N° 2493
ASSEMBLEE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIXIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale te 18 janvier 1996.

AVIS

PRESENTE

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE LOI constitutionnelle instituant
la
loi d'équilibre de la sécurité sociale,

par M. jean-pierre DELALANDE,

Député.

***

La commission des finances, de l'économie générale et du pian est composée de : MM. Pierre Méhaignerie, président ; Philippe Auberger, rapporteur général : Gilbert Gantier, Michel Inchauspé, Didier Migaud, vice-présidents ; Yves Deniaud, Michel Jacquemin, Raymond Lamontagne, secrétaires ; Patrick Balkany. Jean-Pierre Balligand, Charles Baur, Christian Bergelin. Jean Besson. Augustin Bonrepaux, Jean Bousquet, Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Bernard Carayon, Gilles Carrez, Jean-Pierre Chevènement, Daniel Colliard, Jean-François Copé, Charles de Courson, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Jean-Jacques Descamps, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Maurice Dousset, Jacques Féron, Jean-Michel Fourgous, Yves Fréville, Bernard de Froment, Daniel Garrigue, René Garrec, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Claude Girard, Alain Griotteray, Michel Hannoun, Pierre Hériaud, Jean-Jacques Jegou, Charles Josselin, Marc Le Fur, Jean-Louis Léonard, François Léotard, Maurice Ligot, François Loos, Arsène Lux, Alain Madelin, Martin Malvy, Jean-François Mancel, Raymond Marcellin, Hervé Mariton, Gérard Menuel, Denis Merville, Louis Mexandeau, Arthur Paecht, Jean Proriol, Yves Rispat, Jean-Paul de Rocca Serra, Alain Rodet, Jean Royer, Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Soisson, Jean Tardito, Jean-Pierre Thomas, Anicet Turinay, Adrien Zeller

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

I.- UNE CLARIFICATION DES COMPTES SUSCEPTIBLE D'ASSURER LE MEILLEUR ÉQUILIBRE ENTRE LE RESPECT DE LA GESTION PARITAIRE ET LES IMPÉRATIFS DU CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE

A. - LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION DE LA CONSTITUTION POUR RENFORCER LE ROLE DU PARLEMENT EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

1.- Une amélioration récente de l'information et du contrôle du Parlement sur la protection sociale

a. - Un pouvoir normatif limité

b. - Une information améliorée .

2.- L'impossibilité d'instituer un vote annuel sur le budget social dans le cadre constitutionnel en vigueur

B. - CONFÉRER A U PARLEMENT UN RÔLE CENTRAL EN INSCRIVANT L'EQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DANS UNE PERSPECTIVE PLURIANNUELLEL

1.-L'équilibre entre le respect du paritarisme et les exigences du contrôle démocratique

2.- La clarification des comptes de la sécurité sociale.

3.- Un équilibre inscrit dans une perspective pluriannuelle.

II.- LES SIMILITUDES PLUS APPARENTES QUE RÉELLES ENTRE LA LOI D'EQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LA LOI DE FINANCES

A. - DES TRAITS COMMUNS TENANT PRINCIPALEMENT AU PARALLÉLISME DES PROCÉDURES

1.- La priorité d'examen de l'Assemblée nationale

2.- La périodicité annuelle

3.- Les délais d'examen

B - L'IMPOSSIBILITÉ D'APPLIQUER AUX LOIS D'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE LES RÈGLES DU DROIT BUDGÉTAIRE

1.- Le contenu normatif limité de la loi d'équilibre de la sécurité sociale

2.- Une annualité moins prononcée

3.- L'inapplicabilité des principes d'unité et d'universalité.

a.- Le principe d'unité

b.- Le principe d'universalité

III UNE ARTICULATION DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE ENTRE LA LOI D'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LA LOI DE FINANCES ACTUELLE

A. LES RISQUES D'EMPIÉTEMENT DE LA LOI D'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE SUR LES LOIS DE FINANCES

1. - Un calendrier budgétaire à préserver

2.- Des contenus qui se recoupent

a.- Les concours budgétaires de l'État aux régimes sociaux

b.- Les dépenses de protection sociale

c.- Les opérations non budgétaires de l'État au profit de la sécurité sociale

d.- Les impositions affectées à la sécurité sociale

e.- L'explosion des montants en cause

3.- La définition d'équilibres généraux concurrents

B.- UNE ARTICULATION A DÉFINIR

1.- Une procédure législative assurant la compatibilité avec la procédure budgétaire

a.- L'examen de la loi annuelle unique d'équilibre de la sécurité sociale au printemps

b.- Un rôle majeur de la commission des Finances

2.- Une loi d'équilibre de la sécurité sociale qui ne soit pas une loi "portant diverses dispositions d'ordre social"

CONCLUSION

EXAMEN EN COMMISSION

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INTRODUCTION

La commission des Finances a décidé de se saisir pour avis du projet de loi constitutionnelle instituant la loi d'équilibre de la sécurité sociale. Cette décision répond aux mêmes considérations qui l'avaient amenée, en décembre 1995, à se saisir pour avis du projet de loi autorisant le Gouvernement à réformer la protection sociale par voie d'ordonnances :

· Le projet de loi constitutionnelle s'inscrit dans le cadre de la réforme d'ensemble de la protection sociale présentée par le Premier ministre, le 15 novembre dernier. Il s'intègre donc dans une stratégie globale de politique budgétaire et de gestion des finances publiques au sens large, dont l'examen et le suivi incombent naturellement à la commission des Finances.

· Parmi les recettes qui seront retracées, voire modifiées, au titre de la loi d'équilibre de la sécurité sociale, figurent les ressources fiscales affectées à la sécurité sociale. Or, la commission des Finances a pour mission de discuter, chaque année, dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances, de nombreuses mesures fiscales ainsi que de l'autorisation de perception des impositions de toutes natures.

· Enfin, il ne fait pas de doute que certaines dispositions de la loi d'équilibre de la sécurité sociale auront une incidence directe sur le budget de l'État.

Par définition, le recours à la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution a constitué un dessaisissement du Parlement. Il est vrai que son utilisation en vue de réformer la sécurité sociale et de rétablir l'équilibre des comptes était devenue inéluctable, tant il semble difficile de mener à bien des réformes sur les sujets de société de manière progressive et durable par les voies habituelles de la négociation et du débat parlementaire.

Les cinq ordonnances qui seront prises sur le fondement de cette habilitation d'ici le 30 avril prochain permettront, respectivement, de rétablir les comptes de la protection sociale, d'apurer le passif du régime général, de mettre l'accent sur la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, de modifier l'organisation administrative de la sécurité sociale et de mettre en place la réforme hospitalière.

Le Parlement n'en sera pas moins appelé à retrouver tout son rôle pour l'adoption, par la voie législative ordinaire, des réformes structurelles des régimes de protection sociale. Le plan de réforme de la protection sociale devrait, en effet, entraîner l'examen de projets de loi ordinaires relatifs, notamment, au régime universel d'assurance maladie et à l'épargne retraite.

Enfin, il faut se féliciter que la réforme de la protection sociale vise également à faire du Parlement la « clé de voûte d'une nouvelle architecture de responsabilité » et que le Gouvernement, conformément à ses engagements, ait rapidement déposé le présent projet de loi constitutionnelle en ce sens. En effet, le contrôle parlementaire des finances sociales est considéré, depuis longtemps, comme perfectible, ce qu'avait illustré l'adoption, en décembre 1987, sur proposition du Président d'Ornano, d'une loi organique établissant une procédure d'approbation parlementaire d'un rapport sur les comptes prévisionnels des régimes de base de sécurité sociale.

À cet égard, le projet de loi constitutionnelle permettra d'opérer une clarification des comptes de la sécurité sociale susceptible d'assurer le meilleur équilibre entre le respect de la gestion paritaire et les impératifs du contrôle démocratique. Pour ce faire, il crée une loi d'équilibre de la sécurité sociale qui, malgré quelques similitudes accessoires, ne saurait être assimilée à une loi de finances. Il conviendra d'ailleurs de s'interroger sur l'articulation future entre la loi de finances et la loi d'équilibre de la sécurité sociale qui, aussi difficile qu'elle puisse paraître, n'en sera pas moins inévitable.

I- UNE CLARIFICATION DES COMPTES SUSCEPTIBLE D'ASSURER UN MEILLEUR ÉQUILIBRE ENTRE LE RESPECT DE LA GESTION PARITAIRE ET LES IMPÉRATIFS DU CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE

Si l'information et le contrôle du Parlement sur la protection sociale se sont améliorés depuis le début de la présente législature, le renforcement significatif de son intervention doit emprunter la voie d'une révision constitutionnelle. Dans cet esprit, le projet de loi constitutionnelle confie au Parlement un rôle central tout en ne préjugeant pas du caractère paritaire de la gestion de la sécurité sociale et conduit à une utile clarification dans les comptes sociaux.

A.- LA NECESSITE D'UNE REVISION DE LA CONSTITUTION POUR RENFORCER LE RÔLE DU PARLEMENT EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

L'information et le contrôle du Parlement en matière de sécurité sociale ont bénéficié, depuis 1993, d'une constante amélioration. Le précédent de la loi organique instituant une loi annuelle sur les finances sociales, adoptée en décembre 1987, mais déclarée contraire à la Constitution, montre toutefois qu'une révision constitutionnelle est un préalable au renforcement des pouvoirs de décision du Parlement dans ce domaine.

