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N° 2366

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 novembre 2014.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI relatif à la réforme de l’asile,

PAR M. Jean-Louis TOURAINE,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2182 et 2357.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LA RÉORGANISATION DES MODES D’HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE 9

A. LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF D’HÉBERGEMENT ACTUEL 9

B. LA PLANIFICATION DES PLACES D’HÉBERGEMENT 14

1. La proposition d’un dispositif national d’orientation des demandeurs d’asile vers un lieu d’hébergement 14

2. Les dispositions du projet de loi relatives à l’hébergement 14

a. Le schéma national d’hébergement et la simplification du régime juridique des CADA 14

b. De nouvelles attributions de l’OFII pour l’attribution d’un hébergement aux demandeurs d’asile 17

c. Les responsabilités de l’OFII dans le pilotage du dispositif d’hébergement 20

d. La prise en compte de la vulnérabilité de certains demandeurs d’asile 21

C. DES SOLUTIONS D’HÉBERGEMENT TEMPORAIRE POUR LES DÉBOUTES DU DROIT D’ASILE 25

II. LA RÉFORME DE L’ALLOCATION DE DEMANDEUR D’ASILE 29

A. LES AIDES FINANCIÈRES ACTUELLES GÉNÈRENT DES INJUSTICES ENTRE LES DEMANDEURS D’ASILE 29

1. Une extension progressive des bénéficiaires de l’allocation temporaire d’attente 29

2. La progression des coûts de l’allocation temporaire d’attente et la nécessité d’éviter le versement d’indus 31

B. UNE ALLOCATION UNIQUE QUI TIENT COMPTE DES CHARGES DE FAMILLE 33

C. UNE ALLOCATION CONDITIONNÉE AU RESPECT DU DISPOSITIF D’ORIENTATION DES DEMANDEURS 34

D. UNE ALLOCATION GÉRÉE PAR L’OFII 36

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 39

II. EXAMEN DES ARTICLES 53

Article 15 (art. L. 744-1 à L. 744-10 [nouveaux] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conditions d’accueil des demandeurs d’asile 53

Article 16 (art. L. 111-2, L. 111-3-1, L. 121-7, L. 121-13, L. 264-10, L. 312-8-1 [nouveau], L. 313-1-1, L. 313-9, L. 348-1 à L. 348-4 du code l’action sociale et des familles) : Réglementation applicable aux centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) 76

Article 17 (art. L. 5223-1, L. 5423-8, L. 5423-9 et L. 5423-11 du code du travail) : Coordination 79

Après l’article 17 80

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 81

INTRODUCTION

Le droit d’asile, valeur forte de la République française, que partage de nombreux pays est aujourd’hui menacé en France. Cet humanisme, cette obligation morale d’accueillir les personnes en grave péril dans leur pays d’origine du fait de leurs opinions, leur croyance, leur revendication du juste respect de leur dignité, ne sont plus assurés de façon satisfaisante au quotidien par des services submergés et sous le poids de dossiers de plus en plus nombreux.

L’afflux d’une immigration économique massive et des frontières devenues trop floues entre demande d’asile et demande d’immigration économique rendent les dispositifs actuels inadaptés : lenteur des procédures dénoncée par l’Union européenne, hébergement aléatoire, insuffisante prise en compte des enfants et personnes vulnérables, piètre répartition sur le territoire national, etc.

L’origine première de cette crise résulte de la forte augmentation de la demande d’asile adressée à la France depuis 2007, sachant que les autres pays européens sont aussi confrontés à des difficultés de même nature. La demande de protection internationale s’est en effet accrue, de 85 % entre 2007 et 2013.

Il en résulte de nombreux dysfonctionnements de la procédure, tant en termes de délais que de coûts, mais aussi une saturation de l’OFPRA et de la CNDA. L’hébergement des demandeurs d’asile est souvent mal assuré. Le pourcentage de personnes déboutées, car ne relevant pas précisément de l’asile, est de 80 % mais un flou règle volontiers sur la destinée de ces personnes qui ont habituellement séjourné plusieurs années en France avant de recevoir leur notification définitive.

La France a toujours porté haut cette tradition d’accueil et d’intégration à l’égard des personnes menacées dans leur propre pays. « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Le quatrième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 a rappelé un principe inscrit dans notre histoire depuis la Révolution française et que confortent nos engagements internationaux, qu’il s’agisse de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et de nos obligations européennes, dont le « paquet asile » (directives adoptées le 26 juin 2013) : représente la dernière traduction juridique.

Ce système de protection est aujourd’hui mis à mal par l’afflux de demandeurs mal orientés dans la procédure de demande d’asile, par une immigration économique et par une immigration sanitaire, des malades venant solliciter en France des soins auxquels ils ne peuvent pas accéder dans leur pays.

Le dispositif actuel ne permet plus de distinguer les demandeurs authentiques du statut de réfugié politique dans un amoncellement de demandes qui dévoient nos règles d’accueil. L’afflux des demandes pose, de plus, de redoutables problèmes de financement pour l’hébergement et la vie quotidienne des demandeurs.

La répartition régionale de la demande d’asile est géographiquement très déséquilibrée : environ la moitié des demandeurs d’asile se situe dans deux régions seulement, l’Ile-de-France (36 % de la demande nationale) et la région Rhône-Alpes (12 % de la demande nationale), ce qui accroît les difficultés à offrir un accueil digne à ces personnes.

La provenance des demandeurs d’asile présente certaines caractéristiques constantes avec un grand nombre de demandeurs issus de certains pays comme la République démocratique du Congo, la Guinée, la Russie, le Kosovo et l’Albanie, la Chine. La variation du nombre de demandeurs n’est pas nécessairement corrélée aux évolutions géopolitiques et aux conflits les plus aigus. Ainsi, les demandes d’asile de ressortissants de Syrie ou d’Afghanistan ne sont pas très nombreuses en France, alors qu’elles le sont davantage dans d’autres pays européens.

Paradoxalement, les demandeurs ne viennent pas massivement des pays en proie aux conflits guerriers les plus importants. En 2012, c’est le nombre de demandeurs en provenance du continent européen qui connaît la plus forte progression par rapport à l’année précédente. En 2013, ce même phénomène est retrouvé, même si on note une forte progression des demandes d’asile en provenance du Bangladesh et de Syrie, ces dernières restant cependant comparativement faibles en valeur absolue.

La demande d’asile était auparavant presque toujours le fait d’un homme isolé, qui faisait ensuite venir sa famille au titre du regroupement. Statistiquement, le demandeur d’asile est encore, dans 55 % des cas, un homme célibataire. L’âge moyen du demandeur d’asile est de 32 ans. Cependant la part des femmes a progressé à partir de 2008 : depuis, elles représentent environ 37 % des demandeurs d’aile. Pour certains pays, elles sont majoritaires, comme par exemple en provenance de République dominicaine (74 %), d’Angola (57 %), du Nigéria (57 %). En nombre, les trois premières nationalités pour les femmes sont les Russes, les Congolaises de RDC, puis les Kosovares.

À partir du milieu des années 2000, la proportion de demandeurs d’asile arrivant en famille avec conjoint et enfants s’est beaucoup accrue, modifiant radicalement la nature de la prise en charge demandée à la collectivité publique : scolarisation, renforcement du suivi médical.

De nombreuses demandes d’asile supposent à présent la prise en charge d’une famille, avec des enfants dont il convient d’assurer le suivi médical et qu’il faut scolariser.

Les mineurs étrangers isolés demandeurs d’asile sont également devenus plus nombreux : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a recensé, en 2012, 492 premières demandes de mineurs isolés. Ces mineurs sont majoritairement issus du continent africain (pour 72 % d’entre eux). Ils proviennent fréquemment du Congo (RDC), d’Angola, de Guinée ou du Sri Lanka. Si la population de mineurs isolés en France ne comptait que 3 100 personnes en 2003, elle s’élèverait aujourd’hui à 7 500 personnes, auxquelles s’ajoutent 1 500 jeunes majeurs.

La procédure française se caractérise par des délais beaucoup trop longs ce qui est préjudiciable aux réfugiés, aux déboutés et à l’économie du dispositif.

Il convient donc de s’interroger sur le fonctionnement de notre système d’accueil, engorgé par un flux de demandes, provenant de nationalités qui ne seront que marginalement reconnues comme justifiant le statut de réfugié, alors que celles ayant un réel besoin de protection ne s’adressent que peu à lui.

30 000 dossiers sont aujourd’hui en attente à l’OFPRA. Le délai moyen d’attente pour l’examen d’un dossier atteint 16 mois et 15 jours. Le dispositif d’hébergement est saturé, les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ne pouvant plus faire face. Les structures d’urgence qui devaient être temporaires ont pris le relais : près de 22 000 places étaient financées en 2013 en hébergement d’urgence, contre seulement 13 000 places en 2009, soit une augmentation de près de 70 % des capacités en quatre ans. Il y a aujourd’hui davantage de personnes prises en charge dans le dispositif d’hébergement d’urgence qu’en CADA.

Le projet de loi a donc pour objectif de rendre la procédure de demande d’asile plus humaine, plus efficace et plus équitable car elle aujourd’hui marquée par de fortes disparités régionales. Diverses dispositions sont prévues pour permettre un traitement des dossiers dans un délai de neuf mois en moyenne, procédure d’appel comprise. Afin de rééquilibrer le flux des demandeurs, un dispositif directif d’hébergement permettant d’affecter le demandeur dans une région où une place est disponible, va être mis en place.

Le projet de loi prévoit de créer de nouvelles garanties procédurales comme par exemple l’évaluation de la vulnérabilité de certains demandeurs à qui seront reconnus des besoins spécifiques ou la présence d’un tiers accompagnant le demandeur lors de son entretien avec l’instructeur de l’OFPRA.

L’avis énoncé dans ce rapport portera sur les articles 15 à 17 du projet de loi et abordera essentiellement la question des conditions matérielles d’accueil des demandeurs avec l’accès à un hébergement et le droit à une allocation qui tienne compte des charges de famille du demandeur. La procédure de reconnaissance d’éléments de vulnérabilité sera aussi abordée ainsi que la question des besoins sanitaires des demandeurs d’asile.

Pour la réussite de cette réforme, il est aussi prévu de réduire le nombre d’interlocuteurs des demandeurs d’asile et de renforcer les attributions de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et de l’office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).

I. LA RÉORGANISATION DES MODES D’HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE

A. LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF D’HÉBERGEMENT ACTUEL

Le dispositif actuel d’hébergement s’est avéré largement inadapté à l’afflux des demandeurs d’asile au cours des dernières années aussi bien en raison d’un nombre de places insuffisant que d’un coût en forte croissance, devenant disproportionné.

Les demandeurs d’asile peuvent être soit accueillis en « centres d’accueil pour demandeurs d’asile » (CADA et assimilés à des CADA) qui prévoient outre l’hébergement un accompagnement social et administratif soit être dirigés vers un dispositif d’urgence composé de deux sous-ensembles :

– un accueil géré au niveau déconcentré (AUDA) ;

– un dispositif d’accueil temporaire géré au niveau national par le service de l’asile (AT-SA).

Ce dispositif temporaire assure l’hébergement des demandeurs en procédure prioritaire ou relevant de la procédure de Dublin II (personnes devant être reconduites dans l’État où elles sont initialement entrées dans l’espace de l’Union européenne), qui n’ont pas accès aux CADA.

Enfin, notamment lorsque le dispositif dédié aux demandeurs d’asile est saturé, les personnes peuvent être accueillies dans le dispositif d’urgence généraliste dont le financement relève du programme budgétaire Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables.

Les CADA sont financés sur les crédits du programme « Immigration et asile » de la Mission « Immigration Asile et intégration » et ils représentent à peu près 68 % de ses crédits.

C’est surtout l’évolution de ces dépenses qui est préoccupante malgré les mesures prises pour les réguler. De 2008 à 2012 leur progression a été de 45 % et elles ont fait l’objet d’une sous-budgétisation systématique ce qui a conduit la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution de la loi de finances 2011 à qualifier d’ « insincères » les prévisions de dépenses.

Ce sont surtout les dépenses d’hébergement d’urgence qui ont connu une explosion passant de 53,1 millions en 2008 à 137,2 millions en 2013. Les trois quarts des places d’urgence crées au niveau déconcentré de 2009 à 2013 sont des places d’hôtel dont plus de la moitié en Ile-de-France (gestion assurée par le SAMU social). En région Rhône Alpes, la préfecture a ouvert depuis 2011 cinq nouvelles structures d’urgence collectives pour éviter le recours massif à l’hôtel mais cela s’est avéré insuffisant.

Pendant la même période, les crédits des CADA ont varié de 190,8 millions en 2008 à 198,8 en 2013. Dans le même temps le flux des demandeurs d’asile a augmenté de 44 %.

Le prix de journée moyen national des CADA est de 24,43 euros par personne hébergée en 2013. Les centres sont gérés par des associations ou par la société d’économie mixte Adoma. Le coût moyen de référence est établi par agrégation des prix des places de CADA, des places de transit et du centre d’accueil et d’orientation des mineurs isolés demandeurs d’asile (CAOMIDA).

Ce budget comprend l’hébergement, l’allocation mensuelle de subsistance et l’accompagnement social et administratif. Le montant de l’allocation mensuelle de subsistance varie selon le mode de restauration proposé par le CADA (collective, individuelle ou mixte).

Afin de réguler les dépenses, un référentiel de coûts par prestation a été élaboré en 2011.

Celui-ci a amélioré la visibilité des coûts réels des prestations des CADA, et a permis de prendre en compte la diversité de situations des centres et des populations accueillies. Ce référentiel permet d’identifier les coûts cibles par prestation à atteindre en fonction de la structure des CADA et de la population hébergée. Une étude de coûts a ensuite été réalisée, en 2012, qui a permis l’élaboration d’un nouvel outil de simulation budgétaire pour mieux évaluer la progression des dépenses.

Le choix d’accueillir massivement les nouveaux demandeurs d’asile dans un hébergement d’urgence n’a pas été justifié par le moindre coût budgétaire mais résulte plutôt du manque de places en CADA.

La croissance du flux ne permet pas à elle seule d’expliquer celle des dépenses d’hébergement. Un facteur aggravant, très préjudiciable est celui de l’augmentation des délais de traitement des demandes qui sont restés supérieurs à un an de 2008 à 2014. La durée de séjour en CADA est donc très excessive et préjudiciable à une rotation régulière des résidents.

Le système actuel d’accueil et d’hébergement, malgré les efforts accomplis en termes de progression des capacités, a laissé s’installer une inégalité de traitement entre les demandeurs, en fonction de leur accès ou non au dispositif dédié : un demandeur hébergé en CADA bénéficie d’un accompagnement pour la préparation de sa demande d’asile et le suivi de son dossier, et aurait, selon les associations gestionnaires, plus de chance de voir aboutir sa demande qu’une personne restée à l’extérieur du dispositif dédié (l’accompagnement social est de meilleure qualité en CADA avec un travailleur social pour 15 résidents contre 1 pour 20 en dispositif d’urgence ; son efficacité est supérieure, sans perte de temps pour les agents et les interprètes).

Le dispositif d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile a bénéficié d’investissements continus de la part de la puissance publique depuis le début des années 2000, pour faire face à l’afflux de personnes en demande d’asile lors de « pics » constatés à la suite, notamment, de conflits comme celui de l’ex-Yougoslavie. La capacité du dispositif global était d’environ 15 000 places en 2005 : elle a progressé pour atteindre 41 700 places à la mi-2013.

Pourtant, les demandeurs d’asile hébergés ne représentaient en 2013 que les deux tiers du total. Ainsi, en juin 2012, on pouvait constater que 33 % des demandeurs n’avaient pas sollicité ou pas obtenu d’hébergement.

De plus, les hébergements dédiés aux demandeurs d’asile sont concentrés dans certaines régions et villes du territoire français, situés à proximité des préfectures de région qui sont souvent les points d’entrée dans la procédure. Les six régions les plus sollicitées (Île-de-France, Rhône-Alpes, PACA, Pays de Loire, Alsace et Centre) représentent 70 % des demandeurs mais ne disposent que de 50 % des places en CADA ; le déséquilibre le plus frappant est celui de l’Île-de-France qui dispose de 16,5 % des places pour 40 % des demandeurs. Le rapport de la mission d’inspection de 2013 indique, à titre d’exemple que 16 050 demandeurs d’asile résidant en Ile-de-France étaient en attente d’une place de CADA en février 2013, soit 52,6 % du total des demandeurs en attente d’une place. Étant donné que la capacité en places d’hébergement d’urgence, financées par le programme 303, est de 3 784, il est facile de constater que le différentiel est très important (12 266 places), différentiel qui doit être comblé par l’hébergement en chambres d’hôtel.

L’engorgement des CADA est aussi renforcé par le maintien dans les centres de résidents ayant été déboutés. Ceux-ci, faute d’exécution des obligations de quitter le territoire (OTQF) ou de solutions alternatives d’hébergement continuent à occuper des places sans y avoir droit (obligation de quitter le centre au bout d’un mois après avoir été débouté). Ce phénomène est en augmentation et représente en moyenne 8 % des places de CADA mais dans certains départements ce taux peut aller jusqu’à 34 %.

Les CADA sont des établissements sociaux dont la gestion et la tarification sont régies par le code de l’action sociale et des familles. Les résidents y bénéficient d’un encadrement sur la base d’un agent à temps plein pour 10 à 15 personnes. Ce taux répond aux dispositions du décret n° 2013-113 du 31 janvier 2013 relatif aux conventions conclues entre les centres et l’État. Dans ces centres, au nombre de 264, il est apporté aux personnes hébergées une aide administrative et juridique relative à la procédure d’asile, un suivi social notamment en termes de santé et de scolarisation des enfants, mais également des activités et des sessions collectives d’information ou de « gestion de l’attente ».

Il avait été prévu, dans la loi de programmation pour la cohésion sociale adoptée en 2003, de porter à 20 000 places la capacité d’accueil en CADA en 2007, soit un quadruplement par rapport aux capacités de 2003. Par la suite, l’extension des capacités a été freinée, la priorité ayant été donnée à l’extension des capacités d’hébergement d’urgence. Ce n’est qu’en 2012 que la décision a été prise par le nouveau Gouvernement d’ouvrir à nouveau un nombre significatif de places de CADA.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PLACES DE CADA DE 2007 À 2014

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014*

19 410

20 410

20 410

21 330

21 410

21 410

23 369

25 410

(*) En prévision.

Source : OFII.

Ces places seront, à terme, réparties dans 268 CADA. Au 31 décembre 2013, 22 890 personnes y étaient hébergées, soit un taux d’occupation de 98 % des capacités. Le dispositif national d’accueil compte également 246 places en centres de transit et 33 places au centre d’accueil et d’orientation pour les mineurs isolés demandeurs d’asile (CAOMIDA).

Un des graves inconvénients du sous-dimensionnement actuel est que les demandeurs peuvent rester en liste d’attente parfois plus d’un an avant de trouver une place en CADA.

La mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) estimait dans son rapport publié en avril 2013, sur « l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile » que « moins d’un tiers seulement des demandeurs d’asile éligibles » trouvait un hébergement en CADA.

Un des autres effets pervers est de fragiliser le dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun, les demandeurs d’asile représentant une proportion de 9 % des places en Rhône-Alpes par exemple. Même si les estimations sont très délicates à réaliser faute d’outils statistiques précis, les Inspections, dans leur rapport précité, évaluaient à dix millions d’euros le coût supporté par le dispositif généraliste. Ce phénomène est surtout préoccupant pour les déboutés du droit d’asile qui occuperaient de 30 à 35 % des places du dispositif d’urgence classique.

En 2012 et 2013 des appels à projet ont été lancés dans plus de 35 départements, dont 23 des 31 départements listés prioritaires, pour accroître le nombre de places disponibles en CADA. Il a été décidé la création de 2 000 nouvelles places, dont 1 000 devraient être ouvertes en avril 2014 et 1 000 autres en décembre 2014.

Le parc total sera donc constitué de 25 656 places à la fin 2014.

L’indispensable réduction des délais de traitement, qui est l’un des objectifs prioritaires du présent projet de loi devrait contribuer grandement à améliorer l’accès aux CADA : à terme, un séjour deux fois moins long pendant une procédure plus efficace et un départ plus rapide après la décision permettront d’accueillir deux fois plus de personnes.

C’est pourquoi le dispositif d’hébergement dédié doit être développé pour atteindre une capacité de 35 000 places dans cinq ans, ce qui permettra d’unifier les conditions d’accueil. Considérant que l’objectif d’accroissement des capacités a été fixé à 25 656 places pour 2014, c’est environ 10 000 places qu’il faudra ultérieurement ajouter au dispositif. Comme l’envisage le rapport des inspections générales, ce but peut être atteint en assimilant les places d’AT-SA comme places de CADA, d’une part, et en créant une capacité nouvelle de 2 000 places chaque année, d’autre part.

Cet objectif de capacités nouvelles se fonde sur la simulation des besoins d’hébergement des demandeurs d’asile à l’horizon 2018, effectuées par les inspections précitées. Cette simulation est présentée dans le tableau suivant :

SIMULATION DES BESOINS D’HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE
À HORIZON 2018

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Flux de primo-arrivants (mineurs accompagnants inclus)

56 100

57 222

59 511

60 701

61 915

63 153

Flux de demandeurs sollicitant un hébergement

33 660

35 706

38 620

40 968

43 459

46 100

Source : Tableau de la mission (sur la base des données flux 2012 OFPRA).

Cet effort pour augmenter les capacités d’accueil devrait permettre d’héberger tous les demandeurs en procédure normale, et d’éviter le recours à l’hébergement d’urgence hôtelier.

Il sera très important de rééquilibrer territorialement la répartition de ces nouvelles capacités, y compris dans les villes petites et moyennes, sans exclure totalement certaines zones rurales, voisines de villes où se trouvent les services nécessaires.. Afin de tenir compte des contraintes budgétaires actuelles, il serait opportun de mobiliser le patrimoine immobilier vacant dans les zones détendues du territoire. Par exemple, il pourrait être fait usage des anciens foyers de travailleurs migrants, ou des logements sociaux dont 10 à 20 % des capacités restent disponibles dans de nombreuses communes.

Toutefois, un volant de places d’hébergement d’urgence devra être conservé pour loger les personnes placées en procédure prioritaire ou « accélérée », qui devraient être plus nombreuses qu’aujourd’hui après la transposition de la directive, ou les demandeurs en procédure « Dublin ». Cette capacité devrait s’élever à 11 000 places selon l’évaluation prévisionnelle effectuée par la mission d’inspection.

Pour ces personnes qui ne sont pas admises à présenter une demande en procédure normale, leur séjour sur le territoire doit en principe être bref, et il convient donc de préparer leur retour ou leur transfert dans l’État membre compétent pour l’examen de leur demande et leur mode d’hébergement doit permettre ces démarches dans des conditions favorables.

