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le 9 juin 1998

N° 963

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juin 1998.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1),

préalable au débat d’orientation budgétaire pour 1999,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. DIDIER MIGAUD

Rapporteur général,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Finances publiques.

SOMMAIRE

____

Pages

___

INTRODUCTION 5

I.- UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE POUR 1997 MARQUÉE PAR LE RÉTABLISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES 9

A.- DES DÉPENSES RÉELLEMENT MAÎTRISÉES 9

1.- Des dépenses quasiment stabilisées 9

2.- Une structure des dépenses toujours plus déformée 11

3.- Les modifications réglementaires en cours de gestion 19

B.- UNE BONNE TENUE DES RECETTES 24

1.- Le rétablissement des recettes fiscales 26

2.- Un solde des comptes spéciaux du Trésor excédentaire pour la deuxième année consécutive 31

C.- UN BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES PERMETTANT À LA FRANCE DE PARTICIPER À LA MONNAIE UNIQUE 34

II.-  LES PREMIERS RÉSULTATS DE L’EXÉCUTION DU BUDGET DE 1998 PERMETTENT DE MIEUX APPRÉHENDER LES ENJEUX DU BUDGET DE 1999 39

A.- L’EXÉCUTION DU BUDGET DE 1998 S’ENGAGE DANS DE BONNES CONDITIONS 39

1.- Une conjoncture économique porteuse 39

2.- Des recettes fiscales dynamiques au premier trimestre 45

3.- Un niveau de dépenses peu significatif à ce stade de l’année 47

B.- LES ENJEUX DU BUDGET POUR 1999 53

1.- Affirmer des priorités tout en assurant une maîtrise globale de la dépense 53

2.- Réduire le besoin de financement des administrations publiques 61

3.- Confirmer la diminution du poids des prélèvements obligatoires en amorçant une réforme de la fiscalité 66

TRAVAUX DE LA COMMISSION 71

I.- TABLE RONDE SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES POUR 1999 71

II.- AUDITION DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET ET DU SECRÉTAIRE D’ETAT AU BUDGET SUR LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 1999 83

III.- EXAMEN DU RAPPORT D’INFORMATION 95

MESDAMES, MESSIEURS,

Il faut se féliciter que l’année 1998 permette de renouer avec la pratique, inaugurée en mai 1996 et que les aléas du calendrier politique n’ont pas permis de mettre en oeuvre l’an passé, consistant à tenir, avant l’été, un débat d’orientation budgétaire.

Un tel débat peut, en effet, dans le respect des prérogatives constitutionnelles et organiques (1) du Gouvernement, être l’occasion d’un véritable dialogue avec celui-ci.

Il s’agit d’associer le Parlement à la préparation du budget en lui fournissant un cadre d’expression sur les grandes orientations budgétaires. Ce débat permet également aux membres de l’Assemblée d’être informés de façon précoce sur les principaux choix envisagés par le Gouvernement et de présenter, le cas échéant, ceux qui auraient leur préférence.

Pour remplir pleinement ces objectifs, le débat d’orientation budgétaire doit être préparé de façon satisfaisante.

A cet égard, la Cour des comptes - qui a réalisé au cours des dernières années, sous l’autorité de son premier président, M. Pierre Joxe, des progrès considérables dans la présentation de ses travaux en vue de l’examen du projet de loi de règlement - a pu transmettre à la Commission des finances, dès le 26 mai dernier, son rapport préliminaire sur l’exécution des lois de finances pour 1997. Irremplaçable instrument d’analyse de l’exécution budgétaire passée, ce document fournit également des éléments de réflexion très utiles pour l’avenir.

Le Gouvernement, pour sa part, a fourni également des éléments de réflexion dans un document diffusé le 29 mai, de façon plus précoce par rapport au calendrier du débat et des travaux de la Commission des finances que ce ne fut le cas en 1996. Ce document comporte d’abord un rapport du Gouvernement sur « l’évolution de l’économie nationale et des finances publiques ». En application de l’article 38 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, le Gouvernement doit, en effet, en l’absence de loi de finance rectificative de printemps - ce qui est le cas cette année - adresser au Parlement, au plus tard le 1er juin, un tel rapport.

Ce rapport est accompagné d’un « rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d’orientation budgétaire », qui n’est que le deuxième document du genre, après celui présenté en 1996, ce qui explique sans doute que l’on n’ait pas encore atteint, à cet égard, l’optimum souhaitable. Il paraît, en particulier, nécessaire qu’au-delà d’une présentation très générale des objectifs, ce document puisse soumettre à la réflexion des parlementaires diverses hypothèses détaillées et chiffrées sur l’évolution des recettes et des dépenses.

Par ailleurs, pour répondre pleinement aux attentes des parlementaires, le débat d’orientation budgétaire, outre un support documentaire à perfectionner, doit se situer à un moment où il est encore possible au Gouvernement de prendre en compte, le cas échéant, les souhaits formulés par la représentation nationale.

Intervenant trop tôt, le débat serait privé de son nécessaire support documentaire ; intervenant trop tard, alors même que les choix du Gouvernement sont déjà largement arrêtés, il risquerait de n’être qu’un alibi.

La date choisie doit donc concilier à la fois le souci de permettre aux parlementaires de disposer des éléments d’information sans lesquels le débat se limiterait à l’échange de quelques généralités, et une certaine anticipation par rapport aux choix du Gouvernement.

Force est de constater que la tenue du présent débat plus d’un mois après l’annonce, par la presse, de l’envoi par le Premier ministre de ses « lettres de cadrage » aux membres du Gouvernement, et alors même que se déroulent les conférences budgétaires au cours desquelles chaque ministère confronte ses propositions à celles de la direction du budget, est sans doute trop tardive.

Une anticipation de l’ordre de quelques semaines répondrait sans doute mieux aux objectifs d’un tel débat. Elle garantirait aussi aux services concernés de bénéficier d’une plus grande disponibilité afin de permettre au Gouvernement de répondre, dans des délais permettant une exploitation satisfaisante, aux questions que le Rapporteur général de la Commission des finances lui adresse pour être en mesure de présenter à l’ensemble des députés des éléments d’information aussi détaillés que possible.

Pour l’avenir, la période fin avril-début mai paraîtrait susceptible de mieux répondre aux contraintes précédemment exposées.

Pour l’immédiat, le présent rapport d’information a pour objet de préparer le débat d’orientation prévu le mardi 9 juin 1998 à l’Assemblée nationale.

*

* *

I.- UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE POUR 1997 MARQUÉE PAR LE RÉTABLISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

A.- DES DÉPENSES RÉELLEMENT MAÎTRISÉES (2)

1.- Des dépenses quasiment stabilisées

Les données disponibles relatives à l’exécution des lois de finances pour 1997 montrent que la maîtrise des dépenses a atteint, pour cet exercice budgétaire, une efficacité sans précédent. Jusqu’à maintenant, en effet, cette maîtrise était surtout affichée en loi de finances initiale sans être concrètement réalisée en fin d’exercice.

La progression totale des dépenses brutes du budget général s’est limitée à 18,4 milliards de francs, soit une variation de +1% par rapport à 1996. Les crédits disponibles, pour leur part, avaient été accrus de 48 milliards de francs, soit +2,5%. Il apparaît donc, en termes de dépenses brutes, que les administrations n’ont pas été à même d’utiliser l’ensemble des crédits supplémentaires qui leur avaient été ouverts par les votes du Parlement et les modifications réglementaires intervenues en cours d’année.

Les remboursements et dégrèvements totaux se sont élevés à 265,84 milliards de francs en 1997 (3). Ainsi, le montant total des dépenses nettes du budget général pour l’exercice 1997 est de 1.655,4 milliards de francs, soit une augmentation de 0,8% par rapport à 1996. Ceci représente le taux de croissance le plus modeste depuis plus de dix ans. Le fait est d’autant plus notable que cette modération se traduit également en valeur absolue, malgré le gonflement progressif des masses auxquelles s’appliquent les taux annuels de variation : depuis 1990, l’augmentation annuelle n’avait jamais été inférieure à 44 milliards de francs ; en 1997, l’augmentation par rapport à 1996 a été de 13,4 milliards de francs seulement.

Certes, la comparaison entre les résultats d’exécution sur une longue période, voire entre deux années successives, est rendue difficile par les incessants changements structurels auxquels est soumis le budget de l’Etat. A cet égard, votre Rapporteur général peut rappeler deux mouvements importants, parmi d’autres :

– les modifications de la part de la TVA directement affectée au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) : réduite de 0,6% à 0,4% du produit de l’impôt par la loi de finances initiale pour 1992, dans le cadre de la réforme des cotisations sociales agricoles, la fraction affectée de la TVA a été relevée à 0,7% par la loi de finances initiale pour 1995 ; ce relèvement a eu pour contrepartie une diminution sensible de la subvention de l’Etat au BAPSA en 1995 : 9,1 milliards de francs au lieu de 18,7 milliards de francs en 1994 ;

– la modification de l’imputation des charges de pensions de France Télécom en 1997, due au changement de statut de l’opérateur public de télécommunications ; les retraites de ses agents fonctionnaires, jusqu’alors financées en cours d’exercice par la procédure des fonds de concours, sont maintenant inscrites dès la loi de finances initiale au budget des Charges communes ; par ailleurs, les charges de compensation et de surcompensation, jusqu’alors versées directement par l’opérateur public sur le compte de gestion ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations, sont désormais incluses dans les charges dues par l’Etat au titre de ces mécanismes de compensation, inscrites sur le chapitre 33-91 du budget des Charges communes ; ces deux ajustements se sont traduits par une augmentation des charges de 9,4 milliards de francs environ en 1997.

Une fois retraitées de l’effet « France Télécom », les dépenses nettes du budget général en structure 1996 apparaissent marquées par une augmentation infime entre 1996 et 1997 : +0,2%. Elles ont donc diminué en volume de près de 1%, compte tenu du niveau d’inflation mesuré.

Pour rendre compte de l’évolution des charges du budget de l’Etat, il convient d’ajouter au budget général les charges définitives des comptes d’affectation spéciale et le solde des opérations temporaires, selon l’agrégat traditionnellement employé par la Commission des finances. L’année 1997 marque alors une accélération par rapport à 1996 : +4,1% après + 1,2%. Cela tient à la réalisation d’opérations de privatisation de très grande ampleur (dont en particulier la mise sur le marché de France Télécom, avec maintien d’un contrôle majoritaire de l’Etat). Ces opérations ont gonflé l’an dernier les recettes, donc les dépenses, du compte d’affectation spéciale n° 902-24 qui recueille et utilise le produit des cessions de titres publics.

Le Gouvernement retient usuellement comme agrégat représentatif des charges du budget de l’Etat la somme des charges du budget général, du solde des opérations définitives des comptes d’affectation spéciale et du solde des opérations temporaires. Cette démarche permet en particulier de gommer les soubresauts de dépenses dus aux fluctuations annuelles du montant des cessions de titres, au prix d’un « effacement » d’autres dépenses parfois importantes, les comptes d’affectation spéciale étant généralement proches de l’équilibre. Dans ces conditions, l’augmentation des charges nettes du budget de l’Etat revient en 1997 à +0,9%, en sensible diminution par rapport à 1996 (+1,7%), ou même +0,4% seulement après correction de l’effet France Télécom.

ÉVOLUTION DES CHARGES BUDGÉTAIRES NETTES (a)

(en % par rapport à l’année précédente)

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Budget général

+ 3,9

+ 6,7

+ 5,5

+ 3,3

+ 2,8

+ 2,8

+ 0,8

Budget de l'Etat (agrégat Commission)

+ 5,3

+ 7,6

+ 6,6

+ 2,5

+ 2,8

+ 1,2

+ 4,1

Budget de l'Etat (agrégat classique)

+ 5,4

+ 7,6

+ 4,6

+ 3,7

+ 2,0

+ 1,7

+ 0,9

(a) Résultats non retraités d’éventuels effets de structure

Après avoir crû de 1990 à 1993, la part des dépenses de l’Etat dans le PIB a commencé une lente décroissance, qui l’a amenée à un taux légèrement supérieur à 21% en 1997. La reprise économique, heureusement stimulée par l’action de l’actuel Gouvernement, devrait conforter l’orientation à la baisse de cet indicateur en 1998 et 1999.

2.- Une structure des dépenses toujours plus déformée

Dans son Rapport préliminaire sur l’exécution des lois de finances pour 1997, la Cour des comptes note que « le ralentissement des dépenses a été obtenu au prix d’une diminution importante des dépenses d’équipements collectifs et des moyens de fonctionnement des services ».

Le graphique présenté ci-après illustre clairement la divergence, depuis 1990 (base = 100), entre l’évolution des dépenses ordinaires et celle des dépenses en capital, mesurées en francs courants. Après un bref sursaut en 1996, les dépenses en capital ont été inférieures, en 1997, au niveau qu’elles avaient atteint en 1995 ; en francs constants, la diminution serait encore supérieure. Pour leur part, les dépenses ordinaires ne se sont que légèrement infléchies en 1996 et 1997.

La structure des dépenses imputées au budget général continue ainsi de se déformer au détriment des dépenses en capital. En 1990, celles-ci représentaient 14,7% des dépenses nettes totales du budget général, alors que les dépenses ordinaires en représentaient 85,3%. En 1997, la part des dépenses en capital a chuté à 10,6%, tandis que celle des dépenses ordinaires atteint désormais 89,4%.

En restreignant le champ de l’analyse aux seules dépenses civiles du budget général, le constat est un peu moins sévère. En effet, l’évolution des dépenses totales d’investissement inscrites sur le budget général est largement influencée, depuis plusieurs années, par la forte compression qui a été imposée aux dépenses d’équipement militaires.

Certes, le niveau en francs courants des dépenses civiles en capital est, en 1997, supérieur à celui de 1990. Le graphique présenté ci-avant montre cependant que le décrochement majeur s’est produit en 1993, et que, depuis lors, la tendance de ces dépenses s’inscrit nettement à la baisse, malgré le rebond sans lendemain de 1996. D’ailleurs, les dépenses civiles en capital ne représentent plus, en 1997, que 6,8% des dépenses civiles nettes du budget général, au lieu de 8,5% en 1990.

Ainsi apparaît en pleine lumière le caractère quelque peu trompeur du discours de ceux qui, aux commandes de notre pays de 1993 à 1997, dénonçaient sans relâche le niveau excessif de la dépense publique et ses prétendus effets pervers sur l’économie. Ces zélateurs des économies budgétaires se sont en fait révélés incapables de freiner la croissance des dépenses générales de fonctionnement de l’Etat, limitant leur effort aux seules dépenses d’équipement, dont, pourtant, l’impact sur l’économie et l’emploi est souvent fort.

Le Gouvernement issu des élections de juin 1997 pouvait difficilement s’abstraire de ce mouvement largement engagé, durant les quelques mois de l’exercice budgétaire où il a conduit les affaires du pays, malgré le redéploiement sensible de la dépense publique auquel il a procédé dès son entrée en fonction avec le décret d’avance du 10 juillet 1997. L’effort de rééquilibrage n’a pu être engagé que dans la loi de finances initiale pour 1998, en portant de façon prioritaire sur les dépenses en capital imputées sur les comptes d’affectation spéciale. Compte tenu de cette imputation particulière, pour 1998, le rééquilibrage de l’action de l’Etat en faveur de l’investissement public ne trouve pas sa pleine et entière traduction dans les écritures du budget général lui-même.

· Les dépenses ordinaires civiles nettes ont progressé de 1,9%, atteignant en 1997 un montant total de 1.373,6 milliards de francs.

Les dépenses du titre Ier ont atteint 515,5 milliards de francs en termes de dépenses brutes, au lieu de 505,2 milliards de francs en 1996, soit une progression limitée à 2%.

En effet, la charge brute de la dette s’est quasiment stabilisée, avec une augmentation de 900 millions de francs seulement (+0,4%), rapportée à un montant total de dépenses égal à 240,9 milliards de francs en 1997. La baisse des taux et la diminution corrélative du coût moyen de la dette ont compensé l’accroissement du stock de dette.