1.- Une amélioration récente de l'information et du contrôle du Parlement sur la protection sociale

a.- Un pouvoir normatif limité

En matière de protection sociale, la compétence législative du Parlement, telle que fixée à l'article 34 de la Constitution, ne comprend expressément que « les principes fondamentaux de la sécurité sociale ». Au nombre des matières législatives ainsi définies, figurent notamment, à la lumière de la jurisprudence constitutionnelle remontant aux débuts de la Vème République, la détermination des missions des différents régimes de sécurité sociale, les dispositions créant ou supprimant des prestations sociales, la détermination des catégories de personnes bénéficiaires de prestations ou assujetties à l'obligation de cotiser, le principe du partage de cette obligation entre employeurs et salariés ainsi que celui de l'administration des caisses par des représentants des employeurs et des salariés. Relèvent en revanche du pouvoir réglementaire, la fixation des taux des cotisations ainsi que du montant et des éléments chiffrés des prestations, les dispositions relatives aux modalités d'exécution de la tutelle de l'État sur les organismes de sécurité sociale et, plus généralement, les modalités d'application des principes fondamentaux de la sécurité sociale.

Le Parlement exerce par ailleurs sa compétence législative en fixant « les règles concernant l'assiette, le taux, et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». En effet, certaines de ces impositions sont affectées au BAPSA ou aux différentes caisses nationales, telle la CSG. Il existe également certains concours publics de l'État à la sécurité sociale, qu'il s'agisse des cotisations de ses propres agents, des subventions d'équilibre versées à certains régimes ou de la compensation des exonérations de cotisations.

b.- Une information améliorée

À partir de 1975, l'éparpillement des données chiffrées a été quelque peu compensé par la présentation d'un document « jaune » annexé au projet de loi de finances et intitulé « Effort social de la Nation » (loi du 24 décembre 1974). Mais ce n'est qu'à partir de 1993 qu'est intervenue une amélioration sensible de l'information et du contrôle du Parlement. En effet, la loi du 25 juillet 1994 a permis deux avancées distinctes :

· D'une part, elle a précisé l'obligation, pour le Gouvernement, de présenter chaque année au Parlement un « rapport relatif aux principes fondamentaux, qui déterminent l'évolution des régimes obligatoires de base de sécurité sociale » (article L. 111-3 du code de la sécurité sociale) qui se substitue aux documents antérieurs, dont l'Effort social de la Nation. En outre, l'article 33 de la loi du 4 août 1995 prévoit qu'à compter de 1996, le Gouvernement présente, en annexe à ce rapport, un document récapitulatif, pour les deux derniers exercices, des crédits inscrits au budget général et au BAPSA, des impositions de toutes natures affectées à des organismes de sécurité sociale et des dispositions fiscales à finalité sociale. Ce document présente également les montants prévisionnels des mêmes crédits et impositions, pour l'exercice budgétaire en cours d'exécution ainsi que pour le projet de loi de finances de l'année. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale y est annexé.

Depuis 1994, le Gouvernement a pris l'initiative d'organiser un débat parlementaire sur ce rapport, précédé d'une déclaration du Gouvernement. En novembre dernier, cette procédure a donné l'occasion au Premier ministre d'engager, en application de l'article 49, alinéa premier, de la Constitution, la responsabilité du Gouvernement sur une déclaration relative à la réforme de la protection sociale.

· D'autre part, la Cour des comptes doit transmettre au Parlement un rapport spécial « analysant les comptes de l'ensemble des (organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle » (article L. 132-3 du code des juridictions financières). Elle a ainsi adopté son premier « rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale » le 21 septembre dernier. II convient de souligner ici la qualité de ce document complet et rigoureux, qui montre la remarquable adaptation de la Cour aux exigences nouvelles résultant du développement de sa mission d'assistance au Parlement.

2.- L'impossibilité d'instituer un vote annuel sur le budget social dans le cadre constitutionnel en vigueur

En 1987, sur proposition de M. Michel d'Ornano, alors Président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, le Parlement a adopté une loi organique relative au contrôle du Parlement sur les finances des régimes obligatoires de sécurité sociale. L'objet de ce texte était de compléter et de préciser les dispositions de l'article 34 de la Constitution, comme le prévoit le dernier alinéa de cet article, en disposant que le « Parlement est saisi chaque année d'un projet de loi sur les finances sociales qui porte approbation d'un rapport sur les comptes prévisionnels des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ». Le texte prévoyait par ailleurs certaines conditions de dépôt et d'examen de ce « projet de loi sur les finances sociales ».

Dans sa décision n° 87-234 DC du 7 janvier 1988, le Conseil constitutionnel a cependant estimé que le législateur organique, ne se limitant pas à préciser ou compléter l'article 34 de la Constitution, avait excédé ses pouvoirs en définissant une nouvelle procédure législative. Il a donc censuré en totalité le texte voté par le Parlement.

Dès lors, si l'on souhaite fixer dans une loi organique la procédure de discussion d'une catégorie de textes qu'aucune disposition constitutionnelle ne prévoit par ailleurs, le recours à une révision de la Constitution est inévitable : comme il ne peut y avoir de loi organique qui ne soit pas expressément inscrite dans la Constitution, la simple précision du champ de l'article 34 ne permet pas d'établir une procédure législative spécifique, ce qu'impliqué la création d'une nouvelle catégorie de loi.

La faible marge de manoeuvre accordée par la Constitution justifie donc qu'il soit proposé de la réviser, particulièrement à raison de l'objectif poursuivi par le Gouvernement, qui est de faire voter chaque année une loi d'équilibre de la sécurité sociale selon une procédure législative propre. A cet égard, le projet de loi constitutionnelle semble d'autant plus opportun qu'il ne porte pas atteinte à l'autonomie de gestion des régimes et qu'il permettra d'améliorer la présentation des comptes sociaux.

· D'autre part, la Cour des comptes doit transmettre au Parlement un rapport spécial « analysant les comptes de l'ensemble des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle » (article L. 132-3 du code des juridictions financières. Elle a ainsi adopté son premier « rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale » le 21 septembre dernier. II convient de souligner ici la qualité de ce document complet et rigoureux, qui montre la remarquable adaptation de la Cour aux exigences nouvelles résultant du développement de sa mission d'assistance au Parlement.

A fortiori, les tentatives visant à instituer, dans le cadre de lois ordinaires, des projets de loi annuels ou des votes annuels dans le cadre de la loi de finances sur un « budget social de la Nation » sont contraires à la Constitution, car elles comportent des injonctions au Gouvernement de déposer des textes, ce que le Conseil constitutionnel estime contraire à la prérogative générale du Gouvernement de déterminer la politique de la Nation prévue à l'article 20 de la Constitution, et instituent des votes parlementaires qui ne sont pas explicitement prévus dans la Constitution ou dans les textes organiques en vigueur, notamment l'ordonnance du 2 janvier 1959.

C'est ainsi que l'article L. 111-4 du code de la sécurité sociale, introduit par l'article 2 de la loi de finances pour 1980, qui dispose que « dans le cadre des dispositions constitutionnelles, organiques ou législatives en vigueur, le Parlement se prononce chaque année sur l'évolution des recettes et des dépenses retracée par le rapport visé à l'article L. 111-3 », comme nombre de dispositions analogues, n'a pu être appliqué, étant inopérant du fait des dispositions constitutionnelles et organiques auxquelles il se réfère.

B. - CONFERER AU PARLEMENT UN ROLE CENTRAL EN INSCRIVANT L'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DANS UNE PERSPECTIVE PLURIANNUELLE

II faut réaffirmer ici avec force ce que l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle énonce sans ambiguïtés : « la révision (...) proposée ne portera pas atteinte à l'autonomie de gestion des caisses de sécurité sociale ». Répondant à une exigence démocratique fondamentale, cette révision modifiera la nature des relations entre le Parlement et le Gouvernement, clarifiera les comptes de la protection sociale et permettra une approche pluriannuelle de la sécurité sociale.

1.- L'équilibre entre le respect du paritarisme et les exigences du contrôle démocratique

Chacun s'accorde depuis longtemps sur le constat suivant : la faible place du Parlement dans l'architecture de la protection sociale constitue une anomalie de plus en plus injustifiable. En effet, les montants financiers en jeu sont supérieurs à celui du budget de l'État et les prélèvements sociaux représentent désormais une part majoritaire dans le total des prélèvements obligatoires ; cette évolution nécessite précisément une approche globale des finances de l'État et de la sécurité sociale, votre Rapporteur ayant toujours plaidé pour que les représentants de la Nation puissent se prononcer en connaissance de cause sur les enjeux économiques et financiers de !a protection sociale.

En outre, l'intervention du Parlement se justifie également par le caractère public des fonds utilisés pour la couverture des dépenses de protection sociale, reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 60-11 DC du 20 janvier 1961 ; l'exposé des motifs de la proposition de loi organique précitée du Président d'Ornano évoquait ainsi à juste titre l'article XIV de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

Ceci est toutefois sans incidence sur la nature originale de l'organisation française de la sécurité sociale, fondée sur l'autonomie de gestion des caisses. En effet, l'objet du projet de loi constitutionnelle n'est pas d'intervenir sur la question des rapports entre l'État et le système de sécurité sociale, mais de définir, au sein de l'État, un nouvel équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Ainsi, les relations entre le Gouvernement et les caisses nationales seront inchangées dans leurs principes, mais le Gouvernement suivra les orientations fixées par le vote du Parlement.

