N° 2625

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    ONZIÈME LÉGISLATURE

    Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2000.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2001 (n° 2585)

TOME V

ÉDUCATION NATIONALE

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

PAR M. Yves Durand,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir le numéro : 2624 (annexe n° 17).

Lois de finances

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; M. André Aschieri, Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Danielle Bousquet, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Yves Durand, M. René Dutin, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, M. Guy Hermier, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M. Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Armand Jung, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M. Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri, M. Yves Nicolin, M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Jean-Pierre Pernot, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, Mme Catherine Picard, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Préel, M. Alfred Recours, M. Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Joseph Rossignol, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Patrick Sève, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET EN FORTE PROGRESSION 7

A. LES MOYENS NOUVEAUX EN PERSONNELS 7

B. LES MOYENS NOUVEAUX POUR LE FONCTIONNEMENT ET LES INTERVENTIONS 9

II.- DE L'ACCROISSEMENT DES MOYENS À L'APPROFONDISSEMENT DES POLITIQUES 11

A. GARDER LA PRIORITÉ À L'ÉDUCATION PRIORITAIRE 12

B. FAIRE UN BON USAGE DE LA CARTE SCOLAIRE 15

C. APPLIQUER LE PRINCIPE DE LA GRATUITÉ 16

CONCLUSION 19

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

A. AUDITION DES MINISTRES 21

B. EXAMEN DES CRÉDITS 45

INTRODUCTION

Conformément à l'usage en vigueur au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le présent avis ne décrira pas longuement les crédits de l'enseignement scolaire dans le projet de budget pour 2001, ces crédits faisant l'objet d'une analyse détaillée dans le rapport spécial établi au nom de la commission des finances.

En revanche, le rapporteur estime que le contrôle du Parlement doit davantage s'attacher à la transparence dans l'utilisation des moyens. Il en donnera trois illustrations dans la seconde partie de ce rapport.

I.- UN BUDGET EN FORTE PROGRESSION

Les crédits de l'enseignement scolaire se montent, dans le projet de loi de finances pour 2001, à 331,9 milliards de francs, soit 50,6 milliards d'euros. A structures constantes, le budget s'établit à 317,1 milliards de francs, soit une augmentation de 2,82 % par rapport aux dotations inscrites en loi de finances initiale pour 2000, progression nettement supérieure à celle du budget général de l'Etat.

Le projet comporte deux grandes priorités : l'emploi, d'une part, les crédits de fonctionnement et d'intervention, d'autre part.

    A. LES MOYENS NOUVEAUX EN PERSONNELS

Le projet de budget pour 2001 prévoit la création soit au 1er janvier, soit à la rentrée scolaire prochaine, de 12 838 emplois budgétaires, chiffre sans équivalent depuis plus de dix ans : 11 163 enseignants ou assimilés, 1 675 non enseignants.

Les emplois d'enseignants ou assimilés permettront :

      - de répartir entre les académies des moyens supplémentaires pour résorber les inégalités de dotation (800 professeurs des écoles, 570 enseignants du second degré, 30 personnels de direction) ;

      - d'engager la transformation d'heures supplémentaires en emplois (18 000 heures transformées en 600 emplois de certifiés et 400 emplois de professeur de lycée professionnel - PLP) ;

      - de consolider des surnombres autorisés en 1994 et 1995 (1 338 enseignants du second degré, dont 46 personnels de direction) ;

      - de poursuivre la résorption de l'emploi précaire (3 000 emplois financés, en partie, par la suppression de crédits correspondant à la rémunération d'enseignants non titulaires) ;

      - de faire face aux départs à la retraite d'enseignants du premier degré (4 125 emplois de professeur des écoles stagiaire) ;

      - de consolider 300 emplois de chef de travaux au titre de la réforme de l'enseignement professionnel.

Le coût de ces créations s'élève à 1,126 milliard de francs. En outre, des crédits nouveaux permettront de consolider le recrutement de 1 000 surveillants (MI/SE) prévu par le collectif budgétaire 2000, d'assurer celui de 700 assistants de langue supplémentaires et de prendre en charge 111 nouveaux instituteurs à Mayotte, afin d'y faire face au fort accroissement de la population scolaire.

L'effort en faveur des personnels ATOSS (administratifs, techniques, ouvriers, de service et de santé) et médico-sociaux est également sans précédent depuis 1990. Le rapporteur, qui avait constamment demandé dans ses rapports des années antérieures une telle montée en puissance, ne peut que s'en féliciter.

Les 1 675 emplois créés se répartissent ainsi :

      - 1 330 emplois d'ATOSS (625 personnels administratifs, 705 personnels techniques) ;

      - 300 emplois de personnels médico-sociaux (50 médecins, 150 infirmiers et 100 assistants de service social) ;

      - 45 emplois d'inspection.

Il s'y ajoute des moyens supplémentaires, à hauteur de 92 millions de francs, pour améliorer la suppléance des personnels ATOSS (739 équivalents temps plein) et augmenter le nombre des vacations des services de santé scolaire (290 ETP).

Le projet de budget comporte également d'importantes mesures catégorielles qui permettent de poursuivre la mise en _uvre de plans antérieurs, notamment le plan Jospin, et de revaloriser la situation des personnels, en particulier les personnels de direction et d'inspection.

Ces mesures, qui bénéficient d'une ouverture de crédits de 1,2 milliard de francs, portent sur :

      - les enseignants du premier degré : poursuite du plan d'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, création de 500 emplois de professeur des écoles hors classe et création d'une indemnité pour les enseignants assurant une fonction de formateur ;

      - les enseignants du second degré : consolidation des mesures prises en loi de finances rectificative au titre de la réforme de l'enseignement professionnel, réduction des obligations de service des PLP affectés en section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), achèvement du plan d'intégration des conseillers d'éducation dans le corps des conseillers principaux d'éducation et poursuite du plan d'intégration des PEGC et chargés d'éducation physique dans les corps des certifiés et professeurs d'EPS ;

      - les personnels de direction : mise en _uvre d'un plan de revalorisation échelonné sur quatre ans qui se traduira par la création d'un corps unique des personnels de direction et l'amélioration des perspectives de carrière, redéfinition de leurs responsabilités et ouverture du recrutement à des personnels non enseignants ;

      - les personnels d'inspection : amélioration du déroulement de carrière indiciaire ;

      - les personnels ATOSS, notamment ceux de la catégorie C : poursuite du plan d'intégration des agents administratifs dans le corps des adjoints administratifs, revalorisation de 27 % des indemnités des personnels ouvriers et de service.

    B. LES MOYENS NOUVEAUX POUR LE FONCTIONNEMENT ET LES INTERVENTIONS

Les crédits de personnel n'absorbent pas la totalité de l'effort budgétaire en faveur de l'enseignement scolaire, puisque les dotations consacrées au fonctionnement et aux interventions bénéficient d'une forte augmentation, de près d'1 milliard de francs, soit pour accompagner les réformes pédagogiques, soit pour financer des mesures à caractère social, soit pour remettre progressivement les moyens à niveau.

Le projet de budget comporte des moyens nouveaux dans trois domaines prioritaires :

      - les nouvelles technologies de l'information et de la communication, pour lesquelles sont prévus 90 millions de francs de crédits supplémentaires ;

      - l'apprentissage des langues vivantes, avec l'objectif de généraliser à la rentrée 2001 l'enseignement d'une langue en CM1, et l'enseignement des sciences à l'école : 60 millions de francs sont prévus à cet effet, soit un doublement des crédits consacrés à ces actions ;

      - la formation artistique et culturelle (263 millions de francs de crédits nouveaux).

Plusieurs mesures nouvelles à caractère social sont financées dans le projet de loi de finances pour 2001 :

      - le plan « Handiscol », qui prévoit de porter sur trois ans à 50 000 le nombre d'élèves handicapés accueillis en milieu scolaire ordinaire, bénéficie d'un crédit de 57 millions de francs en vue de permettre l'acquisition par les établissements d'équipements adaptés ;

      - l'extension des « bourses de mérite » à la classe de première (10 000 bourses pour un coût de 42 millions de francs) ;

      - le doublement de la prime d'équipement versée aux familles des élèves de lycées professionnels ;

      - la consolidation de la mesure inscrite en loi de finances rectificative pour assurer la gratuité du carnet de correspondances au collège.

En outre, un effort particulier sera fait en faveur des dépenses de fonctionnement des services, notamment des services déconcentrés. 115 millions de francs sont prévus à cet effet, dont 60 millions de francs seront consacrés à l'amélioration de l'équipement informatique.

Les crédits d'intervention autres que ceux consacrés aux bourses sont majorés de 225 millions de francs.

Enfin, il est prévu l'ouverture de 265 millions de francs d'autorisations de programmes, en partie au titre des contrats de plan Etat-régions, pour l'équipement en matériels pédagogiques des lycées et collèges, notamment des lycées professionnels.

Selon le ministère, ces mesures préfigurent les grandes orientations du plan pluriannuel de développement et de modernisation du système éducatif dont l'objectif est d'améliorer certains aspects de son fonctionnement pour contribuer à la réussite de tous les élèves.

II.- DE L'ACCROISSEMENT DES MOYENS À L'APPROFONDISSEMENT DES POLITIQUES

L'éducation nationale reste une priorité du Gouvernement.

Après le collectif de printemps qui, pour la première fois depuis 1981, était pour partie consacré à l'éducation, l'accroissement des crédits de l'enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 2001 traduit à l'évidence une volonté politique que le rapporteur approuve et soutient.

Le renforcement des moyens constitue une indiscutable nécessité : l'école de la Nation doit être celle de la réussite personnelle, professionnelle et sociale. Cet effort ne peut produire ses fruits qu'à une condition : d'être poursuivi dans la durée. Le budget de l'éducation nationale a bénéficié depuis trois ans d'une attention constante. Son évolution à moyen terme doit désormais s'inscrire dans une programmation pluriannuelle, dont le Premier ministre a posé le principe en mars dernier.

Toutefois, l'accroissement du budget ne saurait être considéré comme une fin en soi, il convient de s'interroger sur son affectation et, au-delà, sur l'efficacité de la dépense d'éducation.

Une telle interrogation est légitime. Il ne s'agit pas de verser dans des clichés tels que le prétendu « tonneau des Danaïdes » que serait le budget de l'éducation. Il ne s'agit pas non plus de se lamenter sur le poids des dépenses de rémunération qui, comme le rappelle la monographie de la Cour des Comptes sur l'exécution du budget de l'enseignement scolaire, représentent 96 % des dépenses de l'Etat dans ce secteur. En revanche, il convient de mesurer l'efficacité de cet effort financier à l'aune de ses résultats, en ce qui concerne le niveau et la qualité de la formation, la vie à l'école et sa relation avec la cité. On ne peut que saluer sur ce point la création récente du haut conseil de l'évaluation qui devrait faire progresser l'évaluation du système éducatif.

Tout budget est l'expression d'une politique. L'éducation est le sujet d'un débat politique qui ne saurait se résumer à une querelle quelque peu absconse entre partisans de la « pédagogie » et tenants de la « transmission des savoirs ».

L'école n'est pas une affaire de spécialistes, mais un enjeu citoyen. La politique d'éducation n'est pas séparable d'autres politiques qui touchent à la formation tout au long de la vie, à l'aménagement du territoire et à la ville. L'école de la République est au service d'un objectif : l'égalité des chances. Est-il possible de se satisfaire à cet égard du constat récemment mis en lumière par l'INSEE, selon lequel l'échec scolaire reste déterminé par le revenu des parents ?

L'égalité des chances comprend par ailleurs non seulement l'égalité républicaine entre les personnes, mais aussi entre les territoires. Enfin, elle doit respecter l'un de ses principes fondateurs : la gratuité.

Le rapporteur souhaite examiner cette relation à travers deux exemples significatifs : la politique des ZEP et la lutte contre les inégalités d'une part, la question de la carte scolaire d'autre part. Nous conclurons sur les perspectives à tracer concernant la gratuité.