B. LA PLANIFICATION DES PLACES D’HÉBERGEMENT

1. La proposition d’un dispositif national d’orientation des demandeurs d’asile vers un lieu d’hébergement

Le rapport rendu ((1) au Ministre de l’Intérieur, sur la réforme de l’asile en novembre 2013 présente les conclusions d’une large consultation auprès des différents acteurs dans ce domaine, et explique la nécessité d’élaborer un schéma de répartition de l’accueil des publics par région et par département afin de rééquilibrer les hébergements. À l’image de ce qui a été fait en Allemagne, la capacité d’accueil de chaque région doit reposer sur des données objectives et identifiées telles que le nombre de demandes d’asile déposées, le potentiel financier de ces territoires, l’offre d’hébergement existante.

Ce schéma doit être réalisé avec les acteurs territoriaux concernés et les responsables associatifs.

Au cours de la concertation menée en 2013, il a été proposé de s’inspirer du centre d’accueil temporaire géré par le Forum Réfugiés-Cosi dans le Rhône pour permettre d’offrir un accueil transitoire dans l’attente d’une orientation vers un centre de plus long séjour. Ces centres transitoires verraient le jour dans les zones les plus saturées du territoire national.

Le schéma d’ensemble proposé se traduirait par la fixation de quotas par région. Puis une répartition interdépartementale devrait être opérée pour éviter que tous les primo-arrivants ne restent définitivement dans les chefs-lieux où ils ont été accueillis.

Pour être efficace un tel dispositif d’orientation doit comporter une certaine directivité. Les demandeurs d’asile qui refuseraient l’orientation proposée devraient perdre certains droits associés à l’hébergement dans le centre proposé où des places sont disponibles.

2. Les dispositions du projet de loi relatives à l’hébergement

a. Le schéma national d’hébergement et la simplification du régime juridique des CADA

L’article 15 du projet de loi crée un nouveau chapitre IV dans le titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, consacré aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Pour structurer et équilibrer l’offre d’hébergement, l’article L. 744-2 instaure un schéma national d’hébergement qui inclut l’ensemble des dispositifs actuels, décliné par région. Ce schéma fixe la répartition des places d’hébergement et il est arrêté par le ministre compétent en matière d’asile après avis du ministre en charge du logement. Le représentant de l’État dans la Région établit un schéma régional en tenant compte des plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) qui relèvent de la responsabilité conjointe de l’État et des Conseils généraux.

Jusqu’à présent, la grande majorité de la capacité d’hébergement est gérée localement par les préfets. Elle repose sur un nombre limité de places en CADA et le dispositif d’hébergement d’urgence ne permet pas de mutualiser efficacement le nombre de places. De plus, la mutualisation des capacités d’hébergement entre départements et l’orientation des primo-arrivants hors des territoires chefs-lieux n’est pas généralisée à ce jour, et les objectifs de régionalisation du dispositif d’hébergement d’urgence ne sont pas atteints. Il n’y a donc pas actuellement de mécanisme efficace de répartition des demandeurs d’asile sur le territoire national.

Statut et obligations des CADA

Les CADA sont des établissements sociaux au sens de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Ils sont distincts des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) depuis 2006 et inscrits en tant qu’établissements spécifiques au treizième alinéa de cet article.

En tant qu’établissements sociaux, les CADA sont soumis à autorisation par le représentant de l’État compétent, qui est le préfet de département. Cette procédure implique l’avis d’une commission de sélection d’appel à projet qui associe des représentants des usagers (article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles).

Ils relèvent également des dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives :

– aux droits des usagers (articles L. 311-3 à L. 311-11). Les CADA sont tenus d’organiser un conseil de la vie sociale, ou d’autres formes de participation, afin d’associer les résidents au fonctionnement de l’établissement ;

– aux procédures de tarification (articles R. 314-1 à R. 314-63), notamment les modalités de présentation budgétaire, de fixation du tarif, d’exécution du budget, de contrôle et évaluation et de contentieux ;

– aux procédures d’évaluation (article L. 312-8) ;

– aux procédures de retrait d’habilitation.

Le décret n° 2013-113 du 31 janvier 2013 sur les conventions à passer entre l’État et les CADA précise également ces missions, la réglementation concernant les admissions et sorties, les moyens en personnel, ainsi que les modalités de financement, de contrôle et d’évaluation.

Par ailleurs, les structures d’hébergement d’urgence dédiées aux demandeurs d’asile, financées sur le programme 303 Immigration et Asile géré par le ministère de l’intérieur, ne sont pas soumises au régime d’autorisation du code de l’action sociale et des familles. Elles sont mentionnées, tout comme les structures d’hébergement d’urgence généraliste, à l’article L. 322-1 de ce code.

À ce titre, l’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA), tout comme l’hébergement d’urgence généraliste, n’a pas de statut juridique et ne répond donc pas aux mêmes obligations que les CADA en termes de création ou de fermeture de places, de tarification, d’évaluation ou encore d’accompagnement.

Enfin, les demandeurs d’asile qui ne bénéficient pas d’une place sur le dispositif dédié ont accès, comme toute personne sans domicile, au dispositif d’urgence de droit commun, au titre de l’accueil inconditionnel. Aux termes de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».

Le dispositif actuel laisse donc aux demandeurs d’asile le choix de leur lieu de résidence. En effet :

– l’orientation vers une place d’hébergement en centre ou en urgence se fait en fonction du lieu de dépôt de leur demande de titre de séjour, donc de manière générale dans le département ou la région où leur demande est déposée ;

– le dispositif national visant à établir une péréquation des charges et une forme de solidarité nationale montre ses limites. Il prévoit que 30 % des places vacantes de chaque région sont mises à disposition de l’échelon central. Dans les faits, le nombre de places ainsi mises à disposition reste limité (17 %) et la prise en charge s’organise donc localement ;

– la création de places de CADA repose sur un dispositif contraignant d’autorisation et d’appel à projet, générant des délais de création supérieurs à un an.

L’article 16 du projet de loi vise donc à assouplir le régime d’obligations qui pèse actuellement sur les CADA et leur conférer une flexibilité adaptée à la nature du public accueilli. C’est pourquoi des dérogations aux dispositions du code de l’action sociale et des familles sont introduites.

En particulier, le projet de loi supprime le caractère d’aide sociale d’État pour la prise en charge en CADA, qui devient un régime distinct de la prise en charge en CHRS ou dans d’autres établissements sociaux. Les quatre premiers alinéas de l’article 16 procèdent donc à la suppression de la référence aux CADA dans les articles du code de l’action sociale et des familles relatifs à l’aide sociale. Une des conséquences de cette suppression est que le contentieux de l’admission en CADA ne relèvera plus des commissions départementales d’aide sociale (et des commissions centrales d’aide sociale en cas de recours). Les demandeurs d’asile devront donc s’adresser aux tribunaux administratifs pour tout contentieux relatif aux décisions d’admission en CADA.

Au 5° de l’article 16 est créé un nouvel article L. 312-8-1 du code de l’action sociale et des familles qui institue un régime dérogatoire par rapport à l’évaluation des établissements médico-sociaux.

Ces établissements procèdent à des évaluations de leurs activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent, au regard notamment de procédures, de références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles validées par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). Cette démarche d’évaluation se fait en interne régulièrement et en externe en ayant recours à un organisme extérieur habilité. Ces évaluations sont transmises tous les cinq ans à l’autorité de tutelle.

Le projet de loi assouplit le régime de droit commun et allège le nombre d’évaluations externes. Il renvoie à un décret pour préciser la périodicité de ces évaluations et les modalités de leur communication à l’autorité qui a autorisé leur ouverture, en l’occurrence le Préfet de département.

En outre, plusieurs mesures visent à simplifier la réglementation relative aux CADA pour disposer d’un statut homogène en matière d’hébergement des demandeurs d’asile. Il est ainsi dérogé à l’article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles prévoyant l’avis préalable d’une commission de sélection d’appel à projet pour la création, la transformation ou l’extension d’un CADA. L’objectif est de simplifier et d’accélérer la transformation de structures d’hébergement. Cet objectif doit notamment contribuer à la mise en œuvre du schéma directif envisagé.

b. De nouvelles attributions de l’OFII pour l’attribution d’un hébergement aux demandeurs d’asile

L’autre aspect de ce dispositif d’accueil est de mettre en place une orientation nationale et directive des demandeurs d’asile. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est chargé d’organiser le parcours du demandeur d’asile et de l’orienter vers un hébergement (art. L. 744-4).

L’orientation directive est expressément prévue par la directive « accueil » de 2003, qui indique, dans son article 7, que les États membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d’accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Cette disposition autorise d’ailleurs certains États membres à prévoir une autorisation à résidence des demandeurs d’asile pendant le premier examen de leur situation et leur orientation en procédure.

L’OFII est aussi responsable de la décision de sortie ou de changement d’affectation de lieu d’hébergement. Pour des raisons d’ordre public, le Préfet peut s’opposer à la décision d’admission d’un demandeur d’asile. Dans ce cas, l’OFII est tenu de prendre une nouvelle décision d’admission.

Il est aussi précisé que L’OFII est chargée du contrôle de la présence des demandeurs dans le lieu d’hébergement qui leur a été attribué.

L’article L. 744-5 définit les périodes pendant lesquelles les demandeurs peuvent rester hébergés dans ces centres d’accueil. Les demandeurs peuvent rester durant l’instruction de leur demande d’asile ou jusqu’à leur transfert effectif vers un autre État membre. Cet accueil prend fin à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’OFPRA ou à la date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Cet article précise par ailleurs qu’un décret détermine les conditions dérogatoires permettant à certains demandeurs ayant obtenu l’asile ou à ceux qui ont été définitivement déboutés de rester très temporairement dans le centre qui les a accueillis durant l’instruction de la demande.

Afin de donner aux personnes accueillies certaines garanties pour la stabilité de leur hébergement, il est prévu que seule une décision de justice puisse décider de l’évacuation du lieu d’accueil pour un résident qui séjourne au-delà de la période autorisée.

Par le passé, les responsables de CADA ont rencontré des difficultés avec certains résidents qui occupaient illégalement une place.

Le taux national de déboutés en présence indue était de 6 % avec des pics à plus de 20 % dans certains départements (23,9 % en Haute Saône et Loire et 26,9 % dans la Sarthe notamment). Ces résultats s’expliquent notamment par l’absence de cadre juridique sécurisé des procédures d’expulsion.

Les gestionnaires de CADA ont initié, souvent sur demande des préfets compétents, des procédures contentieuses longues (jusqu’à deux ans, alors que le délai autorisé de maintien en CADA d’un débouté est d’un mois) et coûteuses auprès des tribunaux d’instance (sur le fondement de l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution), face à des situations de refus de sortie de résidents en présence indue.

Toutefois, ces procédures n’assurent pas toujours une sortie effective de la personne. Plusieurs motifs ont pu être retenus pour débouter les gestionnaires de leurs demandes d’expulsion à l’encontre des occupants sans droit ni titre : absence de justificatif de la notification de la décision de la CNDA ; remise en cause de la formulation des clauses du contrat de séjour concernant la fin de prise en charge ; exigence stricte de preuves sur les faits ayant justifié une exclusion pour violences (témoignages de tiers en plus de dépôt de plainte)… De même, lorsque le tribunal a statué en faveur du gestionnaire, les décisions d’expulsion ne sont pas toujours suivies d’exécution par le préfet compétent, qui n’engage pas le concours de la force publique. Les gestionnaires de centres sont alors tributaires de la volonté des occupants d’accepter ou non une des solutions de sortie qui leur sont proposées, vers le dispositif de droit commun.

Un tribunal administratif s’est déclaré compétent pour le prononcé d’une expulsion (notamment TA de Dijon juges des référés 28 janvier 2014, n° 130450) en jugeant que : « le gestionnaire du centre conclut avec la personne hébergée un contrat de séjour exorbitant du droit commun, qui ne peut en aucun cas être assimilé à un bail de location et qui reprend les stipulations de la convention de droit public signée entre l’État et le gestionnaire du centre ; que c’est dans l’intérêt public et pour le compte de l’État que ce dernier agit, dans le cadre d’une mission de service public qui lui a été dévolue et conformément aux dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles ; qu’il en résulte que bien que s’agissant d’une association régie par le droit privé et de locaux privés, la mesure sollicitée n’échappe pas de façon manifeste à la compétence de la juridiction administrative ». Le juge administratif fonde donc sa compétence sur deux arguments essentiels : d’une part, le contrat de séjour, fondé sur une convention de droit public entre l’État et le gestionnaire, contient des stipulations exorbitantes du droit commun et ne constitue donc pas un bail de location privé ; d’autre part, le CADA agit dans l’intérêt public et pour le compte de l’État, dans le cadre d’une mission de service public. Le sens de cette décision a été confirmé par cinq autres ordonnances rendues dans des affaires différentes, peu de temps après, par le même tribunal.

Enfin, le 24 janvier 2014, le préfet de la région Languedoc-Roussillon, a saisi le tribunal administratif de Montpellier d’une demande d’avis sur cette question de l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre d’un CADA. Par un avis du 14 mars 2014, le tribunal administratif de Montpellier a répondu que l’expulsion d’office ou par un recours en référé conservatoire devant le tribunal administratif ne peut être décidée par le gestionnaire, mais seulement par le préfet compétent saisi par le gestionnaire confronté à des difficultés. À ce titre, le tribunal indique que « l’hypothèse la plus fréquente » devrait être celle d’un recours en référé devant le tribunal administratif et non l’exécution d’office.

Le projet de loi consacre en conséquence cette solution (nouvel article L. 744-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). En cas d’occupation indue, le préfet pourra mettre en demeure l’occupant de quitter le lieu d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile ; en cas de mise en demeure infructueuse, il pourra saisir le juge administratif des référés, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code des juridictions administratives aux fins d’injonction à l’encontre de l’occupant, au besoin sous astreinte et avec le concours de la force publique.

Afin d’éviter tout contentieux dilatoire ou annexe sur l’urgence, cette condition est expressément écartée, à l’instar du dispositif prévu à l’article L. 521-3-1 du code des juridictions administratives.

c. Les responsabilités de l’OFII dans le pilotage du dispositif d’hébergement

L’article L. 744-4 attribue à l’OFII une fonction de coordination et d’organisation de l’hébergement. Comme par le passé, il pourra déléguer à certaines associations ou organismes la gestion des lieux d’accueil.

Pour permettre un véritable pilotage des places d’hébergement, il est indispensable de disposer d’un outil de gestion capable de suivre en temps réel l’évolution des capacités d’accueil des différents centres. C’est pourquoi l’article L. 744-4 prévoit qu’un traitement automatisé recense les capacités de ces centres et leur occupation effective. Les organismes qui gèrent les centres d’accueil par délégation ont obligation de compléter ce fichier informatique pour permettre un suivi des places disponibles. Ils doivent aussi signaler au Préfet les absences injustifiées et prolongées des demandeurs d’asile afin que des places ne restent pas inutilisées sans raison.

En réalité ce traitement informatique existe déjà mais le projet de loi vient ici lui donner une base légale. (2)

Le système d’information, de gestion et de pilotage du dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile – le DN@ – a été mis en place en 2009 par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, afin de permettre le suivi des demandeurs d’asile hébergés en CADA et d’améliorer le pilotage du dispositif national d’accueil.

Ce système d’information a été étendu aux places d’hébergement d’urgence mises à disposition du niveau national par la société d’économie mixte Adoma, depuis le mois de janvier 2012. Le parc ainsi constitué est dénommé Accueil temporaire-Service de l’asile (AT-SA).

Le DN@ permet à l’OFII ainsi qu’au ministère chargé de l’asile d’être informés sur les taux d’occupation de ces structures d’hébergement, et également sur le taux de présence indue en CADA et en AT-SA. Le système permet enfin de connaître les personnes admises au séjour et qui sont en attente d’une place de CADA. Les informations sont accessibles aux services de l’État ainsi qu’aux gestionnaires de centres, qui doivent régulièrement renseigner les données d’occupation.

Jusqu’à présent ce logiciel présentait une lacune : il ne comportait pas de données relatives à l’occupation des structures d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile gérées au niveau déconcentré (les HUDA). L’OFII a expérimenté, à partir de 2012, une extension du DN@ aux personnes hébergées en HUDA. Les régions soumises à l’expérimentation étaient la Bretagne, la Franche-Comté, le Poitou-Charentes et le département du Nord. Des difficultés liées à l’absence de pilotage régional et uniformisé dans certaines régions, ou au manque de coopération de certains partenaires, ont été constatées. Néanmoins, l’expérimentation est apparue concluante et l’administration a décidé de la généraliser en 2014.

Adopter ce système piloté au plan national et à caractère directif suppose de disposer d’une application informatique pour orienter les arrivées de demandeurs d’asile vers les places disponibles. Le DN@ pourra être utilisé comme base mais devra être complété par l’intégration des données relatives au schéma de répartition des capacités d’hébergement sur l’ensemble du territoire métropolitain.

Ce schéma directif doit bien sûr admettre la possibilité d’exceptions, par exemple dans le cas où la personne a été jugée vulnérable par les autorités d’accueil, et qu’elle nécessite un suivi médical spécifique.

d. La prise en compte de la vulnérabilité de certains demandeurs d’asile

La directive « accueil » révisée en 2013 prévoit que les États membres devront tenir compte de la situation particulière des personnes vulnérables. La directive ne donne pas de définition de la vulnérabilité mais cite des exemples de personnes pouvant être considérées comme vulnérables, telles que « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine. »

Lorsqu’une personne sera considérée comme vulnérable, il devra être tenu compte de ses besoins particuliers en matière d’accueil pendant toute la durée de la procédure d’asile, et sa situation devra faire l’objet d’un suivi approprié.

L’article 20 de la directive précitée prévoit que « les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par les actes en question ».

L’énumération faite par l’article 21 de la directive précitée conduit à considérer qu’il y a aura deux types de vulnérabilité. Le premier comptera des personnes objectivement vulnérables, que la loi de transposition devra reconnaître : les mineurs, les femmes enceintes, les personnes handicapées (vulnérabilité à caractère social). Le second type de vulnérabilité ne sera pas détectable au premier abord, telles les victimes de traite et de mutilations, les victimes de torture ou de violences.

La détection de ces formes de vulnérabilité supposera un examen médical mais aussi éventuellement psychologique, et un entretien suffisamment approfondi pour que la personne accepte de se confier.

Pour se mettre en conformité avec les prescriptions de la directive précitée, l’article 15 du projet de loi crée un article L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui définit la procédure spécifique d’accueil pour les personnes reconnues vulnérables.

L’OFII est chargé dans un délai raisonnable après la présentation de la demande d’asile, de procéder à un examen de la vulnérabilité du demandeur pour déterminer si ses conditions d’accueil doivent être aménagées pour tenir compte de certains « besoins particuliers ». Cette évaluation peut être faite ultérieurement dans une autre phase de la procédure d’accueil si la situation, notamment sanitaire du demandeur évolue.

Le deuxième alinéa de cet article précise que les informations attestant de la vulnérabilité pourront être transmises à l’OFPRA avec l’accord du demandeur. Cette indication est très importante car de nombreuses informations risquent d’être couvertes par le secret médical ou peuvent comporter des éléments très intimes de la vie du demandeur.

Ces informations pourront être transmises par voie de traitement automatisé. Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) fixera les modalités d’évaluation de la vulnérabilité et les modalités de transmission des informations à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce décret devra aussi définir les catégories de professionnels qui auront accès à ces données nominatives et à la manière dont elles seront tenues à jour. Il devra aussi indiquer comment les personnes intéressées peuvent accéder à leur dossier et éventuellement peuvent modifier certaines informations.

Il semble logique d’avoir attribué à l’OFII la détection de la vulnérabilité qui pourra s’appuyer sur les médecins, infirmiers et radiologues qui assurent déjà les visites et contrôles médicaux obligatoires dans le cadre des procédures d’entrée sur le territoire et d’immigration.

Au sein de l’OFII, 208 médecins assurent déjà 200 000 visites médicales par an. Cependant, la charge supplémentaire occasionnée suppose de réfléchir à une modernisation des règles régissant les contrôles médicaux passés par les étrangers : pourraient ainsi être supprimées les visites médicales pour les étudiants, les salariés étrangers des entreprises installées en France, les personnes hautement qualifiées venant s’installer en France pour des motifs professionnels.

Il conviendra de préciser si la visite médicale devra avoir un caractère systématique (elle n’est actuellement obligatoire que pour les personnes entrant en CADA), ou bien si elle devra être réservée aux personnes pour lesquelles les premiers entretiens réalisés par l’agent de l’OFII auront détecté un risque de vulnérabilité.

L’évaluation des situations de vulnérabilité doit dans tous les cas être effectuée par des professionnels formés. Il conviendra aussi de préciser comment les professionnels de droit commun chargé du travail social et les professionnels de santé spécialisés dans la détection de certaines formes de maltraitance ou tortures pourront apporter leur contribution à l’expertise de ces demandes.

L’identification est particulièrement nécessaire dans le cas des victimes de torture et plus généralement des personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique : en effet, ce type de vulnérabilité est bien souvent invisible pour les intervenants sociaux et certains agents de l’administration, dont l’OFPRA.

Les demandeurs d’asile souffrant de trouble de stress post-traumatique font face à des difficultés particulières dans le cadre de la procédure d’asile. Ils manifestent bien souvent un ou plusieurs symptômes particulièrement handicapants : pertes de mémoire, difficultés de concentration, évitement du souvenir des événements traumatisants, douleurs physiques divertissant l’attention des problématiques psychologiques, fatigue mentale plus importante.

L’impact sur leur procédure d’asile est significatif. Tant dans la rédaction de leur récit de vie qu’à leur entretien, voire leur audience à la Cour nationale du droit d’asile, ces personnes sont souvent dans l’incapacité de se rappeler, voire de simplement faire référence, aux éléments parfois les plus déterminants de leur demande d’asile, tels que des épisodes de torture ou de viol. Leur récit est souvent dénué de cohérence sans référence temporelle ou spatiale précise, ni explication logique de leur parcours depuis leurs craintes de persécution jusqu’à leur fuite. Leur crédibilité est souvent questionnée par l’OFRA et la CNDA. La procédure s’en trouve souvent rallongée, en raison d’un rejet initial par l’OFPRA.

« Médecins du monde » a aussi insisté sur l’importance des problématiques de santé mentale et de troubles post-traumatiques qui suppose des professionnels formés à ces pathologies très différentes des troubles psychiatriques « classiques ». Les aspects socioculturels et religieux peuvent aussi constituer un obstacle pour la communication entre le demandeur et le travailleur social chargé de l’évaluation de la vulnérabilité. À ce titre le recours à des cellules de médiation culturelle paraît très important. Pour les femmes, il est aussi primordial de leur garantir de pouvoir être interrogées par un professionnel féminin et avec le concours d’un interprète professionnel formé aux problématiques de l’exil.

Le rapporteur tient à faire mention d’un projet européen qui cherche à améliorer l’identification des facteurs de vulnérabilité. Il s’agit du projet « PROTECT » pour processus de reconnaissance et d’orientation des victimes de torture dans les pays européens afin de faciliter l’accompagnement et l’accès aux soins.

