N° 1865 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805), TOME V JUSTICE ADMINISTRATION CENTRALE
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir le numéro : 1861 (annexe 35). Lois de finances. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.
MESDAMES, MESSIEURS, Dun montant de 27,291 milliards de francs, le budget de la justice pour 2000 augmente de 3,9 %, soit trois plus que la croissance moyenne du budget général de lEtat : pour la première fois, il atteint 1,6 % du budget général. Le service public de la justice continue donc de bénéficier de la priorité voulue par le gouvernement de Lionel Jospin. Depuis le début de la législature, les crédits du ministère de la justice se seront ainsi accrus de 3,4 milliards de francs, ce qui représente une hausse cumulée de 14 %. À ce rythme de progression annuelle, le budget de la justice devrait pouvoir franchir la barre des 30 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2002, ce qui paraissait de lordre du rêve il y a seulement quelques années. ÉVOLUTION DU MONTANT DES CRÉDITS
N.B. : Les chiffres portés pour le budget de lEtat sont ceux qui figurent en lois de finances initiales publiées au Journal officiel (tableau déquilibre général) à la ligne dépenses nettes. En 2000, les effectifs du ministère de la justice connaîtront une nouvelle hausse remarquable de 1 239 emplois : 5 emplois à ladministration générale, dont 4 pour linspection des services judiciaires ; 382 emplois pour les juridictions judiciaires (212 magistrats, 155 fonctionnaires des greffes, 15 agents contractuels) ; 85 emplois pour le Conseil dEtat et les juridictions administratives (40 magistrats, 44 fonctionnaires, 1 ingénieur) ; 386 emplois pour les services pénitentiaires ; 380 emplois pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse ; 1 emploi de chargé de mission pour la CNIL. Sur les trois derniers budgets, le ministère de la justice aura ainsi bénéficié de 2 929 créations de postes (762 en 1998 et 930 en 1999), dont 422 magistrats judiciaires.
A côté des créations demplois, le budget de la justice pour 2000 prévoit également le financement de 100 assistants de justice aux services judicaires et de 2 000 agents de justice, dont 1 050 dans les services judiciaires. Consultées par votre rapporteur, les organisations syndicales ont, dans lensemble, jugé le budget satisfaisant, tout en faisant part des réserves ou des inquiétudes suivantes. LAssociation des greffiers en chef des tribunaux dinstance et de police sest inquiétée du nombre demplois vacants dans les greffes, tout en estimant que les effectifs étaient mal répartis et insuffisamment redéployés. Elle a souhaité que, à limage des magistrats placés, des emplois de greffiers en chefs placés soient créés plutôt que de recourir à des délégations très difficiles à gérer en pratique. Après avoir souligné le poids croissant des gestions de tutelle, elle a estimé que les greffiers en chef navaient ni le temps ni la formation pour assurer cette tâche de façon satisfaisante et a souhaité que lavis des agents des impôts puisse être sollicité dans les dossiers les plus complexes. Enfin, elle sest étonnée quaucun renforcement des greffes ne soit prévu alors que la loi relative au pacte civil de solidarité entrera en vigueur lannée prochaine. LAssociation professionnelle des magistrats a jugé préférable de privilégier laide à la décision, en renforçant le nombre des collaborateurs assistant le magistrat, plutôt que de créer des emplois supplémentaires de magistrats. À cet égard, elle a souhaité la création dun véritable corps dassistants de justice, dont laccès ne serait pas limité à des étudiants, qui aujourdhui sont recrutés pour une durée limitée, sans statut et sans perspectives de carrière. Par ailleurs, elle a souhaité que la réforme statutaire annoncée par la garde des sceaux ait lieu au plus vite, afin que de remédier au blocage des carrières dans la magistrature. La Fédération FO de ladministration générale de lEtat a estimé que les créations demplois de fonctionnaires étaient insuffisantes pour lutter contre lencombrement des greffes et que les agents de justice ne correspondaient pas aux besoins des tribunaux. Elle a réclamé lélaboration dun plan de désamiantage des bâtiments judiciaires. La Fédération justice CFDT a rappelé son attachement à la réforme de la carte judiciaire, mais aussi de la carte pénitentiaire et de la carte de la protection judiciaire de la jeunesse, afin quil ny ait plus quune seule circonscription pour tous les services dépendant du ministère de la justice. Elle a estimé quune certaine confusion régnait dans les tâches imparties aux différents personnels affectés dans les juridictions. Ainsi, elle a souligné que certains assistants de justice remplissaient des fonctions en principe réservées aux magistrats, que les missions des personnels de greffes nétaient pas clairement identifiées et que les tâches de gestion devraient revenir aux fonctionnaires et non aux magistrats, y compris à la Chancellerie. Enfin, elle a souhaité que les associations participant au service public de la justice fassent lobjet dun contrôle plus attentif. Le Syndicat CGT des chancelleries des services judiciaires a fait par de ses réserves quant au recrutement de 2 000 agents de justice, sinquiétant notamment de la formation quils recevront et soulignant limportance des fonctions daccueil qui nécessitent en fait une bonne connaissance du fonctionnement des juridictions. Il a estimé que le recrutement dassistants de justice avait donné lieu à des dérives, certains dentre eux rédigeant des jugements. En outre, il a réclamé un alignement du régime indemnitaire de lensemble des fonctionnaires des services judiciaires, quelles que soient leurs catégories et la fonctionnarisation des greffes des tribunaux de commerce. Le Syndicat de la juridiction administrative a souhaité quun plan spécifique de résorption des contentieux soit arrêté pour les cours administratives dappel. Il ne sest pas déclaré hostile à une réduction du nombre de magistrats siégeant dans les formations de jugement, si seuls des magistrats ayant le grade de président étaient affectés dans les cours. Il a souhaité que des emplois de catégorie A soient créés dans les greffes afin délargir les possibilités de recrutement au-delà du corps des attachés de préfecture et que le timbre à 100 francs, qui ne dissuade pas les requérants mais pose de multiples problèmes de gestion, soit supprimé. Le Syndicat de la magistrature a souhaité quun statut des assistants de justice soit élaboré car les tâches qui leur sont confiées diffèrent énormément dune juridiction à lautre, certains allant jusquà assister au délibéré pour être à même dorienter leurs recherches préparatoires à la rédaction dun projet de jugement. Il a jugé indispensable que les agents de justice affectés à des fonctions daccueil soient systématiquement encadrés par des fonctionnaires. Il a souligné que le nombre demplois de magistrats prévus pour renforcer les juridictions, hors réformes, était inférieur au nombre des emplois actuellement vacants. LUnion syndicale autonome justice sest inquiétée du développement des emplois précaires, quil sagisse des agents de justice ou des assistants de justice, lactivité de ces derniers devant donner lieu à un rapport de la Chancellerie qui na toujours pas été rédigé. Après avoir rappelé son intérêt pour la réforme de la carte judiciaire, il sest étonné quaucune mesure ne soit prévue pour permettre aux greffes de se préparer à recevoir et à traiter les déclarations liées au pacte civil de solidarité. LUnion syndicale des magistrats a regretté quil ny ait pas davantage demplois de magistrats affectés à la résorption des stocks daffaires, que les primes des magistrats placés et les frais de déplacement des magistrats en général ne soient pas améliorés. Tout en soulignant lutilité des assistants de justice, elle sest déclarée hostile à la création dun statut, quils ne lui paraissent pas revendiquer, qui risquerait de « scléroser une dynamique », cette fonction devant sassimiler à une étape dans un cursus, tel un stage. Favorable à la réforme de la carte judiciaire, qui devrait permettre la réalisation déconomies déchelle, elle a par ailleurs souligné lintérêt des délégués du procureur qui remplissent un rôle que nombre de parquets débordés ne remplissaient plus. LUnion syndicale des magistrats administratifs a regretté que le référé administratif, dont la création est examinée par le Parlement, ne soit pas pris en compte dans les créations demplois, dautant que les emplois de greffe restent insuffisants hors réformes. Elle sest inquiétée de lévolution du chantier de la cour administrative dappel de Paris. Il sest déclaré satisfait de la récente réforme du statut des magistrats administratifs. Cette année, votre rapporteur sest rendu au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris. Il y a rencontré des magistrats et des fonctionnaires très satisfaits des conditions dans lesquelles ils pouvaient exercer leurs fonctions, même si léloignement de lîle de la Cité peut poser quelques difficultés, que linformatique atténue néanmoins. Les magistrats ont, par ailleurs, insisté sur la très précieuse aide technique que leur apportent les assistants spécialisés détachés du ministère de la justice. On ne peut que souhaiter que des conditions de travail, que certains ont injustement qualifiées de luxueuses alors quelles sont seulement adaptées aux tâches juridictionnelles, deviennent au plus vite la norme. Il reste encore beaucoup à faire, même si les progrès accomplis ces dernières années sont réels, pour que, par exemple, tous les magistrats de France disposent dun bureau au siège de la juridiction dont ils relèvent. À cet égard, votre rapporteur juge indispensable que Paris soit doté au plus vite dun nouveau palais de justice dans lequel pourrait être installé, par exemple, le tribunal de grande instance. * * * I. POUR LA TROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, LES CRÉDITS DE LA JUSTICE SONT EN NETTE PROGRESSION Dans le prolongement des lois de finances pour 1998 et 1999, le budget 2000 poursuit la mise en uvre de la réforme de la justice, dont les orientations ont été définies lors dune communication de la garde des sceaux au conseil des ministres du 27 octobre 1997 : une justice au service des citoyens, une justice au service des libertés, une justice indépendante et impartiale. Les moyens budgétaires alloués aux services judiciaires traduisent concrètement cet engagement : renforcement des effectifs, modernisation du statut des magistrats et du régime indemnitaire des fonctionnaires, augmentation des crédits de fonctionnement des juridictions et poursuite des travaux de construction et de rénovation de bâtiments judiciaires. Les juridictions judiciaires bénéficient de 382 créations demplois, dont 212 magistrats, et de 450 millions de francs pour les moyens des services et les crédits dintervention (+ 4,2 %) et les juridictions administratives disposent de 85 créations demplois, dont 40 magistrats, et de 33,6 millions de francs en dépenses ordinaires (4,5 %).
A. LE NOMBRE DE CRÉATION DEMPLOIS DE MAGISTRATS EST LE PLUS ÉLEVÉ DEPUIS VINGT-CINQ ANS Le renforcement des effectifs des juridictions prévu pour le budget de la justice pour 2000 a un double objectif : permettre la mise en uvre des réformes (contentieux de la détention provisoire, lutte contre la délinquance des mineurs, répression du crime organisé grâce au développement de pôles financiers, réforme des tribunaux de commerce ) ; améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien (résorption des stocks daffaires à juger dans les cours dappel, accélération du traitement des procédures pénales, poursuite de la professionnalisation de ladministration des juridictions ). Dans les services judiciaires, un effort exceptionnel est fourni pour les postes de magistrats : la création de 212 postes de magistrats est la plus importante depuis 25 ans. En trois ans, ce sont 422 créations demplois de magistrats qui auront été obtenues, soit autant que pendant les dix années ayant précédé 1997. En outre, cette hausse sinscrit dans le cadre dune politique de réduction des taux de vacances des emplois de magistrats : dans le cadre dun plan durgence de recrutement, la loi organique du 24 février 1998 a autorisé lorganisation de concours pour 100 postes de magistrats, en 1998 et 1999, et modifié les conditions de nomination de conseillers en service extraordinaire. Le renforcement des greffes et de ladministration déconcentrée se poursuit avec la création de 140 emplois de greffiers et de 5 emplois de greffiers en chef. Par ailleurs, afin de développer la gestion déconcentrée, les services judiciaires bénéficieront de 25 emplois administratifs et techniques. En outre, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit le recrutement de 100 assistants de justice supplémentaires, titulaires dune maîtrise en droit et travaillant à mi-temps auprès de magistrats, ce qui portera leur nombre à 1 050. Il est également prévu, conformément aux décisions prises par le Conseil de sécurité intérieure, de recruter 1 050 agents de justice : ces emplois-jeunes, sous contrat de droit public, seront affectés à laccueil du public dans les juridictions et les maisons de justice. Ces augmentations deffectifs sont accompagnées des différentes mesures statutaires et indemnitaires en faveur des personnels. Une enveloppe de 20 millions de francs, qui sajoute à une première provision de 18 millions de francs inscrite dans la loi de finances pour 1999, est prévue pour la réforme du statut de la magistrature, qui doit notamment permettre de surmonter le blocage des carrières lié aux déséquilibres démographiques du corps. La ministre de la justice sest engagée à soumettre un projet de loi organique au Parlement dès que la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature sera adoptée. Par ailleurs, 17 millions de francs sont consacrés à des revalorisations indemnitaires pour les fonctionnaires des greffes : + 0,5 point pour les greffiers en chef et greffiers, + 1 point pour les agents de catégorie C. Enfin, il est prévu de créer 4 emplois dinspecteurs à linspection générale des services judiciaires, qui comprend déjà 19 membres : afin de créer un service à la hauteur des enjeux, les effectifs de linspection générale auront ainsi été presque doublés en deux ans. Concernant les juridictions administratives, 40 emplois de magistrats et 40 emplois de fonctionnaires sont créés pour les tribunaux administratifs et les cours administratives dappel et 4 autres emplois de fonctionnaires et 1 emploi dingénieur informaticien de haut niveau pour le Conseil dEtat. Par ailleurs, la réforme statutaire des chefs de service du Conseil dEtat est inscrite dans le projet de loi de finances pour un montant de 0,2 million de francs et les indemnités des membres et des agents du Conseil dEtat sont revalorisées respectivement de 7 millions de francs et de 0,2 million de francs. Enfin, 36 emplois sont transformés en 34 emplois après pyramidages statutaires et transformations liées aux besoins des services. B. TOUTES LES RÉFORMES ANNONCÉES SONT FINANCÉES Les 26 millions de francs de crédits supplémentaires inscrits au titre des moyens de fonctionnement et de formation des services judiciaires (chapitre 37-92) bénéficieront par priorité à la déconcentration, à la mise en service de nouveaux bâtiments judiciaires et à la constitution de pôles financiers, pour lesquels quinze agents du ministère des finances ont été mis à disposition depuis juin 1999. Ils seront également consacrés à la politique de la ville, aux conseils départementaux daccès au droit (CDAD) et aux maisons de justice et du droit, dans le prolongement de la loi du 18 décembre 1998 relative à laccès au droit et à la résolution amiable des conflits. Les crédits supplémentaires inscrits au projet de loi de finances pour 2000 sont destinés essentiellement à lapplication du projet de loi sur la présomption dinnocence (30 millions de francs) et de la loi du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière (19 millions de francs), à laffiliation au régime général de la sécurité sociale des collaborateurs occasionnels du service public de la justice (41 millions de francs) et à la prise en charge de 200 délégués du procureur supplémentaires (10 millions de francs). Comme la garde des sceaux sy était engagée, la réforme de la détention est donc financée dans tous ses aspects : 110 créations de postes de juges de la détention en deux ans, 47 millions de francs pour laide juridictionnelle pour payer la présence de lavocat dès la première heure de la garde à vue et 30 millions de francs de crédits de frais de justice pour lindemnisation des personnes relaxées, acquittées ou bénéficiant dun non-lieu. C. DE NOUVELLES OPÉRATIONS DÉQUIPEMENT SONT LANCÉES Le montant total des autorisations de programmes pour les services judiciaires sélève à 805 millions de francs, contre 673 millions de francs en 1999. Il permettra la poursuite des opérations déjà lancées : les grands chantiers de Grenoble, Avignon, Fort-de-France, Toulouse, Besançon et la rénovation ou lextension des palais de justice de Saint-Etienne, Rodez, Roanne, Bastia, Béziers, Douai, Dunkerque, Belfort, Lisieux et Rouen. De nouvelles opérations seront également lancées : grande construction de Pontoise, désamiantage du tribunal de grande instance de Nanterre, restructuration de la cour dappel de Bordeaux et du tribunal de grande instance de Cahors, lancement de la construction dun nouveau tribunal de grande instance à Narbonne. Des études seront engagées pour le relogement de la cour dappel de Versailles, la reconstruction du tribunal de grande instance de Laval, lextension et la restructuration du patrimoine immobilier à Niort, la construction dune extension à Bobigny. Concernant les juridictions administratives, 50 millions de francs dautorisations de programme permettront de : poursuivre les travaux de modernisation et de restauration du Conseil dEtat (7,8 millions de francs) ; créer le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (29,5 millions de francs) ; reloger le tribunal administratif de Rouen (7,5 millions de francs) ; mettre en conformité les installations électriques des tribunaux administratifs de Grenoble et de Rennes (3,2 millions de francs) ; procéder à divers travaux dans la cour administrative dappel de Nancy et dans les tribunaux administratifs de Nancy et de Marseille (2 millions de francs).