    A. GARDER LA PRIORITÉ À L'ÉDUCATION PRIORITAIRE

La politique d'éducation prioritaire, née en 1981 du constat des difficultés du collège unique, représente une bonne pratique de « discrimination positive » : à la conception d'une école uniforme sur tout le territoire, on substitue dans des zones particulièrement défavorisées, déterminées en fonction de critères essentiellement sociaux, celle d'une école dont les objectifs et les exigences demeurent les mêmes pour tous, mais qui dispose de moyens supplémentaires et dont les modalités de fonctionnement diffèrent selon les besoins et selon les lieux. La philosophie des ZEP (zones d'éducation prioritaires) est souvent résumée par la formule « donner plus et surtout mieux à ceux qui ont le moins » et donc à ceux pour qui l'éducation est la seule chance d'intégration puis de réussite sociale.

Dès juin 1997, la déclaration de politique générale du Premier ministre a marqué la volonté du Gouvernement de relancer l'éducation prioritaire, puisque M. Lionel Jospin affirmait : « Dans les établissements scolaires, il faut donner plus de moyens lorsque la tâche est plus difficile, encadrer davantage lorsque la contrainte sociale est plus grande. L'égalité, oui, mais qui respecte la diversité. Je demande donc que des moyens supplémentaires soient mobilisés, dès la prochaine rentrée scolaire, pour les zones d'éducation prioritaires ». Cet engagement s'est rapidement traduit dans les faits.

Dès septembre 1997, a été publié un rapport analysant la situation des ZEP et dressant un bilan de cette politique en matière de réussite scolaire.

En 1998, ont été organisés des forums régionaux débouchant, en juin, sur des assises nationales de l'éducation prioritaire qui ont rassemblé, à Rouen, plus de deux mille participants.

Par la suite, plusieurs circulaires ont assuré la relance de l'éducation prioritaire, parmi lesquelles la circulaire du 10 juillet 1998 sur la mise en place des réseaux d'éducation prioritaires (REP) et des contrats de réussite. En février 1999, a été présentée la nouvelle carte de l'éducation prioritaire, qui se traduit par une extension sensible du « territoire » de celle-ci, puisqu'entre les rentrées scolaires 1997 et 1999 il s'est accru de plus de 40 % et regroupe ainsi 7 000 écoles, un millier de collèges et plus de 150 lycées, notamment professionnels, soit près d'un million sept cent mille élèves à la rentrée 1999. Au total, à l'occasion de cette révision, 640 établissements sont sortis de la carte et 1 613 y sont entrés. De 4 ZEP dans l'académie de Limoges à 94 pour Créteil et 98 dans l'académie de Lille, la géographie de l'éducation prioritaire, concentrée dans les grandes villes, varie selon les particularités régionales et constitue un bon reflet des difficultés sociales et économiques des territoires.

Il est, dès lors, difficile, voire dangereux, de dresser un bilan global de la politique prioritaire, car celle-ci est plus ou moins efficace selon les régions. C'est d'ailleurs l'une des principales conclusions du rapport de septembre 1997. Le succès suppose la conjonction de moyens nouveaux et de véritables projets scolaires.

Les moyens existent, sans conteste, même s'il est difficile de les apprécier précisément, en l'absence d'enveloppe spécifique au sein du budget de l'éducation nationale et compte tenu du caractère évolutif du dispositif, de sa logique de projets et de partenariats. Depuis trois ans, plusieurs mesures nouvelles des lois de finances successives ont bénéficié ou vont, en 2001, bénéficier en priorité aux ZEP : crédits pédagogiques plus importants, créations d'emplois (MI/SE, aides-éducateurs), amélioration du suivi sanitaire et social des élèves scolarisés en ZEP. En outre, un ensemble de mesures indemnitaires, mais aussi statutaires, permet de reconnaître l'engagement des personnels affectés en ZEP. Dans le second degré, s'appliquent également des mesures relatives au mouvement : dans le système de mouvement national déconcentré en vigueur depuis la rentrée de 1999, au cours de la phase intra-académique, le recteur a la faculté de définir des postes à exigences particulières (PEP), après avis des comités techniques paritaires académiques, selon une typologie nationale. Ainsi, la déconcentration du mouvement des personnels du second degré, qui avait fait l'objet du rapport pour avis de notre commission sur le projet de loi de finances pour 2000, renforce encore l'efficacité de l'éducation prioritaire en privilégiant la proximité et la parfaite connaissance des besoins. Les PEP 1ère catégorie, liés aux conditions d'exercice, comprennent notamment les établissements situés en ZEP. Ils peuvent être valorisés par l'attribution de bonifications.

Compte tenu de ces éléments, il est difficile d'évaluer avec précision le coût de l'éducation prioritaire. Certaines études, à considérer avec précaution, aboutissaient, pour l'année 1998-1999, donc avant l'extension de la carte des ZEP, à un surcoût d'au moins 2,6 milliards de francs. Selon le ministère, on peut estimer qu'un élève de ZEP mobilise un effort financier de l'ordre de 10 % à 15 % supérieur à un élève moyen hors ZEP. Le collégien de ZEP bénéficie ainsi de 8,6 % d'heures d'enseignants de plus que le collégien non scolarisé en ZEP. Dans tous les niveaux d'enseignement, les classes de ZEP ou de REP comptent en moyenne près de deux élèves de moins que les classes ordinaires. Un enseignant de collège de ZEP ou de REP a en charge en moyenne 21,4 élèves alors qu'il en a 23,2 dans les autres collèges publics.

Au-delà de ces chiffres globaux, comment mettre fin à une situation choquante, dans laquelle certaines ZEP marchent, et d'autres non ? Le rapporteur formulera deux propositions.

La première est d'approfondir le lien entre politique d'éducation prioritaire et politique de la ville. C'est d'ailleurs à cela que tendait la mise en réseau des ZEP à travers les REP.

En zone prioritaire encore moins qu'ailleurs, les établissements scolaires ne peuvent être isolés de leur environnement, de leur quartier, ils ne sont pas des « sanctuaires ». Or, la politique de la ville suppose une approche globale qui ne se limite pas à l'injection d'argent public pour atténuer la défaillance économique et sociale. Le plan de prévention et de lutte contre la violence mis en _uvre depuis 1998 est exemplaire de la démarche à suivre : la focalisation sur un petit nombre de sites, là où il y a des problèmes particuliers, a été préférée à des mesures plus spectaculaires, mais trop générales et donc peu efficaces. La même approche doit être retenue pour d'autres aspects de la vie scolaire.

La seconde proposition touche au contenu même de l'enseignement, aux méthodes et à la pédagogie.

Les élèves en ZEP méritent davantage d'attention, davantage de disponibilité de la part des enseignants. Il ne suffit pas de dire que les ZEP seront un terrain privilégié d'application des travaux personnels encadrés. Il ne suffit pas non plus de donner aux enseignants en ZEP des stimulants matériels, essentiellement sous forme d'indemnités. Il conviendrait de leur donner aussi des moyens supplémentaires en temps pour mieux préparer leurs cours, mais aussi pour vivre davantage au sein de l'établissement, en dehors de leurs heures d'enseignement. Le concept « d'équipe éducative » doit, dans les ZEP, prendre toute sa signification et la concertation régulière entre enseignants, autour du chef d'établissement, constitue une priorité. Une telle obligation devrait être inscrite dans les maxima de service des enseignants en ZEP.

En outre, le succès de l'éducation prioritaire suppose une certaine permanence des équipes pédagogiques. Celle-ci n'est pas toujours assurée, car trop souvent ce sont les nouveaux titulaires qui sont affectés en ZEP sans l'avoir choisi et souhaitent en partir rapidement. Les zones d'éducation prioritaire ne doivent pas être des zones d'attente. Elles doivent, au contraire, être de véritables « zones d'excellence », susceptibles d'attirer les meilleurs enseignants. Mme Ségolène Royal s'était assigné un objectif ambitieux : que tous les enseignants passent, au moins une fois au cours de leur carrière, par les ZEP. Cet objectif est à maintenir, il ne saurait être abandonné sous le fallacieux prétexte d'obstacles d'ordre statutaire. Le rapporteur ajoute une condition : que ce passage en ZEP ne soit pas un passage-éclair.

L'éducation prioritaire est une idée forte, une idée républicaine parce qu'elle fait vivre quotidiennement dans les collèges et les écoles l'exigence de la solidarité. Il en va de même pour la carte scolaire.

    B. FAIRE UN BON USAGE DE LA CARTE SCOLAIRE

Le spectre du « consumérisme » hante notre système éducatif.

Il est, certes, normal que les parents recherchent, pour leurs enfants, le meilleur niveau d'éducation possible. Cela ne doit pas pour autant conduire à une conception concurrentielle, faisant de l'école un lieu de reproduction des inégalités, de ségrégation au sein de classes « ethniques ». L'école républicaine doit demeurer l'école de l'égalité des chances et, pour ce faire, rester un lieu de brassage social.

Dire cela n'aboutit pas à réfuter la logique de l'évaluation, bien au contraire. Celle-ci est indispensable, à condition d'être menée à partir de critères clairs et objectifs, ce qui n'est pas le cas lorsque sont publiés dans certaines revues, sans excès d'explications, des « classements » de lycées.

La carte scolaire va à l'encontre de la vision consumériste de l'école. Il est regrettable que certains parents la considèrent encore comme une contrainte inutile, un instrument rigide auquel il convient, presque par principe, de chercher à déroger. En réalité, elle est l'instrument privilégié pour assurer une répartition équitable des moyens du service public sur l'ensemble du territoire national.

Le rapporteur rappelle que, dans le premier degré, cette répartition se fait selon une approche essentiellement académique, en prenant en compte la démographie scolaire, la structure du réseau à partir de ratios postes/effectifs départementaux, ainsi que des critères qualitatifs (disparités sociales, ruralité ...). Ensuite, à l'échelon local, les recteurs ont l'entière maîtrise de la répartition interdépartementale des dotations académiques, ce qui se traduit inévitablement chaque année par des décisions de fermeture et d'ouverture de classes. Ces modifications à la carte scolaire s'effectuent à partir de critères objectifs de choix qui permettent d'ajuster les priorités de chaque département non pas à des « normes » nationales qui n'existent pas, mais aux priorités nationales telles que le maintien du réseau public d'éducation en milieu rural ou le renforcement des ZEP.

Dans le second degré, la carte scolaire doit répondre à un objectif de justice sociale et territoriale, mais aussi permettre des orientations positives et la régulation des effectifs dans les classes et les établissements. L'affectation des élèves y est soumise à la règle dite de « sectorisation », qui répond au principe d'égalité des citoyens devant le service public. Elle signifie que chaque élève doit être scolarisé dans l'établissement dépendant de l'aire géographique où se situe son domicile. Des dérogations peuvent être accordées par l'inspecteur d'académie, en fonction de données familiales particulières, lorsque des élèves résident à la limite de la zone de recrutement de deux secteurs ou lorsque les options ou spécialités choisies ne sont pas offertes dans un établissement de leur secteur. Les changements d'affectation se réalisent dans la mesure où il y a des places vacantes, après l'admission des élèves effectivement domiciliés dans le secteur.

Il convient également de mener une politique visant à corriger les écarts de dotations, entre les académies, en emplois, mais aussi en heures supplémentaires d'enseignement. Ces écarts peuvent s'expliquer par les aléas de prévision d'effectifs, par l'utilisation, dans certains établissements, de personnels en sureffectif, mais aussi par la nécessité de ne pas procéder, par exemple dans les académies rurales, à des mesures brutales qui auraient des conséquences sociales dommageables. Au cours des dernières années, lors de la préparation de chaque rentrée scolaire, le ministère a encouragé une démarche tendant à mesurer les écarts de dotation entre les académies, à évaluer les besoins pour l'accueil des élèves prévus à la rentrée suivante et à pondérer entre les académies la couverture de ces besoins. Cette démarche a, selon le ministère, « permis de resserrer significativement les écarts de dotation entre les académies : à la rentrée scolaire 1999, ils se situaient dans une fourchette de quatre points environ en France métropolitaine ».