Face à au constat de fréquents traumatismes subis dans le pays d’origine et dans le parcours migratoire, diverses organisations européennes se sont rassemblées au sein du projet PROTECT, financé par la Commission européenne et proposé par Parcours d’exil (France) : France terre d’asile (France), Pharos (Pays-Bas), BZFO (Allemagne), Cordelia (Hongrie) et ACET (Bulgarie), avec le soutien de l’IRCT (International Réhabilitation Council for Torture victims). Démarré à l’été 2010, ce projet visait à élaborer un outil d’identification des victimes de torture parmi les demandeurs d’asile afin de permettre leur orientation et leur prise en charge.

Cet outil se présente sous la forme d’un questionnaire de 10 questions fermées. Élaboré avec des psychiatres intervenant dans le secteur des demandeurs d’asile, ce questionnaire permet de mettre en lumière différents symptômes de trouble de stress post-traumatique.

En fonction du nombre de réponses positives, le demandeur d’asile est considéré comme présentant un risque plus ou moins important (« faible », « moyen », « élevé ») de souffrir de stress post-traumatique. Le demandeur d’asile « à risque » devrait être orienté vers une évaluation psychologique puis une prise en charge médicale et, à terme, bénéficier de conditions d’accueil et procédurales adaptées. Le principe du questionnaire n’est pas de poser un diagnostic ; c’est un outil, couplé à une formation, qui permet de mieux accompagner les travailleurs sociaux dans le domaine du psycho traumatisme. L’administration de ce questionnaire ne saurait suffire à poser un diagnostic. Il s’agit d’un outil de première intention qui doit être complété par des entretiens réalisés par des professionnels formés.

Un deuxième projet PROTECT, a été retenu par la Commission européenne. Dénommé PROTECT-ABLE, il comporte deux activités principales. D’une part, les associations partenaires vont organiser des activités d’information et de plaidoyer auprès des institutions européennes et nationales. D’autre part, des formations vont être déployées dans chaque pays partenaire afin de former les personnels non médicaux qui sont en première ligne d’accueil des demandeurs d’asile, à l’usage de l’outil.

Le rapporteur espère que cet instrument sera pleinement utilisé par l’OFII dans le cadre de la réforme même si rien ne peut remplacer une formation spécifique à la détection de la vulnérabilité. Il faut aussi souhaiter une meilleure information des services d’accueil des demandeurs concernant certains types de persécutions comme les mutilations sexuelles. Le collectif « Action et droits des femmes exilées et migrantes » a souligné la méconnaissance par les agents des préfectures des procédures possibles.

En effet, selon la décision n° 332492 du Conseil d’État du 21 décembre 2012 les petites filles menacées de mutilations sexuelles peuvent se voir reconnaître le statut de réfugié du fait de leur appartenance à un certain groupe et à raison des risques qu’elles encourent personnellement dans le pays dont elles ont la nationalité, même si elles sont nées hors de ce pays. Les parents ne peuvent prétendre à une protection que s’ils sont eux-mêmes en danger du fait de leur opposition aux mutilations sexuelles. La circulaire du ministre de l’intérieur du 5 avril 2013 précise que, sur le fondement du droit à la vie privée et familiale, ils doivent se voir délivrer une carte de séjour temporaire.

C. DES SOLUTIONS D’HÉBERGEMENT TEMPORAIRE POUR LES DÉBOUTES DU DROIT D’ASILE

Une des difficultés majeure dans la procédure de l’asile est de faire face aux personnes déboutées du droit d’asile. En effet, une fois la décision de refus de l’OFPRA devenue définitive, après le cas échéant épuisement des voies de recours, le demandeur d’asile devient un étranger en situation irrégulière. La situation de ces personnes n’est aujourd’hui pas traitée par les services de l’État. Elles restent le plus souvent dans la clandestinité, hébergées dans le dispositif d’hébergement d’urgence ou parfois logées par des marchands de sommeil.

La situation actuelle des déboutés du droit d’asile n’est pas satisfaisante. Faute d’un outil de suivi statistique, personne ne sait combien d’entre eux quittent le territoire volontairement sans demander d’aide au retour, s’engagent dans d’autres procédures de régularisation, passent dans la clandestinité ou font l’objet d’un éloignement contraint.

Les étrangers déboutés du droit d’asile après parfois deux ans de procédure tentent souvent de régulariser leur séjour soit en faisant valoir qu’ils remplissent les critères de régularisation fixés par les circulaires en vigueur, soit en entamant d’autres procédures spécifiques.

La procédure la plus sollicitée est celle dite « étrangers malades » définie au 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile comme suit : « la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit à l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. »

La jurisprudence a fixé à un an la durée nécessaire pour que la résidence puisse être considérée comme habituelle, ce qui permet aux déboutés du droit d’asile de présenter leur dossier alors même que la procédure de demande d’asile est toujours pendante. Certaines préfectures refusent de prendre en compte ces demandes parallèles mais aucune base légale ne permet de fonder un tel refus.

La mission conjointe des inspections générales d’avril 2013 précitée avait estimé à ce propos que « le dépôt simultané offre l’avantage aux préfectures de pouvoir statuer dans un temps plus court sur l’ensemble des demandes d’accès au séjour déposé par les demandeurs d’asile. Ce phénomène met toutefois également en exergue un risque de détournement de la procédure de demande d’asile, des ressortissants étrangers effectivement malades, et souffrant éventuellement de pathologies lourdes, pouvant avoir intérêt à déposer une demande d’asile dans le seul but de demeurer sur le territoire français pendant un an, afin d’être en mesure de solliciter une admission au séjour au titre de la procédure étrangers malades” ».

Une autre mission conjointe de l’IGA et de l’IGAS consacrée à l’admission au séjour des étrangers malades, datant de mars 2013, a confirmé la présence importante de déboutés du droit d’asile dans les dossiers présentés au titre de cette procédure : 50 % à Toulon par exemple. Au niveau national, 39 % des étrangers qui obtiennent un premier titre de séjour à ce titre sont issus de la demande d’asile. En 2011, cela représentait de l’ordre de 4 300 personnes puisque cette procédure avait bénéficié à un total d’environ 11 300 personnes (6 500 premières délivrances de cartes de séjour et 4 800 autorisations provisoires de séjour délivrées le temps d’examiner le dossier).

La question de savoir s’il faudrait créer des centres dédiés pour assurer une prise en charge efficace des personnes déboutées, dans lesquelles elles seraient assignées à résidence ne fait pas consensus parmi les associations s’occupant des demandeurs d’asile.

Cette démarche comporterait l’avantage d’accorder, pour une courte durée, des droits à un public qui se retrouve bien souvent en situation d’errance et de grande précarité. Le versement d’aides financières aux étrangers en situation irrégulière jugés « de bonne foi » est constaté dans plusieurs pays de l’Union européenne, notamment en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Suède, aux Pays-Bas et en Belgique.

À notre sens, il s’agit toutefois d’une alternative beaucoup plus favorable que les seuls centres de rétention, en particulier pour les familles avec enfants. Ces centres permettraient en outre un suivi des personnes hébergées. Cette solution contribuerait également à donner une meilleure lisibilité à la politique de l’asile. Ceci répondrait aussi au souci d’éviter une nouvelle sanction de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui, dans sa décision du 19 janvier 2012, a déjà condamné la France pour avoir imposé à une famille déboutée du droit d’asile de rester en centre de rétention avant son expulsion.

Une démarche expérimentale pourrait être engagée dès à présent dans une région particulièrement tendue comme Rhône-Alpes.

Les demandeurs déboutés se verraient proposer un accompagnement reposant sur l’examen des possibilités de régularisation, une préparation psychologique et matérielle au retour en cas de délivrance d’une OQTF et l’organisation du retour sous une forme volontaire ou contrainte.

Leur régime serait celui d’une assignation à résidence, c’est-à-dire un régime de semi-liberté obligeant les gens à pointer régulièrement à la gendarmerie ou au commissariat, comme il est actuellement souvent pratiqué pour ces populations.

Plusieurs opérateurs ont fait preuve de leurs réserves sur ce type de structures sans exclure absolument de candidater dès lors qu’un cahier des charges serait émis par l’administration. L’un d’entre eux, Adoma, a fait part d’une réflexion plus approfondie en livrant quelques informations sur le cadrage possible d’une telle expérimentation. (3)

Les prestations proposées relèveraient de la mise à l’abri à titre humanitaire (hébergement et subsistance sans versement de pécules), l’accompagnement inclurait la prise en charge sanitaire et l’ouverture des droits à l’aide médicale d’État et un accès à la scolarisation des enfants.

Ce type d’hébergement fonctionnerait dans une logique de mutualisation des moyens avec d’autres dispositifs gérés par Adoma ce qui assurerait une continuité de prise en charge pour les personnes hébergées dans un CADA ou un hébergement d’urgence généraliste.

Le format serait un centre de 60 places avec deux intervenants sociaux chargés de l’accompagnement des familles. Les moyens budgétaires prévisionnels pourraient être calés sur un prix de journée par personne de 14 euros, inférieur aux nuitées hôtelières (17 euros en moyenne) pour lesquelles il n’y a pas d’accompagnement.

Plusieurs associations ont souligné que ces propositions s’inspiraient d’un dispositif mis en place en Belgique en septembre 2012 dans le cadre de la réforme de l’asile opérée par la loi du 19 janvier 2012.

La loi belge a développé le concept de « trajet de retour » dont la dernière étape repose sur 300 places spécialisées dans 4 centres d’accueil gérés par l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil). Dès la notification de la décision négative du Conseil du contentieux des étrangers (équivalent belge de la CNDA), la personne se voit assigner une place dans ces centres et elle dispose de 3 jours pour les rejoindre.

Dans le centre, la personne déboutée est prise en charge par un travailleur social de Fedasil ainsi que par un agent de liaison de l’Office des étrangers (OE). S’ouvre alors une période de 20 jours au cours de laquelle les trois personnes travaillent au retour volontaire au cours de plusieurs entretiens.

S’il apparaît que l’étranger ne coopère pas, l’OE entame la préparation du retour forcé et peut donner instruction à la police de convoquer l’étranger au commissariat ou de venir l’arrêter dans le centre d’accueil s’il refuse de le quitter.

Selon France Terre d’Asile (FTDA) qui a analysé ce dispositif et ses résultats, suite à une visite d’étude menée sur place en septembre 2013, les résultats de ce dispositif seraient mitigés puisqu’entre septembre 2012 et septembre 2013, sur les 5 373 personnes qui se sont vues proposer une place de retour dans ces centres, 3 800 (plus de 70 %) ne s’y sont pas rendues.

La majorité des personnes présentes dans ces centres disparaîtrait dans la nature lors de la convocation à la police.

Cependant, les pouvoirs publics ont la responsabilité de souligner que la décision définitive de rejet constitue une rupture de statut par rapport à celle de demandeur d’asile, sauf à déconsidérer complètement la qualité de réfugié et l’ensemble de la procédure qui permet de reconnaître cette qualité.

Pour permettre d’étudier les avantages et inconvénients d’un tel système, il semble important de mettre en place une expérimentation.

Celle-ci doit être menée de concert avec une véritable politique d’accompagnement au retour, qu’il soit volontaire (aides, projets de réinsertion économique dans le pays d’origine) ou forcé (meilleure exécution des OQTF prononcées, notamment par sécurisation juridique des procédures).

II. LA RÉFORME DE L’ALLOCATION DE DEMANDEUR D’ASILE

A. LES AIDES FINANCIÈRES ACTUELLES GÉNÈRENT DES INJUSTICES ENTRE LES DEMANDEURS D’ASILE

Actuellement, le niveau des allocations versées aux demandeurs d’asile varie selon que ces derniers sont hébergés en centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ou hors CADA.

En CADA, les résidents perçoivent une allocation mensuelle de subsistance (AMS), dont le barème varie selon la composition familiale. Son montant, compris entre 91 et 718 euros par mois, tient compte des prestations fournies par le CADA et de la composition de la famille du demandeur. Pour en bénéficier, comme prévu au II de l’article R. 318-4 du code de l’action sociale et des familles, la personne hébergée dans un CADA doit justifier de ressources inférieures à un montant variable selon la composition de la famille (250 euros pour une personne seule).

Les demandeurs d’asile hors CADA touchent quant à eux l’allocation temporaire d’attente (ATA), qui n’est versée qu’aux adultes, quel que soit le nombre d’enfants à charge (11,35 euros par jour au 1er janvier 2014).

L’allocation temporaire d’attente a été instituée en 2006 pour les demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés en CADA. Elle s’analyse comme un revenu de subsistance versé aux demandeurs d’asile, conformément aux prescriptions de la directive « accueil » du 27 janvier 2003.

Alors que l’ATA était initialement destinée aux demandeurs en procédure normale, une évolution de la jurisprudence du Conseil d’État a conduit, en plusieurs étapes, à en ouvrir le bénéfice à toutes les catégories de demandeurs d’asile, qu’ils soient en procédure normale, prioritaire ou « Dublin ». A contrario, seuls les demandeurs d’asile en procédure normale qui ont accepté l’offre de prise en charge présentée en préfecture et qui sont hébergés en CADA n’ont pas droit à l’ATA.

Le rapport des inspections générales précité a consacré une partie de son analyse au coût budgétaire de l’allocation, et a constaté que, si l’allocation, couplée à l’hébergement d’urgence, était à l’origine conçue comme un dispositif subsidiaire, son coût pour les finances publiques est aujourd’hui proche de celui des CADA.

1. Une extension progressive des bénéficiaires de l’allocation temporaire d’attente

L’accès à l’allocation temporaire d’attente a été élargi au cours des dernières années à de nouvelles catégories de bénéficiaires. Cette donnée, ainsi que l’allongement de la durée moyenne d’indemnisation, qui était de 416 jours en 2012, ont conduit au triplement de la dépense afférente entre 2007 et 2013.

En ce qui concerne les bénéficiaires étrangers, il convient de rappeler que l’allocation bénéficie aux demandeurs d’asile, aux personnes bénéficiaires de la protection subsidiaire (pendant une durée déterminée de 12 mois) ; aux apatrides et aux ressortissants étrangers auxquels une autorisation provisoire de séjour a été délivrée en application de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Jusqu’en 2007, les demandeurs d’asile étaient bénéficiaires de l’allocation temporaire d’attente à l’exception de ceux provenant d’un pays pour lequel le conseil d’administration de l’OFPRA a décidé que les circonstances ayant justifié la protection ont cessé d’exister (article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, point C-5), ou d’un pays considéré comme pays d’origine sûr.

Depuis la décision n° 300636 du Conseil d’État du 16 juin 2008, le périmètre des bénéficiaires s’est élargi aux personnes suivantes :

– les demandeurs d’asile qui proviennent d’un pays pour lequel le conseil d’administration de l’OFPRA a décidé qu’il pouvait être mis fin à la protection car les circonstances l’ayant justifiée ont cessé d’exister ;

– les demandeurs d’asile qui proviennent d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr, au sens du 2° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– les demandeurs d’asile qui, à la suite d’une décision de rejet devenue définitive, présentent une demande de réexamen à l’OFPRA.

À la suite de la décision n° 335924 du 7 avril 2011 du Conseil d’État (censurant plusieurs dispositions de la circulaire interministérielle du 3 novembre 2009 relative à l’ATA), ont également été admis au bénéfice de l’allocation :

– les autres demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire (relevant des 3° et 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Il s’agit des demandeurs d’asile qui représentent une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État et de ceux qui ont formulé une demande reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif aux procédures d’asile ou présentée uniquement en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente : ces personnes ne sont pas admises au séjour, mais, parce qu’elles sont en droit de demander l’examen de leur situation par l’OFPRA, elles doivent bénéficier des conditions matérielles d’accueil ;

– les étrangers qui, à la suite d’une décision de rejet devenue définitive, ont formé une demande de réexamen de leur demande d’asile à l’OFPRA.

En conséquence, le régime actuel de l’ouverture des droits à l’ATA est le suivant : pour les réexamens en procédure prioritaire, le demandeur perçoit l’ATA jusqu’à la décision de l’OFPRA ; pour les réexamens en procédure normale, le demandeur perçoit l’ATA jusqu’à la décision de la CNDA.

En dernier lieu, le Conseil d’État a admis au bénéfice de l’ATA les demandeurs d’asile relevant de la procédure dite Dublin II, c’est-à-dire les ressortissants d’États tiers dont la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État européen en application du règlement européen. Ce dernier élargissement des catégories de bénéficiaires résulte de la décision n° 335924 du 17 avril 2013, qui reprend la position prise par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa réponse du 27 septembre 2012 à une question préjudicielle posée par le Conseil d’État.

Les demandeurs d’asile en procédure prioritaire qui demandent le bénéfice de l’ATA perçoivent cette allocation jusqu’à la notification de la décision prise par l’OFPRA. Les demandeurs en procédure « Dublin » doivent bénéficier du versement jusqu’à leur transfert effectif vers l’État membre compétent pour examiner leur demande d’asile : les délais sont en pratique assez longs, comme il a été décrit plus haut.

Les bénéficiaires de l’allocation étaient 42 115 au 31 décembre 2013, contre 37 600 à la fin 2012.

2. La progression des coûts de l’allocation temporaire d’attente et la nécessité d’éviter le versement d’indus

Le coût de l’ATA a considérablement augmenté au cours des dernières années, pour parvenir à une progression de 232 % entre l’année 2007 (l’ATA représentait une dépense de 47 millions d’euros) et 2013 (140 millions d’euros en prévision et 156 millions en exécution). Cette augmentation s’explique clairement par la forte progression de la demande d’asile, le fait que la création de places de CADA n’a pas augmenté parallèlement, la longueur des délais de traitement de la demande, et, enfin, l’accroissement du périmètre des bénéficiaires.

Le coût du versement de l’ATA aux demandeurs d’asile sous procédure « Dublin » avait été estimé à environ 10 millions d’euros, mais il a atteint 12 millions d’euros pour 2013. À l’inverse, l’ouverture de nouvelles places de CADA en 2013 et 2014 aura des conséquences en termes d’économie sur l’ATA, économie estimée à 10 millions d’euros au titre de l’exercice 2014.

La gestion de l’ATA a été confiée à Pôle Emploi en 2007. Elle est aujourd’hui encadrée par la convention du 15 septembre 2009 qui donne à l’opérateur un mandat de gestion prévoyant les conditions de cette gestion (conditions d’ouverture de droits et d’interruption, communication de données statistiques et financières…).

Comme l’a souligné le rapport des inspections générales de 2013 précité, cette délégation à Pôle emploi comporte de sérieux inconvénients comme par exemple une sous-budgétisation constante : les versements mensuels effectués par l’État au profit de Pôle Emploi n’ont jamais pu correspondre aux sommes nécessaires pour assurer le paiement de l’ATA aux bénéficiaires, sollicitant la trésorerie de l’opérateur.

Un autre dysfonctionnement a été relevé, qui emporte des conséquences sur la dépense au titre de l’ATA : Pôle Emploi ne procède pas à la vérification périodique de la situation administrative depuis plus de 12 mois (article 3 de la convention de gestion).

La gestion de l’ATA souffre en outre d’une grande complexité, car elle contraint Pôle Emploi à centraliser pour l’instruction des dossiers des informations en provenance de nombreux acteurs (le demandeur lui-même, le Service de l’asile, l’OFII, le préfet et l’OFPRA). Or, les échanges d’informations posent différentes difficultés sérieuses, concernant leur périodicité, leur absence d’homogénéité dans la saisie des données et l’absence d’une automatisation efficace.

L’allocation temporaire d’attente est actuellement fixée à 11,35 euros par jour et par demandeur d’asile majeur. Elle est liée au statut de demandeur d’asile sans prise en considération de la composition familiale.

Ce système résulte d’un contexte plus ancien où les demandeurs d’asile étaient en majorité des personnes seules, alors qu’il s’agit aujourd’hui très souvent de familles. Ainsi, la population hébergée dans les structures d’urgence dédiées (les HUDA) est composée à 80 % d’adultes et à 20 % d’enfants. Dans le cas d’une famille, la situation actuelle peut présenter une rupture d’égalité, par exemple dans le cas où un adulte accompagné de trois enfants reçoit 11,35 euros par jour, soit la même somme qu’un adulte isolé.

Cette situation ne répond pas à l’interprétation de la directive « accueil » de 2003, telle qu’elle résulte de la récente jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, (arrêt du 27 février 2014), et qui précise que l’aide financière octroyée doit être « suffisante pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile, afin, notamment, de préserver l’unité familiale et de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Une évolution vers la familialisation de l’ATA doit donc s’engager, car l’État pourrait certainement être mis en cause dans un éventuel contentieux portant sur l’absence de prise en compte des charges familiales de certains demandeurs d’asile. Plusieurs pays de l’Union européenne ont établi une différenciation de l’allocation servie en fonction de la composition familiale : le Royaume-Uni (192 euros par mois par mineur accompagnant), allocation de base et allocation de minimum socioculturel familialisées en Allemagne (130 à 193 euros par mois selon l’âge de l’enfant), allocation supplémentaire par enfant en Suède, notamment.

B. UNE ALLOCATION UNIQUE QUI TIENT COMPTE DES CHARGES DE FAMILLE

Le projet de loi dans la section 4 de l’article 15 unifie le régime de l’allocation pour le demandeur d’asile.

Il insère, dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un article L. 744-9 qui précise les conditions d’attribution de l’allocation pour demandeur d’asile, prestation qui remplace les deux allocations précédentes (allocation mensuelle de subsistance et allocation temporaire d’attente).

Cette allocation est conditionnée par le fait d’avoir accepté les « conditions matérielles d’accueil », au sens de la directive européenne 2013/33 du 26 juin 2013 (4), telles que proposées par l’OFII.

Elle est subordonnée à des critères d’âge et de ressources.

Son versement est de la responsabilité de l’OFII qui est habilitée à continuer le service de cette prestation jusqu’à la décision définitive accordant une protection au titre de l’asile ou jusqu’au transfert effectif du demandeur vers un autre État membre si la demande d’asile ne relève pas de la compétence de cet État. Le versement de l’allocation prend fin au terme du mois qui suit la notification de décision définitive.

Cette prestation est donc attribuable à toutes les catégories de demandeurs d’asile et tient compte de l’élargissement des catégories de bénéficiaires résultant de l’évolution de la jurisprudence.

Le montant de cette prestation est révisé une fois par an et tient compte de l’évolution des prix hors tabac. Elle est incessible et insaisissable. En cas d’indu, l’OFII peut procéder par retenue sur les échéances à venir mais le montant de ces retenues ne peut dépasser un plafond fixé par voie réglementaire.

Cet article pose le principe d’une allocation modulée selon la situation familiale, les ressources personnelles et le mode d’hébergement du demandeur et renvoie au décret pour la fixation du barème applicable.

Il est aussi prévu que le décret précise les modalités de calcul de la retenue qui peut être opérée sur l’allocation pour constituer une caution dont le montant est restitué à la sortie du centre d’accueil.