Au-delà de ce bon budget, qui donne à la justice les moyens de poursuivre sa rénovation, votre rapporteur note avec satisfaction que, en réponse à une demande quil formulait depuis plusieurs années, la Chancellerie lui a indiqué quun travail destimation du coût moyen dune procédure serait engagé dans les prochains mois. Cette estimation coût moyen dun divorce, dun procès aux assises, dune gestion de tutelle, par exemple suppose lexistence préalable dun embryon de comptabilité analytique, non disponible à ce jour au ministère de la justice, permettant au moins daffecter à chacune de ces procédures les principales charges de fonctionnement de la justice, et notamment les rémunérations de magistrats, greffiers et fonctionnaires qui mettent en uvre ces procédures. Une telle affectation suppose, dans un premier temps, une ventilation des frais de fonctionnement du ministère entre les différents types de juridictions civiles et pénales (les juges aux affaires familiales, les cours dassises, les services des tutelles) puis, dans un deuxième temps, une imputation de ces frais de fonctionnement aux différentes procédures traitées par une même juridiction : par exemple, pour les juges aux affaires familiales, une imputation au prorata du temps passé entre les divorces, les affaires postérieures aux divorces et les contentieux de lenfant naturel. Pour porter une appréciation complète sur le budget de la justice pour 2000, qui sous langle des crédits est, comme on la vu, tout à fait satisfaisant, il convient aussi de considérer le fonctionnement des juridictions. II. LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS Après avoir analysé lactivité des juridictions (A), votre rapporteur examinera la situation des personnels (B). A. LACTIVITÉ DES JURIDICTIONS Le rapport annexé à la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice a fixé pour objectif de réduire, en cinq ans, les délais de jugement à 3 mois devant les tribunaux dinstance, 6 mois devant les tribunaux de grande instance et 12 mois devant les cours dappel. Au fil des années, cet objectif paraît de plus en plus difficile à atteindre, dautant que les délais de jugement se sont encore accrus en 1998 dans les cours dappel et les tribunaux de grande instance. 1. Lactivité judiciaire civile En 1998, le nombre daffaires civiles nouvelles a baissé dans les cours dappel et dans les tribunaux de grande instance et dinstance mais le stock des affaires restant à traiter sest accru dans toutes les juridictions, tandis que le nombre daffaires terminées na augmenté que dans les cours dappel. LACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 1998
La Cour de cassation En 1998, le nombre daffaires civiles nouvelles devant la Cour de cassation (près de 22 000) est en hausse de 9,7 % par rapport à 1997, atteignant ainsi son niveau record depuis 1990, tandis que le nombre daffaires terminées (19 815) est en légère baisse ( 1,4 %). Le stock daffaires en cours (33 887) sest accru de près de 6 % pour retrouver, après la baisse de 1995, un niveau équivalent à celui de 1996. Les cours dappel En 1998, le nombre daffaires civiles nouvelles devant les cours dappel (209 790) est en diminution sensible ( 2,1 %) par rapport à lannée précédente, ce qui confirme le caractère durable du retournement de tendance observé depuis 1996 après la croissance ininterrompue des affaires nouvelles pendant dix ans. Le nombre daffaires terminées (207 125) a recommencé à croître en 1998 (+ 2,2 %), après la légère diminution de 1997, pour atteindre son niveau le plus élevé depuis 1990. Malgré cette configuration favorable, le niveau des affaires terminées en 1998 est encore inférieur à celui des affaires nouvelles. Il en résulte donc un accroissement du stock daffaires en cours restant à traiter au 31 décembre 1998 (environ 321 300 affaires). Au rythme moyen des affaires terminées en 1998, il faudrait 18,5 mois pour lévacuer. La durée moyenne des affaires terminées en 1998 sétablit à 17,4 mois : 25 % des affaires ont été traitées en moins de 7,7 mois ; 50 % en moins de 15,7 mois et 25 % en plus de 24 mois. Cette durée moyenne, la plus élevée depuis 1990, constitue une nouvelle dégradation par rapport à 1997 où elle atteignait 16,6 mois. Sur les 1 135 000 décisions civiles, commerciales et prudhomales prononcées au fond en 1997, 160 000 ont fait lobjet dun recours devant la cour dappel, soit 14,1 %. Ce taux est légèrement plus élevé que celui observé en 1996 (13,4 %). Le taux dappel des décisions prudhomales arrive très largement en tête, 40 % des décisions de cette juridiction étant frappées dappel et si lon ne considère que les décisions prononcées en premier ressort, cest-à-dire les seules susceptibles dappel, ce taux dépasse alors 55 % : ces taux sont en progression de deux points par rapport à lannée précédente. Viennent ensuite deux juridictions dont les taux dappel sont comparables, le tribunal de grande instance (15,3 %) et le tribunal de commerce (12,4 % pour le taux brut et 14,6 % pour le taux « premier ressort ») : le taux dappel des décisions des tribunaux de grande instance sest accru dun point, tandis que celui des tribunaux de commerce est stable. Les tribunaux de grande instance Le nombre daffaires civiles nouvelles dont ont été saisis les tribunaux de grande instance a connu une hausse ininterrompue jusquen 1996. Cette croissance sest accélérée en 1993 et 1994 à la suite de la réforme du juge aux affaires familiales et de la création du juge de lexécution. En 1998, avec 632 604 affaires nouvelles portées devant les tribunaux de grande instance, la tendance à la décélération ( 1,9 %) se confirme pour la deuxième année consécutive. Les contentieux du juge aux affaires familiales ont décliné pour la première fois ( 1,5 %) et le volume du contentieux de lexécution a continué à baisser ( 7 %). Le nombre daffaires terminées par les tribunaux de grande instance (631 700) est en baisse de 1,6 % par rapport à 1997. Cette baisse tient à la chute des jugements en matière de contentieux de lexécution hors surendettement. Le niveau des affaires terminées en 1998 sétablissant encore un peu en dessous de celui des affaires nouvelles, le stock daffaires restant à traiter au 31 décembre 1998 (environ 579 000 affaires) sest très légèrement accru par rapport à lannée précédente : au rythme moyen des affaires terminées par les TGI en 1998, il faudrait onze mois pour le traiter. La durée moyenne des affaires terminées sétablit à 9,3 mois, soit une légère hausse par rapport à 1997 (9,1 mois) : 25 % des affaires ont été terminées en moins de 2,5 mois, 50 % en moins de 5,9 mois et 25 % en plus de 12,3 mois. Les tribunaux dinstance Après une forte baisse de 1993 à 1995 ( 7,5 % en moyenne annuelle), due au transfert des contentieux familiaux vers les tribunaux de grande instance, le nombre daffaires civiles nouvelles devant les tribunaux dinstance a continué de décroître, mais à un rythme plus modéré. En 1998, il a encore diminué (467 488 affaires nouvelles) mais à un rythme inférieur à celui de lannée précédente ( 1,2 % contre 2,2 % en 1997). Cette évolution sexplique par une diminution régulière de tous les contentieux, à lexception des affaires de tutelle qui ne cessent de progresser (+ 6 000 affaires en 1998). Le nombre daffaires terminées par les tribunaux dinstance en 1998 sélève à 453 060, soit pratiquement le même niveau quen 1997. Cette évolution est cohérente avec la légère baisse des affaires nouvelles. Le niveau des affaires terminées en 1998 continuant à sétablir significativement en dessous de celui des affaires nouvelles, le stock daffaires restant à traiter au 31 décembre 1998 (354 207) sest accru mécaniquement par rapport à lannée précédente (339 779). La durée moyenne des affaires terminées en 1998 par les tribunaux dinstance sétablit à 5,1 mois, chiffre voisin de celui de 1997 : 25 % des affaires terminées en 1998 par les tribunaux dinstance lont été en moins de 1,6 mois, 50 % lont été en moins de 3,2 mois et 25 % en plus de 6 mois. 2. Lactivité judiciaire pénale En 1997, 537 353 condamnations ont été inscrites au casier judiciaire national. Le délai de réponse pénale a augmenté pour toutes les condamnations, la progression la plus forte étant enregistrée pour les crimes.
La durée de traitement des affaires criminelles ne cesse de sallonger depuis dix ans. En 1997, les cours dassises ont prononcé leurs condamnations en moyenne plus de quatre ans après les faits, délai en augmentation de quatre mois par rapport à lannée précédente. Pour le traitement des délits, la durée moyenne est à peu près la même en 1997 quen 1995, cette stabilité densemble comprenant un raccourcissement pour les affaires de circulation routière et un léger allongement pour les affaires de stupéfiants dont la complexité nécessite souvent louverture dune information. Après leffet bénéfique de lamnistie de 1995 sur le temps de traitement des contraventions, la durée enregistrée en 1997 se situe à un niveau encore relativement faible de 8,5 mois. La Cour de cassation Amorcée en 1994, la tendance à laugmentation des affaires nouvelles portées devant la chambre criminelle de la Cour de cassation se poursuit avec une ampleur sans précédent en 1998 où le chiffre de 8 180 affaires est atteint, soit 22 % de plus quen 1997. La forte augmentation du nombre daffaires terminées en 1997 (+ 20 %) se ralentit en 1998 avec une hausse de près de 10 % et 7 335 affaires. Les cassations prononcées se stabilisent autour de 400 tandis que les rejets de pourvoi (4 848) continuent à progresser. Le stock daffaires restant à juger au 31 décembre sétablit à 4 700 affaires, soit 22 % de plus quen 1997 mais sensiblement moins quen 1996. Les cours dappel En 1998, les chambres daccusation ont rendu 34 206 arrêts : cette augmentation de 5,4 % par rapport à 1997 confirme une tendance bien installée à laugmentation de lactivité de ces chambres. Cette hausse est notamment due aux arrêts statuant sur la détention provisoire et le contrôle judiciaire. Les chambres des appels correctionnels ont été saisies de près de 50 000 affaires (+ 2,8 %), niveau se rapprochant des années record que sont 1992 et 1995. Si le nombre darrêts rendus (48 000) est inférieur de 4,4 % à celui de 1997, il reste néanmoins un des plus élevé depuis 1990. Le stock daffaires en cours est en forte augmentation : il frôle les 23 000 affaires, soit deux fois plus quen 1990. Les tribunaux de grande instance En 1998, 4 961 315 plaintes, dénonciations et procès-verbaux sont parvenus aux parquets : ce volume est le plus faible depuis dix ans, mais lamélioration de la qualité des statistiques a pu accentuer la décroissance apparente des procédures pénales transmises aux parquets. Environ 3 147 000 procédures ont été établies contre auteur inconnu ; les affaires non élucidées, en hausse de 1 % par rapport à 1997, représentent désormais plus de 63 % des saisines des parquets. La tendance à laugmentation de la part des procédures contre auteur inconnu, qui sélevait à 42 % en 1990, quelque temps interrompue après « la pointe » de 1993 (61 %), sest donc à nouveau confirmée en 1998. En 1998, les parquets ont traité 4 573 493 procédures pénales, soit un volume en légère diminution ( 0,7 %) par rapport à 1997. Comme pour les procédures reçues, cette baisse dactivité porte sur les procédures « auteur connu » (1 496 979 procédures traitées, soit 3,6 %) et non sur les procédures « auteur inconnu » (+ 0,7 %). Le taux de classement sans suite global, calculé sur les affaires reçues, sétablit pour 1998 à 76,5 %, soit 1,3 point de moins quen 1997. Calculé sur les seules affaires traitées dans lannée, cest-à-dire en retirant les dessaisissements qui constituent un double compte et les affaires reçues en 1998 mais qui nont pas été orientées dans lannée, le taux de classement se situe alors à 83 %, soit près dun point de moins quen 1997 (83,7 %). Dans 720 104 affaires classées sans suite, lauteur était connu. Si lon rapproche ce chiffre de lensemble des affaires reçues avec auteur connu, on obtient un taux de classement sans suite « auteur connu » de 39,7 %, soit 4 points de moins quen 1997. Le même calcul effectué sur les seules affaires « auteur connu » traitées donne un taux plus élevé de 48,1 % mais en baisse également de 4 points par rapport à 1997. Ce bon résultat tient à la progression des poursuites judiciaires (+ 1,7 %), à la progression rapide des classements après réussite dune troisième voie (+ 17 %) et à la réduction importante des classements daffaires « auteur connu » ( 11 %), le tout appliqué à un volume daffaires élucidées en légère diminution ( 3,6 %). Le passage de la notion daffaires reçues à la notion daffaires traitées devrait permettre de mieux évaluer les orientations données aux affaires par le parquet. Pour la première fois en 1998, il est possible de connaître précisément les raisons qui sont à lorigine de ces orientations. On a pu ainsi isoler, parmi les affaires classées, celles qui lont été pour motif juridique (absence dinfraction ou infraction insuffisamment caractérisée, prescription, amnistie, immunité ). Ne pouvant faire lobjet de poursuite, elles sont classées non pas en application du principe dopportunité des poursuites mais uniquement parce que cette décision simpose au magistrat : ces affaires, au nombre de 327 000 pour lannée 1998, soit 7,2 % des affaires traitées dans lannée, doivent être retirées du champ des affaires classées sans suite à linitiative du parquet. Une autre raison de ne pas poursuivre est labsence dauteur connu : 66,6 % des affaires traitées sont ainsi classées sans suite pour défaut délucidation. Il ne reste alors que 1 196 400 affaires « poursuivables », soit 26 % des affaires traitées dans lannée. Analyser les réponses données à ces seules affaires est désormais possible : 14 % ont fait lobjet dun classement sans suite après mise en uvre dune procédure alternative, 51 % ont donné lieu à une décision de poursuite et 35 % sont classées sans suite pour poursuites inopportunes, le plus souvent en raison du peu dimportance du trouble ou du préjudice causé par linfraction. En conséquence, sur les 1,12 million daffaires poursuivables en 1998, près de deux sur trois ont fait lobjet dune réponse judiciaire et plus dune sur trois ont été classées sans suite (419 500 affaires). En 1998, la répartition entre les modes de poursuite a été la suivante : Un peu plus de 40 000 affaires ont fait lobjet dune ouverture dinformation devant un juge dinstruction : cette nouvelle diminution de 7 % par rapport à 1997 confirme une tendance à la baisse constante depuis dix ans. Un peu plus de 50 000 affaires ont été transmises par les parquets aux juges des enfants, soit une augmentation de 12 % : cette évolution confirme le renversement de tendance amorcé en 1996. Près de 378 000 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux correctionnels, soit à peu près autant quen 1997 : cette stabilisation interrompt une tendance à la baisse observée depuis dix ans et accentuée certaines années par les déqualifications et dépénalisations de certains délits de masse. Enfin, 144 500 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux de police : ce nombre, en progression de 6,2 % par rapport à 1997, sinscrit dans une tendance à la hausse observée depuis 1996. En ce qui concerne lactivité des tribunaux correctionnels en 1998, les modes de comparution rapide sont en constante augmentation. Les affaires faisant lobjet dune procédure de convocation par officier de police judiciaire (211 600) représentent plus de 56 % du total. La part des procédures de comparution immédiate (32 300) continue à diminuer avec 8,5 % de lensemble des poursuites correctionnelles. Laccroissement des procédures rapides se fait au détriment de la citation directe qui continue à perdre du terrain : elle ne représente plus quun tiers des affaires poursuivies devant les tribunaux correctionnels contre 90 % en 1986 et 49 % en 1994. Les officiers du ministère public et les tribunaux de police Près de 13 000 000 de procédures ont été transmises aux officiers du ministère public en 1998, soit un million de moins que lannée précédente : cette diminution de 8 % permet de revenir au niveau de 1996. La baisse du nombre damendes forfaitaires impayées constitue la raison essentielle de cette évolution ( 9 %), tandis que les affaires relevant dune autre procédure augmentent de 1,3 % après une baisse continue et parfois spectaculaire depuis dix ans. Les décisions de poursuite devant le tribunal de police (603 000) ont continué à baisser, mais à un rythme plus lent quen 1997 ( 4 %), conformément à la diminution régulière constatée depuis 1990. Cest la procédure de la citation directe qui supporte la baisse la plus forte ( 6 %), suivie par les ordonnances pénales ( 2,7 %). Les affaires devant le tribunal de police ont diminué de 2 % : cette baisse est exclusivement due à la baisse des saisines de lofficier du ministère public ( 4 %), les procédures en provenance du parquet ayant progressé de plus de 6 %.
3. Lactivité des juridictions administratives En 1998, le délai théorique délimination du stock daffaires en cours sest maintenu à moins de deux ans dans les tribunaux administratifs et à moins dun an au Conseil dEtat. La situation des cours administratives dappel, qui subissent de plein fouet les transferts de compétences, sest en revanche dégradée avec des délais de jugement moyens qui approchent trois ans. Il faut espérer que la création de deux nouvelles cours et le renforcement des effectifs permettra de réduire sensiblement ce délai. Lobjectif de la loi de programme sur la justice était de ramener à un an le délai de jugement à chaque niveau de juridiction. Le Conseil dEtat Après une forte progression des affaires enregistrées en 1995, suivie dun fléchissement en 1996 ( 18 %) et en 1997 ( 4 %), le Conseil dEtat connaît une nouvelle augmentation des entrées (+ 17 %), tenant notamment au contentieux des visas, quil connaît en premier ressort, et à celui des reconduites à la frontière, dont il est juge dappel.
En 1998, le volume des affaires jugées a baissé de 15,8 %. Lexplication avancée est que, après avoir réussi en 1994 à augmenter le nombre daffaires jugées de 28 % en deux ans et à réduire le délai de jugement à dix-huit mois, le Conseil dEtat sattache maintenant à régler les dossiers les plus anciens et les plus complexes.
La réforme de lorganisation du traitement des dossiers au Conseil dEtat et le transfert de compétences aux cours administratives dappel ont permis de réduire progressivement le stock daffaires en cours, qui sélevait à 23 350 dossiers en données brutes en 1993. En 1998, ce chiffre sétablit à 8 479 affaires en données nettes ( 18,3 % par rapport à 1997), soit un délai théorique délimination denviron onze mois.
Les cours administratives dappel Depuis 1992, les cours administratives dappel ont connu, du fait du transfert échelonné de lappel des recours pour excès de pouvoir qui sest achevé en 1995, une progression des entrées sans précédent : en données brutes, le nombre annuel daffaires enregistrées a triplé entre 1991 et 1996. Laccroissement du nombre annuel dentrées, qui avait connu un fléchissement sensible en 1997 (+ 3 % contre + 34 % en 1996), a repris à un rythme soutenu en 1998 (+ 15 %).
Le nombre daffaires jugées a augmenté de 23 % en 1998, soit un doublement depuis 1992. A partir de 1992, le rapport affaires traitées / affaires enregistrées est devenu inférieur à 100 % et a baissé régulièrement pour arriver à 52 % en 1996. Depuis 1997, la situation a commencé à se redresser jusquà atteindre 64 % en 1998. Cette amélioration sensible sexplique par la création de la cour administrative dappel de Marseille en septembre 1997, le renforcement des effectifs des autres cours et laugmentation de la productivité.
De 1992 à 1996, les cours administratives dappel, prises de plein fouet par lachèvement des transferts de compétences, ont vu leur stock daffaires en cours tripler et leur délai théorique délimination de ce stock frôler les trois ans. Les efforts faits depuis lors ont seulement permis de contenir ce délai en dessous de ce seuil, ce qui est très préoccupant. Toutefois, la création de la cour de Marseille et le réaménagement des ressorts territoriaux des cours sont encore trop récents pour mesurer leur impact. De plus, une nouvelle cour vient dêtre installée à Douai, ce qui laisse espérer une nouvelle amélioration à partir de 2000.
Les tribunaux administratifs De 1990 à 1998, le nombre annuel daffaires enregistrées a augmenté de plus de 77 %, soit une moyenne de près de 10 % par an. De 1997 à 1998, laugmentation est de 22 % : même, si une partie de cette croissance est liée à des facteurs conjoncturels, tels que les recours relevant de la police des étrangers à la suite de lopération de régularisation des immigrés clandestins, on peut raisonnablement fixer le taux structurel daugmentation à 10 %.
De 1990 à 1998, le nombre annuel daffaires traitées a augmenté de 79 %, grâce au renforcement des effectifs et à lamélioration de la productivité. Toutefois, alors que le rapport affaires traitées sur affaires enregistrées était de 95 % en 1997, la très forte augmentation des entrées a réduit ce ratio à 84 % en 1998.
Le rapport affaires traitées/affaires enregistrées nayant jamais atteint 100 %, le stocks daffaires en cours a continué daugmenter de 1990 à 1998. Le rythme daugmentation, qui sétait stabilisé à 2 ou 3 % par an, atteint 10 % en 1998. Le délai théorique délimination du stock, qui était de deux ans et demi en 1991, sest réduit progressivement pour se stabiliser un peu en dessous de deux ans.