Après avoir été divisées par un facteur supérieur à 6 en 1996, les dépenses de garantie (assurance à l’exportation gérée par la COFACE notamment) ont été quadruplées en 1997 et se sont élevées à 6,5 milliards de francs. L’exécution des exercices budgétaires précédents montre que des variations de plusieurs milliards de francs peuvent couramment être enregistrées sur ce poste de dépenses d’une année sur l’autre.

Enfin, les dépenses en atténuation de recettes, composées à près de 99% par les remboursements et dégrèvements, se sont accrues de 4,4 milliards de francs (+1,7%). En 1996, l’exécution de l’exercice budgétaire avait été marquée par une dépense en forte croissance (+17,4%), nettement supérieure à la prévision de la loi de finances initiale. Il est donc vraisemblable que l’exercice 1997 n’ait pas subi les derniers effets résiduels de la hausse du taux normal de TVA intervenue en août 1995 (4).

CHARGES BRUTES DU TITRE Ier

(en milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Charge brute de la dette (a)

137,1

151,3

175,0

196,6

209,1

235,4

240,0

240,9

Garanties

12,1

8,6

9,7

11,2

5,2

10,0

1,5

6,5

Dépenses en atténuation de recettes

191,2

226,5

241,9

222,5

213,3

224,6

263,7

268,1

dont remboursements et dégrèvements

185,6

224,7

238,2

220,7

211,1

222,4

260,8

265,8

Total Titre Ier

340,4

386,4

426,7

430,2

427,6

470,1

505,2

515,5

Évolution

+ 13,5

+ 10,4

+ 0,8

– 0,6

+ 9,9

+ 7,5

+ 2,0

(a) Résultat comptable, avant déduction des versements FSC

En définitive, les dépenses du titre Ier nettes de remboursements et dégrèvements se sont élevées à 249,6 milliards de francs, en augmentation de 5,2 milliards de francs (+2,1%) par rapport à 1996.

Les charges civiles de fonctionnement, imputées sur le titre II (« Pouvoirs publics ») et le titre III (« Moyens des services ») ont fait l’objet de 638,6 milliards de francs de dépenses en 1997 (+ 2,3%). Les postes de dépenses concernés apparaissent dotés d’une inertie importante. Par exemple, malgré l’échec du dialogue social dans la fonction publique en 1996, les charges de personnel ont continué de croître de 14,5 milliards de francs en 1997, alors que les années précédentes, elles enregistraient une progression annuelle moyenne de 20 milliards de francs environ.

A l’image des années précédentes (les exercices 1991 et 1993 faisant cependant exception), le poste de dépenses de personnel qui connaît l’évolution la plus rapide est celui relatif aux charges sociales (+4,3%), devançant nettement les pensions et allocations (+3,5%) et les rémunérations d’activité (+2%).

CHARGES CIVILES DE FONCTIONNEMENT

(en milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Pouvoirs publics

3,5

3,5

3,6

3,8

3,8

4,0

4,2

4,3

Charges de personnel

400,3

417,9

441,4

466,8

485,3

505,0

524,1

538,6

Subventions de fonctionnement

34,0

38,0

41,4

43,8

46,0

47,8

49,5

50,9

Autres dépenses de fonctionnement

40,8

42,6

47,1

47,0

48,3

46,7

46,6

44,7

Total Charges civiles de fonctionnement

478,6

502,1

533,6

561,4

583,5

603,5

624,3

638,6

Évolution

+ 4,9

+ 6,3

+ 5,2

+ 3,9

+ 3,4

+ 3,5

+ 2,3

L’évolution en 1997 des subventions de fonctionnement se calque exactement sur celle des dépenses de personnel de l’Etat : +2,8%. Cela n’est guère surprenant, puisque ces subventions se rapportent en majorité à des dépenses de personnel, comme le rappelle la Cour des comptes dans son Rapport préliminaire sur l’exécution des lois de finances pour 1997. Le graphique présenté ci-après montre d’ailleurs une évolution sensiblement parallèle de ces deux agrégats (indice base 100 en 1990) depuis 1992, après l’apparition d’un décalage de plus de 10 points entre 1990 et 1992.

Les « autres dépenses de fonctionnement » comprennent, outre des dépenses diverses dont les évolutions sont souvent erratiques – comme les frais de justice – les dépenses de matériel et les dépenses pour travaux d’entretien des services de l’Etat. Ces deux catégories ont subi de plein fouet les conséquences de la rigueur budgétaire quelque peu aveugle qui prévalait ces toutes dernières années.

Ainsi, il est regrettable de constater que les dépenses pour travaux d’entretien ont diminué de plus de 25% entre 1996 et 1997 (5), alors que l’état général du patrimoine fonctionnel de l’Etat ne justifie certainement pas un tel recul. De même, on peut se demander si la diminution de 4% enregistrée en 1997 sur les dépenses de matériel et fonctionnement général des services est bien la conséquence d’une maîtrise réfléchie, volontaire et raisonnée des dépenses courantes des administrations, ou si elle n’est pas, plus simplement, le résultat d’abattements pratiqués quelque peu forfaitairement.

Les dépenses d’intervention, relevant du titre IV de la nomenclature budgétaire, ont connu une modeste progression de 6,2 milliards de francs (+1,3%). Leur ralentissement en 1997 est beaucoup plus net que celui des dépenses du titre III. Cependant, sur moyenne période, cette différence est moins sensible : en francs courants, les dépenses du titre IV ont progressé de 30,2% depuis 1990 alors que, pour leur part, les dépenses du titre III ont augmenté de 33,5%.

DÉPENSES D’INTERVENTIONS PUBLIQUES

(en milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Action sociale

164,9

166,3

176,7

185,1

182,0

178,7

182,2

187,6

Action économique

111,3

116,5

125,1

133,2

158,6

170,0

175,5

179,6

Action éducative et culturelle

63,0

66,9

74,5

79,1

79,0

80,3

86,8

87,2

Autres interventions

33,6

35,7

36,2

35,4

35,6

34,7

34,5

30,8

Total Interventions publiques

372,7

385,3

409,4

432,9

455,2

463,8

479,0

485,2

Évolution

+ 3,4

+ 6,3

+ 5,7

+ 5,2

+ 1,9

+ 3,3

+ 1,3

Les interventions publiques en faveur de l’emploi peuvent, en première approximation, être évaluées par la somme des dépenses du titre IV du budget du Travail (101,1 milliards de francs) et du chapitre 44-75 « Mesures exceptionnelles en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle » du budget des Charges communes (48,6 milliards de francs). Leur montant total (149,7 milliards de francs) est en augmentation de près de 6,3% par rapport à 1996.

Les dépenses d’interventions sociales accélèrent légèrement (+2,9% en 1997 au lieu de +2% en 1996), ce qui est la résultante de mouvements divers : doublement de l’allocation de rentrée scolaire décidée par le nouveau Gouvernement en juillet 1997, augmentation des dépenses du RMI (+6,1%) et de l’allocation aux adultes handicapés (+3,9%), stagnation des aides à la personne, en matière de politique du logement, etc…

· Les dépenses civiles en capital ont atteint, en 1997, un montant total de 99,5 milliards de francs, en diminution de plus de 9 milliards de francs par rapport à 1996, soit une variation de –8,3%.

DÉPENSES CIVILES EN CAPITAL DU BUDGET GÉNÉRAL

(en milliards de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Titre V            
Routes

12,3

14,1

12,0

10,4

11,5

10,8

Dotations en capital

0,4

0,0

0,0

0,0

3,7

2,2

Autres dépenses

14,2

14,1

13,5

14,5

13,8

12,4

Sous-total Titre V

26,9

28,2

25,5

24,9

29,0

25,4

Titre VI            
CEA

10,0

8,5

9,7

8,4

8,3

7,7

CNES

7,2

7,6

8,0

8,0

8,3

8,3

Construction et amélioration de l’habitat

8,7

9,7

9,9

9,7

12,1 (a)

9,0

Subventions de recherche

7,8

7,8

7,2

7,3

6,5

5,8

FAC, AID, FED, autres fonds

8,4

7,9

7,3

6,9

5,7

5,2

DGE, DRES, DDEC

9,0

9,9

9,4

9,7

9,0

8,9

Autres dépenses

25,7

30,2

28,0

26,7

29,6

29,2

Sous-total Titre VI

76,8

81,6

79,4

76,8

79,6

74,1

Total Dépenses en capital

103,7

109,8

104,9

101,7

108,5

99,5

Évolution

+ 5,9

– 4,5

– 3,1

+ 6,8

– 8,3

(a) Le tableau situé à la page 39 du rapport préliminaire de la Cour des comptes indique par erreur un montant de 12,96 milliards de francs.

Source : Cour des comptes, Rapport préliminaire sur l’exécution des lois de finances pour 1997.

Dans le mouvement régulier d’érosion des dépenses en capital observable depuis 1993, l’année 1996 doit être considérée comme atypique.

D’une part, l’augmentation de 2,4 milliards de francs (+24,5%) des subventions à la construction et à l’amélioration de l’habitat a été relayée, en 1997, par une intervention, non pas du budget général, mais du nouveau compte d’affectation spéciale n° 902-30 « Fonds pour le financement de l’accession à la propriété », alimenté par une contribution des organismes collecteurs de la participation des employeurs à l’effort de construction de l’ordre de 7 milliards de francs.

D’autre part, l’exercice 1996 a vu intervenir, pour un montant de 3,7 milliards de francs, le versement d’une avance d’actionnaire à GIAT-Industrie, non prévue par la loi de finances initiale et permise par l’ouverture des crédits correspondants, sur le budget général, par le décret d’avance du 10 avril 1996.

· Les dépenses militaires ont atteint 182,3 milliards de francs en 1997, en diminution de 3,2 milliards de francs (–1,7%) par rapport à leur niveau de 1996. Elles contribuent une fois encore à la maîtrise des dépenses de l’Etat.

Les dépenses ordinaires diminuent de 1,2 milliard de francs et totalisent 106,3 milliards de francs, alors que la loi de programmation militaire prévoyait un niveau de dépenses de 102,2 milliards de francs, cette augmentation s’expliquant en particulier par les charges résultant des opérations extérieures et de la restructuration des armées.

En revanche, les dépenses en capital sont réduites à 76 milliards de francs (après avoir atteint 78 milliards de francs en 1996), pour un montant prévu de 88,7 milliards de francs dans la loi de programmation militaire.

Ces évolutions divergentes ne s’expliquent pas toutes par l’intervention d’événements imprévus ou difficilement évaluables a priori, comme le surcoût des opérations extérieures. C’est la notion même de programmation qui est remise en cause, du fait d’une régulation budgétaire qui a su trouver dans les dépenses militaires une source d’annulations. La France a ainsi commencé à toucher, plus tardivement toutefois que certains de ses partenaires, les « dividendes de la paix » promis par la fin de la guerre froide.

3.- Les modifications réglementaires en cours de gestion

La loi de finances initiale pour 1997 avait ouvert 2.346,3 milliards de francs de crédits au budget général, aux budgets annexes et aux comptes spéciaux du Trésor. La loi de finances rectificative du 30 décembre 1997 a majoré ces crédits de 64,4 milliards de francs, portant ainsi le total des crédits votés à 2.410,7 milliards de francs.

Pour l’ensemble du budget de l’État, le solde des crédits ouverts et annulés par voie réglementaire est de 128,3 milliards de francs (y compris les rétablissements de crédits) (6), soit 5,3% des crédits votés. Ce taux est très légèrement inférieur à celui constaté pour l’exercice 1996 (5,6%).

CRÉDITS ET DÉPENSES EN 1997 (a)

(en millions de francs)

       

Comptes spéciaux du Trésor

 

Désignation

Budget
général (montants bruts)

Pour mémoire : budget général (montants nets)

Budgets
annexes

d’affecta-tion spéciale

d’avances

de prêts

Ensemble

I.- CREDITS :

A.- Crédits votés :

Loi de finances initiale

Loi de finances rectificative




1.831.358
34.876



1.581.998
16.736



101.267
21



53.348
29.510



356.327
0



3.984
35



2.346.284
64.442
Total des crédits votés 1.866.234 1.598.734 101.288 82.858 356.327 4.019 2.410.726
B.- Modifications :

1. Du montant des crédits :

Reports de l’exercice précédent

Décrets d’avance

Arrêtés d’annulation

Fonds de concours rattachés

Augmentations de crédits gagées par des ressources nouvelles

57.422
12.836
– 33.629
68.525

0
57.422
12.836
– 33.529
68.525

0



587
0
0
2

115



7.576
0
– 65
0

n.d.



0
0
– 3.040
0

0



4.217
0
– 35
0

0



69.802
12.836
– 36.769
68.527

0
Soldes 105.154 105.254 704 7.511 – 3.040 4.182 114.396
2 - De la répartition des crédits :

Virements : ouvertures

annulations

Transferts : ouvertures

annulations

Répartitions : ouvertures

annulations

2.679
– 2.679
174.520
– 174.520
14.137
– 14.137
2.679
– 2.679
174.520
– 174.520
14.137
– 14.137
0
0
0
0
0
0
2
– 2
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
2.681
– 2.681
174.520
– 174.520
14.137
– 14.137
Soldes 0 0 0 0 0 0 0
Total net des crédits ouverts 1.971.388 1.703.988 101.992 90.369 353.287 8.201 2.525.122
II.- DEPENSES :

A.- Dépenses constatées

B.- Rétablissements de crédits
(annulations de dépenses)

1.934.989

– 13.867

1.669.303

– 13.867
n.d.

n.d.


87.306

0


396.288

0


6.059

0


2.424.551

– 13.867
Dépenses nettes (b) 1.921.031 1.655.436 n.d. 87.306 361.248,94 8.862,93 2.410.684
(a) Résultats provisoires.

(b) Au sens de la comptabilité publique : dépenses constatées, hors rétablissements de crédits, et non pas sous déduction des remboursements et dégrèvements.

Le budget général, hors remboursements et dégrèvements et hors rétablissements de crédits, constitue cependant un meilleur indicateur de la politique budgétaire. Les majorations nettes de crédits par voie réglementaire atteignent 105,3 milliards de francs, soit 6,6% des crédits nets votés. L’exercice 1997 est donc marqué par une relative modération par rapport aux années précédentes, en particulier les années de continuité politique. L’augmentation des dépenses nettes (+ 0,8%) s’est, en définitive, située au même niveau que l’augmentation des crédits votés et supérieure à celle des crédits disponibles (+ 0,1%).

MODIFICATIONS APPORTÉES AU MONTANT DES CRÉDITS BRUTS
DU BUDGET DE L’ÉTAT

(En milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997 (a)

Evolution 1997/1996 (en %)

Crédits votés :                  
Loi de finances initiale 1.899,93 1.825,66 1.912,23 2.013,01 2.106,94 2.174,47 2.288,02 2.346,28 + 2,5
Loi(s) de finances rectificative(s) 53,36 33,62 56,76 141,26 46,32 126,95 47,86 64,44 + 34,6
A.- Total des crédits votés 1.953,29 1.859,29 1.968,99 2.154,28 2.153,26 2.301,42 2.335,88 2.410,73 + 3,2
Modifications apportées au montant des crédits votés :                  
Reports de la gestion précédente 62,39 60,44 56,39 53,22 61,07 54,68 67,75 69,80 + 3,0
Décrets d’avances 3,74 1,50 14,78 5,00 7,24 0,60 17,73 12,84 – 27,6
Arrêtés d’annulations - 14,67 - 19,16 - 23,5 - 65,46 - 29,21 - 54,11 - 46,00 - 36,77 – 20,1
Fonds de concours rattachés 47,87 57,14 59,85 64,07 63,38 65,27 73,31 68,53 – 6,5
Augmentations de crédits gagées par des ressources nouvelles 2,77 0,39 1,01 5,47 7,06 0,88(c) 1,08 n.d. n.d.
Solde 102,10 100,32 108,53 62,3 109,54 67,33 113,88 114,40 + 0,5
Rétablissements de crédits 23,33 19,24 17,97 17,87 16,75 17,30 16,96 13,87 – 18,2
B.- Majoration totale du montant des crédits votés 125,43 119,56 125,45 80,18 126,29 84,63 130,84 128,27 – 2,0
C.- Total des crédits disponibles (b) 2.078,72 1.978,85 2.095,22 2.234,46 2.279,55 2.386,05 2.466,72 2.533,99 + 2,7
(a) Résultats provisoires pour l’exercice 1997

(b) Crédits ouverts et rétablissements de crédits . C = A + B.