Au demeurant, la réforme des modalités de gestion des caisses de sécurité sociale est du domaine de la loi ordinaire. En outre, si une ordonnance doit effectivement intervenir pour modifier l'organisation administrative de la sécurité sociale, ce texte devrait se borner à élargir la composition des conseils d'administration des caisses et à instituer un conseil de surveillance auprès de chaque caisse nationale. On ne peut donc pas parler ici d'« étatisation » de la sécurité sociale.

De même, la révision constitutionnelle ne porte pas, en elle-même, sur les modalités de financement de la protection sociale. Le Gouvernement s'est engagé, sur ce point, à ouvrir le débat dans le courant de l'année 1996. En tout état de cause, le caractère réglementaire de la fixation du taux des cotisations doit être maintenu, afin de laisser intacte la légitimité des partenaires sociaux.

En revanche, la loi d'équilibre de la sécurité sociale devrait apporter une utile clarification dans les comptes sociaux.

2.- La clarification des comptes de la sécurité sociale

Le Parlement ne dispose pas aujourd'hui d'une présentation globale satisfaisante des finances sociales, particulièrement des concours budgétaires de l'État.

Le rapport du Gouvernement au Parlement sur la protection sociale annexé au projet de loi de finances 1996 donne des indications :

· en ce qui concerne les régimes de base, sur les concours de l'État et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), ainsi que sur les prélèvements affectés, et ce pour les exercices 1991 à 1995 ;

· en ce qui concerne les principaux régimes spéciaux et le régime agricole, sur les cotisations (fictives et effectives), les compensations et les contributions de l'État en 1994, ainsi que sur les concours de l'État à ces régimes pour les exercices 1992 à 1996.

Le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale détaille, pour l'année 1993, les principaux impôts et taxes affectés aux différents régimes, les contributions publiques (État et FSV) aux régimes de base pour les exercices 1991 à 1994 ainsi que les transferts de compensations entre régimes pour ces mêmes exercices.

Seul le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale présente un point complet des différentes ressources affectées, des subventions de l'État et des relations financières entre l'État et le régime général. Ces données n'en demeurent pas moins dispersées et ne font pas l'objet d'un regroupement qui permettrait au Parlement de se prononcer en connaissance de cause sur les concours publics à la sécurité sociale.

La transparence constitue, par définition, une condition essentielle d'un contrôle démocratique efficace. La loi d'équilibre de la sécurité sociale, qui devrait entraîner des votes par branches et par régimes obligatoires de base sur des prévisions de recettes et de dépenses, répond à cette exigence fondamentale, éclairant ainsi les choix du Parlement sur les grandes orientations de la sécurité sociale.

3.- Un équilibre inscrit dans une perspective pluriannuelle

La loi d'équilibre de la sécurité sociale permet au Parlement d'intégrer à sa réflexion les grandes tendances de la protection sociale afin d'éclairer son vote annuel. C'est dire que le débat doit s'inscrire dans une perspective pluriannuelle qu'il serait regrettable de perdre de vue. En effet, il aura trop longtemps fallu se contenter de décisions à court terme adoptées dans la précipitation pour que le Parlement ne saisisse pas cette occasion de défendre une approche s'inscrivant dans la durée.

Les années passées ont souvent illustré, en effet, la pertinence de certaines propositions parlementaires dans un domaine où, si l'on exclut les effets de la conjoncture économique, l'essentiel des données de fond est connu longtemps à l'avance. Ceci vaut notamment pour les rôles respectifs à accorder à l'impôt et aux cotisations en fonction de l'équilibre macroéconomique général. La future loi d'équilibre devra donc s'attacher à définir un équilibre sur longue période, des ajustements de rythme annuel pouvant être opérés dans le cadre de la loi discutée au cours de l'exercice suivant. On verra plus loin que cet aspect pluriannuel de la loi d'équilibre milite également en faveur de son examen plus précoce dans l'année.

Il conviendra tout particulièrement que le Parlement se prononce sur le choix fondamental consistant à déterminer, au sein de la richesse nationale, la part des dépenses de sécurité sociale compatible avec la compétitivité de notre économie. Il lui reviendra ensuite, branche par branche, de déterminer les parts respectives du financement par l'impôt et par les cotisations sociales. Il ne s'agira pas pour autant d'étatiser en quoi que ce soit la sécurité sociale, puisqu'il restera alors aux partenaires sociaux à répartir par profession les normes de progression ainsi fixées.

Il importera, à cet égard, que les objectifs de dépenses en matière de santé ne se fondent pas sur le seul ajustement des honoraires. Il faudra, en effet, appréhender la consommation médicale dans son ensemble, afin de maîtriser les volumes de dépenses de manière efficace.

Votre Rapporteur s'inquiète par ailleurs de la complexité des mécanismes de régulation envisagés. En effet, selon le schéma proposé, les ajustements en cas de dépassement des objectifs interviendraient a posteriori, au cours de l'exercice suivant, alors que l'adoption plus précoce de la loi d'équilibre permettrait d'opérer ces ajustements en temps réel, évitant ainsi tout décalage.

Mais peut-on assimiler pour autant la loi d'équilibre de la .sécurité sociale aux lois de finances, compte tenu de l'ensemble des spécificités de forme et de fond qui s'attachent à ces dernières ?

II. - LES SIMILITUDES PLUS APPARENTES QUE REELLES ENTRE LA LOI D'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LA LOI DE FINANCES

S'il n'est sans doute pas question de « loi de finances sociales » dans le texte du projet de loi constitutionnelle, la future loi d'équilibre de la sécurité sociale n'en ressemble pas moins, à première vue, aux lois de finances. Mais ces similitudes, pour importantes qu'elles soient, n'en sont pas pour autant décisives, de telle sorte que la loi d'équilibre de la sécurité sociale se différencie nettement d'une loi de finances.

A.- DES TRAITS COMMUNS TENANT PRINCIPALEMENT AU PARALLÉLISME DES PROCÉDURES

Les notions de priorité d'examen à l'Assemblée nationale, d'annualité, de délais d'adoption et d'équilibre financier, attachés aux lois de finances, inspirent les dispositions du projet de loi constitutionnelle mais ne sont, s'agissant de la loi d'équilibre de la sécurité sociale, que d'une portée modeste.

1.- La priorité d'examen de l'Assemblée nationale

L'article 39, alinéa 2 de la Constitution pose le principe de l'examen, en premier lieu, des projets de loi de finances par l'Assemblée nationale que l'article 2 du projet de loi constitutionnelle propose d'appliquer également au projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale.

S'agissant d'un texte qui, si l'on se réfère à l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, « pourra comporter toute disposition législative nécessaire à l'équilibre de la sécurité sociale », il paraît indispensable qu'il soit d'abord soumis, comme les lois de finances, à l'examen de l'Assemblée nationale.

Il convient d'ailleurs de souligner que cette priorité d'examen ne sera pas sans effets sur le contenu même de la loi d'équilibre, dans la mesure où le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 76-73 DC du 28 décembre 1976, a estimé que le Gouvernement ne pouvait présenter des dispositions « entièrement nouvelles » (en l'espèce, création d'une taxe nouvelle) au cours de la discussion de la loi de finances devant le Sénat.

2.- La périodicité annuelle

Principe traditionnel du droit budgétaire, l'annualité s'appliquera expressément à la loi d'équilibre de la sécurité sociale. L'article 47-1 (nouveau) de la Constitution dispose en effet, dans la rédaction qu'en propose le projet de loi, que « le Parlement vote chaque année le projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale ».

On observera que l'article 47 de la Constitution n'est pas aussi explicite à l'égard des lois de finances, pour lesquelles il faut se référer à l'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui envisage la « loi de finances de l'année » et à son article 4, qui établit le caractère annuel de l'autorisation de percevoir les impôts.

C'est précisément cette obligation annuelle qui fonde la nécessité d'une révision constitutionnelle. On se souvient, en effet, que la loi organique adoptée en décembre 1987 sur proposition du Président d'Ornano avait été considérée comme contraire à la Constitution, dans la mesure où elle avait établi une procédure annuelle d'examen d'un projet de loi sur les finances sociales, allant ainsi au-delà de la compétence ouverte à une loi organique par l'article 34 de la Constitution.

3.- Les délais d'examen

S'inspirant des mécanismes prévus à 1 'article 47 de la Constitution, le projet de loi constitutionnelle accorde au Parlement les délais d'examen suivants :

· en première lecture, vingt jours pour l'Assemblée nationale, puis quinze jours pour le Sénat ;

· les dispositions de l'article 45 s'appliquent pour la suite de la discussion parlementaire, les assemblées disposant au total d'un délai de cinquante jours pour se prononcer.

En outre, les dispositions du projet de loi d'équilibre pourront être mises en oeuvre par ordonnance si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai précité.

Hormis les délais prévus, plus courts, le dispositif est identique à celui prévu pour les lois de finances et répond à la même préoccupation : faire en sorte qu'un projet, une fois déposé, ne puisse subir de retards qui empêcheraient son adoption en temps utile. On verra d'ailleurs que cette similitude fonde, comme pour les lois de finances, l'exclusion de dispositions étrangères au champ de la loi d'équilibre de la sécurité sociale, tel qu'il sera défini par la loi organique.

4.- La détermination d'un équilibre et d'objectifs de dépenses

Le projet de loi constitutionnelle tend à inscrire dans la Constitution la notion d'équilibre en matière de sécurité sociale. Comment peut-on analyser cette innovation constitutionnelle qui s'inspire ici encore des dispositions relatives aux lois de finances ?