Selon la jurisprudence communautaire, les États membres doivent prendre en considération le niveau d’aide sociale allouée qu’ils accordent à leurs propres ressortissants lorsqu’ils octroient une aide financière aux demandeurs d’asile et tenir compte du sexe, de l’âge et des besoins particuliers des demandeurs d’asile lorsqu’ils leur attribuent un logement.

Une des bonnes pratiques observées notamment en Suède et aux Pays-Bas pour faciliter le versement des allocations aux demandeurs d’asile est la délivrance d’une carte à puce utilisée comme carte de retrait sur certaines bornes et comme carte de paiement dans des grandes surfaces. Cette solution permet notamment de limiter le risque d’indus en facilitant l’ouverture et la fermeture des droits et d’éviter le passage par un guichet supplémentaire et l’ouverture d’un compte bancaire.

Les modèles britannique et suédois permettent à ceux qui ont la possibilité d’être hébergés par leurs propres moyens de solliciter uniquement une aide financière de l’État. Ce modèle a l’avantage de permettre une diminution potentielle de la charge supportée par l’État car il n’oblige pas à fournir à l’ensemble des demandeurs d’asile à la fois un hébergement et une allocation et permet de limiter l’assistance à la prise en charge financière pour ceux qui se logent par leurs propres moyens.

Toutefois, ce modèle ne permet pas d’agir à grande échelle sur la répartition géographique des flux car il donne à une partie des bénéficiaires de l’aide financière la possibilité de demeurer dans leur agglomération d’arrivée en restant hors du dispositif d’hébergement dédié mais en continuant à percevoir l’allocation. Il fait en outre courir le risque d’un report massif sur le dispositif de veille sociale des personnes qui ne souhaitent pas être hébergées hors des grandes agglomérations d’arrivée. Ces personnes pourraient en effet toujours s’adresser au dispositif de veille sociale pour solliciter un hébergement sur leur lieu de préférence et percevraient malgré tout l’allocation de demandeur d’asile.

C. UNE ALLOCATION CONDITIONNÉE AU RESPECT DU DISPOSITIF D’ORIENTATION DES DEMANDEURS

Le projet de loi à l’article 15 introduit dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile une section 3 intitulée « orientation des demandeurs » et crée un article L. 744-7 qui précise les pouvoirs de l’autorité administrative (les services des préfectures régionales chargées des procédures de demande d’asile) relative aux obligations des demandeurs d’asile.

Il est ainsi précisé que l’autorité administrative peut subordonner le bénéfice de l’allocation à l’acceptation par le demandeur de l’hébergement proposé par l’OFII. Il s’agit donc d’une simple faculté laissée à l’appréciation de l’autorité administrative qui sera sans doute plus coercitive dans les régions où les places d’hébergement sont saturées et connaissant une forte densité de demandeurs d’asile.

Un décret en conseil d’État fixera les conditions dans lesquelles les demandeurs d’asile pourront s’absenter du centre d’accueil et les cas où une autorisation de l’autorité administrative devra être obtenue.

Dans les cas où le demandeur refuse l’hébergement proposé ou souhaite le quitter il pourra avoir recours au logement en CHRS prévu par l’article au 8° de L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ou dans toute autre structure médico-sociale chargée d’accueillir des personnes en détresse.

Un décret en conseil d’État fixera par ailleurs la nature des échanges informatiques entre l’autorité administrative et l’OFII pour permettre de suivre les besoins et les places disponibles dans les hébergements d’urgence de droit commun.

L’article L. 744-8, lui aussi institué par le projet de loi, dresse la liste des cas où l’autorité administrative peut limiter ou suspendre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, c’est-à-dire le droit à l’hébergement et à l’allocation.

Le premier cas vise les départs sans autorisation des lieux d’accueil, le deuxième concerne les absences aux rendez-vous fixés par les services instructeurs de la demande d’asile, le troisième vise les dissimulations de ressources ou le fait d’avoir fourni des informations mensongères sur la situation familiale. Enfin, la demande de réexamen de la demande d’asile non justifiée peut aussi entraîner une décision défavorable de même qu’une demande tardive de l’asile sans raison impérieuse.

La décision doit être prise après que l’intéressé a été en mesure de présenter des explications écrites dans un certain délai. Si l’intéressé réintègre le lieu d’accueil qui lui a été désigné, l’autorité administrative doit se prononcer sur le rétablissement éventuel de l’allocation de demandeur d’asile.

Le projet de loi ne mentionne pas de modalités spécifiques de recours contre les décisions de l’autorité administrative. C’est donc la procédure de droit commun du contentieux administratif qui devrait s’appliquer par saisine du tribunal administratif.

Ces possibilités de sanctions font partie de la volonté d’encadrer les conditions de vie des demandeurs d’asile pour qu’ils respectent le choix d’hébergement fait par l’OFII et éviter ainsi que les demandeurs ne soient concentrés dans une ou deux régions. Cette modulation des avantages offerts selon le degré de respect des obligations imposées lors de l’instruction de la demande d’asile est conforme à la législation européenne qui prévoit la possibilité d’un strict encadrement.

Il convient de rappeler que la directive « accueil » permet de limiter ou de mettre fin aux conditions d’accueil faites aux demandeurs d’asile qui ne coopèrent pas avec les autorités nationales. Plusieurs études ont mis en exergue des comportements abusifs auxquels il convient de parer, comme d’autres États membres de l’Union européenne l’ont fait.

Constatant les difficultés rencontrées par les services des étrangers dans les préfectures, et l’absence de coopération de certains demandeurs en procédure « Dublin », il peut être proposé de sanctionner cette absence de coopération par l’interruption du versement de l’allocation. Il est en effet peu logique qu’un demandeur qui s’est soustrait à la mesure de réadmission vers l’État membre responsable de l’examen de sa demande ou qui est déclaré en fuite continue à bénéficier de l’allocation.

L’article 20 de la directive « accueil » prévoit la possibilité de moduler les conditions d’accueil lorsque « le demandeur, sans raison valable, n’a pas introduit de demande de protection internationale dès qu’il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l’État membre ». Il serait à ce titre souhaitable de fixer un délai, courant dès l’entrée sur le territoire du demandeur d’asile, à partir duquel l’allocation temporaire d’attente ne pourrait plus être versée : un délai de 90 jours pourrait être considéré comme suffisant. Par comparaison, on soulignera que, au Royaume-Uni par exemple, la demande d’asile elle-même doit être déposée au plus tard 21 jours après l’entrée sur le territoire.

Le rapport des inspections générales précité avait insisté sur un autre type de comportement abusif : les demandes successives de réexamen de la demande d’asile, qui permettent aux demandeurs de bénéficier à chaque fois de l’ATA. Dans ce cas, il faut éviter que la perspective de percevoir l’ATA soit un élément attractif pour déposer une demande de réexamen.

Pourtant, l’article 20 de la directive « accueil » permet la réduction de la prise en charge à partir de la deuxième demande de réexamen. Le projet de loi permet donc à l’autorité administrative d’apprécier les cas où la demande de réexamen peut être considérée comme abusive et lui laisse la possibilité de réduire l’allocation.

D. UNE ALLOCATION GÉRÉE PAR L’OFII

Le transfert de Pôle emploi à l’OFII de la gestion de l’allocation représentera un grand changement pour cette agence. Il semble néanmoins préférable de l’attribuer à un établissement qui connaisse parfaitement la problématique de l’asile. Le rapport des inspections générales a envisagé de confier cette gestion soit à l’OFPRA soit à l’OFII et n’a pas fait de préconisation pour favoriser tel ou tel opérateur alors qu’il a sévèrement critiqué la gestion de Pôle emploi.

Il a souligné que Pôle emploi ne semblait pas gérer cette attribution avec une rigueur suffisante. Cette critique rejoint la position de plusieurs associations qui dans un document préparatoire à la réforme (5) ont employé le terme de « gestion anarchique de l’allocation », citant de multiples exemples pour montrer que Pôle emploi tardait à appliquer les décisions de jurisprudence, les ministères de tutelle étant eux-mêmes peu réactifs.

Ce document cite pour exemple l’annulation de la circulaire par le Conseil d’État en avril 2011 dont Pôle emploi n’a pas tiré des conséquences rapidement. Les instructions officielles modifiant la réglementation n’ont été publiées qu’en mars 2013. Il relève des irrégularités beaucoup plus graves pour l’égal accès des demandeurs d’asile à l’ATA en indiquant que dans certains départements les demandeurs placés en procédure prioritaire n’avaient pas accès à l’ATA ou encore que les dates de cessation de l’allocation variaient selon les interprétations. Il prend pour exemple le cas « d’un demandeur d’asile qui reçoit une décision négative le 20 juillet, notifiée le 1er août : à Paris, il recevra l’allocation jusqu’au 30 septembre (soit la fin du mois suivant la notification) alors qu’à Nantes, il ne la recevra que jusqu’au 31 juillet (la fin du mois de la notification), soit une différence de 680 euros ! ».

Ces quelques exemples soulignent l’importance de gérer avec rigueur le nouveau dispositif pour assurer des pratiques harmonisées dans la gestion des dossiers.

La fréquence et la complexité des informations à prendre en compte plaident pour que l’établissement chargé de cette allocation soit déjà au cœur du dispositif de l’asile.

Le choix fait par le Gouvernement d’attribuer cette gestion à l’OFII paraît opportun dans la mesure où celui-ci a déjà une expérience en matière financière avec le versement de certaines aides au retour. Cependant, le changement d’échelle est tout à fait considérable et il est vraisemblable qu’il faudra augmenter les effectifs de l’OFII pour faire face à ces nouvelles attributions. Selon les informations contenues dans le rapport des inspections générales précité, la gestion de la seule ATA mobilisait déjà 60 équivalents temps plein à Pôle emploi. Un équipement informatique adapté devra être aussi défini ainsi sans doute que la négociation avec un établissement financier chargé des paiements.

L’article 17 du projet de loi est un article de coordination visant à mettre en conformité certaines dispositions du code du travail relatives à l’OFII et le fait notamment qu’elle assumera la gestion de l’allocation pour demandeur d’asile.

Le rapporteur voudrait aussi évoquer un problème pratique qui devra être résolu par l’OFII : aujourd’hui le versement effectif de l’ATA est bien souvent impossible faute pour les bénéficiaires d’être en mesure de disposer d’un compte bancaire. Cette formalité est souvent rendue très difficile du fait de l’absence d’une pièce justificative d’identité, indispensable pour l’ouverture du compte. Même si la loi du 29 juillet 1998 (6) a créé un véritable « droit au compte », aucune disposition réglementaire ne définit ce que l’on peut considérer comme documents valant pièce justificative d’identité. À ce jour, la solution la plus fréquemment utilisée est le recours au livret A, ouvert auprès de la Banque Postale. Cet établissement a adapté ses règles notamment pour permettre aux personnes en procédure prioritaire ou pour les demandeurs concernés par la procédure dite de « Dublin » de fournir des documents comme la convocation dite « Dublin » (pour le transfert dans le pays où l’intéressé est entré dans l’Union européenne). Malgré ces accommodements, de nombreux cas de refus d’ouverture de livret A sont relatés.

Un des éléments de solution est pourtant prévu à l’article 6 de la directive « accueil » : la remise au demandeur d’asile dès l’introduction de la demande, d’un document à son nom et renouvelable. Ce document pourrait servir de justificatif d’identité s’il était remis et rédigé en bonne et due forme par l’administration.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires sociales examine, pour avis, sur le rapport de M. Jean-Louis Touraine, les articles 15 à 17 du projet de loi lors de sa séance du mardi 18 novembre 2014.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Chers collègues, chacun s’accorde à reconnaître que notre dispositif en matière de droit d’asile est à bout de souffle. Il faut donc le rendre à la fois plus efficace et plus équitable : c’est ce à quoi tend ce projet de loi.

Notre commission se cantonnera aux articles relevant de sa compétence, les articles 15 à 17, qui concernent les conditions matérielles d’accueil des demandeurs : accès à un hébergement, droit à une allocation et besoins sanitaires en particulier.

La commission des lois, saisie au fond, examinera ce texte mardi 25 novembre. Le débat en séance publique se tiendra du 9 au 11 décembre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame la présidente, chers collègues, ce projet de loi est effectivement essentiel : il faut sauver le droit d’asile, dont tous les acteurs sont aujourd’hui à bout. L’Europe menace de sanctionner la France si nous n’apportons pas de réponses plus efficaces et plus rapides aux demandeurs d’asile.

Cet épuisement est le résultat d’un phénomène constaté dans tous les pays européens, mais que nous n’avons pas su traiter de façon adéquate au cours de la dernière décennie : la très forte augmentation, année après année, de la demande d’asile. Nous avons connu d’autres moments de forte hausse, mais cela ne durait souvent que peu. Or, ces dernières années, l’accroissement est continu : la demande de protection internationale s’est ainsi accrue de 85 % entre 2007 et 2013.

Notre système est à bout de souffle : les délais de réponse sont très excessifs – jusqu’à deux ans ! Or le statut de réfugié politique n’est accordé que dans 20 % des cas. Ces seuls chiffres posent problème : cette procédure n’est-elle pas dévoyée par certains demandeurs ?

Les coûts sont également très excessifs : les places d’hébergement sont complètement saturées, ce qui a conduit à multiplier les dispositifs d’urgence – comme les nuitées d’hôtel – tous plus coûteux les uns que les autres.

Les suites données aux dossiers sont insatisfaisantes : les réfugiés ont attendu deux ans pendant lesquels ils n’avaient pas accès à l’emploi, mais même une fois le statut de réfugié obtenu, l’organisation n’est pas bonne ; l’hébergement et l’accès à l’emploi demeurent des questions difficiles. Leur renaissance, dans un pays où ils sont enfin protégés, ne se fait donc pas dans les conditions que l’on pourrait souhaiter.

Quant à ceux qui sont déboutés, ils multiplient les recours et invoquent souvent des questions sanitaires ; et, au bout de quatre ans, on réalise qu’il est difficile de les raccompagner dans leur pays d’origine car ils se sont peu à peu implantés en France. Ce sont des problèmes sans issue : ils restent définitivement sans papiers, dans des hébergements de fortune et sans accès à un travail légal. Rien de cela n’est satisfaisant.

La France s’enorgueillit à juste titre d’avoir été – depuis la Révolution – l’un des premiers pays à porter haut cette tradition, cette valeur humaniste de l’accueil des personnes menacées. Ce principe est repris dans le préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Il est renforcé par nos engagements internationaux, notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951, comme par nos engagements européens : le « paquet asile » de directives adoptées le 26 juin 2013 en représente la dernière traduction juridique.

Pour des raisons de justice et d’efficacité, pour protéger efficacement ceux qui cherchent légitimement asile dans notre pays, ce qui implique de mieux distinguer asile, immigration économique, aide sanitaire – questions différentes qui ne peuvent pas être traitées par le même dispositif –, nous avons le devoir de réformer notre dispositif d’asile. Nous devrions ainsi mettre, progressivement, un terme aux dérives graves que nous connaissons aujourd’hui.

Nous connaissons aujourd’hui un afflux massif de personnes qui souhaitent immigrer dans notre pays pour des raisons économiques, et qui espèrent – à tort ou à raison – que le dispositif du droit d’asile leur offrira des conditions plus enviables que celles réservées aux simples immigrants économiques. De même, certaines personnes malades passent par le droit d’asile au lieu de s’intégrer au dispositif des « étrangers malades » qui, au regard de l’urgence, de la pathologie, des possibilités de soins dans le pays d’origine, autorise l’accueil d’une personne malade.

Le dispositif de l’asile se trouve ainsi encombré, ce qui est préjudiciable aux personnes menacées dans leur pays, et donc authentiques demandeurs de la protection.

Les chiffres montrent d’ailleurs que la France reçoit des ressortissants de pays divers, mais pas principalement des pays où les menaces sont les plus grandes : nous recevons un nombre légèrement croissant, mais toujours faible, de Syriens et d’Afghans ; en revanche, nous recevons un nombre très considérable de personnes venues d’Europe de l’Est, de Russie, de Chine… Les menaces que font peser sur leurs citoyens les régimes politiques en place dans ces différents pays ne sont pas du tout les mêmes. Certains demandeurs d’asile sont donc plutôt victimes d’une mauvaise orientation. Il est légitime que leur dossier soit étudié sereinement et complètement ; mais cela ne doit pas se faire au détriment des personnes qui ont vocation à devenir réfugiées politiques. Or cet afflux de demandes de toutes natures empêche notre procédure actuelle de distinguer les authentiques demandeurs d’asile.

Le délai pour aboutir à une décision est, je l’ai dit, très long : deux ans, quelquefois plus même en cas de recours supplémentaire. Une telle situation est mauvaise pour tous, ceux qui sont acceptés comme ceux qui sont déboutés – s’il faut éloigner une personne de notre territoire, il vaut mieux que cela soit fait avant qu’elle ne soit insérée. Une décision rapide est donc préférable à tous égards.

De plus, de tels délais impliquent que les gens demeurent dans nos dispositifs d’hébergement pour des périodes très longues. Si nous parvenons à tenir un délai de réponse de neuf mois, alors les places en CADA (centre d’accueil de demandeurs d’asile) pourront accueillir plus de deux fois plus de personnes, puisque la rotation sera grandement accélérée.

Il faut aussi noter que les demandeurs d’asile se concentrent pour l’essentiel dans un très petit nombre de régions. La moitié d’entre eux sont en Île-de-France et en région Rhône-Alpes : c’est plus que ces deux régions ne peuvent accueillir ; tous les dispositifs sont saturés, et les agents ne savent plus où donner de la tête. Cela diminue les chances des demandeurs d’asile, dont le dossier ne peut pas être examiné avec la sérénité souhaitable. L’un des objectifs du projet de loi est donc une meilleure répartition des demandeurs d’asile sur le territoire. Cela implique d’être quelque peu directif : il n’est pas acceptable que, s’il existe des places dans un centre d’hébergement dans une région, les demandeurs d’asile ne soient pas orientés vers ces places-là. Il est souhaitable que la grande majorité des demandeurs soient accueillis dans les centres d’hébergement dédiés : ceux-ci proposent en effet aussi une aide sanitaire, sociale, administrative, avec notamment des interprètes. Les agents aident les demandeurs à constituer leur dossier et les préparent pour leur audition devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Il n’est bien sûr pas question d’interdire à qui que ce soit d’habiter hors de ces centres, par exemple lorsque quelqu’un a de la famille en France : mais il est alors naturel que l’accès aux moyens d’accompagnement ne soit pas aussi complet. Il n’est pas possible d’organiser dans toutes les villes de notre pays l’équivalent de ce qui peut être efficacement concentré dans des centres spécialisés.

Ces objectifs sont, vous le voyez, multiples : rendre la procédure plus équitable et plus efficace, faire mieux valoir les droits des demandeurs d’asile, mieux répartir les demandeurs d’asile sur le territoire…

Nous examinons ici les articles 15 à 17 du projet de loi, qui portent principalement sur les conditions d’hébergement, sur les conditions d’attribution de l’allocation et sur la vulnérabilité des personnes qui demandent l’asile.

Changer les conditions d’hébergement, c’est d’abord favoriser les CADA et accroître progressivement le nombre de places qu’ils proposent, jusqu’à ce qu’il soit suffisant ; c’est aussi réduire la durée de séjour dans les CADA – par des décisions plus rapides, mais aussi en rendant effective la libération de la place dès la décision rendue. Il n’est pas normal que des déboutés du droit d’asile continuent d’occuper une place dans un CADA : cette occupation indue prive un demandeur d’asile de l’aide et de l’accompagnement dont il a besoin. Attention, je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas aider les déboutés à trouver un autre hébergement, au contraire ! Mais il faut éviter les solutions développées dans l’urgence, inefficaces, mal maîtrisées, et dont le coût est exorbitant.

Un lieu d’hébergement sera, je l’ai dit, proposé de façon quelque peu directive, ce qui ne me semble pas choquant : les endroits vers lesquels seront dirigés les demandeurs sont ceux qui leur permettront d’avoir les plus grandes chances d’obtenir une réponse positive, s’ils la méritent, puis de s’insérer au mieux dans notre société. Nous agissons là dans l’intérêt des demandeurs d’asile eux-mêmes. La plupart des pays européens adoptent cette attitude : en Allemagne, par exemple, ils sont assignés à résidence dans un Land, qu’ils n’ont pas le droit de quitter pendant le temps de l’examen de leur dossier. Nous ne proposons rien de tel : les demandeurs d’asile restent libres de leurs mouvements, même s’ils doivent pouvoir en permanence être convoqués à partir de leur centre d’attache, pour éviter toute perte de temps.

Se pose également la question de la vulnérabilité, devenue plus aiguë avec le temps. Les conditions de son examen vont enfin être formalisées, comme nous y incitent les directives européennes. Les demandeurs d’asile étaient autrefois le plus souvent des hommes seuls, qui venaient de pays en guerre ; aujourd’hui, de plus en plus, ce sont des familles avec des enfants, des mineurs isolés ou des femmes seules qui ont subi des violences et savent qu’elles peuvent faire valoir leurs droits dans notre pays. Il faut tenir compte de la vulnérabilité particulière de ces personnes : pour cela, il faut identifier les problèmes et proposer une aide spécifique.

Enfin, le projet de loi instaure une allocation unique, qui prend en considération la charge de la famille : aujourd’hui, une personne seule perçoit la même allocation qu’une personne isolée avec trois enfants. C’est injuste, vous me l’accorderez : les besoins ne sont évidemment pas les mêmes. Cette nouvelle allocation devra permettre que chacun ait des conditions de vie décentes pendant le temps de l’examen du dossier de demande d’asile.

M. Denys Robiliard. Au nom du groupe SRC, je voudrais commencer par rappeler que d’autres pays consentent des efforts bien plus conséquents que les nôtres pour accueillir des personnes protégées par le Haut commissariat aux réfugiés : pensons à certains pays d’Afrique, pensons au Liban ou à la Jordanie qui accueillent des réfugiés, notamment syriens, par centaines de milliers, voire par millions. Au Liban, c’est une situation ancienne : beaucoup de réfugiés palestiniens sont installés depuis plus de cinquante ans.

En Europe, certains pays sont plus exposés que nous, à commencer par l’Italie – inutile de rappeler ici le nom de Lampedusa – ou l’Allemagne.

Il faut également apprécier notre situation dans une perspective historique : dans les années 1980, on a également constaté un afflux de demandeurs d’asile – plus de 50 000 personnes par an parfois. Le gouvernement de Michel Rocard avait résolu les problèmes posés par des mesures techniques temporaires.

Notre dispositif est ancien, puisqu’il est né avec la loi du 25 juillet 1952. Il comprend principalement deux institutions, l’OFPRA et la CNDA, qui sont autonomes et reconnues pour leur indépendance mais aussi pour leur efficacité – même si, aujourd’hui, la nécessité de leur accorder davantage de moyens apparaît évidente.