(c) Y compris 83,98 millions de francs de « mesures diverses » (reprise de dotation aux amortissements du budget annexe de l’aviation civile)

Pour l’ensemble du budget de l'Etat, comptes spéciaux et budgets annexes inclus, les différents types d’actes réglementaires ayant modifié le montant des crédits dans les conditions posées par l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 sont les suivants.

Les arrêtés de reports de crédits de l’exercice 1996 (régis par l’article 17 de cette ordonnance) ont ouvert 69,8 milliards de francs (dont 57,4 milliards de francs de crédits nets au budget général), montant nettement supérieur à ce qui est constaté en moyenne. L’interprétation de ce montant élevé de reports nécessiterait une analyse détaillée. En effet, les conditions désormais « tendues » de l’exécution budgétaire et les efforts effectués pour évaluer au plus juste les crédits nécessaires pourraient laisser supposer, au contraire, que les administrations sont amenées à consommer plus complètement qu’auparavant les crédits disponibles. En sens inverse, la rigueur croissante de la régulation budgétaire appliquée en cours d’année peut être considérée comme un facteur de sous-consommation des crédits, non rattrapable en fin d’exercice, amenant alors à accroître le montant des reports d’un exercice sur l’autre.

Les décrets d’avance du 9 juillet et du 17 octobre 1997 (régis par l’alinéa 2° de l’article 11) ont ouvert 12,8 milliards de francs au budget général. Le premier de ces décrets a, pour partie, traduit en termes budgétaires les orientations du Gouvernement issu des élections de mai-juin 1997, avec, par exemple, le quadruplement de l’allocation de rentrée scolaire (6,4 milliards de francs), le lancement du programme en faveur de l’emploi des jeunes (2 milliards de francs), la revalorisation du barème des aides personnelles au logement (600 millions de francs) et l’augmentation de certaines dotations relatives au logement (216 millions de francs en crédits de paiement et 1.052 millions de francs en autorisations de programme). Le décret d’avance du 9 juillet 1997 a également ajusté certains crédits qui avaient été incorrectement évalués dans la loi de finances initiale : 395 millions de francs pour le financement des dépenses électorales.

Le décret d’avance du 17 octobre 1997 a ouvert 2,9 milliards de francs de crédits, portant essentiellement sur des rémunérations de personnels, dont 1,6 milliard de francs sur le budget de la Défense et 1,3 milliard de francs sur les budgets de l’Education nationale.

Les arrêtés d’annulation (régis par l’article 13), ont supprimé 36,8 milliards de francs, dont 33,5 milliards de francs de crédits nets du budget général. Comme en 1996, l’effort d’économie a été élevé, bien que les économies de pure constatation (par exemple 10,3 milliards de francs sur la charge de la dette) y aient largement contribué.

Les rattachements de fonds de concours et recettes assimilées (régis par l’article 19) ont porté sur 68,5 milliards de francs de crédits au budget général, en augmentation sensible par rapport aux exercices antérieurs. Hors crédits d’article – dont les jours sont normalement comptés compte tenu de la décision n° 97-395 DC du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1998 – les fonds de concours se sont élevés à 64,5 milliards de francs.

Les majorations de crédits des comptes spéciaux du Trésor et des budgets annexes gagées par des suppléments de ressources (régies par les articles 25 et 21) ont été modérées : 115 millions de francs ont été enregistrés seulement, selon les résultats provisoires d’exécution fournis par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, au bénéfice des seuls budgets annexes, au lieu de plusieurs milliards de francs d’ordinaire.

Les rétablissements de crédits, régis par l’article 19 de l’ordonnance organique, ont atteint 13,9 milliards de francs en 1997. Cette diminution de 18,2% par rapport au niveau atteint en 1996 suggère la reprise d’un mouvement tendanciel à la baisse qui avait été interrompu en 1992.

B.- UNE BONNE TENUE DES RECETTES

L’interprétation de l’évolution des recettes est toujours étroitement liée au choix de la base de comparaison. A cet égard, l’exercice 1997 n’échappe pas à la règle.

Ainsi, si l’on se réfère à l’exécution de l’exercice précédent, la croissance des recettes nettes du budget général, hors fonds de concours, s’établit à 3,6% en 1997, soit un taux identique à celui enregistré en 1996. Cependant, cette observation ne rend compte que très imparfaitement des fortes différences qui caractérisent les exercices 1996 et 1997 du point de vue des écarts entre prévisions initiales et exécution.

En 1996, les ressources nettes, hors fonds de concours, du budget général avaient été légèrement inférieures aux prévisions initiales (– 0,4%). Les moins-values fiscales, tout particulièrement s’agissant de la TVA, n’avaient pu être compensées que par une forte majoration des ressources non fiscales.

Tel n’est pas le cas de l’exercice 1997, puisque les ressources nettes, hors fonds de concours, progressent de 1,9% par rapport à la loi de finances initiale, grâce essentiellement à la croissance des recettes fiscales. Ces résultats d’exécution traduisent donc pleinement l’effet des mesures de redressement fiscal et financier prises à la suite de l’audit des finances publiques, qui ont permis de rétablir une situation une fois encore compromise par la faiblesse des encaissements de TVA.

TABLEAU D’ENSEMBLE DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL POUR 1996 ET 1997

(en milliards de francs)

 

Prévisions 1997

Exécution

Ecarts/LFI

Rappel

Ecarts 97/96

96/95

 

LFI

LFR

1997

Mds F

%

exécution 1996

Mds F

%

%

Recettes fiscales brutes 1.644,6 1.671,1 1.682,2 37,6 2,3 1.620,1 62,1 3,8 6,3
Remboursements et dégrèvements -249,4 -267,4 -265,6 -16,2 6,5 -260,5 -5,1 2 17,2
Produit fiscal net
dont :

- impôt sur le revenu
- impôt sur les sociétés (net)
- TIPP
- TVA (nette)
- divers
1.395,3

291,8
144,8
151,9
635,2
171,5
1.403,7

290
173,1
150,6
620
169,9
1.416,6

293,5
172,1
150,8
626,1
174,1
21,3

1,6
27,3
-1,1
-9,1
3,5
1,5

0,6
18,8
-0,7
-1,4
2
1.359,6

314,1
143,2
148,4
600,5
153,4
57

-20,6
28,9
2,4
25,6
21,6
4,2

-6,6
20,2
1,6
4,3
14,1
4,5

5,7
13,8
3,6
6,5
-10,7
Recettes non fiscales (hors FSC) 155,1 156,3 156,9 1,8 1,2 158,6 -1,7 -1,1 -3,1
Prélèvements sur recettes -253,9 -253 -252,8 1,1 -0,4 -243 -9,8 4 3,4
- au profit des collectivités territoriales -166,9 -165 -164,9 2 -1,2 -162,6 -2,3 1,4 3,7
- au profit de l’Union européenne -87 -88 -87,8 -0,8 0,9 -80,4 -7,4 9,2 2,8
Total des recettes nettes 1.296,5 1.306,9 1.320,7 24,2 1,9 1.275,2 45,5 3,6 3,6
Fonds de concours (a) néant néant 64,5 ns ns 69,3 -4,8 -6,9 13,1
Total des recettes du budget général 1.296,5 1.306,9 1.385,2 89,7 (b) 6,9 1.344,5 40,7 3 4,1

(a) L’article 5 de l’ordonnance organique de 1959 sur l’évaluation des produits divers en loi de finances n’est pas applicable aux fonds de concours.

(b) Cette « plus-value » s’explique principalement par les fonds de concours auxquels s’ajoute l’effet des recettes non fiscales, s’agissant de celles inscrites pour mémoire en loi de finances initiale.

Source : Cour des comptes.

1.- Le rétablissement des recettes fiscales

·   Les recettes fiscales brutes se sont élevées à 1.682,2 milliards de francs, soit une croissance de 3,8% par rapport à 1996. Cet agrégat reste cependant peu significatif des encaissements réellement disponibles.

De ce point de vue, l’évolution des remboursements et dégrèvements est déterminante. Ceux-ci ont atteint 265,6 milliards de francs, soit un niveau légèrement inférieur aux prévisions révisées et sensiblement supérieur aux prévisions initiales (+6,5%). Toutefois, cette évolution ne doit pas faire perdre de vue que, si l’on raisonne par comparaison avec les résultats d’exécution de l’exercice précédent, la croissance de ces remboursements et dégrèvements s’est considérablement ralentie. Ainsi, elle est passée de 17% en 1996 à 2% en 1997. Les résultats d’exécution sont très proches des prévisions révisées associées à la loi de finances rectificative (–0,7%). Ainsi, les analyses ayant présidé à cette révision restent pertinentes. Pour l’essentiel, ce sont les remboursements de TVA qui ont joué un rôle déterminant dans la forte progression des remboursements et dégrèvements par rapport à la loi de finances initiale. Ainsi, les dépenses au titre du chapitre 15-02 du budget des Charges communes ont dépassé de 8,2 milliards de francs les prévisions initiales (+6,5%).

Au total, les recettes fiscales nettes du budget général se sont donc établies à 1.416,6 milliards de francs, soit 1,5% de plus que les prévisions initiales. Si l’on compare par rapport aux résultats de l’exécution 1996, leur croissance s’élève à 4,2%, soit un niveau un peu inférieur au 4,5% enregistrés en 1996. Surtout, un écart relativement significatif apparaît par rapport aux prévisions rectifiées, avec une plus-value de 12,9 milliards de francs. Cette dernière résulte pour partie seulement de l’évolution des remboursements et dégrèvements déjà évoquée (1,8 milliard de francs). Aussi, il convient d’analyser plus précisément ces écarts par grande catégorie de recettes.

·   Seules les recettes nettes au titre de l’impôt sur les sociétés s’inscrivent en léger retrait par rapport aux prévisions révisées (172,1 milliards de francs contre 173,1 milliards de francs). Par rapport aux prévisions initiales, ces recettes progressent de 18,8% ; la croissance est de 20,2% si l’on se réfère au produit constaté en 1996. La légère moins-value de fin d’année ne doit donc pas masquer le dynamisme de cette recette, provenant largement des mesures prévues par la loi du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

Si la progression des recettes nettes d’impôt sur les sociétés s’élève à 27,4 milliards de francs par rapport à 1996, l’effet de la loi précitée s’élève à 22,8 milliards de francs, dont :

– 19,8 milliards de francs au titre de la contribution temporaire de 15% et de la hausse du taux d’imposition des plus-values à long terme ;

– 3 milliards de francs au titre de la modification du traitement comptable des ouvrages de transport d’électricité visés par la concession du réseau d’alimentation générale d’EDF.

Ces montants sont très proches de ceux avancés lors des débats sur ce projet de loi, l’effet des mesures étant alors évalué à 24 milliards de francs.

Concernant le solde, une partie provient d’un versement de 4 milliards de francs de France Télécom au titre du solde de l’exercice 1996. A structure constante, la progression de l’impôt sur les sociétés est évaluée à 5,1% par rapport à 1996 et correspond à une augmentation d’environ 4% du bénéfice fiscal théorique réalisé en 1996 par les sociétés.

Les autres catégories de recettes fiscales sont caractérisées par des plus-values par rapport aux prévisions rectifiées, parfois mineures, comme pour la TIPP, mais le plus souvent non négligeables.

Ainsi, les recettes perçues au titre de l’impôt sur le revenu ont été supérieures de 3,5 milliards de francs par rapport aux prévisions révisées, inversant la tendance à la baisse anticipée par celles-ci. Le produit de l’impôt sur le revenu en 1997 reste cependant inférieur de 6,6% à celui de 1996, traduisant l’effet des mesures d’allégement prévues par la loi de finances initiale. Le coût brut budgétaire issu de la réforme du barème est en effet évalué à 27,5 milliards de francs. L’écart par rapport aux prévisions révisées s’explique quant à lui par une émission plus précoce des rôles dans l’année et un meilleur taux de recouvrement.

Les recettes fiscales diverses progressent fortement, aussi bien par rapport aux résultats constatés en 1996 (+14,1%) que par rapport aux prévisions révisées (+3,5 milliards de francs).

S’agissant des « autres impôts directs perçus par voie de rôle », dont la progression s’établit à près de 30%, la Cour des comptes note dans son rapport préliminaire sur l’exécution des lois de finances pour 1997 qu’elle s’explique « notamment par la montée en charge de la nouvelle répartition des impôts sur rôles entre l’Etat et les collectivités locales, les résultats du contrôle fiscal et la difficulté de prévoir les majorations et frais de poursuite importants liés au recouvrement d’une partie de ces impôts. »

Par ailleurs, les droits d’enregistrement progressent fortement (+11,9%, soit 8,7 milliards de francs), en raison essentiellement de la hausse des mutations à titre gratuit (+26,3%). Celle-ci avait déjà été anticipée dans les prévisions révisées associées au collectif de fin d’année et s’explique en partie par la revalorisation des patrimoines taxables, mobiliers et immobiliers. D’autre part, dans le cadre d’une clarification des méthodes comptables, certaines opérations d’apurement ont été effectuées en fin d’année sur le compte d’imputation provisoire sur lequel étaient comptabilisés les acomptes sur les droits de succession. A législation et structure constantes, les droits d’enregistrement restent néanmoins dynamiques, toujours tirés par les donations, pour lesquelles les mesures incitatives semblent efficaces mais devraient, à terme, induire des pertes en matière de droits de successions.

Enfin, les recettes nettes de TVA sont en moindre recul par rapport aux prévisions initiales qu’il n’était escompté dans les prévisions rectifiées. Par rapport à ces dernières, un écart positif de 6,1 milliards de francs a pu être constaté, permettant ainsi une croissance de 4,3% de ces recettes par rapport à 1996. En réponse à ses questions sur l’évolution des recettes de TVA brute et nette en 1997, votre Rapporteur général a reçu la réponse reproduite ci-dessous.

·  Les recettes non fiscales n’appellent pas de commentaire particulier, si ce n’est que les résultats constatés sont somme toute très proches des prévisions initiales et révisées, tout en étant inférieurs de 1,1% aux encaissements réalisés en 1996. A la différence de cet exercice, le rétablissement des recettes fiscales en cours d’année a permis de ne pas majorer massivement cette catégorie de recettes en fin d’exercice. On rappellera en effet qu’en 1996, les prévisions révisées associées au collectif de fin d’année avaient inclu une augmentation de 21,6 milliards de francs des recettes non fiscales.

2.- Un solde des comptes spéciaux du Trésor excédentaire pour la deuxième année consécutive

Comme en 1996, les comptes spéciaux du Trésor ont dégagé un excédent. Celui-ci est toutefois en diminution, puisqu’il s’élève à 1,75 milliard de francs en 1997, contre 3,71 milliards de francs l’année précédente. Il n’en reste pas moins que cet excédent est plus important qu’initialement prévu (699 millions de francs). Ce résultat s’explique par des évolutions divergentes des opérations à caractère définitif et des opérations à caractère temporaire.

·   L’excédent au titre des opérations à caractère définitif atteint 1,99 milliard de francs, soit un montant comparable à celui constaté en 1996 (+1,88 milliard de francs). Ce solde est toutefois nettement moins important qu’initialement prévu (+3,47 milliards de francs). De fait, tant en recettes qu’en dépenses, l’exécution s’est largement éloignée des prévisions initiales, sous l’effet des opérations enregistrées par le compte n° 902-24 « Compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés ». Les recettes totales des comptes d’affectation spéciale ont en effet atteint 89,27 milliards de francs (56,76 milliards de francs en loi de finances initiale), tandis que les dépenses se sont élevées à 87,28 milliards de francs (contre 53,29 milliards de francs initialement prévus).