Une telle politique montre à l'évidence que, pour être efficace et acceptée, la carte scolaire doit s'inscrire dans une perspective pluriannuelle. Loin d'être un exercice intellectuel obligé, la programmation engagée par le Premier ministre au printemps répond à une impérieuse nécessité. Le rapporteur souhaite que le ministère lui accorde toute l'attention requise et qu'il informe précisément la Représentation nationale sur les modalités d'élaboration et sur le contenu de cette programmation.

    C. APPLIQUER LE PRINCIPE DE LA GRATUITÉ

L'école de la République est laïque, obligatoire et gratuite. Or, ce dernier principe a subi, dans la période récente, quelques entorses et la gratuité n'est souvent que théorique.

Certes, des mesures permettent d'atténuer, pour les familles, les coûts liés aux achats obligatoires lors de la rentrée scolaire : la forte augmentation, depuis trois ans, de l'allocation de rentrée est particulièrement bienvenue. En revanche, il existe un coût propre au service public éducatif, que ces allocations ne sont pas destinées à couvrir : achat de livres scolaires et de matériels divers, restauration scolaire, participation à certaines activités encadrées. Ces dépenses sont particulièrement sensibles pour les familles modestes, elles sont plus élevées, parfois de manière scandaleuse, dans les lycées professionnels, dont les élèves sont plus souvent originaires de milieux défavorisés.

Des améliorations ont été récemment apportées, à l'initiative du Gouvernement (décret du 19 juillet 2000, autorisant la modulation des prix de la restauration scolaire pour les élèves de l'enseignement public, en fonction des revenus des parents) ou de certaines collectivités territoriales (généralisation du système de prêt de livres scolaires, décidée par plusieurs conseils régionaux). Il convient aussi de rappeler que le projet de loi de finances pour 2001 consolide certaines mesures à caractère social qui figuraient dans le collectif de printemps : gratuité des carnets de correspondance dans le second degré, extension des bourses de mérite.

Toutes ces initiatives vont dans le bon sens et doivent être approuvées. Elles n'en demeurent pas moins parcellaires. Le rapporteur souhaite que soit engagée une réflexion globale sur le respect du principe de gratuité, à partir de deux idées. Il est, certes, nécessaire d'effectuer un effort financier supplémentaire dans certains secteurs, notamment l'enseignement professionnel. Toutefois, l'essentiel est de modifier l'état d'esprit de certains responsables et de certains enseignants : les changements de programmes trop fréquents ne permettent pas d'élaborer une véritable politique du livre scolaire et il est clair que les exigences en matière d'achats de matériels sont parfois excessives.

L'éducation doit échapper autant que faire se peut à la logique de consommation, elle est un service public. L'école n'est pas une marchandise.

CONCLUSION

Le budget de l'enseignement scolaire pour 2001 est sans conteste un bon budget. L'allocation d'importants moyens supplémentaires permettra de conforter le climat serein qui a permis le bon déroulement de la rentrée scolaire 2000.

Il convient désormais de mettre à profit cette sérénité pour poursuivre et approfondir les nécessaires réformes engagées depuis trois ans. Le rapporteur en a donné trois exemples, la relance de l'éducation prioritaire, la carte scolaire et le principe de la gratuité, mais il aurait pu évoquer d'autres sujets. Ainsi, la déconcentration, engagée avec la réforme du mouvement, doit se poursuivre à travers une réflexion sur les concours de recrutement et sur la contractualisation des relations entre les académies et l'administration centrale.

L'école de la République a besoin de moyens, elle les a et il faut s'en réjouir. Elle a aussi besoin d'évoluer pour s'adapter et répondre ainsi aux exigences nouvelles provoquées par l'arrivée massive de publics scolaires de plus en plus hétérogènes. Malgré la crise et le chômage, l'école a su ouvrir grandes ses portes à tous les enfants jusqu'à 16 ans, alors même qu'elle était contestée dans son monopole de la transmission du savoir. La massification de l'enseignement est une réussite. La démocratisation est maintenant le grand enjeu.

En tout cas, nous savons qu'aucun système marchand ne peut remplacer l'école de la République pour permettre l'égalité des chances et apporter l'épanouissement à chaque individu.

C'est dans cette attente forte que le rapporteur propose de donner un avis favorable aux crédits de l'enseignement scolaire pour 2001.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

    A. AUDITION DES MINISTRES

La commission a entendu M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, et M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale chargé de l'enseignement professionnel, sur les crédits de l'enseignement scolaire pour 2001 au cours de sa séance du mardi 31 octobre 2000.

M. Jean le Garrec, président : Messieurs les ministres, je suis très heureux de vous accueillir pour la deuxième fois devant cette commission. Je vous propose de nous présenter un bref exposé liminaire, puis nous passerons à la phase des questions et réponses.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale : Ce projet de budget est l'expression d'une volonté publique forte, et j'espère que nous avons été assez convaincants pour présenter un document qui permette d'entreprendre l'ensemble des changements qui sont en cours aujourd'hui : réforme des lycées, réforme des collègues, transformation de l'école, modernisation de l'université, formation des enseignants, renouvellement du mode d'élaboration des programmes, perspectives pour les prochaines années, etc.

Le projet de budget pour 2001 marque un certain infléchissement par rapport aux années précédentes. Tout d'abord, il comporte des créations d'emplois dont je vous laisse juges de l'importance et de la répartition. Je parlerai simplement, à titre d'exemple, de ce qui est prévu pour l'enseignement primaire : alors que depuis de nombreuses années aucun emploi n'avait été créé en écoles maternelles ou primaires, nous vous proposons d'accepter la création de 800 emplois, ainsi que celle de 4 000 postes de stagiaires.

Vous avez, ensuite, sans doute noté, pour l'enseignement secondaire - aussi bien pour l'enseignement général que pour l'enseignement professionnel-, la création de 1 900 emplois.

Enfin, nous créons 1 675 postes d'ATOS, attendus depuis très longtemps, auxquels s'ajoutent la consolidation de 1 000 postes de maîtres d'internat et surveillants d'externat. Cela correspond à notre volonté de renforcer l'encadrement, à la fois pour assurer la paix dans les établissements scolaires et pour permettre aux professeurs et aux équipes pédagogiques d'assurer pleinement leurs missions.

Toujours à propos de l'enseignement scolaire, nous nous sommes beaucoup battus en faveur de l'augmentation des crédits pédagogiques. On l'a dit et redit, le budget de ce ministère est un budget d'emplois ; or trop souvent, à de nombreuses reprises et sous différents gouvernements, l'on a sacrifié les crédits pédagogiques, et notamment les crédits d'innovations pédagogiques. L'effort accompli cette année est relativement important et se décompose en plusieurs lignes : certaines concernent les nouvelles technologies de l'information et de la communication, d'autres concernent les langues vivantes et la rénovation de l'enseignement des sciences à l'école primaire, d'autres encore sont relatives la formation artistique et culturelle. Le total des mesures nouvelles représente un montant de 459 millions de francs, soit une augmentation de 29 % par rapport à l'année dernière.

Un ministère aussi important que celui de l'éducation nationale réclame une mobilisation à chaque niveau de l'administration, aussi nous vous proposons d'accepter un effort particulier pour les chefs d'établissement, concernant notamment leur statut, leurs indemnisations, ainsi qu'un certain nombre de mesures relatives au corps d'inspection qui mérite d'être mieux soutenu par le Gouvernement.

D'autres mesures concernent la gratuité - notamment pour les collèges - et les handicapés qui bénéficient d'une mesure importante contenue dans le plan « Handiscol » proposé par le Premier ministre. Les mesures sociales ne sont pas négligeables et concernent en particulier les bourses. Enfin, nous avons pris un ensemble de mesures concernant le fonctionnement du service de l'éducation nationale ; contrairement à la légende qui a été propagée ici ou là, il s'agit d'un ministère qui, malheureusement, ne bénéficie pas toujours du financement et du personnel nécessaires, et à Paris et localement, pour répondre à l'attente de l'ensemble de la communauté éducative.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme vous le savez, le budget global de l'éducation nationale ne distingue pas les lignes concernant l'enseignement professionnel. Toutefois, la création de ce ministère correspond à une prise de conscience du fait que les jeunes concernés représentent la moitié d'une classe d'âge. C'est la raison pour laquelle il paraît utile de signaler les efforts réalisés, à un moment où nous nous trouvons dans une situation contradictoire. Contradiction que nous devons régler - c'est une attente du pays -, car elle se caractérise par une pénurie d'emplois qualifiés et par une hémorragie d'effectifs qui nous conduit à constater que les deux tiers de la baisse de la classe d'âge sont répercutés sur l'enseignement professionnel. Il convient donc d'avoir une action qui renverse cette tendance, et dans cette action intervient la question des moyens.

L'enseignement professionnel aura accès à l'ensemble des mesures annoncées par le ministre de l'éducation nationale, qu'il s'agisse des 700 assistants de langue, des crédits pédagogiques ou du personnel non enseignant.

En ce qui concerne l'enseignement lui-même, un effort important est réalisé depuis dix ans dans la création de postes budgétaires. Nous allons, en 2001, en créer 2 140, en partie pour résorber la précarité qui s'était développée de manière excessive dans cette voie d'enseignement en relation avec des prévisions à la baisse d'emplois qui ne correspondaient pas à la réalité. L'intérêt collectif est que ces emplois précaires soient stabilisés, nous nous y employons donc.

Il y aura tout de même des emplois nouveaux, mais il ne s'agit pas là de la question la plus vitale pour l'enseignement professionnel : nous disposons en effet du meilleur taux d'encadrement de l'enseignement secondaire. Il s'agit davantage de mieux organiser les effectifs, de mieux les répartir.

J'attire votre attention sur le fait que ces 2 140 emplois correspondent à 20 % des créations d'emplois d'enseignants inscrites au budget global, et à 37 % des créations d'emplois du second degré.

Un effort substantiel est également réalisé en vue de l'amélioration de la qualité pédagogique des enseignements, notamment en ce qui concerne le suivi des périodes en entreprises, qui maintenant est une obligation de service de l'ensemble des enseignants des lycées professionnels. Bien entendu, ce type de mesure à un coût : 297 millions de francs.

Par ailleurs, nous avons également accompli un effort en faveur des heures de soutien en français et en mathématiques ; c'est en effet grâce à ces acquis fondamentaux que se joue une bonne partie de la formation de nos jeunes. Au total, le montant des crédits d'enseignement s'élève à 550 millions de francs.

Par ailleurs, nous prenons notre part en ce qui concerne la gratuité, et la prime d'équipement est doublée : elle passe de 1 100 francs à 2 200 francs, dans un secteur où l'on compte plus de 60 % d'élèves boursiers.

Enfin, nous prenons des mesures de bonne gestion, prévoyantes de l'avenir pédagogique de nos établissements : sept filières de BTS vont être entièrement rénovées en matière d'équipement - et vous n'ignorez pas l'importance de ce type de formation dans notre pays. Il est donc important de maintenir le niveau des BTS et de bien l'intégrer dans la demande de la production, qui est une demande de main-d'_uvre qualifiée.

M. Jean Le Garrec, président : M. Yves Durand, rapporteur pour avis, aura l'occasion de souligner la qualité de votre budget. Pour ce qui me concerne, je voudrais insister sur quelques points importants : l'augmentation des crédits pédagogiques, qui est une mesure extrêmement significative ; le problème des aides-éducateurs en fin de contrat emploi-jeune ; le contenu de la programmation pluriannuelle des moyens annoncés par le Premier ministre ; la réforme des collèges et, enfin, les mesures de lutte contre la violence.

Je voudrais également souligner l'effort réalisé en ce qui concerne les infirmières et les médecins, au moment où l'on débat de l'intérêt de la pilule du lendemain dans les établissements scolaires.