B. LES PERSONNELS Les services judiciaires (1), comme les juridictions administratives (2), bénéficient dimportantes créations demplois dans le projet de budget pour la justice. 1. Les services judiciaires Le budget de la justice pour 2000 prévoit la création de 382 emplois, se répartissant en 212 magistrats, 155 fonctionnaires et 15 contractuels. La création de 48 emplois de juge de la détention provisoire et de 48 emplois de greffier permettra de poursuivre la réforme du contentieux de la liberté et celle de 100 emplois de magistrat dintroduire la mixité dans les tribunaux de commerce. Par ailleurs, 4 emplois de magistrats sont prévus pour la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, 5 emplois de greffiers en chef et 4 emplois de greffiers pour les conseils départementaux de laccès au droit, 1 emploi de magistrat et 1 emploi de greffier pour la réforme de létat civil de Mayotte. La déconcentration sera poursuivie avec la création de 10 emplois de greffiers en chef destinés à devenir chef de service administratif régional et de 5 greffiers. Les magistrats En 2000, la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice sera exécutée au-delà des prévisions avec la création de 300 emplois de magistrats et de 1 029 emplois de fonctionnaires au lieu des 835 prévus. Au 1er juillet 1999, 6 327 emplois de magistrats étaient affectés dans les juridictions de métropole et doutre-mer, selon la répartition suivante :
Aux 6 316 emplois en juridictions, il convient dajouter 6 emplois de magistrats au Conseil supérieur de la magistrature, 2 à lÉcole nationale des greffes et 3 emplois non localisés, soit un total de 6 327 emplois de magistrats. Les magistrats de ladministration centrale du ministère de la justice sont au nombre de 153 (21 premiers substituts et 132 substituts), auxquels sajoutent 3 magistrats au service central de prévention de la corruption et 19 inspecteurs des services judiciaires. Cette année, votre rapporteur sest plus particulièrement intéressé aux magistrats maintenus en activité. En effet, la loi organique du 12 juillet 1999 relative au statut de la magistrature a prorogé jusquau 31 décembre 2002 les dispositions de la loi organique du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours dappel et des tribunaux de grande instance. Les magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation peuvent également être maintenus en activité en application de la loi organique du 26 décembre 1986. Lorsquils atteignent la limite dâge, ces magistrats peuvent, sur leur demande et en surnombre, être maintenus en activité pour exercer, respectivement, les fonctions de conseiller ou de substitut général de la cour dappel, de juge ou de substitut, de conseillers ou davocat général à la Cour de cassation. Ils conservent la rémunération afférente aux grade, classe et échelon quil détenaient lorsquils ont atteint la limite dâge. Cette rémunération comprend le traitement, lindemnité de fonctions, lindemnité de résidence et, le cas échéant, le supplément familial de traitement. Actuellement, 82 magistrats bénéficient de ces dispositions. Ils constituent un renfort appréciable pour les juridictions connaissant les taux dactivité les plus élevés : 23 magistrats complètent de 13 % leffectif budgétaire de la Cour de cassation ; 27 magistrats sont en poste dans les cours dappel, en particulier dans les plus chargées ; 28 magistrats renforcent leffectif des tribunaux de grande instance, 19 dentre eux étant affectés à Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil ; 2 magistrats sont affectés dans les départements doutre-mer et 2 autres dans les territoire doutre-mer. Votre rapporteur est tout à fait favorable au maintien en activité des magistrats, cette mesure permettant aux juridictions de bénéficier du concours de magistrats expérimentés et de faire léconomie dune formation. Les fonctionnaires des services judiciaires Lévolution des effectifs réels des fonctionnaires depuis 1990 permet de constater une augmentation des effectifs des greffiers en chef et des greffiers, ceux-ci passant, pour les cadres A, de 1 373 en 1990 à 1 613 en 1999, et pour les cadres B, de 4 226 en 1990 à 6 581 en 1999. Parallèlement, les effectifs de catégorie C, après avoir diminué de 1994 à 1996, sont depuis lors en progression passant de 10 972 en 1996 à 11 526 en 1999. Cette évolution générale des effectifs des fonctionnaires des services judiciaires sinscrit dans la poursuite des opérations de transformation et de repyramidage demplois, tendant notamment à augmenter la proportion de personnels de catégorie B par transformation demplois de catégorie C en B. EFFECTIFS DES FONCTIONNAIRES DES SERVICES JUDICIAIRES
En dix ans, le ratio magistrats/fonctionnaires a peu évolué, comme le tableau suivant permet de le constater :
* greffiers en chef, greffiers et agents de catégorie C (à lexclusion des agents de catégorie C technique) En 1998, il est à noter que, parmi les actes de greffe, ceux relatifs à la nationalité ont diminué : les manifestations de volonté (25 536) ont été taries après lentrée en vigueur, le 1er septembre 1998, de la loi du 16 mars 1998 rétablissant lacquisition de droit de la nationalité française à la majorité, sous condition de résidence, pour les jeunes nés en France de parents étrangers. Les déclarations de nationalité, essentiellement à raison du mariage avec un Français, sont légèrement en retrait (22 779) par rapport à 1997. Enfin, 214 367 certificats de nationalité française ont été délivrés, soit 7 % de moins quen 1997. Par ailleurs, la Chancellerie a commencé à expérimenter, en mars 1998, la mise en place dun guichet unique de greffe où le citoyen peut déposer les pièces de la procédure, accomplir diverses formalités administratives ou divers actes de procédure, même si le contentieux nest pas jugé sur le lieu où se trouve implanté ce guichet, et être informé sur létat davancement de la procédure en cours devant lune des juridictions concernées. Engagée dans le ressort de cinq cours dappel, cette expérimentation se déroule sur les sites pilotes dAngoulême (tribunal de grande instance, tribunal dinstance, conseil de prudhommes et tribunal de commerce), de Compiègne (tribunal de grande instance et tribunal dinstance), de Limoges (cour dappel, tribunal de grande instance, tribunal dinstance et, à terme, conseil de prudhommes), de Nîmes (cour dappel, tribunal de grande instance et tribunal dinstance) et de Rennes (tribunal de grande instance, tribunal dinstance et conseil de prudhommes). Cette expérimentation a nécessité laffectation dun greffier supplémentaire dans chacun des sites pilotes et des financements pour la réalisation de travaux informatiques, lacquisition de matériels et laménagement de locaux. Un suivi régulier est effectué par les services de la Chancellerie dans le cadre de déplacements sur les sites pilotes et de réunions du comité de suivi associant les représentants des juridictions, de la Chancellerie et du commissariat à la réforme de lEtat. Votre rapporteur souhaite vivement que cette expérimentation très positive de guichet unique de greffe soit étendue à dautres juridictions en 2000. 2. Les juridictions administratives En ce qui concerne le Conseil dEtat et les juridictions administratives, la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice a été exécutée à 95 %, soit un manque de 5 emplois de magistrats et de 10 emplois de fonctionnaires. Elle sera intégralement exécutée au projet de loi de finances pour 2000, et même largement dépassée, puisquil est prévu de créer 40 emplois de magistrats et 44 emplois de fonctionnaires, ainsi quun emploi dingénieur. EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
La création du tribunal administratif de Melun en 1996, de la cour administrative dappel de Marseille en 1997, dernièrement de la cour de Douai ainsi que du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en 2000 sest accompagnée dune augmentation des effectifs. Les magistrats Cette année, votre rapporteur a souhaité dresser un premier bilan de lapplication de la loi du 25 mars 1997 portant dispositions statutaires relatives aux corps des tribunaux administratifs et des cours administratives dappel. La succession des grades est désormais plus simple et plus en rapport avec lorganisation des juridictions et avec les activités dun corps moins hiérarchisé que celui des administrateurs civils et sapparentant davantage aux corps dinspection et de contrôle. Le nombre de grades a été ainsi ramené de sept à trois : conseiller, premier conseiller et président. Les fonctions de rapporteur et de commissaire du gouvernement sont confiées aux magistrats ayant le grade de conseiller ou de premier conseiller. Les fonctions dencadrement sont regroupées dans un grade unique, celui de président : des échelons fonctionnels permettent, à lintérieur de ce grade, de tenir compte de la variété et des caractéristiques spécifiques des diverses responsabilités que lon trouve à ce niveau. Laccès à certaines de ces fonctions dencadrement est subordonné à linscription sur des listes daptitude annuelles établies sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives dappel. La réduction du nombre de grades facilite le déroulement des carrières. La fusion des anciens grades de conseiller de première classe et de conseiller hors classe en un grade unique de premier conseiller limite le risque « dembouteillage » pour les tableaux davancement. En outre, léchelonnement indiciaire est revalorisé pour le grade de premier conseiller et de président. Ces avancées très positives ne doivent pas masquer certaines difficultés persistantes. Ainsi, le grade daccueil dans le corps na pas été amélioré, ce qui rendrait plus attractive la carrière de magistrat administratif : les magistrats recrutés par la voie du concours externe de lENA sont toujours classés, lors de leur prise de fonctions, à lindice nouveau majoré 450 et laccès au grade de premier conseiller nest possible quen sept ans en moyenne. Toutefois, les conseillers de tribunal administratif issus du concours interne et du troisième concours de lENA bénéficient désormais dun reclassement indiciaire dans le corps des tribunaux administratifs plus favorable quauparavant. Par ailleurs, les nouvelles conditions requises pour accéder au grade supérieur pourraient retarder laccès de certains conseillers à ce grade. Enfin, les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives dappel qui sont entrés dans le corps par la voie du recrutement complémentaire et navaient pas déjà la qualité de fonctionnaire subissent un retard de deux ans dans leur carrière par rapport à ceux issus de lENA. Les agents du Conseil dEtat et les agents des greffes des juridictions administratives Dans le cadre de la loi de programme relative à la justice, 38 emplois ont été créés de 1995 à 1999 : 5 nouvelles créations sont prévues au projet de loi de finances pour 2000, ce qui portera les effectifs budgétaires des agents du Conseil dEtat à 330. De 1995 à 1999, 190 emplois de greffe ont été créés, auxquels sest ajouté le transfert de 10 emplois, en provenance du ministère de lintérieur, ce qui a porté les effectifs des greffes des juridictions administratives à 959 en 1999, soit un ratio de 1,4 agent par magistrat contre 1,15 en 1990. Les 40 créations demplois prévues pour 2000 permettront de conserver un ratio sensiblement identique en effectifs budgétaires : 1,38 agent par magistrat. RATIO AGENTS DE GREFFE / MAGISTRATS
Après avoir analysé les crédits du ministère de la justice et le fonctionnement des juridictions, votre rapporteur souhaite maintenant examiner les réformes, en cours et à venir, conduites par le ministère de la justice. III. LES RÉFORMES CONDUITES PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE Cette année, votre rapporteur sintéressera plus particulièrement aux tribunaux de commerce (A) et à la responsabilité des magistrats (B), la garde des sceaux ayant annoncé quelle présenterait prochainement au Parlement un projet de loi réformant la justice commerciale et un projet de loi organique relatif au statut de la magistrature. A. LES TRIBUNAUX DE COMMERCE Après avoir analysé lactivité des juridictions commerciales (1), votre rapporteur examinera les modifications en cours de la carte judiciaire des tribunaux de commerce (2) et la future réforme relative au fonctionnement de ces tribunaux (3). 1. Lactivité des juridictions commerciale Lactivité des juridictions commerciales peut sappréhender à travers les décisions rendues et le taux dappel de ces décisions. Les décisions des tribunaux de commerce Aussi surprenant que ce soit, le suivi statistique des affaires nouvelles a été interrompu pour des raisons budgétaires : les derniers chiffres connus remontent à 1992, où les tribunaux de commerce avaient enregistré 307 910 affaires nouvelles. Lactivité des juridictions commerciales nest donc retracée quau travers des affaires terminées. En 1998, les tribunaux de commerce ont rendu 184 291 jugements, ce qui représente une diminution dactivité de 6,4 % par rapport à 1997. Cette baisse confirme, en la prolongeant, la tendance déjà observée avec une même ampleur en 1997. Plus du quart des jugements rendus concerne des procédures collectives et consiste principalement en des liquidations judiciaires. Lévolution à la baisse de ce contentieux peut être interprétée comme le signe indirect dune amélioration de la santé économique des entreprises en 1998. Si lon ajoute à ces jugements au fond, qui représentent 80 % du volume des affaires traitées, les autres décisions radiations, incompétence ou autres fins , on arrive à 236 094 décisions rendues en 1998, soit une baisse de 5,2 % par rapport à 1997 faisant suite à une baisse de 7,5 % en 1996. La durée moyenne de traitement des affaires a été de 5,6 mois en 1998, contre 5,8 mois en 1997. Elle tombe à 4,6 mois pour les contentieux liés aux redressements et liquidations judiciaires et à 6 mois pour les contentieux de la vie courante des entreprises. Les référés prononcés en 1998 ont également baissé ( 11,9 %), pour atteindre 40 083 ordonnances. Cette diminution est un peu supérieure à celle déjà constatée au cours des deux années précédentes. Les ordonnances de référé sont rendues dans un délai de 1,1 mois en moyenne. ÉVOLUTION DE LACTIVITÉ DES TRIBUNAUX DE COMMERCE France métropolitaine et départements doutre-mer
Source : Répertoire général civil. * Rapport de lensemble des affaires portées en appel dans lannée au volume des jugements rendus au fond la même année par les tribunaux de commerce. nd : donnée non disponible. p : donnée provisoire. Le taux dappel des décisions des tribunaux de commerce par nature de contentieux Rapportés aux 167 200 décisions des tribunaux de commerce prononcées en 1997 et susceptibles dappel, les 24 500 appels interjetés aboutissent à un taux dappel de 14,7 % : ce taux na pas beaucoup varié par rapport à 1996 et reste proche de celui des tribunaux de grande instance. Le taux dappel pour les affaires contentieuses est de 19,1 %, alors que pour les ouvertures de redressement ou liquidation judiciaire, il est de 4,3 %. Cet écart se retrouve pour les décisions comparables des tribunaux de grande instance à compétence commerciale. Les affaires contentieuses connaissent des taux dappel très contrastés : en droit des affaires, un jugement sur trois donne lieu à un appel alors quen droit du travail, cette proportion est inférieure à un sur cent. TAUX DAPPEL DES TRIBUNAUX DE COMMERCE Appels interjetés en 1997 et 1998 contre les jugements au fond
* Jugements rendus en premier ressort ** Sans objet Les affaires du droit du travail sont en fait des demandes de recouvrement dimpayés exercés par les organismes sociaux contre les entreprises commerciales. Dune manière générale, les demandes dimpayé suscitent peu dappel. Le contentieux du droit des contrats, qui représente 30 % de lactivité, a un taux dappel de plus de 25 %. Ce taux recouvre des réalités très différentes selon la nature des affaires traitées. Les taux dappel sont élevés pour les contrats de prestation de services (30 %) et de prêt dargent et de crédit-bail (44 %). Il sont en revanche très faibles pour les contrats de vente (7,5 %), qui sont majoritairement des demandes dimpayés. Le droit des affaires génère un contentieux présentant un taux dappel encore plus élevé (33 %). En matière de banque et deffets de commerce, contentieux le plus important en volume du droit des affaires, le taux dappel est en retrait (21,6 %), toujours du fait des demandes dimpayés. Tout comme pour les tribunaux de grande instance, le taux dappel des demandes relatives aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaires (15,6 %) est bien plus important que celui des ouvertures (4,3 %). 2. La réforme de la carte judiciaire des tribunaux de commerce Le 24 mars 1998, une mission pour la réforme de la carte judiciaire a été créée au sein de la direction des services judiciaires : sa première mission consistait à redessiner, avant la fin de lannée 1999, la carte des tribunaux de commerce qui navait été touchée ni par la réforme Poincaré, ni par la réforme Debré. Les délais seront tenus, une première étape ayant déjà été franchie en août dernier. Un tribunal de commerce sur six a été supprimé en juillet dernier La rationalisation du ressort des six cours dappel où les tribunaux de commerce sont les plus nombreux a été jugée prioritaire : les cours de Caen, Dijon, Montpellier, Poitiers, Riom et Rouen totalisent 20 départements et 81 tribunaux de commerce, soit plus du tiers des 227 juridictions commerciales existant au plan national. Après un dialogue approfondi avec lensemble des partenaires, la suppression des 34 tribunaux de commerce suivants a été décidée : Falaise, Vire, Granville, Saint-Lô, LAigle, Flers, Vimoutiers (ressort de la cour dappel de Caen) ; Auxonne, Chatillon-sur-Seine, Nuits-Saint-Georges, Langres, Autun, Charolles, Louhans (ressort de la cour dappel de Dijon) ; Castelnaudary, Limoux, Espalion, Saint-Affrique, Lodève, Pézenas (ressort de la cour dappel de Montpellier) ; Jonzac, Saint-Jean-dAngély, Châtellerault (ressort de la cour dappel de Poitiers) ; Saint-Flour, Brioude, Ambert, Billom, Issoire (ressort de la cour dappel de Riom) ; Bernay, Louviers, Eu, Fécamp, Gournay-en-Bray, Saint-Valéry-en-Caux (ressort de la cour dappel de Rouen). Deux autres tribunaux ont également été supprimés : le tribunal de Clamecy, dans le ressort de la cour dappel de Bourges, qui ne fonctionnait plus car il avait été rattaché à celui de Nevers ; le tribunal de commerce de Saint-Valéry-sur-Somme, dans le ressort de la cour dappel dAmiens, qui a demandé à fusionner rapidement avec celui dAbbeville. Au total, 36 tribunaux de commerce ont été supprimés sur les 86 que comptent les 22 départements concernés, le nombre des tribunaux de commerce passant ainsi, au plan national, de 227 à 191. Ces décisions se sont traduites par la publication de deux décrets datés du 30 juillet 1999. Le décret n° 99-559 porte suppression de tribunaux de commerce et le décret n° 99-560 fixe la composition des tribunaux de commerce dont le ressort est élargi : il a en effet été décidé daccroître le nombre des juges consulaires dans ces juridictions, qui devront traiter dun nombre accru de contentieux, et de permettre à des magistrats du tribunal supprimé de siéger dans la juridiction de rattachement. Dautres tribunaux de commerce seront supprimés à la fin de lannée La concertation dans les autres cours dappel a commencé en janvier 1999. Le délégué à la réforme de la carte judiciaire a visité les cours dAgen, Bordeaux, Bourges, Reims, Nancy, Pau, Orléans, Angers, Grenoble, Amiens, Rennes, Versailles. Un nouveau décret relatif aux tribunaux de commerce situés dans ces cours dappel et dans celles restant à étudier devrait être adopté, au plus tard, au début de lan 2000. Une première mesure budgétaire de 5 millions de francs destinée à laccompagnement des réformes de la carte judiciaire, toutes juridictions comprises, a été votée en loi de finances pour 1999. Le projet de loi de finances pour 2000 reconduit cette dotation pour un montant identique. Votre rapporteur approuve pleinement la méthode retenue et juge indispensable que la réforme de la carte judiciaire de lensemble des juridictions aille à son terme. 3. La réforme des tribunaux de commerce A la suite des travaux de la commission denquête créée par notre assemblée pour examiner le fonctionnement des tribunaux de commerce, le Gouvernement a décidé dintroduire la mixité dans ces juridictions en associant des magistrats professionnels et des juges élus. Pour préciser les modalités de cette mixité, une commission a été installée sous la présidence de MM. Michel Bernard et Christian Babusiaux, qui ont remis leur rapport en avril dernier. Le 31 mai, les ministres de la justice et des finances ont présenté les grandes orientations de la réforme de la justice commerciale : Le président du tribunal de commerce resterait un juge élu avec des pouvoirs propres ; Présidées par un magistrat professionnel, les formations de jugement mixtes seraient compétentes pour les litiges mettant en jeu lordre public économique (procédures collectives, contentieux spécialisés, litiges entre associés, contentieux mettant en cause des non-commerçants ou des établissements de crédit) ; Les formations de jugement purement consulaires continueraient de traiter du reste du contentieux général, constitué de litiges courants entre commerçants. Des mesures daccompagnement sont prévues, concernant notamment la formation des juges, leur mode délection et les règles déontologiques. Ainsi, la réforme devrait contenir de nouvelles règles dincompatibilité et des dispositions visant à empêcher toute interférence entre les fonctions juridictionnelles et lexercice dune activité professionnelle ou de mandats judiciaires. De plus, des passerelles permettront aux juges élus les plus expérimentés daccéder aux cours dappel, soit par intégration dans le corps des magistrats, soit par nomination à la fonction de conseiller en service extraordinaire dans les chambres commerciales des cours dappel. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000 prend en compte la future réforme des tribunaux de commerce : une première étape est engagée avec la création de 100 postes de magistrats. B. LA MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DES MAGISTRATS Au moment où le Congrès est enfin saisi du projet de loi constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature et tandis que le Parlement poursuit lexamen du projet de loi relatif à laction publique en matière pénale, ces deux textes ayant pour objet daccroître lindépendance et les pouvoirs des magistrats, votre rapporteur souhaite quune réflexion sengage sur la responsabilité des magistrats. A cet égard, il est intéressant de faire le point sur les procédures disciplinaires engagées à lencontre des magistrats (1), sur leur régime de responsabilité (2) et sur les réformes à venir (3). 1. Les procédures disciplinaires concernant les magistrats Aux termes de larticle 45 de lordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats sont : la réprimande avec inscription au dossier ; le déplacement doffice ; le retrait de certaines fonctions ; labaissement déchelon ; la rétrogradation ; la mise à la retraite doffice ou ladmission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat na pas droit à une pension de retraite et la révocation avec ou sans suspension des droits à pension. PROCÉDURES DISCIPLINAIRES ENGAGÉES À LENCONTRE