Alors que 27 milliards de francs étaient prévus en recettes du compte n° 902-24, celui-ci a vu ses encaissements atteindre 59,3 milliards de francs, contrastant nettement avec les trois exercices précédents, caractérisés à chaque fois par des recettes sensiblement inférieures aux prévisions.

Selon les informations fournies par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, les principales recettes du compte proviennent de :

– l’ouverture du capital de France Télécom : 42,85 milliards de francs ;

– la cession de titres Elf : 10,09 milliards de francs ;

– la cession du reliquat détenu par l’Etat dans Usinor : 2,11 milliards de francs ;

– la vente d’une part du capital de Bull : 967 millions de francs.

Les dépenses du compte ont concerné uniquement les dotations en capital, pour un montant de 60,96 milliards de francs, supérieur aux recettes, d’où une charge nette de 1,65 milliard de francs pour le compte, alors que ce dernier avait été prévu initialement en équilibre. Compte tenu de l’importance des dépenses, le compte a d’ailleurs dû être abondé par un versement de 2,24 milliards de francs à partir du chapitre 54-90 du budget des Charges communes.

Les principaux versements ont concerné :

– l’EPFR (établissement de « défaisance » du Crédit lyonnais) : 13,5 milliards de francs ;

– Thomson : 11 milliards de francs ;

– le GAN : 9,17 milliards de francs ;

– Réseau ferré de France : 8 milliards de francs ;

– GIAT Industries : 8 milliards de francs ;

– l’EPRD (établissement de « défaisance » du Comptoir des entrepreneurs) : 3,44 milliards de francs ;

– Charbonnages de France : 2,6 milliards de francs ;

– Groupe BDPME (Banque de développement des petites et moyennes entreprises) : 1,03 milliard de francs.

·   A l’inverse, la charge des opérations à caractère temporaire s’allège considérablement en cours d’année, passant de 2,77 milliards de francs en loi de finances initiale à 240 millions de francs en exécution.

Pour l’essentiel, cette évolution recouvre celle des comptes d’avance, dont le solde est positif en exécution (192 millions de francs), alors même qu’une charge de 2,12 milliards de francs était escomptée initialement. La situation du compte d’avance sur le montant des impositions locales (n° 903-54) est à cet égard déterminante, puisque, si la loi de finances initiale avait prévu une charge nette de 2,07 milliards de francs pour 1997, le compte a en fait enregistré un excédent de 152 millions de francs, et ce en contradiction avec les prévisions révisées qui tablaient sur un accroissement de sa charge nette (2,43 milliards de francs).

COMPTE D’AVANCE SUR LE MONTANT DES IMPOSITIONS LOCALES (n° 903-54)

(en millions de francs)

 

Exécution
1996

Loi de finances 1997

Collectif
1997

Exécution
1997

Recettes (recouvrements des impôts directs locaux)
326.882

340.100

336.700

340.718
Dépenses (émissions des impôts directs locaux)
324.945

342.170

339.130

340.556
Solde 1.937 - 2.070 - 2.430 152

Ces écarts s’expliquent avant tout par l’évolution des dépenses du compte, sensiblement inférieures aux prévisions initiales. A l’inverse, les recettes ont été très proches de ce qui était escompté en loi de finances initiale, démentant les évaluations révisées associées au collectif de fin d’année. Selon les explications données par le ministère de l’économie et des finances : « Comme pour l’année 1996, une nouvelle accélération du rythme de traitement des émissions d’impôt sur le revenu et des impôts locaux conduit à des encaissements plus rapides en fin d’année 1997 et constitue le principal facteur explicatif de l’écart avec la loi de finances rectificative ».

C.- UN BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES PERMETTANT À LA FRANCE DE PARTICIPER

À LA MONNAIE UNIQUE

Le 2 mai dernier, à Bruxelles, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne ont formellement adopté la liste des onze Etats membres participant à la monnaie unique dès son lancement. La « qualification » de la France n’est pas une surprise, puisque, dès le collectif de fin d’année 1997, l’effet des mesures de redressement budgétaire décidées au cours de l’été était perceptible. Cette chronique d’une participation annoncée, tenue début 1998, ne doit pas faire oublier que, durant l’exercice 1997, un tel résultat était loin d’être assuré. On ne saurait donc passer sous silence le constat effectué par MM. Bonnet et Nasse dans l’audit des finances publiques effectué en juillet dernier, qui a confirmé, d’une certaine façon, la dérive reconnue par l’ancien Premier ministre, M. Alain Juppé, dans une lettre adressée à son successeur, M. Lionel Jospin, à l’occasion de la passation des pouvoirs.

·   Prenant pour hypothèse que la conjoncture économique demeurerait celle décrite dans la note de conjoncture de l’INSEE de juin 1997, prévoyant une croissance du PIB en volume de 2,3%, les auteurs de l’audit avaient estimé le besoin de financement de l’ensemble des administrations publiques dans une fourchette de 281 à 298 milliards de francs, soit 3,5% à 3,7% du PIB fin 1997. Le dépassement par rapport aux prévisions initiales se situait ainsi entre 35 et 51 milliards de francs.

S’agissant du budget de l’Etat, les auditeurs estimaient les pertes de recettes entre 15 et 17 milliards de francs, du fait essentiellement de l’effet de base négatif des rentrées de TVA décevantes de 1996.

En matière de dépenses, ils évoquaient des « dérapages localisés, bien identifiés, et dont l’ampleur reste sous contrôle ». Leur incidence conduisait à un supplément prévisible de dépenses sur l’année compris entre 27 et 30 milliards de francs. Forts de l’expérience de la gestion budgétaire et dans un souci d’objectivité, les auteurs du rapport avaient considéré que, comme chaque année, diverses économies ne manqueraient pas d’être réalisées d’ici la fin de l’exercice. « Par référence aux années précédentes et après discussion avec la Direction du Budget », ils les avaient, en conséquence, évaluées entre 10 et 15 milliards de francs. Le dérapage net des dépenses était ainsi ramené dans une fourchette de 12 à 20 milliards de francs. Leur montant cumulé avec les moins-values fiscales s’établissait donc entre 27 et 37 milliards de francs.

S’agissant des régimes de sécurité sociale, les deux magistrats de la Cour des comptes estimaient que « la dépense observée reste à ce jour compatible avec les objectifs de la loi de financement ». Le déficit prévu pour le régime général, soit 30,4 milliards de francs, s’établissait cependant entre 35 et 38 milliards de francs, en raison de risques localisés de dépassement, et surtout de « l’effet mécanique de la correction de 3,3% à 2,8% de l’hypothèse de hausse de la masse salariale », évalué à 4 milliards de francs. S’y ajoutaient un déficit des autres régimes, évalué entre 4 et 5 milliards de francs, et un déficit de 5 à 6 milliards de francs pour le secteur hospitalier. Le déficit des administrations de sécurité sociale s’inscrivait donc globalement entre 44 et 49 milliards de francs.

Enfin, les autres administrations publiques (organismes divers d’administration centrale, ODAC, et administrations publiques locales) dégageaient une capacité de financement comprise entre 26,5 et 28,5 milliards de francs.

·   Le tableau ci-après illustre clairement l’ampleur des ajustements réalisés à la suite du diagnostic effectué en juillet 1997. Le besoin de financement des administrations publiques a été ramené vers un niveau compatible avec nos engagements européens.

PRÉSENTATION DES COMPTES PUBLICS POUR 1997

 

Audit
(juillet 1997)

Situation après collectif
(novembre 1997)

Notification
(février 1998)

 

Hypothèse basse

Hypothèse haute

en milliards de francs (a)

en % du PIB (a)

en milliards de francs

en % du
PIB

Etat

Solde en comptabilité budgétaire
Solde en comptabilité européenne

- 312,0
- 303,0
- 322,0
- 313,0

- 270,7

- 3,35

- 265,6

- 3,3
Administrations de sécurité sociale - 44,0 - 49,0 - 46,5 - 0,60 - 47,8 - 0,6
Autres administrations publiques

dont :

- administrations locales
- ODAC

28,5

12,0
16,5

26,5

10,0
16,5

27,5

11,0
16,5

0,35

0,15
0,20

32,4

17,4
15,0

0,4

0,2
0,2

Soulte France Télécom 37,5 37,5 37,5 0,50 36,5 0,5
Solde des APU - 281,0 - 298,0 - 252,2   - 244,5  
en % du PIB - 3,5 - 3,7   - 3,1   - 3,0
(a) Moyenne de l’audit, sauf pour l’Etat.

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Les données figurant dans la notification à la Commission européenne en février dernier ont fait l’objet de légères modifications par l’INSEE, précisées dans le rapport préliminaire de la Cour des comptes, qui n’altèrent cependant pas la tendance d’ensemble. Ainsi, le besoin de financement de l’ensemble des administrations publiques s’élève à 243 milliards de francs, cette légère diminution étant sans incidence notable sur le ratio déficits publics / PIB. L’amélioration relève avant tout d’une capacité de financement des ODAC plus élevée que prévu.

Il apparaît nettement que l’essentiel de l’effort de redressement des finances publiques a concerné le budget de l’Etat. Le solde budgétaire, hors FMI et hors FSC, s’est en effet établi à 267,7 milliards de francs, soit un montant très sensiblement inférieur aux prévisions initiales (284,8 milliards de francs) et en diminution aussi par rapport au collectif de fin d’année (270,7 milliards de francs).

Après retraitement des données afin de passer du solde budgétaire au besoin de financement au sens de la comptabilité européenne, le besoin de financement de l’Etat s’établit, selon les dernières données disponibles, à 265,3 milliards de francs. Par rapport à la moyenne des hypothèses de l’audit, c’est une amélioration de 42,7 milliards de francs qui a été réalisée.

La capacité de financement des administrations publiques locales s’établit à 17,4 milliards de francs, soit un niveau plus élevé que l’hypothèse haute de l’audit, tandis que la capacité de financement des ODAC reste en ligne avec les prévisions.

La situation est moins favorable s’agissant des administrations de sécurité sociale, dont le besoin de financement atteint 47,8 milliards de francs. S’il reste dans la fourchette déterminée lors de l’audit, il n’en est pas moins plus élevé que prévu lors du collectif de fin d’année (+1,3 milliard de francs). Cette détérioration s’explique avant tout par l’évolution des régimes particuliers et du secteur hospitalier. En effet, les comptes provisoires du régime général pour 1997 font apparaître un déficit de 35,1 milliards de francs, en amélioration de 2,4 milliards de francs par rapport à la prévision de septembre dernier (37,5 milliards de francs). Cet écart s’explique par un accroissement de 0,6 milliard de francs des recettes et par une minoration de 1,8 milliard de francs des dépenses.

·   Si le redressement des comptes publics a permis à la France de respecter les critères de convergence et de participer ainsi à la monnaie unique, la comparaison avec les résultats enregistrés par nos partenaires n’est pas sans enseignements. Ainsi, le besoin de financement des administrations publiques françaises est le plus élevé parmi les Etats membres de l’Union, à l’exception de la Grèce. La réduction des déficits publics a donc été moins rapide que chez nos principaux partenaires. Cela correspond d’abord aux difficultés du précédent Gouvernement à contenir la dépense publique et, depuis juin 1997, à un choix politique de maîtriser le rythme et les conséquences de cette réduction sur les ménages et l’économie, ce qui n’a pas été sans incidence sur l’évolution de la dette publique, comme le montrent les deux tableaux ci-après. Cette dette est certes compatible avec nos engagements européens, mais elle continue de progresser. De 45,3% du PIB en 1993, elle est passée à 58% en 1997. Si le critère de 3% de déficits publics défini par le traité de Maastricht devait légitiment s’apprécier en tendance, il ne doit donc pas être conçu comme un plancher, mais bien comme une étape dans la voie d’un assainissement en profondeur des finances publiques, afin de redonner des marges de manoeuvre budgétaires et de mettre notre pays dans la situation d’affronter d’éventuels retournements de conjoncture économique.

EXCÉDENT/DÉFICIT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
(Capacité (+) / besoin (-) de financement des administrations publiques,
en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998 (1)

Belgique - 7,1 - 4,9 - 3,9 - 3,2 - 2,1 - 1,7
Danemark - 2,8 - 2,8 - 2,4 - 0,7 0,7 1,1
Allemagne - 3,2 - 2,4 - 3,3 - 3,4 - 2,7 - 2,5
Grèce - 13,8 - 10,0 - 10,3 - 7,5 - 4,0 - 2,2
Espagne - 6,9 - 6,3 - 7,3 - 4,6 - 2,6 - 2,2
France - 5,8 - 5,8 - 4,9 - 4,1 - 3,0 - 2,9
Irlande - 2,7 - 1,7 - 2,2 - 0,4 0,9 1,1
Italie - 9,5 - 9,2 - 7,7 - 6,7 - 2,7 - 2,5
Luxembourg 1,7 2,8 1,9 2,5 1,7 1,0
Pays-Bas - 3,2 - 3,8 - 4,0 - 2,3 - 1,4 - 1,6
Autriche - 4,2 - 5,0 - 5,2 - 4,0 - 2,5 - 2,3
Portugal - 6,1 - 6,0 - 5,7 - 3,2 - 2,5 - 2,2
Finlande - 8,0 - 6,4 - 4,7 - 3,3 - 0,9 0,3
Suède - 12,2 - 10,3 - 6,9 - 3,5 - 0,8 0,5
Royaume-Uni - 7,9 - 6,8 - 5,5 - 4,8 - 1,9 - 0,6
EUR - 6,1 - 5,4 - 5,0 - 4,2 - 2,4 - 1,9
(1) Budgets économiques du printemps 1998.

Source : Commission des Communautés européennes.

DETTE PUBLIQUE
(Dette brute consolidée des administrations publiques, en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998 (1)

Belgique 135,2 133,5 131,3 126,9 122,2 118,1
Danemark 81,6 78,1 73,3 70,6 65,1 59,5
Allemagne 48,0 50,2 58,0 60,4 61,3 61,2
Grèce 111,6 109,3 110,1 111,6 108,7 107,7
Espagne 60,0 62,6 65,5 70,1 68,8 67,4
France 45,3 48,5 52,7 55,7 58,0 58,1
Irlande 96,3 89,1 82,3 72,7 66,3 59,5
Italie 119,1 124,9 124,2 124,0 121,6 118,1
Luxembourg 6,1 5,7 5,9 6,6 6,7 7,1
Pays-Bas 81,2 77,9 79,1 77,2 72,1 70,0
Autriche 62,7 65,4 69,2 69,5 66,1 64,7
Portugal 63,1 63,8 65,9 65,0 62,0 60,0
Finlande 58,0 59,6 58,1 57,6 55,8 53,6
Suède 75,8 79,0 77,6 76,7 76,6 74,1
Royaume-Uni 48,5 50,5 53,9 54,7 53,4 52,3
EUR 65,9 68,0 71,0 73,0 72,1 70,5
(1) Budgets économiques du printemps 1998.

Source : Commission des Communautés européennes.

II.- LES PREMIERS RÉSULTATS DE L’EXÉCUTION
DU BUDGET DE 1998 PERMETTENT DE MIEUX APPRÉHENDER
LES ENJEUX DU BUDGET DE 1999

A.- L’EXÉCUTION DU BUDGET DE 1998 S’ENGAGE
DANS DE BONNES CONDITIONS

1.- Une conjoncture économique porteuse

· La confirmation d’indicateurs favorables pour 1997 permet d’affirmer que l’économie française passe de la reprise à la croissance.

L’examen de l’évolution du PIB ces dernières années tend à suggérer que l’année 1996 a connu un point bas de l’activité économique. En effet, en moyenne annuelle, le taux de croissance du PIB en volume s’est établi, cette année là, à 1,6%, au lieu de 2,1% en 1995, avant de remonter à 2,3% en 1997 (7). En réalité, l’analyse des comptes nationaux trimestriels montre que le point bas de l’activité économique a été atteint à la fin de l’année 1995, où le glissement annuel du PIB était proche de zéro.