Monsieur Mélenchon, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les sept filières de BTS entièrement rénovées, ainsi que sur les propositions relatives à l'orientation précoce des élèves par âge et par filière ? Enfin, pouvez-vous également nous apporter quelques éléments sur la réflexion concernant la rétribution des élèves des lycées professionnels lors de leur passage en entreprise ?

M. Yves Durand, rapporteur pour avis : Notre commission va, à l'issue de cette audition, donner un avis sur le premier budget de la Nation. Cela n'est pas négligeable sur le plan tant budgétaire que politique. Personnellement, je me réjouis du fait que depuis trois ans le budget de l'éducation nationale montre la volonté de faire porter l'effort principal de la Nation sur l'éducation.

Je ne m'attarderai pas sur les chiffres de ce budget, je n'en tirerai que deux caractéristiques essentielles. Premièrement : l'augmentation importante des crédits d'enseignement. Traditionnellement, le budget de l'éducation nationale est avant tout un budget de personnels. Cette année, l'effort a été porté non seulement sur une augmentation non négligeable du personnel - enseignant et non-enseignant -, mais également sur les crédits d'enseignement, c'est-à-dire sur les moyens mis à disposition des enseignants pour remplir leurs missions. J'y vois là un élément nouveau et favorable pour optimiser la création des postes.

Seconde caractéristique : l'augmentation du nombre de personnels ATOS, avec plus de 1 600 emplois supplémentaires. L'année dernière, lors de mon intervention à la tribune, j'avais insisté sur la nécessité de combler ce déficit en personnel ATOS ; j'y vois donc un vrai début de réponse dont je me félicite. Il s'agit de personnels adultes dans l'établissement qui doivent faire partie de l'équipe éducative aux côtés des enseignants.

Messieurs les ministres, je vous poserai trois questions, qui touchent toutes à un principe, celui de l'égalité des chances et ferai trois réflexions.

Ma première question concerne l'éducation prioritaire, qui est l'un des grands mouvements mis en place par Alain Savary, rappelé par le Premier ministre et qui constitue aujourd'hui l'un des éléments de cette égalité des chances. J'ouvre une parenthèse, mais on ne peut pas ne pas réagir ou se poser des questions lorsqu'on lit le récent rapport de l'INSEE relatif à l'inégalité des élèves - inégalité qui serait croissante. L'éducation prioritaire est l'une des réponses mais je sais que son évaluation - du point de vue budgétaire - est difficile à réaliser, car elle est diluée dans un certain nombre de masses. Cependant, nous devons entamer une réflexion relative aux méthodes qu'il convient d'appliquer à l'éducation prioritaire, notamment en ce qui concerne la rémunération ; ne devons-nous pas avancer l'idée que les enseignants qui travaillent en zones prioritaires ont autant besoin d'horaires souples que d'indemnités ? Par ailleurs, la stabilité des équipes enseignantes, notamment dans les collèges, est absolument nécessaire ; or elle fait défaut dans les zones d'éducation prioritaire.

Ma deuxième question est relative à la carte scolaire. Elle constitue traditionnellement un sujet difficile, notamment pour les recteurs et les inspecteurs d'académie, ainsi que pour les parents, bien entendu. C'est la raison pour laquelle vous avez confirmé l'existence d'un groupe de travail, dont la dernière réunion se tiendra le 9 novembre, sur l'application et les critères de la carte scolaire. Je ne sais pas si la commission me suivra sur ce point, mais je suis persuadé que, malgré ses imperfections et ses difficultés d'application, la carte scolaire est un facteur essentiel et irremplaçable de mixité sociale. Supprimer cette carte faciliterait la tâche à la fois des enseignants et des parents, mais ce serait là une main tendue au consumérisme scolaire que condamnent toux ceux qui sont attachés à l'école républicaine.

Troisièmement, le problème de la gratuité. L'école est laïque, gratuite et obligatoire. Or elle est de plus en plus gratuite, et je note, dans ce budget, un certain nombre d'avancées non négligeables, notamment la consolidation de mesures contenues dans le collectif budgétaire de juin dernier. Bien entendu, nous pouvons toujours aller plus loin, notamment en ce qui concerne les livres et la restauration qui grèvent particulièrement le budget des familles.

Voici maintenant mes trois réflexions. La première concerne la réforme du collège, mais le président y a fait allusion tout à l'heure, je n'insisterai donc pas.

Deuxièmement, comment réagissez-vous à la proposition de M. Pierre Mauroy s'agissant de la mise à disposition des personnels d'entretien des collèges et des lycées auprès des collectivités territoriales, propriétaires des bâtiments ? Il s'agit d'un sujet sensible qui justifie une grande prudence, et peut-être même une grande discrétion pour l'instant. Néanmoins, un certain nombre d'interlocuteurs que nous avons rencontrés ne sont pas hostiles à ce qu'une réflexion soit menée sur ce sujet.

Enfin, ma troisième réflexion concerne la gestion pluriannuelle du recrutement. D'abord parce qu'elle est inscrite dans la loi de 1989, et ensuite parce qu'elle a été rappelée par le Premier ministre et que nous l'avions réclamée, rapport budgétaire après rapport budgétaire.

M. Bernard Perrut : Messieurs les ministres, nous ne devons pas, en abordant l'examen de ce projet de budget, nous limiter à une approche comptable qui ne nous permettrait pas d'avoir une vision réaliste des objectifs définis. Nous devons nous tourner vers une politique de résultats qui n'existe pas forcément pour l'instant ; en effet, malgré les efforts réalisés par les gouvernements successifs, l'on constate que le nombre d'illettrés reste constant, voire progresse - entre 5 et 10 % des élèves entrant en sixième ne maîtrisent ni la lecture ni le calcul. Quels efforts supplémentaires pourrions-nous faire ? Malgré les moyens dont nous disposons chaque année, nous sommes incapables de résoudre ce problème. Je me pose donc la question : s'agit-il vraiment d'un manque de moyens ? Ne s'agit-il pas plutôt d'un phénomène de "mal administration" ?

Messieurs les ministres, quel est votre sentiment sur le rapport du sénateur Gouteyron qui fait état d'une certaine surestimation permanente des besoins en personnels de l'éducation nationale ? Le ministère rémunèrerait 10 000 enseignants en dehors de tout poste budgétaire et donc sans contrôle. Une étude sérieuse a-t-elle été menée afin que nous ayons une vision claire de ce phénomène ?

Je voudrais également parler de la violence à l'école. Vous avez mis en place, voilà quelques jours, un comité spécialement chargé de la lutte contre la violence : quelles sont ses missions ? Quel rôle va-t-il jouer au niveau départemental et des académies ?

En ce qui concerne le problème des handicapés, Mme Ségolène Royal avait annoncé un certain nombre de mesures pour améliorer la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés, notamment la mise en place du plan « Handiscol ». Où en sommes-nous du bilan d'application qui devait être réalisé ? Les groupes de travail promis sur l'enfance handicapée à l'âge de la maternelle ont-ils déjà été créés ou vont-ils l'être ? Je me demande si nous ne pouvons pas aller au-delà de ces mesures. Car malgré les crédits supplémentaires, de nombreuses familles viennent nous demander d'ouvrir l'école aux jeunes enfants handicapés mentaux : en effet, l'intégration individuelle au sein d'une classe ordinaire est très difficile et le nombre de classes d'intégration est insuffisant, tout comme les unités pédagogiques d'intégration. Etes-vous prêts à aller plus loin, notamment avec la création de postes d'instituteurs spécialisés nécessaires à tous ces établissements ?

S'agissant des emplois-jeunes, les aides-éducateurs sont inquiets pour leur avenir et attendent une réponse très claire : certains vont-ils être maintenus dans des emplois plus spécialisés ? Comment les aider à évoluer au terme de leur contrat ? Je ne vous cache pas une certaine déception de leur part par rapport à ces emplois grâce auxquels ils espéraient une meilleure intégration dans le monde du travail.

En ce qui concerne l'enseignement musical, nous avions évoqué, dans le cadre de cette commission, la mise en place éventuelle d'une commission de travail entre le ministère de l'éducation nationale et celui de la culture chargée d'examiner le problème de la formation musicale à tous les niveaux - il s'agit là d'une compétence des communes qui assurent, par le biais d'éducateurs musicaux, cette formation. Où en sommes-nous ?

Enfin, je terminerai mon propos par une réflexion concernant les langues vivantes. Les mesures que vous avez annoncées me paraissent bonnes, mais je voudrais souligner le fait qu'un certain nombre de communes, qui ont déjà pris l'initiative d'appliquer cette mesure et prennent en charge la mise en place, dans les écoles, de l'apprentissage d'une langue vivante, se sont vu refuser toute aide, au motif qu'elles avaient déjà mis en place le système. En leur refusant cette aide, vous pénalisez ces communes qui ont fait l'effort d'intégrer une langue vivante dans leur budget avant les autres, ce qui est regrettable.

M. Bernard Outin : Messieurs les ministres, s'il est vrai que l'on ne peut se contenter d'une approche comptable, s'agissant de l'éducation, il n'en demeure pas moins que les milliards de francs sont une unité de mesure. Et il est bien commode de disposer d'une unité de mesure qui nous permette, après comparaison, de dire que l'éducation est l'une des priorités de ce gouvernement de la gauche plurielle.

Si les moyens sont nécessaires, la façon dont ils sont utilisés est importante ; or, messieurs les ministres, nous devons être vigilants. Le rapporteur a parlé de la carte scolaire ; pour ma part, je souhaiterais parler de la sectorisation et de l'annonce faite par le ministre de la fonction publique qui conduirait à permettre aux parents, par une déclaration sur l'honneur du lieu de leur domicile, de choisir leur école. Si cette annonce devait se concrétiser, la carte scolaire serait amenée à disparaître et l'on aboutirait à une très mauvaise utilisation des moyens du ministère de l'éducation nationale et de ceux qui sont mis à disposition par les collectivités territoriales.

En ce qui concerne les écoles primaires, une grève administrative des directrices et des directeurs d'école est, comme chaque année d'ailleurs, prévue. Il serait donc bon que soit engagée une réflexion sur leur véritable rôle, les tâches administratives s'étant sérieusement alourdies ces dernières années.

M. Jean-Pierre Baeumler : Les emplois créés permettront de répondre à de nombreux besoins, mais pas à la totalité, des choix seront donc nécessaires ; quels sont les choix que vous serez amenés à faire, notamment en ce qui concerne l'enseignement primaire, avec les moyens supplémentaires mis en place à travers ce budget ?

Ce budget permet la création d'emplois, la transformation d'heures supplémentaires et comporte des mesures de résorption de l'emploi précaire, mais il continue en même temps à faire appel à des listes complémentaires, à embaucher des contractuels et à financer un certain nombre de réformes par la création d'heures supplémentaires. Quelles réponses apportez-vous à cette apparente contradiction ?

En ce qui concerne les personnels, je voudrais souligner l'importance de la création de postes d'assistantes sociales et d'infirmières ; cependant, au-delà de la création de postes, il serait nécessaire de songer à l'amélioration du statut de ces personnels si l'on veut rendre ces postes attractifs.

Vous avez annoncé un certain nombre de mesures en faveur des langues vivantes, notamment à l'école primaire. Vous avez à ce sujet signé, il y a quelques jours, une convention avec le conseil régional d'Alsace, cette convention ouvre-t-elle des perspectives en faveur de l'enseignement des langues minoritaires ?

Enfin, M. Mélenchon a parlé de la baisse du nombre d'élèves s'orientant vers l'enseignement professionnel, baisse d'autant plus regrettable que, du fait de la reprise économique, nos entreprises ne trouvent plus de personnels qualifiés. Cela n'est-il pas le résultat d'une image déformée, voire négative, de l'enseignement professionnel ? Si oui, comment comptez-vous y remédier ?

