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N
° 2544

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,

portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 2529),

PAR Mme Christine Pires Beaune

Députée.

____

Voir les numéros :

Sénat : 636 (2013-2014), 174, 175, 140, 150, 154, 157, 184 et T.A. 54.

Assemblée nationale : 2529.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’OBJECTIF PREMIER DU TEXTE : RATIONALISER, CLARIFIER ET RENFORCER L’EFFICACITÉ DE L’ACTION PUBLIQUE LOCALE 6

A. LA VOLONTÉ INITIALE DE RENFORCER LES NIVEAUX RÉGIONAL ET INTERCOMMUNAL 6

1. Le niveau régional confirmé dans son action en faveur du développement économique 7

2. Moderniser et rationaliser le niveau intercommunal 7

B. L’AFFIRMATION DU RÔLE SPÉCIFIQUE DU DÉPARTEMENT 8

C. UN TEXTE LARGEMENT AMENDÉ PAR LE SÉNAT 9

II. LES IMPACTS FINANCIERS DU PROJET DE LOI RESTENT DIFFICILES À ÉVALUER 11

A. L’ENJEU IMMÉDIAT DE LA RESPONSABILISATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES 11

B. DES ÉCONOMIES ENVISAGEABLES À PLUS LONG TERME 13

C. LA QUESTION DU FINANCEMENT DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES EST PEU ABORDÉE 14

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION 15

A. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT 15

B. LES AVANCÉES CONTENUES DANS LE PROJET DE LOI 16

EXAMEN EN COMMISSION 17

Article 17 septdecies : Évolution du statut des territoires de la métropole du Grand Paris 21

Article additionnel après l’article 17 septdecies : Population à prendre en compte au titre du respect de l’objectif de logements sociaux en cas de fusion d’établissements publics de coopération intercommunale 37

Article additionnel après l’article 17 septdecies : Modification des seuils de déclenchement de la contribution aux dépenses d’état civil de certaines communes 39

Article additionnel après l’article 17 septdecies : Report d’un an de la présentation du schéma de mutualisation des services 40

Article additionnel après l’article 17 septdecies : Expérimentation d’une dérogation au seuil de population requis pour la constitution d’une communauté d’agglomération 41

Article 30 : Publicité des informations financières des collectivités et des observations des chambres régionales des comptes 44

Article 30 bis : Transmission par voie dématérialisée des pièces justificatives aux comptables publics 54

Article 31 : Rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics 58

Article 32 : Expérimentation de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales 63

Article 34 : Observatoire des finances et de la gestion publique locale 70

Article additionnel après l’article 34 : Possibilité pour les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale de lui transférer la charge du versement de leurs contributions au budget du service départemental d’incendie et de secours 73

Après l’article 34 76

Article 37 : Modalités de compensation financière des transferts de compétences 78

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 89

INTRODUCTION

L’article 1er de la Constitution dispose depuis 2003 que « l’organisation de la République française est décentralisée » (1).

Ce principe, qui consiste à transférer des compétences administratives de l’État vers des entités locales distinctes de lui, a conduit en France à la multiplication des échelons territoriaux et à l’imbrication des compétences. Cet état de fait, issu d’un processus lent de sédimentation des structures et des missions, a été dénoncé par le Premier ministre lors de la déclaration de politique générale du Gouvernement à l’Assemblée nationale, le 8 avril 2014.

L’ambition de l’actuelle majorité, visant à « réformer les territoires pour réformer la France » (2) a trouvé sa traduction dans la présentation d’un train de réformes, dont le présent texte constitue l’ultime wagon. Il fait suite à la loi dite « MAPTAM » (3) et à la loi relative à la délimitation des régions (4), textes qu’il complète sur plusieurs points.

Ce train de réformes poursuit trois objectifs principaux : simplifier et clarifier le rôle des collectivités locales, faire des territoires les moteurs du redressement économique du pays et enfin renforcer les solidarités territoriales et humaines (5).

Dans ce contexte, le présent projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (« NOTRe ») se donne comme but de renforcer l’efficacité de l’action des collectivités territoriales en substituant à la clause de compétence générale une répartition des tâches plus précise par niveau de collectivité.

Le 29 janvier 2015, la commission des Finances s’est saisie pour avis des articles 17 septdecies, 30, 30 bis, 31, 32, 33, 34 et 37 du texte tel qu’il a été adopté par le Sénat.

Les articles 30 à 34 forment le titre IV de la loi, relatif à la transparence et la responsabilité financières des collectivités territoriales.

L’article 37 prévoit la compensation financière des transferts de compétences prévus dans la présente loi, au « coût historique » d’exercice par l’État des compétences transférées. À ce titre, la commission des Finances l’a inclus dans le champ de sa saisine.

Enfin, l’article 17 septdecies vise à modifier les dispositions relatives à la métropole du Grand Paris (MGP), telles qu’issues de la loi « MAPTAM » (6). Introduit au Sénat par un amendement du Gouvernement, largement sous-amendé, l’article prévoit notamment un schéma de financement favorisant l’intégration métropolitaine et une mutualisation par étapes des moyens financiers au niveau de la MGP. Ces implications fiscales confèrent à la saisine de la commission des Finances toute sa pertinence.

I. L’OBJECTIF PREMIER DU TEXTE : RATIONALISER, CLARIFIER ET RENFORCER L’EFFICACITÉ DE L’ACTION PUBLIQUE LOCALE

Avec 26 régions, 101 départements, 36 600 communes, 18 000 intercommunalités, la France peut s’appuyer sur un large panel d’administrations locales. Ce « millefeuille territorial », comme l’a rappelé le Premier ministre, est une spécificité française au sein de l’Union européenne, qu’il convient de simplifier et de clarifier. À plus long terme, des économies substantielles pourraient résulter de cette démarche.

La première mesure forte en ce sens est la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, respectivement aux articles 1er et 24 (7).

Cette avancée permet ensuite une réelle délimitation des compétences dévolues à chaque niveau de collectivités.

Par exception, le tourisme, le sport et la culture, en application de l’article 28, demeurent une compétence partagée.

A. LA VOLONTÉ INITIALE DE RENFORCER LES NIVEAUX RÉGIONAL ET INTERCOMMUNAL

Le texte proposé par le Gouvernement confiait de nouveaux blocs de compétences aux régions, au service du développement économique, de l’attractivité et du développement équilibré des territoires. Certaines compétences nouvelles leur seraient transférées des départements, notamment les collèges ou les transports interurbains, scolaires, les ports et les routes départementales. Les régions pourraient en outre adopter des schémas prescriptifs qui garantiraient la cohérence des actions menées par les différents niveaux de collectivités pour le développement économique et l’aménagement du territoire.

1. Le niveau régional confirmé dans son action en faveur du développement économique

L’article 1er du texte gouvernemental limite la compétence de la région aux domaines expressément prévus par la loi, tout en ménageant une possibilité d’intervention en matière de logement et d’habitat, ainsi que dans les domaines de la politique de la ville et de la rénovation urbaine.

Ce même article affirme également le pouvoir réglementaire reconnu à la région dans le cadre de ses compétences. L’étude d’impact indique toutefois que cette disposition tend à « inviter le législateur comme le pouvoir réglementaire national, à laisser aux régions des marges de manœuvre dans l’application des lois, soit en s’abstenant d’intervenir soit en habilitant expressément les régions à adapter les règles ». En parallèle, le texte précise que les conseils régionaux peuvent soumettre au Premier ministre des propositions d’évolutions législatives ou réglementaires relatives à l’organisation et au fonctionnement des régions.

Les articles 2 et 3 du projet de loi visent à donner aux régions une compétence renforcée en matière de développement économique, afin de confirmer leur rôle d’« acteurs majeurs du soutien au développement de nos entreprises » (8). À l’instar de la commission des Affaires économiques du Sénat, il convient de rappeler que les interventions économiques des collectivités territoriales avoisinent 6,5 milliards d’euros par an (9).

2. Moderniser et rationaliser le niveau intercommunal

Le présent projet de loi tend également à poursuivre le mouvement de regroupement de communes par la constitution de grandes intercommunalités à l’horizon 2017. L’objectif clairement affiché de ce changement d’échelle est d’atteindre des structures d’une taille suffisante pour offrir aux populations des niveaux de services plus satisfaisants.

Le renforcement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre se décline tant dans la taille minimale qui leur serait fixée que dans les compétences qu’ils devraient exercer :

– l’article 14 propose un accroissement de la taille minimale des EPCI à fiscalité propre de 5 000 à 20 000 habitants et une réduction du nombre des structures syndicales intervenant par exemple dans les domaines de l’eau potable, de l’assainissement ou de l’électricité ;

– les articles 18 à 20 proposent un élargissement des compétences exercées par les communautés de communes et d’agglomération en lieu et place des communes.

En ce qui concerne les métropoles, l’article 23 du texte proposé par le Gouvernement a choisi de renforcer le mécanisme de transfert automatique de compétences pour forcer le conventionnement avec les départements : à défaut de convention de transfert ou de délégation entre le département et la métropole, au 1er janvier 2017, sur au moins trois des sept groupes de compétences concernés, la totalité d’entre eux serait transférée de plein droit à l’établissement métropolitain.

B. L’AFFIRMATION DU RÔLE SPÉCIFIQUE DU DÉPARTEMENT

Depuis 2004 (10), les départements assurent une mission de chef de file, c’est-à-dire à la fois de définition, de mise en œuvre et de coordination des acteurs, pour les politiques d’action sociale.

Le présent projet de loi vient conforter les départements dans l’exercice de ces compétences de « solidarités territoriales et humaines ».

Positionné sein du titre III (« Solidarité et égalité des territoires ») du présent projet de loi, le rôle du département comporte trois aspects :

● le département peut financer les opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes et leurs groupements ;

● il peut apporter son soutien direct, pour l’exercice de leurs compétences, aux EPCI à fiscalité propre ;

● il est autorisé à financer des opérations d’investissement en faveur d’entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par des communes ou des EPCI à fiscalité propre.

Selon les dernières données disponibles, les dépenses d’action sociale des collectivités territoriales s’élevaient en 2012 à près de 47,1 milliards d’euros.

Le tableau suivant, repris par la commission du Développement durable du Sénat, est particulièrement éclairant :

MONTANT DES DÉPENSES BRUTES D’ACTION SOCIALE PAR TYPE DE COLLECTIVITÉ
EN 2012

(en milliards d’euros)

 

Dépenses de fonctionnement consacrées à l’action sociale et médico-sociale

Dépense globale de fonctionnement

Part des dépenses d’action sociale
et médico-sociale dans le budget de fonctionnement

Part de chaque niveau de collectivité dans le financement
de l’action sociale et médico-sociale

Communes de 10 000 habitants et plus

5,5

37,7

14,7 %

13,3 %

Départements

36,0

56,7

63,4 %

86,3 %

Régions

0,2

17,2

1,0 %

0,4 %

Total

41,7

111,6

37,3 %

100,0 %

Source : Drees, « La protection sociale en France et en Europe en 2012 », juillet 2014.

La lourdeur financière de ces missions a par ailleurs conduit le Sénat à adopter, en commission des Lois, la création d’un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à couvrir les frais liés à l’accueil des mineurs étrangers en Alsace et en Lorraine (11).

Si cet article n’a bien entendu pas vocation à prospérer, la question du financement des missions sociales des départements se pose avec d’autant plus d’acuité que cette compétence leur est désormais expressément confiée.

C. UN TEXTE LARGEMENT AMENDÉ PAR LE SÉNAT

Le Sénat a adopté le 27 janvier 2015 le projet de loi, non sans l’amender profondément (12). La majorité sénatoriale a renforcé les régions sur la compétence emploi tout en diminuant le nombre de schémas régionaux prescriptifs et a supprimé beaucoup des transferts de compétences en provenance du département.

Le Sénat a ainsi annulé le transfert aux régions des compétences départementales relatives au transport scolaire, à la voirie départementale, aux ports et aux collèges. Sur ce dernier point, par le retrait de son amendement de rétablissement, le Gouvernement a voulu faire preuve de pragmatisme et entériner leur non-transfert aux régions.

Le Sénat a également refusé le chef de filat des régions en matière de tourisme, tout comme la hausse du seuil d’habitants des intercommunalités.

Par ailleurs, la Rapporteure pour avis souhaite s’attarder sur la suppression par le Sénat de l’article 33 du projet de loi.

L’article 33 portait création d’un nouvel article L. 1611-10 au sein du code général des collectivités territoriales, selon lequel les collectivités et leurs groupements « supportent les conséquences financières des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne », dans le cas où le manquement leur est imputable en tout ou en partie.

En cas de condamnation, et « après avoir procédé aux investigations nécessaires », l’État proposait une répartition des sommes dues entre les collectivités territoriales ou leurs groupements « déduction faite, le cas échéant, de la part incombant à l’État ».

En cas de désaccord sur le montant ou la répartition des sommes sur la répartition de ces sommes entre les collectivités et leurs groupements et, le cas échéant, l’État, une procédure spécifique serait mise en œuvre. Une commission, composée de membres de la Cour des comptes et du Conseil d’État devait en effet statuer sur le montant imputable à chacune des entités en cause.

L’article prévoyait enfin qu’un décret en Conseil d’État interviendrait afin de préciser les modalités d’application du dispositif.

La Rapporteure pour avis souhaite signaler, à la suite des remarques formulées au Sénat, les nombreux aspects du dispositif qui le rendaient difficilement applicable en l’état.

Juridiquement, le champ de la responsabilité financière est extrêmement large et imprécis. L’étude d’impact indique que le dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi « LRL » (13). À la lecture de la décision, il apparaît que seul le premier alinéa de l’article 44 a fait l’objet de remarques de la part du Conseil, sans que celui-ci évoque le mécanisme de responsabilité financière des collectivités qui figure au troisième alinéa.

Aussi, il est permis de s’interroger sur la constitutionnalité d’une disposition aussi large. Si le Gouvernement a indiqué à plusieurs reprises vouloir limiter son objet à la gestion des fonds structurels européens, il n’en est nullement question dans le dispositif. Interrogé sur ce point, le Gouvernement n’a pas apporté de réponse satisfaisante à la Rapporteure pour avis.

Par ailleurs, si l’idée de responsabilisation des collectivités est louable, celle-ci ne peut être mise en œuvre qu’à la condition de les associer plus étroitement à l’élaboration des normes européennes. C’est ce qu’avait exprimé le Conseil d’État dans son rapport public de 2007 : « avant d’envisager [...] d’inscrire d’office au budget des collectivités territoriales les amendes ou astreintes prononcées par la Cour de justice [...], il conviendrait en tout état de cause de mieux les associer à la définition des positions de négociation » (14). En ce sens, les co-rapporteurs du texte au Sénat ont souligné que « les États européens ayant mis en œuvre un tel dispositif sont des États fédérés dans lesquels les entités infra-étatiques sont associées au processus décisionnel européen » (15).

Politiquement enfin, le principe posé par le texte initial du présent projet de loi est celui d’une contribution intégrale des collectivités, présumées responsables de la mauvaise exécution de leur compétence. Il s’agit là d’un point éminemment sensible, qui peut à lui seul emporter le rejet du dispositif par de nombreux élus. La rédaction initiale de l’article ne prévoyait en effet l’intervention de l’État qu’à titre subsidiaire, « le cas échéant ». Or, la mise en œuvre de ce principe peut être délicate, voire injustifiée, en cas de compétences partagées entre l’État et les collectivités, ou en cas de carence dans le contrôle de légalité qui lui incombe.

En l’espèce, la volonté du Gouvernement est tout autre : il s’agit de mettre en place un mécanisme de co-responsabilité, dans lequel chaque acteur assume les conséquences de ses propres compétences. Dans cette optique, le Gouvernement a indiqué à la Rapporteure pour avis que le signe de la réussite du dispositif sera précisément sa non-activation.

La Rapporteure pour avis souhaite donc que le Gouvernement puisse proposer une version modifiée du projet d’article initial, afin que cette mesure ne soit pas perçue par l’ensemble des élus comme excessivement, voire exclusivement, punitive.

II. LES IMPACTS FINANCIERS DU PROJET DE LOI RESTENT DIFFICILES À ÉVALUER

Le projet de loi « NOTRe » ne comporte que très peu de dispositions financières, et l’étude d’impact ne permet aucun chiffrage précis des conséquences budgétaires du texte, que ce soit en termes d’économies globales, ou de charges liées aux transferts de compétences proposés.

A. L’ENJEU IMMÉDIAT DE LA RESPONSABILISATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Le présent projet de loi comporte un ensemble disparate de mesures destinées à renforcer la transparence de la gestion publique locale, constituant le titre IV de la loi, titre entièrement inclu dans la saisine de la commission des Finances. Selon l’étude d’impact en effet, « le développement des compétences et des libertés locales appelle à un accroissement de la transparence financière et des garanties pour les agents publics ».

Le présent texte prévoit donc d’accroître les informations financières à destination des élus mais aussi des citoyens. L’article 30 renforce les obligations formelles du débat d’orientation budgétaire (DOB) et prévoit que toute opération d’investissement d’un certain montant soit accompagnée d’une étude relative à l’impact pluriannuel. La Rapporteure pour avis propose une amélioration de cette disposition afin d’inciter à la réalisation effective de cette étude d’impact et de permettre des seuils d’investissement différenciés en fonction de la collectivité concernée.

Ce même article impose par ailleurs aux collectivités de faire connaître les suites données aux contrôles des chambres régionales des comptes.

L’article 30 bis, introduit par la voie d’un amendement des co-rapporteurs en commission des Loi au Sénat, prévoit l’instauration pour les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants d’une obligation de transmission numérique au comptable public des pièces nécessaires à l’exécution des dépenses et des recettes. Selon l’exposé sommaire de l’amendement de MM. Hyest et Vandierendonck, le déploiement de cette dématérialisation des échanges avec la majorité des collectivités locales, les hôpitaux et les offices publics de l’habitat, qui concerne aujourd’hui annuellement plus de 600 millions de feuilles de papier A4 (16), s’appuiera sur un cadre juridique et technique déjà opérationnel et partagé avec les acteurs locaux.

L’article 31 prévoit le principe d’un rapport de la Cour des comptes au Parlement sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales. La Rapporteure pour avis salue cette initiative, que le Premier président de la Cour appelait de ses vœux.

L’article 32 vise à expérimenter la certification des comptes des plus grandes collectivités sur la base du volontariat. Si cette mesure peut revêtir une certaine importance en termes de crédibilité et d’accès au crédit des collectivités, il conviendra d’en préciser les contours le plus rapidement possible, notamment en ce qui concerne la répartition des coûts du dispositif.

Enfin, l’article 34 transforme l’actuel observatoire des finances locales en un observatoire de la gestion publique et des finances locales, aux compétences élargies.

Selon l’exposé des motifs du texte, l’enjeu de cet ensemble de mesures est clair : accompagner les innovations des collectivités en matière d’évaluation des politiques publiques ainsi que l’accès aux données publiques, et améliorer l’association des usagers et citoyens aux processus de décision.

B. DES ÉCONOMIES ENVISAGEABLES À PLUS LONG TERME

Comme l’a rappelé le Sénat, le Gouvernement a dans un premier temps annoncé la réalisation d’économies massives à brève échéance, comme un des objectifs premier et certain du texte. Les doutes émis par le Sénat sur le réalisme de ces affirmations semblent justifiés.

Le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, M. André Vallini, a évoqué en mai dernier lors d’un entretien à la presse un montant d’économies compris entre 12 et 25 milliards d’euros par an, grâce à l’ensemble de la réforme territoriale.

Il est exact que l’actuelle majorité a fixé d’ambitieux objectifs de réduction de la dépense publique, y compris pour les collectivités territoriales. Dans le cadre de la dernière loi de programmation des finances publiques (17), le Gouvernement a présenté un plan de 50 milliards d’euros d’économies sur la croissance tendancielle des dépenses des différentes administrations publiques entre 2015 et 2017. Sur cette période, l’État et ses opérateurs devront ainsi réaliser 19 milliards d’euros d’économies, les administrations de sécurité sociale 20 milliards d’euros et les collectivités territoriales 11 milliards d’euros.

Pourtant, parmi les « objectifs généraux poursuivis par les projets de texte », la volonté de réaliser rapidement des économies ne figure nulle part explicitement.

Comme toute restructuration nécessitant des énergies supplémentaires, la réforme pourrait même ne pas générer d’économies à très court terme. L’article 36, par exemple, complète les droits des agents transférés en matière de protection sociale complémentaire (PSC) (18), et ce pour l’ensemble des cas de transfert. Les participations versées au titre de la PSC en 2011 s’élevaient à 85 millions d’euros environ pour 1 882 000 agents (19).

À plusieurs reprises, la ministre de la Décentralisation et de la fonction publique a affirmé que la réforme territoriale permettra surtout de « passer de la concurrence à la cohabitation et à la mutualisation ».