Depuis cette date, la reprise s’est progressivement manifestée, bien qu’encore très hésitante en 1996. Le glissement annuel du PIB a ensuite connu une augmentation régulière, passant de 1,25% au premier trimestre 1997 à 2,89% au dernier trimestre 1997 (8). Depuis le printemps 1997, l’économie française croît à un rythme annualisé supérieur à 3%. De plus, la composition de la croissance s’est sensiblement modifiée.

La contribution des échanges extérieurs a été particulièrement importante en 1997. Les importations se sont affichées en accélération sensible (+7,7% en 1997 au lieu de +3% en 1996), évolution classique lorsque l’activité redémarre. En revanche, les exportations se sont elles aussi inscrites en progrès, au rythme de 12,1%, du fait de l’augmentation de la demande mondiale adressée à la France et de l’amélioration de sa compétitivité-prix, résultant de la hausse du dollar. Au total, en 1997, le commerce extérieur a apporté 1,4 point à la croissance du PIB, sur un total de 2,3.

Mais d’autres forces étaient à l’œuvre en 1997, qui commencent aujourd’hui à s’inscrire plus clairement dans les comptes nationaux. La consommation des ménages, encore convalescente au premier semestre, au sortir des turbulences de l’année 1996, s’est inscrite en progrès de 1,1% au troisième trimestre, puis de 0,96% au quatrième trimestre 1997, par rapport à la période précédente. Mesurée en glissement annuel, la consommation finale des ménages s’est installée, à la fin de l’année 1997, sur un rythme soutenu de 2,4% environ.

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION FINALE
DES MÉNAGES (1996-1997)

 

1996

1997

 

Trim 1

Trim 2

Trim 3

Trim 4

Trim 1

Trim 2

Trim 3

Trim 4

Consommation (a)

575,6

570,1

575,2

571,8

573,5

574,1

580,4

586

Évolution trimestrielle

+2,35%

–0,96%

+0,89%

–0,59%

+0,30%

+0,10%

+1,09%

+0,96%

Glissement annuel

+3,46%

+0,89%

+1,69%

+1,70%

–0,37%

+0,70%

+0,90%

+2,42%

(a) En milliards de francs, aux prix de 1980

L’investissement a également pris sa part au rééquilibrage de la croissance et au regain de la demande intérieure. Certes, sur l’ensemble de l’année, sa contribution à la croissance est quasi nulle et les évolutions trimestrielles de l’agrégat de la comptabilité nationale (la formation brute de capital fixe) ne laissent pas discerner de tendance très marquée. En effet, à une sévère diminution de 1,44% au premier trimestre, ont succédé deux bons chiffres (+ 0,95% et + 1,1%) les trimestres suivants. Enfin, le dernier trimestre 1997 s’est achevé sur une performance « blanche » : + 0,0%. En moyenne annuelle, un progrès est néanmoins perceptible par rapport à 1996 : + 0,2% au lieu de – 0,5%.

La France participe ainsi au mouvement général de croissance qui anime désormais l’ensemble des économies européennes. Dans son récent rapport annuel (9), l’Institut monétaire européen indique que la croissance du PIB réel des pays de l’Union européenne s’est inscrite, en moyenne, à 2,7% en 1997, soit un taux sensiblement supérieur à celui de 1,7% enregistré en 1996. L’amélioration de ces performances a essentiellement tenu au redressement de la demande intérieure.

Pour autant, les situations française et européenne ne sont pas totalement identiques. Tout d’abord, parce que certains pays sont plus avancés que d’autres dans le cycle économique, comme le Royaume-Uni et l’Irlande, ce qui a d’ailleurs justifié, dans ces pays, un ajustement des politiques économiques dans un sens un peu plus restrictif. Ensuite, parce qu’en moyenne, « le redressement de la demande intérieure est à relier à une accélération de la croissance de l’investissement et à un renforcement du mouvement de constitution des stocks, tandis que la progression de la consommation privée demeurait, pour sa part, inchangée et que la consommation publique se révélait plus faible qu’en 1996 » (10).

Cependant, en France comme dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, le retour de la croissance s’effectue sans que l’on puisse, pour l’heure, déceler une résurgence de l’inflation. En 1997, l’indice des prix du PIB s’est établi à 1,1% (1,4% en 1996), l’indice des prix de la consommation finale des ménages à 1,3% (2% en 1996) et l’indice mensuel des prix à la consommation à 1,2% en moyenne annuelle (2% en 1996).

· Nourrie par la demande intérieure, la croissance française devrait être, en 1998, plus autonome et mieux immunisée contre les aléas de l’environnement international. Celui-ci, en 1998, serait un peu moins favorable qu’en 1997. Les conséquences financières directes de la crise asiatique se sont, in fine, révélées moins redoutables que ce qui avait pu être un moment envisagé : il n’y a pas eu de perturbation majeure des taux de change les plus significatifs pour la France, ni de « renationalisation » des capitaux placés à l’étranger par les investisseurs internationaux. Seul, l’affaiblissement des monnaies des pays touchés par la crise peut avoir une influence, avec une diminution de la demande en provenance de l’Asie et une augmentation de la compétitivité-prix de leurs exportateurs, pour autant que les systèmes productifs nationaux puissent leur fournir les intrants nécessaires.

En filigrane, cependant, l’économie japonaise persiste dans une atonie inquiétante, dont on ne sait pas très bien si elle doit préluder à un regain d’activité en 1999 ou à une rechute plus sévère. Cette dernière éventualité aurait évidemment des répercussions sur les Etats-Unis.

Or le ralentissement de l’économie américaine, longtemps annoncé mais toujours repoussé, semble justement devoir se concrétiser. Le taux de croissance de la production industrielle a chuté de 7,2% au dernier trimestre 1997 à 1% au premier trimestre 1998 ; le taux d’utilisation des capacités industrielles est revenu à son niveau de 1993 ; le stockage a contribué pour 1,5 point à la croissance du PIB sur les deux derniers trimestres et est trois fois plus élevé que le niveau soutenable normal, selon les analystes de la Chase Manhattan Bank.

En revanche, les pays européens devraient rester sur un rythme de croissance d’environ 3%, étant, comme la France, soumis aux influences bénéfiques du raffermissement de leur demande intérieure. Malgré cette conjoncture européenne plutôt favorable, le principal facteur d’incertitude en 1998 est, de façon claire, l’environnement international.

Pour leur part, les facteurs internes de la croissance devraient rester dynamiques.

En premier lieu, le pouvoir d’achat des ménages devrait s’accroître en 1998, grâce aux créations d’emploi et à l’amélioration du revenu des entrepreneurs individuels. Après être passé, en mars 1998, sous la barre des 3 millions, le nombre de demandeurs d’emploi a encore diminué en avril, de 13.100 personnes, soit une baisse de 0,4%. Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, s’est établi à 11,9% de la population active, au lieu de 12% en mars et 12,5% en avril 1997, selon l’enquête publiée le 29 mai dernier par le ministère de l’emploi et de la solidarité. Hormis une légère augmentation en janvier 1998, la diminution du nombre des demandeurs d’emploi est régulière depuis septembre 1997. 200 000 emplois salariés ont été créés entre mars 1997 et mars 1998.

Il est toujours loisible de faire valoir que les emplois créés sont, dans la majorité des cas, à caractère « précaire ». Force est de constater, cependant, que la croissance française est aujourd’hui plus riche en emplois. La consommation ne peut que tirer avantage de cette évolution favorable.

En deuxième lieu, l’investissement des entreprises, qui bénéficie d’une convergence exceptionnelle de facteurs favorables, devrait redémarrer après plusieurs trimestres d’incertitude. Les conditions de financement des entreprises sont extrêmement souples, avec des taux longs qui ont atteint au printemps 1998 leurs plus bas niveaux (en termes nominaux) depuis le début des années soixante-dix : le taux de l’emprunt d’Etat de référence à 10 ans est tombé, en mars 1998, au-dessous de 5%. La situation financière des entreprises est toujours bonne : le taux de marge devrait rester stable aux environs de 40%. Le raffermissement de la demande devrait apparaître comme suffisamment pérenne pour justifier de nouveaux projets d’investissement. Le taux d’utilisation des capacités de production a atteint près de 87% en avril 1998, selon l’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France ; il est supérieur depuis plus d’un an à sa moyenne de longue période (1981-1997).

Ces données objectives rencontrent, par ailleurs, le sentiment des chefs d’entreprise, qui font montre, dans les plus récentes enquêtes conjoncturelles de l’INSEE, d’un optimisme de plus en plus affirmé. Certes, les semestres précédents ont révélé que les investissements effectivement réalisés ne suivent pas toujours les intentions manifestées ex ante par les chefs d’entreprise. Mais les comptes provisoires du premier trimestre 1998, publiés ce 4 juin 1998 par l’INSEE, montrent une vigueur peu commune de la formation brute de capital fixe, qui aurait progressé de près de 1,2% par rapport au trimestre précédent.

ÉVOLUTION DE LA FORMATION BRUTE DE CAPITAL FIXE
(1996-1997)

 

1996

1997

 

Trim 1

Trim 2

Trim 3

Trim 4

Trim 1

Trim 2

Trim 3

Trim 4

FBCF totale (a)

188,7

188,6

189,5

189,8

187,1

188,9

191,0

191,0

Évolution trimestrielle

–0,64%

–0,05%

0,47%

0,16%

–1,44%

0,95%

1,10%

0,00%

Glissement annuel

–1,38%

0,16%

–0,69%

–0,05%

–0,86%

0,16%

0,79%

0,63%

(a) En milliards de francs, aux prix de 1980

En définitive, les fondements de la croissance semblent désormais bien établis pour 1998 et rien ne permet de démentir la prévision de 3% sur laquelle le Gouvernement a construit la loi de finances initiale.

La croissance française, qui était restée inférieure à la moyenne de ses principaux partenaires de l’Union européenne depuis 1990 et de l’OCDE depuis 1992, devrait à nouveau être supérieure à ces moyennes en 1998.

· Il est cependant trop tôt pour réévaluer dès aujourd’hui les perspectives de croissance de l’année 1998. Votre Rapporteur général remarque d’ailleurs qu’une légère révision en baisse a été effectuée, entre la Note de conjoncture publiée au mois de mars dernier par l’INSEE et les Comptes nationaux trimestriels publiés le 27 avril 1998, sur les résultats du PIB pour les deux derniers trimestres de 1997. La correction (3,7 milliards de francs pour le PIB total 1997, soit 0,1%) est assurément minime et ne saurait remettre en cause les principales conclusions de l’analyse de la conjoncture présentée ci-avant.

Plus troublante est la constatation, pour le taux de croissance du PIB au premier trimestre, d’un écart négatif de 0,2 point entre la prévision effectuée par l’INSEE dans la Note de conjoncture de mars et les comptes provisoires publiés en juin. L’analyse de cet écart montre, en fait, que la contribution du commerce extérieur à la croissance a été plus modérée que prévu, alors que la demande intérieure s’est, au contraire, mieux comportée que dans les prévisions antérieures, sans toutefois parvenir à compenser totalement l’évolution défavorable du solde extérieur. In fine, le diagnostic sur l’ensemble de l’année 1998 peut rester inchangé.

Ces ajustements successifs rappellent la fragilité inhérente aux projections qui nourrissent les commentaires des conjoncturistes.

C’est pourquoi il convient de considérer avec prudence les avis qui se font jour çà et là, appelant à reconnaître dès aujourd’hui une amélioration
– au demeurant toujours souhaitable – des résultats par rapport aux prévisions. Les analystes de J.P. Morgan tablent désormais sur un taux de croissance de 3,2% en 1998 (11). Les experts de la Caisse des dépôts et consignations estiment également que, si leurs projections actuelles se confirment, la croissance pourrait atteindre 3,2% en 1998 (12). Votre Rapporteur général, sans vouloir faire preuve d’un excès de prudence, préfère garder à l’esprit les incertitudes encore nombreuses qui peuvent affecter le bon déroulement de l’année en cours. En particulier, comme cela a été exposé ci-avant, le redémarrage de l’investissement demande encore à être confirmé. Lui seul est, en effet, capable d’installer réellement notre pays sur la voie d’une croissance à la fois durable, non inflationniste et auto-entretenue.

De même, si actuellement aucun élément ne permet d’escompter un supplément imprévu de recettes fiscales, une telle éventualité pourrait toutefois ne pas être à exclure si, la croissance étant égale aux prévisions, le contenu de celle-ci continuait à se modifier, par rapport à ces prévisions, au bénéfice d’une consommation intérieure par définition génératrice de recettes fiscales plus abondantes.

Gardons-nous cependant de prétendre distribuer les « fruits de la croissance » avant qu’ils ne soient mûrs et cueillis...

2.- Des recettes fiscales dynamiques au premier trimestre

La dernière situation budgétaire disponible, parue le 15 mai dernier, fournit des informations sur les recettes du premier trimestre. Les recettes fiscales nettes sont caractérisées par un dynamisme certain : comparés aux trois premiers mois de l’année précédente, les résultats du premier trimestre 1998 font apparaître une progression de 4,8%. On rappellera que la loi de finances pour 1998 prévoit une croissance de ces recettes de 2,2% par rapport à 1997. Au total, les recettes nettes du budget général sont supérieures de 15 milliards de francs à leur niveau de l’année dernière à la même date.

LES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL

(en milliards de francs)

 

1997

Situation à fin mars 1997

LFI 1998

Situation à fin mars 1998

LFI 1998
Année 1997

Mars 1998
mars 1997

Recettes fiscales nettes 1.416,6 333,4 1.448,2 349,4 2,2% 4,8%
· Impôt sur le revenu 293,5 83,6 294,7 81,3 0,4% -2,8%
· Impôt sur les sociétés net 172,1 26,3 190 26,5 10,4% 0,8%
· TIPP 150,8 32,8 154,9 34,3 2,7% 4,6%
· Taxe sur la valeur ajoutée nette 626,1 151,1 637 166,2 1,7% 10,0%
· Divers 174,1 39,6 171,6 41,1 -1,4% 3,8%
Recettes non fiscales (hors FSC) 156,9 27,5 155 33,8 -1,2% 22,9%
Prélèvements au profit des collec-tivités locales et des communautés européennes

-252,8


-69,8


-256


-74,2


1,3%


6,3%
Recettes du budget général (hors fonds de concours)
1.320,7

291,1

1.347,2

309

2,0%

6,1%
Recettes de fonds de concours 64,5 15,8 - 12,9

ns

-18,4%
Recettes du budget général 1.385,2 306,9 1.347,2 321,9

ns

4,9%

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Les recettes d’impôt sur les sociétés restent peu significatives à ce stade de l’exercice. Les résultats constatés en début d’année 1998 confirment toutefois que les versements importants effectués en décembre 1997 sous forme d’acomptes au titre des mesures d’urgences à caractère fiscal et financier ont provoqué une augmentation importante des remboursements d’excédents de versement sur l’exercice 1998. L’évaluation correcte du rythme de progression de l’impôt sur les sociétés ne peut cependant être effectuée à ce stade de l’exercice, les bénéfices de l’année précédente ne se traduisant pas encore dans les versements effectués par les entreprises.

Si les encaissements au titre de la TIPP sont dynamiques (+4,6%), ce sont surtout les encaissements de TVA nette qui progressent de façon notable. Ils sont supérieurs de 10% aux encaissements réalisés sur la même période en 1997. Pour expliquer ces évolutions, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie a fourni les éléments de réponse suivants :

« A ce stade de l’année il est encore trop tôt pour identifier avec précision des facteurs explicatifs de ces écarts. Plusieurs pistes de réflexion peuvent néanmoins être évoquées : des recouvrements exceptionnels issus de contrôles fiscaux (notamment en matière d’opérations d’acquisitions intra-communautaires lesquelles ouvrent un droit à déduction ultérieure pour le même montant), une reprise de l’investissement des entreprises qui procure dans un premier temps des versements de TVA brut (mais qui ouvre ensuite des droits à déduction), des phénomènes calendaires liés aux restructurations de certaines grandes entreprises, éventuellement une évolution de la structure de la consommation. Pour l’instant, les statistiques macro-économiques fournies par l’INSEE sur la consommation des ménages et l’investissement ne permettent pas de fournir des explications plus précises.