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale : Messieurs les députés, le problème des aides-éducateurs doit avant tout être regardé de manière positive ; nous avons tendance, en France, dès qu'une question se pose à prendre un air accablé ! Il s'agit d'une décision heureuse prise par mon prédécesseur, Claude Allègre, qui avait créé quelques inquiétudes à l'époque, certains trouvant étrange l'arrivée de tous ces jeunes dans les collèges. Je pense que nous pourrons, lorsque nous dresserons le bilan de cette action, nous réjouir de l'apport éducatif de ces jeunes dans de nombreux établissements. Je me rends chaque semaine dans une académie différente, et je puis vous affirmer que l'apport de ces éducateurs est réellement précieux. Bien entendu, la question de leur avenir est posée. Il avait été clairement défini par la puissance publique qu'il s'agissait de contrats de cinq ans, et cela n'a pas changé. Je tiens tout de même à souligner que c'est la première fois qu'une administration propose des contrats d'une telle durée. Cependant, il est vrai que la question de leur insertion professionnelle dans d'autres activités n'est pas résolue pour tous, même si une série d'accords a été conclue avec des entreprises privées - d'autres sont prévus - pour offrir des emplois à ces jeunes éducateurs. Des perspectives d'emplois existent aussi dans d'autres administrations : j'ai signé avec M. Chevènement, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, une convention visant à offrir 8 000 à 9 000 postes dans la police à des jeunes éducateurs. Certains d'entre eux ont déjà choisi cette voie et ont commencé à passer des concours avec succès. Nous devons, par ailleurs, nous poser la question de savoir si certains métiers doivent être maintenus sous la forme de contrats plus durables ou si certains jeunes pourraient obtenir partiellement une validation du travail accompli leur permettant de préparer des concours. Enfin, j'ai demandé aux recteurs de mettre en place des cellules de formation permettant de dessiner des parcours individualisés pour les jeunes qui souhaitent être épaulés.

S'agissant du plan pluriannuel, la question est en pleine discussion entre les principaux responsables de l'Etat concernés, le ministère de l'économie et des finances, le Premier ministre...

En ce qui concerne la réforme des collèges, je suis prêt à revenir en parler devant vous, car nous ne disposons que de trois ou quatre mois pour y réfléchir. J'ai confié au recteur Philippe Joutard une mission d'exploration mais c'est un sujet sur lequel je travaille personnellement. Vos idées seront les bienvenues, et je vous propose d'organiser une réunion consacrée à ce sujet très important.

Autre point évoqué : la lutte contre la violence. J'ai en effet annoncé la mise en place d'un comité national de lutte contre la violence présidé par Mme Sonia Henrich qui a fait la preuve de son efficacité dans les postes qu'elle a assumés, notamment dans les Bouches-du-Rhône. Jean-Luc Mélenchon et moi-même avons d'ailleurs eu l'occasion de visiter un certain nombre d'établissements dans cette région où l'action de Mme Henrich est couronnée de succès et je me suis rendu la semaine dernière dans le collège Prévert à Marseille. Nous avons la conviction que lorsqu'on met au point une politique volontaire, il n'y aucune raison que la fatalité s'abatte sur tel ou tel quartier, sur tel ou tel collège ou lycée, et nous sommes décidés à éradiquer la violence. Cette volonté passe par des mesures qui, pour une part, relèvent de la politique globale du Gouvernement, et pour une autre de la politique particulière de l'éducation nationale. Indépendamment des mesures que nous pouvons prendre avec le ministère de l'intérieur, le ministère de la défense ou le ministère de la ville, nous faisons en sorte d'améliorer la pédagogie et de redonner aux jeunes confiance en eux, ce qui est le meilleur remède contre la violence. J'ai pu ainsi constater, au collège Prévert, que lorsque l'équipe pédagogique est engagée et que l'Etat met à sa disposition les moyens nécessaires - et croyez-moi, monsieur Perrut que dans ce cas, l'on voit à quel point les moyens sont utiles -, les jeunes trouvent la voie de leur insertion dans un système d'éducation moderne qui entend lutter contre la violence et les inégalités.

Monsieur le rapporteur a soulevé le problème de l'éducation prioritaire. Il serait en effet attristant de constater que, quelles que soient les mesures prises, les inégalités s'accroissent. Dieu merci, tel n'est pas le cas. Je vous ferai parvenir une étude très sérieuse conduite par M. Claude Thélot qui démontre de quelle manière la démocratisation, contrairement à une idée reçue, a été une source d'élévation du niveau général. Certes, les inégalités existent, je ne peux pas le nier, elles sont dans la société, mais les efforts accomplis par la nation depuis Alain Savary ont porté leurs fruits. Et je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, lorsque vous dites que la stabilité des équipes enseignantes dans les zones d'éducation prioritaire est nécessaire, car il s'agit là d'un facteur de réussite. Je vous rappelle que nous versons aux personnels qui travaillent dans ces zones une indemnité de 7 000 francs par an, que les incitations dans les barèmes de mutation - que j'avais introduites en 1992 - ont été améliorées afin que les enseignants restent au moins trois ans dans leur poste, et que nous avons pris une série d'actions d'accompagnement et de soutien - formation adaptée, aide de conseillers pédagogiques, prise en compte de l'enseignement en ZEP pour les promotions, notamment depuis 1998. Par ailleurs, je vous indique, que l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles concernera en 2001 l'accès à la hors classe du corps des professeurs des écoles. Voilà quelques exemples qui répondent, je l'espère, à votre attente. Nous devons donc encourager les mesures qui permettent la stabilité pendant au moins trois ans des enseignants. Au-delà de cette stabilité, c'est une culture d'établissement qui, malgré les changements, assure la réussite.

Il n'est pas question de remettre en cause la carte scolaire ! Nous devons la préserver dans son originalité afin d'assurer cette mixité à laquelle nous sommes attachés. Une question a été récemment soulevée à propos de ce qui est envisagé par le ministre de la fonction publique pour simplifier le fonctionnement de notre système administratif. L'idée d'une déclaration sur l'honneur qui se substituerait à un certificat de domiciliation a été évoquée. J'ai entendu ici ou là des réactions - les vôtres ce soir -, Jean-Luc Mélenchon et moi-même en avons parlé à Michel Sapin qui tend à penser que la personne concernée serait ainsi davantage engagée que par un simple certificat de domiciliation. Pour l'instant, le débat reste ouvert. Pour ce qui nous concerne, nous retiendrons la formule qui assure le maximum de garanties pour un minimum de bureaucratie.

Le problème des directeurs d'école est un sujet qui, d'année en année, a été renvoyé, évoqué, discuté et non traité. Je ne veux pas faire de polémique, mais je ne suis pas sûr que les choix faits antérieurement aient toujours été les plus rationnels. Néanmoins je me tourne vers le futur. Un groupe de travail a été constitué auprès du directeur de l'enseignement scolaire, pour la première fois, avec l'ensemble des partenaires. Des pistes ont été imaginées et explorées dans un esprit de responsabilité, et des négociations vont, dans les prochains jours, s'engager avec les organisations concernées. Si chacun y met du sien, si l'esprit de sagesse l'emporte, nous pourrons aboutir - du moins je l'espère. Cela étant dit, il est vrai que les directeurs d'école, notamment dans les agglomérations urbaines, assument des fonctions difficiles que l'on doit prendre en considération. Ils méritent respect et reconnaissance, et j'espère sincèrement que l'on aboutira à une conclusion pratique qui sera jugée satisfaisante par les uns et les autres.

La question de la gratuité n'est pas simple. Comme vous avez pu le noter, le projet de budget que nous vous proposons comporte deux mesures importantes : la première concerne la prime d'équipement, la seconde les carnets de correspondance dans les collèges. Pour tenter d'aboutir à une sorte d'harmonisation entre la politique de l'Etat et les politiques des collectivités locales, nous avons demandé à M. Bernard Toulemonde, personnalité respectée de l'éducation nationale, d'engager des pourparlers avec les uns et les autres - les associations de parents d'élèves, les syndicats d'enseignants, les représentants des collectivités locales. Il nous a fourni une première évaluation de son travail mais poursuit ses investigations, et je serai en mesure de vous en dire davantage d'ici à quelques semaines.

Le rapport de M. Pierre Mauroy ne saurait engager le Gouvernement et les ministres en charge de l'éducation nationale. Mais c'est une bonne chose, pour faire avancer la réflexion, qu'une personnalité soit chargée d'établir un rapport sur la décentralisation, dans lequel aucun sujet n'est interdit. Personnellement, je crois que l'on ne peut pas séparer la décentralisation, sur un tel sujet, de la conception que l'on se fait d'une politique publique de l'éducation nationale. Nous ne sommes pas au bout de nos réflexions. Je pense en particulier aux universités qui réclament une autonomie croissante en termes de responsabilité. Ce n'est pas seulement une question de droit, de compétences, de répartition de fonctions entre les uns et les autres, il s'agit réellement de la conception que l'on doit avoir de l'éducation nationale pour les dix prochaines années, et la réponse n'est certainement pas la même pour l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire, l'enseignement supérieur et l'enseignement professionnel.

Monsieur Perrut, vous avez évoqué un problème important : entre 5 et 10 % des élèves entrant en classe de sixième ne maîtriseraient ni la lecture ni le calcul. Les chiffres étant incertains, j'ai demandé de nouvelles études sur ce sujet. Pour gagner du temps, monsieur le député, permettez-moi de vous envoyer le document que j'ai établi au mois de juin dernier sur les transformations à apporter à l'école primaire et à l'école maternelle. Je suis convaincu que nous ne devons pas accepter cette fatalité ; nous avons le devoir de repêcher dès le plus jeune âge, à savoir dès la grande section de maternelle, les petits qui commencent à se noyer. Je me sens personnellement engagé dans ce combat, c'est la raison pour laquelle j'effectue en ce moment un tour de France afin de rencontrer les inspecteurs de l'éducation nationale, qui sont les plus proches des directeurs d'école et des instituteurs. Je leur passe à chacun ce message accompagné de mesures concrètes qui les aident à accomplir leur mission. L'acquisition de la lecture et de l'écriture est un combat prioritaire et je ne ménagerai ni mon temps ni ma peine pour aider les enseignants à le gagner.

En ce qui concerne la régularisation, je me garderai de toute polémique sur le passé. Mais vous seriez surpris, si nous devions décerner des bons et des mauvais points aux gouvernements qui ont créé en surnombre des postes sans autorisation budgétaire en bonne et due forme ! Aujourd'hui, la plupart des régularisations ont été effectuées. Le budget de 2001 est un budget de transparence sur ce point, puisque nous vous proposons de régulariser les emplois qui avaient été créés en surnombre en 1994 et 1995, à hauteur de 1 338 ; et nous souhaitons aller vers une totale transparence pour mettre fin à un système qui n'a que trop duré.

S'agissant du problème de l'intégration des handicapés, des mesures ont été engagées à partir notamment du plan établi par le Premier ministre, et le budget 2001 comporte une série de propositions, dont une mesure de 57 millions de francs inscrite au titre de la première tranche du plan « Handiscol ».

Enfin, en ce qui concerne les langues vivantes, le plan que nous avons arrêté est très volontaire : nous souhaitons rattraper à marche forcée notre retard. Cette année le plan concerne les classes de CM2, l'an prochain il concernera les classes de CM1. Quant aux communes qui ont déjà fait l'effort d'intégrer les langues vivantes à l'école primaire, je ne veux pas vous répondre à la légère, monsieur Perrut, je vous enverrai donc une réponse écrite.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel : La violence à l'école nous préoccupe tous et j'ai pu constater, depuis que je suis ministre, quelques faits dramatiques : un enseignant poignardé à Castres, des élèves faisant subir à leurs camarades des sévices des mois durant, dans l'est du pays. Je suis donc réellement confronté à cette question.