La nature de cet « équilibre financier prévisionnel » mérite d'abord d'être précisée. Il ne s'agit pas, en effet, d'établir un équilibre comptable traditionnel, mais de confronter, dans différents tableaux d'équilibre par régime et par branche, des prévisions de recettes et des prévisions de dépenses. Le terme même d'« équilibre », en matière de sécurité sociale, n'est pas univoque. Pour votre Rapporteur, il est clair qu'aucun déficit durable ne saurait être toléré pour les régimes de sécurité sociale. Dès lors, il n'est pas possible d'envisager que la sécurité sociale puisse fonctionner grâce à des emprunts à long terme. En revanche, force est de constater qu'au cours de ces dernières années, les déficits successifs ont été cumulés d'un exercice sur l'autre et que la reprise de la dette a conduit à en étaler le financement sur une longue période.

Quant aux objectifs de dépenses, qui rappellent naturellement les dépenses de l'État déterminées par les lois de finances, ils ne présentent pas un caractère normatif aussi marqué que des crédits budgétaires : en effet, si un dépassement devait être constaté en exécution, il ne se traduirait naturellement pas par l'arrêt des versements des prestations.

Ainsi, le parallèle entre la loi d'équilibre de la sécurité sociale et les lois de finances paraît essentiellement formel. De fait, la loi d'équilibre de la sécurité sociale se différencie nettement d'une loi de finances.

B.- L'IMPOSSIBILITÉ D'APPLIQUER AUX LOIS D'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE LES RÈGLES DU DROIT BUDGÉTAIRE

Le droit budgétaire s'est construit autour d'un certain nombre de principes que l'on retrouve dans l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959.

Tout d'abord, la loi de finances est, par excellence, une loi normative : sans l'adoption de la loi de finances annuelle, la vie de l'État, du moins en théorie, s'arrêterait, comme nous le montre aujourd'hui l'exemple américain ; elle est donc essentielle ; de plus, elle ne peut comporter que des mesures normatives, les dispositions sans véritable portée juridique qu'elle comprendrait étant, selon le Conseil constitutionnel, nécessairement des « cavaliers budgétaires » : «(...) si le caractère inopérant d'une disposition d'une loi ordinaire empêche qu'elle puisse être déclarée contraire à la Constitution, l'article premier de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 définit limitativement nature des dispositions que peut contenir une loi de finances et (...) ainsi une indication de nomenclature budgétaire (en l'espèce, la création de chapitres budgétaires non dotés de crédits) se bornant à énoncer une intention d'action future ne saurait trouver place dans une loi de finances (...)» (décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983).

Ensuite, les lois de finances respectent des principes traditionnels :

· elles sont annuelles ; à titre d'exemple, la loi de finances initiale comporte l'autorisation annuelle de percevoir les impôts (article 4 de l'ordonnance de 1959), de recourir à l'emprunt public (ibid., article 15), de dépenser des crédits dont les reliquats annuels ne peuvent être reportés à l'exercice suivant que sous certaines conditions (ibid., article 17) ;

· elles comportent des plafonds de dépenses, des crédits limitatifs et spécialisés (ibid., articles 7 à 11) : sauf dérogations diverses, on ne peut dépenser dans l'année que ce qui a été prévu pour telle ou telle mission ;

· elles respectent, sous réserve des dérogations prévues, les principes d'unité et d'universalité (ibid., articles 16 et suivants) selon lesquels un compte unique, le budget, regroupe l'ensemble des comptes, des recettes et des dépenses de l'État, sans contraction entre les unes et les autres ni affectation des unes aux autres.

Or, l'ensemble de ces règles et de ces principes ne paraissent pas applicables - sauf à aller si loin dans les dérogations qu'ils seraient vidés de contenu - à un « budget social » de la Nation.

1.- Le contenu normatif limité de la loi d'équilibre de la sécurité sociale

D'après l'article 34 de la Constitution, « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État ».

Selon le présent projet de loi, la loi d'équilibre de la sécurité sociale déterminerait seulement les « conditions générales de l'équilibre financier prévisionnel de la sécurité sociale » et « les objectifs de dépenses » de celle-ci. La rédaction, plus précise et donc moins large, restreint d'entrée de jeu, par des termes tels que « générales », «prévisionnel » et « objectifs », la portée normative de la loi d'équilibre de la sécurité sociale, par opposition aux lois de finances.

S'agissant des « objectifs de dépenses », l'impossibilité de suspendre le versement de prestations légales en cas d'épuisement des crédits rend difficile une formulation plus forte. Au demeurant, le droit budgétaire a prévu, pour les dépenses budgétaires résultant d'obligations légales de l'État, les notions de crédits évaluatifs ou provisionnels : dans ces cas, les crédits initiaux peuvent être librement ou plus souplement dépassés par les dépenses. Cependant, il s'agit d'exceptions dans le droit budgétaire, où les crédits limitatifs sont la règle ; ces exceptions pourraient devenir la règle pour les dépenses de sécurité sociale. Il n'empêche que les enveloppes que votera le Parlement, en particulier pour les dépenses de santé, devront comporter des éléments de contrainte en étant assorties de mécanismes régulateurs prévus en cas de dépassement ou de menace de dépassement.

L'équilibre, naturellement, ne saurait qu'être prévisionnel, comme l'est déjà l'article d'équilibre des lois de finances initiales ou rectificatives.

Reste enfin la notion ambiguë de « conditions générales de l'équilibre ».

On peut ne voir dans l'insertion de l'expression « conditions générales » dans le dispositif qu'une atténuation du principe de détermination de l'équilibre de la sécurité sociale par le Parlement : celui-ci ne voterait que sur des orientations générales.

On peut aussi y voir une extension fondamentale du rôle du 'Parlement : en modifiant l'article 34 de la Constitution, le présent projet de loi ne se borne pas à créer une nouvelle procédure législative spécifique comparable à celle existant pour les lois de finances, il touche nécessairement à la délimitation des domaines de la loi et du règlement qui est l'objet même de cet article. Ainsi, du fait que, selon l'article 34, « les lois de finances déterminent les ressources » de l'État, découle le caractère législatif des dispositions qui contribuent au financement de l'État, quoique ne relevant pas de la notion d'imposition de toutes natures, telles que les prélèvements régaliens opérés par l'État sur des organismes publics (cf. articles 3 à 5 de la seconde loi de finances rectificative pour 1995 instituant des prélèvements sur la Caisse des dépôts et consignations, l'Institut national de la propriété industrielle et l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce).

Jusqu'à présent, comme il a été indiqué plus haut, la délimitation en matière de sécurité sociale entre compétences du législateur et du pouvoir réglementaire reposait sur l'interprétation des notions de « principes fondamentaux de la sécurité sociale» et à'« impositions de toutes natures » ; le Conseil constitutionnel, après avoir, dans ses premières décisions, laissé un large champ au pouvoir réglementaire, a eu ensuite tendance à reconnaître le caractère d'impositions de toutes natures à toutes sortes de prélèvements affectés à la sécurité sociale autres que les cotisations traditionnelles, plaçant ainsi l'ensemble de leurs modalités, taux compris, dans le champ législatif (ainsi de contributions sur les frais de prospection de l'industrie pharmaceutique et la consommation de tabac et d'alcool - décision n° 82-152 DC du 14 janvier 1983 -, de la CSG - décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 -, de la contribution sociale de solidarité des sociétés - décision n° 91-302 DC du 30 décembre 1991 -). Dès lors que le balancier de l'interprétation des dispositions de l'article 34 est plus favorable au législateur, l'instauration d'une compétence de celui-ci pour déterminer les conditions générales de l'équilibre de la sécurité sociale pourrait passer pour établir une compétence exclusive du Parlement, et ce dans le cadre de la loi d'équilibre de la sécurité sociale, pour décider de ce qui conditionne significativement l'équilibre des comptes sociaux et donc de toute mesure - en particulier de recettes et notamment en matière de taux des cotisations sociales - ayant une incidence importante sur cet équilibre ; s'agissant des lois de finances, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que « pour la détermination de cet équilibre (celui de la loi de finances), doivent notamment figurer dans la première partie du projet de loi de finances (donc avant l'article d'équilibre), outre l'autorisation de percevoir les impôts existants affectés aux collectivités et aux établissements publics, les dispositions instituant un impôt si celui-ci est destiné à procurer des ressources à l'État des le nouvel exercice budgétaire » (décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990).

Aux yeux de votre Rapporteur, les deux interprétations de la notion de « conditions générales de l'équilibre » ne sont pas nécessairement contradictoires. Cette formulation rectifie quelque peu la portée de l'équilibre de la sécurité sociale à définir, en le plaçant moins dans une optique annuelle et comptable que dans une optique de long terme : il s'agira de s'interroger sur les conditions de long terme d'une protection sociale dont les coûts seraient maîtrisés et le financement assuré sans porter préjudice à l'économie et à l'emploi. Le Parlement devrait voir sa compétence étendue à l'ensemble des financements des régimes sociaux, mais seulement dans leurs grandes masses (puisqu'il s'agit des conditions générales), et, en particulier, déterminer, branche par branche, la part respective des cotisations et de l'impôt, tout en laissant aux partenaires sociaux la responsabilité qui est la leur, notamment pour répartir l'effort demandé aux différentes catégories de cotisants.

