations est par ailleurs très inférieur à celui des CADA.

Normalement, le dispositif d’urgence ne devrait accueillir des demandeurs d’asile remplissant les conditions d’accès aux CADA qu’à titre transitoire, dans l’attente d’une admission dans ce dernier dispositif, lorsqu’il est saturé.

Jusqu’en 2012, en l’absence de créations de places en CADA pour faire face à l’augmentation de la demande d’asile, ce sont pourtant les dispositifs d’urgence qui ont durablement supporté l’essentiel de l’ajustement. Alors que seules 13 000 places étaient financées dans le cadre du dispositif d’hébergement d’urgence en 2009, près de 22 000 l’étaient ainsi en 2013.

II. VERS UNE PLUS GRANDE HARMONISATION DES RÉGIMES D’ASILE AU PLAN EUROPÉEN

Outre la contrainte interne qui résulte de la situation de crise dans laquelle se trouve notre système d’asile, nous sommes dans l’obligation de transposer en droit français plusieurs directives adoptées au plan européen dans le cadre d’une seconde phase de l’harmonisation des systèmes d’asile.

Cette seconde phase, annoncée par le plan d’action du 17 juin 2008 de la Commission européenne, est l’occasion de rehausser notre niveau de normes en matière d’asile, car nous sommes restés jusqu’à présent en deçà de la moyenne européenne sur certains points.

A. UNE PREMIÈRE PHASE JUGÉE INSUFFISAMMENT POUSSÉE EN MATIÈRE D’HARMONISATION

1. L’établissement de normes minimales communes

En octobre 1999, lors du Conseil européen de Tampere, les pays de l’Union européenne se sont engagés à mettre en place un régime d’asile européen commun (RAEC), fondé sur l’application intégrale de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York de 1967. Les conclusions de Tampere précisent qu’un tel régime « devrait comporter, à court terme, des normes communes pour une procédure d’asile équitable et efficace dans les Etats membres et, à terme, des règles communautaires débouchant sur une procédure d’asile commune dans la Communauté européenne ».

La première phase de l’élaboration du RAEC s’est effectuée sur la base de compromis a minima, sans prévoir l’organisation d’une quelconque solidarité au sein de l’Union européenne – que ce soit par une clef de répartition pour le traitement des demandes d’asile ou par voie d’un mécanisme de solidarité financière. Certains Etats périphériques connaissent pourtant des charges démesurées, à la fois par rapport à d’autres pays européens et au regard de leur propre capacité de traitement des demandes. A titre d’exemple, la France reçoit à peu près 5 fois moins de demandeurs d’asile que Malte (5 300 demandeurs par million d’habitants).

Les travaux conduits au plan européen ont principalement abouti, dans un premier temps, à l’élaboration de quatre instruments nouveaux.

– La directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, dite « accueil », vise à harmoniser les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, afin qu’ils bénéficient de conditions de vie comparables dans tous les États membres de l’Union européenne. La directive comporte principalement des dispositions concernant les « conditions d’accueil matérielles » (notamment le logement et les allocations financières), d’autres dispositions destinées à préserver l’unité familiale, des dispositions concernant l’accès aux soins et au marché du travail, ainsi que des dispositions relatives aux personnes vulnérables.

– La directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004, dite « qualification », établit des normes minimales concernant les conditions à remplir pour bénéficier d’une protection internationale, ainsi que le contenu de la protection accordée. La directive définit notamment la notion de persécution, précise les éléments d’appréciation que les Etats membres devront appliquer, et tend à harmoniser les droits reconnus aux bénéficiaires du statut de réfugié et de la protection subsidiaire, en particulier en matière de titres de séjour, de libre circulation et d’accès au marché du travail.

– La directive 2005/85/CE, dite « procédures », du 1er décembre 2005, établit des normes communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, afin de garantir son accès dans des conditions équivalentes dans toute l’Union européenne. S’agissant de l’examen des demandes en premier ressort, la directive offre en particulier la possibilité d’appliquer des procédures accélérées, notamment lorsque le demandeur est en provenance d’un pays d’origine sûr ou en cas de fraude délibérée, et de ne pas examiner au fond une demande déclarée irrecevable, en particulier lorsque la responsabilité du traitement de la demande revient à un autre Etat européen, conformément au règlement de Dublin, ou lorsque le demandeur bénéficie déjà d’une protection dans un pays tiers sûr. La directive impose de garantir un droit de recours effectif devant une juridiction contre une décision concernant la demande d’asile.

– Le « régime de Dublin » (règlement CE n° 343/2003 du Conseil, dit « Dublin II » (10), et règlement CE n° 2725/2000, dit « Eurodac », permettant d’enregistrer et de comparer les empreintes digitales des demandeurs) a pour but de déterminer clairement, selon des critères objectifs et hiérarchisés (11), quel Etat membre est responsable de l’examen d’une demande d’asile introduite par un ressortissant d’un pays tiers. Le « régime de Dublin » permet d’éviter deux phénomènes : les demandeurs « en orbite », renvoyés d’un Etat à un autre sans qu’aucun d’entre eux ne se reconnaisse compétent pour statuer, ainsi que l’introduction de demandes multiples et concurrentes dans plusieurs Etats membres.

2. Une convergence limitée

Comme le détaille le rapport du 12 décembre 2012 de Mme Marietta Karamanli sur la proposition de résolution européenne (n° 431) de Mme Marietta Karamanli et de M. Charles de la Verpillière relative au régime d’asile européen commun, l’harmonisation engagée au plan européen a conduit à d’importantes modifications en droit français.

La directive « qualification » a ainsi conduit à introduire, par anticipation, en droit français la notion d’asile interne, qui permet de rejeter la demande d’asile d’une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine, si elle n’a aucune raison de craindre d’y être persécutée ou d’y être exposée à une atteinte grave et s’il est raisonnable d’estimer qu’elle peut rester dans cette partie du pays.

Il en est de même pour la notion de « pays d’origine sûr », reprise de la directive « procédures ». Les ressortissants d’un pays considéré comme sûr peuvent demander et obtenir l’asile en France, mais ils ne sont pas admis au séjour au titre de l’asile durant le traitement de leur demande, laquelle est examinée de façon prioritaire (délai de 15 jours, réduit à 96 heures s’ils sont en rétention).

La directive « qualification » a par ailleurs mis fin à la jurisprudence dite de l’auteur des persécutions, selon laquelle les craintes de persécutions n’étaient susceptibles de relever de la convention de Genève que si elles étaient le fait d’autorités étatiques ou si elles étaient encouragées ou tolérées par ces mêmes autorités étatiques lorsque l’auteur des persécutions était d’une autre nature (organisations mafieuses, personnes privées…).

Enfin, la convocation des primo-demandeurs à un entretien par l’OFPRA a été largement généralisée conformément à la directive « procédures ».

Les principales évolutions du droit d’asile en France depuis 2003

S’inspirant notamment des directives qui étaient alors en cours de finalisation au plan européen, la loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile comporte les dispositions suivantes :

– l’OFPRA devient le guichet unique en matière d’asile conventionnel (sur le fondement de la convention de Genève de 1951) et en matière d’asile territorial (l’examen de ces demandes, désormais qualifiées de « protection subsidiaire », n’est plus confié au ministère de l’intérieur, après consultation du ministère des affaires étrangères, mais à l’OFPRA) ;

– le critère jurisprudentiel de l’origine étatique des persécutions pour l’application de l’article 1er de la convention de Genève est abandonné ;

– la loi créé la notion d’« asile interne », qui existait déjà dans de nombreux pays européens ;

– une liste de pays dits « d’origine sûrs », veillant au respect de la liberté et des droits de l’Homme, est également créée.

La loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a transféré la tutelle de l’OFPRA du ministère des affaires étrangères à celui en charge de l’asile, qui était alors le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. La commission des recours des réfugiés est également devenue la Cour nationale du droit d’asile.

Même si l’harmonisation déjà réalisée au plan européen a pu faire évoluer les normes et les pratiques au sein des Etats membres, comme le montre le cas de la France, les évaluations réalisées par la Commission européenne sur la première phase du régime d’asile européen commun ont fait apparaître, outre des difficultés habituellement liées à la transposition des directives, des lacunes dans la conception même des dispositions adoptées.

– Dans son rapport du 8 septembre 2010 au Conseil et au Parlement européen sur l'application de la directive « accueil », la Commission a ainsi estimé que l'important pouvoir discrétionnaire laissé aux Etats membres, notamment en ce qui concerne l'accès à l'emploi et aux soins de santé, le niveau et la nature des conditions matérielles d'accueil, les droits liés à la libre circulation et les besoins des personnes vulnérables, n’avait pas permis de rapprocher suffisamment les règles applicables en la matière.

– S’agissant de l’application de la directive dite « qualification », le rapport d’évaluation de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 16 juin 2010 a souligné le fait que les écarts dans la mise en œuvre de la directive au sein de l’Union européenne résultait, en partie, de l’imprécision et de l’ambigüité de certains aspects de la directive, notamment en ce qui concerne les acteurs de la protection, et que ces divergences ne pouvaient être résolues que par la modification des dispositions concernées.

– En ce qui concerne l’application de la directive dite « procédures », le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 8 septembre 2010 a mis en évidence que d’importantes différences persistaient entre les garanties procédurales mises en place par les Etats membres, du fait des dérogations et des dispositions facultatives que la directive contient. Selon la Commission, ces divergences concernaient en particulier les points suivants : les entretiens personnels ; la représentation et l’assistance juridique ; les procédures d’examen accélérées ; le concept de pays d’origine sûr ; le droit à un recours effectif.

– Quant au livre vert sur le futur régime d’asile européen commun, présenté par la Commission le 6 juin 2007, il estime que si les objectifs du « régime de Dublin » ont été globalement atteints, ce régime peut induire « de facto » des charges supplémentaires pour les Etats membres soumis à une pression particulière en raison de leur situation géographique et ayant des capacités d’accueil et d’absorption limitées.

B. LES NOUVEAUX INSTRUMENTS LÉGISLATIFS DU « PAQUET ASILE »

Alors que la première phase du régime d’asile européen commun, mise en œuvre entre 1999 et 2005, ne visait qu’à établir des règles minimales, la deuxième phase a pour objectif plus ambitieux d’instaurer des procédures d’asile communes et un statut uniforme pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire. Cette harmonisation beaucoup plus approfondie doit permettre à tous les demandeurs d’asile d’être traités de la même façon au sein de l’Union européenne, dans les mêmes conditions d’accueil, avec les mêmes chances d’obtenir la protection internationale, et les mêmes droits en cas de décision favorable.

Le « paquet asile » qui vient d’être finalisé au plan européen, en juin 2013, repose principalement sur la refonte de la directive « accueil », de la directive « qualification », de la directive « procédures » et du règlement « Dublin » (12). Les mesures de transposition du « paquet asile » en France seront principalement adoptées dans le cadre du présent projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Ces mesures de transposition sont présentées dans la troisième partie du rapport, consacrée aux dispositions du projet de loi dont votre Commission s’est saisie pour avis.

1. La directive dite « qualification »

La directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dite « qualification », est une refonte de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004.

Le nouveau texte, qui devait être transposé avant le 21 décembre 2013, comporte plusieurs avancées importantes.

– La directive tend à aligner les droits des bénéficiaires de la protection subsidiaire sur ceux relatifs au statut de réfugié en ce qui concerne l’accès à l’emploi et aux soins de santé.

– La durée de validité du titre de séjour délivré au bénéficiaire de la protection subsidiaire, lors du renouvellement du titre, est portée d’un à deux ans, au minimum.

– La directive élargit la définition des membres de la famille au parent ou adulte responsable d’un mineur non marié.

– La directive demande de prendre en considération l’orientation sexuelle et les questions liées au genre dans le cadre de l’évaluation du besoin de protection.

– En ce qui concerne l’application de la notion d’asile interne (13), la directive de 2011 demande de vérifier que le demandeur peut bénéficier d’une protection dans une partie de son pays d’origine et qu’il peut effectivement se rendre dans cette partie du pays.

2. La directive dite « accueil »

Issue de la refonte de la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003, la directive 2013/33/UE a été adoptée le 26 juin 2013. Elle doit être transposée avant le 20 juillet 2015.