Je souligne ici qu’une personne qui se voit refuser le statut de réfugié, ou le bénéfice de la protection subsidiaire, n’est pas nécessairement un fraudeur : la personne qui saisit l’OFPRA doit apporter la preuve qu’elle répond aux critères définis pour se voir accorder l’un de ces statuts. Elle peut ne pas réussir à administrer cette preuve sans pour autant avoir fraudé. Certaines situations sont extrêmement délicates, et connaître la vérité n’est pas toujours facile.

La méthode qu’adopte ce projet de loi est intéressante : une concertation a été menée, puisque, avec Mme Valérie Létard, notre rapporteur a été chargé d’une mission par le ministre de l’intérieur ; le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale a également mené une mission, sous la conduite de Mme Dubié et de M. Richard. Ces rapports constituent des bases utiles pour notre discussion.

Je me félicite enfin – avant que le temps ne me manque – de certaines avancées de ce texte, en particulier dans les articles dont nous sommes saisis. Il est important de se fixer l’objectif que tous les demandeurs – contre un tiers seulement aujourd’hui – bénéficient de notre dispositif national d’accueil, même ceux qui relèvent la procédure « Dublin ». La familialisation de l’allocation constitue également un véritable progrès.

M. Bernard Perrut. Au nom du groupe UMP, je veux d’abord dire combien nous sommes tous attachés au droit d’asile : accueillir les personnes qui courent de graves périls dans leur pays d’origine est l’honneur de la République. Toutefois, notre organisation actuelle est déficiente, comme l’a très bien montré notre rapporteur : notre dispositif ne permet plus de distinguer les demandeurs d’asile authentiques dans un amoncellement de demandes qui dévoient nos règles. Les demandes d’asile ont très fortement augmenté depuis 2007, et l’inadaptation de notre système engendre même des inégalités entre les demandeurs ; les procédures sont lentes et les conditions d’hébergement mauvaises. Aujourd’hui, 30 000 dossiers sont en attente à l’OFPRA : ce n’est pas rien. Le constat est dur.

Une réforme est donc souhaitable, et nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté du Gouvernement de rendre notre procédure plus humaine, plus efficace et plus équitable, ainsi que de se pencher sur la question des coûts.

Certaines mesures proposées vont dans le bon sens. C’est le cas de l’instauration d’une allocation unique, par la fusion de l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) et de l’allocation temporaire d’attente (ATA). La nouvelle allocation, familialisée, devrait être plus équitable. C’est également le cas avec la mise en place d’un hébergement directif, qui devrait permettre de rééquilibrer la densité des demandeurs d’asile sur le territoire, puisque, aujourd’hui, ils sont surtout concentrés en Île-de-France, sur la frontière orientale et en région Rhône-Alpes. Cela pose des problèmes de coût, notamment à cause des nombreux appels au 115.

On peut toutefois s’interroger sur certains aspects. Ainsi, le barème de l’allocation unique sera défini par décret : le groupe UMP aimerait donc connaître le contenu de ce texte avant de se prononcer. Il y aura un gestionnaire unique, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), ce qui apportera de la clarté et allégera la charge de ceux qui versent aujourd’hui les différentes allocations. Mais qui nous dit que cette nouvelle gestion permettra une rationalisation de la dépense ? C’est un véritable sujet : disposez-vous d’évaluations chiffrées ?

Le caractère familial de l’allocation, si justifié soit-il, risque de faire exploser la dépense : n’est-ce pas encourager l’arrivée de familles entières ? C’est une question que je pose bien sûr avec la plus grande prudence.

Le dispositif d’hébergement directif part d’une bonne intention, mais peut-il suffire ? Sera-t-il efficace ? Prenons l’exemple de Calais : des crédits supplémentaires ont été dégagés la semaine dernière encore par le Gouvernement pour loger 500 demandeurs d’asile supplémentaires à Calais. Or ces demandeurs souhaitent, nous le savons bien, gagner l’Angleterre : l’hébergement directif a-t-il un sens dans cette situation ? C’est là encore une question que nous nous devons de poser.

Comment gérer le problème des déboutés qui restent en CADA ? Près de 40 000 déboutés du droit d’asile demeurent chaque année sur notre territoire. Certains articles de presse évoquent la création de lieux d’aide et de préparation au retour pour ces déboutés : qu’en est-il ? Ces lieux seront-ils financés ?

Vous évoquez les graves inconvénients actuels de nos hébergements, et notamment leur trop faible nombre. Mais avec quels moyens allez-vous créer des places nouvelles ?

Enfin, sur la vulnérabilité, je vous approuve : c’est effectivement crucial. Un accompagnement est nécessaire.

M. Arnaud Richard. Au nom du groupe UDI, je veux d’abord dire qu’honorer notre tradition d’asile, c’est être fidèle aux valeurs qui fondent notre République et qui continuent à la faire vivre. Mais nous avons tous conscience des carences manifestes de notre système d’asile. Ces insuffisances rendent notre dispositif inefficace, inégalitaire et incapable d’absorber les demandes d’accueil justifiées, à la suite de guerres civiles ou de crises régionales. Elles incitent également au détournement de la procédure d’asile à des fins de migration économique, au détriment des personnes qui en ont réellement besoin. En définitive, notre capacité à accueillir dignement et efficacement les plus fragiles s’en trouve fragilisée.

Ce constat est connu et partagé ; l’asile a fait l’objet d’un rapport de Mme Létard et de M. Touraine. Jeanine Dubié et moi-même avons également, dans le cadre du CEC, rendu un rapport sur ce même sujet, avec notamment la participation de Denys Robiliard.

Nous examinons cet après-midi les articles 15 à 17 de ce projet de loi. J’ai en particulier déposé, avec Mme Dubié, un amendement sur l’article 15 ; reprenant l’une des propositions de notre rapport, il tend à créer un système d’information et de suivi de la situation des demandeurs d’asile, qui rassemblerait l’ensemble des informations utiles et serait ouvert à tous les acteurs intervenant dans la procédure.

L’article 15 prévoit un examen par l’OFII de la vulnérabilité du demandeur d’asile, celle-ci pouvant avoir une incidence sur le choix d’un futur hébergement. Ces dispositions sont très floues : le Gouvernement pourrait-il nous faire connaître les modalités de cet examen et les moyens de détection de cette vulnérabilité ?

Les travaux parlementaires sur le sujet de l’asile ont été de grande qualité. Ce projet de loi est largement attendu, et j’espère qu’il nous permettra de sortir par le haut des difficultés que connaît aujourd’hui notre système d’asile.

Mme Véronique Massonneau. La France se doit de se conformer aux nouvelles obligations européennes en matière d’asile. La situation actuelle est insatisfaisante, et les demandeurs d’asile en sont les premières victimes : les demandes sont beaucoup trop concentrées sur trois grandes régions et les délais sont trop longs, voire insupportables.

Ce texte semble afficher des objectifs consensuels, à commencer par la réduction des délais. Il ne faudrait pas que nous nous contentions de gérer des flux. La France est signataire de la Convention de Genève, et l’asile est un droit consacré par la Constitution.

La seule modalité d’hébergement sera le CADA, y compris pour les personnes placées sous la procédure dite « Dublin ». La prise en charge des demandeurs d’asile en CADA relève aujourd’hui de l’aide sociale : les demandeurs d’asile en situation de précarité ont le droit de bénéficier d’un hébergement et d’un accompagnement au sein d’un établissement spécialisé. C’est pour l’État une dépense obligatoire : les crédits prévus dans les budgets doivent être suffisants pour couvrir les besoins.

En supprimant la référence à l’aide sociale, l’article 16 remet en question cet état de fait : les CADA devront par conséquent assurer les missions définies par la loi tout en relevant d’une dépense facultative de l’État. L’entrée de la personne dans le centre d’hébergement doit faire l’objet d’une double décision : celle de l’État qui se prononce sur l’admission à l’aide sociale, et celle du directeur de la structure.

Il est indispensable que les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile proposent des prestations d’hébergement et d’accompagnement socio-juridique, et qu’un lien solide soit établi avec les partenaires institutionnels ou associatifs du lieu d’implantation afin d’assurer un accès effectif aux soins, à la scolarité pour les enfants ou encore à des activités adaptées aux personnes vulnérables.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit dix cas de procédures accélérées. Cela pourrait conduire à une augmentation significative du nombre de ces procédures, et dès lors à une dégradation importante de la qualité de la détermination du besoin de protection. Dans la plupart des cas, ce n’est pas l’OFPRA qui décide du mode de procédure, mais l’autorité préfectorale. Il faut donc limiter les cas de procédures accélérées aux fraudes sur l’identité, aux demandes manifestement infondées et aux personnes qui font l’objet d’une procédure en rétention.

Le mécanisme des ordonnances – qui permet au président et aux présidents de section de la CNDA de régler rapidement les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une formation collégiale – doit être supprimé, car il fera double emploi avec la procédure accélérée.

Le recours suspensif examiné en formation collégiale constituant une garantie prévue à l’article 46 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, il doit être étendu aux décisions d’irrecevabilité. Toutes les catégories de demandeurs d’asile, y compris ceux dont la demande est examinée de façon accélérée, doivent bénéficier d’un examen en formation collégiale.

Il nous faudra également traiter du droit à la formation et au travail.

J’espère que le débat sera à la hauteur des enjeux. La France a été une terre d’asile, et elle doit le rester.

Mme Dominique Orliac. Le groupe RRDP considère ce projet de loi comme important. Je regrette toutefois le débat idéologique qui s’est parfois engagé au sujet, par exemple, de l’aide médicale d’État. L’AME, nous avons encore pu le constater lors de la discussion du budget pour 2015, est parfois brandie comme une sorte de cocktail explosif ; ce n’est pas ainsi que nous réglerons les conditions de l’asile de façon digne et humaine. Loin de moi l’idée de faire de l’angélisme ou de fermer les yeux sur la réalité, mais je doute qu’il y ait tant d’abus qu’on l’entend dire parfois ! Le personnel hospitalier étudie scrupuleusement tous les dossiers et contrôle que les conditions requises pour bénéficier de l’AME sont réunies.

Nous sommes fiers de notre longue tradition d’accueil, et il nous faut assumer notre rôle. Nous ne sommes ni un pays vache à lait, ni un pays fermé à ceux qui nous demandent l’asile. Il ne faut jamais oublier que derrière chaque dossier de demande d’asile se cache un drame personnel, des difficultés immenses qui nous paraîtrait, à nous, insurmontables. Quitter son pays en espérant trouver ailleurs une vie meilleure : voilà qui est bien difficile à imaginer pour nous toutes et tous, qui sommes privilégiés de vivre dans le confort que la France nous procure.

Le groupe RRDP se prononcera sur ce texte à l’issue des débats parlementaires. Il présente d’ores et déjà de nombreuses avancées.

L’article 15 prévoit un accès à l’hébergement et à une allocation, ainsi que l’accès à la santé et à l’éducation. Nous, radicaux, sommes des humanistes et cet article nous paraît donc pertinent. L’article 16 nous semble également aller dans la bonne direction. Enfin, l’article 17 est un article de coordination, qui n’appelle aucune remarque particulière.

Mme Chaynesse Khirouni. C’est l’honneur et la grandeur de la France que d’accueillir ceux qui, persécutés dans leurs pays, cherchent un refuge pour bâtir une nouvelle vie. L’accueil des demandeurs d’asile est conforme à notre histoire ; c’est l’une des valeurs essentielles de notre République. Ce n’est, comme l’a rappelé M. le ministre de l’intérieur, ni une « action de générosité » ni « une forme de mauvaise conscience ».

Depuis dix ans, en raison des différents conflits à travers le monde, en raison des persécutions, nous assistons à une augmentation soutenue du nombre de demandeurs d’asile. Or force est de constater que la France ne peut plus proposer des conditions d’accueil dignes.

Nous regrettons que la droite n’ait pas pris la mesure de ce problème, notamment en créant des places d’hébergement en CADA et en assurant un accompagnement des demandeurs ou en réduisant les délais de traitement des demandes.

Aujourd’hui, le système est saturé et les difficultés se concentrent sur certains territoires. Les droits fondamentaux des demandeurs d’asile ne sont plus garantis. Cette situation renforce la stigmatisation des réfugiés et de leurs familles.

Parce que souvent les femmes et les enfants sont les premières victimes, il était plus que temps de proposer une réforme globale du droit d’asile. Ce projet de loi a donné lieu à une large concertation. De très nombreuses associations de terrain, en contact quotidien avec les demandeurs d’asile, se sont impliquées et attendent des débats parlementaires un certain nombre d’améliorations. Il me semble pour ma part important d’examiner toutes les situations avec rigueur, mais aussi avec bienveillance et empathie. Les possibilités de placement en procédure accélérée doivent à mon sens être limitées. De même, la procédure de clôture me paraît porter une atteinte trop importante au principe du droit d’asile. Nous devons accroître la création de places d’hébergement. Enfin, je souhaite que nous puissions avoir un débat apaisé sur l’accès au marché du travail par les demandeurs d’asile.

M. Dominique Dord. Nous partageons tous l’idée qu’accorder l’asile est l’une des valeurs fondamentales de la République.

Il me semble néanmoins qu’il y a dans nos débats un absent de marque : aucune référence n’a été faite aux pratiques des autres pays européens, notamment sur les sujets dont nous sommes saisis, à savoir la question de l’hébergement et celle de l’allocation.

Or nos concitoyens nous reprochent ces politiques françaises déconnectées de celles de nos voisins, alors que l’afflux massif de demandeurs d’asile concerne tous les pays. On peut regretter, d’ailleurs, l’absence de toute réponse européenne commune.

Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, éclairer le débat en nous donnant des éléments de comparaison ? Comment procèdent nos voisins européens ?

Mme Hélène Geoffroy. Merci de la qualité de votre travail, monsieur le rapporteur.

Nous ne pouvons que nous féliciter des objectifs de cette réforme : transposer les directives européennes et accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile, afin de fluidifier le dispositif d’hébergement. Accueillir les personnes en difficulté de manière aussi digne que possible est l’honneur de notre pays. Nous faisons face, dans nos villes, à des demandes d’intervention extrêmement nombreuses, notamment lorsque des familles ont des enfants scolarisés. Souvent, ce sont des drames qui se déroulent.

Comment envisagez-vous d’impliquer les associations dans ce dispositif de premier accueil ? La mise en place d’un schéma national, décliné régionalement, et qui inclurait l’ensemble des lieux d’hébergement, me paraît une très bonne idée. Le critère de la disponibilité des places dans l’orientation vers un lieu d’accueil peut-il s’articuler avec l’établissement d’un mécanisme de détection des besoins des demandeurs, afin que leur situation sanitaire et familiale soit prise en considération ?

Comment peut-on permettre au demandeur d’asile de bénéficier d’un accompagnement socio-juridique, en plus de la mise à l’abri ?

Dans votre projet de rapport, vous évoquez la question des déboutés du droit d’asile et une expérimentation qui pourrait permettre de les héberger temporairement. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

M. Élie Aboud. La droite aborde ce problème de façon très apaisée : vous n’avez entendu ici aucune intervention dogmatique. L’article 15 contient même, je veux le dire, des avancées intéressantes. Nous ignorons toutefois la façon dont ce projet de loi sera appliqué. Or ce qui pose problème aujourd’hui, c’est la distinction entre les vrais demandeurs d’asile, menacés dans leur pays, et ceux qui utilisent la demande d’asile comme circuit pour obtenir un titre de séjour.

Vous dites, monsieur Robiliard, qu’on ne peut pas comparer la France au Liban. Effectivement, dans ce pays que je connais bien, plus de 50 % de la population sont des réfugiés ! Certains en sont aujourd’hui réduits à vendre leurs organes pour survivre. La situation est extraordinairement difficile. Imaginons que la France reçoive trente millions de demandeurs d’asile…

Monsieur le rapporteur, certains demandeurs d’asile n’ont pas besoin, à leur arrivée, de nos prestations sociales ou de nos allocations ; mais cette situation change parfois avec le temps. A-t-on prévu des telles évolutions ?

M. Michel Liebgott. Je veux moi aussi témoigner de mon expérience de député élu d’une zone frontalière : l’afflux de réfugiés, venus des pays de l’Est notamment, est réel. Ils sont accueillis dans des conditions souvent indignes, par exemple dans des hôtels bas de gamme de zones artisanales ou industrielles – ce qui remet ensuite en cause le bon fonctionnement de ces zones – ou dans des centres-villes dont c’est souvent la seule activité le week-end. Cela entraîne des réactions xénophobes ; ce fut en particulier le cas à Hayange, commune qui a été gagnée par le Front national. Nous devons donc nous interroger sérieusement sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. C’est l’honneur de ce Gouvernement d’avoir, en deux ans, créé déjà 4 000 places supplémentaires. Ce projet de loi contribuera largement, j’espère, à accroître encore nos capacités d’accueil, et permettra de renforcer le suivi social. L’hébergement en hôtel n’est à coup sûr pas la meilleure situation possible.

Il me paraît important de traiter le cas des familles entières, au lieu de n’accueillir que des individus. En Lorraine, terre d’immigration, beaucoup d’hommes sont arrivés seuls, et n’ont pu faire venir leur famille que plusieurs années plus tard. Cela ne me paraît pas souhaitable : des demandeurs d’asile viennent en France chassés de leur pays par le danger, et non pas par plaisir ou par caprice ; il est légitime que les familles soient au complet.

M. le rapporteur. Merci beaucoup, chers collègues, pour votre intérêt et vos interventions constructives.

La France n’est effectivement pas le pays le plus sollicité : d’autres zones du monde font face à des situations beaucoup plus angoissantes. Cela nous oblige plus encore à honorer notre tradition et à nous donner les moyens d’accueillir dignement ceux qui nous demandent l’asile et de leur apporter une réponse dans des délais décents.

Je n’accuse personne de la situation actuelle. Peu à peu s’est installé un affrontement entre ceux qui insistent sur les droits, les procédures, les recours, et ceux qui souhaitent appliquer les règles de façon stricte. Le pilotage politique des uns et des autres a été déficient.

C’est pourquoi nous voulons repartir sur des bases nouvelles, en donnant toute leur chance aux demandeurs d’asile, et même en leur offrant des droits supplémentaires. Mais ces droits s’accompagnent de certains devoirs – se soumettre, par exemple, aux propositions de localisation, se rendre aux convocations, accepter les conséquences des décisions de l’OFPRA, de la CNDA et des éventuelles instances de recours.

Par rapport à d’autres pays européens, nous n’avons pas à rougir ; mais nous pouvons regretter notre manque de rigueur et d’efficacité, et donc finalement les insuffisances de la protection accordée à ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés.

La comparaison européenne, que nous avons réalisée au cours de la concertation préalable qui a abouti au rapport que j’ai rédigé avec Valérie Létard, a bien démontré qu’aucun pays européen n’avait trouvé la solution idéale. Nulle part n’a encore été atteint un équilibre parfait entre laxisme et autoritarisme.

Les modalités sont, bon an mal an, assez comparables. Toutefois peu de pays sont obligés d’avoir recours à des solutions de fortune en quantité aussi importante que nous. La plupart du temps, les demandeurs sont principalement accueillis dans des centres où les personnes sont conduites de façon directive, avec parfois une limitation de leurs déplacements, afin qu’ils soient disponibles pour l’administration pendant le temps de la procédure.

Certains pays ont des délais d’examen des dossiers beaucoup plus brefs que nous, et c’est la raison pour laquelle l’Europe recommande un délai de neuf mois, qui peut être tenu, même en préservant tous les recours.

Les allocations sont évidemment variables ; la comparaison n’est pas aisée, car elles recouvrent des choses différentes : selon les pays, elles peuvent ainsi couvrir ou pas l’alimentation et les besoins usuels, prendre en considération ou pas les charges de famille… la France se situe plutôt dans la moyenne : sans être la plus généreuse, elle n’est pas non plus la plus pingre.

Partout, la question des personnes déboutées constitue un vrai problème. Tous les pays européens sont confrontés aux mêmes difficultés : une partie des déboutés demande un retour volontaire ; une autre partie se laisse convaincre et accepte un retour accompagné ; mais un nombre important de gens reste, sans papiers, dans le pays où ils ont effectué leurs démarches. Il faut donc ici faire preuve d’imagination : nous ne disposons d’aucun modèle prêt à appliquer.

La procédure « Dublin » prévoit que la demande d’asile est traitée dans le pays par lequel le demandeur est entré en Europe, même s’il change de pays. Les moyens d’identification actuels le permettent. Certes, elle est imparfaite et demandera à être perfectionnée. Certains pays sont beaucoup plus exposés que d’autres, en raison de leur situation géographique : l’Italie est aujourd’hui submergée, et essaye de ne pas enregistrer les demandes d’asile pour diriger les personnes vers d’autres pays… La France connaît une situation globalement équilibrée entre les demandeurs qui nous reviennent et ceux que nous renvoyons dans d’autres pays. Nous respectons donc nos engagements.

La familialisation de l’allocation fait, je crois, consensus parmi nous. Il faut prendre en considération la demande familiale dans son ensemble, sans laisser de côté les enfants.

L’allocation sera en effet fixée par décret. Certes, cela crée une incertitude ; mais l’évolution dans le temps sera aussi plus facile. Cela me paraît donc la moins mauvaise formule possible. Nous vous tiendrons informés des propositions précises du Gouvernement sur ce futur décret.

L’hébergement directif sera-t-il efficace ? Je l’espère sincèrement. Cette volonté a été partagée par tous lors de la concertation, ce qui m’a surpris : nous avons eu l’accord des collectivités locales, des maires notamment, mais aussi des pouvoirs publics – il reviendra aux préfets de piloter et d’organiser la répartition – et même de la plupart des associations, dont il faut souligner qu’elles sont beaucoup plus impliquées dans notre procédure d’asile qu’elles ne le sont dans d’autres pays. Il est donc essentiel, je le souligne ici, que les associations s’approprient ce projet de réforme. Il sera possible de se soustraire à cet hébergement, mais les demandeurs perdront alors certaines prérogatives.

Certes, certaines zones demeureront sous tension : l’Île-de-France, Calais en sont des exemples. Mais nous devrions néanmoins voir décroître les déséquilibres dans des proportions importantes.

Vous posez la question du budget. Bien sûr, l’augmentation du nombre de place en CADA a un coût, et il faudrait aussi davantage d’agents à l’OFPRA, à l’OFII, voire à la CNDA. Nul n’ignore que nous ne pouvons pas nous montrer dispendieux : nous espérons donc compenser ces dépenses par les économies que permettra le raccourcissement de la procédure – qui est, comme on le voit, vital.

La vulnérabilité, vous avez raison, n’est pas définie par les textes européens, et pas davantage par le projet de loi. Les détails se trouveront donc dans les décrets. La compréhension de la vulnérabilité peut évoluer avec le temps – ainsi, on a davantage conscience aujourd’hui de la gravité extrême des mutilations sexuelles – et le renvoi au décret permettra d’éviter d’avoir à réécrire la loi sous peu, lorsque d’autres vulnérabilités apparaîtront.