2.- Une annualité moins prononcée

Malgré le parallélisme établi par le présent projet de loi entre les règles de procédure applicables aux lois de finances et à la loi d'équilibre de la sécurité sociale, règles qui, s'agissant des premières, ne se justifient que par la nécessité absolue d'adoption dans les délais (avant le 31 décembre pour la loi de finances initiale), l'annualité matérielle de la loi d'équilibre de la sécurité sociale apparaît limitée puisque, ne déterminant pas des ressources mais les conditions d'un équilibre, pas des dépenses mais des objectifs de dépenses, elle ne devrait pas comporter ce qui fait la spécificité des lois de finances (plus particulièrement des lois de finances initiales) : l'autorisation annuelle de percevoir des ressources et d'engager des dépenses.

Ce point explique d'ailleurs une des différences de rédaction entre l'article 47 de la Constitution, relatif aux lois de finances, et l'article 47-1 proposé par le présent projet de loi : si ce dernier calque pour la loi d'équilibre de la sécurité sociale les deuxième et troisième alinéas de l'article 47, prévoyant l'existence de délais d'examen devant chaque Assemblée et le recours possible à une ordonnance en cas de dépassement d'un délai global d'examen par le Parlement, il ne reprend pas, en revanche, le quatrième alinéa de cet article. Celui-ci dispose que « si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n 'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés ». On voit bien qu'un tel dispositif n'a pas lieu d'être pour la loi d'équilibre de la sécurité sociale dès lors qu'elle n'autorisera ni la perception de recettes, ni rengagement de dépenses.

En fait, l'intérêt principal de la procédure de loi d'équilibre de la sécurité sociale, au-delà de la clarification des comptes sociaux et de leur soumission à débat public, réside dans la fixation d'un rendez-vous annuel pour la recherche des conditions d'un équilibre de long terme de la sécurité sociale dépassant l'annualité.

3.- L'inapplicabilité des principes d'unité et d'universalité

a.- Le principe d'unité

Le principe d'unité budgétaire, qui veut que le budget de l'État recouvre l'ensemble de ses comptes, ne peut s'appliquer que parce que l'État est une personne morale unique. Il n'en est pas de même pour la sécurité sociale, où, sans même parler des caisses locales, on a un nombre important d'organismes nationaux dotés de la personnalité morale, donc de l'autonomie financière, d'un budget propre. Sauf à revoir de fond en comble l'architecture de notre protection sociale, il ne saurait y avoir un budget social - ni un équilibre de la sécurité sociale - mais des budgets sociaux - et des équilibres de régimes de protection sociale. La logique institutionnelle voudrait qu'il y eût un budget, un équilibre, des objectifs de dépenses par organisme national. La recherche de la clarté des comptes imposerait plutôt une grille croisée par branche ou risque et par catégorie socioprofessionnelle (par exemple, « l'assurance-veuvage des salariés», «l'invalidité des exploitants agricoles» ...), sachant que les deux types de grilles ne se recoupent que partiellement : ainsi, s'il existe trois caisses nationales pour les salariés du régime général, il n'en existe qu'une, gérant tous les risques, pour les exploitants et salariés agricoles, tandis que beaucoup de régimes spéciaux n'existent que pour l'assurance-vieillesse, leurs affiliés relevant du régime général pour l'assurance-maladie ...

b.- Le principe d'universalité

Dans sa décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994, le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé que le principe d'universalité budgétaire s'appliquait aussi aux budgets annexes de l'État, en l'espèce celui des Prestations sociales agricoles (BAPSA), a censuré pour non respect de ce principe une disposition instituant de fait un versement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au budget annexe égal aux majorations de pensions de retraites pour enfants versées par ce dernier aux exploitants agricoles : il apparaît qu'une recette (le versement du FSV) d'un budget annexe ne saurait être déterminée par le niveau d'une dépense (les majorations versées par le BAPSA), car l'ensemble des recettes assure l'exécution de l'ensemble des dépenses. Le même transfert des charges de majorations de pensions des exploitants agricoles au FSV, opéré cette fois directement, sans que les sommes en cause fussent retracées en recettes et en dépenses dans le BAPSA, a en revanche été explicitement jugé conforme à la constitution tout récemment (décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995).

Ces décisions revêtent en l'espèce un intérêt particulier, car elles portent sur le seul budget de protection sociale actuellement retracé et identifié comme tel dans les comptes de l'État. La prohibition, au titre de l'universalité budgétaire, des recettes déterminées par le niveau d'une dépense serait lourde de conséquences si elle devait être appliquée à l'ensemble des régimes de protection sociale, sauf à revoir profondément l'architecture de leur financement, car de nombreuses ressources de ces régimes tomberaient sous le coup de cette règle : les remboursements de l'État au régime général au titre des « minima sociaux » qu'il verse (RMI, allocation aux adultes handicapés, allocations logement ...), ceux du FSV aux différents régimes au titre des avantages vieillesse non contributifs à leur charge, voire les mouvements de compensation démographique, qui sont déterminés par des éléments relatifs aux dépenses (nombre de bénéficiaires de prestations, prestation de référence)...

III.- UNE ARTICULATION DIFFICILE MAIS NECESSAIRE ENTRE LA LOI D'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LA LOI DE FINANCES ANNUELLE

Comme pour les lois de finances, il est prévu dans le présent projet de loi qu'une loi organique définisse précisément les modalités (contenu, organisation interne, procédure d'examen ...) des lois d'équilibre de la sécurité sociale. Cette loi organique devra notamment veiller à éviter toute « collision » entre loi d'équilibre et loi de finances annuelle, car des risques existent en la matière.

A.- LES RISQUES D'EMPIÉTEMENT DE LA LOI D'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE SUR LES LOIS DE FINANCES

Les risques d'empiétement de la loi d'équilibre de la sécurité sociale portent principalement sur la loi de finances annuelle ; ils tiennent aux difficultés de calendrier, à des contenus qui pourraient se recouper - et donc se contredire - et à la définition concurrente de deux grands « équilibres », l'un social, l'autre budgétaire.

1.- Un calendrier budgétaire à préserver

II n'est pas besoin d'insister sur la charge qui pèse sur l'ordre du jour parlementaire des trois mois d'automne du fait de l'examen de la loi de finances initiale et, de fait, d'un collectif budgétaire, même si cet examen devrait être, au cours de cette année, réaménagé. La limitation nouvelle des jours de séances et de la durée de celles-ci ajoute à la difficulté. L'examen de la loi d'équilibre de la sécurité sociale y ajoutera encore, sauf s'il s'opère plutôt au printemps.

2.- Des contenus qui se recoupent

Des flux financiers considérables qui seront nécessairement retracés dans la loi d'équilibre de la sécurité sociale le sont déjà - et le resteront - dans la loi de finances annuelle.

a.- Les concours budgétaires de l'État aux régimes sociaux

D'après le rapport général de M. Philippe Auberger sur le projet de loi de finances pour 1996, les concours de l'État aux principaux régimes de sécurité sociale atteindraient, en 1996, 125 milliards de francs, soit 74 milliards de francs au titre du remboursement aux régimes sociaux de prestations qu'ils versent mais que l'État finance (RMI, allocation aux adultes handicapés, aides au logement ...) et 51 milliards de francs de subventions à des régimes structurellement déficitaires (exploitants agricoles ; retraites des mineurs, cheminots, marins ...).

II conviendrait d'ajouter à ces montants les sommes versées au titre des exonérations de cotisations sociales compensées par l'État : 52 milliards de francs prévus en 1996.

Enfin, l'État « employeur » verserait sur les crédits des Charges communes, en 1996, 23,3 milliards de francs de cotisations patronales de maladie (ses agents relevant en la matière du régime général), 6,7 milliards de francs d'apurement au profit de la Caisse nationale des allocations familiales (apurement égal à l'écart entre sa cotisation patronale théorique à la CNAF et les prestations familiales qu'il verse directement à ses agents) et 16,5 milliards de francs au titre de la compensation entre régimes sociaux.

b.- Les dépenses de protection sociale de l'État

Outre les versements à différents régimes sociaux, l'État finance directement sur crédits budgétaires des dépenses de protection sociale :

· l'ensemble de celles des exploitants agricoles, à travers le BAPSA, soit 87 milliards de francs en 1996 (dont 30 milliards de francs couverts par les subventions susmentionnées du budget général aux régimes déficitaires, le reste provenant principalement de cotisations et de la compensation entre régimes) ;

· les pensions et prestations familiales des ses agents ; les seules charges de pensions ont dépassé 144 milliards de francs en 1994 ...

Sans remettre en cause le caractère de dépenses budgétaires attaché aux pensions des agents de l'État et aux crédits du BAPSA, on peut penser qu'il sera nécessaire que les seconds, au moins, soient également retracés dans la loi annuelle d'équilibre de la sécurité sociale.

c.- Les opérations non budgétaires de l'État au profit de la sécurité sociale

Quoique non retracée directement dans les comptes budgétaires parce qu'étant une opération de trésorerie, la reprise au 1er janvier 1994 de 110 milliards de francs de dette de l'ACOSS par l'État a un coût évident, budgétaire (les intérêts) et non budgétaire (le remboursement du principal), compensé jusqu'à présent par un versement du FSV (remplacé à l'avenir par un versement de la nouvelle caisse d'amortissement de la dette sociale).

d.- Les impositions affectées à la sécurité sociale

L'autorisation de percevoir les impôts, y compris ceux qui ne sont pas affectés à l'État , est donnée annuellement dans la loi de finances initiale (articles 4 et 31 de l'ordonnance du 2 janvier 1959) ; à ce titre, les impôts affectés à des organismes autres que l'État, et notamment de sécurité sociale, sont recensés et évalués dans le fascicule budgétaire « voies et moyens » ; le rendement global de ceux affectés à des organismes de protection sociale - principalement la CSG - atteindrait 141 milliards de francs en 1995. En 1996, s'y ajoutera notamment le RDS (remboursement de la dette sociale), pour 22 milliards de francs ; en 1997, selon les annonces du Gouvernement, deux points de cotisations d'assurance maladie seront en outre « basculés » sur une imposition du même type.

e.- L'explosion des montants en cause

La liste de flux financiers concernant d'une manière ou d'une autre la sécurité sociale et retracés dans les comptes budgétaires qui est présentée ci-dessus n'est sans doute pas exhaustive. L'addition des montants indiqués n'est pas pleinement significative vu la disparité des flux qu'ils représentent ; elle est tout de même impressionnante : près de 600 milliards de francs par an, soit plus du quart de l'« effort social de la Nation ».