Si la Rapporteure pour avis est pleinement en accord avec ces priorités de réorganisation, elle souligne toutefois que la volonté de modifier la répartition des compétences des collectivités territoriales ne doit pas faire l’impasse sur les questions financières, même si celles-ci n’interviennent que dans un second temps.

Sur ce point justement, la Rapporteure pour avis déplore la faiblesse des indications fournies tant par le texte lui-même que par les documents qui l’accompagnent.

C. LA QUESTION DU FINANCEMENT DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES EST PEU ABORDÉE

L’article 37 du présent projet de loi prévoit que les transferts de compétences entre niveaux de collectivités qui auraient pour conséquence un accroissement de charges « sont accompagnés du transfert concomitant (...) des ressources nécessaires à l’exercice normal des compétences » grâce au versement d’une dotation de compensation des charges transférées, versée chaque année.

Cet article organise donc un dispositif de compensation des transferts effectués entre le département ou une commune et une autre collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales et ayant pour conséquence d’accroître les charges de ces derniers. Ce dispositif repose sur les principes de compensation des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales et crée une commission locale pour l’évaluation des charges et des ressources transférées.

Ce mécanisme risque malheureusement de complexifier les circuits de financement entre collectivités territoriales. L’État continuerait de compenser les compétences qu’une collectivité aurait pourtant transférées, à charge pour cette dernière de compenser à son tour à la collectivité titulaire in fine des compétences en question.

Lors de son audition par l’ensemble des rapporteurs pour avis à l’Assemblée nationale, M. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France (ARF), s’est interrogé sur le transfert à la région des interventions économiques du département, qu’il chiffrait à 1,6 milliard d’euros. Il a émis le souhait d’augmenter la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affectée aux régions, qui devrait atteindre selon lui 70 % au lieu de 25 % actuellement.

Sur ce point, le texte reste muet et n’évoque aucun transfert de fiscalité.

La Rapporteure pour avis estime que le report de la question du financement de ces transferts de compétences est regrettable et pourrait entraver les bénéfices attendus de cette grande réforme territoriale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Tandis qu’il appartenait à la commission des Lois de l’examiner au fond et que quatre autres commissions permanentes se sont saisies pour avis, la commission des Finances a limité sa saisine à sept des quatre-vingt-treize articles que compte le texte adopté par le Sénat.

Comme leurs homologues du Sénat, les commissaires ont ainsi débattu du titre IV relatif à la transparence financière, qui comprend les articles 30 à 34, relatifs à la procédure budgétaire locale, à la dématérialisation des documents comptables ou encore à la certification des comptes.

À la demande de la Rapporteure pour avis, la saisine inclut aussi le titre VI, avec l’article 37, qui rappelle les principes de la compensation financière des transferts de compétences. Par ailleurs, conformément au souhait du Président de la commission des Finances, cette saisine comprend l’article 17 septdecies, introduit par le Sénat en séance publique. Ce long article revient sur l’organisation de la métropole du Grand Paris (MGP) et esquisse le schéma de son financement.

A. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

L’article 17 septdecies, introduit par le Gouvernement mais remanié par quarante sous-amendements, a suscité de longs débats au Sénat. Les principales modifications ont porté sur le périmètre et les compétences de la MGP :

– un délai de deux mois a été réouvert au profit des communes limitrophes pour délibérer sur leur adhésion à la MGP ;

– les transferts à la MGP des compétences « voirie » et « réseaux de chaleur » aux EPT ont été supprimés ;

– le transfert de la compétence sur les réseaux de télécommunications a été limité ;

– en outre, un fonds de soutien à l’investissement au profit des établissements publics territoriaux et des communes situées dans le périmètre métropolitain a été créé.

Les articles 30 et 37 ont été peu modifiés. La commission des Lois du Sénat a précisé, s’agissant du premier de ces deux articles, que le rapport d’observations définitives d’une chambre régionale des comptes (CRC) portant sur un EPCI à fiscalité propre devait donner lieu à débat dans les conseils municipaux des communes membres tandis que le Gouvernement a fait adopter, en séance publique, un amendement revenant sur les modalités d’organisation du débat d’orientation budgétaire (DOB). Sur le second article, les amendements adoptés portent sur la période retenue pour évaluer la charge correspondant au transfert d’une compétence des départements vers les régions, sur la mise en place d’un mécanisme de plafonnement de la dotation de compensation versée par le département à la collectivité bénéficiaire du transfert de compétences, ainsi que sur les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS).

Le Sénat a inséré un nouvel article 30 bis, relatif à la dématérialisation des transmissions de documents aux comptables publics, qui prolonge l’article 30.

L’article 31, formalisant le rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances locales, a été adopté sans modification. L’article 32 sur la certification des comptes des collectivités territoriales n’a fait l’objet que d’amendements rédactionnels ou de précision. Quant à l’article 34, relatif à la transformation de l’observatoire des finances locales en observatoire de la gestion publique locale, il a été modifié par la commission des Lois du Sénat, au risque de réduire excessivement le champ d’intervention du nouvel organisme.

Enfin, comme cela a déjà été indiqué, l’article 33 sur l’action récursoire de l’État contre les collectivités, malgré son intérêt, a été supprimé en commission, le Gouvernement ayant échoué à faire rétablir son dispositif en séance.

B. LES AVANCÉES CONTENUES DANS LE PROJET DE LOI

Le présent projet de loi marque une nouvelle étape dans la réforme territoriale à laquelle la majorité s’était engagée. En supprimant la clause de compétence générale des régions et des départements, en augmentant de manière conséquente la taille minimale des EPCI et en reconnaissant un chef de filat économique aux régions, il fait œuvre utile de rationnalisation et de clarification.

Quoique les économies d’échelle ne pourront être pleinement mesurées qu’à moyen et long termes, la Rapporteure pour avis forme également le vœu que ces nouvelles dispositions – transparence de la procédure budgétaire locale, certification des comptes, dématérialisation – contribuent, parmi d’autres outils récemment mis à la disposition des élus locaux, à une meilleure maîtrise de la dépense locale.

La commission des Finances sera, par conséquent, attentive aux mesures complémentaires ou d’application qu’appellera ce projet de loi dans les prochains mois ; le volet budgétaire de la présente réforme, en particulier, mobilisera toute l’attention de ses membres lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission, au cours de sa séance du 3 février 2015, examine, pour avis, l’article 17 septdecies ainsi que les titres IV et VI du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 2529).

M. Dominique Lefebvre, président. L’article 40 de la Constitution a été appliqué avec plus de souplesse que d’habitude, suivant en cela la pratique retenue par le Sénat sur ce texte. Néanmoins, la jurisprudence traditionnelle en matière de recevabilité financière, notamment pour la création d’organismes divers et variés et pour les transferts de compétences et de charges entre collectivités locales, a contraint à déclarer irrecevables plusieurs amendements.

M. Christophe Caresche. L’article 18 A du projet de loi crée une taxe, mais il n’est pas soumis à notre examen.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure pour avis. J’ai choisi de soumettre à notre Commission les articles étudiés par son homologue du Sénat, auxquels j’ai ajouté les articles 17 septdecies et 37 portant respectivement sur la métropole parisienne et le financement des transferts de compétences. L’article 18 A crée non une taxe mais une redevance, et il n’est pas entré dans le champ de notre saisine.

Un an après l’entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles
– MAPTAM – et trois semaines après la validation de la nouvelle carte des régions par le Conseil constitutionnel, la majorité poursuit la réforme territoriale à laquelle elle s’était engagée avec ce troisième volet portant nouvelle organisation territoriale de la République. Le Sénat a adopté ce projet de loi au terme de débats longs, riches, mais parfois peu constructifs. Il revient désormais à l’Assemblée nationale de poursuivre le travail parlementaire.

Je regrette que l’on ait choisi trois véhicules législatifs pour conduire cette réforme et que la question des compétences soit la dernière à être soumise au Parlement ; cette méthode a en effet sacrifié la cohérence et la lisibilité de l’ensemble. Je tiens à souligner que cette situation doit bien plus au lobby des associations d’élus qu’à la volonté de Mme Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique. Je déplore également que le calendrier d’examen de ce texte soit si serré, puisque nous devons l’étudier immédiatement après son adoption par le Sénat afin qu’il puisse s’appliquer aux prochaines élections régionales. Enfin, ce projet ne traite pas du financement de cette réforme. Les modalités de compensation financière des transferts de compétences et l’impact de la loi sur les dotations ou sur les fonds de péréquation horizontale se trouvent en effet renvoyés à une prochaine loi de finances. Dont acte.

Ces regrets n’entament pas ma détermination. La commission des Finances s’est saisie de sept des quatre-vingt-treize articles que compte désormais ce projet de loi. Comme nos homologues du Sénat, nous examinerons le titre IV, relatif à la transparence financière, qui comprend les articles 30 à 34 portant sur la procédure budgétaire locale, la dématérialisation des documents comptables et la certification des comptes. L’article 33, relatif à l’action récursoire de l’État contre les collectivités, n’entre pas, malgré son intérêt, dans le champ de notre saisine : les sénateurs l’ont supprimé en commission et ont rejeté un amendement de rétablissement en séance publique.

À ma demande, la saisine inclut également l’article 37 qui rappelle les principes de la compensation financière des transferts de compétences. Le président Gilles Carrez a souhaité que nous nous saisissions aussi de l’article 17 septdecies ; ce long article, comptant près de trois cents alinéas, rédigé par le Gouvernement mais modifié par quarante sous-amendements de nos collègues sénateurs, revient sur l’organisation de la métropole du Grand Paris et esquisse le schéma de son financement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la rapporteure pour avis, si l’on peut en effet regretter de devoir aborder la question des compétences après avoir défini les contours des régions et des départements, il n’est pas tolérable d’en faire porter la responsabilité par les associations d’élus. M. Ayrault et M. Valls ont toujours affirmé que le découpage serait étudié avant les compétences – option aberrante puisque des campagnes électorales vont débuter sans que l’on connaisse la répartition précise des pouvoirs de chaque collectivité.

Il me paraît d’autre part opportun que certaines dispositions soient renvoyées à la prochaine loi de finances, car c’est dans un tel cadre qu’il faut examiner les dispositions fiscales et financières, plutôt que dans celui d’un texte fourre-tout comme celui-ci.

Mme la rapporteure pour avis. Il y a deux ans, il avait été prévu qu’un seul texte regrouperait les trois volets de la réforme. Quant au lobbying d’élus, tout le monde sait qu’il est né avec cette majorité...

M. Christophe Caresche. J’ai déposé un amendement en commission des Lois visant à supprimer l’article 18 A, qui découle d’un amendement du Gouvernement introduit au Sénat. Il crée une redevance pour les bateaux mouillant dans des zones marines protégées. Cette redevance obéit à une logique dépassée, qui veut que l’on instaure une taxe pour chaque problème. En outre, elle pourrait avoir un effet pervers en conduisant les communes à élargir les zones de mouillage pour augmenter leurs ressources. Son montant s’avère en outre disproportionné, puisqu’il pourrait atteindre 20 euros par mètre et par jour, soit 160 euros pour un voilier de huit mètres pour une nuit. Enfin, la gestion d’une telle redevance se révélera probablement coûteuse. Il serait souhaitable que le Gouvernement nous donne davantage d’informations sur cette mesure.

Mme la rapporteure pour avis. Nous interrogerons le Gouvernement d’ici à la séance publique et un amendement pourra être déposé si ses réponses ne nous convainquaient pas.

M. Pascal Terrasse. Il aurait été préférable de commencer par déterminer les compétences de chaque collectivité locale avant de dessiner la carte territoriale, cette dernière question s’avérant bien moins importante que la première.

Une réforme territoriale doit aboutir à une réduction de la dépense publique, car les engagements des collectivités pèsent fortement sur nos comptes publics : rappelons ce constat, dressé depuis de nombreuses années ! Par ailleurs, cette loi doit répondre aux besoins de nos concitoyens, si bien que nous devons rendre l’action publique cohérente et lisible.

Les groupes UMP, UDI et SRC évoquent depuis plusieurs années l’accroissement des compétences des communautés d’agglomération en ville et des communautés de communes en zone rurale. Les régions souhaitent également disposer de davantage de responsabilités. Que restera-t-il aux départements ? Lors de ses vœux aux corps constitués, le Président de la République a affirmé que les départements continueraient à exister en se concentrant sur les questions sociales. Si les départements doivent devenir de vastes centres communaux d’action sociale, alors disons-le clairement et avant les élections !

M. Dominique Lefebvre, président. Pascal Terrasse a raison de souligner que la commission des Finances doit veiller au respect du double objectif d’efficience et de maîtrise de la dépense publique. Le Parlement a décidé à l’automne dernier, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, qu’un débat annuel serait organisé sur l’évolution des finances locales ; certaines causes de l’augmentation des dépenses apparaissent plus légitimes que d’autres, mais il nous faudra disposer d’un diagnostic précis, car de nombreux rapports ont montré que les réorganisations et le renforcement de l’échelon intercommunal n’avaient pas permis d’atteindre le double objectif fixé.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

*

* *

Article 17 septdecies
Évolution du statut des territoires de la métropole du Grand Paris

Adopté au Sénat à l’initiative du Gouvernement, le présent article revient sur les dispositions introduites par l’article 12 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). Il tient compte de la résolution du 16 mai et de la feuille de route du 1er juillet 2014 adoptés par les élus de Paris Métropole.

I. LE DROIT EXISTANT

En application du I de l’article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, inséré par l’article 12 de la loi du 27 janvier 2014, la métropole du Grand Paris (MGP) consiste en un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre créé au 1er janvier 2016.

LE PÉRIMÈTRE DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS

Légende : En gris foncé, la métropole du Grand Paris. En gris moyen, les communes limitrophes pouvant adhérer. En gris clair, l’unité urbaine.

Source : Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France, Mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris.

Elle est issue de la fusion des dix-neuf intercommunalités existantes et du rattachement des communes isolées situées au sein des trois départements de petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) ainsi que de la ville de Paris. Au total, la MGP regroupe 124 communes et près de 7 millions d’habitants. Ce périmètre pourra être élargi aux communes limitrophes demandant leur rattachement.

La MGP est chargée d’un projet métropolitain, centré sur la compétitivité et l’attractivité de son territoire, le cadre de vie des habitants et la réduction des inégalités. Les compétences de la métropole, énumérées au II du même article L. 5219-1, recouvrent, pour l’essentiel, celles d’une communauté d’agglomération, dont une partie soumises à la définition de « l’intérêt métropolitain ».

ORGANISATION DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS

(article 12 de la loi MAPTAM)

Source : Mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris.

Le conseil de la métropole est constitué de représentants des communes, à raison d’un représentant par commune a minima et de représentants supplémentaires par tranche de 25 000 habitants. Une assemblée des maires siégera à ses côtés.

La MGP s’appuie également sur des conseils de territoires, prévus à l’article L. 5219-5 et constitués à l’échelle de bassins de 300 000 habitants au moins. Ces territoires sont des démembrements de la métropole ; ils ne disposent pas de la personnalité juridique, dans le schéma prévu par l’article 12 de la loi MAPTAM.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE SÉNAT

Résultant, comme on l’a vu, d’un amendement gouvernemental adopté en séance publique, le présent article a cependant été largement remanié par le Sénat, avec l’adoption de pas moins de quarante sous-amendements.

A.  LES TERRITOIRES VONT CONSTITUER L’ÉCHELON DÉCONCENTRÉ DE LA MÉTROPOLE

1.  La création d’établissements publics territoriaux (EPT)

Les alinéas 49 à 51 modifient l’article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales afin d’intercaler, entre la métropole du Grand Paris et les communes situées dans son périmètre, à la place des territoires, une nouvelle catégorie d’EPCI dénommés « établissements publics territoriaux » (EPT). Ceux-ci sont assimilés aux syndicats de communes pour leur fonctionnement, sous réserve des dispositions expresses prévues au présent article 17 septdecies. Ils sont créés, comme la MGP, au 1er janvier 2016. Ils acquièrent ainsi la personnalité juridique.


ORGANISATION DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS

(article 17 septdecies du projet de loi)

Source : Mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris.

Les conseils des territoires, déjà prévus par l’article 12 de la loi MAPTAM sous la forme d’instances de concertation, deviennent les assemblées délibérantes de ces nouveaux EPT. Conformément aux alinéas 52 et 53, ils sont composés des délégués des communes situées dans le périmètre de la métropole, qui ont été désignés au conseil métropolitain.

2.  Les compétences exercées de manière pérenne par ces établissements

Les EPT exerceront à la fois des compétences obligatoires, définies expressément par la loi, et des compétences facultatives, lorsque la MGP n’a pas reconnu d’intérêt métropolitain.

● Les alinéas 56 à 68 énumèrent, au I de l’article L. 5219-5, les compétences exercées de plein droit par les EPT :

– la politique de la ville, qui n’est plus exercée par la MGP conformément à l’alinéa 21 ;

– la réalisation et la gestion d’équipements culturels, socioculturels, socio-éducatifs et sportifs « d’intérêt territorial » ;

– la distribution publique d’électricité jusqu’au 1er janvier 2018, date à laquelle la compétence est exercée de plein droit par la métropole ;

– l’action sociale d’intérêt territorial ;

– l’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU), qui relevait jusqu’alors de la MGP (alinéa 27).

En revanche, les transferts des compétences « voirie » et « réseaux de chaleur » aux EPT, qui figuraient dans l’amendement initial du Gouvernement, ont été respectivement supprimés respectivement par un sous-amendement du sénateur Philippe Dallier et trois sous-amendements de nos collègues Hervé Marseille, Christian Favier et Roger Karoutchi.

En application de l’alinéa 70, qui modifie le III du même article, les compétences que la MGP n’a pas reconnues d’intérêt métropolitain peuvent être exercées par les EPT. Les domaines concernés sont :

– l’aménagement de l’espace métropolitain ;

– la politique locale de l’habitat ;

– le développement et l’aménagement économique, social et culturel ;

– la protection et la mise en valeur de l’environnement et la politique du cadre de vie.

● Les alinéas 71 à 77 permettent aux EPT d’exercer les compétences des anciens EPCI à fiscalité propre existants avant la création de la MGP. Toutefois, conformément aux alinéas 75 à 77 (2° du IV de l’article L. 5219-5), si ces compétences étaient auparavant assorties d’un intérêt communautaire elles devront être assorties d’un intérêt territorial pour pouvoir être exercées par l’EPT.

Enfin, l’alinéa 78 ménage aux EPT la possibilité de restituer aux communes des compétences qui avaient été transférées aux anciens EPCI à fiscalité propre à titre supplémentaire.

3.  Les compétences exercées à titre transitoire par ces établissements avant leur transfert à la métropole à compter de 2018

Le présent article organise, par ailleurs, une montée en puissance progressive des compétences « habitat » (alinéa 80) et « distribution publique d’électricité » (alinéa 64) en prévoyant leur exercice par les EPT jusqu’au 31 décembre 2017 et par la métropole du Grand Paris à compter du 1er janvier 2018.

4.  Des mesures de coordination avec la loi MAPTAM

Le présent article opère également plusieurs modifications de la loi du 27 janvier 2014, qui sont présentées plus en détail dans le rapport de notre collègue Olivier Dussopt, au nom de la commission des Lois :

– à l’initiative de nos collègues sénateurs Roger Karoutchi, Vincent Capo-Canellas et Christian Favier, contre l’avis du Gouvernement, un sous-amendement a rouvert un délai de deux mois aux communes limitrophes pour délibérer afin d’adhérer à la MGP (alinéas 7 à 10) ;

– l’élargissement du périmètre de la MGP aux communes membres d’EPCI à fiscalité propre dans le périmètre desquels se situent des infrastructures aéroportuaires, selon une procédure spécifique nécessitant l’obtention des majorités qualifiées nécessaires dans tous les EPCI à fiscalité propre concernés (alinéas 11 et 12) ;

– la limitation du transfert à la MGP de la compétence sur les réseaux de télécommunication, suite à l’adoption d’un sous-amendement de notre collègue sénatrice Catherine Procaccia, contre l’avis du Gouvernement (alinéas 17 et 18) ;

– l’ajustement de certaines compétences de la métropole du Grand Paris, en les assortissant d’un intérêt métropolitain (restructuration urbaine, amélioration du parc immobilier bâti, réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre) prévue aux alinéas 28 à 47 ;

– l’amendement prévoit également une échéance – le 31 décembre 2016 – avant laquelle la métropole du Grand Paris devra engager l’élaboration de son schéma de cohérence territoriale (SCoT) (alinéas 218 à 233).