– Son champ d’application est étendu aux personnes demandant la protection subsidiaire. La notion de membre de la famille est, là aussi, élargie au parent et au responsable du mineur non marié.

– S’agissant de la prise en compte des besoins particuliers des personnes vulnérables, la refonte de la directive « accueil » demande la réalisation d’une évaluation, qui « ne doit pas revêtir la forme d’une procédure administrative », et fait explicitement mention des victimes de la traite des êtres humains et des personnes ayant des problèmes de santé mentale.

– La directive encadre plus strictement les conditions dans lesquelles les demandeurs d’asile peuvent être placés en rétention. Les mineurs non accompagnés ne peuvent l’être que dans des circonstances exceptionnelles – et en aucun cas dans des établissements pénitentiaires.

– Le délai maximal d’accès des demandeurs d’asile au marché du travail est ramené de 12 à 9 mois à compter du dépôt de la demande d’asile.

– Les demandeurs d’asile devront être en mesure d’exercer un recours contre les décisions relatives à l’octroi, à la limitation et au retrait des avantages prévus par la directive, si nécessaire en bénéficiant d’une aide juridictionnelle.

3. La directive dite « procédures »

La refonte de la directive « procédures » (2013/32/UE), adoptée le 26 juin 2013, a pour objet d’améliorer la qualité et l’efficacité des procédures d’asile et d’assurer leur application uniforme. Cette directive doit être transposée avant le 20 juillet 2015. Votre Rapporteure souhaite appeler l’attention sur les dispositions suivantes.

– La directive améliore les conditions d’accès à la procédure d’asile, notamment en renforçant le droit à l’information des personnes susceptibles d’introduire une demande, y compris dans les centres de rétention. Les demandes devront être enregistrées dans un délai de trois jours ouvrables.

– Les demandes doivent être traitées en première instance dans un délai de six mois à compter de l’enregistrement de la demande, ce délai pouvant toutefois être prolongé de 9 mois pour les cas complexes.

– La notion de pays d’origine sûrs est maintenue. En revanche, la directive ne prévoit plus l’établissement d’une liste commune minimale de pays considérés au plan européen comme étant d’origine sûrs.

– Les cas de dispense d’un entretien personnel, avant toute décision sur la demande de protection, sont limités. Le demandeur pourra être accompagné d’un conseil juridique ou d’un autre conseiller, dans des conditions définies par le droit national.

– La directive reconnaît au demandeur la possibilité de faire des commentaires et d’apporter des précisions concernant le rapport établi à l’issue de l’entretien personnel ou sur la transcription de l’entretien, et de confirmer que le contenu du rapport ou de la transcription reflète exactement l’entretien, sauf en cas d’enregistrement de l’entretien.

– La directive généralise le droit au maintien sur le territoire, exception faite de certains cas limitativement énumérés (notamment expulsion ou demande de réexamen à des fins dilatoires). Dans certains cas, une juridiction peut recevoir compétence pour statuer sur le droit au maintien sur le territoire (notamment en cas de demande manifestement infondée ou irrecevable).

– Les Etats membres doivent évaluer si les demandeurs nécessitent des garanties procédurales spécifiques et veillent, le cas échéant, à ce qu’un soutien leur soit accordé pour qu’ils puissent bénéficier effectivement des droits prévus par la directive et se conformer à leurs obligations.

4. Le règlement dit « Dublin III »

A la différence du règlement dit « Dublin II », le règlement (UE) n°604/2013 s’applique également aux demandeurs d’une protection subsidiaire. Le nouveau règlement encadre aussi davantage le recours à la détention (obligation d’évaluer les risques de fuite, principe de proportionnalité, délais maximaux de rétention). Il comporte des garanties supplémentaires pour les mineurs. Il consacre le droit à l’information des demandeurs, le droit de bénéficier d’un entretien individuel, sauf exceptions, et le droit à un recours effectif devant une juridiction.

Le règlement dit « Dublin III » prévoit d’appliquer un mécanisme d’alerte rapide, de préparation et de gestion des crises lorsque la Commission établit que l’application du règlement peut être compromise en raison d’un risque sérieux de pression particulière sur le régime d’asile d’un Etat membre et/ou en raison de problèmes de fonctionnement de ce même régime d’asile – en cas de difficultés, l’Etat membre concerné fait d’abord l’objet de recommandations de la part de la Commission, qui l’invite à élaborer un plan d’action préventif, puis elle peut lui demander d’élaborer un plan d’action de gestion de crise et de rendre compte régulièrement de sa mise en œuvre.

S’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe, dans l’Etat membre initialement désigné comme responsable de l’examen de la demande, des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le nouveau règlement demande de poursuivre l’examen des critères de détermination afin d’établir si un autre Etat peut être désigné comme responsable. Cette clause de sauvegarde est inspirée d’arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (14) et par la Cour de justice de l’Union européenne.

C. LA COOPÉRATION PRATIQUE

1. Le nécessaire rapprochement des pratiques au plan européen

Dans sa communication du 17 juin 2008 établissant « un plan d’action en matière d’asile (une approche intégrée de la protection au niveau de l’Union) », la Commission européenne constatait des écarts importants entre les décisions prises en matière d’asile au sein des Etats membres, même dans des cas similaires, ce qui suggère des chances variables d’obtenir une protection internationale dans les mêmes circonstances de droit et de fait.

Le rapport d’activité du Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA) pour l’année 2013 note ainsi qu’il existe des différences significatives entre les Etats membres pour certaines nationalités : le taux d’octroi d’une protection internationale (statut de réfugié ou protection subsidiaire) varie ainsi entre 17 et 97 % pour les Somaliens et entre 11 et 92 % pour les Afghans. Ces comparaisons ne concernent toutefois que les décisions prises en première instance, et le rapport du BEA rappelle que les écarts peuvent en partie s’expliquer par des différences entre les « profils » de demandeurs de même nationalité.

Dans la communication précitée de 2008, la Commission attribuait les « résultats incohérents » qu’elle relevait non seulement au degré insuffisant de l’harmonisation au plan européen, mais aussi à la divergence des pratiques au sein des administrations nationales. Ces divergences résultent notamment des traditions qui peuvent varier selon les Etats membres ou encore de différences concernant les grilles d’analyse, les sources d’information sur les pays d’origine et l’appréciation portée sur leur situation.

DISPARITÉS EN MATIÈRE D’ADMISSION EN 2013 *

(Source : Bureau européen d’appui en matière d’asile)

* 28 Etats membres

Afin d’améliorer la cohérence des décisions prises en matière d’asile entre les Etats européens, la Commission appelait ainsi à renforcer la convergence des processus décisionnels. Outre l’harmonisation des normes, le rapprochement des pratiques est nécessairement le deuxième pilier d’un véritable régime d’asile européen commun.

Dans sa communication au Conseil et au Parlement européen sur le renforcement de la coopération pratique, du 17 février 2006, la Commission soulignait la nécessité d’agir dans les domaines suivants : la formation des officiers de protection, le partage et le développement d’approches communes en ce qui concerne les informations sur les pays d’origine, qui permettent d’apprécier les demandes de protection internationale, ainsi que l’appui aux pays dont le régime d’asile connaît des défaillances systémiques.

2. La contribution du Bureau européen d’appui en matière d’asile

Une structure spécifique, le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA), a été instituée pour soutenir et coordonner la coopération pratique au plan européen. Créé par le règlement (UE) n° 439/2010 du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010, le BEA est opérationnel depuis 19 juin 2011.

Depuis sa création, l’action du BEA a notamment pris les formes suivantes :

– le déploiement d’équipes d’experts sur le territoire d’Etats membres soumis à des pressions particulières en matière d’asile – le BEA a apporté son soutien opérationnel à la Grèce, à la Bulgarie et à l’Italie au cours de l’année 2013 ;

– des efforts en matière de formation, qui se sont traduits par la création d’un « curriculum européen en matière d’asile » (EAC) et par des sessions de formation pour des officiers de protection et des formateurs, principalement à Malte, où le siège du BEA est installé, ainsi que dans d’autres Etats membres (en 2013, 154 sessions de formation ont été organisées, dont 13 pour former 160 formateurs nationaux ; 2 111 officiers de protection ont par ailleurs été formés dans le cadre de l’EAC) ;

– la collecte et le partage d’informations sur les pays d’origine des demandeurs d’asile, grâce à un portail commun (« EU COI Common Portal »), qui permet d’accéder à des données existant dans d’autres Etats membres, afin de diversifier et de rapprocher les sources d’information utilisées au plan national (en 2013, les bases de données de 5 pays, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Norvège et la Suède, étaient interconnectées et le nombre total des documents accessibles par l’intermédiaire du portail s’élevait à environ 91 500) ;

– la rédaction de rapports analytiques spécifiques, qui ont concerné à ce stade l’Afghanistan  Stratégie des insurgés : intimidations et violences ciblées à l’encontre des Afghans »), la demande d’asile en provenance des Balkans, la Tchétchénie (« Femmes, mariage, divorce et garde des enfants »), et la situation en Somalie centrale et du Sud ;

– une stratégie de tissage de réseaux entre, d’une part, les responsables des Etats membres, des pays associés, de la Commission européenne et du HCR en matière d’informations sur les pays d’origine et, d’autre part, entre des experts des Etats membres spécialisés sur certains pays ou certains thèmes (15), afin d’accroître les échanges, d’harmoniser les pratiques et d’apporter un soutien aux Etats membres qui développent leurs propres capacités d’analyse.

En matière d’informations sur les pays d’origine, d’autres actions se poursuivent en dehors du cadre du BEA. Il s’agit notamment d’une coopération entre pays de langue allemande, Allemagne, Autriche, Suisse et Luxembourg (dite « D-A-CH-L »), et de la base de données MedCOI, qui concerne la disponibilité et l’accessibilité des traitements médicaux dans les pays d’origine.

L’impossible liste européenne des pays d’origine sûrs

Si le BEA favorise concrètement le partage des informations sur les pays d’origine, le projet d’une liste européenne des Etats d’origine sûrs a finalement été abandonné, faute d’accord entre les Etats membres.

Les divergences sont en effet importantes dans ce domaine : certains pays européens n’ont pas adopté une telle liste au plan national, quand d’autres en sont dotés ; les listes elles-mêmes sont très variables, à commencer par le nombre des pays qui y sont inscrits.

L’adoption d’une liste commune minimale de pays tiers considérés comme des pays d’origine sûrs était prévue par l’article 29 de la directive 2005/85/CE, dite « procédures ». Elle ne figure plus dans la refonte de la directive, qui a pris acte de l’échec en la matière au plan européen.

L’article 37 de la nouvelle directive « procédures » tend néanmoins à favoriser des convergences pratiques en demandant aux Etats membres de s’appuyer sur un large éventail de sources d’information, y compris celles émanant d’autres Etats membres, du BEA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

III. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DONT LA COMMISSION S’EST SAISIE POUR AVIS

A. SÉCURISER LES CONDITIONS D’OCTROI DU STATUT DE RÉFUGIÉ ET DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE

1. Une clarification et une harmonisation bienvenues

Les articles 2 à 4 du projet de loi ont pour objet de clarifier les conditions dans lesquelles la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être reconnus, en reprenant des dispositions de la directive « qualification » de 2011, soit directement, soit en les adaptant au vocabulaire juridique français, soit par renvoi à des articles de la directive, et en consacrant dans le même temps la jurisprudence et la pratique en vigueur.

Il s’agit en particulier de préciser davantage les conditions dans lesquelles une demande peut être rejetée au motif que la personne peut avoir un accès effectif à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine (asile interne), ainsi que la possibilité de prendre en compte des événements survenus après que le demandeur d’asile a quitté son pays d’origine ou des activités exercées après son départ (notamment s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions et d’orientations affichées dans le pays d’origine).

Entendu par votre Rapporteure, le directeur général des étrangers en France, M. Luc Derepas, a précisé que la mise en œuvre par l’OFPRA et par la CNDA de la convention de Genève relative au statut des réfugiés était déjà entièrement conforme à ces nouvelles dispositions. Le directeur général de l’OFPRA, M. Pascal Brice, a lui aussi estimé que ces dispositions n’introduisaient pas de modification par rapport à la pratique.