L'interpénétration entre budget de l'État et sécurité sociale n'est pas nouvelle, mais l'augmentation récente des montants concernés a été brutale : ainsi la CSG, qui pèserait en 1995 94 milliards de francs, ne remonte-t-elle qu'à 1991 et le transfert au FSV des droits sur les alcools, soit 15 milliards de francs en 1995, à 1994 ; et que dire du passage du coût des exonérations de cotisations sociales compensées par l'État de 12 milliards de francs en 1993 à 52 milliards de francs en 1996 , sinon que, lié à l'instauration d'exonérations générales de cotisations sur les bas salaires, il s'inscrit également dans une démarche de « fiscalisation » du financement de la sécurité sociale.

C'est face à cette évolution que votre commission des Finances a obtenu, ainsi qu'on l'a dit, le dépôt annuel à compter de 1996 d'un document budgétaire récapitulant l'effort financier de l'État en faveur de la protection sociale. C'est un premier pas vers une nécessaire clarification que devra conforter, et non remettre en cause, la procédure de loi d'équilibre de la sécurité sociale. Il n'est pas envisageable que tout ne soit pas fait, notamment dans l'élaboration des procédures, pour que les montants de concours de l'État à la sécurité sociale récapitulés à la fois dans la loi d'équilibre de la sécurité sociale et la loi de finances initiale coïncident.

3.- La définition d'équilibres généraux concurrents

D'après l'ordonnance du 2 janvier 1959, les lois de finances définissent « un équilibre économique et financier » (article premier). Cet équilibre s'incarne, si l'on peut dire, dans le traditionnel « article d'équilibre », élément suffisamment important de la loi de finances pour que le Conseil constitutionnel ait fait de sa non adoption avant le passage à l'examen de la seconde partie de la loi de finances pour 1980 par votre Assemblée un motif d'inconstitutionnalité de l'ensemble de celle-ci.

Le présent projet de loi inscrit dans la Constitution la notion d' « équilibre financier prévisionnel de la sécurité sociale » déterminé par la loi d'équilibre de la sécurité sociale.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, cette notion d'équilibre de la sécurité sociale devra être précisée, notamment dans le cadre de la future loi organique relative à la loi d'équilibre de la sécurité sociale. Elle ne saurait être décalquée sur la notion d'équilibre de la loi de finances.

En effet, les termes mêmes ne sont pas identiques : dans le cas de la loi de finances, par opposition à la loi d'équilibre de la sécurité sociale, l'équilibre mentionné n'est pas seulement financier mais aussi - et même avant tout - économique : si les régimes de protection sociale doivent avant tout assurer leur équilibre financier, l'État, gardien des intérêts économiques et sociaux généraux de la Nation, peut dans le cadre d'un arbitrage intertemporel accepter un déséquilibre budgétaire. Ce déséquilibre rend compte d'ailleurs notamment des concours qu'il apporte aux régimes sociaux pour assurer leur équilibre. Autre aspect de la notion d'équilibre économique du budget : pour l'évaluation des ressources fiscales et des besoins budgétaires qui détermine cet équilibre, les effets sur l'activité économique des mesures prises notamment pour assurer l'équilibre de la sécurité sociale - il suffit d'observer les incidences économiques et donc fiscales vraisemblables du « plan Juppé » - doivent être pris en compte.

C'est dire que la cohérence entre les équilibres de la sécurité sociale et du budget n'est pas facile à assurer et ne peut l'être que par la subordination du premier au second, lequel devra être en état de tirer les conséquences des mesures prises au titre de l'équilibre financier social.

B.- UNE ARTICULATION A DEFINIR

La future loi organique qui précisera les règles applicables à la loi d'équilibre de la sécurité sociale aura notamment à définir l'articulation entre celle-ci et les lois de finances - en particulier la loi de finances initiale annuelle. Cette articulation constitue, pour votre Rapporteur, une condition essentielle de la réussite de l'innovation qu'est la loi d'équilibre de la sécurité sociale. Elle implique des règles de procédure d'examen législatif spécifique aussi bien qu'une délimitation stricte du champ de la loi d'équilibre de la sécurité sociale.

1.- Une procédure législative assurant la compatibilité avec la procédure budgétaire

Deux éléments paraissent importants pour assurer cette compatibilité : l'examen du projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale avant celui de loi de finances annuelle, donc, pour des raisons de calendrier, au printemps ; la participation institutionnelle de la commission des Finances à l'examen en Commission de ce projet.

a.- L'examen de la loi annuelle unique d'équilibre de la sécurité sociale au printemps

Le présent projet de loi prévoit pour l'examen de la loi d'équilibre de la sécurité sociale une priorité à l'Assemblée nationale, comme celle existant déjà pour les lois de finances. Cette disposition est nécessaire, mais non suffisante. Il conviendrait également de prévoir que soit examiné le projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale avant celui de loi de finances de l'année. En effet, dès lors qu'il appartient à l'équilibre plus général, parce qu'également « économique », du budget de l'État de tirer les conséquences, notamment sur l'activité économique et les recettes fiscales, de l'équilibre seulement financier de la sécurité sociale et des mesures prises pour l'assurer, il est nécessaire que ce dernier soit déterminé avant l'examen du projet de loi de finances annuelle.

Cela impliquerait que le débat d'équilibre de la sécurité sociale (pour l'exercice suivant) eût lieu au printemps (mai-juin), ce qui présenterait en outre plusieurs avantages : la charge de travail du Parlement serait mieux répartie dans l'année ; les données chiffrées définitives de la loi d'équilibre pourraient être intégrées dans le projet de loi de finances annuel dès son élaboration ; la priorité serait donnée aux orientations pluriannuelles dans la recherche d'un équilibre durable des régimes sociaux plutôt qu'aux seules considérations annuelles et comptables ; l'organisation printanière du débat d'équilibre de la sécurité sociale pourrait enfin être un premier pas vers l'organisation d'un débat printanier d'orientation budgétaire dans l'optique d'une meilleure association de la Représentation nationale à l'élaboration du projet de loi de finances initiale.

Hors même la question de l'antériorité par rapport à la loi de finances initiale, les autres solutions ne sont pas satisfaisantes : prendre le débat social en « sandwich » dans le débat budgétaire ne serait guère réaliste au regard des contraintes d'ordre du jour propres à ce dernier et repousser plus tard (décembre-janvier) ce débat social, avec le risque d'une promulgation de la loi d'équilibre postérieure au 31 décembre, heurterait le principe d'annualité de cette loi qu'affichent en particulier les règles de délais proposées par le projet de loi, et la rendrait, le cas échéant, rétroactive, ce qui n'est jamais souhaitable.

On pourrait objecter que plus précoce sera l'examen du projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale, moins précises seront les prévisions économiques applicables à l'exercice en cours et à l'exercice suivant. Toutefois, nul n'est besoin d'insister sur la valeur relative des prévisions économiques sur lesquelles se fondent les projets de loi de finances, pourtant déposés à l'automne ; le degré d'erreur est-il nécessairement plus élevé au printemps ? De plus, comme l'a déjà indiqué votre Rapporteur, la loi d'équilibre, en particulier en ce qui concerne son élément le plus normatif, la fixation des objectifs de dépenses, doit s'inscrire dans une optique pluriannuelle : il ne s'agit pas de fixer des taux de croissance des dépenses de santé nécessairement corrélés aux données économiques de Tannée, mais compatibles avec la croissance prévisible à moyen terme de la richesse nationale ; dès lors, la loi d'équilibre de la sécurité sociale d'une année pourra très bien fixer les objectifs applicables à l'exercice suivant par rapport aux données de l'exercice précédent, qui seront connues, quand bien même les données de l'exercice en cours resteraient incertaines.

Par ailleurs, plus tôt dans l'année le Parlement se prononcera sur l'équilibre de la sécurité sociale, moins son vote apparaîtra comme la ratification formelle de choix extérieurs. Dans la mesure où la loi d'équilibre doit rester centrée sur la détermination de quelques grands arbitrages, son adoption précoce, loin de vider le contenu le dialogue social, donnera aux partenaires sociaux un cadre où ils pourront exercer pleinement les responsabilités qui sont les leurs.

Juridiquement, l'institution d'un examen printanier du projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale pourrait se traduire par une obligation de dépôt de ce projet à une date permettant l'examen de celui-ci avant l'intersession estivale. Comme il est hors de question que le débat social soit partagé entre la fin du printemps et le début de l'automne (au demeurant, le présent projet de loi ne reprend pas pour la loi d'équilibre de la sécurité sociale le dispositif du cinquième alinéa de l'article 47 de la Constitution, qui prévoit en intersession la suspension des délais d'examen des lois de finances : il n'est pas envisagé que le débat social puisse être coupé par l'intersession), ce dépôt devrait donc avoir lieu au moins cinquante jours (délai d'examen prévu) avant la fin de la session unique, donc au plus tard début mai, voire auparavant compte tenu des délais d'examen en Commission.