Les procédures accélérées ne sont pas examinées dans la précipitation, le travail n’est pas bâclé ; cette formule signifie simplement que les éléments à disposition ne permettent pas d’imaginer qu’il soit nécessaire d’ajouter des pièces au dossier. Certains demandeurs sont acceptés après une procédure accélérée : celle-ci ne constitue donc pas une forme de refus anticipé, mais un moyen de ne pas encombrer nos structures lorsqu’il est possible d’arriver à une décision rapide.

Les CADA débordent, et il est nécessaire, nous en avons tous conscience, d’accroître le nombre de places offertes. En revanche, leur variété ne doit pas être accrue, me semble-t-il. En cherchant à assouplir notre dispositif, nous irions à l’encontre de notre but, qui est avant tout d’être en mesure de donner une réponse rapide à la demande formulée. Si les personnes peuvent être accompagnées là où elles sont logées, et notamment si un interprète est présent, nous y arriverons. Si nous essayons de satisfaire chaque personne de façon laxiste, nous n’y arriverons pas. Cette petite contrainte me paraît très acceptable si elle dure peu : neuf mois ne paraissent pas trop longs – il s’agit tout de même de gens qui veulent entièrement refaire leur vie, dans un nouveau lieu, parce qu’ils sont menacés dans leur propre pays.

Pour fixer l’orientation vers telle ou telle ville, il sera essentiel – le projet de loi l’indique – de prendre en considération l’ensemble des besoins d’une famille. Il y a des besoins familiaux – s’il y a des enfants en bas âge, le CADA doit être proche d’une école. Il y a des besoins sanitaires – proximité d’un hôpital par exemple. Mais il peut aussi exister des difficultés fortes d’insertion, et il ne faut pas multiplier dans un même lieu le nombre de personnes difficiles. Il peut encore exister des conflits ethniques, auxquels il faut prêter attention. Certains doivent être protégés pendant leur séjour en CADA, et certains ne peuvent même pas séjourner en CADA, car il existe des mafias internationales qui en veulent à leur vie. Tous ces impératifs entrent en ligne de compte.

J’en viens à la question de l’évolution dans le temps. Certaines personnes favorisées, qui disposent de moyens financiers et qui avaient une bonne situation dans leur pays, auront des facilités pour s’insérer ; mais, sans travail, sans aide, elles peuvent se trouver rapidement dans des situations de grande précarité. Cela pourra amener à reconsidérer leur hébergement et leur allocation. Mais si nous maintenons le cap des neuf mois, le nombre de cas difficiles devrait diminuer.

Je conclus en vous remerciant à nouveau de ces échanges enrichissants. Nous croyons tous ici au renforcement des droits fondamentaux des demandeurs d’asile, tout en donnant à notre pays les moyens de pérenniser son action. Pour cela, l’asile ne doit pas être confondu avec d’autres voies possibles d’immigration. Notre ambition est de redonner du lustre aux valeurs généreuses de la République. Cette réforme devrait permettre d’accueillir ceux qui le méritent dans les conditions les plus dignes. La France doit redevenir un modèle.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous partageons tous cette volonté.

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article 15
(art. L. 744-1 à L. 744-10 [nouveaux] du code de l’entrée
et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Conditions d’accueil des demandeurs d’asile

Cet article définit tout d’abord le schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile et met en place une procédure d’orientation directive des demandeurs vers un hébergement désigné par l’OFII qui tient compte des besoins du demandeur et s’il doit être considéré comme une personne vulnérable. L’autorité administrative peut subordonner le bénéfice des conditions matérielles d’accueil (hébergement et attribution d’une allocation) à l’acceptation par le demandeur d’asile de l’hébergement proposé. Cet article institue aussi une allocation unique pour demandeur d’asile dont le montant tient compte de la composition de la famille.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS12 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il est souhaitable que le demandeur d’asile joue un rôle actif et puisse, par conséquent, formuler des demandes et des observations. Voilà pourquoi je propose, par cet amendement, qu’il ait la possibilité de faire valoir sa situation personnelle auprès de l’OFII.

M. le rapporteur. Je comprends le sens de votre amendement. Il faut préciser le texte pour permettre au demandeur d’asile de présenter, éventuellement, une nouvelle demande d’allocation ou d’hébergement si sa situation personnelle ou familiale a évolué depuis la demande initiale. Pour autant, je ne pense pas que l’alinéa 6 de l’article 15 soit l’endroit le plus approprié. Cette précision aurait davantage sa place après la description des différentes modalités d’hébergement, ou lorsque l’on traite de l’allocation. Je vous propose donc de replacer l’amendement un peu plus loin dans le texte.

M. Denys Robiliard. En attendant, je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine alors l’amendement AS31 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Contrairement à ce qui semble ressortir du texte, le dispositif national d’hébergement ne se limite pas à l’hébergement. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les demandeurs d’asile hébergés en CADA sont très concrètement et très efficacement accompagnés par les travailleurs sociaux. Cet accompagnement facilite la présentation des dossiers et la réunion des preuves nécessaires pour faire valoir leurs droits.

M. le rapporteur. Dans un monde idéal, toute personne devrait pouvoir bénéficier de toutes les modalités d’accompagnement souhaitables. Dans notre monde réel, le schéma national d’hébergement a pour mission de recenser la répartition des places d’hébergement. Voilà pourquoi le texte du Gouvernement se limite à cet aspect des choses.

Bien sûr, cela ne signifie pas que les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’un accompagnement – accompagnement qui est en effet plus complet dans les CADA que dans les autres structures. Mais l’adoption de votre amendement rendrait plus complexe et donc moins efficace le schéma national d’hébergement, qui ne sera déjà pas simple à mettre en place. Mon avis est donc défavorable.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous soutenons l’amendement de notre collègue et nous ne comprenons pas pourquoi il serait inopportun d’insister sur le fait que l’accompagnement des demandeurs d’asile est une nécessité. Cet accompagnement, qui est prévu par la loi permet, notamment, d’assurer la fluidité du dispositif de la demande d’asile.

M. Bernard Perrut. C’est un amendement de bon sens, qui va dans l’intérêt des personnes qui vont être accueillies et dans celui des collectivités locales. Lorsque l’on prévoit d’installer un lieu d’hébergement dans une commune, le premier souci devrait être d’abord de chercher s’il y a notamment une école ou des services sociaux à proximité.

Récemment, le préfet du département du Rhône m’a proposé d’implanter un CADA sur une petite commune rurale. Je lui ai alors demandé comment on allait accompagner les familles, et où les enfants iraient à l’école. Il faut s’interroger avant, pour que cet accompagnement se fasse dans des conditions correctes.

M. Denys Robiliard. J’observe, monsieur le rapporteur, que le texte ne revient pas sur l’expression « dispositif national d’accueil », qui remonte à 1975.

J’observe aussi que, dans votre propos introductif, vous avez relevé le fait qu’aujourd’hui, les demandeurs d’asile étaient concentrés en Île-de-France et en Rhône-Alpes. Dans ces régions, les associations et les avocats spécialisés ne manquent pas, et il est possible de trouver des relais, même en dehors des lieux d’hébergement.

L’idée du Gouvernement, à travers le système d’affectation « dirigée » du dispositif national d’accueil, est de répartir la charge entre les régions. Cela rend d’autant plus nécessaire la mise en place d’un accompagnement. Dans la construction de ce dispositif, il faut considérer les capacités d’hébergement, mais aussi les capacités d’accompagnement. Il s’agit donc bien d’un dispositif d’accueil, et pas simplement d’hébergement.

Je rappellerai enfin que les CADA font très bien leur travail, pour un prix de journée inférieur à celui d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

M. le rapporteur. Il y a trois situations : les personnes qui vont dans les CADA tels qu’ils existent aujourd’hui, celles qui iront dans les CADA de demain implantés dans les nouveaux territoires, et celles qui – c’est une liberté qui leur est laissée – sont dans des dispositifs hors CADA.

Dans les CADA actuels, l’accompagnement existe. Il est efficace, opportun, et il n’est pas mis en cause.

Dans les CADA de demain, cet accompagnement sera développé au fur et à mesure des implantations, qui se feront en accord avec les élus locaux. Il n’y aura pas de CADA en zone totalement rurale, loin de tout centre urbain. Mais l’étude des dispositifs environnants est une chose, et l’accompagnement offert en interne pour les personnes hébergées en est une autre. En conséquence de quoi, les familles avec des enfants en bas âge ne seront pas dirigées vers des CADA éloignées des écoles. On prendra en compte tel ou tel élément, qui fera partie des caractéristiques de chaque CADA, et permettra de guider, en amont, l’orientation des demandeurs d’asile.

En revanche, et c’est pour cela que je maintiens mon avis défavorable, demander d’emblée que le même niveau d’accompagnement soit offert à des personnes hors CADA n’est pas réaliste, c’est hors de notre portée. En outre, ce n’est pas ainsi que l’on pourra encourager les demandeurs à aller principalement en CADA.

Cet amendement est donc contraire à l’esprit de la loi et à la volonté d’orienter rapidement les demandeurs vers des centres dédiés. L’accompagnement doit rester plus important, plus complet, prioritaire pour ceux qui vont vers un dispositif concentré, adapté et organisé. On ne peut pas offrir le même niveau de qualité d’accompagnement à des personnes dispersées.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS13 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendement, qui tire la conséquence du fait que le dispositif d’hébergement est aussi un dispositif d’accueil, prévoit la consultation du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale. L’amendement précédent ayant été repoussé, par cohérence, je vais retirer celui-ci.

Cela dit, cet amendement AS13 sera repris en Commission des lois, et dans l’hémicycle. La question est centrale. En effet, depuis 1975, nous disposons d’un dispositif d’accueil, et pas simplement d’un dispositif d’hébergement. Je ne saurais accepter une régression de la loi, laquelle affiche par ailleurs une volonté de progresser en ce domaine, notamment en mettant en oeuvre la directive « accueil ».

M. le rapporteur. Dans cet amendement, vous proposez que l’on demande également l’avis du ministre chargé de l’asile, du ministre chargé du logement et du ministre chargé des affaires sociales et de la santé. C’est incompatible avec notre volonté d’accélérer et d’améliorer l’efficacité des procédures. Chaque fois que l’on demande qu’une décision soit interministérielle, on peut s’attendre à ce que les délais ne soient pas respectés. Mieux vaut s’assurer que le ministère en charge est doté des compétences et des moyens d’agir de façon juste et adaptée.

L’amendement est retiré.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS17 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Monsieur le rapporteur, exiger une consultation supplémentaire et une prise de décision dans un cadre interministériel ne me paraît nullement antagonique avec l’objectif de raccourcir les délais de traitement des demandes d’asile. Au contraire, c’est le moyen de bien intégrer toutes les données nécessaires pour construire convenablement le dispositif et faire qu’il soit le plus efficient possible.

De la même façon, l’amendement AS17 a pour objectif de faire participer l’ensemble des acteurs locaux, au niveau régional, à la programmation de l’ensemble des lieux d’hébergement.

M. le rapporteur. Ma réponse sera la même que pour l’amendement précédent. Il est clair que le schéma régional est l’objet d’une concertation entre les services de l’État et les élus régionaux qui ont, les uns et les autres, la faculté de s’entourer des avis qui leur semblent opportuns. Mais soumettre la décision à des consultations multiples d’unions, de fédérations, de regroupements des usagers, de gestionnaires des établissements ralentira la prise de décisions. Au final, faute de construire de nouveaux CADA dans les temps, on pérennisera l’état actuel, marqué par la saturation des lieux d’hébergement et l’insuffisance des capacités d’accueil.

Mon avis est défavorable. L’adoption de cet amendement freinerait toute évolution en multipliant les acteurs à consulter, alors même que l’on peut faire confiance aux services des élus locaux et à ceux de l’État pour s’entourer des avis nécessaires – qui varieront d’ailleurs selon les conditions géographiques et l’état des équipements. J’ajoute que la France se singularise par rapport aux autres pays européens par l’implication beaucoup plus forte des associations, qui font naturellement le lien entre les uns et les autres.

Monsieur Robiliard, il est légitime d’avoir des doutes sur l’efficacité de telle ou telle mesure et je partage le désir d’avoir la plus large concertation possible. Mais à un certain moment, il faut savoir l’arrêter pour pouvoir avancer. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AS18 de M. Denys Robiliard

M. Denys Robiliard. Cet amendement traite de l’affectation des demandeurs d’asile. En France, le dispositif est presque exclusivement géré par des associations. Il me paraît donc important, pour le bon fonctionnement du système, qu’il y ait un minimum de dialogue entre l’OFII et les lieux d’hébergement, et que le directeur donne son accord au moment de l’entrée du demandeur d’asile dans la structure. Cela permet de vérifier la capacité du CADA ou du centre d’hébergement d’urgence à prendre en charge la personne ou les familles. C’est ensuite l’expression du fait que l’on est dans le cadre d’un partenariat et pas dans une simple administration.

M. le rapporteur. Il importe que les demandeurs d’asile aient les mêmes droits, et que quelqu’un ne soit pas discriminé parce qu’il n’a pas l’heur de plaire à un directeur d’établissement. Par ailleurs, si on adopte un système directif d’hébergement, lequel semble faire l’unanimité, il faut éviter que les directeurs puissent choisir leurs résidents. Les résidents doivent être ceux que l’autorité globale et initiale leur a attribués. Après, il est toujours possible au directeur, comme le texte le prévoit clairement, de renvoyer un résident qui ne se comporterait mal, qui créerait des nuisances ou qui ne se rendrait pas aux convocations. Des procédures existent à cette fin.

Monsieur Robiliard, votre souhait peut donc être satisfait, mais a posteriori, c’est-à-dire après que la personne a été hébergée. Il ne faudrait pas que l’on fasse des procès d’intention aux directeurs.

Donc, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS14 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard.  Cet amendement étant lié à la problématique de l’hébergement, je considère qu’il a été défendu. Il s’agit, cette fois-ci, de faire préciser par la loi que tous les lieux d’hébergement proposent des prestations d’hébergement et d’accompagnement socio-juridique.

J’ai bien entendu M. le rapporteur et je m’étonne du sens que prend notre discussion. Je n’avais pas compris en effet que ce projet de loi nous faisait passer d’un dispositif d’accueil à un dispositif d’hébergement, ce qui constitue selon moi une régression. Je ne crois pas que tel soit le souhait du Gouvernement.

M. le rapporteur. Les CADA, ou du moins les structures du même type, sont intégrées dans un schéma d’hébergement et d’accompagnement, et les personnes qui y sont hébergées bénéficient même d’un accompagnement renforcé et de dispositifs bien organisés. En revanche, les personnes hébergées dans d’autres types de structures n’auront pas la garantie de bénéficier du même niveau d’accompagnement.

L’accompagnement sera amélioré pour les personnes en institutions organisées, mais l’inégalité perdurera pour ceux qui se trouvent dans des situations très marginales, avec l’espoir que, demain, ces situations marginales disparaîtront.

M. Christophe Cavard. Nous trouvons le texte plutôt intéressant dans son ensemble. Pour autant, l’aspect directif de l’hébergement – qui, selon vous, a recueilli une certaine unanimité – ne doit pas aboutir à pénaliser les personnes ou les familles qui auraient fait le choix d’être accueillies en dehors des CADA. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je demande au rapporteur de bien nous expliquer la finalité de ce choix directif. S’agit-il de mieux accompagner ou de mieux contrôler – je suis un peu provocateur – les demandeurs d’asile ?

M. le rapporteur. Dans certains pays européens, les demandeurs d’asile n’ont pas d’autre choix que d’aller dans les centres, où leur situation est examinée. Dans d’autres pays, ils se trouvent dans situation comparable à celle de la France. La philosophie de ce projet est de faire prendre conscience aux demandeurs d’asile qu’ils retireront davantage de bénéfices à se rendre dans un lieu d’hébergement où tout est organisé sur place, de la visite médicale initiale à la prise en charge sociale, à l’octroi d’une allocation, en passant par l’hébergement. La contrainte assez modeste, surtout pour une durée de séjour inférieure à neuf mois.

Quand on a été maltraité dans son pays, qu’on demande l’asile dans un autre pays et que ce dernier nous héberge, nous nourrit, nous sert une allocation et prend en charge la procédure, il est naturel d’accepter les modalités prévoyant que l’on est en mesure de répondre aux convocations, d’être là au moment où l’interprète est présent…

Au cours de ma pratique personnelle, j’ai vu un certain nombre de demandeurs d’asile qui, lorsque leur demande est épuisée, font valoir l’autorisation à bénéficier du dispositif d’étranger malade, mais ne viennent jamais à aucun rendez-vous. Je ne pense pas que ces personnes, si elles sont dispersées dans la nature, doivent bénéficier d’un accompagnement au quotidien.

Si on accepte tous les avantages, on doit s’accommoder des petites contraintes qui les accompagnent, c’est-à-dire être à la disposition des services de la République française – et ce n’est pas rien quand on connaît le montant que cela représente.

Oui, nous souhaitons renforcer toutes les chances et toutes les modalités d’accompagnement pour ceux qui seront dans les différents centres où ils seront orientés, mais pas pour les autres. Ceux-ci garderont la liberté d’être hébergés ailleurs, mais ils ne pourront pas prétendre bénéficier d’un accompagnement renforcé par rapport à ce qui existe aujourd’hui. Cela ne signifie pas que l’on va diminuer l’accompagnement de ces demandeurs d’asile, mais que nous n’avons clairement pas les moyens de le renforcer. La même somme investie dans des CADA rendra service à bien plus de demandeurs d’asile que si elle l’était dans des nuitées d’hôtel ou des accompagnements dispersés.

Je n’appelle pas cela une perte de liberté – même si on a tous notre définition de la liberté. L’important est de donner aux demandeurs d’asile toutes les chances d’être reconnus comme réfugiés politiques s’ils ont vraiment été mis en péril dans leur pays.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement AS19 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. À partir du moment où l’on souhaite offrir une place à tout demandeur d’asile, il faut une montée en puissance du système d’hébergement. Celle-ci ne peut se faire spontanément, d’autant que cela demande des moyens budgétaires et que l’on sait déjà que, pour 2015, nous ne les avons pas. Mais cela se fera progressivement et il convient de bien afficher l’objectif poursuivi, à savoir que l’hébergement de principe doit être le CADA et non les structures d’hébergement d’urgence.

M. le rapporteur. Ce projet de loi introduit une certaine souplesse s’agissant des dispositifs d’hébergement, mais il ne prévoit pas que les demandeurs d’asile occupent des places en CHRS de droit commun ni dans des établissements d’urgence. Ce serait nuire aux chances des demandeurs d’asile car ces lieux ne leur sont pas adaptés, et cela limiterait l’accès des personnes en grande précarité dans ces mêmes lieux. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS23 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. On sait bien que dans la pratique, certains demandeurs d’asile ne partent pas spontanément des lieux d’hébergement au terme de leur parcours, et qu’il faut les y contraindre. Aujourd’hui, deux voies sont possibles : devant les juridictions administratives et devant les juridictions judiciaires.

Je rappelle que le dispositif national d’accueil est un dispositif public, mais qui associe des partenaires privés, et que les demandeurs à l’expulsion sont en général des associations. Voilà pourquoi il me semble qu’il n’y a pas lieu de s’adresser à un juge administratif. D’où cet amendement qui vise à attribuer les décisions d’expulsion à la juridiction judiciaire.

Par ailleurs, même si je sais que le juge administratif doit statuer dans un délai bref, on ne peut pas demander à celui-ci de travailler toujours et uniquement dans l’urgence. En effet, cela se répercute sur le reste du contentieux car, à moyens identiques, les priorités doivent réaffectées. De ce fait, par exemple, le contentieux fiscal ou celui du droit de l’urbanisme est retardé. Autant aller devant le juge de proximité – comme je le propose dans l’amendement suivant – à savoir devant le tribunal d’instance ou le tribunal de grande instance, qui peut statuer dans un délai comparable à celui de la juridiction administrative, tout en étant plus adapté.

M. le rapporteur. Le projet de loi a résolu la question : on ne peut pas assimiler ce type d’hébergement à un domicile privé. La juridiction administrative est donc plus adaptée que la juridiction civile.

Le résident qui n’a plus le droit de rester dans cet hébergement pourra présenter ses arguments dans le cadre de la procédure de mise en demeure. Et ce n’est que si ce préalable échoue que l’expulsion sera demandée en justice, le préfet étant bien sûr responsable de la procédure contentieuse.

En assimilant le demandeur d’asile au locataire d’un appartement privé, cet amendement, ainsi que le suivant, aboutiraient, s’ils étaient retenus, à diluer la capacité de décider face à des personnes qui veulent rester abusivement dans ce type de logement. Mon avis est donc défavorable.

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas en effet une question de rapports locatifs. Mais on n’en est pas moins dans des rapports de droit privé, puisque le demandeur ou l’association gestionnaires sont des personnes privées.

Ensuite, il n’y a qu’un tribunal administratif par région et il est donc plus compliqué de s’y rendre. Par respect pour les personnes, il faut faire intervenir un juge de proximité.

Enfin, même s’il n’y a pas de rapports locatifs, il y a bien un domicile. De ce point de vue, le juge du domicile est plus naturellement le juge judiciaire que le juge administratif. Et ce n’est pas le juge judiciaire qui permettra aux gens de s’incruster. La juridiction civile fait droit aux demandes d’expulsion qui lui sont présentées par les CADA.

M. le rapporteur. Quand les associations interviennent, elles le font par délégation de service public, et pas comme des acteurs privés.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement AS22 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je considère qu’il a été défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS25 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. La directive « accueil » du 26 juin 2013 prévoit l’obligation de fournir des informations aux demandeurs d’asile sur les organisations ou les groupes de personnes qui assurent une assistance juridique spécifique, et sur les organisations susceptibles de les aider ou de les informer sur les conditions d’accueil dont ils peuvent bénéficier.

Or rien n’est explicitement prévu par le projet de loi dans ce domaine même si, dans la pratique, sur les territoires, le premier accueil est organisé sous la forme de plateformes d’accueil pour demandeurs d’asile, gérées soit directement par l’OFII, soit délégué pour tout ou partie à des associations. Il convient donc de transposer dans le texte cette obligation d’information qui pèse sur la France.

M. le rapporteur. L’information la plus complète et la mieux organisée est tout à fait souhaitable au niveau de la plateforme d’accueil, l’OFII pouvant passer des conventions avec des associations spécialisées si nécessaire.

Cet amendement peut enrichir le texte, et je donne un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS15 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendent traite de l’appréciation de la vulnérabilité, concept développé par la directive « accueil ».

Cette vulnérabilité est consubstantielle à la personne du demandeur d’asile, et se révèle parfois dans le temps. Une femme qui a été victime de viol peut avoir des difficultés à en parler, surtout dans certaines conditions. Au cours de son audition, le directeur de l’OFII a indiqué que la détection de la vulnérabilité se ferait au cours d’un entretien et que si une famille entière se présentait, l’entretien serait familial. Vous pouvez imaginer que la femme n’évoquera pas la question, notamment devant son mari…

Il faut donc prévoir dans le dispositif que cette vulnérabilité pourra être constatée à tout moment et par des personnes extérieures à la gestion des demandeurs d’asile. Je pense, par exemple, aux soignants et aux médecins qui sont amenés à intervenir dans le cadre du droit commun.