Afin de maintenir la compétence à son niveau d’exercice pendant la période précédant l’adoption du plan métropolitain pour l’habitat et l’hébergement ou du plan climat énergie métropolitain, tout en maintenant la date butoir du 31 décembre 2017, les dispositions figurant dans l’amendement initial du Gouvernement et visant à transférer ces compétences des communes d’abord aux établissements publics territoriaux puis, deux ans plus tard, à la métropole du Grand Paris, ont, en revanche, été supprimées à l’initiative de nos collègues sénateurs Roger Karoutchi, Vincent Capo-Canellas et Christian Favier (alinéas 241 et 242).

B.  LE SCHÉMA DE FINANCEMENT DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS EST ARRÊTÉ

1.  La métropole du Grand Paris percevra in fine la totalité de la fiscalité économique

● Les alinéas 158 à 214 (II et III) du présent article font de la MGP l’affectataire de plein droit du produit de plusieurs impôts locaux directs, dont le produit est aujourd’hui perçu, soit par les communes, soit par les EPCI à fiscalité propre, voire partagé entre ces deux catégories.

Il en est ainsi des principaux impôts économiques, conformément aux alinéas 159 à 161 modifiant expressément l’article 1379-0 bis du code général des impôts :

– la cotisation foncière des entreprises (CFE) ;

– la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ;

– huit des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER) (20) ;

– ainsi que la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

La MGP se voit également affecter (alinéas 210 à 212) le produit d’une autre taxe directe, la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). La Rapporteure pour avis rappelle que les EPCI à fiscalité professionnelle unique, auxquels se rattache la MGP, sont d’ores et déjà substitués aux communes pour la perception de ces mêmes impositions en application du 1 du I bis de l’article 1609 nonies C du code général des impôts et du 1.2.4.1 de l’article 77 de la loi de finances pour 2010 (21).

Par conséquent, les EPT ne seront pas affectataires de ces taxes. Ils bénéficieront de reversement de produits fiscaux opérés par les communes et la métropole du Grand Paris tandis que la commune de Paris recevra des reversements de la part de la métropole du Grand Paris.

Les composantes de la fiscalité dite « ménages », notamment la taxe d’habitation et les taxes foncières, ainsi que les autres taxes directes (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, taxe de balayage) ne sont pas modifiées par le présent article. Toutefois, la substitution, sur le territoire de la métropole, des établissements publics territoriaux aux EPCI à fiscalité propre préexistants entraînera le transfert aux communes de la part jusqu’alors intercommunale de ces impositions.

Bien que les EPT relèvent de la catégorie des syndicats de communes, les alinéas 162 à 167 complètent l’article 1379-0 bis afin de leur permettre de percevoir la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la taxe sur la consommation finale d’électricité et la taxe de séjour, en lieu et place des communes, à condition d’exercer la compétence correspondante.

Les modalités de répartition des autres impositions locales indirectes (taxe d’aménagement, droits d’enregistrement et taxe de publicité foncière, notamment), entre les communes, les EPT et la MGP, ne sont pas arrêtées par le présent article. L’alinéa 239 habilite, en effet, le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour fixer celles-ci.

Les taxes dont le produit est intégralement affecté à la région, qu’elles soient spécifiques à la région d’Île-de-France (taxe sur les bureaux pour partie, taxe annuelle sur les surfaces de stationnement et taxe additionnelle spéciale) ou non (IFER sur répartiteurs principaux et IFER sur le matériel roulant ferroviaire), ne sont pas concernées par les dispositions du présent article. Il en est de même de la taxe spéciale d’équipement et de la fraction de la taxe sur les bureaux affectées à la société du Grand Paris.

Les alinéas 168 à 197 déterminent les règles encadrant la fixation du taux de CFE propres à la métropole du Grand Paris. Celles-ci s’appliqueront, en pratique, à compter de 2021.

MODALITÉS D’AFFECTATION DES PRINCIPALES IMPOSITIONS LOCALES
APRÈS LA CRÉATION DE LA MGP

Taxes

Communes

EPCI

puis

EPT

MGP

Dpts 75, 92, 93 et 94

Région IDF

Taxe d’habitation

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

100 %

-

     

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

100 %

-

     

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

100 %

       

Taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

-

-

100 %

   

Cotisation foncière des entreprises

Aujourd’hui

100 %

-

   

De 2016 à 2020

-

100 %

-

   

À partir de 2021

-

-

100 %

   

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Aujourd’hui

26,50 %

-

48,50 %

25 %

À partir de 2016

-

-

26,50 %

48,50 %

25 %

IFER sur les éoliennes terrestres

Aujourd’hui

0 à 20 %

0 à 70 %

-

30 à 80 %

 

À partir de 2016

-

-

20 à 70 %

30 à 80 %

 

IFER sur les "hydroliennes"

Aujourd’hui

50 %

-

50 %

 

À partir de 2016

-

-

50 %

50 %

 

IFER sur les usines de production d’électricité nucléaire ou thermique

Aujourd’hui

50 %

-

50 %

 

À partir de 2016

-

-

50 %

50 %

 

IFER sur les usines de production d’électricité photovoltaïque ou hydraulique

Aujourd’hui

50 %

-

50 %

 

À partir de 2016

-

-

50 %

50 %

 

IFER sur les transformateurs électriques

Aujourd’hui

100 %

-

   

À partir de 2016

-

-

100 %

   

IFER sur les stations radioélectriques

Aujourd’hui

2/3

-

1/3

 

À partir de 2016

-

-

2/3

1/3

 

IFER sur les canalisations de transport de gaz naturel

Aujourd’hui

50 %

-

50 %

 

À partir de 2016

-

-

50 %

50 %

 

IFER sur les installations et stations de compression de gaz naturel

Aujourd’hui

100 %

-

   

À partir de 2016

-

-

100 %

   

IFER sur les installations de stockage du gaz naturel

Aujourd’hui

0 à 50 %

0 à 100 %

-

0 à 50 %

 

À partir de 2016

-

-

100 %

-

 

IFER sur les répartiteurs principaux

       

100 %

IFER sur le matériel roulant ferroviaire

       

100 %

Taxe d’enlèvement des ordures ménagères

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

100 %

     

Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

-

100 %

     

Taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE)

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

100 %

     

Taxe de séjour

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

100 %

     

Taxe de balayage

Aujourd’hui

100 %

     

À partir de 2016

100 %

-

     


● À titre dérogatoire, les alinéas 244 à 262 prévoient que les EPT et la commune de Paris percevront le produit de la CFE de 2016 à 2020.

Pendant ces cinq années, la commune de Paris et les EPT disposeront d’un pouvoir de taux et il appartiendra à leurs assemblées délibérantes – conseil de Paris et conseils de territoire – de voter le taux de CFE applicable, dans les limites strictes prévues par les alinéas 249 à 253.

La première année d’application, l’alinéa 250 plafonne le taux voté par l’EPT au taux moyen pondéré des communes situées dans son périmètre constaté l’année précédente. À compter de la deuxième année, ce taux est fixé en tenant compte des règles de liaison des taux du I de l’article 1636 B sexies du code général des impôts, sous réserve des modalités particulières de calcul du taux de la taxe d’habitation ainsi que des taux moyens pondérés de taxe d’habitation et de taxes foncières définies aux alinéas 258 à 262. Conformément à l’alinéa 251, les taux applicables dans chaque commune sont progressivement rapprochés du taux de référence voté, selon un mécanisme analogue à celui de l’intégration fiscale progressive, mais sur une durée (théorique) de dix-sept ans.

À Paris, en l’absence d’EPT, il est simplement fait application de règles de liaison des taux du I de l’article 1636 B sexies, en application de l’alinéa 253.

En 2021, le taux de la CFE sera voté par le conseil de la MGP, sans pouvoir dépasser, conformément à l’alinéa 254, la moyenne pondérée des taux constatés dans les EPT et la commune de Paris l’année précédente. L’alinéa 255 prévoit que les taux applicables dans chaque commune sont progressivement rapprochés du taux de référence voté par le conseil de la métropole, selon le mécanisme déjà décrit et pour la durée restant à courir. Toutefois, si l’écart constaté est d’ores et déjà inférieur à 10 % en 2021 dans une commune ou un EPT, le taux de référence s’y applique dès cette année.

● Les modalités de répartition des autres impositions locales indirectes (taxe d’aménagement, droits d’enregistrement et taxe de publicité foncière, notamment), entre les communes, les EPT et la MGP, ne sont pas arrêtées par le présent article. L’alinéa 239 habilite, en effet, le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour fixer celles-ci.

2.  Des fonds de compensation des charges territoriales permettront le reversement de produits fiscaux communaux

L’alinéa 84, complétant l’article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales, institue des fonds de compensation des charges territoriales au profit de chaque EPT.

Ces fonds disposent d’une double source de financement :

– ils sont alimentés, d’une part, par une dotation égale au produit moyen annuel de la taxe d’habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçu, sur l’emprise territoriale de chaque EPT, par l’EPCI intercommunale à fiscalité propre existant au 31 décembre 2015 au cours des cinq dernières années précédant la création de la MGP (alinéas 86 et 88 à 90) ;

– ils bénéficient, d’autre part, d’un versement représentatif du produit de la CFE perçu sur l’année précédant le transfert de cet impôt à la MGP dans le périmètre de l’EPT intéressé (alinéa 87).

Conformément aux alinéas 91 et 94, il est possible de moduler le montant de chacune de ces participations, par délibérations concordantes du conseil de territoire et du conseil municipal de la commune intéressée. Cette modulation ne peut pas avoir pour effet de minorer ou de majorer les versements au profit des fonds de compensation des charges territoriales de plus respectivement de 15 % et de 50 % de leur montant initial. Leur montant est, par ailleurs, actualisé chaque année par application du taux d’évolution des valeurs locatives foncières figurant dans la loi de finances de l’année, en application des alinéas 92 et 94.

Les commissions locales d’évaluation des charges, créées par les alinéas 114 à 116, sont également compétentes pour mettre en réserve une partie des ressources du fonds de compensation des charges territoriales, en vue de financer la programmation pluriannuelle d’investissements de l’établissement public territorial, conformément à l’alinéa 124. Elles ne pourront capitaliser les ressources du fonds que dans la mesure où elles y auront été autorisées par délibérations concordantes du conseil de territoire et des conseils municipaux des communes prises à la majorité qualifiée.

3.  En complément, la métropole du Grand Paris continuera de verser à chaque établissement public territorial et à la commune de Paris une dotation de soutien à l’investissement territorial

L’alinéa 98 du présent article crée, au sein du même article L. 5219-5, une dotation de soutien à l’investissement territorial, versée à chaque EPT. Cette dotation constitue, selon l’exposé sommaire de l’amendement gouvernemental, une « participation au coût d’acquisition et de gestion des équipements territoriaux ».

Elle est financée, conformément aux alinéas 99 à 104 et 107 à 110, par l’écrêtement d’une fraction du dynamisme de la CVAE et de la CFE, perçues sur l’emprise territoriale de l’EPT concerné, à l’exclusion du stock des produits constaté à la date de création de la MGP. Le prélèvement opéré sur les flux de la fiscalité professionnelle métropolitaine ne pourra pas excéder 10 % en ce qui concerne la CVAE et 50 % s’agissant de la CFE, afin de conserver à la métropole des recettes fiscales dynamiques.

Les alinéas 105 et 111 prévoient la possibilité de réviser le montant de cette dotation, par délibérations concordantes du conseil de la métropole et du conseil municipal des communes intéressées. Cette modulation ne pourra pas toutefois avoir pour effet de minorer ou de majorer la dotation de soutien à l’investissement territorial de plus de 15 % de son montant initial. Là encore, en application des alinéas 106 et 112, le montant de cette dotation est actualisé chaque année par application du taux d’évolution des valeurs locatives foncières figurant dans la loi de finances de l’année.

Par ailleurs, à l’initiative de notre collègue Christian Favier, un sous-amendement a été adopté, contre l’avis du Gouvernement, pour prévoir la création d’un fonds de soutien à l’investissement au profit des EPT et des communes situées dans le périmètre de la MGP (alinéas 151 à 157). Mal codifié, ce dispositif de péréquation est au surplus incomplet puisqu’il renvoie au conseil de la métropole du Grand Paris le soin de déterminer les règles de redistribution.

4.  En revanche, les conséquences de la mise en place de la métropole du Grand Paris ne sont pas tirées par le présent article

À droit constant, la création de la MGP n’aurait pas d’impact direct sur le Fonds de solidarité de la région d’Île-de-France (FSRIF), puisque celui-ci est strictement communal. La MGP serait, par ailleurs, contributrice au fonds national de péréquation intercommunale et communale (FPIC) pour un montant encore à évaluer ; l’impact sur les autres contributeurs au fonds, hors Île-de-France, est pour l’heure inconnu.

La Rapporteure pour avis a interrogé le Gouvernement pour connaître les éventuels effets contre-péréquateurs de la mise en place de la MGP, entre les communes qui la composent, mais également à l’échelle nationale. Elle n’a pas reçu de réponse définitive. Il est donc à craindre que le législateur doive, à brève échéance, adapter les textes relatifs au FPIC et au FSRIF.

L’alinéa 238 du présent article se borne à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour définir les modalités de calcul du potentiel fiscal et du potentiel financier des communes appartenant à la métropole. La Rapporteure pour avis rappelle que la péréquation horizontale se fonde pourtant sur ces deux grandeurs pour déterminer les prélèvements des communes contributrices et les attributions des bénéficiaires.

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Mme la rapporteure pour avis. Cet article revient sur l’article 12 de la loi MAPTAM qui instaurait la métropole de Paris.

M. Patrick Ollier. Les élus franciliens, de toutes tendances politiques, ont constitué une association, nommée « Paris Métropole », qui regroupe 124 maires de cette aire métropolitaine. À la suite de l’entrée en vigueur de l’article 12 de la loi MAPTAM, cette association a travaillé avec le Premier ministre et les membres du Gouvernement concernés afin de modifier la rédaction de cet article. Le Premier ministre nous a donné une feuille de route que les 124 élus, représentant l’association et la mission de préfiguration de la métropole de Paris, ont suivie. Ils ont approuvé à 94 % un texte de résolution proposant une nouvelle rédaction de l’article 12. Nous souhaitions que le texte adopté au Sénat se rapproche le plus possible de notre motion ; la discussion parlementaire n’a pas débouché sur un tel résultat, si bien que nous avons déposé des amendements pour combler cet écart. Il paraît inimaginable que le Gouvernement ne tienne pas compte d’une proposition soutenue par 94 % des élus concernés par les dispositions portant sur la métropole parisienne.

Madame la rapporteure pour avis, je vous demande d’examiner nos amendements avec objectivité.

La Commission examine l’amendement CF5 du président Gilles Carrez.

M. Jean-François Lamour. Cet amendement a pour objectif de décaler d’un an la création de l’établissement public de coopération intercommunale – EPCI – du Grand Paris. Le débat au Sénat n’a pas permis de définir précisément le périmètre des intercommunalités dans le cadre de cette métropole, car cela demande du temps.

Mme la rapporteure pour avis. Le calendrier arrêté par l’article 11 de la loi MAPTAM prévoit que la carte intercommunale sera définitivement établie au 31 décembre 2015 et que la métropole naîtra donc officiellement le 1er janvier 2016. Vous proposez de décaler cette dernière date d’un an, mais sans toucher à celle concernant le périmètre des intercommunalités. Votre amendement souffre donc d’incohérence et d’un manque d’ambition, car on ne peut pas affirmer onze mois avant l’échéance que l’on n’atteindra pas le but fixé. Je vous propose de conserver le calendrier actuel, quitte à proroger cette étape dans un projet de loi de finances initiale ou rectificative si cela s’avérait nécessaire. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de votre amendement.

M. Jean-François Lamour. Je ne fais pas preuve de pessimisme mais de réalisme. Nous avons besoin de ce délai supplémentaire.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie les amendements CF1 à CF3 du président Gilles Carrez, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-François Lamour. Ces amendements visent à étendre de deux à trois mois le délai durant lequel les communes limitrophes du périmètre obligatoire du Grand Paris et celles souhaitant quitter un EPCI pour rejoindre celui nouvellement créé pourront se prononcer sur leur adhésion à la métropole. Ce mois supplémentaire permettrait d’organiser un débat plus approfondi, sanctionné par un vote, sur un sujet capital pour la nature des compétences dont disposeront les communes selon qu’elles appartiendront ou non au Grand Paris.

Mme la rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable à l’adoption de ces amendements. Dans un amendement déposé au Sénat, le Gouvernement n’avait pas prévu d’étendre le délai. Quarante-six communes limitrophes ont déjà bénéficié d’une période de réflexion de huit mois et seules cinq d’entre elles se sont engagées dans une démarche d’adhésion au Grand Paris. Un amendement sénatorial a rouvert le délai en octroyant deux mois supplémentaires aux communes pour se pencher sur cette question, probablement en vain, car les collectivités intéressées ont déjà répondu à cette offre.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CF4 du président Gilles Carrez.

M. Jean-François Lamour. Il s’agit de conférer aux territoires le statut d’EPCI à fiscalité propre et non de syndicat de communes comme l’a prévu l’amendement déposé par le Gouvernement au Sénat. Mon amendement instaure une dérogation à la règle posée à l’article L. 5210-2 du code général des collectivités territoriales, selon laquelle une commune ne peut appartenir à plus d’un EPCI à fiscalité propre ; il apporte de la souplesse aux communes qui pourront choisit leur statut, ainsi que de la lisibilité au texte.

Mme la rapporteure pour avis. L’article 17 du projet de loi reprend la résolution du 16 mai 2014 et la feuille de route du 1er juillet adoptée par les élus de Paris Métropole, puisqu’il modifie le schéma voté l’an dernier et reconnaît aux établissements publics territoriaux – EPT – la personnalité morale en leur affectant la cotisation foncière des entreprises – CFE – avec un pouvoir de déterminer son taux. Aller plus loin en créant des EPCI à fiscalité propre risquerait de nuire à la lisibilité du dispositif et de saper les fondations de la métropole. Un pas important a été accompli en direction des élus de Paris Métropole, et il convient de s’en tenir là. Mon avis est donc défavorable.

M. Charles de Courson. Comment ces établissements seront-ils financés ?

Mme la rapporteure pour avis. Mon rapport comprendra un schéma répondant à votre question : entre 2016 et 2020, les établissements toucheront une partie de la CFE, puis ils seront alimentés par reversements de produits fiscaux communaux.

M. Charles de Courson. Si la loi leur attribue une partie de la CFE, ils bénéficient d’une recette fiscale.

Mme la rapporteure pour avis. Oui, mais seulement pour les années comprises entre 2016 et 2020. Au-delà de 2020, le Grand Paris percevra l’intégralité de la CFE et des impôts économiques.

M. Dominique Lefebvre, président. La création du Grand Paris implique un double débat sur la cohérence et l’efficience des politiques publiques, et sur la mutualisation des ressources. Les mécanismes de reclassement de fiscalité débouchent sur des compensations diverses. Tous ces territoires perçoivent aujourd’hui des recettes fiscales et des dotations de l’État dont on va modifier l’affectation, ce mouvement étant contrebalancé par des reversements transitoires, dispositifs classiques en la matière.

M. Christian Estrosi. Tout cela est extrêmement préoccupant. En 2017, il n’y aura plus de dotations de l’État, puisqu’elles diminueront de 11,5 milliards d’euros. Les communes réussissent à investir grâce aux intercommunalités ; ces dernières affectent en effet prioritairement les recettes de la CFE et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – aux dépenses d’investissement, dans le cadre de plans pluriannuels exigés par les organismes prêteurs comme la Caisse des dépôts et consignations. Or, vous nous expliquez avec beaucoup d’amateurisme qu’un système est prévu pour les années 2016 à 2020, mais on ignore ce qu’il en sera à l’issue de cette période. Les élus locaux, qui sont responsables des engagements pris auprès d’organismes bancaires et de leur gestion auprès des chambres régionales des comptes – CRC –, voire de la Cour des comptes, peuvent s’inquiéter, et, en l’absence de réponses précises aux questions des députés, il conviendrait que la commission des Finances demande le report de l’examen de cette réforme.

M. Christophe Caresche. La loi MAPTAM était claire : le Grand Paris était une métropole intégrée, les territoires avaient le statut des mairies d’arrondissement, et seules la métropole et les communes disposaient d’une fiscalité propre. Dans le cadre de la mission de préfiguration, les maires ont souhaité modifier le système afin qu’une période transitoire soit aménagée, au cours de laquelle les territoires pourraient percevoir directement une part des recettes fiscales. Jean-François Lamour propose d’aller plus loin en instituant des territoires qui seraient des établissements publics à fiscalité propre ; si l’on adoptait son amendement, on créerait un système à trois niveaux composé des communes, des intercommunalités et de la métropole. Je n’approuve pas cette idée et nous en débattrons en séance publique.