Enfin, les contraintes de calendrier conduisant au choix d'un examen au printemps plaident pour une loi d'équilibre de la sécurité sociale annuelle unique, ce que semble impliquer d'ailleurs l'emploi du singulier dans le présent projet de loi pour désigner le projet de loi d'équilibre On pourrait certes soutenir que l'emploi du singulier ne signifie pas qu'il n'existe qu'une loi annuelle d'équilibre, mais qu'il existe un seul type de lois d'équilibre, alors que l'on distingue parmi les lois de finances, les lois initiales, rectificatives et de règlement : plusieurs lois d'équilibre pourraient être votées selon les mêmes formes dans l'année. Cela dit, cette interprétation ne tient pas au regard de la formulation proposée pour l'article 47-1 de la Constitution, selon laquelle « le Parlement vote chaque année le projet de loi d'équilibre (...) ». Cette loi annuelle devra donc non seulement déterminer l'équilibre prévisionnel et les objectifs de dépenses applicables à l'exercice suivant, ainsi que les orientations générales pour l'équilibre à venir, mais aussi - jouant ainsi le rôle d'une loi de règlement - arrêter ou constater les comptes sociaux de l'exercice précédent et - jouant alors le rôle d'une loi de finances rectificative - rectifier les prévisions applicables à l'exercice en cours et, le cas échéant, prendre les dispositions rétablissant l'équilibre de celui-ci. Ce dernier point devrait conduire logiquement à ce que la loi d'équilibre déterminât les effets des mécanismes régulateurs mis en oeuvre en cas de dépassement ou de menace de dépassement des objectifs de dépenses, afin d'éviter qu'elle ne se transformât systématiquement en loi rectificative de l'exercice en cours. L'absence de lois d'équilibre rectificatives devrait limiter l'encombrement de l'ordre du jour, faciliter la maîtrise des dépenses et éviter la dérive conjoncturelle d'un texte, la loi d'équilibre, qui devra proposer des solutions structurelles.

b.- Un rôle majeur de la commission des Finances

Le droit de la sécurité sociale est certes une compétence traditionnelle et réglementaire de votre commission des Affaires sociales.

Cependant, on a pu voir que des flux financiers considérables seraient retracés tout à la fois dans la loi d'équilibre de la sécurité sociale et dans la loi de finances annuelle et que l'équilibre de la sécurité sociale défini par la loi sociale annuelle ne serait pas sans incidence sur l'équilibre budgétaire et plus généralement, l'économie nationale - votre commission des Finances étant aussi celle de l' « économie générale » - ; ces deux points rendent nécessaire un souci constant, lors de l'examen du projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale, et donc dès son examen en Commission, de cohérence entre les deux textes. Ce souci justifie d'ailleurs, comme on l'a dit, l'examen préalable du projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale et ce, en lien avec ce qui pourrait devenir un débat d'orientation budgétaire. De plus, il n'est pas contestable que les flux de financement sociaux relèvent des finances publiques (c'est ainsi que les prescriptions de l'article 40 de la Constitution, prohibant les initiatives parlementaires dégradant les finances publiques, sont applicables aux ressources et charges des régimes de sécurité sociale, ainsi qu'en a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 60-11 DC du 20 janvier 1961).

Pour ces raisons, votre commission des Finances serait la plus à même de rapporter au fond le projet de loi d'équilibre de la sécurité sociale. A défaut, une solution pourrait consister dans la co-saisine au fond, dans chaque Assemblée, des commissions des Affaires sociales et des Finances, mais cette procédure n'appartient pas à nos traditions de droit parlementaire. Une autre possibilité, inspirée par le succès de la mission d'information commune constituée par les commissions des Affaires sociales et des Finances de votre Assemblée sur la sécurité sociale en novembre dernier, serait de prévoir la constitution systématique d'une commission ad hoc pour examiner le projet annuel de loi d'équilibre de la sécurité sociale ; il ne s'agirait pas de créer une nouvelle commission permanente, mais une sorte de commission saisonnière régulière, en constituant tous les ans une commission spéciale.

2.- Une loi d'équilibre de la sécurité sociale qui ne soit pas une loi « portant diverses dispositions d'ordre social »

L'ordonnance du 2 janvier 1959 soumet les lois de finances à des règles strictes tant en ce qui concerne leur contenu que leur organisation en deux parties (s'agissant des lois de finances initiales et lois de finances rectificatives). S'agissant du contenu des lois de finances, on peut rappeler que ne peuvent figurer dans une loi de finances que des mesures fiscales, relatives au contrôle des finances publiques, imposant des responsabilités pécuniaires aux agents publics ou ayant une incidence sur les ressources, les charges et les emplois budgétaires de l'État , outre les mesures qui sont inhérentes aux lois de finances : autorisation de percevoir les ressources publiques, évaluation de celles de l'État, détermination des crédits, constatation des comptes (en loi de règlement)... Les « cavaliers budgétaires » font l'objet de contrôles de recevabilité internes aux Assemblées et sont censurés par le Conseil constitutionnel.

Il semble à votre Rapporteur que des règles du même ordre, appliquées avec la même rigueur, doivent être prévues dans le cas de la loi d'équilibre de la sécurité sociale. Cela pour plusieurs raisons :

· en premier lieu, la précision même de la définition constitutionnelle proposée pour la loi d'équilibre de la sécurité sociale implique une stricte délimitation de son champ ;

· ensuite, la loi d'équilibre de la sécurité sociale doit être une loi de clarté des comptes sociaux et de recherche de solutions d'équilibre à moyen terme. Les besoins en l'espèce sont grands. La détermination des conditions de l'équilibre des comptes sociaux doit donc être le noyau de la loi d'équilibre, ainsi que son intitulé même l'indique, et le message ne soit pas être brouillé par l'addition de trop de dispositions annexes, voire sans rapport avec cet objet ;

· les contraintes de calendrier tant constitutionnelles que pratiques imposées à la loi d'équilibre plaident pour une loi « légère » ;

· l'extension du champ de la loi d'équilibre à la définition précise de mesures de financement de la sécurité sociale - portant vraisemblablement à la fois sur les taux des cotisations sociales, que Ton baisserait, et sur de nouveaux impôts que Ton instaurerait concomitamment, dans la logique de « fiscalisation » de la sécurité sociale - pourrait être perçue, s'agissant des taux de cotisation, comme une atteinte au principe de gestion paritaire, et, s'agissant d'impôts dont la perception annuelle est autorisée en loi de finances, accroîtrait le risque de « collision » avec la loi de finances initiale. A contrario, aujourd'hui, l'impossibilité de traiter des cotisations sociales en loi de finances (des dispositions de cette espèce y seraient « cavalières ») permet d'y traiter d'impositions telles que la CSG, tout en étant protégé de la « tentation » de toucher dans le même cadre aux taux des cotisations ;

· enfin, la prohibition des « cavaliers » en loi d'équilibre de la sécurité sociale constituerait une mesure élémentaire de protection des droits du Parlement : si les « cavaliers budgétaires » sont proscrits, c'est sans doute avant tout du fait des moyens spécifiques dont dispose le Gouvernement pour faire adopter les lois de finances - délais d'examen stricts, « urgence » systématique, recours éventuel à une ordonnance en cas de dépassement ... - ; ces moyens sont justifiés par la nécessité de promulguer la loi de finances initiale avant le 31 décembre ; mais ils impliquent que celle-ci ne comporte que les dispositions si l'on peut dire nécessaires à la continuité de l'État et des collectivités publiques au delà de cette date ; la loi de finances ne saurait être un moyen facile de « faire passer » n' importe quelle mesure. Dès lors que le même principe d'annualité, les mêmes contraintes de délais, le même recours éventuel à une ordonnance sont prévus pour la loi d'équilibre de la sécurité sociale, ce qui est proposé par le présent projet de loi, la même prohibition des « cavaliers » s'impose.

CONCLUSION

Examen au printemps de la loi annuelle et unique d'équilibre de la sécurité sociale, rôle majeur de la commission des Finances lors de cet examen, proscription des « cavaliers sociaux », tels sont les points qui paraissent essentiels à votre Rapporteur.

Votre commission des Finances s'est interrogée sur l'opportunité d'amender, pour le préciser, le présent projet de loi et y a renoncé. Il est vrai que le dispositif proposé présente certaines ambiguïtés, en particulier sur le degré de normativité attaché aux « objectifs de dépenses » et sur l'interprétation de la notion de « conditions générales de l'équilibre », qui peut justifier, ou non, l'instauration d'une compétence - voire d'une compétence exclusive - de la loi d'équilibre de la sécurité sociale pour comporter toute disposition ayant une incidence notable sur les finances sociales. Cela dit, force est de constater que ce dispositif est déjà, pour un dispositif constitutionnel, relativement précis : la définition constitutionnelle des lois de finances, qui « déterminent les ressources et les charges de l'État » est ainsi nettement plus laconique que celle de la loi d'équilibre de la sécurité sociale. Force est également d'observer que laisser dans la Constitution le champ ouvert à plusieurs conceptions de la loi d'équilibre présente des avantages : à court terme, cela renvoie à la loi organique d'application les choix fondamentaux, ce qui permettra à la réflexion des uns et des autres de s'affiner sur une question nouvelle et complexe et donc confuse ; à long terme, cela évitera d'avoir à réviser la Constitution si, progressivement, compte tenu de l'évolution de la sécurité sociale, le contenu et l'organisation de la loi d'équilibre doivent évoluer.