La suppression pure et simple des alinéas 21 à 26 n’est pas satisfaisante, je le concède, mais le modèle développé par le projet, en raison du caractère un peu trop « administratif » de l’évaluation de la vulnérabilité, ne l’est pas non plus. Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, si vous souhaitez que l’on retravaille cette question, je serai à votre disposition et je retirerai mon amendement.

M. le rapporteur. Je suis favorable à ce que la vulnérabilité puisse être évaluée et prise en compte à tous les stades de la procédure. En revanche, la suppression des alinéas 21 à 26 ne me semble pas être le moyen le plus approprié d’y parvenir.

Un peu plus loin dans le texte, j’ai déposé un amendement qui précise qu’en cas de besoin, à tout moment de la procédure, les médecins de l’OFII peuvent être sollicités pour évaluer la vulnérabilité des demandeurs d’asile – ou leurs besoins médicaux. On pourrait éventuellement partir de là et le compléter dans le sens suggéré par M. Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS27 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’amendement pose la question de savoir qui doit apprécier la vulnérabilité. L’OFII a une certaine prétention à le faire, mais l’OFPRA aussi. En effet, l’OFPRA connaît la situation de chaque pays, et donc les traumatismes qu’ont pu traverser les demandeurs d’asile de ces pays. Par ailleurs, à l’occasion de l’instruction de la demande de reconnaissance du statut de réfugié – comme de la protection subsidiaire –, il est à même de connaître les raisons pour lesquelles le demandeur sollicite l’asile, et donc d’identifier certaines vulnérabilités.

Est-ce à l’OFPRA de s’organiser de façon à lui-même détecter la vulnérabilité ? Je n’ai pas pu interroger le ministre sur ce point. Je m’adresse donc à vous.

M. le rapporteur. Vous indiquez avec raison, monsieur Robiliard, que cela supposerait que l’OFPRA s’organise. Or dans l’immédiat celui-ci n’est pas apte à répondre totalement à la demande. Le rapport de M. Richard et de Mme Dubié insistait sur la nécessité de solliciter davantage les médecins de l’OFII pour évaluer aussi bien la vulnérabilité que les besoins médicaux des demandeurs d’asile. Les médecins de l’OFII dépendent naturellement de cet organisme, mais leur déontologie les écarte de tout soupçon. Je crois qu’ils peuvent accompagner et aider les demandeurs d’asile en toute indépendance et de façon très objective.

J’aurais tendance à dire qu’il vaut mieux confier ces différentes missions à un seul organisme, quitte à lui accorder des moyens supplémentaires et davantage de médecins à répartir sur le territoire, plutôt que de créer plusieurs dispositifs concurrents les uns des autres qui seraient de nature à nouveau à complexifier et donc à ralentir notre système qui s’apparente déjà à une « usine à gaz ».

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Denys Robiliard. Je le retire. J’observe toutefois qu’il ne s’agit pas de complexifier un système, mais d’en choisir l’opérateur, et qu’à ce stade, la discussion est ouverte.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS16 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard.  Cet amendement prévoit que le demandeur d’asile sera informé de la possibilité de réaliser un bilan de santé et social dans le système de santé de droit commun. En effet, le nombre des médecins de l’OFII est très limité, et je doute que la situation puisse changer rapidement et de façon significative. L’idée est de mettre en place un outil qui facilite le diagnostic de la vulnérabilité.

M. le rapporteur. On peut adopter cet amendement sous la forme que vous indiquez. Mais il risque d’être redondant avec l’amendement AS24 qui propose que l’on écrive que « Chaque fois que nécessaire, les médecins de l’OFII procèdent à l’examen médical du demandeur ». À moins que l’on précise, à l’amendement AS24, que « cette information doit être délivrée aux demandeurs d’asile ».

M. Denys Robiliard.  Nous ne sommes pas sur le même ordre d’idées. Je pense, pour ma part, que les médecins de l’OFII ne suffiront pas. En effet, le nombre des demandes d’asile tourne autour de 50 000 par an. Voilà pourquoi je propose que l’on ait recours à des médecins du secteur privé.

La Commission rejette l'amendement.

La Commission examine l’amendement AS24 du rapporteur.

M. le rapporteur. La vulnérabilité n’est pas toujours détectée au départ, et le médecin qui sera amené à se prononcer doit avoir à la fois des compétences médicales et la connaissance des décisions à prendre. Il doit savoir apprécier, notamment, si certaines des personnes déboutées du droit d’asile – soit 80 % des demandeurs – peuvent ou non bénéficier d’un suivi médical approprié dans leur pays d’origine et, si ce n’est pas le cas, bénéficier du dispositif « étranger malade » pris en charge en France.

Les médecins généralistes français ne peuvent pas se prononcer parce qu’ils n’ont pas les connaissances géopolitiques et de médecine internationale pour savoir que dans tel ou tel pays africain, il y a ou non accès à la dialyse, aux traitements des tuberculoses multi résistantes, etc. Jusqu’à présent, seuls les médecins de l’OFII semblent à même de décider.

Dans le passé, les médecins des Agences régionales de santé (ARS) ont rempli ce rôle, mais les résultats furent très mauvais. Tout en étant de très bons médecins, ils ne connaissaient pas les pays d’origine. Entre l’ARS Bourgogne, l’ARS Île-de-France et l’ARS Rhône-Alpes, des décisions complètement opposées ont été prises pour les mêmes problèmes pathologiques posés par des demandeurs d’asile. Il convenait d’introduire un minimum d’homogénéité dans le système.

M. Denys Robiliard. On est bien d’accord que cet examen se fera avec l’accord du demandeur ?

M. le rapporteur. Bien sûr.

M. Denys Robiliard. La rédaction pourrait faire croire qu’il s’agit d’un examen obligatoire. Or le texte prévoit des sanctions quand le demandeur ne satisfait pas aux demandes de l’administration. Il serait donc opportun de faire apparaître l’accord du demandeur. En conséquence, je vous propose de rectifier l’amendement AS24 en ajoutant, après le mot « procèdent », les mots : « , avec son accord , … »

M. le rapporteur. Je suis favorable à cette rectification.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS26 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendement ne devrait pas poser de difficultés, dans la mesure où il consiste à reprendre la définition figurant à l’article 21 de la directive pour définir les personnes considérées comme vulnérables. Bien que cette définition ne soit pas exhaustive, cet amendement aiderait les personnes qui appliquent la loi et qui, de ce fait, n’auraient pas besoin de se reporter à la directive. La liste me paraît en effet assez illustrative et très concrète.

M. le rapporteur. Il est prévu que ce soit le décret, et non la loi, qui précise les critères de vulnérabilité. Ce dispositif a l’avantage d’introduire une certaine souplesse, car la vulnérabilité peut être appréciée différemment selon les périodes et selon les demandeurs.

Certains des éléments listés dans cet amendement sont assez évidents. Mais cela n’empêche pas un certain flou. Par exemple, quel niveau de handicap veut-on prendre en compte lorsque l’on parle des personnes handicapées ? De la même façon, on ne précise pas ce que sont les formes graves de violences psychologiques.

Laisser au décret la possibilité de rentrer dans les détails paraît plus prudent. En outre, laisser un peu de liberté d’appréciation à chacun permet de traiter les dossiers au cas par cas.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Très sincèrement, Monsieur Robiliard, je ne crois pas que ce soit du domaine de la loi. Ainsi, hors contexte, je ne sais pas ce qu’est une « maladie grave ».

M. Denys Robiliard. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS28 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. La décision d’orientation des demandeurs d’asile est importante, dans la mesure où l’administration a quasiment la possibilité d’imposer un lieu de résidence au demandeur d’asile. Voilà pourquoi je considère qu’il faut préciser les critères à prendre en compte, parmi lesquels la vie privée et familiale du demandeur, ses besoins, et prévoir de recueillir l’avis de l’intéressé. Je ne pense que cela pose la moindre difficulté, ni n’entraîne le moindre coût.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Si j’ai bien compris cet amendement, l’autorité administrative pourrait subordonner le bénéfice des conditions matérielles d’accueil à l’acceptation d’un hébergement par le demandeur, mais après avoir pris en compte la vie privée et familiale de celui-ci, et accueilli ses observations. Cela me semble un peu trop flou pour pouvoir l’inscrire dans la loi. Par ailleurs, l’alinéa 29 de l’article 15 stipule déjà que l’hébergement proposé est  déterminé après examen des besoins du demandeur.

M. Denys Robiliard. Je suis un peu étonné d’entendre que la notion de vie privée et familiale serait floue. D’une part, cette notion apparaît dans le texte de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. D’autre part, on la retrouve dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) – articles relatifs aux titres de séjour, à la carte de séjour et à la carte de résident.

La notion est donc bien connue de l’administration, du ministère de l’intérieur et utilisée quotidiennement dans les préfectures. L’OFII la connaît parfaitement. Le fait de l’introduire dans ce texte alors qu’elle a un contenu bien normé et qu’elle fait l’objet d’une jurisprudence abondante serait, selon moi, très utile à l’administration. Je ne vois pas où est le problème.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS29 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Le texte a prévu une affectation directive du demandeur d’asile. Dans la mesure où c’est la France qui offre un accueil, il me semble légitime que les conditions de cet accueil soient déterminées par l’autorité administrative. Mais le projet va au-delà, en obligeant le demandeur à solliciter une autorisation d’absence. Celle-ci pourrait faire l’objet d’un décret et tout manquement pourrait avoir de lourdes conséquences. Je ne comprends pas – ou plutôt, je comprends trop bien.

D’après ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, la raison d’être du projet de loi est de réduire la durée de la procédure. Si la réforme produit les effets attendus, une personne accueillie dans un lieu d’hébergement ne devrait pas y rester plus de neuf mois, ce qui est assez court. Dans ces conditions, pourquoi instaurer un régime d’absence qui contraindra le personnel des lieux d’hébergement à faire des pointages ? Pourquoi instituer un dispositif qui va remettre en question les principes de l’intervention sociale qui fondent la relation entre un travailleur social et un demandeur d’asile ? Les procédures seront complexifiées, dans la mesure où il faudra recueillir l’avis préalable. D’où l’apparition d’un contentieux spécifique, dont nous n’avons vraiment pas besoin aujourd’hui.

On cherche à raccourcir les délais et à économiser les moyens, ce qui suppose d’être plus opérationnels, de pouvoir se concentrer sur la demande d’asile afin d’y répondre le plus rapidement possible. Selon moi, un tel dispositif va à l’encontre de tous ces objectifs.

M. le rapporteur. Ce n’est pas en laissant les gens aller et venir en fonction de leur humeur du moment et en leur permettant de s’absenter pendant des durées prolongées que l’on aboutira à ce résultat. Par ailleurs, dans la situation de pénurie que nous connaissons, il est impensable de laisser une place vacante, alors qu’elle pourrait être occupée par quelqu’un d’autre. Je maintiens donc qu’il est indispensable que les demandeurs d’emploi restent dans l’hébergement qui leur a été proposé, et que s’ils sont absents de façon répétitive, ils en subissent les conséquences, à l’instar de celui qui quitterait son internat à sa guise. Bien évidemment, les demandeurs peuvent avoir toutes sortes de raisons de s’absenter, qu’elles soient familiales, professionnels ou d’une autre nature. Il leur suffira de prévenir le centre qui, en fonction du temps d’absence, pourra disposer ou non de leur chambre.

Je rappelle que, lors de la procédure de concertation préalable, la plupart des associations et des travailleurs sociaux se sont prononcés en faveur d’un tel dispositif. En effet, un petit pourcentage des demandeurs d’asile désespère les travailleurs sociaux par des manquements répétés. La moindre des choses serait que les demandeurs préviennent quand ils partent, et fassent connaître leurs motivations. Il est clair qu’ils vont devoir observer une certaine discipline. C’est triste, mais c’est la vie.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le rapporteur, votre explication ne tient pas. Vous dites que lorsque l’on est hébergé dans un établissement, la moindre des choses est de prévenir lorsque l’on s’absente. Certes, et d’ailleurs, une telle évidence relève du règlement intérieur. Mais ce n’est pas du tout ce que prévoit l’alinéa 30. Cet alinéa dispose en effet que : « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles l’absence du lieu d’hébergement peut être subordonnée à une autorisation de l’autorité administrative ».

On a ainsi dépassé les règles de bonne gestion des populations sur les lieux d’hébergement, pour s’orienter vers un régime d’assignation à résidence – laquelle est en outre soumise à un pouvoir administratif, et même pas judiciaire.

Je suis donc d’accord avec notre collègue Robiliard. Nous allons devoir retravailler cet aspect du texte, car il est fondamental.

M. le rapporteur. Pourquoi faire un procès d’intention au Conseil d’État ? Pourquoi fixerait-il des conditions anormalement coercitives ? Cela n’a jamais été dans sa philosophie.

M. Jean-Louis Roumegas.  Lorsque vous vous déplacez, demandez-vous une autorisation au Conseil d’État ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il faut dire que M. le rapporteur n’est pas demandeur d’asile …

M. le rapporteur. Si je l’étais, je demanderai l’autorisation au directeur du centre. Et en tant que médecin dans un hôpital, je demande l’autorisation de m’absenter au directeur de l’hôpital. Quand je m’absente du territoire français, je demande l’autorisation de le faire. Je m’en porte bien et je trouve cela normal. J’observe d’ailleurs que ceux de mes collaborateurs qui ne l’ont pas fait ont fini par avoir des ennuis.

Un minimum de règles doit être respecté, y compris par les demandeurs d’asile. La simple correction exige que celui qui bénéficie des avantages que lui offre la France s’informe sur les conditions dans lesquelles il peut entrer et sortir de l’établissement dans lequel il est hébergé. Et s’il ne les respecte pas, il se met en difficulté.

M. Denys Robiliard. Monsieur le rapporteur, il se trouve que cette proposition a fait réagir un très grand nombre d’associations dans un sens extrêmement négatif.

M. le rapporteur. Lesquelles ?

M. Denys Robiliard. Je ne vais pas vous en faire la liste maintenant. Disons que parmi elles, il y en a certaines qui hébergent des demandeurs d’asile.

Je pense que la demande des associations portait sur un dispositif permettant de tirer les conséquences d’un abandon, par le demandeur d’asile, du CADA ou du lieu d’hébergement. C’était effectivement nécessaire. Le problème est que ce texte assimile le lieu d’hébergement à un internat que l’on ne pourrait quitter qu’avec une autorisation. Il porte donc atteinte à la liberté d’aller et venir.

L’alinéa 31 précise par ailleurs que : « Cette autorisation n’est pas requise lorsque le demandeur d’asile doit se présenter devant les autorités administratives ou les juridictions ». Cela signifie que dans tous les autres cas, elle peut l’être.

On limite ainsi considérablement, et par voie de décret, les allées et venues des demandeurs d’asile. La durée de l’absence n’est pas précisée et aucune raison d’absence autre que les convocations devant les autorités administratives ou les juridictions n’est évoquée. Avec les alinéas 30 et 31, on peut aboutir à un régime semi carcéral ! Ce n’est pas acceptable, et je pense d’ailleurs que cela pose un problème constitutionnel.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous ne pouvez pas parler de régime semi carcéral, monsieur Robiliard !

M. Denys Robiliard. Le terme était peut-être excessif. Je le retire. Il n’empêche qu’il y a là une atteinte à la liberté d’aller et venir. Je considère que, par ces dispositions, on rompt avec le modèle français qui était celui de l’accueil des demandeurs d’asile …

M. le rapporteur. On rompt avec la pagaille !

M. Denys Robiliard. Non, avec la liberté ! Et on s’oriente, je le crains, vers des procédures comme celles en vigueur en Grèce, où les demandeurs d’asile sont dans des camps.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Robiliard, ces sujets vous tiennent à cœur autant qu’à nous. Mais il faut se garder de tout excès, qui risquerait de nous desservir.

Nous avons tous eu affaire à des demandeurs d’asile. Moi-même, j’ai prêté foi au discours de l’un d’entre eux, qui était en train de faire réexaminer sa demande d’asile. Le problème était qu’il avait court-circuité les associations qui s’occupaient de lui. Vous souhaitez supprimer l’alinéa 38 qui permet, entre autres, de limiter ou suspendre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil si le demandeur d’asile a présenté une demande de réexamen de sa demande d’asile. Mais c’est seulement une disposition destinée à éviter la pagaille. Et cela ne me choque pas, monsieur Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, vous êtes libre de ne pas être choquée, et je suis libre d’avoir une appréciation différente de la vôtre.

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne mets pas en doute les intentions du rapporteur, ni son appréciation. Mais tel qu’il est rédigé, le texte pose un réel problème. On s’apprête à adopter des règles de résidence infiniment plus dures pour les demandeurs d’asile que pour les étrangers, y compris en situation irrégulière.

On comprend bien l’intérêt pratique qu’il y a à fixer un lieu de résidence pour les demandeurs d’asile. Mais soumettre à autorisation administrative le fait de pouvoir quitter ou pas cette résidence est inédit dans notre droit, et ne correspond pas au principe de bonne gestion des capacités d’hébergement que vous avez précédemment mis en avant.

Personnellement, je suis choqué. Notre collègue Robiliard a eu raison de tirer la sonnette d’alarme. Pourquoi les demandeurs d’asile, qui sont dans une procédure parfaitement encadrée, seraient-ils soumis à des conditions encore plus restrictives, alors même qu’ils ont a priori des raisons encore plus valables que les autres étrangers de venir chez nous ?

M. Arnaud Richard. C’est tout à fait à votre honneur de vous faire l’avocat inflexible des libertés publiques, et je comprends le doute de nos collègues. Simplement, l’objet de ce texte est de redonner du sens au droit d’asile, car le dispositif actuel est en train d’exploser.

Redonner du sens, cela veut dire accueillir les demandeurs d’asile dans de bonnes conditions – de temps, d’accueil – et aménager leur éventuelle insertion. Pour cela, je pense, comme le rapporteur, qu’il convient de remettre un peu d’ordre. Bien sûr, on peut avoir besoin d’explications. J’ai moi-même indiqué tout à l’heure dans mon propos que s’agissant de la vulnérabilité, le texte était assez flou, et je pense que le Gouvernement devra apporter certaines précisions à nos collègues de la majorité.

Mme Joëlle Huillier.  Décider, à l’alinéa 30, qu’ « un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles l’absence du lieu d’hébergement peut être subordonnée à une autorisation de l’autorisation administrative », ne me choque pas. Mais préciser, à l’alinéa 31, que l’autorisation « n’est pas requise lorsque le demandeur d’asile doit se présenter devant les autorisations administratives ou les juridictions », me choque. Cela signifie en effet que le demandeur d’asile peut s’absenter pour une demi-journée, voire une journée pour se rendre à certaines convocations, mais que s’il s’absente un peu plus pour d’autres raisons, cela posera un problème.

Je pense que c’est davantage une question de forme. Selon moi, il est nécessaire de fixer les conditions dans lesquelles les demandeurs d’asile doivent déposer des autorisations. Nous savons très bien en effet que certains quittent leur lieu d’hébergement, parfois pendant plusieurs mois, sans demander d’autorisation et qu’on conserve leur place parce qu’ils ont laissé toutes leurs affaires dans leur chambre. Peut-être faudrait-il que le décret en Conseil d’État précise la durée d’absence autorisée.

M. le rapporteur. Le décret précisera les choses en temps et en heure. Effectivement, la situation est différente pour quelqu’un qui s’est absenté quarante-huit heures, et pour quelqu’un qui est parti pendant un mois. Clairement, les conséquences ne seront pas les mêmes.

L’alinéa 31 ne fait que préciser ce qui va de soi puisque, de toutes façons, les responsables du centre d’hébergement sont prévenus lorsque, par exemple, le demandeur d’asile est convoqué à l’OFPRA ou à la CNDA. Mais j’imagine que cette précision a été apportée pour éviter que quelqu’un ne se présente pas à certaines convocations en prétextant qu’il n’a pas reçu l’autorisation de quitter le centre.

La Commission rejette l’amendement AS29.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS30 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Le demandeur d’asile ne pourra pas être hébergé dans certains établissements. Or l’hébergement et un droit inconditionnel pour toutes les personnes sans-abri, quelle que soit leur situation familiale ou administrative. Les alinéas 32 et 33 reviennent sur ce principe fondamental.

Je ne suis pas non plus pour l’anarchie, et j’accepte qu’il y ait un certain nombre de contraintes. Je conçois que celui qui abandonne son logement encourt certaines sanctions. Mais que cela remette en question la façon dont, ensuite, s’appliquera le droit à l’hébergement d’urgence, ne me paraît pas de bonne politique.

M. le rapporteur. Je ne pense pas que l’on puisse supprimer les alinéas 32 et 33 qui répondent à une certaine logique, selon laquelle la personne qui a refusé l’hébergement qui lui a été proposé n’a pas tous les droits. Le refus ou l’abandon d’un hébergement doit avoir des conséquences.

J’entends bien que quelques-uns contestent le fait qu’une décision donne des droits, et considèrent que tout le monde doit avoir tous les droits. Mais dans un État de droit, on définit toujours les droits associés à telle ou telle décision.

Peut-être la rédaction du Gouvernement a-t-elle besoin d’être précisée – en particulier la formule « Sans préjudice de l’article L.345-2-2 du code de l’action sociale et des familles… ». Mais dans la même logique d’efficacité et pour encourager les gens à tenir compte des recommandations qui leur sont faites, il faut que le fait d’avoir refusé l’hébergement proposé ou de l’avoir abandonné ait des conséquences.

M. Arnaud Richard. Le rapport sur la politique d’accueil des demandeurs d’asile, que j’avais rédigé avec Mme Dubié et que l’un de vous a évoqué, faisait suite à un autre rapport sur l’hébergement d’urgence que j’avais préparé avec Mme Danielle Hofmmann-Rispal. À cette occasion, nous nous étions aperçus qu’un pourcentage extrêmement substantiel des centres d’hébergement d’urgence était « ambolisé » par les déboutés du droit d’asile. Cette situation, qui n’est pas satisfaisante, est connue de tous.

Cher collègue Robiliard, je ne crois pas que l’on puisse dire que ce texte constitue une entaille au principe d’inconditionnalité de l’hébergement, auquel nous sommes tous attachés, et dont tous les Présidents de la République ont affirmé l’importance. Il s’agit juste de mettre nos textes en cohérence.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie des amendements AS32 et AS33 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je considère que ces amendements ont déjà été défendus.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement ces amendements.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS34 du même auteur.

M. Denys Robiliard. L’idée est d’introduire de la souplesse dans un dispositif dont je reconnais la légitimité. Mais il est tout aussi légitime, pour un demandeur d’asile, de faire valoir qu’il a d’autres possibilités d’hébergement, sans que cela ait des conséquences négatives pour lui.