M. Jean-François Lamour. Christophe Caresche vient de mettre en lumière une différence de conception. Notre amendement se propose en effet de bâtir un dispositif plus fédéral qu’intégré. Les mairies d’arrondissement de Paris reçoivent une aumône indépendamment de leur taille ; ainsi, le XVe, habité par 238 000 personnes, soit la population de Bordeaux, ne dispose que des compétences correspondant aux dépenses prévues par l’état spécial. Les Franciliens ont besoin que l’action conduite par leurs élus soit proche, visible et puisse assurer la sécurité financière des engagements de dépenses publiques. Notre amendement se place au service de cette ambition, alors que votre système crée, autour de la métropole, une organisation centralisée qui ne laisse aucune place à la proximité.

Mme la rapporteure pour avis. Votre amendement instaure une nouvelle dérogation en ouvrant aux communes la possibilité d’appartenir à plus d’un EPCI. Monsieur Estrosi, vous avez bâti la première métropole en France et vous savez que ces chantiers sont difficiles. La mission de préfiguration débattra des compétences de la métropole et des EPT. Donner aux EPT le produit de la CFE et le pouvoir de déterminer son taux pendant cinq ans constitue une avancée.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CF6 du président Gilles Carrez.

M. Jean-François Lamour. Le premier amendement que j’ai soutenu, et qui proposait de décaler d’un an la création de la métropole, devra être adopté en séance publique au regard du travail qu’il reste à accomplir.

Le présent amendement suggère que les communautés d’agglomération, dans un souci de proximité, conservent leurs compétences de nature matérielle comme la collecte des ordures ménagères, la signalisation lumineuse, l’aménagement et l’entretien des cimetières ou les opérations d’aménagement urbain.

Mme la rapporteure pour avis. Monsieur Lamour, votre amendement vise à empêcher le transfert à la métropole du Grand Paris des compétences que vous avez citées. Or, certaines de ces responsabilités sont déjà exercées par des communautés urbaines ou des métropoles comme celles de Nice et de Lyon. Il n’y a pas lieu d’écarter la métropole du Grand Paris de ce mouvement. Avis défavorable.

M. Jean-François Lamour. La différence d’échelle rend peu pertinent ce rapprochement entre les agglomérations niçoise et lyonnaise, et la métropole parisienne. Je doute de l’efficacité de ce transfert de compétences.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CF7 du président Gilles Carrez.

M. Jean-François Lamour. Cet amendement instaure une minorité de blocage – assise sur un quart des communes représentant au moins un cinquième de la population de l’EPT – en matière d’urbanisme et de logement ; il se contente de reprendre un dispositif de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR – qui maintient ces compétences à l’échelle des communautés de communes ou d’agglomération.

Mme la rapporteure pour avis. Votre amendement reconnaît aux communes une faculté de blocage du transfert du plan local d’urbanisme – PLU – aux EPT, pourtant réclamé par les élus franciliens. La densité de l’aire urbaine justifie une planification métropolitaine. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de votre amendement.

M. Dominique Lefebvre, président. L’appel à la proximité m’a souvent heurté dans mon expérience d’élu local ; je suis président d’une communauté d’agglomération dont la plus petite commune n’est peuplée que de 750 habitants quand la plus grande, celle que j’ai dirigée, compte plus de 60 000 personnes. Je n’ai jamais considéré qu’il y avait moins de proximité dans ma commune de 60 000 habitants que dans celles de 5 000. En revanche, la mutualisation permet de conduire une action publique plus cohérente, notamment pour les plans d’aménagement urbain. Les échelles de cohérence existent et posent la question de la gouvernance du centre de la métropole francilienne.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF8 du président Gilles Carrez.

M. Jean-François Lamour. Le rapport remis par le Gouvernement sur l’installation de la métropole devrait être l’occasion d’un débat sur l’utilisation du produit de la CFE par les territoires et devrait donc traiter de la question de la prorogation ou de l’évolution du dispositif.

Mme la rapporteure pour avis. L’adoption de cet amendement conduirait à élargir l’objet du rapport du Gouvernement prévu en 2019. Il serait utile de bénéficier d’une évaluation de ce système transitoire avant que la CFE ne soit transférée à la métropole. J’émets donc un avis favorable.

M. Dominique Lefebvre, président. Je vous propose d’adopter cet amendement en faisant apparaître explicitement que ce rapport se penchera sur le volet financier de la création de la métropole du Grand Paris.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CF42 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant l’impact de la création de la métropole du Grand Paris sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – et sur le fonds de solidarité de la région Île-de-France – FSRIF. On a laissé de côté ce sujet, alors que l’Île-de-France contribue fortement au FPIC.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 septdecies modifié.

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Article additionnel après l’article 17 septdecies
Population à prendre en compte au titre du respect de l’objectif de logements sociaux en cas de fusion d’établissements publics de coopération intercommunale

La Commission est saisie de l’amendement CF47 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à ne pas bloquer la fusion des EPCI qui dépasseraient une population de 50 000 habitants et qui devraient alors compter 25 % de logements sociaux. Il ne s’agit pas d’exonérer le nouvel EPCI de cette obligation, mais de lui laisser six ans à compter de la fusion de deux établissements publics pour se conformer à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – SRU.

M. Éric Woerth. En cas de fusion d’EPCI, la contrainte de la loi SRU pèse principalement sur les communes de plus de 3 500 habitants. Je suis favorable à cet amendement qui nous permettrait de contourner ce repoussoir à fusion qu’est la loi SRU. Au-delà des problèmes politiques bien connus, cette obligation pose des difficultés techniques importantes qu’il convient de lever.

Je déposerai un autre amendement qui conduirait à évaluer le respect de la loi SRU non pas à la population de chaque commune, mais à celle de l’ensemble de l’EPCI. Ce dernier constitue en effet le bon échelon pour construire un équilibre de l’habitat, car il n’est pas trop vaste et permet de se conformer à l’esprit de la loi.

M. Dominique Lefebvre, président. Ce n’est pas la construction de logements sociaux qui agit comme un repoussoir, mais la brièveté du délai dans lequel les communes d’un nouvel EPCI doivent s’y conformer.

Calculer le taux de logement social à l’échelle de l’EPCI et non plus de la commune exige comme corollaire de se fonder sur le plan local d’urbanisme intercommunal – PLUI – et le permis de construire intercommunal. Si tel n’était pas le cas, des problèmes politiques ne manqueraient pas d’affleurer entre les communes respectant les seuils et celles ne remplissant pas ces obligations, car l’on pourrait constater des transferts de populations porteurs de déséquilibres.

M. Alain Fauré. Je m’associe à la proposition de Mme la rapporteure pour avis, car il paraît utile d’étaler dans le temps l’effort de construction des logements sociaux. Les PLUI peuvent permettre d’harmoniser la répartition de ces logements dans l’EPCI et ainsi veiller à ne pas créer de trop fortes inégalités ; le programme local de l’habitat – PLH – peut également fixer des règles dans ce domaine.

Mme Monique Rabin. Cet amendement s’inspire de cas concrets de communautés de communes qui refusent de fusionner dans un nouvel EPCI de peur de devoir atteindre le seuil posé par la loi SRU. Il est préférable de recomposer intelligemment le territoire plutôt que de bloquer un tel mouvement à cause de la contrainte pesant sur le taux de logements sociaux.

Doit-on privilégier un seuil – fixé à 50 000 habitants aujourd’hui, mais que l’on pourrait abaisser à 30 000 habitants – ou doit-on considérer la situation de la communauté d’agglomération ?

Il convient d’élaborer les PLH sur un fondement intercommunal afin de répondre à la question du logement social.

M. Dominique Lefebvre, président. Un PLH intercommunal n’a jamais contraint un maire à délivrer un permis de construire ou à apporter une garantie d’emprunt à un organisme bailleur. Les taux de réalisation des PLH intercommunaux varient d’ailleurs considérablement d’une commune à l’autre.

Mme Marie-Christine Dalloz. Un PLUI organise le parc naturel régional du Haut-Jura, où le seuil de population s’avère largement atteint ; pourtant, il n’est pas impossible d’y imposer une exigence de construction de logements sociaux. Il importe donc que la loi prenne en compte la situation de l’EPCI.

M. Éric Woerth. Je n’ai pas dit que le logement social représentait un repoussoir, mais qu’il pouvait constituer un handicap pour des maires devant soudainement se plier à une contrainte exigeante. La loi ayant adopté une vision comptable reposant sur des ratios, ceux-ci devraient être évalués à l’échelle de l’EPCI qui détient la compétence en matière de logement.

Mme la rapporteure pour avis. La loi SRU dispose qu’une commune de plus de 3 500 habitants et faisant partie d’une agglomération ou d’un EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants se trouve soumise à l’obligation de compter 25 % de logements sociaux. L’amendement cherche à éviter que des fusions d’EPCI ne se réalisent pas à cause de cette exigence et propose donc de laisser six ans à ces collectivités pour atteindre ce seuil.

La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 17 septdecies
Modification des seuils de déclenchement de la contribution aux dépenses d’état civil de certaines communes

La Commission en vient à l’amendement CF49 de la rapporteure pour avis.

M. Alain Fauré. Cet amendement a pour but d’aider les communes qui comptent un hôpital et qui doivent donc faire face à une majoration de la charge liée au traitement de l’état civil. Ce soutien serait apporté si le rapport entre le nombre de naissances dans cet établissement et la population de la commune dépasse 30 %.

M. Charles de Courson. Si l’on majore cette dotation particulière pour les parturientes, pourquoi ne pas étendre cette disposition aux communes comptant des maisons de retraite – et donc de nombreux décès puisque l’espérance de vie dans ces maisons ne dépasse pas quatre ans –, dont la présence entraîne un accroissement de la charge de l’état civil ? Élaborer un acte d’état civil constitue une tâche simple, et cet amendement frise le dérisoire.

M. Régis Juanico. Nous déposons par ailleurs cet amendement en commission des Lois, car le coût de l’état civil atteint 300 000 euros par an pour la commune de Saint-Priest-en-Jarez, peuplée de seulement 6 000 habitants, du fait des 3 000 à 4 000 naissances enregistrées à l’hôpital chaque année. La mutualisation de cette charge me paraît une mesure de bon sens.

M. Jean-Louis Gagnaire. Ce sont les intercommunalités qui devraient en effet supporter le poids de ces dépenses d’état civil ; cette mutualisation s’avère d’autant plus nécessaire que les agences régionales de santé continueront de modifier la carte d’implantation des maternités.

M. Dominique Lefebvre, président. Encore faudrait-il que cette mutualisation s’effectue dans le cadre de l’EPCI, quitte à transférer la compétence de l’état civil aux intercommunalités.

La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 17 septdecies
Report d’un an de la présentation du schéma de mutualisation des services

La Commission aborde l’amendement CF50 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a prévu que l’adoption des schémas de mutualisation des services devait se faire avant le 31 mars 2015. Compte tenu des clauses de « revoyure » des schémas et des variations des périmètres prévues, je vous propose de reporter d’un an la date de la rédaction de ces documents et de la fixer au 1er mars 2016.

M. Dominique Lefebvre, président. Que se passe-t-il en cas d’absence de schéma de mutualisation ?

Mme la rapporteure pour avis. Aucune sanction n’est prévue.

Mme Monique Rabin. On écrit des textes inutiles si l’on ne prévoit pas de régime de sanction. Je signalerai cette mesure à M. Thierry Mandon, secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification, car nous ne devons pas conserver de mesures qui ne présentent aucune utilité.

M. Dominique Lefebvre, président. Qu’adviendra-t-il du coefficient d’intégration fiscale – CIF –, que certains sénateurs souhaitent remettre en question ? Quant au coefficient de mutualisation, l’absence de sanction le vide de toute substance.

Mme la rapporteure pour avis. Il existe tout de même une sanction, car plus le CIF est élevé, plus la dotation globale de fonctionnement – DGF – se trouve bonifiée. Le report d’un an de la date d’élaboration des schémas de mutualisation nous permettra de réfléchir à un appareil de sanction.

La Commission adopte l’amendement.

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Article additionnel après l’article 17 septdecies
Expérimentation d’une dérogation au seuil de population requis pour la constitution d’une communauté d’agglomération

La Commission examine l’amendement CF48 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Deux dérogations au seuil de 50 000 habitants nécessaire à la création d’une communauté d’agglomération existent déjà : un ensemble contigu de 30 000 habitants comprenant la commune la plus peuplée du département peut mettre en œuvre un dispositif expérimental pendant trois ans et un ensemble contigu de 25 000 habitants comptant une ville de 15 000 habitants et situé sur le littoral peut également déployer une expérimentation pendant trois ans. Cet amendement crée une troisième dérogation, ciblant les ensembles contigus de 30 000 habitants comprenant une ville sous-préfecture d’au moins 15 000 habitants.

M. Charles de Courson. Les communautés d’agglomération seront bientôt constituées d’entités de 10 000 habitants. Un tel amendement n’est pas neutre, car le montant de la DGF bonifiée des communautés d’agglomération se situe dans une enveloppe fermée. Octroyer de la DGF à de nouvelles communautés d’agglomération ampute donc d’autant celle versée aux EPCI déjà constitués. Je suis donc hostile à l’adoption de cet amendement.

M. Dominique Lefebvre, président. Les remontées de compétences n’ont pas à s’entendre par seuil de population.

M. Pascal Terrasse. Cette question nécessitera un débat en séance. Je ne suis pas d’accord avec Charles de Courson : il est opportun que des communes se regroupent pour constituer des ensembles de 30 000 habitants. Nous devons conduire une réflexion sur la réforme fiscale à venir ; il ne faut pas créer d’artifices pour bloquer l’émergence de communautés d’agglomération de 30 000 habitants ; de même, je suis favorable à l’émergence de communautés de communes comprenant plus de 20 000 habitants, car on ne peut rien faire en dessous de ce seuil.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la rapporteure pour avis, quels sont les cas précis ciblés par cet amendement ?

Mme la rapporteure pour avis. Je connais au moins deux exemples dans le Puy-de-Dôme, et j’ai demandé la réalisation d’une étude d’impact qui nous permettra de répondre précisément à votre interrogation.

Qu’on adopte ou non cet amendement, nous devrons nous poser la question des dotations d’intercommunalité versées aux communautés de communes, aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines.

Si ces communes peuvent se regrouper au sein de communautés d’agglomération, on assistera à un transfert de compétences et à un mouvement de mutualisation des moyens qui serviront les finances publiques.

M. Dominique Lefebvre, président. Il serait bon que les transferts de compétences et les mutualisations n’induisent pas davantage de dépenses publiques, comme on le constate trop souvent. La commission des Finances doit s’interroger sur les facteurs qui ont empêché le développement de l’intercommunalité de favoriser une maîtrise de la dépense publique locale.

Mme Monique Rabin. On ne prend pas un grand risque en adoptant cet amendement, car on n’ouvre pas la possibilité de constituer une communauté d’agglomération à tous les ensembles de 30 000 habitants comptant une ville de 15 000 habitants.

M. Alain Fauré. En Ariège, la sous-préfecture de Pamiers, peuplée de 16 000 habitants, pourrait, si l’amendement était adopté, constituer une communauté d’agglomération, mouvement intéressant, car il inciterait à la fusion de plusieurs communautés de communes.

M. Jean-Louis Dumont. L’argument principal n’est pas financier, il réside dans la volonté de travailler ensemble et de porter des projets communs. Dans un département rural qui ne compte pas de grande ville, l’existence de communautés d’agglomération structure le pays et incite à l’élaboration de desseins partagés. Il s’agit d’une opération plus politique et psychologique que financière.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il est difficile de mettre en œuvre une politique de transports dans une aire de 30 000 habitants alors qu’il s’agit d’une compétence obligatoire pour une communauté d’agglomération – sauf convention particulière avec les conseils généraux. Il faut que l’on connaisse le nom des espaces concernés ; cela peut en effet s’avérer intéressant pour des zones très rurales et peu peuplées, mais il convient d’éviter les effets d’aubaine et l’émergence de communautés où, la ville centre étant trop faible, la gouvernance de la zone se révèle très ardue. De même, les communautés d’agglomération qui souhaitent devenir des communautés urbaines sont motivées par le supplément de ressources qui accompagne un tel changement.

Mme Marie-Christine Dalloz. On sait bien qu’il va falloir remettre en question le maintien de certaines sous-préfectures. Quelle représentation politique souhaitons-nous pour nos territoires ? Si l’on veut supprimer les communautés de communes, il faut le dire. Intégrer une population toujours plus importante dans les communautés d’agglomération induit des conséquences sur la France que l’on bâtit, et nous ne devons pas éluder cette question. N’allons-nous pas accroître le fossé entre les territoires très ruraux et les autres ?

Tout le monde a le mot « mutualisation » à la bouche, mais il s’agit là d’aubaine et d’opportunité financière. Le seul dessein des élus est d’obtenir de plus grandes dotations, et la plupart d’entre eux n’ont aucun projet particulier à mettre en œuvre. Ce n’est pas ma conception de l’aménagement du territoire.

La Commission adopte l’amendement.

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TITRE IV
TRANSPARENCE ET RESPONSABILITÉ FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Chapitre Ier
Transparence financière

Article 30
Publicité des informations financières des collectivités et des observations des chambres régionales des comptes

Le présent article renforce la transparence financière des collectivités territoriales, en prévoyant de donner une plus grande publicité aux observations des chambres régionales des comptes (CRC), d’une part, et aux documents budgétaires ou financiers des collectivités territoriales, d’autre part.

I. LE DROIT EXISTANT

A.  LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE LOCALE

● Le cycle budgétaire d’une collectivité territoriale est régi par le principe de l’annualité ; trois échéances principales le ponctuent :

– le débat d’orientation budgétaire (DOB) ;

– l’adoption du budget primitif ;

– le vote du compte administratif.

Prévu par les articles L. 2312-1, L. 3312-1, L. 4312-1 et L. 5211-36 du code général des collectivités territoriales, le DOB doit être établi dans les deux mois précédant le vote du budget primitif. Il ne constitue toutefois pas un premier jet du budget mais davantage un moment de réflexions rétrospectives et prospectives, portant sur l’essentiel des données de la collectivité : le contexte national et local, les premiers éclairages sur les équilibres du budget de l’année considérée et, depuis la modification introduite par l’article 93 de la loi du 27 janvier 2014 (22), les « caractéristiques de l’endettement ».

Il n’est obligatoire que dans les communes de plus de 3 500 habitants les départements, les régions, leurs établissement public administratifs, ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) comportant au moins une commune de plus de 3 500 habitants.

L’adoption du budget primitif doit, quant à elle, intervenir avant le 15 avril de l’exercice auquel il s’applique, ou le 30 avril en cas de renouvellement de l’organe délibérant, conformément à l’article L. 1612-1 modifié par l’article 37 de la seconde loi de finances rectificative pour 2012 (23). Ce budget primitif doit être transmis au représentant de l’État dans les quinze jours qui suivent son approbation. Aucun texte ne précise, en revanche, la date limite en deçà de laquelle une collectivité ne peut voter son budget, mais de manière générale les collectivités ne votent pas leur budget de l’année N avant le mois de décembre de l’année N – 1.

Le vote des décisions modificatives doit avoir lieu avant le 31 décembre de l’exercice pour la section d’investissement et jusqu’au 21 janvier de l’exercice suivant pour la section de fonctionnement (par tolérance, dans le cadre de la journée complémentaire), en application de l’article L. 1612-11.

L’article L. 1612-12 précise, enfin, que l’arrêté du compte administratif doit intervenir avant le 30 juin de l’exercice suivant, après transmission au plus tard le 1er juin du compte de gestion par le comptable public.

● Lors de l’élaboration et du vote de leurs budgets, les collectivités territoriales doivent respecter cinq principes budgétaires – annualité, unité, universalité, spécialité et équilibre – qui s’imposent à elles et qui, pour les quatre premiers, sont communs avec ceux de l’action financière de l’État.

Surtout, le budget des collectivités est voté en équilibre réel, c’est-à-dire qu’il doit, au-delà de l’égalité entre les dépenses et les recettes, respecter les trois conditions mentionnées à l’article L. 1612-4 :

– chacune des deux sections du budget doit réaliser l’équilibre entre les dépenses et les recettes ;

– le remboursement en capital de l’annuité de la dette et les dépenses imprévues d’investissement doivent être financés par des ressources propres, à l’exclusion du produit des emprunts ;

– les dépenses et des recettes inscrites aux budgets doivent être évaluées de façon sincère, c’est-à-dire ne pas être volontairement surestimées ni sous-estimées.

B.  LES CONTRÔLES DU PRÉFET ET DE LA CRC

1.  Le contrôle budgétaire relève de la compétence du préfet, en liaison avec la CRC

Parallèlement au contrôle de légalité, les collectivités territoriales sont également soumises à un contrôle a posteriori spécifique, le contrôle budgétaire. L’objectif de ce contrôle est d’assurer le respect des règles applicables à l’élaboration, l’adoption et l’exécution des budgets des collectivités territoriales et de leurs établissements publics :

– la date d’adoption et de transmission du budget (article L. 1612-2) ;

– l’équilibre réel du budget (article L. 1612-5) ;

– la date de vote, l’équilibre et le rejet éventuel du compte administratif (article L. 1612-12) ;

– l’inscription et le mandatement d’office, prévus à l’article L. 1612-14, des dépenses obligatoires énumérées aux articles L. 2321-2, L. 3321-2 et L. 4321-2.