Cette clarification a pour avantage, en revanche, de rendre les conditions d’octroi de l’asile plus lisibles et plus accessibles, y compris pour les acteurs chargés de les appliquer en France. Les représentants du HCR que votre Rapporteure a pu rencontrer ont salué une telle « cristallisation » de la pratique dans la partie législative du CESEDA, la considérant comme une garantie utile. Quant au renvoi à la directive « qualification » pour l’interprétation des stipulations de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, elle permet d’assurer une protection globalement harmonisée en codifiant l’interprétation qui est majoritairement faite de cette convention en Europe.

2. L’établissement de la liste des pays d’origine sûrs

Selon l’article L. 7414 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un pays d’origine est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

L’inscription d’un pays sur cette liste entraîne aujourd’hui plusieurs conséquences procédurales :

– les ressortissants d’un État inscrit sur cette liste voient leur demande examinée par l’OFPRA selon l’actuelle procédure dite « prioritaire », dans un délai réglementaire de 15 jours ou de 96 heures s’ils sont placés en rétention ;

– ils ne sont pas admis au séjour pendant l’examen de leur demande ; leur éventuel recours devant la Cour nationale du droit d’asile contre la décision prise par l’OFPRA n’est pas, en l’état actuel du droit, suspensif (16).

L’inscription sur la liste des pays d’origine sûrs ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA soit saisi d’une demande d’asile, ni à ce que cette demande fasse l’objet d’un examen individuel, après entretien du demandeur avec un officier de protection, ni à ce qu’une décision favorable puisse être prise.

Le recours à la notion de pays d’origine sûrs est contesté pour les motifs suivants : d’une part, la procédure suivie a une incidence sur les conditions dans lesquelles la demande est instruite, sous réserve des précisions qui viennent d’être rappelées ; ensuite, la légitimité de la liste est fragilisée par la fréquence des annulations prononcées par le Conseil d’Etat, qui exerce un contrôle entier sur la décision d’inscription ; enfin, le soupçon d’une utilisation de la liste à des fins de gestion des flux, au regard de la grande sensibilité de la demande d’asile à l’inscription ou au retrait d’un pays (17).

La liste des pays d’origine sûrs

La liste en vigueur, depuis la décision du Conseil d’Etat du 10 octobre 2014, comprend les 16 Etats suivants :

– Albanie ;

– Arménie ;

– Bénin ;

– Bosnie-Herzégovine ;

– Cap-Vert ;

– Géorgie ;

– Ghana ;

– Inde ;

– Macédoine (ARYM) ;

– Maurice ;

– Moldavie ;

– Mongolie ;

– Monténégro ;

– Sénégal ;

– Serbie ;

– Tanzanie.

L’article 6 du projet de loi a pour objectif d’améliorer les modalités de désignation des pays d’origine sûrs en introduisant plusieurs modifications qui paraissent utiles à votre Rapporteure.

Tout d’abord, la définition des pays d’origine sûrs est rendue conforme à la directive dite « procédures » du 26 juin 2013, dont la rédaction est plus précise que les dispositions actuelles du CESEDA. La rédaction actuelle de l’article L. 7414 du CESEDA (« un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales ») est ainsi remplacée par la définition suivante, reprise de l’annexe I de la directive :

« Un pays est considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne ».

Par ailleurs, conformément au 5e alinéa de l’article 6 du projet de loi, la liste des pays tiers sûrs est fixée dans les conditions prévues par l’article 37 et par l’annexe I de la directive « procédures ».

L’article 37 de la directive retient une approche très complète des sources d’information : « Lorsqu’ils déterminent si un pays est un pays d’origine sûr conformément au présent article, les États membres s’appuient sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres États membres, du BEAA (18), du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes ».

Lors de son audition par votre Rapporteure, le directeur général des étrangers en France, M. Luc Derepas, qui est membre du conseil d’administration de l’OFPRA au titre de ses fonctions, a précisé que nos représentations diplomatiques sont aujourd’hui sollicitées en amont de la réunion du conseil d’administration de l’OFPRA et que l’analyse du ministère des affaires étrangères est croisée avec l’appréciation d’autres acteurs, notamment le HCR, le Conseil de l’Europe et des ONG.

Le 2e alinéa de l’annexe I de la directive, auquel l’article 6 du projet de loi renvoie également, donne une définition précise des critères d’appréciation :

« Pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants :

a) les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées ;

b) la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention des Nations unies contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l’article 15, paragraphe 2, de ladite convention européenne ;

c) la manière dont est respecté le principe de non-refoulement conformément à la convention de Genève ;

d) le fait qu’il dispose d’un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés. »

Le 6e alinéa de l’article 6 du projet de loi fait ensuite obligation au conseil d’administration de l’OFPRA de veiller à l’actualité et à la pertinence des inscriptions, en radiant si nécessaire les pays ne remplissant plus les critères susmentionnés. Il devrait en résulter des réunions plus régulières du conseil d’administration de l’Office, afin de statuer sur la liste des pays d’origine sûrs. Le projet de loi permet aussi la suspension d’une inscription en cas d’évolution rapide. Même une évolution encore « incertaine » pourra justifier la suspension, ce qui devrait renforcer la réactivité du dispositif.

Autres options envisageables

D’autres aménagements des modalités de désignation des pays d’origine sûrs pourraient être envisagés.

1. Fixer la liste des pays d’origine sûrs par décret en Conseil d’Etat. Cette solution permettrait de clarifier l’origine de la décision, à savoir l’Etat, et d’introduire le Conseil d’Etat plus tôt dans la procédure. Une telle évolution conduirait néanmoins à renoncer partiellement à l’une des qualités du conseil d’administration de l’OFPRA, qui est d’associer des personnalités qualifiées – il serait néanmoins possible de donner un avis consultatif à l’OFPRA et au HCR. On pourrait également craindre que la décision de l’Etat ne soit affectée par des considérations d’ordre diplomatique. Le fait d’attribuer la décision à l’OFPRA, qui statue de manière collégiale, permet d’établir une certaine distance avec des décisions politiquement sensibles pour les pays retirés de la liste des pays d’origine sûrs.

2. Confier la décision à une instance indépendante. Cette solution permettrait de lever radicalement les doutes qui peuvent exister sur les motivations de l’inscription de certains pays. L’avis du HCR, qui a la responsabilité de veiller à l’application des conventions internationales assurant la protection des réfugiés, conformément à la convention de Genève de 1951, mérite néanmoins d’être entendu : les représentants du HCR que votre Rapporteure a pu rencontrer estiment que les décisions relatives à l’octroi de la protection internationale devraient relever de la responsabilité de l’Etat. Au demeurant, le HCR ne souhaite manifestement pas jouer un rôle plus actif dans la procédure (19), afin d’éviter des répercussions sur ses actions dans d’autres pays.

3. Etablir une liste commune au plan européen. Cette liste permettrait d’éviter des contradictions parfois manifestes : la France a retiré le Kosovo de sa liste nationale et conservé l’Albanie, alors que la Belgique a suivi une évolution opposée. L’article qui prévoyait l’établissement d’une liste minimale européenne a néanmoins été supprimé dans le cadre de la refonte de la directive « procédures », qui a pris acte de l’échec dans ce domaine. On pourrait également s’interroger sur la rapidité d’une telle procédure au plan européen, alors que la nouvelle directive souligne la nécessité d’une grande réactivité en la matière.

4. Modifier la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, en augmentant le nombre de parlementaires et de personnalités qualifiées (20). Cette évolution aurait pour avantage de renforcer la collégialité de la décision et d’associer davantage d’autres acteurs que les représentants de l’Etat, notamment la société civile. L’OFPRA étant toutefois un établissement public, la nécessité de ne pas priver l’Etat d’une majorité au sein du conseil d’administration pourrait conduire à considérer avec prudence l’élargissement de la composition du conseil de l’OFPRA. Il faut néanmoins préciser que si les personnalités qualifiées peuvent présenter leurs observations et propositions, elles ne prennent pas part au vote à l’heure actuelle.

B. AJUSTER LE FONCTIONNEMENT DE L’OFPRA ET DE LA CNDA

Votre Rapporteure estime que s’il importe d’améliorer l’efficacité du traitement des demandes d’asile, pour assurer la pérennité de notre système, il convient de veiller dans le même temps à ne pas amoindrir les chances pour un étranger de voir prospérer sa demande légitime. C’est à la conciliation de ces deux impératifs que s’emploie le projet de loi.

1. La recherche d’une plus grande efficacité

a. Des procédures nouvelles à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides

Le projet de loi utilise très largement les dispositions facultatives de la directive « procédures » de 2013, afin d’adapter les modalités d’examen des demandes d’asile. Il s’agit d’y répondre plus rapidement, à la fois lorsque la demande paraît manifestement étrangère à un besoin de protection, l’un des objectifs assumés de ce texte étant de dissuader les abus de procédure, mais aussi lorsque la demande paraît manifestement fondée (l’OFPRA statuera alors « par priorité »), ou lorsqu’elle est présentée par une personne vulnérable.

– La procédure dite « prioritaire » qui existe aujourd’hui est ainsi remplacée par une nouvelle procédure dite « accélérée », applicable dans un plus grand nombre d’hypothèses.

Dans le cadre de l’actuelle procédure « prioritaire », qui est mise en œuvre à l’initiative de l’autorité préfectorale, l’OPFRA statue dans un délai plus court, fixé par voie réglementaire à 15 jours (à titre théorique). L’étranger ne bénéficie pas d’une admission provisoire au séjour, et le recours contre la décision de l’OFPRA n’est alors pas suspensif. La mesure d’éloignement peut être mise en œuvre par le préfet, sous réserve d’un recours dans les conditions de droit commun devant le tribunal administratif.

La procédure « prioritaire », qui fait appel à des critères objectifs et étrangers à toute appréciation au fond de la demande d’asile (21), concernait quasiment un tiers des demandes en 2012 et un quart d’entre elles en 2013.

L’accélération de la procédure aura désormais lieu dans dix hypothèses différentes, soit directement en vertu de la loi (22), soit à l’initiative de l’autorité préfectorale (23), soit à l’initiative de l’OFPRA (24). Dans tous les cas, l’OFPRA aura la possibilité de replacer en procédure normale des demandes examinées initialement en procédure « accélérée », si cela lui paraît nécessaire pour assurer un traitement approprié de la demande.

Contrairement à l’actuelle procédure « prioritaire », la procédure « accélérée » n’aura pas de conséquence en matière d’admission au séjour. L’étranger se verra délivrer une attestation de demande d’asile, qui permettra le maintien sur le territoire français. L’attestation sera renouvelable en cas de recours devant la CNDA, y compris si la demande a été examinée en procédure accélérée.

– L’article 7 instaure une procédure nouvelle d’irrecevabilité, qui permettra de ne pas examiner au fond une demande d’asile présumée abusive. Les cas d’application sont strictement énumérés par la loi : lorsque le demandeur bénéficie déjà d’une protection au titre de l’asile dans un Etat membre de l’Union européenne ; lorsqu’il bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers, où il est effectivement ré-admissible ; en cas de demande de réexamen, lorsqu’un examen préliminaire de la demande montre que celle-ci ne repose sur aucun élément nouveau.

– Enfin, l’article 7 permet à l’OFPRA de clore l’examen d’un dossier, dans quatre hypothèses strictement définies par la loi (25). La décision de clôture sera prise exclusivement par l’OFPRA, dans le cadre d’un examen individuel de la situation. Si le demandeur sollicite la réouverture de son dossier dans un délai de 9 mois suivant la décision de clôture, l’examen reprendra là où il s’était arrêté. Au-delà du délai de 9 mois, la demande sera examinée dans les mêmes conditions qu’un réexamen, malgré l’absence de décision initiale sur le fond du dossier.

b. A la Cour nationale du droit d’asile

L’article 10 du projet de loi a notamment pour objet d’encadrer les délais de jugement de la CNDA, qui statue sur les recours contre les décisions de rejet de l’OFPRA. Lorsque la demande a été examinée en procédure « accélérée » par l’OFPRA ou si elle a fait l’objet d’une décision d’irrecevabilité, la Cour devra statuer dans un délai réduit à 5 semaines. Dans les autres cas, le délai prévu par la loi est de 5 mois.