J’ajoute, à l’adresse de M. Richard, que c’est également ce que proposait le rapport d’information du CEC, selon lequel il fallait « préserver la possibilité pour le demandeur d’asile d’être hébergé en dehors du dispositif d’accueil (sans suppression de l’allocation temporaire d’accueil) s’il peut être hébergé par un proche. »

M. le rapporteur. Je pense que M. Robiliard a tout lieu d’être satisfait, dans la mesure où l’autorité administrative « peut » subordonner le versement de l’allocation à l’acceptation d’hébergement. On ne dit pas que l’allocation sera systématiquement supprimée aux demandeurs d’asile qui n’iront pas dans l’hébergement proposé. Il y aura une évaluation au cas par cas.

Les demandeurs qui auront opposé un refus totalement injustifié – souvent des personnes qui abusent du droit d’asile et font en sorte de faire durer la procédure – pourront se voir supprimer le versement de leur allocation. Mais ce ne sera pas le cas de ceux qui ont de bonnes raisons de ne pas aller dans le centre proposé, par exemple parce qu’ils sont déjà hébergés dans leur famille.

M. Denys Robiliard. Je crois, monsieur le rapporteur, que votre lecture est erronée. Mon amendement porte sur l’alinéa 45, qui commence ainsi : « Le demandeur d’asile, qui a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées » …. « peut bénéficier d’une allocation pour demandeur d’asile ». Cela signifie que la condition du bénéfice de cette allocation est d’avoir accepté les conditions matérielles d’accueil proposées ». Et c’est là tout le problème.

M. le rapporteur. Revenez un peu en arrière, à l’alinéa 29, qui commence ainsi : « L’autorité administrative « peut » subordonner le bénéfice des conditions matérielles d’accueil » … » à l’acceptation par le demandeur d’asile de l’hébergement proposé » … Cela signifie que le demandeur d’asile qui n’aurait pas de place en CADA et qui voudrait aller dans sa famille qui est à même de l’héberger pourra y aller et continuera à recevoir son allocation.

M. Denys Robiliard. Cela veut donc dire que l’on peut accepter mon amendement.

M. le rapporteur. Non, dans la mesure où, s’il était adopté, tous les demandeurs d’asile auraient droit de toucher l’allocation. Or notre souhait est d’accorder cette allocation à tous les demandeurs d’asile, sauf à une partie de ceux qui n’acceptent pas les conditions qui leur sont proposées.

M. Denys Robiliard. La rédaction actuelle fait que celui qui n’aura pas accepté les conditions matérielles d’accueil proposées alors qu’il avait de bonnes raisons de le faire ne touchera pas l’allocation.

M. le rapporteur. Il faut appliquer conjointement les deux alinéas 29 et 45. Ainsi, on comprend que l’autorité administrative accordera systématiquement l’allocation aux demandeurs d’asile qui iront dans le lieu d’hébergement proposé, et de façon moins systématique aux autres.

Ce serait une erreur d’accepter votre amendement, qui met par ailleurs en cause la directivité de l’orientation du demandeur. Je précise que cette directivité joue aussi bien pour les centres que pour les régions. Et ceux d’entre vous qui viennent de régions sursaturées seront contents lorsque l’on aura rétabli un meilleur équilibre au niveau national.

M. Jean-Louis Roumegas. L’adoption de l’amendement de M. Robiliard ne rendrait pas automatique le versement de l’allocation au demandeur. L’alinéa 45 deviendrait en effet : « Le demandeur d’asile « peut » bénéficier d’une allocation pour demandeur d’asile s’il satisfait à des critères d’âge et de ressources. »

Inversement, et M. Robiliard a raison, si la condition exprimée dans la proposition relative n’est pas acceptée, le demandeur d’asile perd tout droit à l’allocation.

M. le rapporteur. C’est l’autorité administrative qui décide. Ce n’est plus un droit, mais une possibilité.

M. Jean-Louis Roumegas. Ce qui pose problème, c’est la création d’un pouvoir administratif en matière d’hébergement et d’allocation. On s’oriente vers un système très coercitif à l’égard de personnes qui ne sont pas clandestines et qui ont volontairement accepté la procédure de la demande d’asile.

M. le rapporteur. C’est à vous que cela pose un problème. Mais c’est un bénéfice pour les demandeurs d’asile, et en particulier pour ceux qui deviendront des réfugiés : ils seront hébergés dans des centres, auront un dossier, seront accompagnés ; en moins de neuf mois ils sauront à quoi s’en tenir, et certains d’entre eux pourront recommencer leur vie.

Pour d’autres, notamment pour les sans-papiers, ce sera plus difficile. Mais je vous rappelle que le but de la loi est de décourager l’utilisation indue de la procédure de demande d’asile par des gens qui pourraient légitimement demander le statut d’immigré ou d’étranger malade. Comme ils n’ont pas à passer par cette procédure, ils n’ont pas non plus à percevoir l’allocation des demandeurs d’asile.

Enfin, vous dites que les demandeurs d’asile auraient moins de droits que les sans-papiers. Ce n’est pas exact !

M. Denys Robiliard. J’observe qu’on ne peut pas savoir d’emblée, parmi les demandeurs d’asile qui sera reconnu réfugié, qui bénéficiera d’une protection subsidiaire et qui sera débouté. C’est un risque. Je l’admets néanmoins car il n’y a pas de dispositif parfait.

Ensuite, je ne pense pas faire une interprétation erronée de l’article L.744-9, puisque c’est celle qui figure dans l’exposé des motifs, que je cite : « L’article L.744-9 a pour objet l’allocation pour demandeur d’asile, « réservée » aux demandeurs d’asile ayant accepté l’offre globale de prise en charge et notamment son volet d’hébergement. »

Cela pose un problème dans la mesure où aujourd’hui, on n’est pas capable de proposer une place d’hébergement à chaque demandeur d’asile. Qu’est-ce qui va faire que l’on va attribuer une place à certains, qui pourront donc bénéficier de l’allocation, et pas à d’autres ? Qu’en sera-t-il de ceux qui auraient la possibilité de se loger en dehors du dispositif national d’accueil ? Il est donc nécessaire d’introduire une certaine souplesse dans la loi. C’est l’objet de ma proposition.

M. le rapporteur. Cette souplesse existe. Le texte ne prévoit pas que seuls les gens qui sont en CADA toucheront l’allocation, mais que la toucheront ceux qui ont accepté les conditions d’accueil, quelles que soient celles-ci. Ainsi, dans une région où les CADA sont saturés, ce sera une autre forme d’hébergement. Mais il est vrai que, par ailleurs, ce texte crée un certain lien entre l’acceptation d’un mode d’hébergement et la totalité des prérogatives. Et c’est votre droit de le contester.

Vous l’avez compris, je suis défavorable à l’amendement de M. Robiliard.

La Commission rejette l’amendement AS34.

Elle examine ensuite l’amendement AS21 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. L’allocation ne doit pas tenir compte seulement des adultes, mais aussi de l’ensemble des membres de la famille. Dans une famille avec enfants, l’allocation doit donc être proportionnellement plus importante que dans une famille sans enfants. J’observe que cette façon de procéder est encouragée au niveau européen.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tout en en comprenant parfaitement l’objectif, je m’interroge sur la recevabilité financière de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendement AS35 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’article 14 substitue à la notion de « séjour autorisé » la notion de « droit au maintien sur le territoire ». Or la portée de ces deux notions risque d’être interprétée de façon différente et il ne faudrait pas que cela pose problème pour la prise en charge des demandeurs d’asile.

M. le rapporteur. La modification du titre de séjour n’entraîne pas la perte du bénéfice de la CMU. Quelle est votre crainte ?

M. Denys Robiliard. Actuellement, on remet d’abord au demandeur d’asile une autorisation provisoire de séjour, et ensuite un récépissé de trois mois renouvelable qui vaut titre de séjour. Demain, on lui remettra une attestation établissant qu’il sollicite l’asile.

Selon le projet de loi, cette attestation vaudra « droit au maintien sur le territoire » durant la durée de la procédure d’asile. Mais il n’est pas certain qu’il soit considéré comme un titre de séjour au sens du code de la sécurité sociale, lui permettant d’accéder à l’assurance maladie, et notamment à la CMU. Une clarification s’impose donc.

J’ajoute que je trouve dommage de passer d’une notion positive, le droit au séjour, à une notion négative, le droit au maintien sur le territoire, et que je déposerai des amendements sur ce point.

M. le rapporteur. La CMU est accordée sur simple preuve de convocation à la préfecture. Les demandeurs d’asile en bénéficient donc d’office. Le ministère de l’intérieur nous l’a d’ailleurs confirmé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Sur le site de la Caisse primaire d’assurance maladie, ameli.fr, parmi les bénéficiaires des dispenses relatives à la stabilité de la résidence, figurent « les demandeurs d’asile, y compris de l’asile territorial, les demandeurs du statut de réfugié, et les personnes admises au titre de l’asile ou reconnues réfugiées ». Il suffit donc au demandeur d’asile de produire son récépissé pour obtenir la CMU de base.

M. Denys Robiliard. Aujourd’hui, les choses sont très claires et les demandeurs d’asile ne rencontrent aucune difficulté. Simplement, le projet de loi remplace le « droit au séjour » par le « maintien sur le territoire », ce qui n’est pas pareil. Comme je crains que ce remplacement n’entraîne des problèmes d’interprétation et, partant, des difficultés pour les demandeurs d’asile, j’ai déposé cet amendement.

M. le rapporteur. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendent AS36 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS5 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Aujourd’hui, en termes d’échange d’informations, il n’y a qu’une seule application, DN@, qui n’est pas consultable par certains acteurs, en particulier l’OFPRA, la CNDA ou Pôle emploi. Il en résulte une saisie parcellaire et non harmonisée des informations relatives à la situation des demandeurs, et des lacunes dans les interconnexions qui rendent possibles les situations d’indus évoquées par le rapporteur.

L’objectif est de disposer d’un système d’information qui soit ouvert en consultation et en saisie à l’ensemble des acteurs gérant les différents aspects de la situation des personnes, que ce soit l’OFII, l’OFPRA ou la CNDA. La mention de l’ouverture des droits à la CMU pourrait s’y ajouter.

Il s’agit de construire un outil intégré, permettant la visibilité de l’ensemble du public des demandeurs d’asile et la gestion des droits des personnes d’une manière rapide, efficace et efficiente. Des outils semblables ont été mis en place en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, et constituent une avancée réelle.

C’est une des propositions adoptées à l’unanimité par le CEC, que nous avions faites Mme Dubié et moi-même. Cela explique que nous soyons les coauteurs de cet amendement.

M. le rapporteur. Il est tout à fait légitime de vouloir se doter d’un outil de pilotage plus précis, plus complet. Aujourd’hui, les données dont nous disposons sont insuffisantes, s’agissant notamment de ce que deviennent ensuite les demandeurs d’asile. Un système d’information et de suivi serait donc opportun.

Le problème de cet amendement est qu’il ne peut pas être recevable, dans la mesure où il crée des charges supplémentaires et que, pour l’instant, on n’a pas trouvé le moyen de créer cette nouvelle structure en ayant en regard les moyens nécessaires.

Pourrait-on mettre au point, d’ici à la séance publique, une autre proposition qui n’entraînerait pas de charges additionnelles ? En on en profiterait pour préciser davantage les finalités du système, les modalités d’accès et le contrôle dévolu au magistrat.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je crains fort que cela n’entraîne des charges additionnelles.

M. Arnaud Richard. J’ai entendu parler, en 2003, d’un amendement relatif au droit à l’information sur les retraites, qui n’était pas gagé mais qui a abouti à la création du GIP Info Retraite, lequel constitue une avancée majeure dans la gestion du système de retraites. Si l’histoire pouvait se répéter, nous progresserions grandement dans la gestion du droit d’asile en France. Cela dit, je retire l’amendement AS5.

L’amendement est retiré.

La Commission émet alors un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

Article 16
(art. L. 111-2, L. 111-3-1, L. 121-7, L. 121-13, L. 264-10, L. 312-8-1 [nouveau], L. 313-1-1, L. 313-9, L. 348-1 à L. 348-4 du code l’action sociale et des familles)

Réglementation applicable aux centres d’accueil
pour les demandeurs d’asile (CADA)

Cet article comprend plusieurs dispositions visant à simplifier la réglementation relative aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile. L’objectif est de pouvoir ainsi accélérer la transformation des structures d’hébergement. Plusieurs modifications sont apportées au code de l’action sociale et des familles afin de plus considérer la prise en charge en CADA comme une « aide sociale de l’État ».

*

La Commission est saisie de l’amendement AS37 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Les premiers alinéas de l’article 16 font sortir les CADA du code de l’action sociale et de la famille. Je ne comprends pas pourquoi. Cela me semble même inquiétant, dans la mesure où il s’agit pour moi d’une dépense obligatoire de l’État.

M. le rapporteur. Le Gouvernement a voulu simplifier le fonctionnement des CADA et limiter les contentieux, mais cela n’affecte en rien les droits – en particulier sociaux – de l’ensemble des résidents. Si vous avez des craintes à cet égard, nous pourrons demander plus de précisions.

M. Denys Robiliard. Je voudrais juste comprendre pourquoi on retire les CADA du code de l’action sociale et des familles.

M. le rapporteur. Nous en reparlerons. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement ?

M. Denys Robiliard. Je le retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine alors l’amendement AS40 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Nous abordons ici le problème de la domiciliation, récurrent en matière d’asile.

Il se trouve qu’au tout début de la procédure, tant que le demandeur d’asile n’est pas dans le dispositif d’hébergement, il n’a pas d’adresse. Or pour pouvoir recevoir les convocations, répondre et participer à la procédure de détermination de son statut, il faut en avoir une.

Le projet de loi dispose, à l’alinéa 34 de l’article 19, que ce problème sera réglé par décret. Mais pourquoi ne pas se servir de ce qui existe ? Je pense au dispositif mis en place par la loi du 5 mars 2007, sur le droit à domiciliation des sans domicile stable.

M. le rapporteur. Cet amendement aurait plutôt sa place à l’article 19, au niveau de l’alinéa 45, où l’on traite de la domiciliation des demandeurs d’asile. En attendant, j’émets un avis défavorable.

M. Denys Robiliard. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS44 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine alors l’amendement AS39 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Le projet de loi distingue les demandeurs d’asile qui ne sont pas sous procédure dite « Dublin » de ceux qui y sont : j’entends par là les personnes dont la France pense que c’est à un autre État de l’Union européenne de déterminer si elles sont susceptibles d’avoir le statut de réfugié ou si elles nécessitent une autre protection internationale.

Cette distinction, qui se retrouve dans les conditions matérielles qui sont faites aux demandeurs d’asile, constitue une application erronée du droit européen, comme l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 27 septembre 2012. Il serait bien d’en tenir compte, dans la mesure où nous devons transposer les normes européennes dans notre droit national, et de faire cesser une telle distinction.

M. le rapporteur. Les étrangers de la procédure « Dublin », qui attendent d’aller dans un autre pays européen où la procédure de demande d’asile va être analysée, ne restent en France que de façon très transitoire. Vers quel type d’hébergement faut-il donc les orienter ?

La loi prévoit de ne pas les maintenir systématiquement en CADA, dans la mesure où l’accompagnement qui y est assuré est plutôt réservé à d’« authentiques » demandeurs d’asile en France. Ces personnes sont en attente de voyage vers un autre pays européen, et la procédure de demande d’asile en France n’est même pas engagée.

Avis défavorable.

M. Denys Robiliard. On ne peut pas raisonner à partir de la notion « d’authentique demandeur d’asile » qui, juridiquement, n’existe pas. Il y a des demandeurs d’asile, dont certains seront reconnus comme réfugiés, et d’autres pas. Pour autant, ce sont tous des demandeurs d’asile.

M. le rapporteur. Ils sont d’authentiques demandeurs d’asile, mais pas en France …

M. Denys Robiliard. Mais vous anticipez ! Une personne qui fait l’objet d’une procédure Dublin est une personne dont la France va solliciter la réadmission, par un autre État, au motif que le règlement dit « Dublin III » s’applique, et que c’est donc à cet autre État de l’examiner. Simplement, on ne sait pas, pendant le cours de cette procédure, ce qu’il adviendra.

Plus fondamentalement, deux notions me paraissent devoir entrer en ligne de compte.

D’une part, aujourd’hui, l’asile a nécessairement une dimension européenne. C’est une des conséquences de l’espace Schengen. Nous transposons des directives européennes. Par conséquent, en rédigeant la loi, nous devons respecter non seulement les directives, mais l’ensemble du droit communautaire : c’est une même politique.

D’autre part, vous n’avez pas répondu à propos de la distinction que vous opérez s’agissant des droits des demandeurs d’asile. Pour le droit communautaire, le demandeur d’asile, qu’il soit dans n’importe quel État membre, est un demandeur d’asile et doit être traité comme tel, là où il se trouve, y compris quand deux États membres discutent entre eux de celui qui examinera, en fin de compte, sa demande d’asile. La distinction française est donc contraire au droit communautaire et elle ne me paraît pas devoir l’être plus longtemps. Comme nous sommes en train de transposer, au travers de ce projet de loi, deux directives européennes de juin 2013, la directive « procédures » et la directive « accueil », autant en profiter pour se mettre d’aplomb par rapport à l’ensemble des normes communautaire.

M. le rapporteur. Le droit communautaire ne définit pas dans quel lieu d’hébergement doivent aller les demandeurs d’asile. Ce n’est pas de son ressort.

Par ailleurs, il est indiqué à l’alinéa 15 de cet article 16 : « à l’exception des personnes dont la demande d’asile relève d’un autre État membre au sens de l’article L.742-1 … » Ce sont clairement des personnes dont toute la procédure sera traitée dans un autre État. Il y a donc une certaine logique à faire en sorte de réserver aux personnes qui demandent l’asile en France les moyens importants mis en place dans les CADA, plutôt qu’à celles qui attendent un billet d’avion pour aller dans un autre pays où leur demande va être examinée.

M. Denys Robiliard. Selon le droit communautaire, le demandeur d’asile est le même, quel que soit l’État membre dans lequel il se trouve. Ce demandeur d’asile doit donc être traité comme tel et non discriminé par rapport aux autres demandeurs d’asile, dans quelque État qu’il se trouve. Après, le dispositif mis en place relève effectivement de l’État membre. Mais une personne sous la procédure dite « Dublin » est tout de même un demandeur d’asile, même si la France pense – mais c’est la procédure qui le dira – que sa demande doit être examinée par un autre État.

Voilà pourquoi il ne doit pas être traité différemment des autres demandeurs d’asile dont la France estime que c’est à elle d’examiner la demande. Il ne doit pas y avoir de discrimination entre deux demandeurs d’asile au sens du droit communautaire. C’est ce qui ressort de l’arrêt rendu en 2012 par la CJUE.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS45 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16.

Article 17
(art. L. 5223-1, L. 5423-8, L. 5423-9 et L. 5423-11 du code du travail)

Coordination

Cet article est un article de coordination visant à mettre certaines dispositions du code du travail en conformité avec les dispositions du projet de loi. Il tire les conséquences de la création de l’allocation pour demandeur d’asile dont la gestion est confiée à l’OFII.

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La Commission est saisie de l’amendement AS41 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je pense qu’il serait plus opportun de traiter ailleurs de l’importante question de l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17.

Après l’article 17

La Commission examine l’amendement AS43 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il convient que la domiciliation puisse être établie par ce projet, sans qu’il soit nécessaire de renvoyer à un décret. Je vise, de ce point de vue, le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté qui propose d’unifier les trois régimes de domiciliation - généraliste, AME et admission au séjour asile. On pourrait le faire à cette occasion.

M. le rapporteur. En raison des charges additionnelles que cela entraînerait, le ministère n’a pas souhaité que l’on unifie les trois régimes de domiciliation. Je me range à son avis, d’autant qu’à mon sens, la domiciliation par les associations répond aux besoins. En outre, ses conséquences ne seraient pas que financières. En effet, les CCAS ont clairement exprimé leur volonté de ne pas avoir à remplir cette nouvelle mission. J’émets donc un avis défavorable.

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas une augmentation de charges, puisqu’il s’agirait de mettre en place un dispositif unique et commun à différentes institutions. Qu’il y ait des réticences de la part de certains, je le comprends. Mais que ce soit une charge supplémentaire pour la collectivité, non. Le nombre des bénéficiaires ne sera pas modifié. Simplement, il n’y aura plus trois procédures avec trois interlocuteurs, mais une seule.

Le Gouvernement explique à l’envi qu’il faut simplifier le droit : pour une fois qu’on a l’occasion de le faire en remplaçant trois dispositifs par un seul, allons-y !

M. Arnaud Richard. Nous avions fait une proposition assez similaire. Je considère que M. Robiliard a raison de proposer un tel amendement. Je voterai donc cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendement AS42 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons terminé l’examen des articles sur lesquels notre Commission était saisie pour avis.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Audition mixte de Mme Sandrine Mazetier, commission des Lois, et de M. Jean-Louis Touraine, commission des Affaires sociales, sur la notion de vulnérabilité dans le droit d’asile :

Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) – Mme Ève Shahshahani, responsable des programmes Asile

Comede – Comité pour la santé des exilés – Dr Pascal Revault, médecin de santé publique, directeur opérationnel, et Mme Karine Crochet, assistante sociale, référente des questions Asile

Pr. Thierry Baubet, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Université Paris 13, Inserm, Unité 669, Chef de service, Hôpital Avicenne

Centre Primo Levi, soins aux victimes de la torture et de la violence politique – Mme Sibel Agrali, directrice, et Mme Lisa Revai

Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour (ARDHIS) M. Frédéric Chaumont, coordinateur de l’Accompagnement de l’asile

Médecins du MondeMme Anne-Lise Denoeud, juriste, référente Asile

Centre d’éthique médicale de l’hôpital Édouard Herriot à LyonDr Joseph Biot

© Assemblée nationale

(1 ) Rapport sur la réforme de l’asile remis au Ministre de l’Intérieur, présenté par Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, novembre 2013.

2 () La création du DN@ résulte de la décision n° 2009-202 du 29 mai 2009 de l’OFII, relative au traitement automatisé de données relatives aux capacités d’hébergement des CADA, à l’utilisation de ces capacités et aux demandeurs d’asile qui y sont accueillis. Elle répond aux dispositions de l’article L. 348 3 du code de l’action sociale et des familles.

3 () Réflexions sur un nouveau modèle d’accueil des demandeurs d’asile, contribution rédigée dans le cadre de la consultation nationale préalable à la rédaction du projet de loi.

4 () Selon l’article 2 g) de la directive sur les « conditions matérielles d’accueil », renvoient aux « conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu’une allocation journalière ».

5 () Droit d’asile en France : conditions d’accueil état des lieux présenté par la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), février 2013.

6 () Loi n° 98-657 du 29 juillet 1988 relative à la lutte contre les exclusions.