« Il semble également possible d’évoquer un changement de comportement de certaines entreprises, essentiellement celles intervenant dans le commerce extérieur et/ou effectuant des livraisons intra-communautaires, qui ont pu prendre conscience du risque qu’elles prenaient au regard des procédures de contrôles fiscaux et douaniers mis en place récemment pour lutter contre les exportations et livraisons fictives. »

Compte tenu du décalage temporel des remboursements de TVA, il n’est pas certain que les résultats des trois premiers mois de l’année en matière de TVA nette puissent être aussi soutenus sur l’ensemble de l’exercice. Il n’en reste pas moins que la dernière enquête de l’INSEE sur l’investissement industriel (13) confirme la dynamique à l’œuvre. Après avoir été stable en 1997, l’investissement industriel devrait progresser en 1998 de 9% en valeur, et l’investissement manufacturier de 11%. Cette progression concernerait toutes les branches de l’industrie manufacturière, hormis l’automobile.

3.- Un niveau de dépenses peu significatif à ce stade de l’année

Trois mois sont, à l’évidence, insuffisants pour dresser un bilan pertinent et tracer des perspectives sur l’exécution de l’exercice budgétaire en cours. C’est donc avec les précautions d’usage que votre Rapporteur général formule le jugement selon lequel le budget, dans ses grandes lignes, s’exécute conformément aux prévisions de la loi de finances initiale.

Deux éléments viennent à l’appui de cette appréciation : l’absence de régulation budgétaire en début d’année, ce qui est exceptionnel au vu des années récentes ; l’absence du traditionnel « décret d’avance de printemps », qui était généralement publié à la fin du mois de mars.

En revanche, fait inhabituel, le Gouvernement a été amené à signer un décret d’avance dès le 16 janvier 1998. Ce décret a ouvert 1 milliard de francs de crédits supplémentaires sur le chapitre 47-21 « Programmes d’action sociale de l’Etat » du budget de la Santé, de la solidarité et de la ville, destinés aux actions d’urgence en faveur des chômeurs en grande difficulté. Les crédits ont été rapidement décentralisés et mis à la disposition des préfets, chargés de gérer les « missions d’urgence sociale » mises en place en décembre 1997 pour apporter un soutien spécifique à cette catégorie de chômeurs. Les crédits nouveaux ont été intégralement gagés par des économies forfaitaires portant sur plus de 120 chapitres relevant de 24 sections budgétaires. Ont seuls été épargnés trois budgets : Anciens combattants ; Emploi ; Santé, solidarité et ville.

Au 31 mars 1998, les dépenses du budget général s’établissent à 389,6 milliards de francs, au lieu de 393,4 milliards de francs au 31 mars 1997, soit une diminution de 1%. Les dépenses ordinaires civiles nettes, telles qu’elles sont présentées dans la Situation budgétaire au 31 mars 1998 (14), appellent quelques commentaires :

– les charges de rémunérations, pensions et charges sociales apparaissent en ligne avec le cadrage de la loi de finances initiale, en augmentation de 3,1% à la fin du premier trimestre ;

– les dépenses de fonctionnement (parties 4, 5, 6 et 7 du titre III) sont en augmentation de 27,3% par rapport au niveau enregistré en mars 1997 ; cependant, la comparaison des dépenses effectives (24,7 milliards de francs) aux crédits disponibles (96,75 milliards de francs) montre que le taux de consommation des crédits n’est que de 25,6%, ce qui est tout à fait conforme à ce que l’on peut attendre après le premier quart de l’exercice ; en fait, les résultats d’exécution de mars 1997 portent la marque du gel des crédits qui avait été décidé, cette année là, en début d’année, faussant ainsi la base de comparaison avec les résultats d’exécution de mars 1998 ;

– la charge brute de la dette est en augmentation de 17,9% par rapport à la même période de 1997 ; un examen des résultats budgétaires sur plus longue période (1994-1998) suggère cependant que l’année 1997 doit être considérée comme atypique : en mars de chaque année, les dépenses relatives à la charge brute de la dette représentent un montant d’environ 45 milliards de francs ; en mars 1997, les dépenses avaient chuté à 36,4 milliards de francs ; en mars 1998, elles s’élèvent à 42,9 milliards de francs ; en tout état de cause, le profil temporel de ce poste de dépenses est difficile à interpréter à défaut d’informations plus détaillées sur les opérations précises qui donnent lieu à des versements d’intérêts au titre de la dette.

La principale singularité de l’exécution budgétaire, à la date du 31 mars 1998, vient du niveau quasi nul des dépenses militaires en capital : le taux de consommation des crédits n’est que de 3,7%. Une telle situation ne pouvait manquer de susciter les interrogations de votre Rapporteur général qui a reçu du Gouvernement la réponse suivante :

Hormis les dispositifs « lourds » comme la loi sur la lutte contre les exclusions ou l’accord salarial dans la fonction publique – dont les incidences budgétaires seront examinées ci-après – seuls trois événements sont intervenus jusqu’ici, qui auraient pu être susceptibles d’influencer l’exécution du budget 1998 dans des conditions non prévues dans la loi de finances initiale.

En premier lieu, la revalorisation des minima sociaux, ayant pris effet le 1er janvier 1998, a des répercussions directes sur le budget du ministère de l’emploi et de la solidarité. Le coût de cette revalorisation peut être évalué à près de 1,7 milliard de francs pour 1998.

COÛT EN 1998 DE LA REVALORISATION DES MINIMA SOCIAUX

 

Evolution

Coût
(en millions de francs)

Allocation spécifique de solidarité

+ 8,12% (a)

1.096

Revenu minimum d’insertion

+ 1%

264

Allocation adulte handicapé

+ 1%

247

Allocation d’insertion

+ 29,0%

82

TOTAL

-

1.689

(a) dont 2% avec effet rétroactif au 1er juillet 1997

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Selon la réponse adressée à votre Rapporteur général par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « cette majoration, ainsi que le coût des mesures mises en place par la loi de lutte contre les exclusions, ne devra pas avoir d’incidence sur le solde budgétaire résultant de la loi de finances pour 1998 ». Cela implique que ces mesures seront financées par des redéploiements, à moins que ne soient constatées, à un stade ultérieur de l’exercice, des entrées moins nombreuses que prévu dans les dispositifs concernés.

En deuxième lieu, le Parlement a adopté définitivement, le 17 avril dernier, la proposition de loi ouvrant le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d’assurance vieillesse, devenue la loi n° 98-285 du 17 avril 1998. L’impact de ce dispositif avait été évalué, lors de la discussion en première lecture à l’Assemblée nationale, à 375 millions de francs pour environ 20 000 bénéficiaires. Les dernières estimations fournies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en réponse à une question de votre Rapporteur général, font état de 393 millions de francs de dépenses en année pleine, pour 18 500 allocataires. Pour 1998, année de montée en charge du dispositif, les prévisions avancées par la ministre de l’emploi et de la solidarité, à l’occasion de la présentation du projet de loi de lutte contre les exclusions, ont fait état d’une dépense d’environ 265 millions de francs.

En dernier lieu, l’accord signé le 1er février 1998, sous l’égide du Gouvernement, entre la société Eramet et la Société minière du Pacifique sud (SMSP), implantée en Nouvelle Calédonie, prévoit qu’il sera procédé à un échange de massifs miniers entre ces deux sociétés, afin de développer le potentiel économique de la province Nord de Nouvelle Calédonie grâce à la construction prévue d’une usine de traitement du minerai de nickel. En contrepartie de la différence entre la valeur du massif minier apporté à l’échange et celle du massif minier reçu, l’Etat s’est engagé auprès de la société Eramet à lui verser une indemnité, dont le montant serait calculé ultérieurement.

Au terme d’une procédure d’évaluation délicate, conclue par un accord entre le Gouvernement et la société Eramet le 5 mai dernier, le montant de l’indemnité a été fixé à 1 milliard de francs hors taxe, soit 1.570 millions de francs taxes comprises (dont 442 millions de francs destinés au territoire de Nouvelle Calédonie).

Si l’échange des massifs ne sera effectif que lorsque la SMSP et son partenaire industriel canadien Falconbridge auront effectivement réalisé l’usine projetée, le versement de l’indemnité devrait intervenir au cours du présent exercice budgétaire. En effet, il sera effectué simultanément au transfert, par chacune des sociétés concernées, des droits miniers sur les deux massifs à une entité indépendante qui est actuellement en cours de création. Si l’usine n’est pas construite, Eramet devra rembourser l’indemnité, totalement ou partiellement, selon la date à laquelle l’échec du projet industriel aura été dûment constaté.

Aucune précision n’a été fournie par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur le financement de cette indemnité. Il est cependant très vraisemblable que la dépense sera imputée sur le compte d’affectation spéciale n° 902-24.

B.- LES ENJEUX DU BUDGET POUR 1999

1.- Affirmer des priorités tout en assurant une maîtrise
globale de la dépense

Le 9 avril dernier, le Gouvernement faisait connaître un cadrage préliminaire de la politique budgétaire pour 1999. Les dépenses de l’Etat augmenteraient de 2,2%, soit une augmentation en volume de 1%, compte tenu du rythme prévisionnel d’inflation retenu. Les déficits de l’ensemble des administrations publiques seraient réduits de 3% du PIB en 1998 à 2,3% en 1999, le déficit de l’Etat connaissant, quant à lui, une diminution moins importante, passant de 258 milliards de francs (3,1% du PIB) en 1998 à 240 milliards de francs (2,7% du PIB) en 1999.

Votre Rapporteur général approuve pleinement cette orientation, qui consiste à utiliser intelligemment les dividendes de la reprise économique pour poursuivre trois objectifs également légitimes : la diminution du déficit budgétaire, le soutien de la croissance et le financement des priorités de l’action publique.

A cet égard, la démarche engagée par l’actuel Gouvernement se distingue clairement de celle que préconisait le Gouvernement précédent. L’heure n’est plus à une compression à tout va de la dépense publique, mais à un ajustement raisonné et dénué de tout a priori idéologique. C’est la meilleure illustration de la différence entre une approche réellement politique et une approche purement technocratique.

A la suite de l’annonce des orientations gouvernementales, les termes de l’équation budgétaire de 1999 sont désormais clarifiés. L’application d’un taux d’évolution de 2,2% en valeur à la masse des crédits nets du budget général tels que déterminés dans la loi de finances initiale pour 1998 (1600 milliards de francs) signifie que les crédits nets augmenteraient de 35 milliards de francs environ en 1999.

En choisissant de retenir pour norme d’évolution des dépenses nettes du budget général le taux de 1% en volume, le Gouvernement fait donc le choix d’affecter le supplément de recettes fiscales attendu de la croissance en 1999 (50 à 55 milliards de francs) à la réduction du déficit, à hauteur d’un tiers environ (18 milliards de francs), et au financement des actions prioritaires, à hauteur des deux tiers environ.

Ce choix pourrait être présenté comme signe d’un laxisme de mauvais aloi. Certains ne s’en sont d’ailleurs pas privés, alors même qu’ils n’ont pas été des plus rigoureux dans l’exécution budgétaire d’exercices très récents Les toutes dernières années ont également montré combien pouvait être nuisible une politique entièrement axée sur la réduction du déficit.

Au demeurant, votre Rapporteur général constate que le nombre des priorités affirmées par le Gouvernement traduit une grande sélectivité. Dans la loi de finances initiale pour 1998, 18 ministères avaient vu leurs dotations augmenter plus vite que la moyenne du budget général ; ils ne sont plus que six dans le cadrage préliminaire pour 1999 présenté au Parlement à l’occasion de ce débat d’orientation budgétaire : Culture, Education nationale, Emploi, Environnement, Justice, Solidarité.

Bien entendu, tel ou tel parlementaire, sensible à un thème d’action non retenu dans les priorités de 1999, pourra ressentir une certaine frustration. C’est le propre des choix clairs que de causer des frustrations.

Par ailleurs, l’audition par la Commission des finances, ce 4 juin 1998, du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et du secrétaire d’Etat au budget a laissé entendre que les actions destinées à la sécurité publique pourraient être admises elles aussi au rang des interventions privilégiées, ce dont votre Rapporteur général se félicite.

Il est possible de concevoir qu’à ce stade de la procédure d’élaboration du budget, la liste des priorités puisse encore recevoir quelques inflexions, en particulier en fonction des souhaits qu’auront pu émettre les parlementaires lors du débat d’orientation du 9 juin prochain. Cependant, un allongement trop important de la liste avancée par le Gouvernement ne paraît pas souhaitable, car il aboutirait à une dilution des priorités, synonyme de saupoudrage plus que d’efficacité.

Or, les marges de manœuvre dont peut bénéficier le Gouvernement sont limitées. Une part importante, sinon la quasi totalité, des 35 milliards de francs de crédits nouveaux devrait, en effet, être absorbée par des dépenses incompressibles : l’augmentation des charges de personnel de la fonction publique et l’aggravation de la charge de la dette.

Les dépenses de fonction publique devraient croître de 23 milliards de francs en 1999. Pour une part, cette augmentation est due au glissement-vieillesse-technicité, qui accroît mécaniquement les charges de personnel de l’Etat. Il convient, à cet égard, de rappeler qu’en l’absence de toute revalorisation salariale, l’année 1997 a cependant vu les charges de personnel augmenter de près de 15 milliards de francs.

L’accord salarial signé le 10 février 1998 entre le Gouvernement et plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires entraînera, en 1999, un surcoût de 9,5 milliards de francs par rapport au montant actualisé de 1998. Pour l’exercice en cours d’exécution, le Gouvernement avait prévu, dans la loi de finances initiale, une provision de 3 milliards de francs, inscrite sur le chapitre 31-94 « Mesures générales intéressant les agents du secteur publics » du budget des Charges communes. Il sera également fait appel, pour couvrir la dépense supplémentaire totale pour 1998, évaluée à 5,3 milliards de francs, à la souplesse généralement constatée sur les chapitres relatifs aux rémunérations d’activité dans les autres fascicules budgétaires.

ACCORD SALARIAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE (a)

(en milliards de francs)

 

Agents de l’Etat (b)

Fonction publique territoriale

Fonction publique hospitalière

 

1998

1999

2000

1998

1999

2000

1998

1999

2000

Revalorisation du point d’indice

0,8% au 01/04/98

0,5% au 01/11/98

0,5% au 01/04/99

0,8% au 01/12/99

4,3 11,0 16,8 1,5 3,9 5,9 1,4 3,6 5,4
Mesures d’accompagnement 1,0 3,8 6,5 0,6 2,5 4,0 0,4 1,6 2,6
dont points uniformes et points différenciés 0,4 2,2 4,2 0,3 1,4 2,3 0,3 1,1 1,9
TOTAL 5,3 14,8 23,3 2,2 6,5 10,0 1,8 5,2 8,0

(a) en valeurs cumulées par rapport à la base 1998 avant effet de l’accord salarial

(b) hors établissements publics

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

La charge de la dette en 1999 n’a fait l’objet, à la connaissance de votre Rapporteur général, d’aucune évaluation précise à ce jour. Force est alors de se reposer sur des hypothèses clairsemées, qui permettent davantage de donner des ordres de grandeur plus que de conclure sur de réelles prévisions. La charge de la dette en 1999 peut être estimée en appliquant au stock de dette prévu pour la fin 1998 un taux représentatif du coût moyen de cette dette. Le graphique situé à la page 43 du rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d’orientation budgétaire suggère qu’un taux de 6,4% pour 1999 est une base de calcul raisonnable.

Ce taux serait d’ailleurs inchangé par rapport à 1998, ce qui est le signe d’une certaine prudence du Gouvernement sur l’évolution des taux courts, qui pourraient remonter légèrement à l’horizon 1998-1999. Pour sa part, la partie longue de la dette négociable devrait continuer à voir son coût moyen diminuer. En effet, le refinancement progressif, au fur et à mesure de leur arrivée à échéance, des titres émis antérieurement pour assurer la couverture du déficit provoque un lent alignement du coût moyen de la dette (longue) sur le taux observé sur le marché obligataire. Cette convergence ne peut être qu’asymptotique mais perdure tant que les deux taux ne sont pas identiques, aux fluctuations de marché près. Or, si le coût moyen de la dette est encore de 6,4% en 1998 et 1999 (15), le taux de l’emprunt de référence à 10 ans actuellement proposé par l’Etat aux investisseurs est inférieur à 5% et ne devrait pas s’écarter beaucoup de cette valeur sur la période considérée.