La procédure suivie à l’OFPRA aura également une conséquence directe en ce qui concerne la collégialité à la CNDA. L’usage de la procédure accélérée à l’OFPRA conduira la CNDA à statuer à juge unique dans des cas plus nombreux.

La Cour statue normalement en formations collégiales, composées d’un président, qui est un magistrat (juge administratif, juge judiciaire ou magistrat de la Cour des comptes), et de deux assesseurs, l’un nommé par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ce qui constitue une singularité de notre système d’asile, l’autre par le vice-président du Conseil d’Etat sur proposition des ministres représentés au conseil d’administration de l’OFPRA.

La CNDA ne statue à juge unique, par ordonnances, que dans un nombre limité d’hypothèses : incompétence, non-lieu, désistement ou forclusion, dans le cadre des ordonnances dites « classiques » de l’article R. 733-4 1° à 4° du CESEDA ; recours ne présentant pas d’éléments sérieux susceptibles de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l’OFPRA, après instruction par un rapporteur, dans le cadre des ordonnances dites « nouvelles » de l’article R. 733-4 5°.

Le tableau ci-dessous présente la répartition des décisions de la CNDA par types de procédure en 2013.

L’article 10 du projet de loi prévoit que le recours sera désormais traité par un juge unique à la CNDA, dans un délai de 5 semaines, lorsque l’examen de la demande aura fait l’objet d’une procédure dite « accélérée » à l’OFPRA ou d’une décision d’irrecevabilité. Le recours au juge unique devrait d’autant plus augmenter à la CNDA que les cas de placement en procédure « accélérée » seront plus nombreux que ceux dans lesquels s’applique l’actuelle procédure « prioritaire ».

De l’usage qui sera fait de la procédure « accélérée » et de la procédure d’irrecevabilité à l’OFPRA dépendra, par conséquent, l’évolution de la « physionomie » de la Cour, à savoir la collégialité de ses formations de jugement et, corrélativement, la présence d’un assesseur nommé par le HCR. La part des procédures prioritaires était d’environ 25 % à l’OFPRA en 2013, contre 31 % en 2012.

Lorsque la Cour devra statuer à juge unique et dans un délai de 5 semaines, le juge pourra néanmoins renvoyer l’affaire en formation collégiale s’il estime que la demande ne relevait pas de la procédure « accélérée » ou de la procédure d’irrecevabilité.

c. L’asile à la frontière et les décisions de transfert vers un autre Etat responsable de l’examen de la demande

L’article 13 introduit dans la législation française des garanties supplémentaires prévues par le règlement « Dublin III » de 2013. Ce règlement est d’application directe, mais certaines dispositions nécessitent une adaptation du CESEDA.

Parmi les options offertes par le règlement pour assurer un « recours effectif » contre les décisions de transfert d’un demandeur vers un autre Etat européen, selon un mécanisme qui a été présenté dans la deuxième partie du présent rapport, l’article 13 met en place un recours en annulation de plein droit suspensif.

Ce recours est exercé, dans un délai de 7 jours, devant le président du tribunal administratif, et non devant la Cour nationale du droit d’asile. En effet, la décision de transfert ne constitue pas une appréciation au fond de la demande d’asile. La décision consiste à déterminer, selon des critères extérieurs à la demande d’asile, quel est l’Etat responsable de son examen.

Le caractère pleinement suspensif du recours se traduit par le fait que la décision de transfert ne pourra être exécutée ni avant l’expiration du délai de recours, ni avant que le tribunal administratif ne se prononce, s’il a été saisi.

Ces dispositions simplifient la situation des demandeurs d’asile en procédure « Dublin », qui peuvent en l’état actuel du droit exercer une pluralité de recours administratifs et juridictionnels (l’étude d’impact n’en recense pas moins de 5), dont aucun ne revêt en principe un caractère suspensif.

En ce qui concerne « l’asile à la frontière », c’est-à-dire les demandes d’entrée en France au motif de l’asile, l’article 8 maintient la compétence du ministre en charge de l’immigration, aujourd’hui le ministre de l’intérieur, comme la directive « procédures » de 2013 le permet. Le projet de loi maintient également la compétence du juge administratif, au regard de la nature du contentieux, qui ne concerne pas la demande d’asile, mais l’entrée sur le territoire. Depuis 2007, ce recours est pleinement suspensif.

Même si le régime de l’asile à la frontière demeure globalement inchangé, le projet de loi apporte plusieurs garanties supplémentaires.

Tout d’abord, l’avis de l’OFPRA, qui entend l’étranger concerné, liera désormais le ministre s’il est favorable à l’entrée en France – sauf menace pour l’ordre public. En pratique, il est toujours suivi lorsqu’il est favorable à l’admission.

Ensuite, l’article 8 précise que l’étranger qui demande à entrer en France au titre de l’asile peut être maintenu en zone d’attente le temps strictement nécessaire pour examiner si sa demande n’est pas manifestement infondée ou irrecevable ou si elle relève d’un autre Etat en application du règlement « Dublin ». Les mineurs non accompagnés ne pourront être maintenus en zone d’attente que dans des cas exceptionnels, strictement énumérés.

Enfin, l’article 8 définit précisément les cas dans lesquels une demande peut être rejetée à la frontière (application du règlement de Dublin ; demande irrecevable ou manifestement infondée).

2. En corollaire, des garanties renforcées pour les demandeurs d’asile

Si le projet de loi adapte les procédures afin d’améliorer l’efficacité de l’OFPRA et de la CNDA, les demandeurs d’asile bénéficieront aussi de garanties supplémentaires devant l’OFPRA comme devant la CNDA.

a. A l’Office français de protection des réfugiés et apatrides

– Une première série de dispositions introduit des conditions plus favorables qu’aujourd’hui pour l’entretien personnel dont bénéficie le demandeur d’asile à l’OFPRA.

Le projet de loi généralise l’obligation d’entendre individuellement le demandeur d’asile, y compris dans le cadre de la procédure d’irrecevabilité. L’OFPRA pourra s’en dispenser lorsqu’il s’apprête à prendre une décision favorable au vu des éléments du dossier ou lorsque des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté du demandeur d’asile, interdisent de procéder à l’entretien. L’absence, sans motif légitime, du demandeur d’asile, n’empêchera pas l’OFPRA de statuer. En 2012, le taux de convocation à un entretien à l’OFPRA s’élevait déjà à 94 %.

Ensuite, l’article 7 permettra au demandeur d’asile d’être accompagné d’un tiers à l’occasion de cet entretien. Il s’agira soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des étrangers ou des demandeurs d’asile. Le tiers pourra prendre des notes et, surtout, pourra intervenir à la fin de l’entretien pour formuler des observations. Pour le reste, il revient au demandeur de répondre personnellement aux questions de l’officier de protection.

S’agissant de la transcription ou du rapport retraçant l’entretien, la directive « procédures » de 2013 demande que ces documents fassent l’objet d’une phase d’échanges contradictoires, à moins que l’entretien ne fasse l’objet d’un enregistrement sonore ou audiovisuel, versé au dossier. L’article 19 du projet de loi prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat fixera les modalités de la transcription, ainsi que les cas dans lesquels l’entretien fera l’objet soit d’un recueil de commentaires, soit d’un enregistrement sonore.

Sur ce point, votre Rapporteure a pu constater l’existence d’approches divergentes. L’hypothèse d’un compte rendu suivi d’un recueil de commentaires, après que le demandeur a pris connaissance du compte rendu, allongerait mécaniquement la durée consacrée à l’entretien. Cette solution n’aurait pas d’incidence sur les délais à la CNDA. En revanche, si l’hypothèse de l’enregistrement était retenue, c’est la durée de l’audience à la CNDA qui pourrait être affectée – l’avocat aurait la possibilité de demander que l’enregistrement soit écouté, même partiellement.

– Le projet de loi comporte aussi plusieurs dispositions tendant à renforcer la prise en compte de la vulnérabilité du demandeur.

L’OFPRA aura ainsi la possibilité d’adapter, à tout moment, les modalités de l’examen de la demande, s’il estime qu’un aménagement est nécessaire pour permettre au demandeur d’exercer ses droits. L’Office disposera d’un pouvoir d’appréciation sur les besoins en matière d’aménagement des modalités d’examen des demandes, ainsi que sur la forme que cet aménagement prendra.

Par ailleurs, comme votre Rapporteure l’a précédemment indiqué, l’OFPRA pourra statuer prioritairement sur les demandes présentées par les personnes vulnérables, en particulier les mineurs, ce qui permettra d’apporter plus rapidement la protection dont ces personnes ont besoin.

– Enfin, l’article 5 du projet de loi permet une clarification bienvenue du positionnement de l’OFPRA. Son indépendance fonctionnelle, qui existe déjà en pratique, sera consacrée au plan législatif. La loi précisera que l’OFPRA ne reçoit aucune instruction lorsqu’il reconnaît la qualité de réfugié ou accorde le bénéfice de la protection subsidiaire et lorsqu’il exerce la protection juridique et administrative des bénéficiaires de l’asile (authentification d’actes et de documents, établissement d’actes d’état civil…).

L’OFPRA, qui a la forme d’un établissement public, était sous la tutelle du ministère des affaires étrangères jusqu’à ce que la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, place l’Office sous l’autorité du ministre chargé de l’asile, qui est aujourd’hui le ministre de l’intérieur.

b. A la Cour nationale du droit d’asile

Le projet de loi prévoit l’octroi de plein droit de l’aide juridictionnelle. Cette disposition est utile à plus d’un titre, car le délai de traitement des demandes d’aide juridictionnelle (4 mois et 9 neuf jours en 2012) contribue à dégrader fortement le délai de jugement de la CNDA. Par ailleurs, on observe qu’assez peu de requérants ne remplissent pas, de fait, les conditions d’octroi.

L’article 10 permettra aussi de poursuivre la professionnalisation de la Cour en modifiant les conditions de nomination des deux assesseurs qui font partie des formations collégiales de jugement.

La personnalité qualifiée nommée par le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat, le sera désormais « en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou géopolitique ».

L’article 10 introduit cette même condition, qui est une garantie supplémentaire, en ce qui concerne les assesseurs nommés par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition des ministres représentés au conseil d'administration de l'OFPRA.

Afin de garantir que le recours au juge unique statuant en audience publique sera mis en œuvre dans de bonnes conditions, mais aussi pour garantir la cohérence de la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile, il serait également utile d’augmenter le nombre de magistrats permanents ou semi-permanents en fonction à la Cour.

C. AMÉLIORER LE CONTENU DE LA PROTECTION

Au 31 décembre 2013, 186 234 personnes étaient placées sous la protection de l’OFPRA – environ 170 000 réfugiés, 15 000 bénéficiaires de la protection subsidiaire et 1 247 apatrides (26). Le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui permettront d’améliorer leur situation en France.

1. Le droit au séjour et les titres de voyage

L’article 18 renforce les garanties permettant d’assurer le maintien de l’unité familiale des bénéficiaires d’une protection internationale (réfugiés et protégés subsidiaires), conformément à la directive « qualification » de 2011 : la délivrance de plein droit d’un titre de séjour (carte de résident ou carte de séjour temporaire d’un an (27) est étendue aux parents de mineurs accompagnés. Cette possibilité n’est actuellement prévue par le CESEDA que pour les parents de mineurs non accompagnés ayant obtenu le statut de réfugié.

Conformément à la directive « qualification », le même article permet de simplifier la situation des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des membres de leur famille, tout en renforçant leurs garanties, par l’allongement de la durée de validité de la carte de séjour temporaire qui est leur est délivrée lors du premier renouvellement. Elle sera désormais de deux ans, au lieu d’un an.

Par ailleurs, si l’article 18 du projet de loi insère dans le CESEDA un article prévoyant le retrait du titre de séjour accordé au réfugié ou au bénéficiaire de la protection subsidiaire lorsque sa protection est retirée ou lorsque l’étranger y renonce, cette possibilité est encadrée par une condition de délai. Le retrait ne peut avoir lieu que dans les cinq années suivant la première délivrance du titre. L’autorité administrative doit alors statuer à nouveau sur le droit au séjour à un autre titre (par exemple, durée de séjour en France ou vie privée et familiale). En 2013, 1 072 renonciations ont été notifiées, et l’OFPRA a enregistré 56 cessations et retraits de statut.