Le préfet est alors habilité, dans les cas prévus par la loi et après avis public de la CRC, à réformer les documents budgétaires dans le cadre de son pouvoir de substitution, qui lui permet de régler d’office et de rendre exécutoire le budget d’une collectivité.

2.  L’examen de la gestion relève exclusivement de la CRC

L’examen de la gestion par les CRC est encadré par l’article L. 211-8 du code des juridictions financières. Il concerne notamment la régularité des actes de gestion, l’économie des moyens mis en œuvre dans l’utilisation des fonds publics, ou encore l’efficacité de l’action de la collectivité ; il ne peut, en revanche, porter sur l’opportunité des objectifs fixés par l’organe délibérant de la collectivité.

Les contrôles peuvent être engagés sur demande motivée du préfet ou de l’autorité locale. Ils le sont aussi, et plus fréquemment, à l’initiative de la CRC, conformément au programme annuel de vérification qu’elle a arrêté.

Un rapport d’observations, établi par les magistrats de la CRC au terme d’une procédure contradictoire, clôt l’examen de la gestion. Il comporte une synthèse, des constats et des recommandations. La chambre adresse, dans un premier temps, à l’ordonnateur un rapport d’observations provisoires, auquel il est invité à répondre dans un délai de deux mois conformément à l’article L. 243-3 du même code. Une fois la réponse reçue, ou le délai écoulé sans réponse, la chambre arrête un rapport d’observations définitives auquel une nouvelle réponse peut être apportée.

En application de l’article L. 243-5, ce rapport et la réponse doivent alors être communiqués à l’assemblée délibérante de la collectivité dès sa plus proche réunion, « [font] l’objet d’une inscription à l’ordre du jour (…) et donne[nt] lieu à un débat ». Passée cette date, ces documents deviennent communicables à toute personne qui en fait la demande.

II. LE DROIT PROPOSÉ

A.  RENFORCER LA PORTÉE DES OBSERVATIONS DES CRC

1.  L’obligation de rendre compte des actions mises en œuvre pour remédier aux observations des CRC

Les alinéas 1 à 3 du présent article insèrent un nouvel article L. 243-7 dans le code des juridictions financières, dont le I impose à l’exécutif des collectivités territoriales ou établissements publics ayant fait l’objet d’un examen de gestion de présenter à l’assemblée délibérante les actions entreprises « à la suite des observations » de la CRC. Cette présentation prend la forme d’un rapport qui doit être déposé dans un délai d’un an après la communication – à l’assemblée délibérante – du rapport d’observations définitives prévue à l’article L. 243-5.

Ce rapport est également transmis à la CRC, qui est chargée de compiler les réponses des collectivités ou établissements contrôlés et d’en établir une synthèse. Cette synthèse est présentée par le président de la chambre devant la conférence territoriale de l’action publique, instituée au niveau régional par l’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales résultant de l’article 4 de la loi du 27 janvier 2014 précitée. Elle est également transmise à la Cour des comptes, afin d’enrichir la partie du rapport public annuel consacrée à une présentation des suites données aux observations définitives des juridictions financières.

2.  La publicité des rapports d’observation des CRC concernant un EPCI

L’alinéa 4 (II du nouvel article L. 243-7) impose, dans le cas spécifique de l’examen de la gestion d’un EPCI, la transmission par la CRC de son rapport d’observations définitives non seulement à l’exécutif directement concerné, mais également à l’ensemble des maires des communes membres dès que la communication prévue à l’article L. 243-5 à l’assemblée délibérante de l’établissement a eu lieu. À son tour, chaque maire devra présenter le rapport d’observations définitives lors de la plus prochaine réunion du conseil municipal.

B.  ACCROÎTRE LA TRANSPARENCE DES DÉBATS BUDGÉTAIRES LOCAUX

1.  Un débat sur l’impact de certaines opérations d’investissement sur les dépenses de fonctionnement

Les alinéas 8 à 10 du présent article créent, dans un nouvel article L. 1611-9, une obligation inédite pour les exécutifs locaux en cas d’ « opération d’investissement » dont le montant dépasserait un seuil fixé par décret. Ceux-ci devraient alors présenter devant leur assemblée délibérante « une étude relative à l’impact pluriannuel de cette opération sur les dépenses de fonctionnement ».

Ce dispositif vise explicitement à contraindre les élus locaux à adopter une vision prospective et à prévenir tout investissement inconsidéré, qui obèrerait durablement les dépenses de fonctionnement de la collectivité. Il n’est qu’à parcourir les rapports d’activité des CRC pour en lire des exemples : ce n’est parfois qu’après avoir construit la piscine communale ou intercommunale que certains exécutifs se sont souciés de l’impact de la subvention d’équilibre versée au concessionnaire sur l’épargne brute.

De tels errements étaient encore possibles lorsque les marges de manœuvre fiscales étaient significatives et que les dotations progressaient à un rythme supérieur à l’inflation. Dans un contexte de diminution des concours financiers de l’État, où les collectivités prennent leur part à l’effort de redressement des finances publiques, la Rapporteure pour avis fait confiance au discernement des élus pour privilégier les opérations d’investissement soutenables.

Le dispositif proposé ne règle toutefois pas le détail de la procédure. La notion d’opération d’investissement peut paraître floue, tandis que rien n’est dit sur les délais de réalisation de l’étude et son articulation avec l’éventuel programme pluriannuel d’investissement. Soucieuse que toutes les collectivités, quelle que soit leur taille, s’engage dans cette démarche, la Rapporteure déposera un amendement pour préciser que le seuil fixé par décret varie en fonction de la strate démographique à laquelle appartient la collectivité.

Au demeurant, cette nouvelle obligation n’est assortie d’aucune sanction. C’est pourquoi, la Rapporteure pour avis proposera, par voie d’amendement, de conditionner l’octroi de subventions d’investissement régionales ou départementales à la production par la collectivité bénéficiaire de cette étude, à l’appui de sa demande.

2.  L’évolution du débat d’orientation budgétaire (DOB)

Les alinéas 15 et 16, 20 et 21, 25 à 27, 31 et 32 précisent la procédure et approfondissent le contenu du DOB, en modifiant symétriquement les dispositions applicables aux communes, aux EPCI, aux départements et aux régions. Cet exercice de transparence n’est, en revanche, pas élargi : il ne demeure obligatoire que dans les communes de plus de 3 500 habitants les départements, les régions, leurs établissements publics administratifs, ainsi que les EPCI comportant au moins une commune de plus de 3 500 habitants.

Ainsi, il est expressément prévu que l’exécutif prenne l’initiative du débat, en présentant à l’assemblée délibérante un rapport. L’objet de celui-ci est complété pour englober « les orientations budgétaires de l’exercice, les engagements pluriannuels envisagés (…) ainsi que la gestion de la dette ». La rédaction des articles L. 2312-1, L. 3312-1 et L. 4312-1, issue de l’article 93 de la loi du 27 janvier 2014 introduit à l’initiative de la Rapporteure pour avis et qui visait « la structure de l’endettement », se voit substituer un champ moins précis privant l’assemblée délibérante de toute information sur le stock de dettes accumulées par la collectivité. L’actualité récente illustre assez les risques que les emprunts structurés continuent de faire peser sur les finances locales ; aussi, la Rapporteure proposera de corriger le champ du DOB sur ce point.

Dans les communes de plus de 10 000 habitants, les départements et les régions, ce rapport englobera désormais aussi « la structure et l’évolution des dépenses et des effectifs (…) notamment l’évolution prévisionnelle et l’exécution des dépenses de personnel, des rémunérations, des avantages en nature et du temps de travail ». Ces dispositions sont également applicables aux EPCI de plus de 10 000 habitants comprenant une commune de plus de 3 500 habitants. De surcroît, dans ces collectivités, le rapport devra faire l’objet d’une transmission au préfet et d’une publication, selon des modalités qui seront fixées par décret.

3.  L’information des citoyens sur les enjeux budgétaires et financiers

Les alinéas 17 à 19, 22 à 24 et 25 à 27 du présent article prévoient qu’une « présentation brève et synthétique » accompagne le budget primitif et le compte administratif, « afin de permettre aux citoyens d’en saisir les enjeux ».

Ils obligent, de surcroît, à la mise en ligne sur le site Internet de la collectivité des principaux documents budgétaires, après l’adoption des délibérations auxquelles ils se rapportent :

– la présentation mentionnée ci-dessus ;

– le rapport adressé à l’assemblée délibérante en vue du DOB ;

– les rapports de présentation du budget primitif et du compte administratif, désormais qualifiés de « rapport[s] annexé[s] ».

4.  La publicité immédiate des avis des CRC et des arrêtés préfectoraux en cas de non-respect de la procédure budgétaire locale

Les alinéas 11 et 12 prévoient, à l’article L. 1612-19, que les avis formulés par les CRC et les arrêtés pris par le préfet, dans le cadre du contrôle budgétaire, sont immédiatement publiés « sans attendre la réunion de l’assemblée délibérante » de la collectivité visée. Sont concernés les cas de retard dans l’adoption ou la transmission du budget primitif ou du compte administratif, de vote en déséquilibre de ceux-ci, de rejet du compte administratif, ou encore de non-inscription de dépenses obligatoires.

5.  La suppression du rapport annexé au projet de loi de finances sur les dépenses et l’état de la dette des collectivités territoriales

L’alinéa 37 supprime l’annexe au projet de loi de finances destinée à présenter la structure et l’évolution des dépenses ainsi que de l’état de la dette des collectivités territoriales. Ce faisant, il met fin à l’obligation pour les collectivités de plus de 50 000 habitants de réaliser un rapport destiné au préfet, en vue de l’établissement de cette annexe.

Bien que l’obligation lui en ait été faite par l’article 108 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, qu’il avait lui-même introduit par voie d’amendement, le Gouvernement n’a jamais remis cette annexe. Le décret en Conseil d’État, qui devait fixer les conditions de dépôt et de publication du rapport réalisé par les collectivités territoriales, n’a pas non plus été publié. Les inspections générales des finances et de l’administration, saisies par leurs ministres de tutelle au début de la législature, avaient en effet estimé dans leur rapport sur la transparence financière des collectivités territoriales que « le dispositif prévu à l’article 108 ne répond[ait] pas aux besoins d’amélioration de la transparence » et préconisé son abrogation.

Les dispositions du présent article, pour partie inspirées par les travaux des corps d’inspection, contribueront plus efficacement à la transparence des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, que la procédure – lourde et inutilement stigmatisante – imaginée en 2011. Toutefois, la Rapporteure pour avis regrette que l’abrogation de l’article 108 aboutisse également à priver la Représentation nationale d’un rapport annuel sur l’état de la dette locale, qui aurait pu contribuer à une meilleure connaissance de l’encours des emprunts structurés souscrits par les collectivités territoriales et, par conséquent, de leur exposition au risque de taux ou de change. Les conséquences des évolutions récentes de la parité entre l’euro et le franc suisse auraient ainsi été mieux anticipées.

C.  POURSUIVRE LA DÉMATÉRIALISATION DES ÉCHANGES ENTRE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES REPRÉSENTANTS DE L’ÉTAT

L’alinéa 35 du présent article impose à l’ensemble des collectivités territoriales et des EPCI de plus de 50 000 habitants de procéder, au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, à la transmission sous forme dématérialisée des documents budgétaires au préfet. Il renvoie au décret le soin de préciser les modalités, notamment techniques, de cette transmission. Ces dispositions ne sont pas codifiées.

Les expérimentations menées, sur la base du volontariat, pour dématérialiser les échanges avec le préfet, mais également avec le comptable public, sont décrites plus longuement dans le commentaire de l’article 30 bis.

D.  OPÉRER DIVERSES COORDINATIONS

Conformément au principe de spécialité législative, les alinéas 13 et 14 rendent expressément applicables à certaines collectivités polynésiennes les règles encadrant la souscription d’emprunts structurés, introduites à l’article L. 1611-3-1 par l’article 32 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, et plusieurs articles du même chapitre du code général des collectivités territoriales posant divers principes généraux.

III. LES MODIFICATIONS INTRODUITES AU SÉNAT

Hormis deux amendements rédactionnels, le présent article a été modifié ponctuellement par la commission des Lois du Sénat, puis en séance publique, tandis que la commission des Finances, saisie pour avis, avait fait sien le texte adopté par les commissaires aux Lois.

À l’initiative de notre collègue rapporteur au fond Jean-Jacques Hyest, la commission des Lois a précisé que la présentation d’un rapport d’observations définitives d’une CRC portant sur un EPCI à fiscalité propre aux maires des communes membres de cet EPCI, lors du plus proche conseil municipal, devait être suivie d’un débat.

En séance publique, le Gouvernement a fait adopter un amendement de suppression d’un alinéa relatif aux modalités d’organisation du DOB. La ministre a expliqué souhaiter que seules les communes de plus de 10 000 habitants soient concernées par la remise d’un rapport préparatoire. Toutefois, ainsi qu’elle l’a elle-même reconnu, il sera nécessaire d’y revenir en cours de navette car cette suppression aboutit à priver le DOB, dans les communes, de toute base légale.

Cet alinéa imposait, par ailleurs, au maire de transmettre ce rapport d’orientations budgétaires à l’EPCI dont la commune est membre. Il n’était toutefois pas précisé à quel moment intervient cette transmission, ni dans quelle mesure les élus communautaires en sont informés.

Soucieuse de ne pas alourdir la procédure budgétaire pour les plus petites collectivités, la Rapporteure pour avis proposera une nouvelle rédaction de cet alinéa.

*

* *

La Commission étudie l’amendement CF43 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’étude relative à l’impact pluriannuel de toute opération d’investissement, prévue à l’article 30 du projet de loi, issu d’une proposition formulée par le rapport de MM. Alain Lambert et Martin Malvy, permettra aux collectivités territoriales de mieux prendre en compte les conséquences de leurs décisions d’investissement. Les coûts induits, notamment en matière de fonctionnement, ne sont en effet pas toujours bien évalués. Toutefois, afin de garantir une application pertinente de cette obligation, il est proposé que le seuil à partir duquel cette étude d’impact est obligatoire soit décliné par strate démographique.

M. Dominique Lefebvre, président. L’impact des décisions d’investissement sur les coûts induits varie selon la taille des collectivités locales ; un faible investissement peut ainsi engendrer des coûts de fonctionnement importants pour une commune de moins de 3 500 habitants.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CF44 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Afin que l’obligation de réaliser une étude relative à l’évaluation de l’impact pluriannuel des opérations d’investissement soit effectivement respectée par les exécutifs locaux – notamment communaux –, il est proposé de conditionner le versement d’une subvention par le département ou la région à son élaboration.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CF46 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Au Sénat, le Gouvernement a fait adopter un amendement de suppression de l’un des alinéas relatifs aux modalités d’organisation du débat d’orientation budgétaire – DOB. La ministre a expliqué souhaiter que les formalités les plus lourdes ne concernent que les communes de plus de 10 000 habitants. Toutefois, comme elle l’a reconnu elle-même, il est nécessaire d’y revenir en cours de navette, car la mesure votée aboutit à priver le DOB, dans les communes, de toute base légale.

Il est proposé de rétablir cet alinéa : le principe d’un rapport est réintroduit pour les communes dès 3 500 habitants, car il permet de structurer le DOB dont la tenue est déjà obligatoire pour les communes de cette taille ; en revanche, l’obligation de transmettre le rapport à l’EPCI est limitée aux seules communes de plus de 10 000 habitants, comme l’avaient souhaité le Gouvernement et le Sénat.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CF45 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement prévoit que le DOB porte à la fois sur la structure et la gestion de la dette, comme le disposait la loi MAPTAM.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 modifié.

*

* *

Article 30 bis
Transmission par voie dématérialisée des pièces justificatives aux comptables publics

Adopté par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de ses rapporteurs Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, le présent article impose la transmission sous forme dématérialisée aux comptables publics des pièces justificatives permettant la prise en charge des mandats de dépenses et des titres de recettes émis par l’ordonnateur.

I. LE DROIT EXISTANT

● Le chantier de la dématérialisation de la chaîne comptable et financière dans le secteur public local a été lancé, sous l’impulsion du pôle national de dématérialisation de la direction générale des finances publiques (DGFiP), avec la signature le 7 décembre 2004 d’une charte partenariale par treize associations nationales représentatives des ordonnateurs concernés, les six administrations centrales de l’État concernées ainsi que les juridictions financières.

Trois principes ont été arrêtés par ce document :

– le respect de la libre administration des collectivités territoriales et établissements publics locaux, en privilégiant une démarche fondée sur le volontariat ;

– une dématérialisation intégrée de bout en bout, afin d’éviter la matérialisation de pièces dématérialisées ;

– une généralisation progressive à partir des résultats obtenus par les organismes pilotes.

Sur cette base, a été adoptée une convention-cadre le 16 décembre 2005, finalement abrogée et remplacée par la convention-cadre unique du 18 janvier 2010. Celle-ci fixe les modalités de la dématérialisation des pièces justifiant les ordres de dépense et de recette des organismes publics locaux émis par les ordonnateurs locaux et transmis à l’application informatique Hélios au moyen du protocole d’échange standard (PES).

Ce protocole, à compter de sa version 2 (PESV2), permettra non seulement de dématérialiser les titres de recettes, les mandats de dépenses ainsi que les bordereaux récapitulant ces mandats et ces titres, mais aussi de dématérialiser la transmission des pièces justificatives quel que soit leur format.

En 2010, on ne dénombrait pas moins de 6 221 accords locaux et formulaires d’adhésion au PES qui ont été signés depuis 2005.

● La question d’une dématérialisation unique de pièces justificatives adressées à la fois aux services préfectoraux, au titre du contrôle de légalité ou du contrôle budgétaire, et aux comptables publics se pose également. À l’heure actuelle, l’accord local de dématérialisation signé avec le comptable public et la chambre régionale des comptes est distinct de la convention de raccordement à l’application ACTES que l’ordonnateur peut signer avec la préfecture pour le contrôle de légalité.

La Rapporteure pour avis souligne pourtant que l’alinéa 31 de l’article 30 du projet de loi généralise la dématérialisation des transmissions de documents budgétaires au préfet, dans un délai de cinq années et pour les seules collectivités de plus de 50 000 habitants. Il apparaîtrait utile de mieux coordonner ce dispositif avec le présent article.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE SÉNAT

Cet article insère un nouvel article L. 1617-6 dans le code général des collectivités territoriales afin de généraliser, dans un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de la présente loi, la dématérialisation de la transmission par les organismes locaux aux comptables publics des « pièces nécessaires à l’exécution de leurs dépenses et de leurs recettes ». Il reprend, ce faisant, au mot près la rédaction de l’article 75 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) (24), qui avait imposé cette dématérialisation pour les seules métropoles, nouvellement créées ou existantes.

IMPACT DE LA DÉMATÉRIALISATION PROPOSÉE

Catégorie

Nombre de
co
llectivités

Potentiel pièces
comptables

Potentiel pièces
ju
stificatives

Total

Conseils régionaux

26

1 461 752

5 970 101

7 431 853

Conseils généraux

102

12 938 780

19 012 702

31 951 482

Collectivités du bloc communal

50 000 hab

357

12 446 617

39 605 150

52 051 767

Collectivités communales de
10 000
à 50 000 hab

1 764

20 361 445

65 702 373

86 063 818

Offices publics de l’habitat
dont
recettes courantes 20 millions d’euros

67

1 471 594

50 368 651

51 840 245

Autres EPL dont les recettes de fonctionnement 20 millions

173

2 739 918

1 895 499

4 635 417

CH et centres hospitaliers régionaux

585

117 354 380

62 259 785

179 614 165

TOTAL

3 074

168 774 486

244 814 261

413 588 747

Source : ministère des Finances et des comptes publics.

Les alinéas 3 à 8 énumèrent donc les organismes concernés, en réservant toutefois le cas des collectivités ou établissements de petite taille ; il s’agit :

– des départements et des régions ;

– de l’ensemble des communes et des EPCI de plus de 10 000 habitants ;

– des offices publics de l’habitat ayant opté pour une comptabilité publique, dès lors que le total de leurs recettes courantes dépasse 20 millions d’euros ;

– des autres établissements publics locaux, notamment les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), dès lors que le total des recettes de leur section de fonctionnement dépasse 20 millions d’euros ;

– et des centres hospitaliers, qui ne constituent plus depuis 2007 des établissements publics locaux, sous la même condition.

Illustration des coûts

La commune de Castelginest (environ 10 000 habitants), en Haute-Garonne, a identifié des coûts directs et indirects liés à son projet de dématérialisation comptable qu’elle a chiffrés globalement à 36 150 euros.