Le rapport spécial relatif au budget des Charges communes pour 1998 indique que le stock de la dette de l’Etat devrait atteindre 4 110 milliards de francs à la fin de l’année 1998. Ainsi, la charge brute de la dette en 1999 serait, en première approximation, de 263 milliards de francs environ. Si l’on prend en compte les recettes d’ordre, pour un montant équivalent à celui prévu en 1998, soit 13 milliards de francs, la charge nette de la dette s’élèverait alors à 250 milliards de francs environ, soit une augmentation de 15 milliards de francs par rapport au montant prévu pour 1998 (234,8 milliards de francs).

Ce chiffre doit être considéré comme une borne supérieure de l’estimation. D’une part, le taux de 6,4% indiqué dans le document du Gouvernement se rapporte à la dette de l’ensemble des administrations publiques ; or la dette de l’Etat, émetteur souverain, est légèrement moins coûteuse que celle de l’ensemble des administrations. D’autre part – et cela est assurément le facteur principal de correction – la politique de gestion active de la dette de l’Etat devrait s’attacher de façon privilégiée (16), comme les années précédentes, à racheter sur le marché certains emprunts anciens coûteux en émettant des titres aux conditions de taux actuelles, plus avantageuses ; cette politique se traduit donc par une diminution des charges d’intérêt, supportées par le budget, compensée par une augmentation des charges de trésorerie, constatées en loi de règlement (17). En définitive, un chiffre d’une dizaine de milliards de francs semble plus raisonnable que 15 milliards de francs pour évaluer l’alourdissement prévisible de la charge de la dette en 1999.

En tout état de cause, les priorités gouvernementales devront être financées par des redéploiements de crédits entre ministères comme à l’intérieur de chaque ministère. Certains de ces redéploiements, en particulier sur le budget de l’Emploi, pourraient être facilités par l’impact de la reprise économique et de la décrue du chômage. Les crédits alloués par la loi de finances initiale pour 1998 à plusieurs dispositifs pourraient se révéler supérieurs aux besoins : 11,6 milliards de francs pour les contrats emploi-solidarité (pour 500 000 bénéficiaires estimés), 13 milliards de francs pour les contrats initiative-emploi (200 000 nouveaux entrants). De même, il n’est pas impossible de penser qu’un éventuel ralentissement des plans sociaux pourrait dégager des marges de manœuvre sur les crédits alloués au Fonds national pour l’emploi (18).

De plus, selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, « un réexamen des exonérations spécifiques de cotisations sociales sera engagé dans le prolongement des réformes introduites l’an dernier afin d’unifier le dispositif d’allégement du coût du travail. Par ailleurs, les recettes procurées aux administrations sociales par les effets bénéfiques de la réduction du temps de travail sur l’emploi devront être destinées au financement des aides prévues par la loi, et les différents acteurs de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle devront être mobilisés au profit du financement des actions prioritaires ».

La délicate question des marges de manœuvre ne doit pas occulter la nécessité pour l’Etat de s’engager, plus qu’il ne l’a fait jusqu’ici, dans une approche pluriannuelle de la dépense publique notamment afin d’améliorer l’efficacité de celle-ci. En ce sens, votre Rapporteur général est sensible à l’ouverture manifestée par le Gouvernement dans la dernière partie de son rapport pour le débat d’orientation budgétaire (p. 52).

La notion de « programmation pluriannuelle » peut susciter des discussions : prise au pied de la lettre, elle suppose en effet un remodelage des procédures d’élaboration et de vote du budget. Le Gouvernement ne propose pas, pour l’instant, une démarche aussi radicale. Il indique simplement qu’il « conviendra dorénavant d’éclairer les choix budgétaires en les situant dans une perspective à moyen terme ».

De telles perspectives ont déjà été tracées, dans le domaine économique et social, lorsque le Parlement a été amené à examiner successivement les lois sur l’emploi des jeunes (promulguée le 16 octobre 1997) et sur la réduction du temps de travail (adoptée définitivement le 20 mai par l’Assemblée nationale et déférée au Conseil constitutionnel) et le projet de loi de lutte contre les exclusions (adopté le 20 mai par l’Assemblée nationale, en instance au Sénat). Les engagements financiers de l’Etat du fait des mesures inscrites dans ces textes s’étendent au-delà du cadre budgétaire annuel. S’appuyant sur une logique d’objectifs et pas seulement de moyens, ils dénotent une vision dynamique de la programmation pluriannuelle, que l’on aurait tort, à cet égard, de réduire à un simple facteur de rigidité de la dépense publique.

En réponse à une question de votre Rapporteur général sur les incidences budgétaires de la réduction du temps de travail, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a donné la réponse suivante, après avoir rappelé dans leurs grandes lignes les différentes aides définies par la loi.

« Qu’il s’agisse de l’aide de base comme des majorations, le niveau de l’aide est d’autant plus élevé la première année que l’entreprise s’engage plus tôt dans le dispositif. »

« L’estimation du coût de l’aide et de ses différentes majorations en 1999 est particulièrement sensible au rythme de montée en charge du dispositif, qu’il est encore difficile d’évaluer aujourd’hui. Sur la base des hypothèses retenues dans le cadre de la dernière commission des comptes de la Nation, qui supposent qu’environ 1,5 million de salariés seront concernés d’ici la fin de l’année 1999 par des accords de réduction du temps de travail entrant dans le champ de l’aide, le coût du dispositif peut être évalué à ce stade à près de 7 milliards de francs en 1999, dont 6,5 milliards de francs au titre de l’aide de base et 0,7 milliard de francs au titre des différentes majorations. »

« Le dispositif d’aide étant ouvert jusqu’au 31 décembre 1999 pour les entreprises de plus de vingt salariés, et jusqu’au 31 décembre 2001 pour les entreprises de moins de vingt salariés, son coût s’étalera sur la période 1998-2006. Le coût maximal de l’aide interviendra en 2000, lorsque les entrées observées en 1998 et 1999 seront prises en charge en année pleine. »

« Parallèlement au coût brut de l’aide, il convient de prendre en compte les recettes apportées, notamment aux différents régimes sociaux, par les emplois qui seront créés ou préservés par la réduction du temps de travail. Les modalités précises de prise en charge budgétaire des aides à la réduction du temps de travail, et tout particulièrement les conditions de prise en compte de ces retours pour les finances sociales, seront arrêtées dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ».

La loi créant les emplois-jeunes ne devrait pas, pour sa part, souffrir d’une insuffisance de crédits en 1998. Le bilan du dispositif à la date du 31 mars 1998 fait apparaître une montée en charge progressive d’environ 10 000 contrats par mois, qui permet de penser que l’objectif fixé par le Gouvernement (150 000 emplois-jeunes d’ici à la fin de l’année 1998) a toute chance d’être atteint.

BILAN DE LA LOI SUR L’EMPLOI DES JEUNES AU 31 MARS 1998

Nature des emplois

Postes prévus ou conventions signées

Emplois rémunérés en fin de mois

Aides éducateurs

40.000

29.710

Adjoints de sécurité

8.250

1.932

Emplois jeunes (hors Education nationale et Intérieur)

14.181

6.506

TOTAL

62.431

38.148

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

En effet, si l’on retient l’hypothèse d’un rythme régulier pour les entrées dans le dispositif, l’objectif gouvernemental suppose justement un flux mensuel de 10 000 personnes, compte tenu des 30 000 emplois-jeunes déjà concrétisés au 31 décembre 1997. Le coût d’un tel dispositif serait donc de 92 000 ´ (120 000 ´ ½ (19)) pour les emplois créés en 1998, auquel il convient d’ajouter le coût en année pleine des 30 000 emplois acquis en 1997. Au total, la réalisation de l’objectif du Gouvernement suppose une dépense de 8,3 milliards de francs.

Or la loi de finances initiale pour 1998 a justement ouvert à cette fin 8,05 milliards de francs sur le chapitre 44-01 « Programme en faveur de l’emploi des jeunes » du budget de l’Emploi, créé à cette fin en juillet 1997, et 300 millions de francs sur le budget de l’Outre-mer.

Ces crédits initiaux devraient être prochainement abondés par un arrêté de report de l’exercice 1997 vers l’exercice 1998, selon les informations reçues par votre Rapporteur général. En effet, le décret d’avance du 9 juillet 1997 avait ouvert 2 milliards de francs sur le chapitre 44-01 (nouveau) afin de financer les emplois-jeunes pendant le dernier trimestre 1997. Le coût total du dispositif pour l’année 1997 s’est élevé à 332 millions de francs seulement, en raison du nombre d’emplois-jeunes créés et du calendrier de ces créations. Compte tenu d’une répartition intervenue le 13 octobre 1997, pour un montant de 707,8 millions de francs, et de l’imputation directe de 165 millions de francs de dépenses sur le chapitre 44-01, le montant des crédits reportés sur 1998 devrait être de 1,1 milliard de francs environ.

En fait, le montant de la dépense effective en 1998 sera inférieur aux 8,3 milliards de francs évoqués ci-avant. En effet, le tableau présentant le bilan du dispositif fait apparaître clairement qu’il y a, pour des raisons techniques, un décalage entre le nombre d’emplois annoncés ou finalisés de façon conventionnelle et le nombre d’emplois effectivement rémunérés en fin de mois.

Enfin, le financement des emplois-jeunes créés dans les services de l’Etat (ou assimilés) appelle quelques précisions. L’aide de l’Etat est égale à 80% du SMIC par emploi créé, charges sociales comprises, soit 92 000 francs par an et par emploi. Pour les emplois créés par l’éducation nationale (« aides éducateurs ») et l’intérieur (« adjoints de sécurité »), le budget de l’Etat doit supporter les 20% du SMIC restant à payer après imputation des 80% représentatifs de l’aide sur le chapitre 44-01 du budget de l’Emploi :

– la loi de finances initiale pour 1998 a créé sur le budget de l’intérieur un chapitre 31-96 « Emplois de proximité. Dépenses de personnel », doté de 117,1 millions de francs ; le rapport spécial sur le budget de l’Intérieur (n° 32 : Sécurité) apporte des précisions complémentaires sur la prise en charge des coûts de fonctionnement, qui dépasse le cadre du dispositif emplois-jeunes au sens strict ;

– pour l’éducation nationale, le financement sera assuré en 1998 par des redéploiements de crédits de rémunération ; selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ce redéploiement sera « consolidé » lors de l’élaboration du projet de budget 1999 ; peut-être serait-il utile, à cette occasion, de créer un article spécifique au sein du chapitre 36-70 « Etablissements scolaires et de formation.- Dépenses pédagogiques et subventions de fonctionnement » du budget de l’enseignement scolaire, qui a été le réceptacle de la répartition de crédits évoquée ci-avant.

En année pleine, 150 000 emplois-jeunes représentent une charge de 13,8 milliards de francs. Une partie de ce montant peut être intégrée aux moyens financiers mis par l’Etat à la disposition des actions de lutte contre l’exclusion. Le projet de loi prévoit, à ce titre, que 20% des emplois-jeunes devraient être réservés aux jeunes des quartiers sensibles.

La programmation pluriannuelle des dépenses, parce qu’elle suppose la définition d’objectifs précis, des stratégies et des moyens permettant de les atteindre, contribue à encadrer les évolutions de la dépense publique, à favoriser la recherche des économies, à améliorer l’efficacité de l’action de l’Etat.

En ce sens, elle est un passage déterminant pour la réduction du besoin de financement de l’Etat et des administrations publiques.

2.- Réduire le besoin de financement des administrations publiques

Retrouver des marges de manoeuvre oblige à réduire le besoin de financement des administrations publiques. Les déficits publics nourrissent en effet la dette publique, source de dépenses improductives s’il en est. Or, la dette publique a beaucoup progressé ces dernières années, passant de 45,3% du PIB en 1993 à 58% en 1997.

S’agissant de la dette de l’Etat en particulier, sa croissance ne peut être entravée que si un excédent primaire (20) est dégagé ; ainsi, pour 1999, le montant de la dette pourrait, comme on l’a vu, progresser mécaniquement d’environ 10 milliards de francs. Dans son rapport préliminaire sur l’exécution des lois de finances pour 1997, la Cour des comptes présente un tableau, reproduit ci-dessous, qui montre que la réduction du déficit primaire de l’Etat a été particulièrement vigoureuse en 1997. Ce dernier s’élève à 44,9 milliards de francs, après avoir atteint 75,2 milliards de francs en 1996. Pour 1998, ce solde devrait diminuer encore de près de moitié, pour s’établir à 23 milliards de francs.

ÉVOLUTION DU DÉFICIT PRIMAIRE DE L’ETAT

(en milliards de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

            LFI Exécution  
Solde total du budget de l’Etat - 234,7 - 346 - 349,1 - 322,9 - 295,4 - 284,8 - 267,7 - 257,8
Charges nettes de la dette (hors FSC)
157,1

162,9

186,0

208,6

220,2

232,6

222,8

234,8
Solde primaire - 77,6 - 183,1 - 163,1 - 114,3 - 75,2 - 52,2 - 44,9 - 23
(en % du PIB) - 1,1 - 2,6 - 2,1 - 1,5 - 1 - 0,6 - 0,6 - 0,3

Source : Cour des comptes.

Or la réduction du déficit primaire, prélude à l’apparition d’un excédent primaire, est indispensable si l’on veut enrayer la dynamique infernale de l’effet « boule de neige » de la dette et stabiliser le poids de celle-ci dans le PIB.

On sait que le ratio d’endettement public, c’est-à-dire la part de la dette publique dans le PIB, reste stable si l’encours de dette s’accroît au même rythme que le PIB en valeur. Or, la variation de la dette résulte, en première approximation (21), du solde budgétaire. Celui-ci se compose, d’une part, du solde budgétaire primaire, d’autre part de la charge d’intérêt que génère l’encours de dette, calculée en appliquant à cet encours le taux d’intérêt représentatif du coût moyen de la dette, appelé taux apparent de la dette.

Ainsi, même en présence d’un solde primaire nul, le ratio d’endettement public s’accroît dès que le taux apparent de la dette est supérieur au taux de croissance du PIB en valeur : c’est l’effet « boule de neige ». La France connaît cette situation depuis une dizaine d’années. Dans ce cas, la stabilisation du ratio d’endettement nécessite de dégager un solde primaire positif.

L’effort doit tendre à égaliser le taux de croissance de la dette (d) et le taux de croissance du PIB en valeur (r). Le solde primaire stabilisant est donc déterminé par l’application à l’encours de dette existant du différentiel de taux d – r. Exprimé en pourcentage du PIB, le solde primaire stabilisant est égal au produit du différentiel d – r par le ratio d’endettement. L’effort budgétaire à fournir est d’autant plus important que le pays est endetté et que le taux de croissance du PIB est faible.

Le tableau ci-après, extrait des Comptes prévisionnels de la Nation pour 1998 et principales hypothèses pour 1999, examinés lors de la réunion de la Commission des comptes de la Nation du 20 avril dernier, permet d’illustrer concrètement les considérations générales évoquées ci-avant et de suivre l’évolution du solde primaire stabilisant et du solde global stabilisant depuis 1992.