Les faits motivant les poursuites engagées à lencontre de magistrats consistent en des insuffisances professionnelles ou des comportements incompatibles avec les devoirs de létat de magistrat. Ces poursuites ont donné lieu, de 1988 à 1998, à 53 sanctions disciplinaires, soit 34 à lencontre de magistrats du siège et 19 à lencontre de magistrats du parquet. Concernant lannée 1999, la ministre de la justice a indiqué, lors de son audition par la commission des Lois, quelle avait saisi quinze fois le Conseil supérieur de la magistrature sur des faits très divers, allant de la conduite en état divresse au non-respect du secret professionnel ou à lutilisation abusive de la liberté de parole pour attaquer des tiers, et quelle lavait souvent fait sur le rapport des chefs de cour, qui ont eux-mêmes donné une cinquantaine davertissements à des magistrats placés sous leur autorité. 2. Le régime de responsabilité des magistrats Aux termes de larticle L. 781-1 du code de lorganisation judiciaire, lEtat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, mais cette responsabilité nest engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. La responsabilité de lEtat sur le fondement de cet article ne se limite pas aux seuls actes des magistrats, mais sétend à lensemble des actes relatifs à lexécution du service public de la justice, en particulier les activités des greffes et des collaborateurs du service public de la justice. En complément de ces dispositions, larticle 11-1 de lordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que les magistrats ne sont responsables que de leurs fautes personnelles et précise que la responsabilité dun magistrat ayant commis une faute personnelle se rattachant au service public de la justice ne peut être engagée que sur laction récursoire de lEtat, exercée devant une chambre civile de la Cour de cassation. Cette action récursoire na jamais été mise en uvre, de sorte que les fautes personnelles qui auraient pu être commises par des magistrats nont pas été isolées. Les deux régimes de responsabilité dérogatoires à celui de larticle L. 781-1 du code de lorganisation nimposent pas lexistence dune faute lourde ou dun déni de justice : il suffit dune faute quelconque du juge, du greffier ou du gérant de tutelles en matière de tutelles (art. 473 du code civil) ou de lexistence dun préjudice en matière de détention provisoire (art. 149 du code de procédure pénale), préjudice qui, depuis le vote de la loi du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire, na plus à être manifestement anormal et dune particulière gravité. Ces deux régimes de responsabilité nont pas nécessairement pour effet la mise en évidence de faute personnelle des magistrats. Plus généralement, le fonctionnement collégial des juridictions et le secret du délibéré font naturellement obstacle à la recherche dune faute personnelle des magistrats. Il nest pas possible, au travers des chiffres communiqués par la Chancellerie, de distinguer responsabilité de lEtat et responsabilité des magistrats à raison de leur faute personnelle, étant précisé que les recours gracieux, précédant le cas échéant les procédures contentieuses, sont en augmentation croissante pour lensemble des régimes de responsabilité : elles sont passées de 82 en 1997 à 123 en 1998. En outre, il doit être précisé que lEtat indemnise également les collaborateurs du service de la justice et les victimes de dommages résultant de lexécution par la police de ses missions de police judiciaire, dune part sur le fondement de la responsabilité sans faute pour rupture de légalité devant les charges publiques, et dautre part sur le fondement de la faute lourde. Lévolution de loutil statistique et lévolution du contentieux sur les dix dernières années imposent de scinder lexamen du contentieux lié aux dysfonctionnements du service de la justice judiciaire en trois périodes. Sur la période 1989-1992, lEtat a été assigné à soixante-trois reprises en responsabilité : 15 procédures engagées sur le fondement de larticle L. 781-1 du code de lorganisation judiciaire ont abouti à une condamnation, deux condamnations étant par ailleurs prononcées pour faute dans la gestion des dossiers de tutelle et deux autres pour erreur dans la tenue du livre foncier (AlsaceLorraine). Il nest techniquement pas possible de produire des données fiables sur les autres régimes de responsabilité pour la période considérée, même sil peut être précisé que 22 des 82 requêtes amiables présentées au bureau du contentieux de la direction des services judiciaires ont donné lieu à indemnisation. Sur la période 1993-1998, la responsabilité de lEtat a été recherchée au titre de larticle 781-1 du code de lorganisation judiciaire au travers de 155 dossiers contentieux nouveaux, alors quau cours de la même période les tribunaux saisis rendaient 161 décisions, dont 28 de condamnations pour un montant de 5 819 484 F. Au titre du régime des tutelles, 13 procédures ont abouti à trois condamnations pour un montant de 1 048 578 F. A titre de comparaison, la commission dindemnisation de la détention provisoire a alloué une somme totale de 12 556 700 F pour les 250 dossiers quelle a accepté dindemniser sur les 729 procédures dont elle avait été saisie. Par ailleurs, 7 procédures introduites sur le fondement de la responsabilité sans faute ont conduit à la condamnation de lEtat dans 5 dossiers pour un montant de 1 440 103 F. contentieux lié aux dysfonctionnements
Au total, sur la période 1993/1998, 286 condamnations sur les 910 dossiers contentieux introduits ont justifié le versement dindemnités à hauteur de 20 864 865 F. Pour lannée 1999, les seuls chiffres de condamnation qui peuvent être produits, lannée nétant pas achevée, concernent des procédures engagées les années précédentes et ne peuvent donc être en eux-mêmes significatifs. Toutefois, les neuf dossiers jugés à ce jour, pour lesquels les prétentions sélevaient à 39 500 513 F, ont amené les tribunaux à condamner lEtat à verser 10 394 217 F, dont 10 348 216 F dans un seul dossier concernant la responsabilité sans faute de lEtat à raison de la non-désignation dun mandataire liquidateur par un tribunal de commerce. Dautre part, le bureau du contentieux de la direction des services judiciaires a enregistré 40 assignations en responsabilité et 52 requêtes amiables, dont 20 au titre des dégâts de police. 3. Les évolutions législatives Un projet de loi organique relative au statut de la magistrature, dont le Gouvernement a annoncé la discussion pour le mois de mars prochain, devrait modifier la discipline des magistrats et leur régime de responsabilité. Statut des magistrats La ministre de la justice a annoncé plusieurs modifications du statut de la magistrature, notamment lors de son audition par la commission des lois le 20 octobre dernier. Concernant la discipline des magistrats, elle a fait part de son intention de redéfinir les sanctions disciplinaires, délargir la saisine du Conseil supérieur de la magistrature siégeant en formation disciplinaire aux chefs des cours et tribunaux, de rendre publiques les audiences disciplinaires et dinstituer des commissions dexamen des réclamations des justiciables dans le ressort des cours dappel. Il serait souhaitable que ces commissions ne soient pas exclusivement composées de magistrats et puissent être saisies par toute personne sestimant lésée par un acte commis par un magistrat dans lexercice de ses fonctions et susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Si la commission transmet la réclamation au ministère de la justice, il appartiendra à celui-ci, le cas échéant, dengager des poursuites disciplinaires. Concernant la carrière des magistrats, la ministre sest déclarée favorable à une limitation du temps dexercice des fonctions de chef de juridictions et à une mobilité accrue de tous les magistrats. Elle a également jugé souhaitable de réformer linspection générale des services judiciaires et de modifier les modalités de la responsabilité financière de lEtat en cas de dysfonctionnement de la justice. Par ailleurs, plusieurs textes déjà présentés par la ministre contiennent des dispositions de nature à faciliter la mise en jeu de la responsabilité professionnelle des magistrats, quil sagisse des recours contre les classements sans suite ou de lobligation de rendre compte de lexécution des orientations générales de la politique pénale prévus par le projet de loi relatif à laction publique en matière pénale ou de lindemnisation du préjudice subi à raison dune détention provisoire, dont les modalités sont modifiées par le projet de loi renforçant la protection de la présomption dinnocence (art. 149 du code de procédure pénale). Cette indemnisation ne serait plus facultative mais de droit à la demande de la personne ayant fait lobjet dune détention provisoire au cours dune procédure terminée par une décision de non-lieu, de relaxe ou dacquittement ; le préjudice serait évalué par expertise contradictoire ; les débats auraient lieu en audience publique et non plus en chambre du conseil ; la décision de la commission dindemnisation allouant une indemnité serait motivée et communiquée aux magistrats ayant concouru à la mise ou au maintien en détention provisoire. Enfin, larticle 25 de la loi du 23 juin 1999 a amélioré le régime de lindemnisation du préjudice subi par un condamné reconnu innocent à la suite dune demande de révision. Il est précisé, dans larticle 626 du code de procédure pénale quil sagit dun préjudice matériel et moral. Par ailleurs, alors que lindemnité ne pouvait être allouée que par la commission de révision des condamnations pénales, composée de 5 magistrats de la Cour de cassation, il est désormais possible à lintéressé de demander à ce que lindemnisation soit allouée par la décision doù résulte son innocence. * * * Avant démettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à laudition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice (). Mme Catherine Tasca, présidente : Nous inaugurons la nouvelle procédure dexamen mise au point par le groupe de travail présidé par Laurent Fabius. Cette réforme a pour objectifs de rendre la discussion budgétaire plus vivante et déviter la répétition systématique, en séance publique, des débats de la commission. Nous allons entendre le rapporteur spécial de la commission des finances, les rapporteurs pour avis et tous les députés qui souhaiteront participer à cette discussion. La séance publique, quant à elle, aura lieu le 9 novembre : il ny aura quun orateur par groupe. La procédure dexamen simplifié est ainsi appliquée à la discussion budgétaire. Pour les questions les plus ponctuelles, je vous demande dutiliser la procédure des questions écrites, celles-ci pouvant être déposées jusquà demain midi, soit quinze jours avant la séance publique. La procédure des commissions élargies ne sera un succès que si nos débats conservent le caractère direct, vivant, du travail en commission, ce qui nous impose à tous dêtre concis. Je nai pas de moyens de coercition, mais lintérêt même de notre débat est en jeu. Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux : Je suis heureuse dinaugurer avec vous cette nouvelle procédure. Cette expérience valorisera le travail des commissions et nous permettra davoir un échange plus direct quen séance. Le budget de la justice pour lan 2000 est un très bon budget, pour la troisième année consécutive. Les crédits de mon ministère progressent en effet de 3,9 % soit une hausse dun milliard. On enregistre 1 237 créations de postes : cest encore plus que les années précédentes, puisque on en comptait 930 en 1999 et 762 en 1998. Les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse augmentent dans une proportion historique. Les crédits de fonctionnement des services progressent de 5,15 %. Nous bénéficierons en outre de 1,5 milliard dautorisations de programme pour la construction et la rénovation des palais de justice et des établissements pénitentiaires. Sur les trois premiers budgets de la législature, les crédits de mon ministère auront donc progressé de 3,4 milliards, soit un gain de 14 %, et les effectifs auront gagné près de 3 000 postes. Nous rompons donc avec la vieille habitude des budgets « feux de paille ». Les services judiciaires gagneront 382 emplois, 450 millions de crédits de fonctionnement et dintervention et 805 millions dautorisations de programme. Cet effort vise à améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien et à mettre en uvre les réformes entreprises. Nous comptons aussi 212 créations de postes de magistrats judiciaires : cest le plus haut niveau atteint depuis vingt ans. En trois ans, nous aurons créé 422 postes de magistrats judiciaires, cest-à-dire davantage que pendant les dix ans qui ont précédé 1997. Sagissant de la répartition de ces postes, cent iront à la mixité des tribunaux de commerce : il sagit dune réforme que je présenterai prochainement au Parlement, mais qui est dores et déjà financée. Quarante-huit postes sont prévus pour le contentieux de la liberté : 62 ont déjà été créés en 1999. Suite au dernier conseil de la sécurité intérieure, il a été décidé de consacrer 25 postes aux juges et substituts des mineurs. Trente-quatre postes serviront à la résorption des stocks, 4 à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et un poste est prévu pour létat civil de Mayotte. Nous avons aussi besoin de postes administratifs et cest pourquoi nous créerons lan prochain 145 postes de greffiers, contre 122 cette année. Si, en 2000, nous recrutons plus de magistrats que de fonctionnaires, cest que les tribunaux de commerce ont déjà leurs greffes. Par ailleurs, nous renforcerons les moyens des tribunaux dinstance pour la mise en uvre du PACS. Pour accompagner la déconcentration des services, nous allons créer 25 postes administratifs et techniques. Par ailleurs, seront recrutés 100 assistants de justice supplémentaires ce qui nous permettra datteindre un total de 1 050 et 1 000 emplois-jeunes pour laccueil du public. Au plan statutaire, une provision de 20 millions sera constituée pour la réforme des carrières. Elle sajoutera aux 18 millions provisionnés en 1999. Dès que le Congrès se sera réuni, je pourrai vous présenter mon projet de loi organique relatif au statut des magistrats. Une fois de plus, il sagit dune réforme financée dès maintenant. Au plan indemnitaire, une enveloppe de 17 millions ira aux agents de catégorie C et aux fonctionnaires des greffes. Le fonctionnement courant nest pas oublié avec 26 millions de plus pour les juridictions, ce qui permettra de financer la déconcentration, la mise en service de nouveaux bâtiments et la constitution des pôles de lutte contre la délinquance économique. A cet égard, nous avons déjà reçu 15 agents du ministère des finances. Les pôles de Paris, Bastia, Lyon, Marseille sont déjà constitués. Douze devraient être créés à terme. Ces moyens supplémentaires seront aussi consacrés aux conseils départementaux daccès au droit et aux maisons de la justice et du droit. Nous avons engagé une politique de partenariat avec les collectivités locales, quil sagisse des contrats locaux de sécurité, des maisons de la justice ou des contrats de plan Etat-régions. Sur ce dernier point les crédits de mon ministère ont augmenté de manière spectaculaire. Si la dotation des frais de justice augmente de 109 millions, cette hausse ne servira pas à financer une dérive des coûts mais à soutenir des mesures nouvelles. Ainsi, conformément à la loi sur la présomption dinnocence, 30 millions iront à lindemnisation des personnes abusivement détenues. : conséquence dun amendement adopté par votre Assemblée à linitiative de M. Tourret. Suite à ladoption de la loi du 18 juin 1999 relative à la sécurité routière, présentée par Jean-Claude Gayssot, 19 millions seront consacrés au dépistage de lusage de stupéfiants dans les accidents mortels de la circulation. Dix millions financeront le recrutement de 200 délégués du procureur décidé lors du conseil de sécurité intérieure et 41 millions garantiront la couverture sociale des collaborateurs occasionnels du service public de la justice. Dun montant de 1,54 milliard, laide juridictionnelle est en hausse de 100 millions, dont 47 millions pour renforcer la présomption dinnocence en garantissant lintervention de lavocat dès la première heure de garde à vue. En outre, 17 millions sont prévus pour revaloriser lunité de valeur, ce qui sajoute à la hausse de lannée précédente. Par ailleurs, 805 millions sont inscrits en autorisations de programme, ce qui permettra de lancer la construction des palais de justice de Pontoise, Cahors, Laval, Bobigny, Versailles ainsi que le désamiantage de Nanterre. En 1999 ont été réalisés les palais de Rennes, Nice, Grasse et ce sera bientôt le tour de Nantes. Lan 2000 devrait voir lachèvement des chantiers de Grenoble et dAvignon. Un effort important est consenti en faveur des juridictions administratives : 83 créations de postes, dont 40 magistrats, contre 61 en 1999, dont seulement 20 magistrats. Linvestissement sera renforcé grâce à une nouvelle tranche de 50 millions dautorisations de programme, ce qui permettra de financer la restauration du Conseil dEtat et louverture des chantiers de Cergy-Pontoise et de Rouen. Publique, la répartition des moyens sest traduite par la mise au point dun véritable plan durgence pour les cours dappel, qui ont augmenté de 10 % leurs effectifs. Je souhaite par ailleurs évaluer dans de meilleures conditions la