La commune de Meudon (environ 48 000 habitants), dans les Hauts-de-Seine, évalue à 50 000 euros les coûts des logiciels et de la formation nécessaires à son projet de dématérialisation des pièces comptables et justificatives et à 50 000 euros les coûts du matériel, ce coût étant largement mutualisable avec d’autres projets de modernisation au sein de cette collectivité.

La commune de Chatou (environ 30 000 habitants), dans les Yvelines, a reçu de son éditeur de logiciel comptable et financier un devis de 35 000 euros pour l’acquisition et la mise à jour de ces logiciels et la formation des agents à la dématérialisation.

Le conseil général de la Haute-Garonne considérait qu’environ 200 jours hommes (gestionnaires, comptables, suivi projet, informatique, décisionnaires…) avaient été mobilisés dans le cadre de son projet de dématérialisation, ce temps de travail pouvant être valorisé à hauteur de 40 000 euros. Les travaux d’interfaçage entre les différents logiciels informatiques du conseil général et nécessaires à la mise en œuvre de la dématérialisation étaient estimés à 60 000 euros, soit un projet dont le coût est supérieur à 100 000 euros.

Source : ministère des Finances et des comptes publics.

Selon les informations recueillies par la Rapporteure pour avis, il apparaît que pour des organismes publics locaux de 10 000 à 50 000 habitants, le coût complet d’un projet de dématérialisation, c’est-à-dire en y incluant les coûts de conduite du changement, varie de 35 000 à 100 000 euros en moyenne. Le coût d’un projet de dématérialisation doit être estimé entre 100 000 et 200 000 euros pour les organismes publics locaux de plus de 50 000 habitants. Pour l’ensemble des organismes concernés par le présent article, le coût total de mise en œuvre de la dématérialisation des pièces comptables et justificatives peut ainsi être estimé entre 100 et 350 millions d’euros. Ce coût doit toutefois être compensé en quelques années par les gains de productivité attendus.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF25 de M. Jean-Marie Beffara.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il faut laisser du temps aux régions regroupées pour procéder à la dématérialisation de leurs pièces comptables. Les conseils régionaux volontaires se heurtent à de nombreuses complexités, et il convient de ménager un délai supplémentaire de deux ans.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les travaux expérimentaux sont menés depuis dix ans, si bien que l’octroi d’un délai supplémentaire ne s’avère pas nécessaire.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 bis sans modification.

*

* *

Article 31
Rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics

Le présent article institutionnalise la publication annuelle par la Cour des comptes d’un rapport au Gouvernement et au Parlement portant sur la situation financière et la gestion des administrations publiques locales.

Il s’inscrit dans la démarche du titre IV du projet de loi, qui vise à renforcer la transparence financière ainsi que l’information sur les comptes et la gestion des collectivités locales.

I. LE DROIT EXISTANT

1.  La Cour des comptes n’est pas formellement chargée d’élaborer un rapport ciblé sur les finances locales

La liste des rapports publics de la Cour des comptes est définie par le code des juridictions financières (25). L’article L. 143-6 précise que « la Cour des comptes adresse au Président de la République et présente au Parlement un rapport public annuel et des rapports publics thématiques ».

Ces documents ne sont toutefois pas étrangers aux politiques publiques locales. En effet, le code des juridictions financières précise que « les rapports publics de la Cour des comptes portent […] sur les collectivités territoriales, établissements, sociétés, groupements et organismes qui relèvent de la compétence des chambres régionales et territoriales des comptes ». Par ailleurs, l’article L. 143-9 indique bien que « la Cour des comptes informe les communes, les départements et les régions des observations relatives à leur gestion qu’elle envisage d’insérer dans les rapports publics ».

Par exemple, dans son rapport public annuel de février 2013, la Cour des comptes avait choisi de consacré un chapitre à la gestion par la région Bretagne de ses ports de pêche. En 2014, la Cour s’était penchée sur les subventions allouées aux associations par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le département des Bouches-du-Rhône.

Ces exemples précis démontrent que les finances des collectivités ne sont aujourd’hui abordées que sous l’angle de certaines politiques publiques ciblées.

Quant à la mission constitutionnelle d’assistance de la Cour des comptes au Parlement (article 47-2 de la Constitution), elle ne comprend actuellement aucun travail spécifique aux comptes des collectivités locales.

En effet, selon l’article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la Cour publie chaque année :

– un rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État,

– un rapport sur la certification des comptes de l’État ;

– un ou plusieurs rapports sur les ouvertures de crédits par décret d’avance en cours d’exercice ;

– un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Ce travail est complété par deux rapports et un avis relatifs aux comptes de la sécurité sociale, prévus à l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

2.  En pratique, la Cour des comptes publie depuis deux ans un rapport sur les finances publiques locales

Juridiquement, la Cour n’est donc pas tenue de produire une analyse portant sur les collectivités territoriales.

Elle a cependant rendu public le 14 octobre 2014 un rapport sur les finances publiques locales, pour la deuxième année consécutive. Comme l’indique la Cour, il s’agit du fruit d’un travail commun avec les chambres régionales des comptes (sur la base de 136 contrôles de collectivités), visant à analyser la situation financière des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que les enjeux qui s’y attachent.

Après une analyse globale des finances locales, la Cour y détaille l’impact de la baisse des dotations de l’État, l’évolution de la structure financière des régions et la nécessaire rationalisation du bloc communal. Le rapport s’achève par quinze recommandations.

Le présent article 31 viendrait donc généraliser les précédents de 2013 et 2014, qui avaient pris la forme de rapports publics thématiques. Tel est clairement le souhait de la Cour des comptes. Lors de son audition par la commission des Lois du Sénat, le Premier président de la Cour avait en effet déclaré qu’« inscrire ce rapport dans la loi va dans le bon sens. Les juridictions financières y trouveront un réel intérêt, et la Cour et les chambres régionales pourront travailler en complémentarité. »

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

1.  La création d’un article L. 132-7 au sein du code des juridictions financières

Le présent article vise à insérer au sein du code des juridictions financières un nouvel article L. 132-7 posant le principe de l’établissement par la Cour des comptes d’un nouveau rapport annuel portant sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Son positionnement au sein du chapitre relatif aux relations de la Cour des comptes avec le Parlement et le Gouvernement est significatif. Il s’agit de faire figurer parmi les plus importantes publications de la Cour une thématique entièrement consacrée aux collectivités locales. À l’heure actuelle, l’article L. 132-2 évoquait bien les collectivités, mais sous le prisme étatique de subventions exceptionnelles accordées aux communes (26).

La question du champ du rapport n’est pas sans importance. Le texte mentionne ainsi « la gestion » des collectivités et de leurs établissements publics. La Rapporteure pour avis se félicite qu’un large périmètre ait été retenu, dépassant les stricts aspects financiers et comptables. Comme l’a affirmé M. Didier Migaud, évoquant le dernier rapport de la Cour sur les finances locales, ces rapports n’ont aucunement pour but de stigmatiser les élus locaux ou leur gestion. Par ailleurs, cette extension est cohérente avec l’élargissement du champ de l’observatoire des finances locales.

L’étude d’impact précise qu’un décret sera nécessaire afin de préciser les modalités de présentation du rapport.

2.  Les modifications apportées par le Sénat au projet de loi initial

L’article 31 du projet de loi initial comportait deux alinéas. La commission des Lois du Sénat a opéré deux modifications :

– elle a supprimé la dernière phrase du premier alinéa, qui prévoyait la présentation du nouveau rapport par le Premier président devant le Comité des finances locales (CFL) ;

– elle a supprimé le second alinéa, qui prévoyait la présentation du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques (27) par le Premier président, devant le CFL.

Le Sénat a en effet jugé inutile cette double présentation : le CFL est libre d’inscrire à son ordre du jour une audition du premier président de la Cour – ce qu’il a d’ailleurs fait le 21 janvier 2014 ainsi que le 13 novembre 2014. Il a également estimé curieux d’« institutionnaliser un tête-à-tête entre deux instances chargées, chacune à leur façon, d’éclairer le Parlement et le Gouvernement ».

La Rapporteure pour avis souscrit entièrement à cette analyse.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION

L’utilité d’un rapport annuel de la Cour des comptes est incontestable.

Dans son dernier rapport sur le sujet, la Cour rappelle que les dépenses des administrations publiques locales représentent 21 % de la dépense publique (soit 252 milliards d’euros en 2013) et 9,5 % de la dette. Le « bloc communal » concentre plus de la moitié des dépenses des collectivités territoriales (56 %). Les dépenses des collectivités locales sont la troisième composante de la dépense publique après la sécurité sociale (47 %) et l’État (32 %) (28).

Les collectivités territoriales ont par ailleurs vocation à prendre leur part des efforts de redressement des comptes publics entrepris dans le cadre des engagements européens de la France. La loi organique du 17 décembre 2012, qui a fixé le cadre juridique général de la programmation et de la gouvernance des finances publiques, concerne tout autant l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales.

Il convient de rappeler que le Gouvernement a prévu 50 milliards d’euros d’économies pour la période 2015-2017, dont 11 milliards d’euros dépendent des administrations locales.

Ce nouveau rapport, dont le principe figurait déjà dans le projet de loi développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale (29), permettra d’apporter une vision complète des finances publiques dans toutes leurs composantes.

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* *

La Commission étudie l’amendement CF40 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’article 31 enjoint à la Cour des comptes d’établir chaque année un rapport, remis au Gouvernement et au Parlement, sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Cela est inutile, puisque l’article L. 1211-4 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà la remise d’un rapport sur la situation financière des collectivités locales par le Comité des finances locales – CFL.

Mme la rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable à cet amendement, car il propose de supprimer un article qui ne fait pourtant que consacrer l’existence d’une publication instaurée il y a deux ans. La Cour des comptes a en effet présenté des rapports thématiques sur les finances publiques locales en octobre 2013 et 2014. Lors de son audition au Sénat, le Premier président de la Cour des comptes s’est félicité de cette reconnaissance législative.

Ce rapport n’est pas redondant avec celui du CFL, car les sources divergent : la Cour s’appuie sur les CRC quand le CFL fait appel aux ressources des ministères. En outre, les champs ne se recoupent pas totalement. Ce rapport n’est pas inutile et il y a lieu de l’inscrire dans la loi.

M. Charles de Courson. Les rapports thématiques sont rédigés à l’initiative de la Cour, alors que le rapport prévu par l’article 31 sera obligatoire chaque année. Les sources sont les mêmes, car les comptes proviennent du CFL.

Mme la rapporteure pour avis. Les finances locales représentent le seul domaine des finances publiques à ne pas faire l’objet d’un rapport annuel spécifique obligatoire de la part de la Cour des comptes. La dette locale compte pour près de 10 % de la dette publique française et constitue donc un enjeu qui mérite la rédaction d’un rapport annuel. La publication de ce rapport s’avérera donc utile.

M. Dominique Lefebvre, président. La Cour des comptes présente un rapport public annuel en février et celui de cette année comprend un passage sur la situation générale des finances publiques. Au printemps, nous prenons connaissance du rapport sur l’exécution du budget de l’État et sur la certification des comptes de l’État. Il existe, par ailleurs, une procédure de certification des comptes des organismes sociaux. En juin, le rapport sur la situation des finances publiques comprend un volet sur les collectivités locales. Enfin, un rapport préalable au dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous est également transmis.

On ne peut pas considérer qu’un rapport du CFL ait les mêmes objets, portée et contenu qu’un rapport annuel rédigé par un organisme indépendant comme la Cour des comptes. À l’automne dernier, nous avons adopté des dispositions en loi de programmation des finances publiques fixant des objectifs d’évolution de la dépense locale, et un rapport de la Cour s’avérera utile pour analyser la trajectoire de ces dépenses. Il convient donc de maintenir l’article 31.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 sans modification.

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Article 32
Expérimentation de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales

Le présent article vise à instaurer, sur la base du volontariat, une expérimentation conduite par la Cour des comptes portant sur le contrôle des comptes des collectivités et de leurs groupements dont les produits de fonctionnement excèdent 200 millions d’euros.

Il s’insère dans le cadre des deux dispositions constitutionnelles suivantes :

– d’une part l’article 37-1, selon lequel « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental » ;

– d’autre part le second alinéa de l’article 47-2, qui dispose depuis la révision constitutionnelle de 2008 que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »

I. L’EXTENSION PROGRESSIVE DU DISPOSITIF DE CERTIFICATION DES COMPTES DES PERSONNES PUBLIQUES

Le mouvement de certification des organisations publiques est en marche depuis plusieurs années.

Les comptes de l’État font l’objet d’une certification de la part de la Cour des comptes depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, qui dispose dans son article 27 que « les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».

De même, la LOLFSS (30) a prévu la certification des comptes de la sécurité sociale par la Cour des comptes.

L’obligation de certification a été étendue en 2006 à la Caisse des dépôts et consignations.

La loi « HPST » de 2009 (31), tout comme celle relative à l’autonomie des universités de 2007 (32), ont assujetti respectivement les établissements publics de santé et les universités à cette même obligation.

Enfin, il convient de rappeler que les comptes de l’Assemblée nationale et du Sénat sont certifiés par la Cour des comptes depuis l’exercice 2013 suite à la signature de deux conventions en juillet 2013.

Selon les chiffres du comité national de la fonction publique territoriale, sur environ 93 000 administrations publiques, un peu moins de 900 administrations seraient actuellement soumises à certification.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

1.  Un dispositif expérimental à durée limitée conduit (33) par la Cour des comptes

L’alinéa 1 encadre strictement cette expérimentation : elle ne serait ouverte que pour une durée de cinq ans commençant trois ans après la publication de la présente loi. Elle s’achèverait donc huit ans après l’entrée vigueur de la loi.

Le délai de trois ans avant la mise en œuvre de l’expérimentation est justifié par la nécessité d’adopter un référentiel de normes comptables ou de développer le contrôle interne au préalable.

De nombreuses questions devront être réglées afin de rendre le dispositif opérationnel. Sur quel modèle de certification se fonder ? Quels seront les objectifs assignés à cette démarche ? Quels comptes feront-ils l’objet de l’expérimentation ? Quels organismes seront-ils chargés de mener la certification ?

L’alinéa 2 précise que les collectivités territoriales peuvent se porter candidates à cette expérimentation auprès du ministre chargé des collectivités territoriales, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du texte. Le ministre chargé des collectivités territoriales et celui chargé des comptes publics se prononcent sur les candidatures, après avoir pris l’avis du Premier président de la Cour des comptes.

La mise en œuvre concrète de l’expérimentation ferait l’objet d’une convention conclue entre le Premier président de la Cour des comptes et l’exécutif de la collectivité territoriale participant à l’expérimentation, après avis du ministre chargé des collectivités territoriales et de celui chargé des comptes publics.

Le Gouvernement a donc choisi de faire appel au conventionnement pour définir une partie des modalités pratiques de mise en œuvre.

Le choix adopté par la loi « HPST » était de renvoyer en totalité au pouvoir réglementaire le soin de préciser le dispositif. Les retards pris dans la parution des décrets (34) ont montré les faiblesses de ce renvoi au règlement.

L’étude d’impact précise toutefois qu’un décret en Conseil d’État sera nécessaire, afin de fixer les lignes directrices du dispositif.

Il convient de souligner que le Conseil constitutionnel avait censuré, dans sa décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, la précision selon laquelle les modalités de la certification des comptes des hôpitaux publics seraient « coordonnées » par la Cour des comptes, estimant qu’ « en conférant à la Cour des comptes le pouvoir de coordonner les modalités des certifications par les commissaires aux comptes, sans fixer l’étendue et les limites de ce pouvoir, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ».

La convention prévue par l’alinéa 3 aurait pour objet de définir les modalités de mise en œuvre de préciser les moyens en crédits ou en personnels qui l’accompagnent, ainsi que les normes comptables applicables.

Les aspects financiers sont ici fondamentaux. Devra-t-il être envisagé de procéder à des recrutements complémentaires et à la formation des magistrats, des experts et des attachés, chargés de cette mission, au sein des juridictions financières ?

En effet, si la certification était confiée aux CRC, à effectifs constants, les juridictions seraient dans l’impossibilité d’assurer cette nouvelle mission sans que cela ne se fasse au détriment de leurs autres compétences.

Compte tenu de la durée effective de l’expérimentation – cinq ans –, l’alinéa 4 prévoit que celle-ci ferait l’objet d’un bilan intermédiaire après trois ans. Ensuite, elle ferait l’objet d’un bilan définitif, au terme de la période totale de huit ans.

Ces bilans prendraient la forme d’un rapport du Gouvernement remis au Parlement, qui comporterait les observations des collectivités territoriales concernées et de la Cour des comptes.

2.  Un objet restreint

La Rapporteure pour avis souscrit au caractère restreint de l’expérimentation. Sur ce point, le rapport de la Cour des comptes sur la qualité des comptes des administrations publiques de l’exercice 2012 mentionnait que « le cas du secteur public local illustre bien la difficulté d’une généralisation indifférenciée de la certification à plus de 110 000 entités de tailles très diverses et montre, au contraire, l’intérêt d’une démarche progressive et expérimentale qui concernerait les collectivités les plus importantes, démarche que la Cour appelle de ses vœux ».

Ainsi, seules les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont les produits de fonctionnement excèdent 200 millions d’euros en 2014 pourront se porter volontaires. La Rapporteure pour avis s’interroge sur l’opportunité d’adopter un périmètre élargi aux « satellites » (sociétés d’économie mixte locales, sociétés publiques locales, services départementaux d’incendie et de secours, régies ou associations) et structures intercommunales, périmètre sans doute plus opérant que celui limité à la seule collectivité.

Selon le rapport de la commission des Lois du Sénat, 200 collectivités pourraient être concernées. L’étude d’impact ne précise pas ce point, ni d’ailleurs les critères sur lesquels les collectivités volontaires seront finalement retenues.

III. L’ENJEU DE LA CERTIFICATION DES COMPTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

L’idée de la certification des comptes des collectivités locales a déjà été portée dans le débat public à de nombreuses occasions.

L’article 12 du projet de loi portant réforme des juridictions financières (35) prévoyait en effet l’expérimentation légale de certification des comptes des collectivités locales.

La loi de finances rectificative pour 2011 (36), a introduit dans le code des juridictions financières un article L. 111-3-1 A selon lequel la Cour des comptes « s’assure que les comptes des administrations publiques sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière soit en certifiant elle-même les comptes, soit en rendant compte au Parlement de la qualité des comptes des administrations publiques dont elle n’assure pas la certification ». Ce dispositif a constitué une première étape importante vers la certification et la transparence des comptes de l’ensemble des administrations publiques.

Le 2 juillet 2014, une proposition de loi (n° 2083) de M. Pierre Morel-À-L’Huissier visant à instituer une procédure de certification des comptes des collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale (37).

L’actuelle majorité poursuit un objectif similaire. Dans un discours qu’il avait prononcé le 7 septembre 2012 à l’occasion d’une séance solennelle à la Cour des comptes, le Président de la République avait fait part de son intérêt pour cette démarche.

L’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales figure ainsi, à l’article 20 du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, déposé par le Gouvernement au Sénat le 10 avril 2013 (38).

L’article 32 du présent texte en reprend exactement la teneur.

Vis-à-vis des autres parties prenantes (citoyens, Union européenne, établissements bancaires, entreprises…), cette mesure permet d’assurer une information financière fiable et normalisée et d’obtenir une garantie de qualité de la tenue des comptes publics.

Pour certains professionnels du secteur de l’audit, même s’ils possèdent un intérêt réel dans cette évolution, il s’agit d’une véritable question de modernisation pour le secteur public local (39).

D’autres estiment au contraire la certification des comptes inutiles. Le rapport de notre collègue Jean-Luc Warsmann sur le projet de loi précité portant réforme des juridictions financières, rappelle en effet que lors des auditions menées beaucoup « ont fait valoir que la certification des comptes présenterait un intérêt limité pour les collectivités territoriales. En effet, celles recourant à des émissions de type obligataire font d’ores et déjà certifier leurs comptes afin de pouvoir bénéficier des meilleures conditions du marché. Surtout, le processus de certification des comptes paraît extrêmement lourd tant pour les juridictions financières que pour les collectivités certifiées. »

La Rapporteure pour avis n’est pas opposée à la mesure proposée. L’amélioration de la fiabilité des comptes ne peut être qu’un atout pour les collectivités. Elle estime cependant qu’il faudra être particulièrement attentif aux différents rapports d’évaluation de l’expérimentation, et ne pas hésiter à refuser la généralisation du système si celui-ci devait s’avérer en pratique superfétatoire, trop coûteux ou encore trop complexe.