Jack Lang vous a dit l'essentiel de ce qu'il y avait à dire sur ce sujet, quant aux moyens et à l'état d'esprit. Cependant, je souhaiterais attirer votre attention sur le fait qu'il est possible que certaines méthodes pédagogiques, aient une influence non seulement sur le niveau de violence dans l'établissement, mais également, par répercussion, dans le quartier. Je vous citerai l'exemple du lycée professionnel de l'Estaque à Marseille où nous avons expérimenté un système de CAP modulable : au lieu de classer les enfants par CAP, ils sont répartis par matière et par niveau - sachant que l'on peut passer d'un groupe à l'autre. Cette méthode a été expérimentée non seulement en vue d'améliorer les résultats pédagogiques, mais également pour casser l'effet de bandes - qui venaient du quartier - dans l'établissement. Or c'est une réussite complète : le niveau de violence constatée est égal à zéro ! Et les jeunes qui ont fréquenté ces classes ont ensuite un autre comportement dans la vie.

Seconde précision que je souhaitais apporter sur ce sujet : l'apprentissage de la démocratie. Il convient de faire comprendre aux jeunes que l'on peut régler les problèmes autrement qu'à coups de couteau ou à coups de poing. Et je considère comme extrêmement important la création, dont nous avons assumé la généralisation cette année, des conseils de la vie lycéenne ; notamment dans l'enseignement professionnel où nous avons affaire, de manière plus que significative, à des jeunes gens majeurs. Ces conseils de la vie lycéenne, qui sont composés non pas des délégués de classe, mais des délégués de l'établissement élus au suffrage universel direct et prenant en charge l'ensemble des aspects de la vie de l'établissement, sont un apprentissage de la vie collective, de la norme, de la règle consentie et respectée par chacun. Bien entendu, nous n'en sommes qu'aux prémices, mais je suis fier de pouvoir vous dire que si la participation à ces élections, dans l'ensemble de l'enseignement secondaire, est de 45 %, elle atteint 54 % dans l'enseignement professionnel.

Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec la politique de résultats proposée par M. Perrut. Bien sûr, nous devons pointer du doigt ce qui ne va pas, mais nous devons aussi être capables d'apprécier ce qui va et essayer d'en tirer des enseignements. Je soutiens, comme Jack Lang, que les jeunes Français n'ont jamais été aussi bien formés qu'aujourd'hui ; si nous avons mis quatre vingt-cinq ans pour doubler le nombre de bacheliers, nous n'en avons mis que dix pour le doubler une seconde fois. En outre, nous avons fait tomber le nombre de jeunes qui sortent du système sans qualification, en quatre ans, de 104 000 à 65  000. Nous obtenons donc des résultats. Et cela est particulièrement vrai pour l'enseignement professionnel qui fournit aujourd'hui l'augmentation la plus dynamique du nombre de bacheliers dans le pays. Et l'année scolaire qui vient de s'achever a été l'une des meilleures, en dépit de certaines difficultés rencontrées en cours d'année.

Je répondrai maintenant rapidement à des questions très précises.

Comment remédier à l'image négative de l'enseignement professionnel ? Je ne ferai rien, car pour moi il ne s'agit pas d'une affaire d'image : ça marche ou ça ne marche pas. Je sais parfaitement bien que nous allons contre une culture ancestrale de mépris pour la culture technique et la culture du travail, et que nous sommes confrontés aux effets de la mémoire, de la souffrance au travail des classes ouvrières de notre pays. Il faut donc que ça marche, et pour cela, il faut répondre aux attentes des parents et des jeunes concernés. Il faut que l'enseignement, lorsqu'on vous confie un enfant, soit fluide ; s'il en a le talent, le jeune ira le plus loin possible. Il faut que l'enseignement soit crédible et lisible - et cela me renvoie à la question du président à laquelle je répondrai dans un instant. Et tout cela nous amène au problème de la gestion des flux ; il n'est pas possible de faire comme si l'on n'avait rien vu !

Monsieur le président, vous me demandez d'expliquer l'expérience que nous lançons sur "l'orientation précoce à 15 ans". En réalité, il ne s'agit pas d'orienter à 15 ans. Tout d'abord, nous avons voulu nous référer à autre chose qu'un palier de classe, tel que la cinquième ou la quatrième. Nous retenons donc l'âge, 15 ans, car à 16 ans cesse l'obligation scolaire. Nous pourrions hypocritement accepter que tout se règle par le départ en apprentissage ou l'évaporation dans l'emploi sans qualification. Mais nous choisissons de dire qu'à 15 ans, chaque jeune doit être correctement informé de l'offre de formations qui peut lui être faite par le système scolaire. Nous appelons cela, un peu pompeusement, je vous l'accorde, "un entretien de plan de carrière". Cela veut dire que chaque jeune, qu'il soit en classe de cinquième ou de première, a le droit de savoir de quel côté il peut se diriger et progresser. Actuellement, cinq académies mènent cette expérience - de façon un peu différente afin que nous puissions nous en faire une idée complète -, et ce dans un bassin d'emplois donné pour que nous puissions mesurer les résultats obtenus.

S'agissant des filières de BTS rénovées, je ne puis les évoquer dans le détail, mais elles concernent les métiers affectés par une grosse pénurie de main-d'_uvre, tels que le bâtiment - 32 sections de BTS dans le bâtiment sont rénovées en matériels pédagogiques.

Enfin, en ce qui concerne la rétribution des élèves en période de formation dans les entreprises, nous nous efforçons de faire avancer cette question.

M. Jean le Garrec, président : Messieurs les ministres, je vous remercie. Nous connaissons bien M. Claude Thélot qui travaille beaucoup avec nous en tant que rapporteur général de la sixième chambre de la Cour des comptes, et nous serions très intéressés par son étude.

Je vous propose de prendre sans attendre une dernière série de questions.

M. Jean-Paul Durieux : Messieurs les ministres, je serai bref et ne reviendrai que d'un mot sur l'attente qui nous est commune des programmations pluriannuelles des recrutements ; exercice terriblement difficile puisque de nombreux enseignants accèderont, dans les années à venir, à la retraite.

Nous avons parlé des aides-éducateurs. Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur le fait que nos établissements scolaires ont également utilisé, et parfois de façon importante, des contrats emploi-solidarité. Ces contrats étant en diminution, cela pose un problème pour ceux qui en sont titulaires et qui espèrent aller un peu plus loin. Mais cela pose également un problème pour les établissements qui se voient retirer, par exemple, à échéance de trois mois, dix contrats emploi-solidarité correspondant à cinq emplois ATOS à plein temps ; ils sont pénalisés par cette diminution de moyens.

Dans le domaine des langues étrangères, un effort considérable est réalisé, je n'insisterai pas. Je souhaiterais cependant avoir votre sentiment sur l'évolution, inexorable semble-t-il, d'une prééminence croissante de la langue anglaise. Y a-t-il une volonté de la part du Gouvernement de rééquilibrer l'apprentissage des langues étrangères ? Je formule exactement la même demande pour les langues anciennes qui sont amenées à disparaître.

Ma dernière interrogation concerne la vie lycéenne, qui est une excellente initiative. Je souhaiterais que les conseils de classe et les enseignants n'oublient pas l'engagement qu'un certain nombre de lycéens acceptent de prendre. J'ai en effet eu connaissance du cas d'un jeune pour qui le conseil de classe avait recommandé le redoublement, alors qu'il s'était fortement engagé à un moment où l'établissement était secoué par des vagues de violence. Ne pourrait-on pas, autant que possible, valoriser ce type d'engagement ?

M. Claude Goasguen : Messieurs les ministres, nous discutons ici du projet de loi de finances, mais également de l'éducation nationale, car nous avons hélas assez peu la possibilité de discuter des problèmes de l'éducation nationale devant l'Assemblée nationale. Je ne voudrais pas limiter mes remarques à une simple analyse quantitative du budget ; il faut également voir la réalité qualitative de l'application de ces belles quantités.

Il est vrai que si l'on regarde les deux chiffres phares de votre budget, la progression budgétaire est incontestable sur le plan quantitatif, la diminution démographique de 50 000 élèves n'entraînant pas une stagnation budgétaire. Mais l'approche qualitative fait cruellement défaut. Vous nous dites que jamais les jeunes Français n'ont été aussi bien formés. Or je possède des chiffres que l'on ne trouve pas dans le projet de loi de finances mais qui peuvent servir de référence, puisqu'ils proviennent des notes d'information publiées par le ministère de l'éducation nationale. Il y a quelques années, le niveau des élèves de sixième a été évalué, et nous avons désormais la possibilité de faire des comparaisons. Voici l'exemple d'une évaluation réalisée sur 2 500 élèves : en septembre 1997, 14,9 % des élèves de sixième ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture contre 20,7 % en septembre 1998. Ce qui veut dire que malgré les efforts quantitatifs, 6 % d'élèves supplémentaires, en un an, ne maîtrisaient pas la lecture. Toujours en 1997, 33,3 % des élèves de sixième ne maîtrisaient pas le calcul numérique ; ils étaient 38 % en 1998, soit 5 % de plus. Et pour ce qui concerne la géométrie, les chiffres sont encore plus terribles : 23,5 % en 1997, 38 % en 1998 ! Je constate, et je le regrette, que ces notes d'information sont moins précises sur ces points que par le passé. Je vais vous en lire un passage, qui montre, au fond, que ce ministère va devoir acquérir une culture de la transparence et de l'évaluation supérieure. Ce passage provient de la note d'information 0002 du mois de janvier 2000 : "... d'un point de vue méthodologique, on ne compare plus d'une année sur l'autre... Si un échantillon représentatif d'environ 2 500 élèves de sixième a été recueilli, c'est pour fournir aux enseignants des références nationales et ainsi éviter la construction d'indicatifs globaux dont la justification scientifique serait contestable." Ce qui veut dire en clair : "je ne veux plus publier les résultats bruts des évaluations".

Messieurs les ministres, il ne suffit pas de posséder un budget quantitativement solide, vous devez veiller pour l'avenir - et c'est un service que vous rendrez à l'ensemble de l'éducation nationale - à mettre en place une culture de l'évaluation et de la transparence afin que le débat sur l'éducation ne soit pas simplement un débat d'initiés, mais un véritable débat pour la Nation. Car c'est en faisant appel à la Nation que vous réussirez à établir une culture qualitative de l'éducation.

Au fond, Monsieur Lang, vos prédécesseurs étaient soit des quantitatifs, soit des structurels - je pense en particulier à un ministre récent qui pensait que tous les problèmes de l'éducation se limitaient à des problèmes de structures. Je souhaiterais que vous deveniez - ainsi que vos successeurs - un ministre du qualitatif, que vous nous expliquiez, chaque année, comment l'éducation nationale a progressé qualitativement. Or pour ce faire, monsieur le ministre, il n'y a pas d'autres solutions que l'évaluation et la transparence. Ma question est donc très précise : qu'envisagez-vous de proposer à l'Assemblée nationale sur les problèmes d'évaluation de nos structures éducatives, sujet sur lequel nous sommes complètement démunis ? Et notamment, monsieur le ministre, je voudrais qu'à partir des ces évaluations dont je subodore les résultats, vous nous disiez, lors de votre intervention en séance plénière, ce que vous envisagez de faire pour le collège qui reste, qu'on le veuille ou non, le point faible de notre système éducatif.

Je voudrais également dire à mes collègues, qui semblent vanter les plans pluriannuels de recrutement, qu'il convient d'examiner les problèmes juridiques et constitutionnels. Il est extrêmement difficile d'envisager des plans pluriannuels de recrutement de fonctionnaires sans changer l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances.

M. Jean-Pierre Pernot : Messieurs les ministres, vous nous proposez un bon budget 2001, dans la mesure où nous nous donnons les moyens de faire en sorte qu'il puisse s'inscrire dans le temps sur ce mode qualitatif auquel M. Goasguen vient de faire allusion. Nous souhaiterions d'ailleurs, toujours du point de vue qualitatif, que deux axes fondamentaux soient pris en considération : d'une part, l'égalité devant l'éducation sur le plan national, et, d'autre part, la prise en compte des structures institutionnelles - académies, représentants territoriaux - et de la spécificité de leurs problèmes et de leurs projets à travers une politique nationale ; il s'agirait là d'une façon efficace d'aborder la carte scolaire - en amont -, souhaitée par les syndicats d'enseignants et les associations de parents d'élèves.