qualité du service public de la justice, ce qui implique lamélioration des statistiques, les indicateurs actuels étant trop grossiers. La justice a fait un gros effort de productivité depuis vingt ans. Alors que le nombre des affaires est passé dun million en 1979 à 2 millions aujourdhui, les délais nont augmenté que de 25 % tandis que leffectif des magistrats ne sest accru que dans la même proportion. Les frais de justice ont connu une augmentation spectaculaire, puisquils sont passés de 1,1 milliard en 1993 à 1,6 milliard en 1998 : 100 millions par an en moyenne ! Nous avons donc pris des mesures réglementaires dès 1999, comme le contrôle des devis des expertises par le Parquet ou la révision du tarif des fourrières, et nous avons passé des contrats de gestion avec les cours dappel : ces contrats consistent à verser aux juridictions un complément de crédits de fonctionnement à proportion des économies quelles réalisent sur les frais de justice. Les résultats sont là, puisque depuis neuf mois, le montant en volume des frais de justice sest stabilisé. Sagissant de la protection judiciaire de la jeunesse, notre politique a trois objectifs : se donner les moyens de répondre systématiquement aux actes de primo-délinquance, renforcer les dispositifs dhébergement et développer les mesures de réparation. Quels sont les moyens mis en uvre ? Nous changeons déchelle pour les créations demplois avec 380 postes nouveaux contre 150 en 1999, soit un saut quantitatif très important. En outre, par anticipation sur le plan décidé par le CSI, nous aurons lan prochain lautorisation de lancer des concours exceptionnels pour 300 postes supplémentaires ce qui portera à 680 les recrutements effectifs de lan 2000. Quand on sait que le total des postes est actuellement de 6 000, on mesure leffort du Gouvernement. Les crédits de fonctionnement de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront de 67 millions de francs, soit 22 %, et ceux du secteur associatif habilité de 234 millions de francs, soit 19 %. Au total les moyens des services de la protection judiciaire de la jeunesse progresseront de 16 %. Nous avons engagé la création de 100 centres éducatifs renforcés et de 50 centres de placement immédiat ; les deux tiers de ces CPI seront opérationnels fin 2000. Nous renforçons également le service de protection de la jeunesse par 600 emplois-jeunes, par laffectation déducateurs dans les classes relais et les maisons de justice et par laugmentation des effectifs des délégués du Procureur. Tous ces efforts vont nous permettre daugmenter la prise en charge des jeunes délinquants. Le chiffre des mesures de réparation ordonnées par les juges est passé de 7 500 en 1998 à plus de 10 000 en 1999 et devrait atteindre 12 000 lan prochain. Cest la façon la plus efficace de traiter la primo-délinquance. Des mesures indemnitaires sont également prévues pour un total de 9,1 millions de francs, en particulier pour revaloriser les primes du travail du dimanche et des jours fériés du personnel de protection de la jeunesse. En ce qui concerne ladministration pénitentiaire, elle reçoit 386 emplois, 434 millions de francs de crédits supplémentaires et 611 millions de francs dautorisation de programmes nouvelles. 173 emplois serviront, première priorité, à améliorer les conditions de travail et de sécurité des personnels ; 122 emplois de surveillants sont ainsi prévus pour les actions sanitaires (douches des détenus, escortes pour les consultations médicales) et 51 pour le renforcement de lencadrement, de la gestion et de la formation. Deuxième priorité, 85 postes, dont 40 surveillants, sont créés pour améliorer la prise en charge des détenus notamment en détention provisoire, pour préparer le réinsertion et développer les projets dexécution de peine, les alternatives à lincarcération, les unités de visite familiale et pour achever la réforme des services pénitentiaires dinsertion et de probation. Troisième priorité, 128 emplois, dont 118 personnels de surveillance, doivent améliorer la détention des mineurs, effort complété par 30 millions de francs de crédits déquipement pour rénover une vingtaine de quartiers de mineurs et créer des quartiers supplémentaires. Lobjectif est quil y ait pas plus de 15 ou 20 mineurs par quartier. Des mesures indemnitaires sont également prévues pour ladministration pénitentiaire, notamment pour les primes du dimanche et des jours fériés. En ce qui concerne la construction et la rénovation des prisons, le programme 4000 permettra la construction de six établissements nouveaux. Une première tranche (Toulouse, Lille et Avignon) a déjà été engagée, une seconde (Toulon, Meaux et Liancourt) va lêtre, grâce à 150 millions supplémentaires en lan 2000. Au total 1,65 milliard dautorisations de programme auront été ouvertes entre 1998 et 2000, pour un programme denviron 2 milliards de francs, alors que seulement 350 millions de crédit étaient inscrits fin 1997. Après les chantiers routiers et autoroutiers, cest le plus grand programme déquipement civil de lEtat. Les travaux de réhabilitation courante seront menés à un bon rythme. Jai lancé un programme de rénovation lourde des cinq plus grandes maisons darrêt (Fresnes, Fleury-Mérogis, la Santé, les Baumettes et Loos). Enfin, 21 millions sont consacrés à laménagement de zones protégées pour les détenus dans plusieurs hôpitaux. Je terminerai par les mesures générales. Un effort supplémentaire de 25 millions est prévu pour les associations qui apportent leur concours au service public de la Justice. Les crédits daction sociale du ministère (restaurant, aide au logement, colonies de vacances) connaissent une nouvelle progression, de sorte quils auront été revalorisés de 30 % en trois ans. Linspection générale du casier judiciaire bénéficie de quatre créations de poste, après cinq en 1999, soit un quasi doublement en deux ans. Vous savez limportance que jattache au renforcement des contrôles internes, non seulement pour le casier judiciaire mais aussi pour lensemble du service du ministère. En conclusion, ce budget nous permettra de moderniser léquipement, de poursuivre la rénovation des méthodes de travail, de simplifier les procédures et de renforcer les outils de contrôle. Mme Catherine Tasca, présidente : Nous sommes extrêmement sensibles à la constance de vos efforts et de ceux du Gouvernement pour améliorer les crédits de la justice. Nous allons maintenant entrer dans le détail des masses budgétaires. Je profite de loccasion pour saluer la présence parmi nous de M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, et M. Didier Migaud , rapporteur général du budget, qui a beaucoup contribué à la mise en place de cette nouvelle procédure. Avant de donner la parole à M. Patrick Devedjian, je signale quil a souhaité, à titre personnel, que son rapport soit mis dès aujourdhui à la disposition des parlementaires. M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances : Je me contenterai déclairer quelques points essentiels de ce budget. Je voudrais dabord décerner un satisfecit aux services du ministère qui, pour la première fois, mont donné des réponses complètes. Cest un bon budget en termes quantitatifs puisque les crédits augmentent de 3,91 %, représentant 1,62 % du budget général. Cette évolution sinscrit dailleurs dans un effort continu de tous les gouvernements successifs en faveur du budget de la Justice, puisquil a augmenté de 84 % depuis 1988. Je naurai pas laudace de réclamer davantage, sachant ce que sont les disponibilités budgétaires. Mais il faut voir aussi laspect qualitatif. A quoi servent de bons chiffres de crédit si le taux de consommation nest pas satisfaisant ? Or il sest fortement dégradé. Pour les dépenses en capital, la consommation des crédits de paiement est passée de 79 % à 64 % et les autorisations de programme de 81 % à 51 % ; même pour les dépenses ordinaires, le taux a légèrement baissé : 96 % contre 98 %. Certes les dépenses de fonctionnement augmentent, mais les dépenses dinvestissement baissent de 9,27 %. En outre, les délais de jugement se sont encore allongés, passant de 16,6 à 17,4 mois en cour dappel et de 9,1 à 9,3 mois dans les tribunaux de grande instance. Je vous félicite davoir augmenté le nombre de places en maison darrêt, mais la surpopulation carcérale nen reste pas moins un problème lancinant. La gauche avait réduit le programme de 15 000 places lancé par M. Chalandon et il faut maintenant rattraper ce retard. Cette surpopulation carcérale est un vrai drame. La réorganisation générale de la justice nest pas assez abordée dans ce budget. En particulier le réforme de la carte judiciaire navance que très lentement. Certes vous avez supprimé cet été 36 tribunaux de commerce et vous avez bien fait. Mais pour les autres juridictions lindispensable remise en ordre de la carte judiciaire ne progresse guère. Je sais que cest une réforme difficile et impopulaire car tous les conservatismes, ceux des élus locaux, des avocats, des magistrats se conjuguent pour ne rien changer dans leur ressort. Pourtant la réforme concernant le juge de la détention provisoire, par exemple, ne pourra se faire que dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. Le ministère a besoin, lui aussi, dune réforme. Vous vous y êtes attelée mais là aussi les choses vont trop lentement. Les observations de la Cour des comptes en 1997 nont pas eu de suite. Le régime particulier fait aux juridictions administratives ne se justifie pas. Linformatisation progresse et la dotation correspondante aussi, mais celle-ci reste inférieure à celle de 1993 ; en particulier linformatique pénale reste fragmentaire et linformatique civile est en retard. Est en revanche très positive linformatisation du système de gestion des détenus. Vous avez détaillé les recrutements de magistrats. Mais il faut bien voir que les contraintes de la pyramide des âges obligent à recruter de toute façon. Je regrette quil ny ait pas de nouveaux magistrats exerçant à titre temporaire et pas de recrutements latéraux. Le productivité des magistrats se heurte à de grandes carences : à Paris, les trois quarts des magistrats du siège nont pas de bureaux. Et alors que nous avons de plus en plus besoin de magistrats spécialisés, le système davancement les pénalise. Il faudrait une réforme sur ce point. Les assistants de justice sont une bonne institution mais il faudrait une évaluation, un statut plus clair, peut-être des perspectives dintégration. Lexpérience du pôle financier de Paris est très instructive : cest un progrès indéniable, mais qui ne représente quun ballon doxygène. On voit déjà poindre des difficultés et interrogations : le parquet reste coupé en deux, ce qui fait perdre beaucoup de temps dans les déplacements. Et lon voit bien en effet que le seul moyen dassurer lavenir de ce pôle financier est, comme vous semblez dailleurs vous-même y songer, de créer un nouveau tribunal de grande instance à Paris afin de restaurer lunité physique du Parquet. Je souhaite donc que vous preniez rapidement cette mesure, qui permettrait en outre aux magistrats du siège de disposer des bureaux que le Palais de justice actuel ne peut leur offrir. On gagnerait en efficacité, dautant que la juridiction de Paris est la plus importante de France. Je minterroge sur lintérêt quil y a à multiplier les pôles financiers : après tout, la grande délinquance financière est elle-même concentrée à léchelle nationale, tandis que les juges hautement qualifiés dans cette matière sont relativement rares. On pourrait par conséquent imaginer, comme en matière de terrorisme, une juridiction de compétence nationale. Bien que je sois député des Hauts-de-Seine, je me demande par exemple sil simposait de créer un pôle à Nanterre : si près de Paris, cela ne peut conduire quà une dilution des moyens. Jen ai terminé avec les coups de projecteur que jannonçais. Au total, ce budget est un bon budget en termes quantitatifs, mais il ne dispensera pas des réformes toujours indispensables, quil sagisse de réduire les délais de jugement ou de lutter contre la surpopulation carcérale, notamment. M. Jacques Floch, rapporteur pour avis : Madame la Garde des Sceaux, je ne vais certainement pas contredire M. Patrick Devedjian lorsquil constate que ce budget est à bien des égards en amélioration. De fait, ces crédits vous permettront de mener une politique intelligente et de financer les réformes nécessaires. Cependant, pour porter une bonne appréciation, il importe de considérer le fonctionnement de votre ministère et, plus généralement, le fonctionnement de la justice en France. Ces dix dernières années, le budget de la justice a connu un accroissement considérable, de plus de dix milliards, ce qui nous permet despérer franchir en 2002 la barre des 30 milliards dont on se contentait de rêver il y a quelques années. Il importe toutefois de se demander à propos de tous ces crédits : pour quoi faire, et avec qui ? Le rôle de votre ministère est aujourdhui mieux reconnu mais cela vous oblige à tout faire pour que votre département puisse rendre à la société le service quelle en attend, dans les meilleures conditions possibles. Comme je lai déjà dit lan dernier, un tiers de nos concitoyens, soit près de vingt millions de personnes, ont, à un moment ou à un autre, affaire à la justice. Or beaucoup se plaignent de retards, ou regrettent linsuffisance des crédits ou le manque dactivité des juridictions. Leur principal reproche est celui dont a fait état M. Patrick Devedjian : il a trait à la longueur excessive des procédures. Des progrès considérables ont été enregistrés ces dernières années, grâce au ministère, au Parlement qui a voté les budgets nécessaires, ainsi quà lensemble des personnels. En étant à mon dix-huitième budget de la justice (Exclamations sur divers bancs) M. Renaud Donnedieu de Vabres : Cest trop ! Vous êtes mûr pour le Sénat ! (Sourires) M. Jacques Floch, rapporteur pour avis : Je puis témoigner que tous ces efforts commencent à porter leurs fruits, mais quil reste encore beaucoup à faire. La justice administrative fonctionne relativement vite, grâce à une transformation importante. On pourrait même considérer que, malgré le timbre à 100 francs, nos concitoyens ont un accès trop facile à ces juridictions de sorte quon sadresse à elles pour tout et rien. Faut-il pour autant revenir sur cette mesure et relever ce droit ? Ce serait reconstituer la barrière de largent Par ailleurs, cette justice nest pas non plus à labri de lenteurs : à Paris, les 3 800 dossiers de reconduite à la frontière sont traités en un an, alors quils devraient lêtre en 48 heures. Reste que la justice administrative actuelle permet aux Français de se faire mieux entendre, ce qui lui garantit dêtre mieux reconnue. M. Patrick Devedjian a jugé insuffisantes les autorisations de programme mais je crois que cest à juste titre que vous avez souligné leffort fait en ce domaine, en le comparant à celui dont bénéficiaient les programmes routiers et autoroutiers. Il me semble même que les dépenses prévues commencent à dessiner la nouvelle carte judiciaire : lorsque lon consacre un million de francs à des travaux dans un tribunal, ce nest certainement pas pour fermer celui-ci. On peut donc se féliciter de la concordance entre les crédits de ce budget et la carte qui ma été communiquée en réponse à mes questions. Les études menées sur ce point doivent à tout prix être poursuivies, dautant que la réforme des tribunaux de commerce a été bien accueillie. Jouvre une parenthèse pour remercier vos services davoir répondu à toutes les questions que javais posées en juillet, sauf une mais il est vrai quelle avait un caractère insidieux, sinon méchant : je demandais quel était le coût des erreurs de procédure, qui obligent à recommencer un travail déjà fait. Des économies seraient sans doute possible dans ce domaine. Sagissant maintenant des emplois, vous avez raison dinsister sur laccroissement des effectifs de magistrats et de fonctionnaires, mais il importerait de savoir précisément qui fait quoi, pour préciser les recrutements nécessaires. Les organisations syndicales que jai reçues parlent de supplétifs à propos des emplois temporaires. Il importerait donc de déterminer le rôle, ainsi que lavenir, des agents de justice : la question est ici la même que pour les emplois-jeunes en général. Quant aux assistants de justice, la plupart des magistrats se félicitent de leur création, mais il importerait de dresser un bilan et dexaminer si certains nont pas été conduits à outrepasser leurs fonctions, voire à rédiger des arrêts. Enfin on oublie le rôle des délégués du procureur et, là aussi, un bilan simposerait. Ces 27 milliards, tels quils sont répartis, vous autorisent à mener une véritable politique de la justice et permettent despérer une amélioration de ses conditions de fonctionnement. Cependant, il importerait de mettre aussi laccent sur la formation des personnels. Il faudrait aussi résoudre le problème des magistrats spécialisés, obligés par leur carrière de quitter le service pour lequel ils ont été formés. Il est dommage que leffort ainsi consenti par la société soit perdu. Peut-être la loi sur le statut des magistrats permettra-t-elle dy remédier et il est dautant plus urgent que nous nous rendions à Versailles afin de mettre en place un nouveau Conseil supérieur ! Au total, ce budget contribuera à la modernisation de la justice. Certains pourront critiquer telle ou telle insuffisance, mais pour ma part, je conclurai quil nest pas si mal que ça ! M. André Gerin, rapporteur pour avis : Je veux dire dentrée de jeu que ce budget, quantitativement intéressant, augure dune politique ambitieuse. Toutefois, leffort devra encore être amplifié. On constate en effet trop souvent un décalage entre les décisions et leur mise en uvre, décalage qui sexplique en partie par la façon dont fonctionne ladministration, en partie par des réticences du personnel, souvent dues à linsuffisance de la concertation. Cet effort qualitatif qui justifie mon avis très positif se heurte cependant aux retards accumulés ces vingt dernières années. Il y a bien diminution de la surpopulation carcérale, mais elle reste insuffisante : le taux doccupation des prisons est passé de 114 % en 1998 à 107 % en 1999. La politique de prévention du suicide qui a été mise en place doit être renforcée. Une réforme est en cours pour mieux préparer la sortie de prison. Il faut se soucier en particulier des unités de vie familiale et de la libération conditionnelle. En ce qui concerne le personnel pénitentiaire, laction est sensible même si elle reste incomplète, avec des créations demplois, des mesures statutaires et indemnitaires et un effort de formation. Lélaboration dun code de déontologie contribue également à un meilleur contrôle de ladministration pénitentiaire. Enfin, vous avez annoncé un effort de rénovation et de construction des établissements. Je souligne en particulier la situation insupportable de la prison de Saint-Denis de la Réunion. Sagissant de la protection judiciaire de la jeunesse, laugmentation des moyens en personnel est sans précédent. Cet effort se traduit par des mesures de revalorisation statutaire et indemnitaire, par un effort pour le recrutement et la formation des délégués du Procureur, une meilleure prise en compte des situations durgence grâce à une coordination accrue. On a décidé une prise en charge immédiate dans les vingt six départements prioritaires, elle est effective dans neuf dentre eux. Même si elle se heurte à des difficultés, la mise en place des centres de placement immédiat est une réelle innovation. Vous manifestez la volonté politique de diversifier les réponses judiciaires. Ce nest pas facile de la faire entrer dans les faits. On prend un plus grand nombre de mesures de réparation, mais beaucoup sont en attente dapplication. Les centres éducatifs renforcés se développent, pour un coût certes élevé, mais leur bilan est positif. Les mineurs incarcérés sont mieux suivis, mais on peut regretter que leur nombre augmente. Ayant rendu hommage sans complaisance à leffort engagé, jinsisterai sur le dialogue social : il est fondamental pour la mise en uvre de vos décisions. On sefforce daméliorer létat du parc, mais comment rattraper le retard accumulé ? Il faut aussi que la création des unités de vie familiale prenne tout son sens et que la concertation soit meilleure avec le personnel concerné. En ce qui concerne lexécution des peines, on a pris des mesures pour mieux gérer les longs séjours mais il en faudrait dautres pour