Elle souhaite également rappeler que la certification des comptes ne doit pas être assimilée à un certificat de bonne gestion des deniers publics. Le contrôle opéré par les chambres régionales des comptes conserve tout son intérêt. L’opinion émise par un certificateur n’est ni un avis sur la probité du producteur des comptes, ni un certificat de bonne gestion des fonds publics. Elle signifie seulement que les états financiers présentés par l’entité ne comportent pas d’anomalie suffisamment significative pour pouvoir induire le lecteur en erreur sur la situation patrimoniale et financière de l’entité.

Enfin, comme l’a rappelé M. Migaud lors de son audition par la commission des Finances du Sénat, la certification entre dans le champ concurrentiel selon le droit européen. Il conviendra donc de clarifier au plus vite les modalités et les acteurs de cette expérimentation.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 sans modification.

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Chapitre II
Responsabilité financière

Article 33 (Supprimé)
Possibilité d’action récursoire de l’État contre les collectivités territoriales en cas de condamnation pour manquement par la Cour de justice de l’Union européenne

M. Dominique Lefebvre, président. L’article 33 a été supprimé par le Sénat. Je ne suis saisi d’aucun amendement visant à le rétablir.

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Chapitre III
Observatoire de la gestion publique locale

Article 34
Observatoire des finances et de la gestion publique locale

Le présent article a pour objet d’élargir les missions de l’observatoire des finances locales, qui devient l’observatoire des finances et de la gestion publique locale (40).

I. LA SITUATION ACTUELLE

Aux termes de l’article L. 1211-4 du code général des collectivités territoriales, le Comité des finances locales (CFL), organisme national chargé notamment du contrôle de la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF), peut instituer une formation spécialisée pour l’exercice des missions suivantes :

– assurer l’information du Gouvernement et du Parlement dans le cadre de l’élaboration des dispositions du projet de loi de finances intéressant les collectivités locales ;

– établir annuellement un rapport sur la situation financière des collectivités locales ;

– réaliser dans un cadre pluriannuel des études à destination du Gouvernement relatives aux facteurs d’évolutions de la dépense locale.

Cette formation spécialisée, dénommée observatoire des finances locales (OFL), dresse depuis vingt ans un état des lieux des finances locales, avec pour objectif principal de nourrir et d’éclairer le débat entre les parties prenantes. Il est présidé par le président du CFL, qui en désigne les membres. Ses principales sources d’informations sont issues de la direction générale des finances publiques, de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et de la direction générale des collectivités locales.

L’observatoire des finances locales n’est pas la seule émanation du CFL. Depuis 2004 (41), la commission consultative sur l’évaluation des charges en constitue une formation restreinte, chargée de l’évaluation et du contrôle des compensations financières allouées en contrepartie des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales et des extensions et créations de compétences impactant les collectivités territoriales.

Les frais de fonctionnement du CFL et les charges liées au coût des travaux qui lui sont nécessaires sont couverts par une fraction de la DGF ouverte par la loi de finances de l’année (42).

La qualité des travaux de l’OFL est reconnue, et ses publications font chaque année l’objet de commentaires nourris. Cependant, plusieurs rapports ont récemment mis en exergue les imperfections du dialogue entre l’État et les collectivités locales, et ce malgré la multiplication des instances de concertation (43).

Le rapport des sénateurs Jacqueline Gourault et Didier Guillaume (44) a notamment déploré l’absence de connaissance partagée entre l’État et les collectivités sur les politiques décentralisées, les ministères manquant d’informations actualisées en particulier sur la gestion de ces politiques.

Par ailleurs, au printemps 2010, le Président de la République avait notamment confié à notre collègue Gilles Carrez la responsabilité d’un groupe de travail pour réaliser un diagnostic sur l’évolution de la dépense locale et de faire des propositions afin de mieux contenir cette dépense. Ces travaux ont également conclu à la nécessité d’instaurer un partenariat renouvelé entre l’État et les collectivités locales pour la définition et la gestion de leurs responsabilités partagées (45).

Le dispositif proposé vient apporter une réponse à ces préoccupations.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article 34 vise à mettre en place un dispositif permettant de « collecter les données utiles, de les centraliser, de construire, sur cette base, des référentiels de coûts des principaux services publics locaux et de les rendre publics afin de permettre leur exploitation par les collectivités territoriales, les citoyens et les tiers » (46).

Pour ce faire, l’OFL changerait d’appellation pour devenir l’observatoire des finances et de la gestion publique locale. Cette modification transcrit l’extension du rôle de l’OFL aux missions suivantes :

– la collecte, l’analyse et la mise à jour des informations relatives à l’exercice d’une politique publique locale ;

– la diffusion des bonnes pratiques en matière de gestion locale ;

– l’évaluation de politiques publiques locales.

Pour ce faire, il est précisé que l’observatoire pourra bénéficier du concours de fonctionnaires territoriaux et d’État, ainsi que de toute personne pouvant éclairer ses travaux.

Alors que le projet de loi initial faisait porter la mission de collecte et d’analyse sur la gestion publique locale, la commission des Finances du Sénat a souhaité faire porter cette compétence sur « l’exercice d’une politique publique locale », ce qui est sensiblement différent, et beaucoup plus ciblé. De façon concomitante, la possibilité de réaliser « des missions d’expertise et d’audit » a été supprimée.

La Rapporteure pour avis estime que cette réduction du champ d’intervention de l’OFL rénové est contraire à la volonté du Gouvernement. En effet, c’est bien en matière de gestion publique locale qu’une connaissance partagée est nécessaire, et que la qualité du dialogue entre l’État et les collectivités locales doit progresser. La modification de la dénomination de l’observatoire s’en trouverait par ailleurs privée de sens.

Afin de ne pas faire perdre à l’article 34 du présent projet de loi sa portée, la Rapporteure propose donc de rétablir l’alinéa 3 tel que proposé par le projet de loi initial.

En revanche, les nouvelles missions d’audit et d’expertise attribuées à l’observatoire par le projet de loi initial semblent inopportunes au regard du renforcement du contrôle et de la transparence financière des collectivités que le texte propose par ailleurs. La Rapporteure pour avis souscrit donc à leur suppression par la commission des Finances du Sénat.

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La Commission est saisie de l’amendement CF51 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le présent amendement a pour objet de revenir à la rédaction initiale de l’alinéa 3 de l’article 34. La commission des Lois du Sénat a en effet réduit les missions du nouvel observatoire des finances et de la gestion publique locale à la collecte des données et des statistiques portant sur « l’exercice d’une politique publique locale ». Il semble pertinent de conserver la référence plus large à la « gestion publique locale », qui correspond à la raison d’être de cette nouvelle instance.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 modifié.

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Article additionnel après l’article 34
Possibilité pour les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale de lui transférer la charge du versement de leurs contributions au budget du service départemental d’incendie et de secours

La Commission examine les amendements CF13 de M. Charles de Courson et CF52 de la rapporteure pour avis, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Charles de Courson. J’avais présenté cet amendement lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014, mais on m’avait expliqué qu’il n’était pas recevable et qu’il devait être déposé pour l’examen du présent projet de loi.

En application de l’article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, contribuent au budget des services départementaux d’incendie et de secours – SDIS –, outre les communes et les départements, les seuls EPCI qui étaient compétents en matière d’incendie et de secours à la date de promulgation de la loi du 3 mai 1996, ou ceux qui résultent de la transformation d’un autre EPCI à fiscalité propre qui détenait la même compétence à la même date.

Ainsi, une communauté de communes qui ne résulte pas de la transformation d’un autre EPCI à fiscalité propre et qui disposait de la compétence en matière d’incendie et de secours, ne peut bénéficier de cette compétence dans la mesure où celle-ci appartient désormais au SDIS et non plus aux communes. Or, les compétences exercées par une communauté de communes, outre celles prévues à l’article L. 5214-16 du même code, ne peuvent résulter que d’un transfert des communes membres. Depuis la loi de départementalisation du 3 mai 1996, les communes n’ont plus qu’une obligation de versement de la contribution due au budget du SDIS ; elles participent en outre à la gestion de l’établissement public par le biais de leurs représentants au conseil d’administration du SDIS.

Dans ces conditions, l’article L. 1424-35 ne permet pas à une communauté de communes de verser une contribution au SDIS en remplacement de ses communes membres. La rédaction actuelle de cet article L. 1424-35 s’avère obsolète au regard des textes entendant achever la carte intercommunale avec la création de nouveaux EPCI se substituant, au fur et à mesure, aux établissements publics compétents en matière d’incendie et de secours à la date de promulgation de la loi du 3 mai 1996. Ainsi est-il désormais nécessaire d’autoriser tous les EPCI à fiscalité propre à se substituer à leurs communes membres pour le versement de leurs contributions au budget du SDIS.

J’ai déposé cet amendement, car une jurisprudence stricte de l’application du code en la matière a conduit des communautés de communes, qui s’acquittaient des contributions, à demander à leurs communes membres de les payer à leur place, quitte à les subventionner à due concurrence. Il convient de permettre aux communautés de communes ayant hérité de la compétence en matière d’incendie et de secours d’alimenter directement le budget du SDIS.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur de Courson, si l’EPCI prend en charge la contribution des communes, y aura-t-il une compensation versée par l’EPCI à la commune ou un transfert de charges de la commune vers l’EPCI ?

M. Charles de Courson. Une situation de fait s’est créée, car beaucoup de communautés de communes ont versé cette contribution. Le contrôle de légalité était resté silencieux, mais des contentieux ont exigé des communes qu’elles s’acquittent à nouveau d’une charge à laquelle elles ne peuvent faire face.

Mme la rapporteure pour avis. Si cet amendement est voté, le transfert à l’EPCI entraînera une diminution de l’attribution de compensation à due concurrence.

M. Charles de Courson. C’est aux communes de trancher ce point.

Mme la rapporteure pour avis. M. le président se demandait si votre amendement conduirait à une augmentation de la dépense publique globale.

M. Charles de Courson. Absolument pas. Le problème se pose pour les communautés de communes qui assumaient, illégalement selon l’interprétation juridique des textes, la charge financière, ainsi que pour celles qui ne contribuaient pas et qui voudraient éventuellement transférer cette responsabilité ; cela sera possible, mais les collectivités devront discuter du transfert.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement est d’autant plus pertinent que la question avait été posée à de nombreuses reprises et qu’aucune réponse satisfaisante n’a été apportée. Dans les faits, de nombreux EPCI versent cette contribution en lieu et place des communes, ce que la juridiction administrative peut annuler.

Néanmoins, je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur de Courson, au profit du mien, qui poursuit le même objectif tout me paraissant mieux rédigé. Le vôtre ne modifie pas les dispositions sur lesquelles la juridiction administrative s’est appuyée pour invalider les versements effectués par les EPCI et il est peu probable qu’elle change sa jurisprudence en cas de nouveaux recours. L’amendement CF52 exclut ces versements de la catégorie des dépenses obligatoires des communes, afin d’assurer la sécurité juridique du dispositif.

M. Jean Launay. J’ai créé une communauté de communes dans le Lot dès 1993 et nous l’avons très rapidement dotée de la compétence en matière d’incendie et de secours pour dégager un équilibre entre le bloc communal et le département. Plus tard, l’État a souhaité que cette compétence revienne aux communes et que ces dernières reprennent les versements directs au SDIS, afin de diminuer le CIF et, donc, la DGF.

Mme la rapporteure pour avis. L’objet de mon amendement ne concerne pas le sujet que vous évoquez, monsieur Launay. À l’échelle d’un territoire, il s’avère difficile d’expliquer aux élus que certains paieront 10 euros par habitant pour assurer la sécurité, quand les habitants de la commune voisine devront s’acquitter de 38 euros pour le même service ; si l’EPCI exerce la compétence, le système gagnera en cohérence.

M. Jean-Louis Gagnaire. L’harmonisation permise par le transfert aux EPCI sera en effet bénéfique, car elle réglera tous les problèmes frontaliers entre communes et entre maires. Lors de la création des SDIS, il aurait sans doute été préférable d’octroyer l’ensemble de la compétence en matière d’incendie et de secours aux départements.

M. Charles de Courson. Je suis prêt à retirer mon amendement et à me rallier à celui que vous avez déposé, madame la rapporteure pour avis. Vous citez, dans votre exposé sommaire, l’arrêt du Conseil d’État à l’origine du problème. Datant du 22 mai 2013, l’un de ses attendus explique ceci : « La contribution d’une commune au budget du service départemental d’incendie et de secours, qui constitue une dépense obligatoire pour elle, ne saurait, lorsque cette commune est membre d’un établissement public de coopération intercommunal, faire l’objet d’un transfert à cet établissement dans les conditions prévues par l’article L. 5211-17 du même code. » Les préfets ont reçu l’instruction de veiller au respect de la jurisprudence du Conseil d’État, ce qui provoque des conflits entre les communes et leur EPCI.

M. Alain Rodet. Je ne suis pas certain que cet amendement clarifie la situation et la rende plus équitable entre les communes qui ont un centre de secours, celles qui n’en disposent pas, celles qui ont consenti un effort d’accompagnement et celles qui s’y sont refusées.

L’amendement CF13 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CF52.

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Après l’article 34

La Commission en vient à l’amendement CF41 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Une réforme territoriale vise à fusionner et à réorganiser les compétences, et à définir un périmètre pour les collectivités ; or, le projet de loi ne contenant aucun élément financier, cette réforme semble déjà condamnée. Deux tiers des départements se trouveront en déficit de fonctionnement dès l’année prochaine et la situation financière des régions n’apparaît guère plus reluisante.

Cet amendement de réflexion vise donc à doter les collectivités territoriales d’une part du produit de la contribution sociale généralisée – CSG –, seul impôt moderne pouvant être adapté à une réforme territoriale. On ne peut utiliser ni la TVA ni les impôts sur l’énergie, par respect du droit de l’Union européenne, pas plus que l’impôt sur le revenu, compte tenu de son état dans notre pays. La CSG permettrait d’établir un système de péréquation assurant l’égalité par rapport au revenu moyen par tête.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement d’appel, monsieur de Courson, pour lequel j’émets un avis défavorable. Votre idée n’est pas nouvelle, puisqu’un rapport du Sénat de 2010 l’évoquait déjà et que l’Assemblée des départements de France réclame le produit d’une part de la CSG pour financer les allocations individuelles de solidarité.

Néanmoins, un tel basculement ne serait pas neutre et le produit de la fiscalité du tabac risquerait de ne pas suffire à le gager. Cet amendement ne précise pas comment les pertes de recettes des organismes bénéficiant actuellement de la CSG (les branches famille et maladie, le Fonds de solidarité vieillesse, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA) seront comblées.

Votre amendement soulève enfin une question de conformité à la Constitution, car la CSG entre dans la catégorie des impositions de toute nature au sens de l’article 34 de la Constitution : seul le législateur peut donc en fixer le taux et aucune autre autorité ne peut le moduler, contrairement à ce que vous exposez dans la présentation de votre amendement. Je vous demande donc de le retirer.

M. Charles de Courson. Je maintiens mon amendement, dont l’objectif est d’ouvrir la réflexion. Je serine depuis quinze ans que la CSG constitue le seul impôt moderne et adapté au financement des grandes collectivités territoriales. La modulation du taux serait bien entendu encadrée, et le produit de cet impôt permettrait de financer les allocations individuelles de solidarité et de diminuer la DGF à due concurrence, si bien que l’effet sur les finances publiques serait neutre ; cependant, cela assurerait une dynamique dans le temps en fonction de l’évolution du revenu et grâce à un système de péréquation fondé sur l’assiette moyenne par tête.

La Commission rejette l’amendement.

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TITRE VI
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 37
Modalités de compensation financière des transferts de compétences

Le présent article rappelle les principes de la compensation financière des transferts de compétences applicables au présent projet de loi.

I. LE DROIT EXISTANT

Depuis les premières lois de décentralisation, la compensation des transferts de compétences est régie par le principe de neutralité budgétaire : les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent ainsi s’accompagner de l’attribution de ressources équivalentes aux dépenses affectées, à la date du transfert, par l’État à l’exercice des compétences transférées (principe du « coût historique »).

Ce principe a été repris à l’article 72-2 de la Constitution, qui dispose que « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». Ce principe constitutionnel n’impose toutefois pas une compensation exacte et réévaluée dans le temps en fonction du coût d’exercice des charges transférées, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003 et n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003.

La compensation financière obéit ainsi à cinq impératifs :

– elle est intégrale, c’est-à-dire que les ressources transférées doivent être équivalentes aux dépenses effectuées par l’État au titre des compétences transférées (47) ;

– elle est concomitante : tout accroissement de charges résultant des transferts de compétences doit être accompagné du transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice de ces compétences (48) ;

– elle est garantie, que la compensation s’opère par le versement d’une dotation ou par le transfert de fiscalité ;

– elle est contrôlée puisque le montant des accroissements de charges résultant des transferts de compétences est constaté par arrêté interministériel, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC).

– enfin, elle doit être conforme à l’objectif d’autonomie financière inscrit au troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution ; ainsi, l’article 119 de la loi du 13 août 2004 et l’article 91 de la loi du 27 janvier 2014 prévoient que la compensation financière s’opère, à titre principal, par l’attribution d’impositions de toute nature.

En pratique, les transferts de compétences sont donc majoritairement financés par des transferts de fiscalité. Ceux résultant de la loi du 13 août 2004 sont notamment compensés aux régions métropolitaines sous forme de TICPE (3,227 milliards d’euros inscrits en loi de finances initiale (LFI) pour 2014) et aux départements sous forme de taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), et de TICPE depuis 2008 (2,821 milliards d’euros inscrits en LFI 2014). Le transfert aux départements du RMI est compensé sous forme de TICPE également (4,94 milliards d’euros) et il en va de même pour la généralisation du RSA depuis le 1er juin 2009 (compensation annuelle de 919,25 millions d’euros pour les départements).

II. LE DROIT PROPOSÉ

Cet article reprend, pour l’essentiel, les principes traditionnels encadrant le financement des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales, selon les modalités décrites précédemment.

Les alinéas 1 à 6 (I du présent article) prévoient que la compensation financière des transferts de compétences inscrits dans ce projet de loi doit s’effectuer au coût historique d’exercice par l’État des compétences transférées. Les droits à compensation seront évalués, conformément aux alinéas 4 et 5, sur la base de moyennes actualisées consacrées par l’État, qui s’élèveront à trois ans maximum pour les dépenses de fonctionnement et de cinq ans minimum pour celles d’investissement.

En application des alinéas 7 à 13 (II), la compensation financière de ces transferts de compétences s’opérera, à titre principal, par l’attribution d’impositions de toute nature, dans les conditions fixées par une loi de finances. Une garantie est instituée, par l’alinéa 12, en cas de baisse des compensations liée à une diminution des recettes fiscales. Les alinéas 11 et 13 prévoient, par ailleurs, des modalités de compensation financière dérogatoires pour les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives – les CREPS – nouvellement décentralisés.

Les alinéas 14 à 16 (III) organisent le financement des opérations inscrites dans les contrats de plan État-régions pour la période 2007-2013 et relevant de compétences transférées, qui est assuré par l’État et les collectivités territoriales. Le dispositif distingue entre :

– les opérations engagées antérieurement à la promulgation de la présente loi : dans ce cas, les sommes versées par l’État sont déduites du montant annuel de la compensation financière pour le transfert de compétences ;

– les opérations engagées postérieurement à la promulgation de la présente loi et relevant d’une compétence transférée à une collectivité territoriale, qui seront financées par ces dernières.

L’alinéa 17 (IV) prévoit que les compensations des extensions ou créations des compétences seront soumises aux règles prévues par le droit commun. La Rapporteure pour avis rappelle que, en la matière, il n’y a aucune obligation de compensation intégrale des charges. Le législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation sur le montant des financements attribués aux collectivités territoriales, sous réserve de ne pas dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales (décisions du Conseil constitutionnel n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005 et n° 2011-144 QPC relative à la prestation de compensation du handicap, PCH).

Les alinéas 18 à 33 (V) reprennent les règles de droit commun relatives à la compensation des transferts de compétences entre les collectivités territoriales, en particulier entre les départements et les régions ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ils prévoient la mise en place d’une commission locale pour l’évaluation des charges et des ressources transférées, composée paritairement de quatre représentants du conseil général et de quatre représentants de la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert de compétences. Elle est présidée par le président de la chambre régionale des comptes territorialement compétente.

Cette commission sera consultée sur l’évaluation préalable des charges correspondant aux compétences transférées ainsi que sur les modalités de compensation. Les charges transférées devront être équivalentes aux dépenses consacrées par la collectivité départementale à la date du transfert, éventuellement diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts.

L’alinéa 35 (VII) définit des dispositions similaires en cas de transferts de compétences entre communes et régions que celles définies précédemment.

L’alinéa 36 (VIII) précise que les contrats conclus par les régions avant l’entrée en vigueur du présent projet de loi se poursuivent jusqu’à leur terme dans les conditions prévues lors de leur conclusion tandis que l’alinéa 37 (IX) ouvre aux départements la faculté de conserver leurs participations dans le capital d’établissements de crédit destinés à garantir les concours financiers accordés à des entreprises privées (comme la Banque publique d’investissement, BPI).