J'ajouterai, messieurs les ministres, que vous avez quelques torts à redresser. Nos collègues de l'opposition qui viennent de prendre la parole ont sans doute la mémoire courte et quelque peu sélective, car nos départements manquent d'effectifs et ils réclament ici la réduction de ces mêmes effectifs ! Cela étant dit, je rejoins mon collègue Durieux lorsqu'il évoque le calendrier de travail relatif à la résorption des emplois précaires dans la fonction publique et aux prévisions d'embauche liées aux départs à la retraite - je pense en particulier aux CES.

La situation des directeurs d'école a été évoquée. Je voudrais m'attarder sur le plan de recrutement des assistantes sociales, pour vous signaler les difficultés à pourvoir les postes budgétés : comment comptez-vous résoudre ce problème ?

Cent cinquante emplois d'infirmières et cinquante emplois de médecins sont prévus, et c'est une bonne chose. Tout comme l'augmentation des dépenses de santé, d'ailleurs.

Pour ce qui concerne le collège, je rejoins les propos de mes collègues sur la nécessité de prendre en compte l'encadrement dans les collèges.

Je terminerai par l'enseignement professionnel, pour lequel on a parlé d'image négative. Je ne pense pas que l'on puisse changer l'image liée à l'enseignement professionnel, cependant, il convient d'agir pour valoriser les métiers concernés en partenariat avec les entreprises en terme d'information et d'image.

Mme Hélène Mignon : Messieurs les ministres, en ce qui concerne l'illettrisme, je suis entièrement satisfaite de la mise en place des programmes de dépistage de la dyslexie et de la dysphasie ; j'espère qu'ainsi le nombre d'enfants rencontrant des difficultés d'apprentissage de la lecture diminuera sensiblement.

S'agissant de la violence, qui apparaît dès la maternelle, j'ai été frappée de constater combien les élèves de primaire sont sensibilisés et veulent mener des actions en liaison avec les enseignants.

Je note avec regret le nombre insuffisant de classes-relais, en revanche, je relève avec satisfaction l'apparition de l'internat, très demandé par de nombreux chefs d'établissement.

Ce qui me préoccupe énormément, c'est l'exclusion de l'élève qui ne peut plus être toléré dans un établissement scolaire et qui va, de ce fait, semer la pagaille dans le quartier et à la sortie du collège. Si son exclusion devient définitive, il se retrouvera dans un établissement scolaire qui ne correspondra pas à ses souhaits. Si aucune réflexion n'est menée avec les acteurs de la ville, ce jeune partira à la dérive sans que personne ne s'en soucie. Et j'attire là votre attention sur le manque de travailleurs sociaux dans l'éducation nationale.

Monsieur Mélenchon, vous avez évoqué des expérimentations menées dans l'enseignement professionnel que je trouve très intéressantes. Mais il ne faut pas oublier que si la violence règne dans ce type d'établissement, c'est peut-être parce que les élèves qui s'y trouvent n'ont pas toujours été dirigés selon leurs envies et leurs capacités ; ils sont souvent envoyés là où il y a de la place. Ou quelquefois le choix est fait par les parents qui choisissent l'école proche de leur domicile ; ainsi, un jeune qui souhaitait apprendre la mécanique va se retrouver dans une section boucherie.

M. Pascal Terrasse : Messieurs les ministres, je souhaiterais tout d'abord revenir sur la problématique de l'intégration scolaire en milieu ordinaire des handicapés. J'ai eu l'occasion, à la demande du président Le Garrec, de mener une mission d'information sur la réforme de la loi de 1975 portant sur les institutions sociales et médico-sociales. A cette occasion, nous avons rencontré l'essentiel des associations gestionnaires d'établissements.

Or vous connaissez tous les difficultés qui existent entre, d'une part, les associations qui ont en charge l'animation, les lieux de vie, et d'autre part, les enseignants qui ont des responsabilités en matière pédagogique. Cette problématique n'est pas sans poser de réelles difficultés, car les enseignants, qui dépendent directement de l'éducation nationale, ne relèvent pas de la responsabilité des associations gestionnaires.

Par ailleurs, cela nous renvoie à une autre question importante. Vous avez, les uns et les autres, parlé des efforts considérables réalisés pour les enseignants de ZEP ; mais ces mêmes évolutions de carrière, ces mêmes avantages n'existent pas pour les enseignants qui sont en instituts de rééducation (IR) ou en instituts médico-éducatifs (IME). De ce fait, on constate depuis quelques années, d'une part, un déplacement massif d'enseignants de ces institutions vers les ZEP, et, d'autre part, l'arrivée d'enseignants non formés dans les contrats locaux d'adaptation scolaire (CLAS), les classes d'intégration scolaire (CLIS), les classes d'adaptation (CLAD), les IME, et les IR. Il s'agit d'un réel problème sur lequel une réflexion doit être engagée. Vous avez mis en place des moyens formidables, notamment au travers du plan « Handiscol », mais "la mayonnaise a du mal à prendre".

Le deuxième point que je souhaitais aborder avec vous, messieurs les ministres, concerne les enseignants connus pour leur adhésion à des sectes. Vous n'êtes pas sans savoir que dans ce pays, et particulièrement dans un département que je connais bien, l'Ardèche, de nombreux enseignants appartiennent à des sectes. Des inspections ont été menées, et s'il n'y a pas forcément de prosélytisme, le problème demeure et l'on voit que sur l'ensemble du territoire national cette difficulté est réelle et pose des problèmes aux familles et aux élus. Et je sais que la réponse n'est pas facile.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur le fait que les aides-éducateurs, lorsqu'ils sont en congés maladie ou maternité, ne sont pas remplacés. Avez-vous une solution à proposer aux élus confrontés à cette situation qui pose de réelles difficultés ?

M. Bruno Bourg-Broc : Messieurs les ministres, je voudrais tout d'abord m'associer à l'analyse faite par M. Goasguen sur les aspects qualitatifs et quantitatifs. Il a cité des exemples qui montrent que la fracture éducative n'a jamais été aussi forte et les inégalités aussi flagrantes. Il ne sert à rien aujourd'hui d'empiler les postes et les milliards. Quand allez-vous nous proposer une approche autre que purement quantitative de votre budget et de votre politique d'éducation nationale ? 12 838 postes budgétaires nouveaux, c'est bien, mais est-ce que cela suffit pour qualifier de bon votre budget ? Votre approche signifie clairement que vous achetez la paix sociale en répondant aux demandes syndicales qui réclament toujours plus de postes et de moyens budgétaires.

Je vous remercie de venir devant notre commission - je crois que c'est la seconde fois -, mais je souhaiterais que vous veniez également en séance plénière rappeler que l'éducation nationale est le premier budget de la Nation, qu'il s'agit de la priorité des priorités pour l'avenir du pays. Car la Représentation nationale doit se contenter du débat budgétaire annuel et il n'y a jamais de débat général sur la politique de l'éducation. Monsieur le ministre, quand viendrez-vous débattre de la politique de l'éducation dans l'hémicycle ?

Je vous poserai trois questions ponctuelles.

Tout d'abord, quelles sont les missions exactes assignées à M. Philippe Joutard ?

Ensuite, je voudrais joindre ma voix à celle de Jean-Paul Durieux quant à l'étude des langues vivantes. Vous nous aviez assuré, voilà quelques mois, qu'elle serait généralisée dans l'enseignement primaire à la rentrée ; je vous avais répondu que cela était impossible et je vous défie de me prouver qu'aujourd'hui l'initiation à une langue étrangère est assurée partout en France. Toujours en ce qui concerne les langues, je suis également frappé par le quasi-monopole de l'anglais, avec les conséquences culturelles voire politiques que cela peut entraîner.

Enfin, la politique du Gouvernement est une et constante ; mais pouvez-vous nous définir d'une phrase ce qui vous différencie de votre prédécesseur ?

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale : En ce qui concerne le plan pluriannuel, vous avez évoqué la question des recrutements, monsieur Durieux ; or l'un des intérêts d'un tel plan, c'est de faire apparaître de façon claire et lisible le fait que dans les dix ans qui viennent, un enseignant sur deux partira à la retraite ; nous devons donc nous y préparer, sachant que ce rajeunissement est une chance - non pas que les anciens aient démérité, bien entendu.

Vous avez évoqué à ce propos les contrats emploi-solidarité. En effet, leur nombre a globalement diminué, et nous faisons en sorte d'éviter le phénomène que vous avez indiqué : nous essayons de remplacer la disparition d'un contrat emploi-solidarité par un autre type de contrat, si cela est nécessaire. Mais je suis tout à fait conscient que cela n'a pas toujours été le cas. Nous y veillerons donc.

S'agissant des langues vivantes, il est tout à fait exact que l'anglais domine. Mais les familles, qui ont leur mot à dire, pensent que leurs enfants seront démunis s'ils n'apprennent pas l'anglais. Pour autant, faut-il rester les bras croisés face à un tel phénomène ? Je ne le pense pas. Nous devons plus que jamais mettre en avant l'exigence de diversités - culturelle, éducative, linguistique. Mais comment ? Sans être exagérément optimiste, il me semble que le plan que nous avons arrêté et qui va s'appliquer année après année, à savoir qu'avant cinq ans un enfant aura commencé à apprendre une langue vivante étrangère dès la grande section maternelle et une seconde langue en classe de sixième, devrait être un facteur de diversité. Vous me répondrez que les parents seront tentés de faire apprendre à leurs enfants d'abord l'anglais. C'est vrai. Sauf que nous allons prendre des dispositions pour leur garantir qu'en sixième, en toute hypothèse, ils pourront choisir l'anglais. Par ailleurs, à travers toute une série de mesures, nous essayons d'encourager les initiatives destinées à l'enseignement d'autres langues : ici l'espagnol, ailleurs l'italien, en Alsace l'allemand, etc. L'accord que nous avons conclu avec le conseil régional d'Alsace et les deux conseils généraux devrait se traduire par l'apprentissage de l'allemand dès la grande section de maternelle, et par l'enseignement bilingue dans de nombreux collèges.

Il est vrai que même à proximité de la frontière allemande, notamment en Lorraine, l'anglais gagne du terrain. Voilà dix jours, dans le cadre de ce tour de France que j'entreprends pour rencontrer les enseignants et les inspecteurs de l'éducation nationale, j'ai assisté à une expérience passionnante dans un collège proche de Toulouse : un parcours roman avait été mis en place par l'ancien recteur - devenu d'ailleurs directeur de l'enseignement scolaire, M. de Gaudemar. J'ai donc assisté, pendant une heure, à un cours pendant lequel les enfants passaient du latin au français, du français à l'occitan, de l'occitan au catalan ou à l'espagnol. Voilà le type d'expérience que nous voulons encourager ; même si elles concernent que très peu d'élèves, elles sont prometteuses. Je ne veux pas évoquer ici la question de l'enseignement du corse, mais je suis convaincu, indépendamment des accords de Matignon, que l'enseignement généralisé du corse sera, pour de nombreux enfants qui en bénéficieront, une étape vers l'italien que nous avons eu tendance à abandonner depuis de trop nombreuses années. Tout ce qui pourra permettre l'encouragement à la diversité bénéficiera de notre total soutien.

Si j'étais un dictateur - ce que je ne suis ni dans l'âme ni dans les faits -, je pourrais réaliser l'utopie préconisée par le linguiste Claude Hagège, professeur au Collège de France qui, rêvant sur ce que pourrait être une politique des langues, m'avait dit un jour : "Vous devriez interdire l'enseignement de l'anglais à l'école primaire". Et il a raison. Si l'on pouvait posséder la force politique d'imposer à l'école primaire toutes les langues sauf l'anglais, nous ferions un grand pas vers la diversité. Bien entendu, cela n'est pas réalisable, mais nous pouvons, par des mesures d'incitation, encourager la diversité, y compris des langues régionales : pour le corse, nous avançons ; nous allons mettre en place, avant deux ans, un CAPES de créole ; j'ai évoqué l'accord conclu avec le conseil régional d'Alsace ; nous sommes en pourparlers avec Diwan - et je pense que nous aboutirons dans quelques mois - pour intégrer dans l'enseignement public l'enseignement du breton.

Autre point évoqué par M. Durieux, les langues anciennes, le latin et le grec. En reprenant le dossier de la réforme des lycées... - et je vais en même temps répondre à M. Bourg-Broc - Claude Allègre et moi-même, nous nous complétons parfaitement. Sur la durée, notre travail aura été utile dans des phases différentes. La réflexion qu'il a engagée sur la réforme des lycées a été très utile ; et j'ai, par mon propre style - chacun a sa méthode -, permis à cette réforme de voir le jour, je pense notamment aux travaux personnels encadrés (TPE) et à ce que Jean-Luc Mélenchon a réalisé pour les lycées professionnels. En reprenant le dossier de la réforme des lycées, donc, j'ai souhaité réhabiliter pleinement la voie littéraire. J'ai pris toute une série de dispositions concernant le latin et le grec qui, je l'espère, se traduiront par des changements. Evidemment, on ne peut pas assurer dans tous les collèges et lycées de France l'enseignement du latin et du grec, nous n'en avons pas les moyens, mais les incitations, les cartes d'enseignement du latin et du grec offertes dans les bassins linguistiques permettront, je l'espère, de remonter la pente.

Vous me demandez, M. Durieux, de prendre en considération l'engagement du lycéen dans la vie de son établissement ; ce n'est pas pour l'heure dans les textes. Mais vous soulevez une question très importante, à savoir l'encouragement à l'initiative - au-delà même de la participation au conseil de la vie lycéenne. Encouragement aux initiatives citoyennes, culturelles, sportives... De ce point de vue, la réforme qui a été engagée pour les TPE est très positive : elle permet au lycéen de se prendre en charge. Et tout ce qui pourra contribuer - c'est du qualitatif -, dans notre système d'enseignement, à substituer à la mentalité dominante de la consommation passive de savoirs empilés des encouragements à l'esprit d'équipe et d'initiative sera une bonne chose.

J'en viens d'ailleurs à la question posée par M. Goasguen. Je ne considère pas qu'un budget est une fin en soi ; ce n'est qu'un instrument. Simplement, j'ai trop souvent vu des annonces mirifiques et spectaculaires qui n'étaient pas suivies d'effets. Je répondrai en même temps à la question de M. Bourg-Broc : je n'ai jamais dit qu'à la rentrée 2000 les langues vivantes seraient généralisées dans le primaire. Le plan que nous avons arrêté est un plan progressif, avec pour objectif la généralisation cette année en CM2 de l'enseignement d'une langue vivante ; et il y a certainement des accrocs ici ou là, mais tous les renseignements que j'obtiens me prouvent que cet objectif est largement avancé. L'année prochaine sera une année test : je souhaite que nous puissions généraliser l'enseignement d'une langue vivante dans toutes les classes de CM1 et peut-être dans certaines grandes sections de maternelles. Il s'agit donc d'un plan programmé, ordonné, progressif qui réclame de notre part une mobilisation de toutes les ressources : professeurs de collège en sous-service, assistants de langue venant d'autres pays, formations accélérées d'enseignants - qui seront bientôt mises en place -, etc. Tout cela devrait permettre d'arriver à un résultat positif et concret.

Je reviens à M. Goasguen et à ce qu'il appelle le qualitatif. Nous sommes engagés dans toute une série de transformations, et je ne parle pas de celles qui ont été entreprises antérieurement : Dieu merci, plusieurs ministres se sont succédé et le travail accompli a été plus positif que négatif.

En ce moment même se met en place la réforme des lycées. Elle a provoqué la guerre civile, mais aujourd'hui, partout en France, les TPE se mettent en place, d'abord de façon expérimentale puis, à partir de janvier 2001, de façon générale. Et toutes les informations qui me parviennent me semblent positives.

J'ai mis en application l'essentiel de ce qui avait été proposé par Mme Ségolène Royal pour les collèges ; nous en tirerons les bénéfices et les enseignements au fur et à mesure que ces décisions porteront leurs fruits. S'agissant de l'école, j'ai annoncé toute une série de changements au mois de juin dernier portant sur l'écriture, la lecture, l'enseignement des langues vivantes, la généralisation de l'expérience Charpak, l'éveil artistique et culturel, etc. Evidemment, je souhaite que l'on puisse évaluer à chaque instant l'efficacité de ce qui a été entrepris.

En ce qui concerne les collèges, M. Bourg-Broc, j'ai confié à M. Philippe Joutard une mission d'exploration sur les changements que nous pourrions apporter aux collèges. Pour assurer la jonction entre le collège et l'école, j'ai confié à cette même personne, pour la première fois dans l'histoire de ce ministère, la réflexion sur les programmes de l'école primaire - j'espère que nous serons en mesure, d'ici à quelques mois, d'aboutir à des conclusions positives. Mon intention est de pouvoir annoncer des changements - pour les collèges - avant le mois de mars prochain, de telle sorte qu'ils puissent s'appliquer à la rentrée 2001.

Pour ce qui est de l'évaluation, je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Goasguen. Un ministère tel que celui de l'éducation nationale, qui ne dispose pas d'une force de frappe d'évaluation suffisante est un vaisseau sans boussole. Et il est vrai que j'ai pu constater que cette capacité d'évaluation méritait d'être renforcée, et ce de deux façons. Premièrement, de l'intérieur. Le nouveau directeur de la direction de la programmation et du développement, M. Jean-Richard Cyterman, dispose de moyens renforcés afin de pouvoir se livrer à des investigations efficaces. Par ailleurs, j'ai demandé que des évaluations complémentaires soient réalisées, notamment pour l'écriture et la lecture, en grande section de maternelle et à l'entrée en primaire - nous verrons ensuite pour la sixième.

Deuxièmement, nos évaluations doivent être incontestables et comparées à des évaluations internationales. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de créer, avec M. Mélenchon, un conseil supérieur de l'évaluation qui sera présidé par M. Claude Thélot. Ce conseil sera composé de personnalités éminentes - dont des élus - et d'experts internationaux. Je vous rejoins donc complètement sur la méthode, j'estime que nous devons, sur ce sujet, être un pays adulte et ne pas craindre les confrontations internationales. Il s'agit d'une exigence démocratique absolue et nous ne lésinerons pas pour mettre à la disposition de M. Claude Thélot les moyens nécessaires à sa mission.

M. Goasguen, je tiens absolument à ce que ce ministère soit un ministère de la transparence. A propos des documents que vous avez cités, et que je ne conteste pas, je ne suis pas sûr que la méthode employée soit la meilleure. Je ne suis pas sûr en effet qu'une évaluation d'une année sur l'autre, à partir d'exercices qui ne sont pas les mêmes, avec des groupes d'élèves différents, nous livre des données totalement fiables. Cela étant dit, je ne les conteste pas, mais sachez que je possède d'autres données plus positives.

Dans le futur, je souhaite que le conseil supérieur de l'évaluation nous permette, sur ce point, d'ordonner de nouvelles enquêtes, de réaliser des expertises, contre-expertises... Il s'agit d'un sujet qui concerne la nation tout entière et cela alimentera de façon plus concrète le débat national, qu'il ait lieu au Parlement ou en dehors du Parlement.

Madame Mignon, les règles adoptées ces dernières années rendent beaucoup plus difficiles les exclusions. Et je dirais que l'idéal, ce serait de ne pas exclure. Reprenons l'exemple du collège Prévert de Marseille : le principal et l'équipe pédagogique ont créé une classe d'inclusion. Au lieu d'exclure un élève, ils le sortent provisoirement de la classe afin qu'il bénéficie d'un traitement particulier. Ensuite, lorsqu'il est en état de réintégrer sa classe, il reprend les cours avec ses camarades. Cette expérience a été menée, jusqu'à présent, avec succès. Ce qui m'a passionné dans ce collège - et l'on s'aperçoit là qu'il est utile de disposer de moyens suffisants, Monsieur Goasguen -, c'est ce travail minutieux : une classe relais, une section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), une classe d'inclusion et une classe foot. Le principal a en effet réussi à récupérer des enfants qui erraient dans un quartier difficile et qui commettaient des actes de violence en leur offrant d'intégrer une classe foot : ils vont en cours jusqu'à 15 heures 30, puis suivent un entraînement de football de haut niveau.

M. Terrasse, vos propos sur les handicapés, les sectes et le remplacement des aides-éducateur sont justes et très pertinents. Permettez-moi, à l'heure qu'il est, de ne pas vous répondre, mais je suis très intéressé par votre analyse sur la situation des handicapés. Je considère en effet que nous ne sommes pas au bout de nos peines, même si des progrès ont été accomplis - 50 000 élèves handicapés sont aujourd'hui dans des classes d'intégration scolaire. Pour être rapide, je dirais que la situation est à peu près satisfaisante dans le premier degré, mais très insuffisante dans le second. Le plan annoncé par le Premier ministre donne le cap, et nous le mettrons en application, mais je suis tout à fait conscient que nous avons encore de gros efforts à accomplir. Et au-delà des moyens, ce sont les mentalités que nous devons changer : la mentalité des professeurs, des chefs d'équipe, des parents. Nous devons combattre le rejet, cette forme de racisme qui existe à l'égard des enfants handicapés. Quand vous voyez de quelle manière le service public de l'audiovisuel a - si mal - rendu compte des Jeux para-olympiques ! Il ne suffit pas de diffuser des émissions qui font pleurer les foules sur telle ou telle maladie génétique, si la télévision publique est incapable d'accomplir sa mission d'information en nous montrant des images de personnes handicapées, fières et dignes, qui ont réussi à s'intégrer avec l'aide de la société. Ce sont des problèmes douloureux et difficiles que nous devons essayer de résoudre. Et les pays scandinaves donnent l'exemple d'une parfaite réussite sur ce plan.

Je n'ai pas répondu avec le même souci du détail à l'ensemble des questions, mais nous aurons l'occasion de nous retrouver. Et je tiens à vous remercier, car vos questions m'ont beaucoup appris et m'invitent à approfondir un certain nombre de sujets sur lesquels nous avons encore à progresser.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel : Monsieur le président, je ne dirai qu'un mot concernant l'évaluation, car nous nous devons d'être très précis.

Non seulement nous avons créé ce comité supérieur de l'évaluation, mais dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, Jack Lang m'a confié le dossier des critères de qualité qui vont être établis à l'échelle européenne. Par ailleurs, nous étendrons cette évaluation aux lycées professionnels où elle n'existe pas pour l'instant.

Madame Mignon, je suis conscient que les jeunes ne choisissent pas toujours la filière dans laquelle ils se retrouvent. Il faut donc augmenter l'offre. Mais si, lorsqu'une classe de maternelle ou de primaire est menacée de fermeture, de nombreuses délégations manifestent devant nos permanences, combien de BEP - pour lesquels il n'y a pas d'option de bac professionnel - sont supprimés dans l'indifférence la plus générale ? Et je ne vous parle pas du manque d'offres de formations. Actuellement les régions sont en train de faire ce travail, je ne m'étendrai pas sur le sujet, mais sachez que nous sommes tout à fait conscients du problème et que nous sommes en train d'essayer de le traiter sur le fond.

M. Jean Le Garrec, président : Messieurs les ministres, je vous remercie.

    B. EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Durand, les crédits de l'enseignement scolaire pour 2001.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2001.

____________

N° 2625.- Avis de M. Yves Durand, au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi de finances pour 2001.- Tome V : Education nationale - Enseignement scolaire.

- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires

- Cliquez ici pour retourner à la liste des discussions budgétaires



© Assemblée nationale