lutter contre leur caractère criminogène. Dautre part, il faut se soucier des effectifs du personnel de surveillance et notamment des départs à la retraite. En 1999, on a rattrapé une partie du retard mais quen sera-t-il en 2000 ? Jinsiste encore sur le fait que 5 400 mesures judiciaires concernant les mineurs sont en attente dexécution. En ce qui concerne les emplois-jeunes, la question fondamentale est leur pérennisation. Lenfermement nest pas une finalité en soi, et ce nest pas notre philosophie. La question des mineurs délinquants dans lagglomération lyonnaise ils constituent 30 % du total mérite tous les efforts. Le Gouvernement les a entrepris, communes et départements, doivent y participer. Définir clairement les missions du service public de la justice pose un problème réel dans le personnel comme pour la société. A mes yeux, le service public doit être un service au public, dans une démarche véritablement républicaine. Mme Catherine Tasca, présidente : Avant douvrir le débat, jexprimerai deux préoccupations. La première : lextrême dénuement des établissements pénitentiaires de femmes et de loutre-mer. Alors que nous abordons les droits des femmes, non plus avec commisération, mais avec une réelle volonté dagir partagée par le Gouvernement, il faut offrir aux femmes incarcérées des conditions dignes de notre temps. Sagissant de loutre-mer, M. Gerin a mentionné le cas de Saint-Denis de la Réunion. Je sais que vous y êtes attentive. Nous sommes engagés dans la rénovation des relations entre loutre-mer et la République et une loi dorientation est en cours délaboration. Elle doit concerner linstitution pénitentiaire qui fait partie de limage de la République et a souffert jusquici dun très grand abandon. En second lieu, je me préoccupe de la formation de lencadrement, en ce qui concerne les mineurs délinquants. Un obstacle à la mise en uvre de votre politique est le nombre insuffisant danimateurs et déducateurs compétents. Pour ouvrir des centres dun type nouveau, il faut aussi du personnel dun type nouveau. Quelles actions concrètes le Gouvernement envisage-t-il ? M. Louis Mermaz : Après les rapporteurs, je salue à mon tour les efforts que vous déployez pour la troisième année afin que les moyens financiers soient à la hauteur des réformes. Néanmoins, comme la souligné M. Patrick Devedjian, il y a un problème de consommation des crédits dinvestissement. Vous affirmez lambition de rattraper le retard accumulé pendant tant dannées et de consacrer de nouveaux moyens à la mise en uvre de réformes portant sur laccès au droit, la procédure pénale, lalternative aux poursuites, la présomption dinnocence, la médiation et les maisons de justice, laide judiciaire, lindemnisation des victimes, la prévention de la délinquance des mineurs et les conditions de leur détention. Nous espérons que toutes ces réformes seront bientôt couronnées par celles du Conseil supérieur de la magistrature. Il suffit découter la radio pour constater la judiciarisation croissante de notre société. Ce matin encore, certains procès en cours tenaient plus de place que les 35 heures ou la mort de Nathalie Sarraute. On indiquait également que le tribunal de grande instance de Toulouse est extrêmement embouteillé. On parle surtout des affaires pénales, on parle moins du civil, où la situation est plus critique. Cest le cas en particulier pour le droit du travail ; il faut plusieurs années pour que la Cour dappel se prononce sur un jugement prudhomal. Nous vivons dans un climat sécuritaire. Pour lopinion, il ny a jamais assez de gens en prison. On finit par songer à Harpagon, qui voulait se donner la question à lui-même ! Ces comportements influencent parfois les élus. Or il faut aussi se préoccuper des droits de lhomme, de lhabeas corpus. Je suis sûr que vous le faites. On peut par exemple réfléchir à lexcellente idée de M. Toubon de créer un appel pour les arrêts des cours dassises. Le juge de la détention représente un progrès, mais bien des magistrats seraient prêts à aller vers la collégialité prônée par M. Badinter. Le problème de la détention provisoire est immense. A loccasion de lexamen dune proposition de loi de M. Tourret, en avril 1998, nous nous étions penchés sur léchelle des délits et des peines, totalement inadaptée à une société moderne. Le dépoussiérage du code pénal simpose. Récemment un magistrat de rang élevé me disait quil y a 20 000 personnes de trop en prison ; revoir léchelle des peines réglerait des difficultés, sans dispenser bien sûr de moderniser les établissements. Lequel dentre nous na pas été frappé en prenant le train, de voir un prévenu menotté, traîné en laisse par deux gendarmes tout aussi gênés que lui et que les voyageurs ? Le Garde des Sceaux Pierre Méhaignerie avait dit que lusage des menottes devait être exceptionnel. Tout le monde na pas le caractère dun José Bové brandissant ses menottes avant de devenir un héros national qui va aider le Gouvernement à se battre à Seattle Une justice humaine ne saurait tolérer davantage un procédé moyenâgeux. M. Jean-Luc Warsmann : Lexamen de ce budget nous donne chaque année loccasion de faire le point sur le fonctionnement du service public de la justice. Force est de constater que des retards déjà colossaux ne cessent de saccroître. Tous les délais sallongent : devant les tribunaux dinstance, ils sont passés de 5 mois à 5,1, devant les tribunaux de grande instance, de 8,9 à 9,3 mois et, devant les cours dappel, soit après les délais précédents, ils sont aujourdhui de plus de 17 mois. Et si laffaire va en cassation, un nouveau délai sajoute encore. Cela conduit dans un très grand nombre de cas à de véritables dénis de justice. Cela vaut particulièrement, on la dit, en matière de droit du travail, au mépris de légalité entre les parties car ce sont les salariés qui ont intérêt à un jugement rapide. Les affaires en stock forment un océan : 579 000 devant les TGI pour les seules procédures civiles, 321 000 en appel, 111 000 en correctionnel. La résorption du stock doit être notre première priorité, cest là que largent doit aller dabord. Or, parmi les affectations de postes, la résorption du retard ne vient quen troisième position, avec 34 créations, soit un agent pour 7 cours ou tribunaux. Celui-ci sera certes le bienvenu mais vos choix, Madame la Garde des Sceaux, montrent votre méconnaissance des priorités. Chaque fois que vous faites voter une nouvelle loi, vous annoncez quelle sera financée : soit, mais, du coup, il ny a presque plus de moyens pour la résorption. Dans le secteur pénitentiaire, les conditions de travail des personnels et les conditions de détention sont indignes. Il y a eu, en un an, 118 suicides dans nos prisons et 278 agressions contre les personnels. Comment sétonner que tous les syndicats critiquent votre projet de budget en parlant de « bricolage », de « résultats très insuffisants », ou, comme la fédération de la justice CFDT, en se demandant « à quoi servent les grands discours devant les parlementaires ? » Il y a quelque distance entre votre autosatisfaction et des dysfonctionnements de plus en plus mal vécus. Les dépenses déquipement diminuent de 9,27 %, et surtout le taux dexécution des autorisations de programme tombe à 51 %. Aussi parlons-nous deffet daffichage. Les moyens doivent être effectivement affectés à lamélioration du fonctionnement du service public de la justice et des conditions de vie et de travail dans les services pénitentiaires. Je massocie pleinement aux propos de Mme Tasca sur les établissements, en particulier celui de Saint-Denis de la Réunion. Le Vaucluse et Avignon sont, eux, particulièrement chanceux puisquils ont bénéficié de la construction dun nouveau palais de justice, pour un coût de 212 millions, dun nouveau centre pénitentiaire doté de 122 emplois, pour un coût de 270 millions et du renforcement du TGI. Je souhaite que le dynamisme de ce département sétende à toute la France M. Georges Hage : Les chiffres de ce budget montrent que leffort destiné à répondre aux besoins de justice de nos concitoyens se poursuit. Si je fais confiance à la dialectique du quantitatif, pour autant je suis saisi par laccroissement du nombre des affaires ainsi que du besoin de justice de nos concitoyens. Cela vaut particulièrement devant les prudhommes et en matière de justice pénale. Je me demande donc si ce budget remédiera enfin à la lenteur du règlement des affaires. Bien sûr, je me félicite des créations demplois annoncées, mais le retard est si considérable ! Il faut donner un véritable statut aux auxiliaires et aux vacataires. Je me félicite du recrutement de 680 agents et de 600 adjoints de justice. Jaimerais toutefois avoir des précisions sur la formation dont ils bénéficieront et sur leur intégration au sein des équipes. Les incarcérations injustifiées ne sont pas acceptables dans un régime républicain. Si on les évitait, les prisons seraient plus confortables et le travail des surveillants serait plus facile. Cest à juste titre que lon a insisté sur la situation dans les DOM. Dans tous ces domaines, il convient de réfléchir aux alternatives à lincarcération et de renforcer les textes sur la présomption dinnocence. Je minterroge sur les efforts qui pourraient être accomplis pour faciliter la réinsertion des détenus libérés, car qui a péché risque de retomber dans le péché Les représentants syndicaux que jai rencontrés souhaiteraient, Madame la Garde des Sceaux, dialoguer davantage avec vous. Enfin, le plafond requis pour lobtention de laide juridictionnelle ne permet pas, me semble-t-il, de satisfaire au principe dégalité daccès au droit. Mon groupe votera ce budget. Un mot encore. Comment, quand on parle de justice, ne pas penser au sort réservé à Abu Jamal ? Je souhaiterais une intervention de votre part à ce propos. M. Jean-Antoine Léonetti : Madame la Garde des Sceaux, vous vous réjouissiez que ce budget augmente de 3,9 %, soit trois fois plus vite que celui de lEtat. Mais naviez-vous pas affirmé devant notre commission que la comparaison entre le budget de la justice et celui de lEtat nétait pas pertinente M. Floch a dit : ce nest pas si mal que cela. Je dirai plutôt : ce nest pas si bien que cela. Tout dépend en fait si lon regarde doù lon vient ou les chantiers qui demeurent. Certes 1 237 emplois sont créés, mais le Gouvernement nous dit quils seront essentiellement affectés aux nouvelles réformes juges de la détention et juges professionnels dans les tribunaux de commerce. Les retards ne seront donc pas comblés. M. Mermaz a rappelé à juste titre que nos concitoyens demandent de plus en plus de justice et une justice de plus en plus sévère. Mais il faut plus de moyens. Comment ne pas voir, un an après le vote de la loi sur la délinquance sexuelle, quils ne sont toujours pas suffisants pour procéder aux enregistrements des enfants. Laugmentation de la population carcérale peut réjouir si on la voit avec les yeux du ministre de lintérieur, mais on peut la déplorer quand on sait que les prisons sont surpeuplées et que des innocents peuvent être incarcérés. La création dun nouvel espace judiciaire européen va augmenter les besoins. Par ailleurs, la délinquance des mineurs ne fait que saggraver : elle représente 50% de la violence de rue et jusquà un tiers des délits dans certaines agglomérations. Cette explosion de la délinquance juvénile devrait vous inciter à revoir lordonnance de 1945 plutôt que de créer des postes dont lutilité est douteuse. Au quotidien, la situation de la justice reste misérable. Sa lenteur a été soulignée par tous. Les délais ont augmenté de 25 % : « seulement 25 % », avez-vous dit. Nos concitoyens retiennent que la justice est de plus en plus lente. Les greffes manquent de moyens, linformatique est en retard et dans les prisons, on incarcère des personnes présumées innocentes, sans pour autant parvenir à réduire le taux de récidive. Dans lesprit des Français, le doute persiste, dautant que des dossiers disparaissent, du fait des sectes ou, à Nice, nous dit-on, dun réseau maçonnique Sagissant du procès Papon, le Gouvernement nous a indiqué hier que vous vous étiez personnellement impliquée, afin que M. Papon soit condamné à la peine quil mérite. Je note donc quil nest pas inutile que le Garde des Sceaux intervienne individuellement dans certaines affaires (Sourires). Le ministère de la justice est celui qui crée le plus demplois précaires. Les personnes recrutées en emploi-jeune rempliront nécessairement des missions techniques en remplacement des fonctionnaires indispensables. Le partenariat avec les collectivités locales, sympathique en apparence, est surtout inquiétant. Les maisons de la justice et du droit devront-elles toutes être fournies par les communes ? La rénovation des tribunaux de commerce devra-t-elle être financée par les municipalités ? Nous assistons à un nouveau transfert financier en direction des collectivités locales, alors que cest une fonction régalienne de lEtat qui est en cause. Au lieu dengager des réformes médiatiques, il aurait mieux valu répondre aux préoccupations des Français, par exemple en déposant un projet de loi de programme sur les fonctions régaliennes de lEtat. Vous me répondrez que de telles lois trouvent rarement une traduction budgétaire ; cependant, vous semblez envisager les choses dans la durée, puisque vous programmez des investissements jusquen 2004. Mieux vaudrait définir des priorités et agir de manière globale plutôt que de saupoudrer. Sur une augmentation de 3,9 % des crédits, moins dun point servira à améliorer la justice au quotidien. Vous ne répondez pas à lattente des Français. M. Alain Tourret : A laube de lan 2000, la France commence enfin à disposer dune justice suffisamment pourvue en emplois et moyens. Les Français attendaient un signal fort. Ils lont avec ce budget qui sinscrit dans la continuité des deux précédents et, par rapport à ceux-ci, est même en progression. Il sagit à la fois daméliorer le fonctionnement quotidien de la justice et de mettre en uvre les réformes votées. Cest donc un satisfecit que je vous donne. Vous créez 1 237 emplois, ce qui est exceptionnel : cest grâce à votre ministère que le solde des emplois dans la fonction publique sera positif. Il faudra cependant sinterroger sur la courbe des âges. En effet, 750 000 fonctionnaires partiront en retraite dans les 15 ans à venir : il faudra éviter de les remplacer par à-coups. Le dispositif de laide juridictionnelle devra être revu pour les procès de longue durée. Cela existe déjà en cour dassises, mais pas en correctionnelle, si bien quon ne peut rémunérer les avocats. Il faut remédier à ce problème. Sagissant des établissements pénitentiaires, celui de Saint-Denis de la Réunion est une honte pour la République. La France sera fatalement condamnée par les juridictions internationales. On enferme dans un véritable mouroir des personnes qui ne devraient quêtre privées de leur liberté. Il faut prendre immédiatement des mesures. Plus largement, nous devrons réfléchir à la fonction même de lemprisonnement. Les condamnés à perpétuité nont aucun espoir de voir leur situation saméliorer : on place ainsi de la dynamite dans nos établissements pénitentiaires. Lassignation à domicile na pratiquement jamais lieu. Par ailleurs, je trouve anormale la présence de jeunes mères de famille dans les centres de détention. Leur situation est insupportable, dautant quon leur enlève leur enfant dès quil atteint ses 18 mois. LItalie a su résoudre ce problème. M. Devedjian a parlé de la carte judiciaire. Il sagit là dune réforme inscrite dans la loi : elle doit intervenir dans les deux années qui suivront le vote de la loi sur la présomption dinnocence. Ce ne sera pas simple. En outre, il ne faudra pas se contenter de mesures de suppression, mais réadapter le dispositif, par exemple en créant des chambres déléguées. Lutilisation des vidéo-conférences reste insuffisante, alors que de nombreux magistrats ont déjà réfléchi à ce sujet. On pourrait par cette technique moderniser notre justice. Nos concitoyens réclament une justice plus rapide. Lexécution provisoire doit être de plein droit dans tous les dossiers sauf dans les affaires touchant à létat des personnes sous le contrôle des premiers présidents. Actuellement, lexécution provisoire reste lexception et cest pourquoi notre justice traîne. Madame la Garde des Sceaux, votre budget est remarquable. Les Français ont un besoin toujours plus fort de justice. Nest-ce pas une société moderne quune société qui a confiance en ses juges ? M. Pascal Clément : Analysé quantitativement, ce budget se caractérise par une hausse importante. Mais je voudrais me placer dans une autre perspective : comme la dit M. Tourret, notre société, parce quelle est moderne, fait de plus en plus appel à la justice, si bien que vos efforts budgétaires ne suffiront pas à supprimer le décalage qui persiste entre les moyens dont elle dispose et son rôle actuel dans notre société. Nous sommes même loin du compte. Aucun gouvernement na pris en compte ce changement de dimension. Sur 212 postes de magistrats créés, 100 iront aux tribunaux de commerce et les autres serviront à mettre en uvre la réforme de la détention provisoire. Au total, le nombre des juges restera donc inchangé dans les autres juridictions. Sagissant de la délinquance économique, vous nous dites que 15 agents des finances ont été mis à la disposition de votre ministère. Leur compétence technique sera bien venue, mais compte tenu de la faiblesse de la formation économique des magistrats, est-ce suffisant ? Ce le sera dautant moins que nous allons vers léchevinage dans les tribunaux de commerce. Il faut aussi rationaliser la décision dans les jugements dassises, mais personne na pris la décision politique de prévoir un effort budgétaire supplémentaire en vue dinstituer un double degré de juridiction. Pour réprimer la délinquance des mineurs, 10 millions sont consacrés à augmenter le nombre des délégués du procureur. Compte tenu des statistiques, en particulier dans la région parisienne, cest tout à fait dérisoire. Oui, cest un bon budget comparativement aux autres, mais cest un mauvais budget si on considère la place qua prise la justice dans notre société. Mme la Garde des Sceaux : Je trouve cet échange très intéressant et je remercie les rapporteurs et intervenants qui ont salué leffort budgétaire accompli depuis trois ans. Cest vrai quun bon budget ne résout pas tous les problèmes : les délais de jugement, la qualité du travail, la situation des prisons restent des difficultés majeures. Je voudrais donc maintenant être plus explicite sur la politique que nous menons pour améliorer les performances quantitatives et qualitatives de ce grand ministère. M. Devedjian sest interrogé sur la consommation des crédits. Cest une question à laquelle je suis très attentive. Nous constatons un bon taux de consommation pour les dépenses de fonctionnement, des progrès pour les vacances demploi. Cest vrai quil y a un retard en ce qui concerne ladministration pénitentiaire, mais cest leffet du coup de frein donné en 1996 et 1997. Par exemple, pour le programme de construction de prisons, 2 milliards de francs ont été inscrits en 1995, mais seulement 350 millions en 1996. Cest moi qui ai sauvé ce programme en inscrivant 800 millions de francs dautorisations de programme en 1998 et 700 millions en 1999. Il faudrait éviter ce genre de coups daccordéon pour les programmes de construction. Mieux vaut annoncer moins et tenir le rythme. Nous avons maintenant lancé la procédure de concours mais il est certain que le taux de consommation des crédits serait meilleur sil ny avait pas eu de rupture pendant deux ou trois ans. Hors le programme 4000, la consommation des crédits est actuellement très bonne. Vous avez à juste titre appelé lattention sur le grave problème des délais. Cest peut-être le sujet qui me préoccupe le plus. En moyenne le délai de jugement sélevait en 1998 à un peu plus de 9 mois dans les tribunaux de grande instance, à 16 mois dans les juridictions pénales et à 17 mois dans les cours dappel. Je rappelle que nous avons connu des délais analogues dans les cours dappel au début des années 80 ; puis il y a eu une réduction des délais avant quils ne remontent à nouveau. Les statistiques de 1998 ne peuvent pas refléter laugmentation de moyens réalisée en 1998-1999 : les premiers magistrats supplémentaires sont arrivés dans les tribunaux en juin 1999, grâce au concours exceptionnel. Auparavant, pardonnez-moi, mais on a géré la pénurie, même si cela vous fait sourire, Monsieur