Pour l'heure, votre Rapporteur reste convaincu que la loi d'équilibre de la sécurité sociale devra en premier lieu constituer un moment de pédagogie de l'opinion, l'occasion d'une meilleure lisibilité des problèmes structurels du financement de la protection sociale. C'est pourquoi, tout en ayant un contenu normatif fort, elle devra être centrée sur quelques grands arbitrages : entre protection sociale et compétitivité, à travers la détermination de la part de la richesse nationale consacrée à la première ; entre responsabilité des partenaires sociaux et solidarité, à travers le partage, en masses et par branche, du financement de la sécurité sociale entre cotisations et impôt ; en matière de dépenses de santé, enfui, avec la fixation d'enveloppes contraignantes qui seront un cadre et une incitation à la négociation pour les partenaires sociaux. Ces grands choix, qui n'exigent pas une connaissance fine de la conjoncture à court terme, peuvent être opérés dès le printemps pour l'exercice ultérieur ; ainsi le débat social équilibrerait-il dans l'ordre du jour le débat budgétaire au lieu de le contrarier.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a procédé à l'examen pour avis du présent projet de loi constitutionnelle dans sa séance du jeudi 18 janvier 1996.

Après l'exposé du Rapporteur pour avis, plusieurs orateurs sont intervenus.

Rappelant que la mission d'information commune sur la sécurité sociale, mis en place au sein de l'Assemblée nationale en novembre dernier, avait souhaité un accroissement du rôle du Parlement dans ce domaine, le Président Pierre Méhaignerie a toutefois observé qu'une révision de la Constitution n'avait pas alors été évoquée.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur pour avis, a souligné que seule une révision constitutionnelle permettrait de créer une nouvelle catégorie de loi qui comprendrait, une fois que son contenu aura été précisé par une loi organique, à la fois des éléments normatifs et prévisionnels.

Le Président Pierre Méhaignerie a remarqué que la frontière entre le normatif et le prévisionnel était insuffisamment explicitée comme l'avait montré le Rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Delalande a estimé que la loi d'équilibre, examinée au printemps, permettrait de fixer les grands choix financiers assurant le bon fonctionnement du système de protection sociale. Il a marqué sa préférence pour un dispositif clair, anticipateur et régulateur qui ne retarderait pas par trop le débat pour attendre des prévisions qui sont souvent démenties par les faits.

M. Augustin Bonrepaux a regretté qu'il soit difficile de se prononcer sur le projet de loi constitutionnelle, texte succinct qui laisse la place à toutes les incertitudes s'agissant de la loi organique.

M. Yves Fréville a d'abord marqué son accord avec le Rapporteur pour avis sur le rôle déterminant que la loi organique devra jouer le moment venu. Il a relevé que le projet de loi constitutionnelle crée une catégorie spéciale de loi qui tient pour partie des lois de finances et pour partie de la loi de programme. S'interrogeant sur la notion d'« équilibre prévisionnel », il a considéré que la loi d'équilibre, si elle est annuelle, n'en pourra pas moins envisager une prévision à deux ou trois ans, c'est-à-dire admettre des déséquilibres conjoncturels tout en prévoyant un équilibre pluriannuel. Il a estimé que le caractère normatif de la loi d'équilibre ne devait pas faire de doute tant en ce qui concerne les mécanismes de régulation des dépenses que les recettes, y compris les mécanismes de régulation des dépenses que les recettes, y compris les cotisations, dans la mesure où le Parlement se prononce déjà sut* les cotisations des fonctionnaires. Il a plaidé pour un vote de la loi d'équilibre au printemps, le rapport économique et financier présenté par le Gouvernement avec le projet de loi de finances initiale devant alors tenir compte des conséquences de ce vote. Il a enfin insisté sur l'applicabilité de l'article 40 de la Constitution à la loi d'équilibre, le Parlement ne pouvant être autorisé, fût-ce à titre exceptionnel, à créer de prestations nouvelles dans ce texte.

Remerciant le Rapporteur pour avis d'avoir éclairé la Commission sur les ambiguïtés de la réforme constitutionnelle, qui s'en remet entièrement à la loi organique, M. Jean Tardito s'est inquiété de ce que l'on révise ainsi la Constitution pour la cinquième fois depuis 1992, les quatre révisions déjà intervenues ayant au moins eu le mérite de présenter en termes clairs les éléments du débat. Il a déploré que soit proposée une loi d'équilibre qui est en réalité une loi de déséquilibre dont les dépenses sont à peine connues, sinon peut-être pour les limiter, et dont les recettes ne sont pas maîtrisées par le Parlement. Il a contesté le blocage des dépenses de santé, par des mécanismes successifs de décentralisation, qui ne permet pas de tenir compte des progrès des techniques médicales. Enfin, il a craint que les dépenses retracées dans la loi d'équilibre ne soient, une fois de plus, contestées par la Commission européenne dans le cadre du respect des critères de convergence fixés par le traité sur l'Union européenne.

M. Didier Migaud a estimé que les critiques formulées, selon lui, par le Rapporteur pour avis appelaient le Gouvernement à revoir sa copie, se demandant pourquoi celui-ci ne s'était pas inspiré des travaux du Comité consultatif de révision de la Constitution mis en place en 1992. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur les mécanismes de régulation et de contrôle ainsi que sur le rôle éventuel de la Cour des comptes.

M. Michel Inchauspé a exprimé son accord avec les propositions du Rapporteur pour avis, prônant une révision constitutionnelle qui laisserait une marge de manoeuvre suffisante à la loi organique. Rappelant que le Parlement avait toujours demandé de pouvoir s'exprimer et décider en la matière, ce qui nécessite une révision constitutionnelle, il a estimé que celui-ci ne pouvait rejeter ce texte sans manquer à ses responsabilités, compte tenu de la situation de la sécurité sociale et de l'importance croissante des fonds publics dans son financement.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité que la loi d'équilibre soit, dans la mesure du possible, normative, car, si l'on en croit une étude récente, 80 % des efforts du pouvoir d'achat consentis par les salariés, depuis une quinzaine d'années ont été absorbés par l'évolution des dépenses de protection sociale.

Reprenant les propos tenus par M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Delalande a jugé que le Parlement ne pouvait s'opposer à un renforcement de ses pouvoirs qu'il réclame depuis vingt ans. Il a indiqué qu'il n'avait pas souhaité présenter d'amendements au présent projet de loi, dans la mesure où le texte lui paraissait laisser ouvert tout débat lors de l'examen du projet de la loi organique. Rappelant que le Comité consultatif constitutionnel s'était prononcé pour une loi spécifique nécessitant une révision de la Constitution, il a marqué sa préférence pour une loi d'équilibre annuelle qui se placerait dans une perspective de long terme évitant toute confusion entre caractères normatif et prévisionnel. Il a souligné qu'en tout état de cause la loi d'équilibre ne pourrait avoir de caractère normatif en matière de cotisations sociales, qui continueront de relever des partenaires sociaux.

S'agissant de la régulation des dépenses de santé, le Rapporteur pour avis a regretté la complexité du dispositif envisagé, les ajustements déclenchés au cours de l'exercice suivant devant faire l'objet d'une articulation avec la loi de finances initiale et la loi d'équilibre suivante. Il a précisé que la nature des mécanismes de régulation ferait l'objet de l'une des cinq ordonnances prises à la suite de la loi d'habilitation votée le mois dernier et que l'article 40 s'appliquera à la loi d'équilibre. Il a souhaité que le Parlement puisse réellement se prononcer sur les lois d'équilibre et qu'il ne soit pas recouru systématiquement au dispositif prévu à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, observant, à cet égard, qu'une discussion de la loi d'équilibre au printemps laisserait davantage la place à un débat approfondi au Parlement. Il a écarté tout risque de supranationalité ou de blocage systématique des dépenses, les partenaires sociaux paraissant les mieux placés pour procéder à une répartition équitable.

Le Rapporteur pour avis a souligné qu'il n'appelait pas le Gouvernement à revoir son projet de loi constitutionnelle et qu'il préférait son adoption sans modification. Précisant que l'exécution de la loi d'équilibre serait contrôlée dans la loi d'équilibre de l'exercice suivant, il s'est montré favorable à ce que la Cour des comptes puisse, comme le prévoit l'article 47 de la Constitution à l'égard des lois de finances, assister le Parlement dans le contrôle de la loi d'équilibre.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité que la Commission exprime un soutien unanime aux propositions du Rapporteur pour avis concernant le calendrier d'examen de la loi d'équilibre.

La Commission est passée ensuite à l'examen des articles.

Elle a donné un avis favorable à l'adoption des articles premier (article 34 de la Constitution : institution de la loi d'équilibre de la sécurité sociale), 2 (article 39 de la Constitution : priorité d'examen par l'Assemblée nationale) et 3 (article 47-1 nouveau de la Constitution : délais de discussion de la loi d'équilibre de la sécurité sociale) du projet de loi.

Après l'article 3, la Commission, suivant l'avis du Rapporteur pour avis, a rejeté un amendement de M, Laurent Dominati, visant à porter de six à un maximum de dix le nombre des commissions permanentes inscrit à l'article 43 de la Constitution.

Puis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle.