N° 1862

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    ONZIÈME LÉGISLATURE

    Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n°  1805)

TOME XII

EMPLOI ET SOLIDARITÉ

VILLE

PAR M. Roland CARRAZ,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir le numéro : 1861 (annexe n° 25).

Lois de finances

    La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Jean-Pierre Foucher, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM.  Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial,  Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Julien Dray, Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Jacky Jaulneau, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Jean-Pierre Pernot, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, Mme Odile Saugues, MM. André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, André Thien Ah Koon, Mme Marisol Touraine, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Alain Veyret, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

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PAGES

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DE LA VILLE POUR 2000 : UNE NOUVELLE AMBITION CONSOLIDÉE 7

    A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU MINISTÈRE DÉLÉGUÉ À LA VILLE 7

    B. L’ENSEMBLE DE L’EFFORT FINANCIER CONSACRÉ À LA POLITIQUE DE LA VILLE 9

    C. LA SECONDE GÉNÉRATION DES CONTRATS DE VILLE, VECTEURS UNIFIÉS DE LA RELANCE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 11

      1. La préparation des contrats de ville 2000-2006 11

      2. Le financement des contrats de ville 2000-2006 12

      3. Les particularités des contrats de ville 2000-2006 14

II.- PROMOUVOIR L’INTÉGRATION RÉPUBLICAINE 17

    A. DE LA RÉNOVATION DE L’HABITAT À LA PROMOTION DE LA VILLE RÉPUBLICAINE 17

      1. Sortir de vingt ans d’une politique de la ville politiquement correcte et concrètement inefficace 17

        a) Les erreurs du passé 17

        b) Le lent cheminement du Gouvernement Jospin 18

      2. L’accès à la citoyenneté et l’intégration républicaine : l’enjeu majeur de la politique de la ville 19

    B. SE DONNER LES MOYENS DE LA RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE DES QUARTIERS POPULAIRES 20

      1. Rendre la ville à la République 21

        a) Lutter contre les discriminations 21

        b) Un outil à promouvoir : les CODAC 22

        c) Renforcer la présence des services publics dans les quartiers populaires 26

      2. Favoriser l’accès à la citoyenneté 27

        a) Le rôle majeur de l’éducation nationale 27

        b) Les compléments indispensables de la jeunesse et des sports 29

        c) Lutter contre les ghettos culturels 31

      3. Promouvoir un environnement harmonieux 33

        a) Des villes sûres pour des citoyens libres 33

        b) Le cadre de vie et l’habitat : favoriser la mixité sociale 34

        c) Le développement économique et l’emploi : des activités au cœur des quartiers populaires 35

CONCLUSION 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

INTRODUCTION

    Même si cette année le rapporteur ne se prononce que sur les crédits de la ville et non plus sur ceux de l’intégration, il faut noter que l’intégration au sens large est l’enjeu principal de la politique de la ville et qu’elle ne concerne pas uniquement les populations d’origine étrangère. Le Premier ministre a d’ailleurs fort justement indiqué que l’intégration sociale et citoyenne serait au cœur de la seconde étape de l’action de son Gouvernement.

    Alors que plus de 80 % de nos concitoyens vivent en ville et que notre pays n’a jamais été aussi urbain, la ville est le lieu où s’établissent les échanges et les partages entre les cultures et les origines des uns et des autres. Il s’agit donc bien du cadre privilégié de l’intégration républicaine et citoyenne. Et pourtant, la ville et ses habitants souffrent chaque jour de la difficulté de vivre ensemble. Délinquance, incivilité, pollution sonore, agressivité, racisme, violence sont des mots qui semblent devoir être désormais liés à ceux de ville ou de banlieue. Même le terme antique et majestueux de cité, cadre fondamental de la démocratie et de la politique souffre d’une image négative. La mécanique qui lie la ville et l’intégration semble grippée, comme si la ville ne parvenait plus à intégrer ses habitants à la société.

    L’intégration est d’abord celle des populations nouvelles : populations rurales depuis plus d’un siècle, populations étrangères qui ont apporté et qui continuent d’apporter à notre pays leurs cultures et leur force de travail, population de tous les jeunes qui naissent et grandissent sur le territoire français et à qui la société doit trouver une place digne car ils en sont l’avenir. La politique de la ville doit avoir pour objectif essentiel de permettre à tous les citadins, à tous les jeunes Français et notamment à ceux issus de l’immigration, d’accéder à une pleine citoyenneté et de s’intégrer véritablement à la société française.

    Après avoir présenté les crédits consacrés à la politique de la ville pour 2000, le rapporteur étudiera les moyens à mettre en œuvre spécifiquement pour promouvoir l’intégration républicaine.

I.- LES CRÉDITS DE LA VILLE POUR 2000 :
UNE NOUVELLE AMBITION CONSOLIDÉE

    Après une augmentation de 32 % en 1999, les crédits du ministère délégué à la ville devraient à nouveau connaître une forte croissance en 2000, 10 % à structure constante et 40 % en tenant compte de l’inscription aux crédits spécifiques ville dès la loi de finances initiale de crédits auparavant transférés en gestion d’autres ministères. Ils atteindront donc 1,4 milliard de francs en crédits de payement. De ce fait et pour la seconde année consécutive, ce budget est celui qui augmente le plus de tous les ministères, traduisant par là-même la place durablement prioritaire que le Gouvernement entend conférer à la politique de la ville. L’effort public global consacré à la politique de la ville devrait atteindre quant à lui 35 milliards de francs.

        A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU MINISTÈRE DÉLÉGUÉ À LA VILLE

Evolution des crédits de la ville entre 1999 et 2000

    (en millions de francs)

     

    LFI 19991

    PLF 20002

    Evolution 2000/1999

    Moyens de fonctionnement des services

    26,37

    30,19

    14,49 %

    Dépenses déconcentrées d’animation

    87,60

    88,60

    1,14 %

    Total titre III

    113,97

    118,79

    4,23 %

    Dépenses d’intervention (titre IV)

    656,80

    987,03

    49,94 %

    Total DO

    770,77

    1 105,82

    43,19 %

    Etudes techniques (titre V)

    18,00

    6,00

    - 66,67 %

    Subventions d’investissement (titre VI)

    386,23

    531,00

    34,01 %

    Total AP

    404,23

    537,00

    29,64 %

    Etudes techniques (titre V)

    16,00

    6,00

    - 62,48 %

    Subventions d’investissement (titre VI)

    213,23

    303,50

    35,96 %

    Total CP

    229,23

    309,50

    29,38 %

    Total DO + AP

    1 175,00

    1 642,82

    38,46 %

    Total DO + CP

    1 000,00

    1 415,32

    39,92 %

    (1) sans prise en compte de la réserve parlementaire (10 millions de francs).

    (2) y compris la budgétisation du FARIF et les transferts de gestion de certains ministères au FIV.

    La politique de la ville répond bien à une logique d’action et de soutien des acteurs sur le terrain. Les moyens de fonctionnement du ministère délégué à la ville ne représentent que 2 % des crédits, soit 30 millions de francs (chapitre 37-60). Ils sont maintenus au niveau de 1999. Il faut toutefois noter que seuls les moyens logistiques de la délégation interministérielle à la ville (DIV) sont financés sur les crédits ville, les dépenses de personnel (16 millions de francs pour 90 personnes) étant prises en charge par le ministère de l’emploi et de la solidarité. Les moyens d’animation pour les colloques nécessaires à la réflexion et à la diffusion des expériences innovantes bénéficient d’une mesure nouvelle de 4 millions de francs. Les moyens d’animation et de formation au niveau local (chapitre 37-82) sont également maintenus à un niveau important (89 millions de francs). Par contre, les crédits d’études techniques (chapitre 57-71) sont réduits de 63 % à 6 millions de francs compte tenu de l’achèvement des diagnostics nécessaires à la préparation des contrats de ville 2000-2006.

    Les crédits d’intervention du ministère délégué à la ville (subventions de fonctionnement sur le chapitre 46-60 et subventions d’investissement sur le chapitre 67-10) sont réajustés pour tenir compte des nouveaux contrats de ville qui entreront en vigueur en 2000 pour sept ans. Ils sont désormais regroupés au sein du seul fonds d’intervention pour la ville (FIV). Il faut noter que plus de la moitié de ces crédits bénéficient aux 10 000 associations qui agissent, sous l’impulsion des élus locaux et de l’Etat, au titre de la politique de la ville. A cet égard, une circulaire du 15 février 1999 a simplifié leurs modalités de financement, avec un aménagement des procédures comptables, la mise en oeuvre d’un dossier unique et la création de pôles associatifs. Un fonds de participation des habitants devrait également être mis en place sur ces crédits en 2000, afin de soutenir les initiatives citoyennes des habitants des quartiers en difficulté, par exemple au titre de l’accès à l’emploi, de la médiation sociale ou du soutien scolaire.

    Le changement de structure le plus important concerne le fonds interministériel d’intervention pour la ville, renommé fonds d’intervention pour la ville (FIV). Depuis 1995, les crédits du FIV se composent des dotations en loi de finances initiale du chapitre 46-60 article 10 (fonctionnement) et du chapitre 67-10 article 20 (investissement), augmentés des transferts en gestion provenant des ministères de l’emploi et de la solidarité, de la culture, de l’environnement et de l’aménagement du territoire, de la jeunesse et des sports et de la justice. Le présent projet de loi de finances adopte une nouvelle nomenclature simplifiée qui regroupe au sein du FIV 80 % des crédits de fonctionnement et d’investissement du ministère délégué à la ville et procède à une intégration directe pour 166 millions de francs des transferts en gestion des autres ministères concernés, à l’exception des 60 millions de francs du ministère de la culture. Les crédits du FIV sont délégués aux préfets de département et constituent une dotation globale et fongible qui permet de financer pour partie les actions inscrites aux contrats de ville.

    Tableau récapitulatif des ressources du FIV

    (en millions de francs)

     

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

    Ministère de la culture

    20,0

    40,0

    60,0

    60,0

    60,0

    60,0

    Ministère de l’environnement et de l’aménagement du territoire


    21,8


    21,8


    16,0


    16,0


    16,0

     

    Ministère de la jeunesse et des sports


    44,6


    42,1


    33,0


    33,0


    33,0

     

    Ministère de la justice

    9,0

    2,0

    2,0

    2,0

    2,0

     

    Ministère de l’emploi et de la solidarité


    151,3


    162,0


    115,0


    115,0


    115,0

     

    Total des transferts en gestion

    246,7

    267,5

    226,0

    226,0

    226,0

    60,0

    Crédits budgétés au
    ministère délégué à la ville


    629,3


    511,0


    448,26


    484,52


    641,0


    1 122,0

    TOTAL FIV

    876,0

    778,9

    674,26

    710,52

    863,0

    1 182,0

    NB : hormis les transferts en gestion, les différents ministères continuent à intervenir sur les sites relevant de la politique de la villes sur leurs crédits de droit commun.

    Il faut aussi noter que par souci de clarification budgétaire, le fonds pour l’aménagement de la région Ile-de-France (FARIF), qui constituait le compte d’affectation spéciale n° 902-22, est supprimé par l’article 44 du présent projet de loi de finances. Les opérations retracées par ce fonds seront inscrites au budget général à compter du 1er janvier 2000. Pour sa part, le ministère délégué à la ville recevra en transfert 125 millions de francs en autorisations de programme et 137,5 millions de francs en crédits de payement. La capacité d’intervention du fonds est donc maintenue et individualisée au niveau des articles budgétaires. On observera que la taxe sur les bureaux est par ailleurs affectée à hauteur de 720 millions de francs en 2000 à la région Ile-de-France pour financer les dépenses assumées par le FARIF à ce titre.

        B. L’ENSEMBLE DE L’EFFORT FINANCIER CONSACRÉ À LA POLITIQUE DE LA VILLE

    Entre 1998 et 2000, l’effort financier public global en faveur de la politique de la ville a cru de 46 %, passant de 24 à 35 milliards de francs.

    Evolution de l’effort financier public global consacré à la politique de la ville

(en millions de francs)

     

    1998

    1999

    2000

    A.1 Crédits spécifiques du ministère délégué à la ville

    1 389,16

    1 672,73

    1 749,71

      A.2 Crédits contractualisés d’autres ministères

    950,93

    660,00

    442,00

      A.3 Crédits d’autres ministères inscrits aux programmes d’actions des contrats de ville

    1 555,61

    1 209,49

    1 856,00

      A.4 Crédits de droit commun d’autres ministères concourant à la politique de la ville

    6 646,71

    10 126,17

    10 793,16

      A.5 Solidarité urbaine (loi du 13 mai 1991)

    2 991,15

    4 023,28

    4 773,28

    B. Dépenses fiscales et compensations

    3 089,60

    3 364,00

    3 357,00

    Total Etat (A + B)

    16 623,16

    21 055,67

    22 971,15

    C. Fonds européens concourant à la politique de la ville

    1 046,00

    1 075,00

    1 430,00

    D. Caisse des dépôts et consignations

    4 200,00

    6 230,00

    6 850,00

    E. Contribution des collectivités territoriales

    2 500,00

    3 110,00

    3 700,00

    EFFORT FINANCIER TOTAL

    24 369,16

    31 470,67

    34 951,15

Source : fascicule budgétaire jaune retraçant l’effort financier consacré à la politique de la ville

    La priorité accordée par le Gouvernement à la politique de la ville n’est pas uniquement visible au niveau des crédits du ministère délégué à la ville. En effet, les crédits de droit commun des autres ministères qui concourent en propre à cette politique augmentent aussi significativement. Il faut souligner le rôle du ministère de l’emploi et de la solidarité avec les emplois-jeunes dans les quartiers en difficulté et la mise en oeuvre de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, le ministère de l’intérieur avec le développement de la police de proximité, le ministère de l’éducation nationale avec la politique de relance des ZEP ou le ministère du logement avec les aides aux HLM et la réhabilitation des logements sociaux.

    La dotation de solidarité urbaine (DSU) sera augmentée de 700 millions de francs en 2000, conformément à l’engagement pris par le Premier ministre à Strasbourg le 27 septembre 1999. Il faut d’ailleurs noter que la majoration de 500 millions de francs réalisée en loi de finances pour 1999 est reconduite en base pour 2000 et 2001. La DSU 2000 s’élèvera donc à près de 4 milliards de francs. Le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France bénéficiera quant à lui de 775 millions de francs.

    Les prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités locales et aux organismes HLM pour la politique de la ville, dont les taux ont été à nouveau réduits suite à la baisse de la rémunération du livret A, marquent aussi la priorité accordée à la politique de la ville. Il en est de même des fonds structurels européens dont les objectifs intégreront explicitement les quartiers en difficulté pour la période 2000-2006. Enfin, la seconde génération des contrats de ville devrait marquer un engagement financier plus appuyé des collectivités territoriales, y compris des régions et des départements. Sur la base des estimations de leur participation contractuelle réalisée par les préfectures, la croissance de leur contribution à la politique de la ville peut être estimée à 48 % entre 1998 et 2000.

        C. LA SECONDE GÉNÉRATION DES CONTRATS DE VILLE, VECTEURS UNIFIÉS DE LA RELANCE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

          1. La préparation des contrats de ville 2000-2006

    Les premiers contrats de ville ont été signés à titre expérimental à la fin des années 1980, pour couvrir un ensemble urbain dans sa totalité avec un projet global de développement traitant l’habitat, l’aménagement urbain, l’action sociale et culturelle, la formation et la prévention de la délinquance. D’abord nouvel outil complémentaire aux conventions de développement social des quartiers (DSQ), aux conventions de quartiers ou aux contrats d’action prévention (CAP), il est devenu à partir du XIème Plan le protocole unique d’engagement financier entre l’Etat et les collectivités territoriales. Il s’agissait toutefois encore d’une procédure assez exceptionnelle limitée aux agglomérations qui connaissent le plus de difficultés (185 contrats de ville avec 14,5 milliards de francs entre 1994 et 1998), qui ne tenait aucunement compte des actions spécifiques des autre ministères (ZEP, PLH, FAS, PAIO, DIJEN).

    Dans la mesure où les contrats de ville 1994-1998 prolongés d’un an en 1999 arrivent à échéance à la fin de cette année, le Gouvernement a décidé dès la mi-1998 des orientations et du cadrage des prochains contrats de ville. Ceux-ci, en cohérence avec les contrats de plan Etat-région (CPER) négociés dans le cadre du XIIème Plan, s’étaleront sur sept ans (2000-2006).

    Le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 a décidé le lancement anticipé de contrats de ville dans seize agglomérations afin d’expérimenter de nouvelles méthodes partenariales d’élaboration et de management des projets, avant la définition et la mise en œuvre des contrats de ville 2000-2006. Un an après son lancement, l’expérience des sites-pilotes a permis d’approfondir une approche par territoire avec laquelle certains services de l’Etat étaient peu familiarisés. Elle a également permis une mise à plat des différentes politiques de l’Etat et favorisé ainsi leur examen critique, les rendant sans doute plus lisibles et cohérentes au regard des questions socio-urbaines. Cette démarche préalable a aussi donné à l’Etat la matière d’un véritable dialogue avec les collectivités locales, du côté desquelles la démarche préalable de diagnostic a souvent favorisé un travail intersectoriel auquel l’organisation municipale ne conduit pas toujours spontanément.

    Le comité interministériel des villes du 2 décembre 1998 a donné les orientations politiques et le cadrage technique de la préparation des contrats de ville 2000-2006. L’objectif des contrats de ville est le développement d’une ville équilibrée permettant l’intégration harmonieuse de toutes ses composantes. Pour cela, chaque contrat de ville doit comporter des programmes d’action à l’échelle de la commune et de l’agglomération concourant à la lutte contre les processus de ségrégation urbaine et sociale, favorisant la mixité de l’habitat, la diversification des fonctions des quartiers d’habitat social, la coordination des interventions des acteurs engagés dans la prévention et la lutte contre les exclusions, l’emploi et le développement économique local, le désenclavement des quartiers dans le cadre d’une politique cohérente de transports et de déplacements urbains, l’égalité des citadins devant le service public (éducation, santé, culture, justice, accès au droit), la prévention de la délinquance et la tranquillité publique, ainsi que l’intégration des immigrés et de leurs familles.

    Les contrats de ville 2000-2006 sont actuellement en cours de négociation dans le cadre des contrats de plan Etat-région, sur la base des mandats adressés aux préfets par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) qui s’est tenu à Arles le 23 juillet 1999 et par le comité interministériel des villes (CIV) du 2 septembre 1999. La politique de la ville doit constituer pour l’Etat une priorité de la négociation des contrats de plan. L’appui apporté par les conseils régionaux aux contrats de ville constituera en effet à l’avenir un élément déterminant. Les conseils généraux seront également pleinement associés à l’ensemble du processus. Leurs compétences propres seront sollicitées, qu’il s’agisse en particulier de l’action sociale ou de la gestion des collèges.

          2. Le financement des contrats de ville 2000-2006

    A l’occasion du premier contrat de ville de la seconde génération signé le 18 octobre 1999 à Poitiers, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a rendu publics les concours financiers de l’Etat qui seront inscrits dans les 300 contrats de ville : au total, l’Etat inscrira 17,4 milliards de francs dans les contrats de ville pour la période 2000-2006 contre 10,4 milliards de francs au cours de la période précédente (1994-1999). Les seuls crédits du ministère de la ville (8,6 milliards de francs) représenteront près de la moitié de cet effort, en hausse de 140 % par rapport à ce qui était prévu dans le XIème plan (3,5 milliards de francs). Des crédits des autres ministères et de la Caisse des dépôts et consignations ou des fonds structurels européens viendront également abonder les programmes d’action des contrats de ville, en fonction de leurs thèmes d’intervention.

Plan de financement des contrats de ville

    (en millions de francs)

    Ministères concernés

    1994-1999

    (rappel)

    2000-2006

    dont CPER

    Ville

    3 502*

    8 600**

    8 000

    Logement

    4 318

    3 759

    1 260

    Emploi

    0

    560

    560

    Santé et solidarité

    0

    581

    581

    Justice

    0

    189

    188

    Jeunesse et sports

    0

    105

    105

    Aménagement du territoire

    342

    399

    399

    Culture

    360

    420

    0

    DOM-TOM

    780

    1 162

    0

    Fonds d’action sociale (FAS)

    1 140

    1 610

    0

    TOTAL

    10 442

    17 385

    11 094

    * hors grands projets urbains (GPU)

    ** hors grands projets de ville (GPV)

    CPER : contrats de plan Etat-région ; il s’agit de la première enveloppe de 95 milliards de francs que l’Etat a déjà décidé de consacrer à ces contrats.

    Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé à Strasbourg le 27 septembre 1999 la réalisation sur cinq ans de cinquante grands projets de ville (GPV), combinant projet urbain, projet social et projet de revitalisation économique dans les quartiers en difficulté. Les collectivités locales seront les maîtres d’oeuvre de ces réalisations, avec le concours de la Caisse des dépôts et de l’Etat, sur la base des orientations et des financements qui seront définis au cours d’un comité interministériel des villes (CIV) qui devrait se tenir en décembre 1999. Les grands projets de ville prendront la suite des quinze grands projets urbains (GPU) menés dans le cadre du XIème Plan. Il s’agit de développer une action de restructuration urbaine profonde à long terme, sur la base d’un projet global de requalification sociale et économique de sites fortement handicapés. Il faut se féliciter que figurent d’ores et déjà dans les crédits budgétaires 2000 pour l’ensemble de ces grands projets 57 millions de francs en subventions de fonctionnement et 49 millions de francs en subventions d’investissement.

          3. Les particularités des contrats de ville 2000-2006

    La seconde génération de contrats de ville comporte trois améliorations majeures par rapport à leurs prédécesseurs.

    Tout d’abord, ainsi que le précise la circulaire du Premier ministre du 31 décembre 1998, les nouveaux contrats de ville seront la procédure de contractualisation unique de la politique de la ville. Ils pourront concerner aussi bien des agglomérations que des villes petites ou moyennes, dès lors que la gravité des problèmes rencontrés, la capacité de mobilisation des acteurs locaux et la qualité du projet collectif le justifient. L’ensemble des anciennes procédures existant avec le XIème Plan (GPU, PACT urbains, contrats d’action-prévention) ne seront pas reconduites mais intégrées le cas échéant dans un contrat de ville. Par ailleurs, toutes les actions sectorielles intervenant sur des territoires concernés par la politique de la ville et se traduisant également par une démarche contractuelle seront articulées avec les contrats de ville, dont ils constitueront les différents volets thématiques. On peut citer les contrats éducatifs locaux (CEL), les contrats locaux de sécurité (CLS), les programmes d’action culturelle-ville ou les cellules justice-ville.

    Ensuite, le contrat de ville intercommunal doit désormais devenir la règle, le contrat de ville communal l’exception. Cette exigence doit être beaucoup plus forte que pour la génération actuelle des contrats de ville. L’intercommunalité du contrat de ville doit signifier une plus grande solidarité entre communes d’une même agglomération et non se traduire par un simple partage des subventions de l’Etat entre toutes les collectivités. Ainsi, la loi du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement durable du territoire a prévu la mise en œuvre de contrats d’agglomération sur ces territoires urbains, sous condition de mise en place d’un établissement public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique pour au moins 50 000 habitants et comprenant une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants. Lorsqu’un tel contrat entrera en vigueur, le contrat de ville préexistant sur le même territoire y sera inclus pour en constituer le volet cohésion sociale et territoriale.

    Enfin, une circulaire du ministre délégué à la ville en date du 14 octobre 1999 a précisé les modalités de consultation et d’association des habitants à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des programmes d’action des contrats de ville. Ces modalités, qui doivent être explicitement définies, peuvent notamment prendre la forme d’une charte locale de la participation approuvée par le conseil municipal, formule qui a été recommandée par le conseil national des villes. Elles peuvent également se traduire par l’organisation de consultations directes des habitants et la mise en place de comités consultatifs d’habitants. Par ailleurs, des moyens concrets doivent être prévus pour rendre effective cette participation, notamment en matière de formation et d’aide au montage de projets, grâce au développement des fonds de participation des habitants.

II.- PROMOUVOIR L’INTÉGRATION RÉPUBLICAINE

    Violences urbaines et dérives communautaires traduisent en quelque sorte l’échec de la politique de la ville. S’il y avait eu par le passé des politiques résolues en matière d’accès à la citoyenneté, les banlieues connaîtraient certainement moins de difficultés aujourd’hui. Celles-ci sont bien évidemment aussi liées à l’absence de perspectives, au déficit d’emploi qui touchent souvent les habitants des quartiers populaires, majoritairement les jeunes et tout particulièrement ceux qui sont issus de l’immigration. C’est un terreau pour les violences qui ne peuvent être excusées néanmoins et doivent être systématiquement sanctionnées.

    Pour autant, est citoyen celui qui participe de son plein gré à la vie de la cité. Cela suppose une discipline et l’acceptation de règles et de principes. Etre citoyen en France, c’est d’abord être un citoyen français qui existe à travers le débat public, avec la volonté de se projeter ensemble dans un avenir toujours à repenser et à reconstruire. L’école républicaine joue un rôle de premier plan dans l’accès à la culture et à la citoyenneté. Sa vocation première est de former le citoyen. De même, les grandes institutions publiques (police, justice, administrations, collectivités locales) ont un rôle imminent à jouer dans ce dispositif.

        A. DE LA RÉNOVATION DE L’HABITAT À LA PROMOTION DE LA VILLE RÉPUBLICAINE

          1. Sortir de vingt ans d’une politique de la ville politiquement correcte et concrètement inefficace

          a) Les erreurs du passé

    Les difficultés constatées dans les cités, suite à la crise économique des années 1970 qui a elle-même aggravé les tensions sociales nées de l’urbanisme non maîtrisé des années 1960, ont conduit à définir une nouvelle politique transversale localisée, coordonnant au niveau interministériel plusieurs politiques sectorielles. Elle ne s’est pas tout de suite appelé politique de la ville. En 1976 a été créé un fonds d’aménagement urbain regroupant les crédits budgétaires affectés à l’amélioration sociale de l’habitat, puis en 1977 un comité interministériel « habitat et vie sociale » (HVS) pour gérer ces crédits en collaboration avec une cinquantaine de communes concernées.

    Cette approche territoriale et globalisée a été confirmée suite aux rapports Schwartz en 1981 et Dubedout en 1983. La démarche « développement social des quartiers » (DSQ) s’est progressivement substituée aux expérimentations HVS. Des contrats d’action préventive ont été élaborés dans dix-huit villes pilotes. La décentralisation a conduit à généraliser ces opérations contractuelles dans le cadre des IXème et Xème Plans. Un renforcement de la coordination au niveau central est devenu alors nécessaire, avec la création de la délégation interministérielle à la ville (DIV) en 1988 et d’un ministère de la ville en 1990. Il en est résulté une multiplication des sites concernés, des procédures correspondantes et des financements croisés, diluant les responsabilités respectives et partant la lisibilité et l’efficacité de ces actions.

    Un des mérites incontestables de cette politique de la ville embryonnaire a été de moderniser le mode d’action des collectivités publiques et d’éviter que certaines banlieues deviennent des quartiers chauds à l’américaine. Pour autant, cette politique était trop marquée par le « tout social », une volonté d’aider à tout prix sans véritable implication des intéressés ni action d’ensemble sur les causes de l’exclusion dans les zones urbaines difficiles. Surtout, cette politique ne cherchait aucunement à faire participer, de quelque manière que ce soit, les habitants à la reconquête des villes. Comment des citoyens mal informés, tenus à l’écart des processus de décision peuvent-ils se mobiliser pour redynamiser leurs quartiers ? L’atonie démocratique des banlieues était entretenue par des actions à vocation pacificatrice qui étaient en fait plutôt émollientes voire anesthésiantes.

    Une véritable politique de la ville ne peut se limiter à réhabiliter les logements insalubres ou à jouer à la super assistante sociale des quartiers. Il faut rechercher la participation active des habitants, car ce sont eux en fin de compte qui choisissent de s’intégrer entièrement à la République. La dimension citoyenne de la politique de la ville a été jusqu’ici oubliée au motif que l’urgence sociale est prioritaire. Le rapporteur estime indispensable de renverser l’ordre des priorités et de redonner une véritable cohérence à la politique de la ville en lui donnant pour objectif principal de renforcer l’intégration républicaine des populations.

          b) Le lent cheminement du Gouvernement Jospin

    L’ampleur des problèmes des villes et des banlieues, tout à la fois spécifiques et globaux, n’a peut-être pas été tout de suite appréhendée complètement lors de la formation du Gouvernement de M. Lionel Jospin. En effet, celui-ci a d’abord confié à Mme Martine Aubry la charge de conduire cette politique, au sein de son vaste ministère de l’emploi et de la solidarité. Une mission de réflexion a été confiée à M. Jean-Pierre Sueur, qui a remis son rapport assorti de cinquante propositions à la ministre le 13 février 1998. Le temps de l’action n’est venu qu’avec la nomination de M. Claude Bartolone comme ministre délégué à la ville le 31 mars 1998. Encore ce dernier a-t-il pris le temps d’organiser plusieurs colloques sur divers thèmes (prévention et sécurité à Montpellier les 17 et 18 mars 1999 ; habiter, se déplacer, vivre la ville à Paris le 23 juin 1999 ; réussir la ville solidaire à Nantes les 28 et 29 juin 1999) pour se convaincre qu’il faut sortir de la logique du « tout social » en matière de politique de la ville, afin d’éviter la pérennisation des ghettos urbains.

    Avec la création d’un ministère autonome disposant de crédits en forte augmentation sur deux années consécutives, le Gouvernement dispose désormais des moyens lui permettant de réorienter la politique de la ville vers une approche mieux coordonnée et dirigée avant tout vers les citoyens. Tel est l’objectif central de cette politique pour les années à venir.

          2. L’accès à la citoyenneté et l’intégration républicaine : l’enjeu majeur de la politique de la ville

    Le rapporteur estime que l’axe central et fédérateur de la politique de la ville doit désormais véritablement consister à faire accéder les jeunes, et tout particulièrement ceux issus de l’immigration, à une pleine citoyenneté.

    La France est comme une personne : elle vit. Sa culture structurée n’en est pas figée pour autant. C’est pourquoi au mot assimilation jadis employé, il faut préférer celui d’intégration, conception plus dynamique à partir d’un corps de principes qui font de la République française un modèle d’universalité. La réussite de l’intégration participe d’un effort partagé. Si les lois de la République doivent s’appliquer à tous et si en dehors de la loi les mœurs sont libres, un effort est requis de l’ensemble de nos concitoyens pour qu’ils adoptent un corpus républicain minimum. Par exemple, l’égalité de l’homme et de la femme figure dans la Constitution au même titre que la laïcité ou le refus du racisme.

    La citoyenneté confère des droits. Elle comporte simultanément des devoirs auxquels chacun doit se soumettre : adoption d’un corpus républicain minimum, respect des lois républicaines, des biens et des personnes. C’est pourquoi elle est également indispensable à la tranquillité et à l’ordre public dans les villes et les banlieues. Il appartient à l’Etat et aux collectivités locales de mener une politique volontariste d’accès à la citoyenneté qui confortera, par ce qu’elle représente en termes de responsabilisation, les démarches engagées dans le cadre de la politique de la ville.

    Une fraction importante de la population se sent rejetée et exclue du contrat social. Cela peut quelquefois se traduire par des comportements lourds de conséquences : violences urbaines, augmentation des actes d’incivilité et de la délinquance des mineurs, développement de l’économie souterraine, repli communautaire… Ces comportements fondés sur le ressentiment nourrissent eux-mêmes des réactions de rejet dans d’autres parties de la population et portent atteinte à la cohésion sociale et à l’intégrité du pacte républicain. Il devient urgent d’enrayer ces dérives. Il est grand temps que l’Etat et l’ensemble des collectivités locales se mobilisent pour aider cette génération à trouver un emploi, une formation et à participer à la vie civique. En particulier, un effort sans précédent doit être mené pour faire reculer les préjugés et lutter contre les discriminations qui touchent essentiellement les jeunes nés de l’immigration, la plupart de nationalité française, afin de leur permettre d’exercer leurs droits de citoyens et d’en remplir les devoirs.

        B. SE DONNER LES MOYENS DE LA RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE DES QUARTIERS POPULAIRES

    La politique menée doit être globale et interministérielle. Il est indispensable de mettre tous les instruments en synergie et de prendre en compte toutes les données socio-économiques de la population pour agir au titre de la politique de la ville. Il ne s’agit pas ici d’évoquer la politique d’immigration avec ses dispositifs spécifiques d’intégration comme le FAS, mais de se demander comment aider les populations françaises issues de l’immigration à bénéficier du droit commun de la République, en application du principe d’égalité.

    Une démarche claire, volontariste, cohérente et permanente nécessiterait la mise en place d’un comité interministériel au niveau central pour la politique de la citoyenneté. Les collectivités locales peuvent aussi prendre des initiatives dans ce domaine : ainsi, la ville de Chenôve a créé le 19 mars 1999 un poste de chargé de mission contractuel pour l’accès à la citoyenneté et l’intégration républicaine. Il s’agit d’une véritable mission de service public dont le but est d’obtenir le ralliement des jeunes à la République.

    Par ailleurs, il importe que l’intégration républicaine constitue une dimension transversale présente dans tous les futurs contrats de ville 2000-2006. Chacun, quels que soient ses origines, son lieu de résidence ou son statut social, doit se sentir appartenir à la même communauté de vie.

          1. Rendre la ville à la République

          a) Lutter contre les discriminations

    Les discriminations sont en contradiction totale avec l’objectif d’intégration républicaine qui repose sur l’exigence fondamentale de l’égalité des droits et des devoirs dans tous les domaines. Les jeunes Français issus de l’immigration sont en droit d’attendre de la République qu’elle impose à tous le respect de ses principes : égalité de traitement, interdiction de toutes discriminations. Leur accès à une pleine citoyenneté passe par un effort exceptionnel pour faire entrer de plain pied ces jeunes dans le monde du travail et par une lutte sans relâche contre les discriminations partout où elles existent, que ce soit en matière d’emploi, d’accès à la formation, à l’apprentissage, au logement, à la culture, aux loisirs ou à la santé.

    En ce qui concerne l’accès aux discothèques par exemple, le ministère de l’intérieur dispose d’un levier d’action administratif avec l’accord préfectoral pour fermeture tardive d’un établissement : il peut imposer l’insertion d’une clause de non-discrimination. A cet égard, la commission départementale d’accès à la citoyenneté (CODAC) du Vaucluse a élaboré une Charte de bonne conduite pour les discothèques. En matière d’accès à l’emploi, les directions des ressources humaines des services publics (La Poste, EDF, SNCF, RATP) doivent communiquer sur leurs concours d’entrée, ouverts à tous. Dans les ANPE, des médiateurs doivent pouvoir assurer un accompagnement réel et individualisé des jeunes concernés. De manière générale, une campagne d’information « Carton rouge à la discrimination » va être lancée par voie d’affichage (services publics, collectivités locales, maisons de quartiers) en octobre 1999. En tout état de cause, la discrimination est une atteinte à l’ordre public et une cause de trouble à l’ordre public.

    L’accent doit être mis en particulier sur la lutte contre la discrimination à l’embauche. La stigmatisation des quartiers sensibles, l’importance dans ces quartiers de populations d’origine étrangère font que les habitants de ces quartiers sont particulièrement concernés par cette forme de discrimination. Malgré l’absence de statistiques (les statistiques publiques de l’emploi ne donnent pas l’origine des ressortissants français), des remontées convergentes font état de difficultés d’accès aux stages en entreprise dès la période scolaire ou à l’apprentissage, de « ségrégation douce », opérée par les agents publics dans l’orientation et l’accès aux offres d’emploi dans l’intention d’éviter aux jeunes des rebuffades et de refus d’embauche ouvertement racistes.

    Face à ces diagnostics, la direction de la population et des migrations du ministère de l’emploi et de la solidarité, le FAS, l’ANPE, le service des droits des femmes et la délégation interministérielle à l’insertion des jeunes ont constitué avec la délégation interministérielle à la ville un groupe de travail qui recueille les pratiques les plus efficaces et se propose de les diffuser auprès de leurs réseaux dans une publication commune. D’autre part, les agents de l’ANPE travaillant dans les quartiers populaires se verront proposer des séances de formation et d’échange sur la lutte contre les discriminations.

    Les administrations doivent aussi montrer l’exemple. Sans qu’il soit question d’imposer des quotas ou des discriminations positives, elles devront être formées à l’image de la population française. L’Etat doit lancer une politique ambitieuse de communication, d’information et de pré-recrutement en direction des jeunes nés de l’immigration. L’Etat pourra inciter à la réunion au niveau national et départemental des partenaires sociaux, des CCI, des Unions patronales, des élus, des jeunes en difficulté, des acteurs de la formation professionnelle afin de lever le tabou autour des discriminations.

    Ainsi que l’a indiqué M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur, il faut que la population ait une police à son image. Pour cela, des adjoints de sécurité (emplois-jeunes) sont recrutés pour cinq ans sans diplôme de 18 à 28 ans. Grâce aux campagnes de communication menées notamment dans les commissariats, le recrutement des 12 000 adjoints de sécurité (20 000 d’ici fin 2000) a pu concerner des jeunes des quartiers en difficulté dans une proportion de 19 %. Il s’agit en effet d’un enrichissement pour la police, car ils facilitent le dialogue, la médiation et la compréhension dans les zones difficiles, dans le cadre de relations quotidiennes hors situation de crise. Les adjoints de sécurité sont formés en école pendant deux mois, puis pris en charge par un tuteur qui est un gardien de la paix titulaire. Ils ont un rôle d’auxiliaire, d’îlotage, mais n’ont pas de prérogatives de puissance publique. A terme, le ministère de l’intérieur réfléchit à des modalités d’intégration dans le corps des gardiens de la paix, par l’organisation d’une formation ou par la mise en place de concours spécifiques adaptés.

          b) Un outil à promouvoir : les CODAC

    A l’initiative de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur, une commission départementale d’accès à la citoyenneté (CODAC) a été installée dans chaque préfecture au cours du premier trimestre de l’année 1999. Ces commissions sont plus particulièrement dirigées vers les jeunes Français issus de l’immigration, qui doivent trouver un emploi et une place dans notre société. La lutte active contre toutes les formes de discrimination dont ils sont l’objet en matière d’embauche, de logement ou de loisirs figure en effet au premier rang des devoirs de l’Etat. Les CODAC permettent justement de réaffirmer la voix de l’Etat, symbole reconnu de neutralité et d’autorité, au niveau local de proximité. Une campagne d’information sur leur rôle doit être lancée avant la fin de l’année 1999 au moyen de plaquettes et d’affiches dans les préfectures.

    Les CODAC veillent à favoriser un égal accès à l’emploi des jeunes des quartiers, notamment ceux issus de l’immigration, sans autre distinction que celle fondée sur le mérite. Elles facilitent également les principales démarches de la vie quotidienne telles que les relations avec les administrations, les employeurs, l’accès au logement et aux loisirs.

    Un secrétariat permanent est assuré dans chaque CODAC. Il reçoit directement les observations des citoyens. 200 cas de signalement pour discrimination leur ont déjà été transmis au 1er septembre 1999. Dans 65 % des cas, il s’agit de problèmes d’accès aux loisirs (discothèques).

    Les CODAC n’ont pas de budget propre, le préfet utilisant les crédits du FIV et du FAS si nécessaire. Elles jouent un véritable rôle de mise en commun des compétences de chacun, sous l’impulsion souvent personnelle du préfet, mais on constate un manque de participation des élus en général et des responsables associatifs issus des quartiers eux-mêmes.

    Missions et composition des CODAC

    Les CODAC ont pour mission :

    - de diffuser largement les possibilités de recrutement par concours ouverts à tous dans la fonction publique et les services publics, qui doivent être à l’image de la population de notre pays ;

    - de faire valoir auprès des employeurs l’intérêt national qui s’attache à l’embauche sans discrimination, à l’insertion par l’emploi et à la valorisation de la réussite par le travail des jeunes qui rencontrent des difficultés particulières ;

    - d’informer les jeunes, en liaison avec les associations concernées, sur les dispositifs d’aide à la formation professionnelle ;

    - de sensibiliser les responsables des filières de recrutement et d’organiser des parrainages au sein des entreprises ;

    - d’évaluer avec les agents de l’Etat, spécialement ceux qui sont en contact régulier avec les jeunes des quartiers sensibles et avec leurs partenaires locaux, les situations ou comportements discriminatoires dont ils ont connaissance ;

    - de veiller à ce que tous les citoyens soient traités avec considération et de manière égale par tous les agents de la fonction publique et par les services publics ;

    - de sensibiliser les services accueillant du public ainsi que les commissions et instances de coordination, d’insertion et de prévention, afin qu’ils informent tous les citoyens ;

    - de recevoir, par le biais de leur secrétariat permanent, toutes les observations des citoyens victimes de pratiques vexatoires dans les relations avec les administrations ou discriminatoires dans l’attribution d’un logement, l’accès aux loisirs ou prestations de services ;

    - de transmettre aux autorités compétentes, y compris judiciaires, les faits dont elles ont connaissance et qui paraissent constituer des infractions ;

    - d’inciter, par toute mesure ou campagne d’information, les jeunes nés de l’immigration à remplir leurs devoirs de citoyens, par exemple en les incitant à respecter les obligations scolaires et collectives, et à exercer leur droit de vote et à vérifier leur inscription d’office sur les listes électorales ;

    - de favoriser l’accueil et la promotion des nouveaux naturalisés ;

    - d’informer largement les publics concernés de leur existence.

    Chaque CODAC est présidée par le préfet du département qui anime personnellement les réunions plénières, à échéance trimestrielle. Chaque commission comprend des membres permanents et des membres invités.

    - Membres permanents :

    . les sous-préfets d’arrondissement et les sous-préfets chargés de la ville ;

    . le directeur départemental de la sécurité publique ;

    . le directeur départemental des renseignements généraux.

    - Membres invités à siéger en tant que de besoin :

    . le procureur de la République et ses substituts ;

    . les délégués départementaux du médiateur de la République ;

    . les directeurs des services déconcentrés de l’Etat et des établissements publics concernés par cette action, en particulier ceux qui relèvent du service public de l’emploi ;

    . l’inspecteur d’académie ;

    . les directeurs des missions locales et des PAIO ;

    . les présidents des chambres consulaires ;

    . les directeurs des CAF, des CPAM, des ANPE et des ASSEDIC ;

    . le commandant du groupement de gendarmerie ;

    . les élus du département, président du conseil général et maires ;

    . les organisations syndicales et patronales ;

    . les associations de quartiers, de locataires, de consommateurs, de parents d’élèves, de lutte contre le racisme et la xénophobie.

          c) Renforcer la présence des services publics dans les quartiers populaires

    La présence des services publics dans les agglomérations comprenant des quartiers en difficulté et leur adaptation aux situations sociales et démographiques particulières est essentielle au regard de l'enjeu qui consiste à garantir le pacte républicain sur tout le territoire et de renforcer la cohésion sociale à travers le rôle d'intégration des services publics. Les services publics remplissent en effet une fonction symbolique forte : ils témoignent du pacte républicain qui lie les individus, les groupes sociaux et la communauté nationale selon des règles de justice.

    Pouvoir accéder aux services publics, c’est pouvoir accéder à ses droits, c'est-à-dire connaître ses droits et pouvoir en bénéficier. Dans cette perspective, il s'agit d'effectuer une remise à niveau territorialisée d'une offre de services publics en garantissant une égale accessibilité pour tous. L'accès aux droits emprunte de multiples formes relevant de deux grandes démarches : la présence territoriale et l'adaptation de l'offre de services. Les contrats de ville 2000-2006 devront comporter des actions sur ce volet..

    Il s'agit d’abord de favoriser l'implantation d'équipements de services publics dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Le rapprochement de l'usager avec les services publics exige parfois une plus grande proximité géographique. Il convient alors d'encourager la délocalisation des services publics dans les quartiers, mais aussi dans d’autres cas, la mobilité des habitants par une meilleure desserte en transports en commun afin d’accéder plus facilement aux services publics situés dans d’autres quartiers de la ville et souvent en centre-ville. Le Gouvernement souhaite également encourager la création de maisons des services publics et de maisons de la justice et du droit. La présence territoriale des services publics peut aussi s'exercer à travers des formes de médiation ou de délégation fortement territorialisées. A cet égard, le ministère délégué à la ville souhaite s’appuyer sur le réseau départemental des délégués du Médiateur de la République dont il financerait en partie l’extension.

    Les fonctions d'accueil élargies à l'information et l’orientation doivent aussi constituer un axe important de l'adaptation des services publics en zones urbaines défavorisées. Il s'agit de mieux écouter, conseiller, accompagner les usagers dans leurs démarches. Pour cela, les agents publics concernés doivent être mieux motivés compte tenu de la spécificité des situations. Il faut aussi proposer des heures d'ouvertures en meilleure adéquation avec les besoins.

          2. Favoriser l’accès à la citoyenneté

    Favoriser l’accès à la citoyenneté est la condition essentielle de l’avenir réussi des villes républicaines, par l’intégration de tous les jeunes à la société qu’il permet. Cet apprentissage commence dans la famille, se poursuit à l’école républicaine, mais ne doit cependant pas s’arrêter à la sortie des portes des écoles. Il faut inciter les jeunes à aller aux spectacles culturels ou à exercer des pratiques artistiques et sportives en amateur et permettre l’accès à des activités périscolaires organisées. En l’absence de régulation publique, ce temps d’accès personnel aux savoirs, à la culture et aux loisirs risque de continuer à reproduire les inégalités préexistantes. C’est ainsi, par une approche à la fois globale et directement pratique de la lutte contre les inégalités culturelles, que l’égalité effective des chances pourra être rétablie.

          a) Le rôle majeur de l’éducation nationale

    Il faut se souvenir de ce qui disait Jules Ferry en 1870 : « Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité réelle ». A la lumière de statistiques telles que celle selon laquelle 53 000 jeunes sortent toujours chaque année du système scolaire sans qualification ou qu’un enfant de cadre a trois fois plus de chances d’obtenir le baccalauréat qu’un enfant d’ouvrier, il est impérieux de soutenir la politique de relance des zones d’éducation prioritaire (ZEP). Il s’agit de répartir plus équitablement les moyens humains et financiers, en “ donnant plus à ceux qui ont moins ”.

    Alors que M. Jean-Pierre Chevènement, alors qu’il était ministre de l’éducation nationale en 1985, avait fixé l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat, objectif désormais inscrit dans la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, on atteint actuellement à peine 67 % au niveau de la terminale. Ce qui reste à gagner sera bien plus difficile à atteindre qu’auparavant, avec des jeunes beaucoup plus éloignés de la culture scolaire et l’existence de certains ghettos scolaires dans des établissements de banlieues.

    S’agissant du contenu des enseignements permettant de former des citoyens, l’instruction civique fait désormais l’objet d’un cours spécifique de l’école primaire à la terminale. Il n’est pas besoin de rappeler en quoi elle est consubstantielle à l’école de Jules Ferry. Son horaire doit donc être respecté totalement et ne pas être détourné vers d’autres matières. Les différentes disciplines doivent contribuer à l’éducation aux valeurs universelles des droits de l’homme, de la démocratie et de la République et à la formation du jugement des futurs citoyens par l’exercice de l’esprit critique et par la pratique de l’argumentation.

    Dès sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, le Premier ministre s’est engagé à assurer l’apprentissage du civisme à l’école. Davantage de moyens et de temps ont donc été affectés à cette mission fondamentale de l’école républicaine, qui doit être adaptée à l’âge des élèves. Il s’agit bien d’opérer une véritable reconnaissance de l’éducation civique dans l’enseignement scolaire, afin de développer chez tous les jeunes un sens des responsabilités adapté aux évolutions de la société. Par ailleurs, l’élection des délégués de classe fournit une application concrète du devoir civique.

    A l’école primaire, la polyvalence des enseignants doit faciliter cette prise en charge transversale ; l’accent doit être mis sur les liens entre les premiers apprentissages et les comportements concrets de civilité. Au collège, les nouveaux programmes précisent dans leur texte d’introduction la part que peut prendre chaque discipline dans l’éducation à la citoyenneté tout en prévoyant un enseignement spécifique par les professeurs d’histoire et de géographie. Au lycée, un nouvel enseignement d’éducation civique, juridique et social, d’une durée d’une heure hebdomadaire, a été introduit dans toutes les séries. Il s’appuie sur des textes juridiques fondamentaux et des situations historiques et comprend des débats au cours desquels les élèves apprennent à défendre leurs opinions tout en respectant le point de vue d’autrui. De fait, les différents programmes comportent déjà de nombreux aspects propices à la réflexion sur la citoyenneté.

    L’évaluation des élèves en éducation civique au collège et aux épreuves du diplôme national du brevet ne peut être effective que si elle est sanctionnée dans le cadre des activités d’enseignement. A cette fin, les résultats des élèves aux enseignements d’éducation civique figurent désormais sur les bulletins scolaires. L’examen du diplôme national du brevet comporte obligatoirement une ou deux questions d’éducation civique pour tous les élèves des classes de troisième, qu’ils se présentent dans la série collège ou dans la série technologique. De même, l’éducation civique doit faire l’objet d’un contrôle au baccalauréat.

    Complémentaires aux programmes de plusieurs disciplines, les “ Initiatives citoyennes pour apprendre à vivre ensemble ” doivent favoriser une mise en pratique de l’apprentissage de la citoyenneté, de la civilité démocratique, du respect et de la solidarité. Elles mettent en œuvre l’usage de la responsabilité et de l’autonomie par la participation active des élèves. Elles permettent de faire percevoir la citoyenneté au quotidien comme un comportement démocratique qui se construit, une mise en œuvre de valeurs civiques, une façon d’être et d’agir qui contribue librement à la qualité du vivre ensemble. Elles permettent aussi à des élèves marginalisés ou en échec dans les disciplines classiques, de trouver des moyens d’expression et de valorisation. On a pu constater qu’elles suscitent un réel intérêt au sein du personnel de l’éducation nationale : les professeurs d’EPS ou des disciplines artistiques, des membres du personnel non enseignant ont trouvé une nouvelle place dans ces actions.

    Les initiatives citoyennes, qui doivent être pérennisées, restent placées sur la base du volontariat, en articulant toujours mieux l’action et la réflexion. Une journée d’évaluation a été organisée le 6 mars 1999 à Paris : elle a montré une grande richesse et une grande diversité, soutenues par l’ensemble de la communauté éducative. Pour favoriser la coordination et la réflexion commune, un centre de ressources des initiatives citoyennes doit être créé dans chaque académie pour permettre de confronter les démarches et les expériences.

    La mise en place, dans le cadre de la réforme du service national, de la journée d’appel de préparation à la défense participe aussi à cette mission de formation à la citoyenneté en complément de l’école. Outre la présentation du système de défense de la France et de l’Europe, il est en effet rappelé à tous les jeunes leurs droits et devoirs en tant que citoyens ainsi que les valeurs humanistes de la République.

          b) Les compléments indispensables de la jeunesse et des sports

    L’école ne peut assurer toute seule l’éducation des jeunes citoyens. L’éducation à la citoyenneté va au delà de l’acquisition des savoirs fondamentaux et de l’instruction civique. Un citoyen n’est intégré que lorsqu’il est capable de vivre et de se penser en groupe en respectant les règles que la loi lui fixe et en usant de toutes ses libertés. La pratique d’un sport dès le plus jeune âge est un apprentissage de la valeur de l’effort, du respect des règles, de la discipline,… La famille mais aussi les structures d’éducation populaire, les associations et les centres de loisirs ont un rôle puissant à jouer auprès des jeunes en ce sens. Dans les quartiers en difficulté, les structures sociales, MJC, centres sociaux sont d’ores et déjà de vrais relais des familles et des écoles.

    Le ministère de la jeunesse et des sports participe aux groupes de pilotage des contrats éducatifs locaux (CEL), qui constituent le volet éducation des contrats de ville. Ils visent à favoriser l’accès aux pratiques culturelles et sportives, l’intégration intelligente à la société et l’éducation à la citoyenneté. Le dispositif info-jeunesse, financé par les collectivités locales et labellisé par le ministère de la jeunesse et des sports, permet également d’apporter des informations ciblées pour les jeunes au niveau local sur la vie quotidienne, l’emploi, la drogue, le SIDA, le logement. Il existe 1 484 structures en réseau, qui sont très fréquentées et en prise avec les publics en difficulté.

    A la suite des Rencontres nationales de la jeunesse en 1997, le ministère de la jeunesse et des sports a mis en place des comités départementaux de la jeunesse (CDJ) et un comité permanent au niveau national, avec des jeunes de 16 à 28 ans. Il s’agit d’instances de concertation, d’écoute et de dialogue, créées par arrêté préfectoral, composées de représentants de mouvements politiques et syndicaux de jeunesse et d’associations locales et animées par les directions départementales du ministère (DDJS). Il y a une forte volonté d’action chez les jeunes, mais parfois quelques réticences du côté des préfets. En tout état de cause, une validation politique des actions proposées est indispensable, ce qui implique une vigilance permanente sur les thèmes abordés.

    Le ministère de la jeunesse et des sports organise actuellement une campagne de sensibilisation sur le thème : « Elle est où la différence ? ». Il s’agit de destigmatiser la violence des jeunes et de lutter contre les discriminations. De la même façon, un Festival de la citoyenneté sera organisé du 18 au 25 mars 2000 sur le thème des relations entre les jeunes et les institutions, avec des débats locaux et un temps fort à Paris. Ces deux initiatives du ministère ont été proposées par le Comité permanent des jeunes.

    Pour le rapporteur, l’action engagée par le ministère de la jeunesse et des sports va dans le bon sens. L’augmentation des crédits de 3,5 % fait de ce ministère un partenaire essentiel dans l’intégration et l’accès à la citoyenneté des jeunes. Les comités départementaux, et au niveau national le conseil permanent de la jeunesse, s’ils sont suffisamment renouvelés et à l’image de la population et des associations de tous les quartiers, peuvent être de bons outils de médiation entre les pouvoirs publics, les institutions et les jeunes. Il est important que toutes les préfectures s’engagent dans ces structures et veillent à leur dynamisme.

    L’augmentation de 25 % des crédits de formation pour les 33 500 emplois-jeunes qui relèvent des associations sportives et la croissance de 15 % des aides au financement des formations BAFA sont aussi de nature à faciliter l’accès des jeunes en difficulté à des emplois d’encadrement et d’animation et à leur permettre d’atteindre un bon niveau dans leur domaine et une formation profitable à la poursuite de leur vie professionnelle. Les organisations et les associations qui proposent et délivrent ces formations sont certes labellisées et habilitées par le ministère, mais il serait fortement souhaitable d’y introduire des engagements qualitatifs. Un enseignement et un apprentissage à la citoyenneté et à la vie sociale selon les règles républicaines devrait être assuré dans ce cadre.

    L’éducation populaire joue également un rôle de premier ordre pour l’accès à la citoyenneté des jeunes. Le rapporteur se félicite de l’augmentation de 67 % des crédits du fond national de développement de la vie associative (FNDVA) ainsi que du renforcement des subventions aux associations de jeunesse et d’éducation populaire, et notamment de celles, émergentes, de petite taille qui sont au plus près des aspirations et de la vie quotidienne des citoyens. Toutefois, un effort particulier reste à faire pour surveiller attentivement toute dérive communautariste ou prosélyte des associations sportives et culturelles.

          c) Lutter contre les ghettos culturels

    La culture est un vecteur prioritaire de l’intégration et de l’accès à une pleine citoyenneté des jeunes, et en particulier des jeunes issus de l’immigration. Elle s’enrichit chaque jour des apports et des influences des citoyens, quelle que soit leur histoire et leurs origines. Cette relation réciproque impose un respect mutuel entre cultures, classique, moderne, urbaine ou rurale.

    L’objectif global de la politique menée par le ministère de la culture consiste à promouvoir la démocratisation culturelle, quel que soit le territoire concerné. Il s’agit d’une démarche pour tous les services publics concernés, qui n’est pas spécifiquement inscrite dans la géographie prioritaire de la politique de la ville.

    S’agissant des services publics culturels (bénéficiant d’un financement du ministère de la culture) – musées, théâtres, centres d’art dramatique, conservatoires, bibliothèques, MJC -, une démarche d’ouverture sur les expressions artistiques et les pratiques des populations des quartiers en difficulté est exigée (avec traduction dans le cahier des charges). Des aménagements tarifaires sont possibles, mais s’il y a gratuité, ce doit être pour tous. Il faut saluer la démarche de démocratisation des pratiques culturelles engagée par Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, avec l’extension de la gratuité aux trente-trois musées nationaux et aux monuments historiques un dimanche par mois On doit aussi signaler à ce titre que la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a étendu aux services publics culturels et de loisirs le bénéfice des chèques d’accompagnement personnalisé délivrés par les CCAS.

    Le ministère de la culture délègue 60 millions de francs au FIV, crédits fongibles dans l’ensemble des moyens de la politique de la ville, mais il a souvent des difficultés pour mettre en œuvre des objectifs cohérents au niveau des comités départementaux affectant les financements aux projets. L’action culturelle ne peut pas en effet se réduire à quelques projets ciblés interministériels. Le ministère de la culture poursuit donc des actions spécifiques selon des procédures particulières. On peut citer l’opération quartiers-lumière en mai 1991, les projets culturels de quartier, la présence d’artistes animant des ateliers dans les écoles, les scènes de musique actuelle labellisées. Le ministère engage à ce titre des crédits propres (qui devraient s’élever à plus de 90 millions de francs en 1999) pour soutenir des projets lorsqu’il y a une demande légitime des populations.

    L’action du ministère de la culture au titre de la politique de la ville doit répondre à un objectif prioritaire : faciliter l’accès à la culture de tous les jeunes. Cela passe sans doute par la reconnaissance des différentes expressions culturelles, en leur permettant d’atteindre un bon niveau de qualité qui seul permet l’échange. Il faut saluer à cet égard l’initiative des écoles de musique qui ouvrent leurs disciplines à de nouvelles expressions culturelles comme le rap, la techno ou le graphe et qui permettent à ceux qui les pratiquent d’atteindre un bon niveau, gage de reconnaissance par l’ensemble de la société. Dans le même esprit, les programmes de la maison de la Méditerranée à Belfort, par exemple, permettent à tous d’échanger informations et cultures afin de faciliter l’intégration des étrangers et des Français issus de l’immigration et de permettre le rapprochement des deux rives de la Méditerranée.

    L’autre aspect de cette intégration consiste à ouvrir culturellement les jeunes en leur faisant découvrir la culture classique, par des formations, des visites guidées. Pour cela, chaque service public culturel doit désormais comporter un service d’action culturelle. De même, les médiateurs culturels, emplois-jeunes recrutés dans le cadre du programme de lutte contre les exclusions sur le modèle des médiateurs du livre d’ATD-Quart Monde, sont un réel facteur d’échange. La démocratisation de l’art ne pourra être réalisée sans médiation ni éducation.

    Pour autant, le ministère de la culture ne doit pas être uniquement un prestataire de services qui répond aux nouvelles demandes. Lutter contre les ghettos culturels qui se construisent autour des cités et des jeunes qui y vivent impose de faire tomber les barrières culturelles. Enfermer ces jeunes dans une culture “ banlieue ” leur ferme les portes d’une intégration à l’ensemble de la société française. Il faut offrir à tous les citoyens d’autres horizons que ceux de leur quartier.

    L’expérience de l’effort, de l’entraînement, de la recherche de l’excellence peut ensuite être transposée aux domaines de la vie quotidienne et professionnelle de ces jeunes. Pour certains d’entre eux, l’apprentissage de la réussite dans le domaine artistique et culturel s’est avéré être une expérience débloquante pour leur réussite scolaire et individuelle. Le rapporteur soutient le développement de telles initiatives qui permettent à des jeunes, et par leur intermédiaire à des familles entières, d’accéder à des formes de culture encore considérées comme “ élitistes ”. Ce type de médiation entre le public et la culture doit être encouragé, tout comme le retour dans les institutions et les établissements culturels des médiateurs culturels, chargés de permettre l’accès aux événements culturels et à leur compréhension au plus grand nombre. Cette mission d’éducation populaire est un des enjeux de la lutte contre les inégalités culturelles.

          3. Promouvoir un environnement harmonieux

    Il ne peut y avoir d’intégration et d’exercice de la citoyenneté dans de mauvaises conditions d’existence : emploi, sécurité, santé,... Intégrer tous les citoyens à la République suppose que soient réunis les conditions qui permettent d’évoluer dans un environnement harmonieux pour tous, au besoin au moyen de discriminations positives rétablissant l’égalité réelle.

          a) Des villes sûres pour des citoyens libres

    Ce thème, développé lors du colloque de Villepinte en octobre 1997 et érigé en priorité d’action du Gouvernement, demeure d’actualité. En effet, un citoyen dont la sécurité n’est pas assurée ne peut pas exercer son droit à la liberté. Une enquête de « victimation » réalisée en octobre 1999 par l’INSEE pour l’institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI) constitue a cet égard un apport important pour la compréhension et le traitement du sentiment d’insécurité dont souffrent trop de citadins.

    Au cœur de la police de proximité, l’îlotage opérationnel vise essentiellement deux objectifs : le maintien de la paix publique dans les quartiers et le renforcement des liens de confiance avec la population. L’îlotage doit s’adapter aux formes de délinquance nouvelle et spécifique des grands ensembles, comme l’exercice illicite du métier de commerçant avec la vente de voitures achetées à l’étranger. Au 1er août 1999, 9 105 personnels de la police nationale étaient employés à des mission d’îlotage, dont 4 514 adjoints de sécurité.

    Le ministre de l’intérieur a également annoncé le 1er octobre 1999 un plan national visant à renforcer la police de proximité grâce à la « fidélisation territoriale » de CRS dans des sites sensibles en matière de délinquance. Il s’agit de fidéliser pendant six mois les CRS dans une ville, afin d’établir une plus grande proximité et donc une meilleure connaissance entre la police et la population. Parallèlement, les effectifs de police et de gendarmerie doivent être redéployées pour une meilleure sécurité publique conformément aux propositions du rapport remis au Premier ministre en avril 1998 par le rapporteur avec le sénateur Jean-Jacques Hyest.

    Inséparable du développement de la police de proximité est celui des contrats locaux de sécurité (CLS) mis en place par une circulaire du 28 octobre 1997. 300 contrats ont d’ores et déjà été signés et 420 sont en préparation. 80 % concernent des sites relevant de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Dans le cadre d’une dynamique partenariale, la coopération entre l’ensemble des acteurs œuvrant dans le champ de la sécurité doit permettre de mener une action de prévention de la délinquance et de définir les conditions d’intervention de la police et de la gendarmerie en tenant compte des spécificités locales et des besoins recensés.

    Le rapporteur estime que la question de la délinquance des mineurs doit être traitée avec le souci qu’aucune infraction ne reste sans sanction. Prévention et répression sont indissociables. Il faut absolument casser le modèle négatif qui propose à l’admiration des jeunes de banlieues quelques petits caïds qui affichent un train de vie dix à quinze fois supérieur au minimum garanti. La jeunesse doit avoir de véritables modèles d’identification positifs.

    S’agissant de la lutte contre la délinquance des mineurs, les services de la protection judiciaire de la jeunesse mènent aussi une action éducative, avec par exemple l’université du jeune citoyen mise en œuvre sur plusieurs sites qui vise à aider les jeunes délinquants à se situer dans leur environnement social par la connaissance du rôle des institutions et l’intégration de repères collectifs. Globalement, les crédits de ces services du ministère de la justice augmenteront de 14 % en 2000, permettant notamment l’ouverture de centres éducatifs renforcés et de centres de placement immédiat.

          b) Le cadre de vie et l’habitat : favoriser la mixité sociale

    L’intégration républicaine des citoyens passe d’abord au plan matériel par le désenclavement des banlieues. Il faut rendre la ville ouverte et lutter contre les ghettos urbains. Le percement d’artères nouvelles, la dédensification de l’habitat et le développement des transports en commun doivent permettre de favoriser la mixité sociale des habitants des quartiers difficiles. On peut distinguer deux types d’actions principales permettant de concourir à la réalisation de cet objectif de mixité sociale :

    - D’une part, une action sur les politiques d’attribution de logements : la mise en œuvre de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, avec la mise en place des conférences intercommunales du logement, doit permettre de définir des politiques d’attribution concertées, visant à favoriser la diversité sociale dans les quartiers relevant de la politique de la ville.

    - D’autre part, une action sur la production de logements : en effet, ce n’est qu’à travers la réalisation de logements sociaux dans les communes qui n’en ont pas que pourra être effectivement obtenue la diversité sociale. Pour cela, l’Etat se doit de subventionner les communes dont la carence est constatée et la capacité financière propre inexistante.

    De fait, l’objectif de mixité sociale ne peut être poursuivi à la seule échelle du quartier : c’est sur la base de ce constat que les orientations de la politique de la ville pour le XIIème Plan réaffirment la nécessité de traiter les enjeux aux échelles les plus pertinentes. L’articulation entre contrats de ville et contrats d’agglomération répond à la préoccupation de dégager des solutions en termes de rééquilibrage de l’offre de logements locatifs sociaux. Dans ce cadre, l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics de coopération intercommunale et leurs partenaires doivent s’engager à mettre en œuvre, de façon concertée, des politiques territorialisées de développement solidaire et de renouvellement urbain visant à lutter contre les processus de dévalorisation de certains territoires. Les diagnostics en cours d’élaboration permettront de définir les programmes nécessaires à l’amélioration de la desserte et de l’accessibilité des quartiers prioritaires, en lien avec les plans de déplacements urbains (PDU) et les dossiers de voirie d’agglomération (DVA).

    Le prochain projet de loi sur l’urbanisme, l’habitat et les déplacements aura également pour objectif de favoriser le renouvellement urbain de manière cohérente avec l’ensemble de la politique de la ville, pour que les citadins puissent vivre des conditions d’habitat décentes et circuler librement.

          c) Le développement économique et l’emploi : des activités au cœur des quartiers populaires

    Dans un contexte de reprise de l’activité économique et de croissance plus riche en emplois, il importe de renforcer les moyens d’insertion afin que les personnes vivant dans les quartiers en difficulté ne restent pas les oubliées de l’amélioration durable de la situation économique. Etre intégré à la société, c’est aussi profiter de la croissance. En effet, si l’ensemble des mesures mises en œuvre par le Gouvernement, notamment les emplois-jeunes et la réduction du temps de travail, contribueront à accélérer la diminution du chômage, il est nécessaire en parallèle de renforcer et d’amplifier les dispositifs d’accès à l’emploi par la formation. L’objectif essentiel doit être d’associer la prévention et le traitement du chômage de longue durée et la lutte contre l’exclusion en développant des actions de suivi personnalisé favorisant un “ nouveau départ ” qui encourage le passage de l’assistance à l’emploi en améliorant la capacité d’insertion et de réinsertion des jeunes et des adultes.

    En ce qui concerne les jeunes, l’institution du trajet d’accès à l’emploi (TRACE) par la loi du 29 juillet 1998 constitue une première application du “ nouveau départ ” et du principe d'individualisation des parcours. TRACE propose en effet aux jeunes sans qualification de bénéficier d’un accompagnement personnalisé renforcé pendant dix-huit mois permettant d’accéder à des actions diversifiées et adaptées d'acquisitions des savoirs de base, de formation, de stages ou d’emploi en vue d’une insertion durable dans l’emploi. Les jeunes bénéficient d’une rémunération correspondant aux différentes phases du parcours. Ce dispositif devrait concerner 60 000 jeunes par an au terme du programme. Au 30 juin 1999, 44 % des jeunes issus de quartiers défavorisés avaient déjà fait l’objet d’une prise en charge dans le cadre de TRACE.

    Au niveau des emplois-jeunes, 20 % des embauches au titre de ce programme doivent concerner des jeunes résidant dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Cet objectif ambitieux, affirmé par le Comité interministériel des villes du 30 juin 1998 et rappelé aux préfets par une circulaire du 12 avril 1999, devrait entraîner une baisse significative du taux de chômage des jeunes dans ces zones urbaines, en particulier pour ceux qui sont qualifiés et directement employables. Selon les dernières statistiques disponibles (juin 1999), 11,8 % des embauches auraient été offertes à des jeunes résidant dans des zones urbaines sensibles (ZUS). Ces emplois-jeunes peuvent participer à des actions de prévention de la délinquance, de médiation entre les usagers et les services publics, d’animation sportive et culturelle et d’entretien d’espaces.

    En ce qui concerne les exonérations fiscales et sociales en zone de redynamisation urbaine (ZRU) et en zone franche urbaine (ZFU) décidées dans le cadre du pacte de relance pour la ville, le bilan relativement critique dressé par le rapport de Mme Chantal Robin-Rodrigo et de M. Pierre Bourguignon remis au Premier ministre le 22 juin 1999 a amené le comité interministériel des villes du 2 septembre 1999 à mettre en place un groupe de travail pour proposer au Parlement des mesures de rationalisation de ces dispositifs, qui coûtent 3,4 milliards de francs à l’Etat pour un résultat mitigé en termes de création d’emplois. Le rapporteur estime nécessaire de ne pas casser un outil qui peut se révéler utile, mais de le globaliser afin d’y intégrer des objectifs plus sociaux et de développement économique général. Le retour de l’activité économique dans ce qui reste encore trop des cités-dortoirs est indispensable pour faire véritablement revivre les villes.

    Enfin, le rapporteur exprime des doutes quant à la capacité des pouvoirs publics à maintenir des commerces de proximité dans les quartiers contre la logique des marchés (très grandes surfaces en périphérie des agglomérations). A cet égard, il faut regretter l’absence d’intervention significative à ce jour de l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) créé par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville. La principale mission de cet établissement doit être de faciliter des interventions de remembrement des commerces locaux et artisanaux dans les sites urbains en difficulté. Ces sites sont caractérisés par l’existence de propriétés fragmentées d’immeubles et de fonds de commerce et cet éclatement de la propriété risque de rendre impossible toute tentative de revitalisation de ces sites. Pour contourner cet handicap et pallier les différentes difficultés que subissent ces sites, l’EPARECA a la faculté légale de réaliser les opérations suivantes : création, extension, transformation ou reconversion de surfaces commerciales et artisanales en zones urbaines sensibles. Il doit intervenir de concert avec les communes ou les groupements de communes concernés. Seuls six dossiers sont en phase opérationnelle de traitement, ce qui est faible au regard des besoins exprimés.

CONCLUSION

    « Au même titre et sans doute davantage que les espaces publics, l’architecture ou la pierre, la République est un matériau essentiel de la ville. Il faut la réinjecter, à dose massive, dans les quartiers populaires. » Ainsi le rapporteur concluait-il déjà son avis sur le projet de budget de la ville pour 1998.

    A cet égard, l’accès à la citoyenneté et l’intégration républicaine des jeunes, et tout particulièrement des deux millions d’entre eux Français issus de l’immigration, doit désormais constituer au niveau national comme au niveau local une priorité de l’action publique. Favoriser leur accès réussi à la citoyenneté et son plein exercice passe par un effort exceptionnel pour faire entrer ces jeunes dans le monde du travail, par une lutte sans relâche pour l’accès à la formation, à l’apprentissage, au logement, à la culture, aux loisirs et à la santé.

    Bien évidemment, la citoyenneté qui confère des droits comporte simultanément des devoirs auxquels chacun doit se soumettre : respect des lois républicaines, des biens et des personnes. C’est pourquoi elle est également une des conditions essentielles de l’avenir réussi des villes, de même qu’elle est indispensable au respect de l’ordre public dans les quartiers populaires. A cet égard, la citoyenneté est le socle de la sécurité.

    L’accès à la citoyenneté doit être favorisé par des campagnes publiques en faveur de l’acquisition de la nationalité française et des devoirs qui s’y attachent. Si la promotion du civisme se fait d’abord à l’intérieur de la famille et du système scolaire, elle peut aussi faire l’objet de rituels républicains et de manifestations symboliques organisées avec le concours des élus (cérémonies lors de remise de la première carte d’électeur à dix-huit ans avec le livret du citoyen, parrainage républicain, remise de prix d’excellence à l’école, fête de la citoyenneté, ...)

    Dans cette perspective, il convient de considérer le présent projet de budget comme un moyen de mettre en œuvre les orientations fondamentales de la politique de la ville, dont l’accès à la citoyenneté et l’intégration républicaine doivent être désormais l’un des piliers essentiels à sa réussite. C’est pourquoi le rapporteur donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la ville pour 2000.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

    La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Roland Carraz, suppléé par Mme Gilberte Marin-Moskovitz, les crédits de la ville pour 2000, au cours de sa séance du mercredi 10 novembre 1999.

    Après l’exposé de Mme Gilberte Marin-Moskovitz, suppléant M. Roland Carraz, rapporteur pour avis, Mme Hélène Mignon s’est félicitée de l’augmentation des crédits de la ville pour 2000, tout en posant la question de leur utilisation. Il est en effet nécessaire de mettre en œuvre des projets fédérateurs et structurants au sein d’une action de renforcement de la cohésion sociale au niveau de l’ensemble de la Nation. Les populations des quartiers populaires souffrent trop souvent d’une stigmatisation du fait lié aux problèmes de logement et d’emploi ; le désir d’une meilleure reconnaissance est souvent exprimé par les jeunes. Une implication de toutes les villes et de toutes les collectivités locales est donc indispensable car la mixité sociale qui existait auparavant dans ces quartiers a cédé du terrain du fait de la progression de la violence. Les problèmes liés à la ville ne seront résolus que si une véritable volonté politique est mise en œuvre.

    M. Bernard Perrut a souligné l’importance du budget de la ville qui concerne de multiples problèmes qui relèvent de fait de plusieurs ministères, tant il est vrai qu’une vision globale est nécessaire dans ce domaine. Le sentiment d’impuissance des divers responsables est trop souvent constaté sur le terrain. Ainsi, nombreux sont les élus qui refusent de signer des contrats locaux de sécurité du fait de l’insuffisance de la police de proximité mise à disposition par l’Etat. Les contrats de ville ne bénéficient qu’aux municipalités ayant des quartiers en grande difficulté alors qu’il faudrait aussi intervenir dans les communes à titre préventif, avant que les problèmes deviennent lourds.

    Les jeunes des banlieues rencontrent de nombreux problèmes d’insertion, par exemple au niveau de l’emploi. Il faut souligner les difficultés de montée en charge du programme TRACE ainsi que les pesanteurs administratives auxquelles sont confrontées les missions locales. Il est également nécessaire de mieux prendre en compte les besoins dans les quartiers, pour passer des réparations urbaines à la rénovation des quartiers. A cet égard, M. Bernard Perrut a interrogé le rapporteur sur l’état d’avancement des projets dans ce domaine ainsi que sur les priorités retenues pour les actions engageant l’Etat et les collectivités locales.

    M. Jean-Paul Durieux, président, a indiqué que si le démarrage du programme TRACE avait été médiocre, des améliorations ont été apportées récemment, ainsi que l’a noté Mme Hélène Mignon dans sa communication à la commission sur l’application de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.

    Mme Gilberte Marin-Moskovitz, suppléant M. Roland Carraz, rapporteur pour avis, a indiqué qu’un projet de loi relatif à l’urbanisme, à l’habitat et aux déplacements sera débattu au Parlement au premier semestre de l’année 2000 pour donner les moyens de réaliser une véritable rénovation urbaine. Par ailleurs, toutes les communes ne peuvent pas bénéficier d’un contrat de ville mais il revient dans tous les cas aux acteurs locaux de prendre l’initiative de mener un travail résolu de reconstruction de la cohésion sociale, en partenariat avec l’Etat.

    Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la ville pour 2000.

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N°1862-XII. - Avis de M. Roland Carraz, au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Emploi et solidarité : ville.

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© Assemblée nationale

Les crédits correspondants sont en effet désormais intégrés dans le fascicule budgétaire bleu « santé et solidarité » du ministère de l’emploi et de la solidarité.

Selon les résultats du recensement général de la population de 1999.

De ce fait, le fonds social urbain (FSU) y sera intégré à compter de l’année 2000.

Amiens, Bastia, Boucle Nord 92 (Asnières, Colombes, Gennevilliers, Villeneuve-la-Varenne, Clichy), Grenoble, le Mantois, Les Portes de Paris (Noisy-le-Grand, Villiers-sur-Marne), Lille-Roubaix-Tourcoing, Mulhouse, Orléans, Perpignan, Poitiers, Port de Bouc-Martigues, Rennes, Saint-Dizier, Val de Marne Centre (Alfortville, Bonneuil-sur-Marne, Créteil, Maisons-Alfort), Saint-Denis de La Réunion.

Argenteuil, Aubervilliers/La Courneuve/Saint-Denis, Aulnay-sous-Bois, Chanteloup-les Vignes, Clichy-sous-Bois/Montfermeil, Epinay-sur-Seine, Gennevilliers, Grigny/Viry-Chatillon, Le Mantois (Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville, Buchelay), Marseille, Meaux, Roubaix/Tourcoing/Croix/Wattrelos, Vaulx-en-Velin et Venissieux.

Actuellement, seuls 40 % des contrats de ville sont intercommunaux.

L’insertion professionnelle et sociale des jeunes.

Ensemble refaire la ville.

Demain, la ville.

Voir le code des droits et devoirs des adolescents élaboré dans le cadre du contrat local d’accompagnement scolaire de Chenôve.

Y compris avec La Poste, EDF, la SNCF ou la RATP.

Au nombre de 47 à la fin de l’année 1999, elles assurent le traitement des petits litiges civils et l’aide aux victimes et concourent à la prévention de la délinquance.

Dans le même esprit, au-delà du baccalauréat, il faut citer l’expérience du revenu minimum étudiant mis en place à Chenôve depuis 1989, qui permet d’aider les jeunes dont les moyens financiers sont insuffisants à poursuivre leurs études.

La montée en charge de ce dispositif a été assez lente, mais on peut raisonnablement atteindre 40 000 jeunes concernés à la fin de l’année 1999.

Hors ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale.

Lois du 4 février 1995 et du 14 novembre 1996.

Le territoire de la cité au service de l’emploi.

Avis n° 306 tome XII, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 1997.