Enfin, les alinéas 38 à 44 (X) imposent la gratuité des transferts des biens dans le cadre de la constitution des nouvelles régions et prévoient la continuité des actes juridiques entre les anciennes régions et la nouvelle région. Ils définissent également les modalités de fonctionnement budgétaires pour la période précédant l’adoption, par la nouvelle région, de son budget.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Outre des amendements rédactionnels, le Sénat a adopté plusieurs modifications au présent article, tant en commission qu’en séance publique.

Puisqu’elle avait remis en cause le transfert des routes départementales aux régions, prévu initialement par l’article 9 du projet de loi, la commission des Lois du Sénat a adopté deux amendements de son rapporteur Jean-Jacques Hyest et de notre collègue Louis Nègre pour en tirer les conséquences au présent article, en supprimant le VI, qui prévoyait des modalités particulières de compensation pour le transfert des services départementaux chargés de leur entretien, en particulier celui des parcs de l’équipement.

À l’initiative de notre collègue sénateur Christian Favier, elle a également ramené de dix à cinq ans, en cas de désaccord, la période retenue pour évaluer la charge correspondant au transfert d’une compétence d’une collectivité territoriale à une autre (alinéa 26).

En séance publique, en dépit de l’avis défavorable du Gouvernement, le Sénat a adopté deux amendements de notre collègue Jean-Louis Tourenne visant, d’une part, à plafonner le montant de la dotation de compensation versée par le département à la collectivité bénéficiaire du transfert de compétences (alinéa 31) et, d’autre part, à réajuster chaque année ce montant afin de tenir compte de l’évolution – en l’espèce, de la baisse – des concours financiers de l’État (alinéa 32).

Enfin, comme évoqué supra, le Gouvernement a amendé (alinéa 11) son texte afin d’introduire, au profit des CREPS, une dérogation au principe de droit commun selon lequel les ressources attribuées en compensation des transferts de compétences sont équivalentes aux charges nettes transférées, c’est-à-dire après minoration du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts. Ainsi, les compensations dues aux régions au titre du transfert du patrimoine immobilier des CREPS et des fonctions support (équipement, fonctionnement courant, entretien général et technique, accueil, hébergement, restauration) correspondront aux charges brutes transférées et ne seront pas diminuées des ressources propres des CREPS résultant de leurs activités.

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* *

La Commission étudie les amendements identiques CF15 de Mme Monique Rabin et CF24 de M. Jean-Marie Beffara.

Mme Monique Rabin. L’amendement CF15 a pour objectif de mieux prendre en compte les dynamiques fiscales. L’évolution de la répartition des compétences doit être compensée par une réallocation de la fiscalité locale à due proportion et non par un transfert financier de la collectivité qui perd la compétence à celle qui l’accueille, car cette dernière option ne permet pas d’anticiper la situation à moyen et long termes.

M. Jean-Louis Gagnaire. Les transferts de compétences entre l’État et les collectivités locales n’ont pas été faciles et ceux entre collectivités risquent d’être encore plus complexes. Il convient de veiller à ce que les redistributions de ressources accompagnent bien ceux des compétences. Le législateur doit évaluer le coût des transferts de compétences d’une collectivité locale à une autre. Plusieurs années furent nécessaires au règlement des conflits entre les régions et l’État au sujet des formations sanitaires et sociales.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends cette crainte de l’évaporation des recettes financières à l’occasion des transferts de compétences, mais j’émets un avis défavorable à l’adoption de ces amendements, ce sujet devant être traité dans le cadre d’un projet de loi de finances.

Le dispositif retenu est calqué sur celui qui existe pour le transfert de compétences de l’État vers les collectivités locales ou localement, comme dans la métropole de Lyon. Néanmoins, sans simulation précise, il semble difficile d’aller plus loin, d’autant plus que l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi insiste sur la nécessité pour l’État de maintenir pour les régions les ressources qu’il avait transférées aux départements quand ces compétences ont échu aux conseils généraux il y a quelques années.

M. Charles de Courson. Nos collègues posent une bonne question, mais je doute que leurs amendements la résolvent. Le problème n’intervient pas au moment du transfert, mais dans le temps : la collectivité qui perd la compétence octroie une dotation de compensation à celle qui en prend la responsabilité, mais le texte n’évoque aucune indexation de ce virement sur l’évolution de la dépense dans le temps.

Mme la rapporteure pour avis. La commission locale d’évaluation des charges – CLEC – effectue une évaluation annuelle.

M. Charles de Courson. Il serait préférable de prévoir une recette fiscale ajustable.

M. Dominique Lefebvre, président. Le Gouvernement maintient-il les alinéas suivants de cet article 37 adoptés par le Sénat ? Le mécanisme repose bien sur une dotation du département à la commune, et l’on comprend que les régions, privées de toute matière fiscale pendant les deux précédents quinquennats, souhaitent récupérer une matière imposable. Les ressources transférées par l’État aux départements ont pris la forme de dotations ou de fiscalité, alors que les départements ne versent que des compensations. Le système s’avère très complexe.

Mme la rapporteure pour avis. Le Sénat a très peu modifié l’article 37 du texte.

M. Jean-Louis Gagnaire. Dominique Lefebvre a raison de pointer les lacunes d’un dispositif qui ne s’attaque pas au cœur du sujet, puisque aucune autonomie fiscale n’est instaurée. On a essayé de prévoir le versement transport – VT – interstitiel, mais sans parvenir à l’obtenir. Or, comme toujours, le coût des fusions sera élevé dans un premier temps ; on ne peut pas laisser les collectivités gérer seules ces transferts ; la disparition de la taxe professionnelle – TP – s’est révélée tragique, car on ne sait plus financer certains investissements dans l’économie que l’on gageait auparavant sur le produit de la TP. Les régions vont exercer de nouvelles compétences sans ressources, alors que les départements continuent de bénéficier de recettes pour des responsabilités qu’ils n’exercent plus. Il convient d’améliorer la situation en instaurant des ressources dynamiques pour les régions et en prenant en compte les évolutions de charges dans le temps.

M. Charles de Courson. Dès 2016, les deux tiers des départements accuseront un déficit de fonctionnement. Comment s’appliquera le dispositif et comment pourra-t-on leur demander d’augmenter leur contribution si les régions décidaient d’accroître leurs investissements ?

M. Dominique Lefebvre, président. Introduit dans le texte contre l’avis du Gouvernement, le mécanisme vise à éviter que les régions ne se trouvent dans une situation où leurs ressources ne leur permettent pas d’assumer le coût des charges liées aux compétences transférées puisqu’elles ne disposent pas d’autonomie fiscale. Il y aura lieu d’examiner la situation des différents niveaux de collectivités locales à la suite des transferts de compétences induits par ce texte et de l’évolution constatée des dotations de l’État.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle aborde l’amendement CF23 de M. Jean-Marie Beffara.

M. Jean-Louis Gagnaire. Cet amendement vise à préciser le rôle de la CLEC et des ressources transférées. Cette dernière, si elle a bien un rôle d’instruction et d’estimation des charges, ne doit en revanche pas se trouver en position de décisionnaire. Aussi, ses évaluations doivent être transmises à la commission consultative d’évaluation des charges – CCEC –, seule garante de l’équité de traitement dans les territoires, et qui émettra un avis sur les droits à compensation. La CCEC a l’expérience des transferts de compétence et a défini une doctrine robuste qui sera utile pour les transferts à venir.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il convient de laisser la CLEC, présidée par le président de la CRC compétente, décider, sachant que la majorité requise en son sein s’élève aux deux tiers de ses membres.

M. Dominique Lefebvre, président. En cas de désaccord, la CCEC est saisie de toute façon.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CF22 de M. Jean-Marie Beffara et CF10 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Gagnaire. L’équité de traitement impose de définir des règles d’évaluation des charges qui soient identiques pour tous les territoires concernés par les transferts de compétence. Cet amendement vise à définir des périodes de référence longues ; ainsi, s’agissant de la compensation des charges d’investissement, il convient de retenir, comme l’avait prévu le projet de loi, une période de dix ans – et non de cinq comme l’a souhaité le Sénat – et les comptes doivent être figés au 31 décembre 2014. Les fusions doivent s’opérer dans un cadre stable.

M. Régis Juanico. Mon amendement est bâti sur la durée de vie prévisionnelle des départements. À l’inverse de la proposition de Jean-Louis Gagnaire, nous souhaiterions que la période de dix ans prévue dans le projet de loi soit raccourcie à trois ans, afin de ne pas porter préjudice à la capacité de financement des compétences que les départements continueront d’exercer.

Mme la rapporteure pour avis. Le projet de loi du Gouvernement prévoyait une période de dix ans, identique à celle qu’a toujours retenue la CCEC, et le Sénat a ramené le délai à cinq ans. Je préférerais que l’on revienne au texte initial : les départements ont rencontré ces dernières années de nombreuses difficultés qui ont grevé leur capacité d’investissement. Si l’on retient une période courte, on pourrait obtenir une image ne reflétant qu’imparfaitement le coût des transferts à venir. J’émets donc un avis favorable à l’adoption de l’amendement présenté par Jean-Louis Gagnaire et défavorable à celui de Régis Juanico.

M. Charles de Courson. Quelle est la bonne durée ? On répond à cette question en constatant que les investissements des départements dans le champ des compétences transférées – collèges et voirie, principalement – ont diminué de l’ordre de 7 à 10 % par an. Si l’on retient une période de dix ans, le montant des investissements se trouvera gonflé par rapport à ce qui est réalisé, et il subsistera encore moins de ressources pour investir dans les compétences non transférées. Il convient donc de privilégier le délai le plus court possible. Je soutiens donc l’amendement de Régis Juanico et aurais adopté une position inverse si les investissements croissaient.

M. Dominique Lefebvre, président. En commission, le Sénat a modifié la durée, mais le débat n’a pas eu lieu dans l’hémicycle. Les soldes budgétaires des départements se sont détériorés puisque les ressources fiscales ont progressé moins vite que les charges sociales, si bien que la référence reposera sur un montant supérieur à celui des investissements actuellement consentis. En revanche, une période de dix ans se révélerait sans doute plus pertinente pour les régions étant donné l’intensité de l’effort d’investissement et d’entretien que devront effectuer les régions.

Mme la rapporteure pour avis. Mes chers collègues, je vous suggère de retirer vos amendements afin que l’on en reste au texte du Sénat fixant la durée à cinq ans avant le débat en séance publique.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CF21 de M. Jean-Marie Beffara.

M. Jean-Louis Gagnaire. Cet amendement reprend les dispositions communément applicables aux transferts de compétences : les ministres chargés du budget et de l’intérieur doivent valider le droit à compensation, après avis de la CCEC, cette procédure apparaissant d’autant plus nécessaire que la loi de finances ne pourra intégrer les implications fiscales de ces transferts que sur le fondement de l’arrêté ministériel.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Les amendements identiques CF16 de Mme Monique Rabin et CF20 de M. Jean-Marie Beffara sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CF19 de M. Jean-Marie Beffara.

M. Jean-Louis Gagnaire. Malgré l’élection des assemblées des régions fusionnées en décembre 2015, certaines politiques lancées par les conseils régionaux actuels perdureront au-delà de la fusion. Cet amendement vise donc à instaurer une période de transition courant pendant l’ensemble du prochain mandat – c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020 – pour permettre l’harmonisation des politiques des anciennes régions regroupées. Il s’agit de donner le temps nécessaire à la nouvelle collectivité pour évaluer les dispositifs, se concerter avec les acteurs locaux, harmoniser la gestion des personnels et limiter toute charge supplémentaire qui ne corresponde pas à une amélioration du service public. Enfin, il s’agit de protéger les nouvelles régions de tout contentieux sur le fondement d’une possible rupture du principe d’égalité. Dans l’attente d’une nouvelle délibération, celles des anciennes régions continueront de s’appliquer dans le territoire concerné.

Mme la rapporteure pour avis. Monsieur Gagnaire, vous soulevez une vraie question et je partage votre objectif. Toutefois, je doute que la rédaction de votre amendement protège les régions d’éventuels contentieux formés sur le fondement de la rupture du principe d’égalité. Je vous suggère de retirer votre amendement et de réfléchir d’ici à la séance publique aux moyens de faire cohabiter deux politiques distinctes pendant une période transitoire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je suis d’accord avec vous, madame la rapporteure pour avis. Il faudra faire vivre plusieurs systèmes d’action publique dans les nouvelles régions ; lorsque celles-ci résulteront de la fusion de trois anciennes régions, les difficultés seront considérables, car les modes d’intervention diffèrent grandement. Je retire mon amendement, mais le Gouvernement devra apporter une réponse en séance.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie les amendements identiques CF17 de Mme Monique Rabin et CF18 de M. Jean-Marie Beffara.

Mme Monique Rabin. En matière d’exécution budgétaire, il est essentiel que les régions regroupées puissent bénéficier d’une transition. Il est donc nécessaire de prévoir les règles qui s’appliqueront aux dépenses engagées pendant cette période. Compte tenu de la situation exceptionnelle créée par la fusion, la date limite d’adoption du budget primitif de l’année prochaine est fixée au 31 mai 2016. Il est ainsi proposé d’appliquer les dispositions des articles L. 1612-1 et L. 4312-6 du code général des collectivités territoriales, en prenant pour référence la somme des montants inscrits aux derniers budgets des collectivités fusionnées et les autorisations d’engagements issues des exercices antérieurs. Néanmoins, pour les dépenses d’investissement, la région pourrait engager, liquider et mandater dans la limite du tiers des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent, et non dans celle du quart comme le cadre législatif existant le dispose.

Mme la rapporteure pour avis. J’émets un avis favorable à ces amendements, car ce délai offrira aux régions de la souplesse, même si elles ne doivent probablement pas l’utiliser, car elles auront intérêt à voter le budget rapidement pour mettre en œuvre les dépenses d’investissement.

M. Jean-Louis Gagnaire. À la différence des autres collectivités locales, la région doit consulter le conseil économique, social et environnemental régional, procédure qui prend du temps.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 37 modifié.

Enfin, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

Association des régions de France (ARF) :

– M. Alain Rousset, député de la Gironde, président du conseil régional

d’Aquitaine, président de l’ARF

– M. Jérémy Pierre-Nadal, directeur de cabinet

© Assemblée nationale

1 () Ce principe a été ajouté par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

2 () Intitulé d’une tribune publiée par le Président de la République, le 3 juin 2014, notamment sur le site Internet de l’Élysée.

3 () Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

4 () Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

5 () Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 18 juin 2014.

6 () Article 12 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 précitée.

7 () Cette clause avait pourtant été récemment rétablie par la loi « MAPTAM ».

8 () Étude d’impact.

9 () Les régions consacrent 2,1 milliards d’euros à ces interventions économiques, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) 1,7 milliard d’euros, les départements 1,6 milliard d’euros et les communes 983 millions d’euros. Chiffres 2011 - données DGFIP.

10 () Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

11 () Article 24 bis.

12 () Au total, 146 amendements ont été adoptés en commission, et 225 amendements en séance publique.

13 () Décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004 sur la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

14 () Conseil d’État, rapport public « L’administration française et l’Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ? », 2007.

15 () Rapport n° 174 (2014-2015) de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des Lois, déposé le 10 décembre 2014.

16 () Par ailleurs, 177 millions d’équivalents de feuilles A4 de pièces comptables et justificatives sont produites chaque année par les 2249 organismes publics de plus de 10 000 habitants

17 () Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

18 () La loi « MAPTAM » contenait des dispositions relatives aux garanties concernant le régime indemnitaire et les avantages collectivement acquis des agents ainsi que des dispositions rendant obligatoire (sous certaines conditions) une négociation sur l’action sociale. La protection sociale complémentaire n’était donc pas concernée.

19 () Source : étude d’impact.

20 () Il s’agit de l’IFER sur les éoliennes terrestres, de l’IFER sur les hydroliennes, de l’IFER sur les usines de production d’électricité nucléaire ou thermique, de l’IFER sur les usines de production d’électricité photovoltaïque ou hydraulique, de l’IFER sur les transformateurs électriques, de l’IFER sur les canalisations de transport du gaz naturel, d’autres hydrocarbures et de produits chimiques, de l’IFER sur les installations et stations de compression de gaz naturel et de l’IFER sur les installations de stockage de gaz naturel.

21 () Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009.

22 () Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

23 () Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012. La limite était auparavant fixée au 31 mars, ou au 15 avril en cas d’élections.

24 () Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014.

25 () Plus précisément par la section 2 du chapitre III du titre IV du livre Ier.

26 () L’article dispose que « la liste des communes ayant bénéficié de subventions exceptionnelles en vertu des dispositions de l’article L. 235-5 du code des communes et le montant détaillé de ces subventions font l’objet d’une publication dans le rapport annuel de la Cour des comptes sur le projet de loi de règlement du budget de l’État ».

27 () Ce rapport est prévu au 3° de l’article 58 de la LOLF.

28 () Il ne faut pas oublier qu’une partie importante des ressources des collectivités territoriales provient de transferts financiers de l’État qui ont dépassé, en 2013, les 100 milliards d’euros (103,5 milliards inscrits en loi de finances initiale pour 2014).

29 () L’article 40 du projet de loi prévoyait la mise en place d’un Haut Conseil des territoires, destiné à « refonder le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales » et son article 19 proposait que la Cour des comptes publie annuellement un « rapport portant sur la situation financière des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ». Le texte ne fut jamais débattu.

30 () Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

31 () Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

32 () Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

33 () Le texte initial utilisait le terme de « coordonné ». La modification a été opérée par la commission des Finances du Sénat, à l’instar de ce que préconisait M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, auditionné par le Sénat le 27 novembre 2014 : « La Cour est prête à apporter son concours à une telle expérimentation, mais la signification de ʺla Cour coordonneʺ mérite d’être précisée. Doit-il y avoir plusieurs acteurs ? Mieux vaudrait écrire ʺla Cour conduitʺ l’expérimentation, selon des modalités restant à préciser, sachant que pour l’Europe, la certification entre dans le champ concurrentiel. La Cour bénéficiera-t-elle d’un droit exclusif pour certains établissements à statut particulier ? Au-delà de l’expérimentation, je ne suis pas certain que ce soit son rôle de procéder elle-même à l’exercice de certification des comptes. »

34 () Décret n° 2013-1238 du 23 décembre 2013 relatif aux modalités de certification des comptes des établissements publics de santé.

35 () Projet de loi n° 2001 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2009. Le texte avait été examiné par la commission des Lois, mais il est devenu caduc avant son adoption définitive.

36 () Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, article 62.

37 () Dans un but affiché de sécurisation de la gestion publique, l’exposé des motifs de ce texte propose que « le compte de gestion des collectivités ne faisant pas l’objet de la procédure d’apurement administratif, soit certifié, sur choix de l’organe délibérant de la collectivité :

– soit par un commissaire aux comptes agréé, figurant sur une liste régionale arrêtée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

– soit par un corps de fonctionnaires, dénommé dans la proposition de loi ʺinspection générale des comptes des collectivités territorialesʺ ».

38 () Projet de loi n° 497, renvoyé à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale.

39 () « La certification des comptes des collectivités territoriales, un enjeu de modernisation du secteur public local », Michel Léger et Alexandre Evin-Leclerc, BDO France, Les Echos, 5 mai 2013.

40 () Le projet de loi initial avait nommé cette instance « observatoire de la gestion publique locale ». Un amendement de notre collègue Éric Doligé, adopté en séance publique au Sénat, a étendu l’appellation aux finances des collectivités.

41 () Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

42 () Article L. 1211-5 du code général des collectivités territoriales.

43 () Outre le CFL et ses émanations, l’on peut citer la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), la Conférence nationale des finances publiques, le Conseil d’orientation des finances publiques et la Conférence nationale des exécutifs (CNE).

44 () Rapport d’information n° 272 (2010-2011) « Rénover le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales : une nécessité pour une démocratie apaisée », établi au nom de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

45 () Rapport du groupe de travail sur la maîtrise de la dépense locale, présidé par MM. Gilles Carrez et Michel Thénault, présenté lors de la conférence des déficits publics du 20 mai 2010.

46 () Étude d’impact du projet de loi.

47 () Chaque dépense fait l’objet d’une évaluation sur une période prévue par la loi et qui varie selon le type de dépense :

– trois ans pour les dépenses de fonctionnement et au moins cinq ans pour les dépenses d’investissement en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (« LRL ») ;

– trois ans maximum pour les dépenses de fonctionnement et au moins cinq ans pour les dépenses d’investissement en application de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

48 () Il est inscrit en loi de finances le montant de la compensation provisionnelle des charges nouvelles. Dès que les données définitives sont connues, il est procédé aux régularisations qui s’imposent en loi de finances rectificative.