Les clauses de cessation

L’article 1 C de la convention de Genève de 1951 prévoit limitativement 5 cas de cessation de la qualité de réfugié :

– le réfugié qui, volontairement, se réclame à nouveau de la protection des autorités dont il a la nationalité ;

– le réfugié qui, ayant perdu sa nationalité, l’a volontairement recouvrée ;

– le réfugié qui a acquis une nouvelle nationalité et qui peut bénéficier d’une protection effective du pays qui lui a accordé cette nationalité ;

– le réfugié qui est retourné volontairement dans son pays d’origine en vue d’y établir une résidence permanente ;

– le réfugié qui connaît un changement des circonstances ayant conduit à l’octroi du statut dont il bénéficie (il peut s’agir d’un changement fondamental du régime politique dans son pays d’origine).

La délivrance d’un document de voyage pour les réfugiés, les apatrides et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, sauf raisons impérieuses de sécurité nationale et d’ordre public, est également consacrée au sein du CESEDA. Seul le code général des impôts fait actuellement mention de tels titres de voyage, dont il définit les catégories et les durées de validité.

Ces documents de voyage permettront de se rendre dans tout Etat, à l’exception de ceux dans lesquels il a été établi que les réfugiés ou les bénéficiaires de la protection subsidiaire concernés seraient exposés à des persécutions ou à de graves atteintes.

2. La réunification familiale

Conformément au principe d’unité de la famille, l’article 19 consacre le droit à la réunification familiale pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire. Cette procédure spécifique se distingue du regroupement familial dans la mesure où les conditions de durée de séjour préalable, de logement et de ressources ne sont pas exigibles. Il s’agit de favoriser la reconstitution de la cellule familiale aussi rapidement que possible.

La directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial recommande ainsi la mise en œuvre d’une procédure spécifique destinée aux étrangers placés sous protection internationale : « La situation des réfugiés devrait demander une attention particulière, à cause des raisons qui les ont contraints à fuir leur pays et qui les empêchent d’y mener une vie en famille normale. A ce titre, il convient de prévoir des conditions plus favorables pour l’exercice de leur droit au regroupement familial. »

Les personnes auxquelles la procédure de réunification familiale est applicable sont les suivantes : le conjoint de la personne sous protection internationale, s’il est âgé d’au moins 18 ans, les enfants du couple âgés au plus de 19 ans, ainsi que les ascendants directs au premier degré si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié. La réunification familiale ne pourra être refusée que si le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France.

Le projet de loi tend également à simplifier les vérifications d’état civil pour les membres d’une famille qui rejoignent un étranger admis au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire. Dans de nombreux cas, les demandes de visas se heurtent à l’absence de documents d’état civil dans le pays d’origine ou à des doutes quant à leur authenticité. Il en résulte des délais de traitement des demandes de visa parfois excessifs et des refus dans 22 % des cas en 2013, malgré la possibilité de faire application de l’article 47 du code civil, relatif à la reconnaissance des actes d’état civil étrangers en France, dont il est souvent fait une interprétation et une application restrictives, et de l’article 311-1, relatif à la possession d’état (28). La vérification des pièces peut également s’avérer dangereuse pour la famille qui se trouve dans le pays d’origine.

L’article 19 demande aux autorités diplomatiques et consulaires de statuer dans les plus brefs délais sur la demande de visa d’entrée en France présentée dans le cadre de la réunification familiale.

Le projet de loi clarifie aussi les modalités d’établissement des liens de famille en précisant que, en l’absence d’actes d’état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d’état définis à l’article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l’OFPRA peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l’identité des demandeurs, en vue de l’obtention d’un visa. Il est précisé que les éléments de possession d’état font foi jusqu’à preuve du contraire et que les documents établis par l’OFPRA (29) font foi jusqu’à inscription de faux.

Ces dispositions permettent de clarifier la conduite à tenir par les services diplomatiques et consulaires. Il a été indiqué à votre Rapporteure que des instructions en ce sens ont déjà été données aux consulats, mais sans effet dans certains cas. Il conviendra donc d’exercer sur ce point un contrôle très attentif de l’application de la loi.

3. Une meilleure prise en compte des vulnérabilités

L’article 19 demande que la mise en œuvre des droits accordés aux bénéficiaires d’une protection internationale tienne compte des besoins spécifiques des mineurs et des personnes vulnérables ayant des besoins particuliers.

S’agissant des mineurs isolés (30), des mesures doivent être prises dès que possible pour assurer leur représentation légale. La recherche des membres de la famille doit avoir lieu de manière confidentielle si elle peut constituer une menace pour la vie ou l’intégrité physique du mineur ou de ses parents proches restés dans le pays d’origine.

Lorsqu’une protection internationale a été accordée à une mineure en raison d’un risque de mutilation génitale (31), l’article 19 confère une base légale aux certificats médicaux demandés par l’OFPRA. Au 31 décembre 2013, 3 561 mineures étaient protégées à ce titre par l’OFPRA. Le risque pouvant persister en France, il convient de s’assurer que ces mineures ne subissent pas de mutilation génitale. En cas de refus de transmettre un certificat médical ou en cas de constat de mutilation, l’OFPRA pourra saisir le procureur de la République.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Chantal Guittet, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182), au cours de ses deux séances du mercredi 12 novembre 2014.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Notre commission suit avec attention le respect de la garantie du droit d’asile en France. Ce droit repose sur la convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés, ainsi que sur un ensemble de directives européennes dont le but, depuis 1999, est de créer un régime d’asile européen commun (RAEC). Notre suivi se traduit notamment, chaque année, par l’examen des crédits de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » dont Jean-Pierre Dufau est notre rapporteur pour avis. C’est à ma demande que le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a confié à nos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard la mission d’évaluer la politique d’accueil des demandeurs d’asile. Il était également logique que nous nous saisissions pour avis du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Ce texte important et très attendu vise à remédier aux dysfonctionnements de notre système national d’asile, marqué par des délais d’examen des demandes excessivement longs et par une saturation du dispositif d’accueil. Le projet de loi transpose également dans notre droit de nouvelles directives européennes faisant partie d’un ambitieux « paquet asile » dont le dernier élément a été adopté en juin 2013. Ce paquet cherche à instaurer des procédures communes et un statut uniforme pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Notre commission s’est saisie des articles 2 à 8, 10, 13, 18 et 19 du projet de loi, qui correspondent aux trois volets suivants : les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire en France ; la procédure d’examen des demandes d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis – en cas de recours contre la décision de l’OFPRA – par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ; enfin, le contenu de la protection accordée en France si la demande d’asile est acceptée. La commission des affaires sociales s’étant également saisie pour avis de ce projet de loi, nous avons choisi de ne pas nous saisir du volet relatif au dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, afin d’éviter tout travail en double. Quant à la commission des lois, saisie au fond, elle devrait examiner le texte le mardi 25 novembre prochain.

Quel que soit l’intérêt de ce projet de loi, il ne suffit pas d’améliorer les procédures nationales ; tant que nous ne disposerons pas d’un système européen coordonné, les difficultés persisteront. En effet, certains pays comme le nôtre – mais également les États responsables des frontières extérieures de l’UE – sont particulièrement concernés par l’afflux des demandeurs d’asile ; le paquet européen vise à remédier à ces disparités, mais il faudra bien un jour parvenir à harmoniser les conditions pratiques d’accueil à l’échelle européenne.

Un débat a lieu après l’exposé de la rapporteure pour avis.

M. Jean-Pierre Dufau. Ce projet de loi très attendu – examiné au fond par la commission des lois et pour avis par notre commission et par celle des affaires sociales – reprend l’ensemble des directives européennes sur le droit d’asile et clarifie la position particulière de la France. En effet, chaque État applique les directives européennes en tenant compte de ses particularités, ce qui rend l’harmonisation européenne complexe. En témoigne la question récurrente des pays d’origine dits « sûrs » et « non sûrs », dont la liste fluctue sans cesse.

M. Pierre Lellouche. On n’est sûr de rien…

M. Jean-Pierre Dufau. Le projet de loi propose des solutions efficaces pour assurer dans des délais raisonnables l’instruction des demandes d’asile tout en traitant le stock de dossiers qui se sont accumulés au fil des années à cause de la lenteur des procédures. Les moyens humains et financiers accrus dont la loi de finances pour 2015 dote l’OFPRA et la CNDA faciliteront ce travail. Pourtant, la rapidité de l’instruction ne doit pas faire oublier le besoin de protéger les demandeurs d’asile, et le projet de loi semble offrir toutes les garanties de droit nécessaires en cette matière. Ainsi, il consacre l’indépendance de l’OFPRA, ainsi que la professionnalisation à la fois de l’office et de la CNDA. Enfin, le texte aborde la question souvent problématique des titres de séjour, la durée proposée étant équivalente à celle qu’offrent la plupart de nos voisins européens.

Reste à débattre de deux questions. Le nombre de places dans les CADA doit être augmenté pour assurer à terme 50 % des besoins, les hébergements d’urgence devant pourvoir aux 50 % restants. Il faut enfin assurer une protection particulière aux mineurs qui ne sauraient être séparés de leurs parents ; la réunification familiale est reconnue par le droit international, que nous devons respecter.

Le groupe SRC se prononcera pour un avis favorable à l’adoption de ce texte et restera attentif aux amendements déposés en commission et en séance.

M. Thierry Mariani. Le groupe UMP estime que ce texte n’est vraiment pas à la hauteur de l’enjeu. En 2003, lors de l’adoption de la loi Villepin – dernière loi de fond sur l’asile –, la gauche nous expliquait qu’il eût été scandaleux de voir ce texte relever du ministère de l’intérieur et qu’il fallait à tout prix qu’il relevât du ministère des affaires étrangères, ce qui était le cas. Dix ans plus tard, vous faites exactement ce que vous nous reprochiez d’envisager, et que nous n’avions pas fait, puisque, même si l’OFPRA est censé être totalement indépendant, le présent projet de loi émane du ministère de l’intérieur ! Je tiens à vous faire remarquer cette petite révolution idéologique.

En matière d’immigration, l’échec est aujourd’hui flagrant. En tant que président de la commission « Immigration, réfugiés, apatrides » de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je ne peux que constater que l’Europe ne contrôle plus ses frontières ; pas plus que Malte, la Grèce ni la Turquie ne maîtrisent leur immigration. Face à cette explosion qui ne fera que s’amplifier – toutes les ONG nous alertent sur ce problème –, les moyens européens tels que FRONTEX se montrent défaillants. Renforcer ce dispositif devrait être la priorité de tout gouvernement : désormais, protéger la frontière turque, grecque ou maltaise, c’est protéger la frontière française.

En matière d’asile, l’uniformisation à l’échelle européenne devrait concerner non seulement les procédures, mais également les droits, la France étant l’un des pays les plus généreux avec les demandeurs dont le dossier est en cours d’instruction. À nos yeux, l’espace Schengen – en partie responsable de cet échec – doit être réformé.

Toute réforme du droit d’asile devrait commencer par renforcer les moyens de l’OFPRA dont nous connaissons tous la lenteur de traitement des dossiers. Le projet de loi revoit également la procédure contentieuse et généralise le caractère suspensif du recours devant la CNDA. Sur ce point, nous avons un désaccord fondamental, car ces changements impliquent qu’une personne déboutée à plusieurs reprises pourra faire de nouvelles demandes et former de nouveaux recours devant le juge sans jamais être reconduite dans son pays d’origine.

M. Jean-Pierre Dufau. Inexact !

M. Thierry Mariani. Cela constitue un signal d’encouragement aux filières d’immigration clandestine. Il est nécessaire de faire évoluer le droit pour qu’une décision de rejet de la demande d’asile vaille obligation de quitter le territoire.

À ce propos, je n’ai déposé qu’un seul amendement ; inspiré par l’exemple suisse et américain, il propose que tout demandeur qui ment dans le cadre de sa démarche soit obligatoirement débouté et privé du droit de déposer d’autres demandes. À défaut, les dossiers continueront à s’empiler au fil de procédures interminables. Comme nous tous, je suis attaché à la défense du droit d’asile, mais celui-ci devrait être réservé aux vrais demandeurs et non à ceux qui – en témoignent les agents de l’OFPRA – essaient d’en abuser.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Notre présence ici relève de la mascarade. Comme vous l’avez vous-même révélé dans votre rapport, ce projet de loi est en grande partie issu des directives européennes. Contrairement à ce qui vient d’être suggéré, celles-ci sont de plus en plus précises et contraignantes et laissent très peu de marge de manœuvre aux États ; si nous ne les appliquons pas, nous subirons des sanctions. Dès lors que tout est déjà décidé, notre point de vue apparaît dérisoire.

Les fonctionnaires européens semblent de plus en plus déconnectés de la réalité : alors qu’ils élaborent ces mesures, enfermés dans leurs bureaux, à partir de statistiques, ils n’ont pas remarqué que la filière asile a connu ces dernières années en France une augmentation de 86 %. Or cette réforme qui a pour vocation de simplifier les procédures et d’en réduire les délais instaure en même temps des outils – tels que la systématisation du regroupement familial ou l’allongement de la durée de la carte de séjour à deux ans – qui renforceront l’attractivité de cette filière.

Partant, vous aurez beau améliorer l’efficacité de l’OFPRA, vous ne ferez que remplir le tonneau des Danaïdes : le nombre de demandes continuera à exploser, il faudra à nouveau relever les crédits de la mission et on se retrouvera d’ici à quelques années avec le même problème d’encombrement des services de l’office. En effet, comme l’a relevé M. Mariani, nous ne sommes plus maîtres de nos frontières et vu l’instabilité géopolitique du monde, les malheureux des pays concernés seront de plus en plus nombreux à vouloir frapper à nos portes pour bénéficier de la générosité française. Voilà pourquoi je m’opposerai à ce projet de loi, si tant est que nous ayons encore notre mot à dire.

M. Jacques Myard. Si du point de vue du droit, on peut comprendre la volonté d’uniformisation à l’échelle européenne, on ne peut que s’interroger au vu des disparités économiques, sociales et géographiques entre différents États membres : certains pays comme Malte ou Chypre sont confrontés à des difficultés du fait de leur position sur la carte ; quant à la France, elle reçoit beaucoup de demandes d’asile de la part de ressortissants de pays francophones. L’harmonisation du droit d’asile est-elle réaliste ?

Le Gouvernement reconnaît qu’il existe des recours abusifs à la procédure d’asile. Pouvez-vous expliciter ce point ? Comme M. Mariani, je trouverais étonnant que l’on accorde satisfaction à des personnes qui mentent pour essayer d’entrer en France et de s’y installer alors qu’elles ne sont pas persécutées dans leur pays d’origine.

La convention de Genève a été introduite à un moment historique particulier : au sortir de la guerre, elle visait à répondre aux persécutions qui avaient marqué l’Europe. Mais est-elle toujours adaptée aux flux migratoires d’aujourd’hui ? Les migrations déclenchées par des déstabilisations et des guerres civiles ne relèvent pas d’un cadre individuel, mais d’un destin collectif de peuples. Cet outil me paraît totalement inadapté à de telles situations.

M. Pierre Lellouche. Je partage le jugement de Jacques Myard et de Thierry Mariani. Je ne me demande même pas si ce projet de loi est à la hauteur : il est à côté de la plaque ! L’urgence aujourd’hui n’est pas de renforcer les droits du demandeur d’asile, mais de protéger l’Europe face à une immigration de peuplement qui n’en est qu’à ses débuts. L’Afrique, qui n’a pas encore connu la transition démographique, se dirige vers une explosion du nombre d’habitants. Les jeunes de quinze à vingt-cinq ans qui ne trouvent pas de travail y sont plus de 500 millions, soit l’équivalent de la totalité de la population européenne. Pour saisir l’échelle des flux migratoires qui nous attendent, pensez que si 10 % de ces jeunes partent chercher un emploi en Europe, cela équivaudra à la migration d’un pays aussi grand que la France ! Nous allons donc au-devant de problèmes considérables.

Les hauts responsables et fonctionnaires grecs que j’ai rencontrés la semaine dernière lors d’une réunion consacrée à l’immigration, à Athènes, avouent ne pas contrôler les 15 000 kilomètres de frontière maritime de la Grèce, et moins encore la frontière terrestre avec la Turquie. Les directives européennes à transposer dans le droit français devraient mettre en place une solidarité entre les pays de transit et les pays destinataires de cette immigration, et harmoniser les modalités d’accueil et de renvoi de ces demandeurs d’asile non pas politique, mais économique. Plutôt que de renforcer les droits de ces personnes ou d’augmenter les moyens de l’OFPRA, il faut coordonner la surveillance des frontières grâce à FRONTEX, poser la question de la survie ou non du système Schengen, réformer les conditions d’accès des demandeurs d’asile aux prestations sociales et surtout – point fondamental pour la France – organiser le renvoi des déboutés. À défaut, les délais d’instruction des dossiers permettent à quantité de gens de s’installer en France, d’y rester alors même que leur demande a été rejetée, puis de procéder à des regroupements familiaux. C’est ainsi que le nombre d’immigrés qui finissent par être régularisés ne cesse de croître.

Mme la rapporteure pour avis. Ne confondons pas le projet de loi sur les droits des étrangers et celui sur la réforme de l’asile, qui visent des populations différentes. Les demandeurs d’asile sont exposés à des risques graves dans leur pays et doivent à ce titre bénéficier d’une protection internationale.

Dans certains cas, on essaie en effet d’obtenir l’asile à des fins migratoires, mais la nouvelle procédure accélérée réduira le temps de présence du demandeur dans notre pays. Si manifestement la demande est infondée, le demandeur sera débouté. Environ 18 % des demandeurs obtiennent aujourd’hui le statut de réfugié.

M. Pierre Lellouche. Il y a donc abus systématique de ce statut.

Mme la rapporteure pour avis. Je ne suis pas de cet avis, même si 82 % des demandes ne sont pas acceptées, en effet.

M. Pierre Lellouche. C’est précisément cela qui n’est pas traité dans la loi !

Mme la rapporteure pour avis. La loi en tient compte dans la mesure où elle cherche à améliorer l’efficacité des procédures. Plus on reste longtemps sur le territoire en attendant une décision sur la demande d’asile, plus le retour est difficile ; il faut donc traiter très rapidement les cas jugés infondés et faire en sorte que les personnes concernées puissent retourner dans leur pays d’origine. C’est dans le cadre de la future loi sur l’immigration qu’il faudra trouver une solution à ce problème.

M. Thierry Mariani. Quand sera-t-elle examinée ?

Mme la rapporteure pour avis. Le projet de loi sur les droits des étrangers en France devrait être examiné en  2015, et le texte est déjà en distribution. Les demandeurs d’asile déboutés relèvent du droit commun des étrangers ; cette future loi représente donc le véhicule approprié.

Je ne suis pas persuadée que le dispositif français soit le plus généreux d’Europe, mais les conditions d’accueil sont effectivement différentes selon les pays et doivent évidemment faire l’objet d’une harmonisation à l’échelle de l’Union européenne.

Le bureau européen qui a été créé il y a quatre ans devrait prendre plus de poids et promouvoir la solidarité en Europe.

M. Jacques Myard. En attendant Godot…

Mme la rapporteure pour avis. La solidarité est une valeur républicaine !

M. Jacques Myard. En France oui, mais en Europe ?

Mme la rapporteure pour avis. Madame Maréchal-Le Pen, vous dites qu’il s’agit d’une mascarade puisqu’on ne fait qu’appliquer des directives européennes ; en tant que membre de l’Union européenne, la France a en effet délégué certaines compétences et est tenue de transposer ces directives dans son droit. On ne peut contester ce principe que si l’on veut quitter l’Union européenne, ce qui n’est pas notre cas.

J’évoquerai la réunification familiale dans le débat sur les amendements.

La base de données Eurodac permet une amélioration, même si ce n’est sans doute pas suffisant en ce qui concerne les frontières.

Je veux enfin rappeler que la protection internationale constitue un droit qui doit être respecté : toute personne fuyant des persécutions doit pouvoir trouver un pays qui la reçoive et lui donne la possibilité de vivre librement sans avoir à craindre pour sa vie.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur Mariani, c’est effectivement lorsque M. Sarkozy était Président de la République que les compétences en matière de visas et de droit d’asile ont été transférées du ministère des affaires étrangères vers celui de l’intérieur.

Monsieur Lellouche, en 2012, un peu plus de 24 000 dossiers de demandes d’asile – à distinguer de l’immigration – concernaient les ressortissants européens, contre 21 000 pour les personnes originaires d’Afrique. L’Asie – notamment le Bengladesh – montait en puissance avec 13 000 dossiers. Contrairement à une idée reçue, ce n’est donc pas d’Afrique que viennent la plupart des demandeurs d’asile. Pour ce continent, les demandes ont augmenté depuis qu’il y existe des foyers d’instabilité, ce qui prouve le lien entre ces demandes et les situations de guerre ou de persécution.

Quant aux abus – notre rapporteure a rappelé le faible taux d’acceptation des demandes d’asile – le projet de loi donne à l’OFPRA la possibilité de prendre des décisions d’irrecevabilité et de clore certains dossiers.

M. Pierre Lellouche. Nous sommes tous ici, par définition, des républicains. La France a toujours été une terre d’asile et personne ne conteste l’idée d’accueillir des réfugiés menacés de mort dans leur pays.

Cependant, nous n’avons plus affaire à l’arrivée périodique de personnes fuyant un pays en guerre – jadis l’Espagne ou actuellement certaines régions d’Ukraine –, mais à une immigration de masse. Les chiffres explosent : la Grèce arrête chaque année 150 000 personnes qui arrivent par la Turquie ou par la mer en provenance d’Afrique et d’Asie. Incapable de traiter leur cas, ce pays de transit les garde quelque temps, puis les fait entrer dans l’espace Schengen. Des familles entières arrivent par train de Vintimille à Menton après avoir pénétré en Italie par la Sicile ou par Lampedusa. Ces réfugiés sont avant tout économiques et cherchent à s’installer dans un endroit où ils auront un avenir. On ne peut pas réellement distinguer le droit d’asile et l’immigration car la plupart des demandeurs d’asile, déboutés, deviennent ensuite des immigrés.

Ce texte nous invite à renforcer les moyens de l’OFPRA et à faciliter les recours ; mais pour la stabilité de l’Europe et de ses systèmes démocratiques, il est au moins aussi important de contrôler efficacement nos frontières extérieures et d’harmoniser les politiques entre les pays de transit et les pays destinataires. À Calais, la France joue ainsi le rôle de garde-frontière de la Grande-Bretagne, mais l’Italie ne fait pas ce travail à Menton, ni la Grèce à Athènes.

Face à l’urgence et à la pression que cette immigration non contrôlée et non choisie fait peser sur les démocraties européennes, ce texte me paraît en effet inadapté. Dans ma circonscription au centre de Paris, tous les hôtels trois étoiles servent aujourd’hui d’hébergement d’urgence, et les personnes qui en bénéficient restent sur le sol français. Elles ont accès à l’école et aux minima sociaux, elles bénéficient du regroupement familial ; c’est ainsi, insensiblement, que le nombre d’immigrés en France augmente de 200 000 à 250 000 par an. Jusqu’à quel point cette augmentation sera-t-elle tolérable pour la société ? Si je ne soulève pas, en républicain, ce type de questions dans une réunion de députés, qui le fera ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Monsieur Lellouche, vous soulevez un vrai problème : celui de l’immigration irrégulière qui fait peser sur notre société des contraintes parfois ingérables en matière d’hébergement et de scolarisation, et qu’il faut absolument maîtriser. Cependant, le texte que nous examinons aujourd’hui porte sur l’amélioration des procédures qui concernent les demandes d’asile – dispositif auquel, vous l’avez dit, tous les républicains sont attachés. Il est parfaitement légitime de s’interroger dans le débat public sur l’articulation entre une loi sur l’asile et une loi sur l’immigration qui devrait traiter le cas des demandeurs déboutés ; mais concentrons-nous pour l’heure sur le texte en discussion.

M. Jean-Paul Bacquet. Nous avons beau débattre, la population française ne comprend pas la différence entre immigration et droit d’asile. Nous nous trouvons dans une situation d’amalgame extrêmement grave et il serait naïf de croire qu’un droit d’asile parfaitement réglementé résoudrait toutes les difficultés. La société française fait face à un problème bien plus grave, dont nous restons malheureusement inconscients.

Il y a quinze jours, à l’occasion de la commission élargie sur l’immigration – à laquelle n’a assisté aucun représentant du ministère des affaires étrangères –, j’ai fait remarquer que nous regardions le problème par le petit bout de la lorgnette. En 2050, l’Afrique comptera deux milliards d’habitants ; dans les quinze ans à venir, la population du Mali et du Niger doublera ; chaque année, 330 000 habitants de l’Afrique subsaharienne arrivent sur le marché du travail. Le débat en commission élargie – qui s’est concentré sur la situation immédiate sans l’inscrire dans l’évolution démographique mondiale – est passé totalement à côté de l’enjeu posé par ces chiffres. À défaut d’une véritable réflexion sur cette question, nous serons très rapidement dépassés par la réalité.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je considère moi aussi que nous avons trop longtemps esquivé le problème de l’immigration irrégulière et de la maîtrise des mouvements de population. Il est légitime, dans un débat intellectuel et politique, de souligner les liens entre différents enjeux sur lesquels il faudrait attirer le regard du Gouvernement. Cela étant, ne faisons pas peser sur les demandeurs d’asile – qui ont droit à une protection en France – les conséquences de cette situation.

M. Jean-Paul Bacquet. Il est urgent de se pencher sur ces questions. Ceux qui pénètrent dans les enclaves espagnoles ou qui débarquent à Lampedusa sont rarement menacés de mort dans leur pays d’origine. Qu’ils prennent le risque de se faire tuer ou de se noyer prouve que les situations qu’ils fuient sont gravissimes, et on ne peut pas continuer à fermer les yeux sur cette réalité.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je pense également qu’on ne peut pas considérer ce type de problèmes à travers un prisme franco-français ; il faut élargir notre regard.

II. EXAMEN DES ARTICLES

La commission passe à l’examen des articles 2 à 8, 10, 13, 18 et 19, dont elle est saisie.

Article 2
Statut de réfugié

La Commission commence par examiner l’amendement AE1 de M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Cet amendement, le seul que nous ayons déposé, nous semble capital. Tout le monde sait que la procédure d’asile permet parfois à des personnes sans aucune motivation politique de faire traîner en longueur leurs demandes au point qu’il devient impossible, de fait, de les expulser. Toute personne qui ment pendant la procédure doit – comme la loi suisse et la loi américaine le prévoient – être d’office déboutée, sans avoir le droit de renouveler sa demande. En effet, une fois que la première version des faits exposée par le demandeur a été jugée irrecevable, il passe à une autre version, ce qui explique les délais de traitement des dossiers. Ce type de comportement est inadmissible.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Pour commencer, cet amendement est mal placé ; si vous voulez le représenter, il faudrait le situer ailleurs.

M. Thierry Mariani. Soit.

M. Patrice Martin-Lalande. Cela peut se corriger.

Mme la rapporteure pour avis. Par ailleurs, votre amendement est en partie satisfait, même si vous proposez d’aller plus loin. L’article 7 prévoit déjà qu’en cas de présomption de fraude, l’OFPRA statue en procédure accélérée. Ensuite, si le demandeur introduit une demande de réexamen, l’office examine la recevabilité des faits ou éléments nouveaux.

M. Thierry Mariani. Proposer au demandeur qui a menti d’apporter des faits nouveaux lui permet d’essayer de se rattraper. La Suisse – qui n’a rien d’un État fasciste – prévoit que lorsqu’on ment de façon effrontée, on n’a plus de nouveaux éléments à apporter : la procédure est close. Il serait symbolique d’acter dans la loi que le fait de mentir et de changer de version vaut rejet automatique.

Mme la rapporteure pour avis. Lorsque le demandeur fait des déclarations incohérentes et contradictoires, manifestement fausses, l’OFPRA statuera en procédure accélérée.

M. Thierry Mariani. Mais rien n’interdit ensuite de déposer un nouveau dossier.

M. Jean-Pierre Dufau. Dans certains cas, l’OFPRA aura la possibilité de clôturer le dossier. Si la CNDA est saisie, elle déboutera évidemment le demandeur en cas de mensonge.

M. Thierry Mariani. La possibilité ne vaut pas automaticité. Les personnes qui travaillent à l’OFPRA, souvent très altruistes, veulent toujours laisser une nouvelle chance aux demandeurs d’asile. La loi doit parfois venir au secours de la générosité pour l’encadrer.

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas tout à fait exact puisque le taux d’admission de l’OFPRA est inférieur à celui de la CNDA.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

Article 3
Protection subsidiaire

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 4
Dispositions communes au statut de réfugié et à la protection subsidiaire

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Article 5 
Missions de l’OFPRA

La Commission examine l’amendement AE6 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement précise que l’OFPRA reconnaît le statut d’apatride et y met fin. Il s’agit de reprendre dans la partie législative du code une disposition qui figure déjà dans sa partie réglementaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AE4 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le projet de loi prévoit que l’office ne reçoit aucune instruction dans l’exécution de ses missions ; l’amendement précise qu’il agit en toute impartialité.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.

Article 6
Mode de désignation des pays d’origine sûrs

La Commission est saisie de l’amendement AE5 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de renforcer le contrôle parlementaire de l’OFPRA en portant de deux à quatre le nombre de députés et sénateurs siégeant au conseil d’administration de l’office, dans le respect du principe de parité entre les hommes et les femmes.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE7 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement vise à porter de trois à quatre le nombre des personnalités qualifiées qui assistent au conseil d’administration de l’OFPRA pour y contribuer notamment à l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Article 7 
Examen des demandes par l’OFPRA

La Commission examine l’amendement AE9 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je propose de remplacer, à propos de la langue dans laquelle est entendu le demandeur d’asile à l’occasion de son entretien à l’OFPRA, les mots : « qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement » par les mots : « dont il a une connaissance suffisante », cette dernière expression – reconnue dans le droit positif – paraissant plus claire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AE8 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le projet de loi permet au demandeur d’asile de se faire accompagner à son entretien à l’OFPRA par un tiers : un avocat ou un représentant d’une association de défense des droits des étrangers. Il convient de prévoir que ce tiers peut également être un représentant d’une association de défense des droits de l’homme.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Est-ce bien le rôle de la loi d’entrer dans de telles précisions ? « Association de défense des droits des étrangers » me semble être une expression assez générique.

Mme la rapporteure pour avis. La notion de  défense des « droits des étrangers » me paraît justement bien plus spécifique que celle de défense des « droits de l’homme ».

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AE10 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le texte prévoit que l’office peut prendre une décision d’irrecevabilité lorsque le demandeur bénéficie d’une protection au titre de l’asile dans un autre État membre de l’Union européenne ; suivant la jurisprudence du Conseil d’État – dans un arrêt du 13 novembre 2013 –, je souhaite préciser qu’il doit s’agir d’une protection « effective ».

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AE11 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Lorsque le demandeur n’a pas introduit sa demande dans les délais impartis, l’OFPRA peut décider de clore son dossier. Cet amendement prévoit que la décision ne doit intervenir qu’en l’absence de raison valable, car les personnes vulnérables peuvent parfois manquer le délai – par exemple à cause d’une maladie.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Le souci de précision et d’humanisme est louable, mais si, à chaque fois que l’on instaure un droit, on prévoit des dérogations, on multiplie les usines à gaz au sein d’un système déjà submergé. Cela ne paraît pas raisonnable.

M. Thierry Mariani. Le demandeur bénéficie déjà d’un délai de cinq mois, que l’on allongera encore si l’on prévoit des circonstances exceptionnelles. On sait pourtant comment les choses se passent : le demandeur explique être en attente d’éléments nouveaux en provenance du pays d’origine et le dossier traîne, ce qui donne un prétexte pour rester sur le territoire.

Mme la rapporteure pour avis. Le délai n’est pas de cinq mois, mais de quatre-vingt-dix jours et il peut arriver – les associations en témoignent – que le demandeur dépose sa demande tardivement pour des raisons tout à fait valables. Nous demandons simplement que le bien-fondé du retard puisse être pris en considération.

M. Jean-Pierre Dufau. L’expression « sans raison valable » s’applique déjà à la deuxième partie de l’alinéa : « ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office » ; il s’agit simplement de l’étendre au début de la phrase : « n’a pas introduit sa demande à l’office dans les délais impartis ».

Thierry Mariani a raison de pointer la difficulté de constitution de certains dossiers : dans certains pays, obtenir un extrait d’acte de naissance ou d’autres documents relève du défi. Il serait anormal que le demandeur d’asile soit débouté pour des raisons qui ne lui appartiennent pas.

M. Thierry Mariani. Lorsque l’on a affaire à des pays en guerre, les actes d’état civil peuvent arriver au bout d’un ou deux ans, voire jamais. La procédure sera alors sans fin.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine alors l’amendement AE12 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le projet de loi permet à l’OFPRA de clore le dossier si le demandeur a quitté sans autorisation son lieu d’hébergement. L’amendement supprime ce lien peu justifié entre le respect des conditions matérielles d’accueil et l’examen au fond de la demande d’asile.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde enfin l’amendement AE13 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’article 7 prévoit que le statut de réfugié peut être refusé, dans le cadre d’une demande de réexamen, si le demandeur se prévaut d’un risque de persécutions fondé sur des circonstances qu’il a créées de son propre fait. L’amendement précise qu’il s’agit de circonstances qu’il a créées sciemment dans le cadre de sa demande d’asile.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Comment peut-on créer ce type de circonstances inconsciemment ? Quel type de comportement visez-vous ?

Mme la rapporteure pour avis. Un demandeur d’asile qui milite en France pour une association de défense des droits de l’homme condamnée dans son pays d’origine peut s’exposer à des poursuites sans l’avoir prévu. On peut se demander, en revanche, si quelqu’un qui arrive en France et se met subitement à brûler le drapeau de son pays d’origine, alors qu’il n’avait jamais milité dans ce pays, ne le fait pas sciemment afin de créer les conditions de persécution qui empêcheraient son retour. Des personnes qui profitent de la liberté qu’offre la France pour militer dans des associations – par conviction, et non pour obtenir le statut de réfugié – relèvent d’un cas différent.

M. Thierry Mariani. Cette précision viserait-elle le chef des Femen ? Inna Chevtchenko – qui bénéficie de l’asile politique que l’on a refusé à Edward Snowden – a déclaré être venue en France par choix stratégique, car elle avait besoin d’un pays d’accueil pour développer son mouvement.

Mme la rapporteure pour avis. Il faut qu’il y ait une certaine continuité. Par exemple, une personne qui vient en France parce qu’elle est persécutée pour son orientation sexuelle et qui milite dans une association de défense des homosexuels ne crée pas sciemment, pour favoriser sa demande d’asile, les conditions qui l’empêchent de rentrer dans son pays d’origine. En revanche, arriver en France et brûler, pour favoriser sa demande d’asile, le drapeau de la Fédération russe, alors que l’on n’a jamais milité dans son pays, peut constituer une condition de refus.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.

(La commission reprend l’examen du présent projet de loi dans sa séance de l’après-midi, sous la présidence de Mme Odile Saugues).

Article 8
Refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Article 10 
Cour nationale du droit d’asile

La Commission est saisie de l’amendement AE14 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je propose de porter le délai de jugement à la Cour nationale du droit d’asile de cinq à six semaines lorsque le dossier a été examiné dans le cadre de la procédure accélérée par l’OFPRA.

M. Pierre Lellouche. J’avais pourtant cru comprendre que le projet de loi devait servir à raccourcir les délais. Les recours doivent être exercés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision de l’office ; cette décision prend pour l’instant quelque dix-huit mois ; ensuite intervient ce délai d’un mois ; enfin, la CNDA doit statuer dans un délai de cinq mois. Au total, la durée de la procédure approche de deux ans et demi !

Mme la rapporteure pour avis. L’alinéa 3 de l’article prévoit que la CNDA statue normalement dans un délai de cinq mois ; cependant, l’alinéa 4 demande qu’en cas de procédure accélérée ou d’irrecevabilité devant l’OFPRA, un juge unique statue en cinq semaines à la CNDA.

M. Pierre Lellouche. Quels sont les cas permettant d’enclencher la procédure accélérée à l’OFPRA ?

Mme la rapporteure pour avis. Les dix hypothèses sont énumérées à l’article 7, alinéas 7 à 19.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE15 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement propose d’intégrer au sein de la formation collégiale de jugement de la CNDA – qui comprend trois personnes – un rapporteur nommé par le vice-président du Conseil d’État parmi les personnels de la Cour.

M. Pierre Lellouche. Cet amendement émane-t-il du Gouvernement ?

Mme la rapporteure pour avis. Ce n’est pas le cas. Mais la place Beauvau n’a pas semblé fermée sur ce sujet.

M. Pierre Lellouche. Pourquoi le proposer ? Sert-il à alléger la procédure ?

Mme la rapporteure pour avis. Trois personnes siègent au sein des formations collégiales : un magistrat, une personnalité qualifiée nommée par le HCR et une autre personnalité qualifiée – parfois un retraité, un préfet ou un membre du Conseil d’Etat – nommée par le vice-président du Conseil d’État sur proposition d’un ministre représenté au conseil d’administration de l’OFPRA. Ces personnes ne sont souvent disponibles que quelques jours par mois, ce qui peut poser des problèmes d’organisation, et l’on pourrait également continuer à renforcer la professionnalisation de la Cour. Je vous propose donc d’aligner le fonctionnement de la CNDA sur celui des tribunaux administratifs, où le conseiller rapporteur fait partie de la formation de jugement. Cette proposition figurait dans le rapport de Jeanine Dubié et d’Arnaud Richard au nom du Comité d’Evaluation et de Contrôle des politiques publiques.

M. Pierre Lellouche. Avec quelle fréquence la CNDA se réunit-elle ?

Mme la rapporteure pour avis. Quotidiennement, chaque formation de jugement traitant environ quatorze dossiers par jour.

M. François Loncle. Les assesseurs à la retraite appelés à siéger viennent-ils tous du Conseil d’État ?

Mme la rapporteure pour avis. Non, pas nécessairement.

M. Pierre Lellouche. Ne pourrait-on pas inclure des représentants de la police aux frontières, des démographes et des spécialistes de l’intégration ou des pays d’origine ?

Mme la rapporteure pour avis. Les personnalités nommées par le HCR disposent aussi de connaissances géopolitiques.

M. Pierre Lellouche. Mais le HCR, par définition favorable aux réfugiés, voit tout avec ses propres lunettes. Face à l’humanitaire, ne conviendrait-il pas d’ajouter un représentant du ministère de l’intérieur, familier des problèmes d’intégration, de territoire et d’accès aux droits ? Un sous-préfet me semblerait tout indiqué, avec un magistrat au sommet de la formation.

Mme la rapporteure pour avis. Il me paraît délicat d’introduire ainsi un représentant du ministère au sein d’une formation de jugement. Je propose le rapporteur, qui instruit déjà le dossier et qui dispose de connaissances géopolitiques et juridiques approfondies en matière d’asile.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.

Article 13
Procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 sans modification.

Article 18 
Droit au séjour des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des membres de leur famille

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 sans modification.

Article 19 
Contenu de la protection accordée

La Commission examine, en présentation commune, les amendements AE16 à AE21 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis.  Comme ce matin, je propose d’inclure les apatrides dans la loi. L’amendement AE16 vise à leur permettre de bénéficier de la procédure de réunification familiale. Les amendements suivants sont de cohérence.

La Commission adopte successivement les amendements AE16 à AE21.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 modifié, achevant ainsi l’examen des dispositions dont elle est saisie.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

(Par ordre chronologique)

– M. Pascal Brice, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

– Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), accompagnée de M. Frédéric Beaufaÿs, vice-président ;

– M. Raphaël Nicolle et M. Thomas Lerebours, rapporteurs à la Cour nationale du droit d’asile ;

– Coordination française pour le droit d’asile : M. Gérard Sadik, Coordinateur national « asile » pour La Cimade ; M. Christophe Lévy, secrétaire général, Groupe Accueil et Solidarité ;

– M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France (ministère de l’intérieur), accompagné de Mme Brigitte Frénais-Chamaillard, cheffe du service de l'asile ;

– M. Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile ;

– Mme Suzy Balourd, secrétaire générale de la CGT-CNDA, M. Sébastien Brisard, secrétaire général adjoint du SIPCE-CNDA, et M. Louis Bras, membre du bureau de FO-CNDA ;

– Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : M. José Fischel de Andrade, administrateur principal chargé de la protection, et Mme Caroline Laly-Chevalier, chargée de liaison auprès de l’OFPRA et de la CNDA ;

– Cabinet de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur : M. Raphaël Sodini, conseiller « Immigration et asile », M. Jules Boyadjian et M. Jérôme Narbonne, conseillers parlementaires.

© Assemblée nationale

1 () Leur liste figure en annexe au présent rapport.

2 () Elle est accordée à des personnes dont la situation ne relève pas du statut de réfugié, mais qui sont néanmoins exposées dans leur pays à des menaces graves nécessitant l'octroi d'une protection (article L. 712-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).

3 () 45 925 premières demandes, 5 790 demandes de réexamen et 14 536 demandes de mineurs accompagnés.

4 () Source : rapport d’activité 2013 de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

5 () Le Kosovo a ensuite été retiré, en octobre 2014, de la liste des pays d’origine sûrs par le Conseil d’Etat.

6 () Tel qu’il est défini dans le rapport d’activité annuel de la CNDA.

7 () Les demandeurs d’asile placés en procédure « Dublin » – pour lesquels un autre Etat est responsable de l’examen de la demande – et ceux placés en procédure dite « prioritaire » ne remplissent pas les conditions d’accès aux CADA, mais peuvent être pris en charge dans les dispositifs d’hébergement d’urgence.

8 () Allocation temporaire d’attente, versée aux demandeurs d’asile ne pouvant pas être accueillis en CADA.

9 () Outre les CADA et le parc d’hébergement d’urgence dédié, les demandeurs d’asile peuvent également s’adresser au dispositif de veille sociale par l’intermédiaire du 115.

10 () Qui a remplacé la convention de Dublin de 1990, dont l’objet était identique.

11 () Est responsable de l’examen de la demande, dans l’ordre hiérarchique suivant : l’Etat où un membre de la famille se trouve légalement, l’Etat qui a délivré un permis de séjour ou un visa en cours de validité au demandeur, l’Etat dont ce dernier a franchi illégalement la frontière dans un délai de moins de 12 mois, l’Etat où le demandeur a pu entrer sans visa, l’Etat où une demande d’asile a été introduite dans la zone de transit international d’un aéroport, le 1er Etat membre où la demande a été déposée.

12 () Il s’y ajoute la directive 2011/51/UE modifiant la directive résidents de longue durée de 2003, afin d’élargir son champ d’application aux bénéficiaires d’une protection internationale, ainsi que la refonte du règlement Eurodac, définitivement adoptée le 26 juin 2013.

13 () La directive de 2004 précisait que « les États membres peuvent déterminer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays ».

14 () Notamment l’arrêt CEDH, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce.

15 () Lors du lancement de cette nouvelle stratégie, en avril 2013, il a notamment été décidé de créer des réseaux spécialisés sur la Syrie, la Somalie et le Pakistan ; quatre réseaux supplémentaires ont ensuite été créés en novembre 201 – relatifs à l’Afghanistan, l’Irak, l’Iran et la Russie.

16 () Le projet de loi permettrait désormais aux demandeurs d’asile originaires d’un pays d’origine sûrs d’exercer un recours suspensif.

17 () Les demandes de protection en provenance de l’Albanie et du Kosovo ont ainsi baissé de 30 % dans les six premiers mois suivant l’inscription de ces pays sur la liste au début de l’année 2011. Après leur retrait de la liste, un an plus tard, par décision du Conseil d’État, les demandes sont reparties à la hausse dès l’été 2012. Depuis la décision du conseil d’administration de l’OFPRA classant à nouveau ces pays comme étant d’origine sûrs, en décembre 2013, la demande d’asile albanaise était en baisse de 27 % au cours du premier semestre 2014, et la demande kosovare de 54 % sur la même période (Source : ministère de l’intérieur).

18 () Bureau européen d’appui en matière d’asile.

19 () Le délégué du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste aux séances du conseil d'administration et peut y présenter ses observations et ses propositions.

20 () Outre des représentants de l’Etat, le conseil d’administration de l’OFPRA comprend deux parlementaires, désignés l'un par l'Assemblée nationale et l'autre par le Sénat, un représentant de la France au Parlement européen, désigné par décret, et un représentant du personnel de l’Office (article L. 722-1 du CESEDA).

21 () Notamment dans les hypothèses suivantes :

– lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr ;

– lorsqu’il présente une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique et la sûreté de l’Etat ;

– lorsque la demande repose sur une fraude délibérée, constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement.

22 () Si l’étranger provient d’un pays inscrit sur la liste des pays d’origine sûrs ou s’il présente une demande de réexamen, à moins que celle-ci ne soit déclarée irrecevable.

23 () Dans les cas suivants :

– lorsque l’autorité administrative constate que le demandeur refuse de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales, conformément au règlement « Eurodac » ;

– en cas d’usage de faux documents, de fausses indications ou de dissimulation d’information, afin d’induire en erreur les autorités, ou en cas de demandes d’asile multiples, sous des identités différentes ;

– lorsque, sans raison valable, le demandeur d’asile présente sa demande d’asile au-delà d’un délai de 90 jours à compter de son entrée en France ;

– lorsque la demande d’asile n’est présentée que pour faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente ;

– en cas de menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

24 () – En cas de fraude délibérée ou de présentation de plusieurs demandes sous des identités différentes ;

– si le demandeur ne soulève que des « questions sans pertinence » ;

– si ses déclarations sont manifestement peu crédibles.

25 () Il s’agit des cas suivants :

– le demandeur informe l’OFPRA qu’il retire sa demande ;

– il a délibérément manqué à son obligation de coopérer avec l’OFPRA en fournissant les informations essentielles au traitement de sa demande ;

– il n’a pas présenté sa demande dans les délais impartis ou, sans justifier de raison valable, ne s’est pas présenté à l’office ;

– il a abandonné sans autorisation son lieu d’hébergement ou d’assignation, ou il n’a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités.

26 () Source : rapport d’activité 2013 de l’OFPRA.

27 () En application de l’article L. 314-11 du CESEDA, les étrangers ayant obtenu le statut de réfugié et les membres de leur famille se voient délivrer de plein droit une carte de résident, d’une durée de dix ans.

Les étrangers ayant obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire et les membres de leur famille se voient délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an et renouvelable (article L. 313-13 du CESEDA).

28 () Conformément à cet article du code civil, « La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ».

29 () En application de l’article L. 721-3 du CESEDA, « L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil ».

L'office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays ».

30 () En 2013, 367 demandes d’asile ont déposées par des mineurs isolés, ce qui représente une baisse de 25 % par rapport à l’année précédente. Les deux tiers d’entre eux sont originaires du continent africain (essentiellement la République démocratique du Congo, l’Angola et la Guinée). L’Asie est le second continent d’origine des mineurs isolés demandeurs d’asile (2,7 % du total). En 2013, 95,1 % des mineurs isolés avaient entre 16 et 17 ans au moment de l’enregistrement de leur demande à l’OFPRA. Le taux d’admission global (décisions de l’OFPRA et de la CNDA) était alors de 56,7 %.

31 () Comme le rappelle l’étude d’impact jointe au projet de loi, la jurisprudence du Conseil d’Etat leur permet d’être admises au statut de réfugié en tant que membre d’un groupe social, au sens de la convention de Genève, lorsqu’elles sont exposées à des craintes personnelles de mutilation génitale.