Warsmann ! M. Jean-Luc Warsmann : Lan prochain, ce sera plus dur dargumenter comme cela ! Mme la Garde des Sceaux : Le décalage entre les moyens budgétaires et les résultats est inévitable. Dans les tribunaux de grande instance, on observe des disparités importantes selon les contentieux : par exemple le délai moyen pour le divorce pour faute est de 15 mois, celui pour le divorce simple est de 9 mois. Cest la preuve que les réformes déjà engagées concernant le divorce, comme celles à venir, font diminuer les délais. Quand les procédures sont interminables et tendent à aggraver les conflits, les délais augmentent. Toujours dans les tribunaux de grande instance, la moitié des affaires civiles se règlent en moins de six mois, les trois-quarts en moins de neuf mois. Ce sont les 10 % daffaires très longues qui font remonter la moyenne. Cette longueur tient en partie à la complexité de ces affaires, mais on observe aussi de grandes disparités selon les tribunaux ; cest pourquoi je mefforce daméliorer linformation interne sur les procédures et pratiques qui réduisent les délais, par des notes et par le réseau Intranet. Les contrats de juridiction amènent également des progrès. Cette question nest pas simple à résoudre, car il faut également être attentif à la qualité des jugements : un tribunal de grande instance juge un divorce en six ou sept mois, mais crée des conflits qui se poursuivent après le divorce alors quun autre peut prendre neuf mois, mais régler tous les problèmes. M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial : Il y a aussi ceux qui sont plus longs et qui ne règlent rien ! (Rires) Mme la Garde des Sceaux : On ne peut donc pas se contenter dune approche purement quantitative. Laugmentation des moyens peut servir aussi à améliorer la qualité du service rendu. Néanmoins je pense quil faut une action plus forte pour réduire les délais de jugement et cest pourquoi jai développé les contrats de gestion : par exemple, nous avons donné à la cour dappel de Douai des emplois en surnombre contre lengagement de résorber le retard accumulé en cour dassises ; résultat, en 18 mois le délai de jugement est passé de deux ans à six-huit mois. Nous avons fait la même chose avec la cour dappel dAix : leffectif de la chambre sociale a été renforcé de façon à créer une deuxième section et cela a permis de stabiliser les stocks daffaires en cours. La réduction des délais passe aussi par une modification des règles de procédure jy reviendrai. Plusieurs dentre vous ont souligné quil faudrait affecter plus de moyens à la résorption des délais et des stocks, et moins aux réformes. Mais je note certaines contradictions dans vos propos car M. Léonetti, par exemple, a réclamé en même temps la réforme de la cour dassises prévue par M. Toubon, qui mobiliserait 100 magistrats par an ! M. Jean-Antoine Léonetti : Je nai pas dit cela ! Mme la Garde des Sceaux : Excusez-moi, cest M. Clément. Les réformes en cours devraient aboutir à une réduction des délais. Ainsi la création dun juge de la détention provisoire et la réforme de la présomption dinnocence sont de nature à diminuer le nombre des détenus. La réforme des tribunaux de commerce devrait également éviter un certain nombre de détresses sociales qui génèrent des contentieux. Il ne faut donc pas avoir une vue mécanique des choses. Les réformes qualitatives sont nécessaires à la fois pour améliorer la justice et pour réduire les délais. M. Mermaz a cité les lois sur laccès au droit et la simplification de la procédure pénale qui, sans mobiliser de moyens très importants, vont permettre de désencombrer les juridictions en remplaçant le recours au tribunal par la transaction, la médiation et larbitrage. Nous allons poursuivre le travail entamé avec les chefs de cours dappel en vue de la déconcentration. Le fait de créer des postes de chefs de service administratifs régionaux auprès des présidents de cour dappel va leur permettre de mieux répartir les moyens et daméliorer la gestion des juridictions. Cela dit, il faut être toujours prudent avant de parler de réduction des délais car il est vrai que lallongement actuel vient aussi de laugmentation considérable du contentieux. Cest un phénomène de société important et je nai pas la prétention de le contenir. En ce qui concerne linformatisation, pour répondre aux questions posées par M. Devedjian, je précise que le logiciel civil a été labellisé en 1998 et quil équipe les deux tiers des cours dappels et la moitié des tribunaux de grande instance. Cest un réel succès. A Paris, une chaîne informatique civile sera introduite en janvier 2000 et son déploiement devrait être achevé en mars. A propos de la carte judiciaire, je voudrais rappeler quelques faits simples. Au cours de ce siècle, il ny a eu que deux réformes, la réforme Poincaré et la réforme Debré. M. Jacques Floch : Il va y avoir la réforme Guigou ! Mme la Garde des Sceaux : Ce ne sera que la troisième réforme du siècle et ce sera la première à toucher à la carte judiciaire des tribunaux de commerce. Cela devient urgent. M. Pascal Clément : Bon courage ! M. Robert Pandraud : Il vous faudrait des ordonnances ! Mme la Garde des Sceaux : Ce serait plus facile mais les temps ont changé, Monsieur Pandraud. M. Robert Pandraud : Alors, parlons de décrets-lois ! Mme la Garde des Sceaux : Je préfère jouer sur le partenariat. Cela prendra sans doute beaucoup plus de temps que si lon procédait par ordonnance ou par décret loi, mais la réforme sera beaucoup mieux acceptée ! Nous allons donc poursuivre sur la voie engagée. Sagissant des tribunaux de commerce, la réforme devrait être achevée à la fin de lannée ; un nouveau décret va paraître, car le premier ne concernait, je le rappelle, que les six circonscriptions les plus encombrées. Pour la suite, jentends men tenir à une méthode fondée sur la concertation et le partenariat car il est indispensable dobtenir laccord des élus locaux et des barreaux, qui sont concernés autant que les magistrats. Comme la dit M. Tourret, il ne faut pas raisonner seulement en termes de suppressions, il faut recourir à des moyens multiples tels que les chambres détachées ou les audiences foraines. La justice peut en effet être rendue efficacement ailleurs quentre les murs des tribunaux. Déjà, dans la mesure où il ne pourra y avoir un juge de la détention provisoire dans chaque TGI, la réforme de la détention provisoire nous incite à renouveler notre approche. Faute de comptabilité analytique et parce que les dépenses ne sont pas organisées en fonction de lutilisation des moyens, il est bien difficile de répondre à la question de M. Floch sur le coût dun procès. Nous allons cependant essayer dapprécier plus finement lactivité des juridictions. Cela suppose détudier préalablement les questions de méthodologie. Sagissant des assistants de justice, la direction des services judiciaires est en train de dresser un bilan. Jai demandé des rapports à tous les chefs de cour et jai lintention de rédiger une circulaire à ce sujet avant la fin de lannée, pour préciser les choses. Pour moi, et cest dailleurs conforme à la conception traditionnelle , ces assistants ne sont pas destinés à se substituer aux fonctionnaires ; ils ne sont là que pour assister les magistrats en faisant pour eux des recherches documentaires M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial : Les pratiques sont très diverses. Mme la Garde des Sceaux : En effet, mais il faut rappeler quil sagit détudiants en fin de cursus. Ils trouvent là le moyen dune formation pratique, mais tous ne sont pas destinés à être magistrats et ce stage nest pas non plus la voie daccès privilégiée aux concours de la magistrature. Il existe actuellement quatre pôles financiers, mais le besoin sest fait sentir den créer dautres. Je nai pas encore pris de décision sur leur localisation mais on peut penser à Bordeaux, par exemple. Et sil est vrai, M. Devedjian, quon peut sinterroger sur la nécessité de celui de Nanterre, je vous ferai observer que les affaires de délinquance économique et financière sont aussi nombreuses dans la circonscription de Versailles que dans celle de Paris. Quant à la centralisation, je ne crois pas quelle soit opportune en loccurrence. Dailleurs, comme jai pu le constater en Corse, les différents pôles commencent à travailler en collaboration. Surtout, cette centralisation ferait courir le risque dune déresponsabilisation des juridictions. Jestime donc préférable de disposer de dix ou douze de ces pôles sur lensemble du territoire. Par ailleurs, il importe de se garder dun excès de spécialisation. Les magistrats doivent rester des généralistes et, même si je ne discute pas la nécessité dune meilleure formation aux matières économiques et financières, ils nont pas à devenir eux-mêmes des experts. Il suffit quils sachent et puissent recourir à des experts extérieurs, ce qui leur permettra de garder la hauteur de vue indispensable à leur mission. Pour ce qui est de la pénitentiaire, nous allons expérimenter les unités de vie familiale dans trois établissements dont la liste est encore à établir. Parmi les trois, figurera sans aucun doute un établissement pour femmes : celui de Rennes certainement. Pour les autres, une concertation avec les personnels est indispensable. Afin de lutter contre la délinquance des mineurs, je me suis engagée à ouvrir dici à 2001, cinquante centres de placement immédiat. Il est vrai que lopération a commencé difficilement, le budget précédent ne comportant pas de moyens supplémentaires à cet effet, il a fallu demander un effort au personnel. Cependant, tout devrait sarranger lan prochain compte tenu de limportance des crédits prévus. Plusieurs de ces centres vont être créés avant la fin de lannée : ainsi à Villeneuve-dAscq et à Bruay la Buissière, à Savigny, à Coulonges au Mont-dOr, à Saint-Genis, à Saint-Etienne, à Perpignan, à Toulon et à Schoelcher, à la Martinique. Dans beaucoup de cas, il ne sagira en fait que de transformations, mais il devrait y avoir aussi de véritables créations, dont une dans la Seine-Saint-Denis, en liaison avec le secteur associatif. Cinq transformations devraient avoir lieu dici à la fin du mois et trois créations dici à la fin de lannée : à Toulon, à Chartres et en Seine-Saint-Denis. Les derniers arbitrages vont être rendus et la liste sera publiée prochainement. Vous avez raison, le suicide dans les établissements pénitentiaires représente un vrai drame. On en a constaté 118 lan passé, ce qui était moins que lannée précédente, mais le nombre en a augmenté à un rythme inquiétant cette année malgré la vigilance accrue des personnels et la circulaire que jai adressée lan dernier aux chefs détablissements pour leur demander dêtre particulièrement attentifs aux moments les plus cruciaux : le retour de garde à vue et lentrée dans les quartiers disolement. Laction doit être multiforme : il faut améliorer les conditions dhygiène, rompre lisolement de ceux qui ne reçoivent aucune visite, lutter contre lindigence M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial : La période la plus dangereuse se situe à larrivée en prison, qui représente un véritable choc. Mme la Garde des Sceaux : En effet, surtout si cette entrée se fait en pleine nuit. Dans la circulaire de mai 1998, jai donc insisté pour que les intéressés puissent prendre rapidement une douche, après ces deux jours passés sans pouvoir se laver. Mais jai aussi appelé lattention sur les détenus dépressifs, en souhaitant une prise en charge individualisée. Pour cette opération de vigilance, jai désigné des sites pilotes et nous avons ainsi pu sauver plusieurs vies. Mme la Présidente : Tous ces efforts sont sans doute indispensables mais il me semble que lessentiel est daméliorer globalement les conditions de détention, comme vous essayez de le faire. Je ne nie pas lintérêt dun suivi individidualisé, par exemple, mais je ne suis pas convaincue que ceux qui se tuent aient été prédisposés au suicide : ce qui joue surtout, cest le choc produit par larrivée en détention. Mme la Garde des Sceaux : En ce qui concerne les prisons les plus dégradées, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit des crédits de construction et de rénovation, et je répondrai simplement à la question posée par plusieurs dentre vous à propos de Saint-Denis. Comme je lai déjà dit en réponse à une question orale, des crédits ont été dégagés pour essayer de remédier à la surpopulation, pour accroître la capacité daccueil du centre du Port et pour réaménager les cuisines. Jai aussi demandé au préfet détudier les possibilités dachat de terrain. Les problèmes les plus préoccupants devraient donc être réglés. Il y a sans doute trop de mineurs en détention mais je pense que la loi sur la détention provisoire permettra den réduire le nombre. Dautre part, il convient de construire de nouveaux centres de détention et dassurer une meilleure prise en charge de ces jeunes détenus, en désignant un surveillant référent. Cela demande des moyens supplémentaires mais jespère que nous y parviendrons lan prochain. Au passage jindique que si des mesures concernant les mineurs sont en attente dexécution, leur nombre diminue. Nous espérons résoudre ce problème grâce à laffectation des moyens supplémentaires, et notamment déducateurs, prévus au budget. Le dialogue social est lune de mes premières préoccupations. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Au ministère, je mefforce de le mener avec les syndicats. Il faut faire des progrès dans les juridictions. Jai demandé un effort aux chefs de cour. Les choses avancent, mais il y avait beaucoup dhabitudes et toute une culture à changer. Cela prend du temps. Pour ce qui est des emplois-jeunes, en loccurrence les agents de justice, nous sommes très attentifs à leur formation. Dans les juridictions nous avons mis en place une formation initiale dadaptation à lemploi en 4 à 6 semaines ainsi quune formation continue, et nous nous attachons à faciliter laccès aux concours administratifs. Nous procédons de même dans ladministration pénitentiaire, avec notamment un livret de suivi du jeune. Jai déjà répondu sur les prisons doutre-mer, dont Mme Tasca sest également préoccupée. Depuis quelques années, nous avons construit de nouveaux établissements à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Restent les deux établissements de Saint-Denis et de Nouméa où la situation est effectivement déplorable. Jespère que nous pourrons y remédier sans tarder. Le nombre de femmes incarcérées est stationnaire. Il est encore plus important dans leur cas de préparer et daméliorer les conditions de sortie car leur réinsertion professionnelle est plus difficile. Des programmes de formation sont en cours, dans des établissements comme celui de Rennes. Nous sommes attentifs en particulier à laccueil des enfants. Il est vrai quil est déchirant de les faire partir entre 18 mois et 2 ans, mais les psychologues disent bien quils ne peuvent rester en milieu clos. Grâce aux cellules ouvertes, nous veillons à une première forme de socialisation. Le contact avec le père pose également problème, notamment quand les deux parents sont détenus. Nous cherchons à placer les enfants dans des familles qui ne soient pas trop éloignées de létablissement afin de maintenir le contact. Enfin, jai conscience de limportance de la déontologie. Un code est en cours délaboration et la commission Canivet fera un rapport sur le contrôle externe. Il faut rendre plus claires les missions du service public de la justice. Nous nous y efforçons en particulier avec les maisons de justice et du droit. Il y en avait 16 à mon arrivée, il devrait y en avoir une centaine à la fin de lannée prochaine. M. Mermaz a raison, on porte beaucoup dattention au pénal et peut-être pas assez au civil. Je noublie pas la réforme de la cour dassises quil a mentionnée, mais il faut arbitrer sur laffectation des moyens. Jespère progresser sur la mise au point du système tournant, sans pouvoir prendre dengagement puisque cela ne dépend pas que de moi , et disposer des moyens nécessaires en 2001. M. Mermaz a évoqué également les droits de lhomme. Sagissant du juge de la détention, la collégialité était prévue dans la réforme Badinter, elle ne létait plus dans la réforme Vauzelle. Là encore ce sera une question de moyens. Voyons dabord comment fonctionne le système. Sil fonctionne bien, mieux vaut affecter les moyens qui nous restent à réduire les délais. En ce qui concerne lutilisation des menottes, larticle 803 du nouveau code de procédure pénale fixe déjà des conditions précises. Mais lescorteur, qui est un gardien sur lequel pèse toute la responsabilité, prend des précautions parfois excessives. Le débat sur la présomption dinnocence permettra de parler de nouveau de ce problème et, jespère, daller dans le bon sens. M. Louis Mermaz : Il y a également les transferts en train Mme la Garde des Sceaux : et en avion, cest certain. Lorsque lusage des menottes est inévitable, je préfère quau moins, on ne prenne pas de photos. M. Warsmann est intervenu sur un ton plus polémique M. Patrick Devedjian : Il est dans lopposition ! Mme la Garde des Sceaux : Vous aussi, et vous nêtes pas intervenu sur ce ton cette fois (Rires). Il a parlé dAvignon, ma terre délection. Je suis heureuse de confirmer que la livraison du palais de justice dAvignon aura bien lieu début 2000, si tout va bien, et que celle de la nouvelle prison du Pontet dont le maire est RPR qui remplacera celle dAvignon, devrait avoir lieu en 2001. A mon arrivée jai trouvé des dossiers techniques tout prêts concernant la prison et le palais de justice dAvignon ; il ne manquait que le financement. M. Patrick Devedjian : Encore lhéritage ! Mme la Garde des Sceaux : Jai débloqué le financement. Je pense que tout le monde ne peut que sen réjouir. M. Pascal Clément : Nous sommes dans une autre conjoncture économique ! Mme la Garde des Sceaux : M. Hage ma interrogée sur la résorption de lemploi précaire. Sur 611 personnes à titulariser après les concours particuliers, 89 lont été en 1997, 138 en 1998, 157 en 1999, soit 384 au total. Nous devrions titulariser les 227 qui restent en lan 2000. Des moyens ont été dégagés sur le budget 1999 pour mettre en uvre la loi relative à la délinquance sexuelle. Mais cela ne concerne pas le seul ministère de la justice. En ce qui concerne le palais de justice de Paris, tout le monde est maintenant daccord pour dire que de la cour dappel, de la Cour de cassation et du tribunal de grande instance, cest ce dernier qui quittera lîle de la Cité. Sur les 90 000 m² du site, il en occupe 40 000 et il en manque 60 000. Les magistrats travaillent dans des locaux extérieurs loués qui sont coûteux et où la sécurité est insuffisante. Jai étudié la question avec les magistrats et mon collègue du Budget. Nous avons plusieurs sites en vue, dont la ZAC du XIIIe arrondissement, envisagée par mon prédécesseur (Rires). Dans ce cas également il y avait des études techniques mais pas de financement. M. Patrick Devedjian : Nous étions pauvres. Mme la Garde des Sceaux : Je ne peux évidemment prendre seule la décision dengager une opération de plusieurs milliards. Je travaille dans la perspective du prochain collectif budgétaire et jai bon espoir daboutir. M. Patrick Devedjian : Sagit-il bien de 2 milliards ? Mme la Garde des Sceaux : 2 milliards à 2,5 milliards. Ce qui coûte cher la première année cest le foncier. Nous avons donc cherché des terrains appartenant à lÉtat pour diminuer cette charge. Par la suite, nous pourrons assurer plus facilement le financement sur les crédits du ministère, avec un étalement. M. Pascal Clément : Quelles sont les différentes hypothèses ? Mme la Garde des Sceaux : Il y en a plusieurs pas beaucoup dailleurs. Vous comprendrez que je réserve ma réponse. Ce choix ne différera dailleurs pas la décision, et je le répète, jespère obtenir une décision dans la prochaine loi de finances. M. Georges Sarre : Jai deux questions portant sur la prison, en commençant par la sortie. Lors dune visite de nuit avec le SAMU social de Paris, jai constaté quil était fréquent quon libère des prisonniers la nuit, notamment des jeunes, avec tous les problèmes que vous pouvez imaginer. Ce nest pas acceptable. Comment y remédier et dans quels délais ? Sagissant de lentrée en prison, je voudrais évoquer le cas du citoyen Papon. Comment a-t-on pu en arriver là ? Pourquoi na-t-il pas été placé sous contrôle judiciaire ce qui permettrait de savoir où il se trouve ? Les associations danciens résistants et de déportés sinquiètent. Serge et Arno Klarsfeld ont fait plusieurs démarches. Je métonne que le dossier soit resté pendant. Dautre part, concernant le fichier ADN, je trouve légitime de prendre toutes les précautions pour que des sadiques et des détraqués ne retrouvent pas la liberté sans que leur nom soit inscrit dans un fichier. Presque tous les pays ont adopté cette méthode et en sont satisfaits. Il faut protéger les droits de lhomme. Je souhaite que le Gouvernement prenne une décision dans ce domaine. M. Jacky Darne : Vous avez déjà répondu, Madame la Garde des Sceaux à la plupart de mes préoccupations, mais je veux revenir sur le système pénitentiaire. En effet, quand on rencontre les représentants des syndicats et les responsables de lObservatoire international des prisons, quand on visite les établissements, on ne peut manquer de relever un certain nombre de problèmes. Tout dabord, lorganisation des visites de familles et leur accueil ne sont pas satisfaisants. Par ailleurs, les conditions du cantinage et des travaux confiés aux prisonniers varient considérablement dun établissement à lautre de même que les moyens destinés à préparer la sortie, notamment la formation professionnelle, dont on sait pourtant quils sont primordiaux. On peut également regretter linsuffisance de lencadrement au moment où les détenus quittent la prison et retournent, le plus souvent, vers leur territoire dorigine. Un travail social renforcé éviterait sans doute les récidives. Les surveillants se déclarent souvent incapables daccueillir les jeunes des quartiers difficiles. Une véritable formation simposerait donc, afin quils puissent sadapter aux nouveaux types de délinquants. On peut regretter les changements daffectation trop fréquents des juges des enfants, souvent sans quils laient demandé et après deux ans seulement dans un poste ; cela ne facilite pas leur travail. Ces juges doivent en outre traiter un trop grand nombre de dossiers, ce qui les empêche de les suivre dans de bonnes conditions. Je déplore, comme dautres, les délais dattente trop longs devant la chambre sociale de la cour dappel comme devant les conseils de prudhommes. En effet, des décisions trop tardives ne peuvent être exécutées. Il me semble par ailleurs quun trop grand nombre de ministères est souvent appelé à intervenir. Cela se vérifie en particulier dans lobtention des documents didentité pour les personnes dorigine étrangère, mais aussi dans les enquêtes sur le blanchiment dargent. La multiplication des intervenants nuit à lefficacité de la politique pénale. M. Robert Pandraud : Ne pourriez-vous, Madame la Garde des Sceaux, revoir en profondeur les modalités dobtention des certificats de nationalité. Il sagit en effet aujourdhui dun véritable parcours du combattant, dautant que nul ne sait où sont situés les greffes des tribunaux dinstance. Pourquoi ne pas confier cette tâche aux préfets, représentants du Gouvernement, bien sûr sous votre autorité ? Jaimerais par ailleurs connaître le nombre de magistrats qui sont actuellement en congé de longue durée et en congé de maternité, ce qui fait perdre de nombreuses heures de travail, ainsi que le nombre de congés liés à des maladies mentales, précision qui contribuerait à létude psychologique de cette catégorie socio-professionnelle. Enfin je regrette que trop dinstructions et de procès soient conduits sans que lon mesure leur impact financier. Le souci de ne pas gaspiller largent des contribuables semble trop peu présent. Saura-t-on un jour ce quà coûté laffaire des paillotes, à coup denvois dexperts sur les lieux et de transferts des prévenus de Paris à Ajaccio ? Sans doute y aurait-il de quoi construire dix très beaux restaurants en Corse ou de quoi payer le traitement du juge dinstruction pendant des années Vraiment, largent public pourrait être mieux utilisé quà de telles parodies. Mme Nicole Feidt : Vous nous avez fait part, Madame la Garde des Sceaux, de vos intentions en matière de construction et de rénovation des établissements. Jaimerais savoir si la gestion des établissements publics pourra être mixte entre privé et public et à qui incombera la compétence de la santé. On sait que le fait de côtoyer, au cours de leur incarcération, des délinquants confirmés accroît le risque de récidive chez les primo-délinquants. Il me semble donc que les peines aménagées comme la semi-liberté, les chantiers extérieurs, le placement sous surveillance ne sont pas assez développées. Les moyens qui leur sont consacrés sont-ils suffisants ? Les structures daccueil pour mineurs sont souvent utilisées par la protection judiciaire de la jeunesse en matière pénale, mais il semble que lon ny recoure pas suffisamment en matière civile. Il faut pourtant absolument rechercher toutes les solutions alternatives à lincarcération. Le partenariat entre la protection judiciaire de la jeunesse et laide sociale à lenfance des départements progresse-t-il ? M. Jean Pontier : Je souhaite insister sur les problèmes de la protection judiciaire. Bien sûr, des moyens exceptionnels sont dégagés pour faire face à lurgence sociale quest la délinquance des mineurs, mais un temps dadaptation sera nécessaire avant quils soient effectivement déployés. Ne pourrait-on imaginer, comme on la fait dans les années 1950 pour léducation surveillée, dembaucher comme contractuels des gens de talent, peut-être sous-diplômés, mais capables de rendre service immédiatement et qui pourraient être intégrés ultérieurement par la voie de la formation ? Je souhaiterais par ailleurs que lon fasse un point complet sur les unités à encadrement éducatif renforcé et sur les centres de placement immédiat. Plus globalement, où en sont les départements en matière de protection judiciaire ? LObservatoire a en effet montré une judiciarisation du système de protection de lenfance avec 189 849 mesures judiciaires daction éducative en milieu ouvert. M. Claude Hoarau : Tous les collègues ont salué laugmentation de ce budget et jaurais envie de me joindre à lenthousiasme du vote solennel. Mais une question demeure : quand fermera-t-on limmonde prison de Saint-Denis de la Réunion qui est une honte pour la République ? Quand construira-t-on un nouvel établissement ? Vous annoncez, Madame la Garde des Sceaux, cinq prisons nouvelles pour lan prochain, mais pourquoi celle-ci nest-elle pas une priorité ? Dès 1995, les services dhygiène du ministère concluaient à la nécessité de la fermer. Il y a un an, vous répondiez à M. Tamaya que la reconstruction ne figurait pas dans le programme actuel. Lurgence a été soulignée lan dernier mais cette priorité na pas été retenue, lurgence est à nouveau soulignée cette année et la priorité nest toujours pas retenue. Un terrain avait été choisi, situé à quinze minutes de la cour dappel et de la cour dassises, mais les atermoiements devraient conduire à en choisir un autre. Pourquoi accepte-t-on à la Réunion ce que lon naccepte pour la population carcérale de la métropole ? Existe-t-il des citoyens de la République de seconde zone ? Cette honte doit disparaître. Il faut que vous engagiez de toute urgence la construction de la nouvelle prison de Saint-Denis. Jai entendu la réponse que vous avez faite il y a quelques jours à Huguette Bello. Elle visite, aujourdhui encore, en compagnie dElie Hoarau, les prisons de la Réunion afin que soit prise en compte la demande des Réunionnais et du personnel qui nen peut plus. Jai pris acte de votre volonté davancer mais jattends maintenant la programmation rapide de la construction. Nos collègues de la commission des lois, qui se sont déplacés à la Réunion, nous ont apporté leur soutien. Jaimerais que notre ténacité soit récompensée dans les meilleurs délais. M. Jérôme Lambert : Les délais sont toujours trop longs, de plus certains jugements mis en délibéré sont rendus avant même davoir été rédigés, ce qui est contraire à la loi. Malgré les importants moyens apportés par le Gouvernement actuel, la justice doit faire face à laccroissement des affaires. Celui-ci nétant pas lié à laugmentation de la population, quelles raisons voyez-vous, Madame la Garde des Sceaux, à cette judiciarisation de la vie et des rapports humains ? Y discernez-vous une dérive qui pourrait trouver réponse hors du champ de votre ministère ? M. André Gerin : Lordonnance de 1945 relative à la délinquance des mineurs avait cette vertu fondamentale quelle sinscrivait dans une démarche éducative. Elle na jamais été appliquée dans sa totalité. Il faut résister au harcèlement textuel et judiciaire, cest-à-dire rechercher des solutions alternatives à la détention. Les mineurs délinquants, notamment les récidivistes, doivent être pris en charge dans des conditions plus humaines, afin de favoriser leur réinsertion dans la société. Les collectivités doivent sengager au plus près du terrain sur cette question, sans quoi nous préparons des lendemains douloureux. Se pose aussi la question de la responsabilité des parents, des institutions, de lexemplarité. Il faut combattre lindividualisme, et penser en termes éducatifs, afin que ces jeunes fassent lapprentissage de la responsabilité. M. René Dosière : Japprécie votre préoccupation, Madame la ministre, daméliorer le fonctionnement de la justice, et japprouve le renforcement de linspection générale. Comme dans toute administration, on constate des dysfonctionnements : des dossiers se perdent, certains magistrats ont une activité réduite Mais les dysfonctionnements de votre administration sont plus médiatisés que les autres, si bien que lopinion a limpression quils ne sont pas corrigés. Dailleurs, qui est responsable ? Le procureur général, les juges, les greffiers ? Comment allez-vous remédier à ces problèmes ? M. Bruno Le Roux : Des décisions ont été prises au cours des conseils de la sécurité intérieure de juin 1998 et de janvier 1999. Je minterroge sur leur mise en uvre. Existe-t-il des obstacles qui pourraient vous empêcher datteindre vos objectifs ? Par ailleurs, ce sont en général les communes qui ont le plus besoin de moyens supplémentaires qui peuvent le moins participer aux efforts budgétaires. Sagissant de la protection judiciaire de la jeunesse, il sera difficile de recruter, de former et dinstaller des fonctionnaires dans un délai court. Avez-vous constitué une structure de pilotage ? Mme la Présidente : Cet échange, Madame la Garde des Sceaux, montre la satisfaction des parlementaires quant à votre budget, mais aussi les attentes accrues que nourrit laugmentation des moyens. Mme la Garde des Sceaux : Je nai pas répondu tout à lheure à M. Tourret sur lexécution de plein droit : nous allons réactiver le groupe de travail que présidait M. Canivet avant de changer dattributions. M. Sarre a évoqué le problème des libérations tardives. En théorie, les personnes concernées peuvent rester dans les établissements pénitentiaires, mais ce nest évidemment pas une solution (Sourires). Nous préparons donc une convention avec la Croix Rouge pour laccueil de ces personnes. Sagissant de la délinquance sexuelle, le fichier ADN a été transmis à la CNIL. Dès que celle-ci aura rendu son avis, le Conseil dEtat sera saisi et le décret publié. Il nous a fallu réaliser un important travail interministériel et jai bon espoir quil aboutisse rapidement. Jen viens à laffaire Papon. Quelques jours après le début du procès, la cour dassises de la Gironde a décidé de mettre M. Papon en liberté, ce qui a ensuite interdit de le placer sous contrôle judiciaire, cette procédure étant une alternative à la détention provisoire. Il semble que M. Papon ne se constituera pas prisonnier. Dans ce cas, son pourvoi en cassation tombera et nous disposerons dune base légale pour faire exécuter le jugement qui le condamne à dix ans de réclusion criminelle pour crime contre lhumanité. Inutile de dire que jai déjà envoyé des instructions au procureur général de Bordeaux qui devra, dans lhypothèse que jévoque, agir avec la plus grande diligence. M. Léonetti en a profité pour souligner que, moi aussi, je donnais des instructions aux magistrats. Ne confondons pas tout : il ne sagit pas en loccurrence de dévier le cours de la justice, mais de faire exécuter un jugement. Il y a quelques mois, par exemple, jai ordonné à un procureur de mettre en liberté quelquun qui était maintenu en prison à tort. Dans laffaire Papon, la Cour de cassation rendra sa décision demain matin, sauf si elle accepte dentrer dans le débat ouvert par la Cour européenne de justice, pour laquelle on ne peut demander, comme nous le faisons en France, aux justiciables de se constituer prisonniers avant lexamen de leur recours en cassation. Les avocats de M. Papon ont introduit un recours sur ce point, mais un tel recours nest pas suspensif, non plus quune demande de grâce présidentielle. Dans tous les cas, la décision sera notifiée à M. Papon. Sil nest pas là, lordre de larrêter sera diffusé au plan national et international. Il serait particulièrement choquant que M. Papon puisse se soustraire à la justice, lui qui a bâti son système de défense sur largument quil avait « servi lEtat ». Jacky Darne a évoqué la détention des mineurs. Il faut sen tenir à lordonnance de 1945, qui comporte certes un volet éducatif, mais qui autorise aussi la détention : en matière criminelle pour les 13-18 ans et en matière correctionnelle également pour les 16-18 ans. Il faut améliorer la prise en charge des mineurs, et cest pourquoi nous tâcherons daugmenter les crédits des centres de placement immédiat et des centres déducation des mineurs. Lutter contre le blanchiment des capitaux, jy travaille depuis deux ans. Avant que M. Strauss-Kahn et moi-même abordions ensemble ce problème, la justice nutilisait pas les informations dont disposent les établissements financiers, tenus de se montrer vigilants à légard des dépôts anonymes. Hier, à Moscou, sest tenue la réunion du G8, au cours de laquelle jai abordé cette question. Notre priorité est ladoption définitive de la convention de Vienne relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, qui donnera à tous les pays signataires une définition commune du crime organisé et un système analogue de sanctions. Les décisions prises au sommet de Tampere sont bonnes. Il nous faut bâtir Europol. Avec la Grande-Bretagne, nous avons décidé hier de mettre en place un groupe de travail réunissant les ministères de la justice, de lintérieur et des finances des deux pays. Les Américains, quant à eux, ont beaucoup évolué sur cette question. Ils nous soupçonnaient de vouloir réglementer de manière déguisée les marchés internationaux. Mais je leur ai indiqué quon ne pourrait lutter efficacement contre le crime organisé sans le frapper au cur, cest-à-dire empêcher le blanchiment. A Tampere, la France a proposé de renforcer le contrôle des centres offshore, détablir une liste des territoires délinquants et détudier comment certains instruments juridiques et commerciaux ont pu être dévoyés. En outre, une réunion des ministres de la justice, de lintérieur et des finances doit être organisée au niveau de lUnion européenne. Il faudra la préparer soigneusement. Comme lont indiqué MM. Darne et Pandraud, les certificats de nationalité française nous posent de gros problèmes. Nous avons décidé dinscrire en marge des actes de naissance toute première délivrance de certificat de nationalité. Jai diffusé fin 1998 une circulaire aux juridictions pour les amener à tenir compte de la possession détat de Français par la carte délecteur, laccomplissement du service national, le statut de fonctionnaire, etc. plutôt que dobliger à rechercher les actes civils des parents et grands-parents, ce qui est particulièrement difficile quand ils sont nés à létranger. Lapplication de cette circulaire devrait éviter des recherches interminables qui aboutissent à des situations absurdes. M. Robert Pandraud : Le citoyen de base ne sait pas toujours où sont les tribunaux dinstance et les greffes ! Mme la Garde des Sceaux : On ne peut pas fonctionner uniquement avec les préfectures et les sous-préfectures. En ce qui concerne le coût des procédures judiciaires, les procédures les plus spectaculaires ne sont pas forcément les plus onéreuses. Les déplacements de magistrats et de greffiers ne représentent que 0,25 % des frais de justice pénale et sont en baisse régulière. Nous ne voulons pas de justice expéditive, surtout dans ce domaine. Mme Feidt, nous avons demandé un rapport à M. Pradier sur la gestion des services de santé pénitentiaire : il a conclu en faveur de la gestion mixte et, avec ma collègue Dominique Gillot, nous nous orientons plutôt vers cette solution. M. Pontier, nous avons recruté 50 contractuels ; on ne peut pas aller trop loin car il faut pouvoir ensuite intégrer ces personnes. En ce qui concerne la prison de Saint-Denis, le problème est que dautres établissements pénitentiaires sont dans une situation comparable. On ne peut pas résoudre tout à la fois. M. Gerin a eu raison de rappeler le principe de lordonnance de 1945 et la nécessité délargir la responsabilité à tous les acteurs. La judiciarisation évoquée par M. Lambert est un fait réel. Nous travaillons à développer la conciliation, la médiation, la transaction. Je reviendrai plus longuement sur la responsabilité pénale des élus à loccasion dun autre débat ; jai demandé à une commission spécialisée de me fournir un rapport dici la fin de lannée. M. Léonetti a évoqué les préoccupantes pertes de documents dans certaines juridictions. Je ne laisserai pas ces événements sans suite. A Marseille, nous savons quil y a eu une erreur des services et jai demandé au procureur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour quelle ne se renouvelle pas. A Nice, beaucoup de rumeurs courent depuis des années ; deux enquêtes préliminaires de la police nont pas donné de résultat et linspection des services judiciaires na pas non plus découvert de preuves. Il a fallu larrivée dun nouveau procureur pour que nous ayons des indications plus précises. Je lai reçu et, sur la base de son rapport écrit, des moyens seront donnés pour remédier aux dysfonctionnements et prendre déventuelles mesures disciplinaires. Sur la question de la responsabilité des magistrats soulevée par M. Dosière, je pense que nous devons progresser. Déjà lensemble des textes que jai présentés contiennent des dispositions qui facilitent la mise en jeu de la responsabilité professionnelle des magistrats. En ce qui concerne leur responsabilité disciplinaire et déontologique, la loi organique sur le statut de la magistrature contiendra plusieurs dispositions : création dune commission dexamen des plaintes des justiciables, limitation du temps dexercice de la fonction de chef de juridiction, mobilité accrue, possibilité de saisine du CSM, publicité des audiences disciplinaires du CSM, redéfinition des sanctions, responsabilité financière de lEtat en cas de dysfonctionnement de la justice nous en discutons avec Bercy réforme de linspection générale des services judiciaires. En un an, jai saisi 15 fois le CSM sur des faits très divers, allant de la conduite en état divresse au non-respect du secret professionnel, à lutilisation abusive de la liberté de parole pour attaquer des tiers, etc. Je lai fait souvent sur le rapport des chefs de cour, qui ont eux-mêmes lancé une cinquantaine davertissements. Cest donc une question que nous suivons de très près. * * * Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République a émis un avis favorable à ladoption des crédits de la justice pour 2000 concernant ladministration centrale et les services judiciaires. ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES REÇUES PAR LE RAPPORTEUR Association des greffiers en chef des tribunaux dinstance et de police ; Association professionnelle des magistrats ; Fédération FO de ladministration générale de lEtat ; Fédération justice CFDT ; Syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires ; Syndicat des greffiers de France ; Syndicat de la juridiction administrative ; Syndicat de la magistrature ; Union syndicale autonome justice ; Union syndicale des magistrats ; Union syndicale des magistrats administratifs. ____________ N°1865-V. - Avis de M. Jacques Floch, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Administration centrale et services judiciaires. - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires - Cliquez ici pour retourner à la liste des discussions budgétaires
() Le compte rendu intégral de cette audition, qui était ouverte au public, sera annexé au Journal Officiel (Débats parlementaires) du 9 novembre 1999. |