SOLDES EFFECTIFS ET SOLDES STABILISANTS DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Données de base                
Dette publique au sens de Maastricht (a) 39,6 45,6 48,5 52,7 55,7 58,0 58,3 58,8
Intérêts de la dette (a) 3,2 3,4 3,6 3,7 3,7 3,5 3,5 3,5
Coût moyen de la dette (b) 9,4 8,7 8,2 8,0 7,2 6,5 6,3 6,2
Taux de croissance du PIB nominal (b) 3,2 1,0 4,4 3,5 2,7 3,4 4,3 3,9
Analyse en termes de solde primaire                
Solde primaire stabilisant (a) +2,1 +3,0 +1,6 +2,1 +2,3 +1,7 +1,1 +1,3
Solde primaire effectif (a) –0,7 –2,4 –2,2 –1,1 –0,4 +0,5 +0,5 +1,2
Analyse en termes de solde global                
Solde global stabilisant (a) –1,1 –0,4 –1,9 –1,7 –1,4 –1,8 –2,4 –2,2
Solde global effectif (a) –3,9 –5,8 –5,8 –4,9 –4,1 –3,0 –3,0 –2,3
Écart entre le solde stabilisant et le solde effectif (c) –2,8 –5,4 –3,8 –3,2 –2,7 –1,2 –0,6 –0,1

(a) En % du PIB

(b) En %

(c) Par nature, l’écart entre les deux soldes primaires est identique à l’écart entre les deux soldes globaux.

La seconde raison fondamentale conduisant à réduire les déficits publics résulte de la nature cyclique de la croissance économique. L’expérience montre qu’en cas de chute de la croissance, l’effet est immédiat sur les finances publiques, avec une hausse brutale des déficits. A l’inverse, le redressement est difficile et prend de nombreuses années.

Enfin, il est tout à fait possible d’admettre que le déficit budgétaire, et donc le recours à l’endettement, puissent être utilisés pour permettre de financer des dépenses en capital. Le même raisonnement ne peut cependant s’appliquer aux dépenses ordinaires, notamment de fonctionnement. Le tableau suivant montre pourtant qu’en exécution, pour une très large part, le déficit du budget général contribue au financement de dépenses ordinaires, notamment de fonctionnement.

PART DU SOLDE DU BUDGET GÉNÉRAL FINANÇANT
DES DÉPENSES ORDINAIRES

(en milliards de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

Solde du budget général - 293,6 - 275,5 - 304 - 296,6 - 269,2
Dépenses en capital du budget général

dont :

198,5 193,4 176,4 186,5 175,5
– investissements civils 109,8 104,9 101,7 108,5 99,5
– équipement militaire 88,7 88,5 74,7 78 76
Part du solde du budget général finançant des dépenses courantes
95,1

82,1

127,6

110,1

93,7
En % 32,4 29,8 42 37,1 34,8

Il convient donc de mettre à profit les périodes de croissance pour diminuer le besoin de financement afin, en cas de retournement de conjoncture, de disposer des marges de manoeuvre nécessaires pour mener une politique contra-cyclique. On ne saurait donc réduire cette orientation de politique économique à des obligations découlant du pacte de stabilité et de croissance, qui nous lie à nos partenaires participant à la zone euro et constitue avant tout un code de bonne conduite.

L’objectif poursuivi en matière de besoin de financement public a été indiqué par le Premier ministre dans les lettres de cadrage transmises le 30 avril dernier aux membres du Gouvernement. Le besoin de financement des administrations publiques devrait être ramené à 2,3% du PIB. Le tableau ci-dessous précise les objectifs définis pour chaque sous-secteur des administrations publiques.

CAPACITÉ (+) OU BESOIN (-) DE FINANCEMENT DES SOUS-SECTEURS DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES AU SENS DE LA COMPTABILITÉ EUROPÉENNE

(en % du PIB)

 

1996 (a)

1997 (a)

1998 (b)

1999 (b)

Etat - 3,7% - 3,3% - 3,1% - 2,7%
Administrations de sécurité sociale - 0,6% - 0,6% - 0,15% 0,1%
Autres administrations :        
- Organismes divers d’administration centrale (y compris soulte France-Télécom)
0,1%

0,65%

0,1%

0,15%
- Administrations publiques locales 0% 0,2% 0,15% 0,15%
Total des administrations publiques - 4,1% - 3,0% - 3,0% - 2,3%
(a) Exécution.

(b) Prévision.

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Comme les années précédentes, l’effort principal devrait reposer sur l’Etat. La norme de progression retenue s’agissant des dépenses et la hausse des recettes liée à la reprise de la croissance, tirée par l’investissement et la consommation des ménages, devraient permettre d’atteindre cet objectif.

Toutefois, les administrations publiques, dans leur ensemble, doivent contribuer au redressement des finances publiques.

A cet égard, la contribution des organismes divers d’administration centrale devrait être positive, à hauteur de 0,15% du PIB. Ce niveau est très largement comparable à ceux prévus pour 1998 et enregistrés les années précédentes, y compris en 1997 si l’on fait abstraction de la soulte France-Télécom.

S’agissant des administrations publiques locales, les excédents prévus sont aussi en ligne avec les résultats enregistrés depuis 1996. Comme l’indique le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d’orientation budgétaire, cette consolidation de la situation des administrations publiques locales résulte avant tout de la hausse des taux de la fiscalité directe locale et des assiettes de fiscalité directe et indirecte. Par ailleurs, ces collectivités ont conduit une politique de maîtrise de leurs dépenses, notamment grâce à une politique résolue de désendettement profitant de la baisse des taux.

Compte tenu de l’ampleur de leur besoin de financement ces dernières années, l’évolution des administrations de sécurité sociale sera déterminante pour atteindre les objectifs fixés.

Les prévisions pour 1998 tablent sur un besoin de financement limité à 0,1%, ce qui constitue une amélioration plus que conséquente par rapport à 1997.

Cette évaluation repose sur un déficit du régime général de 11,8 milliards de francs, contre 35,1 milliards de francs en 1997. Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale paru en mai dernier fait état d’un léger dépassement de cet objectif, le déficit du régime général étant évalué à 12,9 milliards de francs. L’objectif de maîtrise des dépenses sociales doit à l’évidence être tenu, l’augmentation des recettes résultant de la croissance et des mesures prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale ne pouvant assurer à elle seule un assainissement durable.

Pour 1999, l’objectif fixé consiste à assurer un retour à l’équilibre du régime général et à une légère capacité de financement des administrations de sécurité sociale. L’objectif est certes ambitieux, mais il n’est pas inaccessible. La maîtrise des comptes en 1998 sera à cet égard décisive, afin de pouvoir partir sur une base saine pour définir, lors du débat sur la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, les grands équilibres futurs des régimes de sécurité sociale.

3.- Confirmer la diminution du poids des prélèvements
obligatoires en amorçant une réforme de la fiscalité

Les prélèvements obligatoires ont connu, depuis de nombreuses années, une tendance à l’augmentation particulièrement dynamique, qui a fortement pesé sur l’évolution de la croissance économique. Le tableau ci-dessous détaille la croissance des taux de prélèvements obligatoires des sous-secteurs des administrations publiques depuis 1993.

TAUX DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

A.- Etat et autres administrations centrales 15 16 16,4 16 (a) 16,3
dont : Etat 14,7 14,9 15,2 15,5 15,7
B.- Administrations publiques locales 6,8 6,8 6,8 7 7,2
C.- Sécurité sociale 21,1 20,1 20,3 21,6 (a) 21,6
D.- Institutions de l’Union européenne 1,1 1,1 1 1 1,1
Total des prélèvements obligatoires 43,9 44,1 44,5 45,7 46,1
Prélèvements obligatoires nets des allégements de cotisations sociales 43,8 43,8 44,1 45 45,3
(a) En 1996, le Fonds de solidarité vieillesse a été reclassé comme organisme de Sécurité sociale.

Source : Direction de la prévision, citée par la Cour des comptes.

Les prélèvements obligatoires ont augmenté de 2,2 points de PIB en cinq ans, le rythme de l’augmentation étant très fort en 1996, compte tenu de l’effet en année pleine des mesures fiscales décidées dans le cadre du collectif du 4 août 1995 et du prélèvement, à compter du 1er janvier 1996, de la contribution au remboursement de la dette sociale. Si l’on raisonne en faisant abstraction des allégements de cotisations sociales, le niveau des prélèvements est certes inférieur, mais la trajectoire est identique.

En 1997, la décélération du rythme de croissance des prélèvements obligatoires n’a pas empêché que soit atteint un niveau historique, avec 46,1% du PIB.

Dans le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d’orientation budgétaire, il apparaît clairement que la part du surplus de richesses « captée » par les hausses de prélèvements obligatoires a marqué un pic en 1996, en atteignant 85,9%. Cette part a été réduite en 1997, avec une « captation » de 58,3%. De tels chiffres permettent de comprendre sans difficulté l’effet direct d’une pression fiscale accrue sur la consommation.

Ces niveaux de prélèvements sont à l’évidence, et nul ne le conteste, extrêmement néfastes pour la croissance et l’emploi. Une correction à la baisse s’imposait donc. Pour 1998, l’objectif retenu est de 45,7% du PIB (45% net des allégements de cotisations sociales), la part du surplus de richesses « captée » par les prélèvements obligatoires tombant à 36,5%. Cette hypothèse repose sur une progression modérée des recettes fiscales nettes prévues par la loi de finances initiale (+ 3,5% contre + 4,2% pour le PIB en valeur).

Dans le rapport précité, le Gouvernement annonce son intention de stabiliser les prélèvements obligatoires en 1999, leur réduction devant se poursuivre durant les années ultérieures. Compte tenu du contexte de reprise de l’économie, il pourrait être bénéfique de prévoir dès 1999 une décrue des prélèvements obligatoires, peut-être modeste, mais symbolique d’une volonté politique forte, et ce d’autant plus que la situation fiscale de la France au regard de celle de ses principaux partenaires n’est pas des plus favorables. Le tableau suivant montre en effet que la part des prélèvements obligatoires dans le PIB en France se situe parmi les plus élevées de l’Union européenne.

PART DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DANS LE PIB (1996) (22)

Pays

PO/PIB
en %

France

45,7

Allemagne

38,2

Belgique

46,6

Danemark

51,9

Espagne

33,7

Grèce

27,9

Irlande

33,6

Italie

43,5

Luxembourg

44,0

Pays-Bas

43,9

Portugal

33,4

Royaume-Uni (a)

35,3

Suède

51,9

Etats-Unis (a)

27,9

Japon

28,5

Moyenne UE 15 (a)

41,8

Ensemble OCDE (a)

37,4

(a) Chiffres 1995 (1996 non disponibles)

Source : Statistiques des recettes publiques des pays membres de l’OCDE 1995-1996

Ce choix serait d’autant plus justifié que, dans la perspective de l’instauration prochaine de la zone euro, le rôle joué par la fiscalité pour attirer ou maintenir des capitaux et des activités sera déterminant. L’outil fiscal reste, en effet, du domaine de responsabilité des Etats. A cet égard, les mesures futures de réforme de la fiscalité devront intégrer la dimension européenne. Le rapprochement, sinon l’harmonisation, des fiscalités des Etats membres de l’Union européenne sera déterminant à l’avenir et il est plus que probable que la réalisation de l’Union économique et monétaire donnera un coup d’accélérateur aux processus déjà engagés.

On rappellera que l’Union européenne est entrée dans la phase opérationnelle du rapprochement de certains aspects de la fiscalité directe. Dès 1996, le premier mémorandum du commissaire Mario Monti avait indiqué que la « concurrence fiscale » en Europe avait des effets dommageables. En décembre dernier, un code de bonne conduite a été adopté. Il vise à geler les mesures ayant ou pouvant avoir une incidence sensible sur la localisation des activités économiques au sein de la Communauté. Un groupe de suivi a d’ailleurs été mis en place pour présenter, lors du Conseil « finances » de décembre 1998, une première évaluation des mesures fiscales dommageables. D’autres dossiers restent en discussion, notamment l’amorce d’une formule pour la taxation minimale des revenus de l’épargne déposée à l’étranger et la suppression de certaines doubles impositions.

Il apparaît donc que, tout autant que le poids des prélèvements obligatoires, la structure même de la fiscalité doit être réformée, afin d’aboutir à un système plus efficace et plus juste.

Le Gouvernement a d’ailleurs annoncé l’engagement d’une réflexion sur trois « chantiers » : la fiscalité locale, la fiscalité du patrimoine et de la fiscalité écologique.

Pour sa part, la Commission des finances a chargé Mme Nicole Bricq d’un rapport d’information sur la fiscalité écologique et M. Edmond Hervé d’un rapport sur la fiscalité locale. Votre Rapporteur général conduit, quant à lui, une mission d’information sur le dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer et est chargé d’un rapport sur la fiscalité du patrimoine.

Les conclusions de ces divers travaux parlementaires seront présentées prochainement et il ne convient donc pas d’anticiper sur celles-ci dans le présent rapport. En tout état de cause, ces réflexions devront être prises en compte lors des débats de l’automne prochain.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- TABLE RONDE SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES POUR 1999

La Commission a procédé, le mardi 26 mai 1998, à l’audition de MM. Christian de Boissieu, professeur à l’Université Paris I, Jean-Paul Fitoussi, président de l’Office français des conjonctures économiques et André Gauron, conseiller référendaire à la Cour des comptes, sur la situation économique et les perspectives budgétaires pour 1999.

Le Président Augustin Bonrepaux, accueillant les intervenants, a rappelé que la table ronde à laquelle ils avaient accepté de participer faisait partie des travaux par lesquels la commission des finances, à son initiative, préparait, autour du débat d’orientation budgétaire, la discussion sur les choix économiques et fiscaux du budget de 1999.

Évoquant le relatif optimisme dont témoignent les analyses conjoncturelles de la plupart des économistes, il a noté le net développement des investissements des entreprises françaises, les conditions satisfaisantes de la mise en place de l’euro et les signes encourageants apparaissant dans l’évolution de l’emploi. Il a estimé que l’amélioration probable de la conjoncture aurait un effet bénéfique sur les recettes publiques. Il a relevé, en contrepoint, les inquiétudes persistantes que faisait peser sur les échanges mondiaux la crise de l’Asie du Sud-Est, immédiatement et, par ses effets sur la compétitivité de nos produits, à moyen terme.

Il a, en conséquence, demandé aux intervenants quelle appréciation ils portaient sur l’évolution de la conjoncture, sur ses répercussions sur les grands équilibres des finances publiques et sur les marges de manoeuvre que cette tendance favorable pouvait donner aux pouvoirs publics en vue du soutien à l’emploi et de la réforme fiscale ?

M. Christian de Boissieu a indiqué que la conjoncture se caractérisait par une reprise de la croissance économique qu’il évaluait, à peu près comme le Gouvernement, à un peu moins de 3 % en 1998. Il a ajouté que le véritable débat portait sur les prévisions pour l’année 1999, pour laquelle l’ensemble des instituts de conjoncture prévoyait une croissance un peu plus faible, d’environ 2,7 %.

Il a déclaré que, dans ce contexte, le débat sur les marges de manœuvre en matière budgétaire était crucial. Il a rappelé que la demande intérieure, prenant le relais sur les exportations pour soutenir la croissance, avait des conséquences non négligeables sur les rentrées fiscales, notamment celles de la TVA. Cependant, il a préféré ne pas annoncer une croissance supérieure à 3 % pour les quatre prochaines années, compte tenu de la situation du Japon, enfant malade de l’économie mondiale, et du ralentissement de la croissance observé aux États-Unis. Il a considéré que la dégringolade du yen était inquiétante et pouvait avoir de graves conséquences si les Japonais envisageaient de liquider les créances qu’ils détenaient sur le marché américain, dans la mesure où leur retrait provoquerait une baisse du dollar, susceptible d’accroître le déficit extérieur des États-Unis, d’un montant de 13 milliards de dollars en mars 1998. Il a ajouté que la descente du dollar à 5,80 francs, voire 5,70 francs, ne serait pas catastrophique, mais fragiliserait la reprise de la croissance en Europe. Il a, enfin, fait observer qu’en dépit de l’évolution de la demande intérieure, une hésitation demeurait sur l’investissement productif des entreprises, dont la croissance réelle, compte tenu de la crise asiatique et de l’impact des 35 heures, risquait d’être très en retrait, de plus de 10 % en volume, par rapport aux projets d’investissement. Il a souligné que si le niveau de la consommation des ménages était satisfaisant et si le chômage était en réduction, certes lente, mais progressive, il n’était pas possible, dans ces conditions, de prévoir le taux de la croissance effectif de l’investissement productif.

S’interrogeant sur les conséquences de la situation conjoncturelle sur l’équilibre des finances publiques et les choix de politique budgétaire et fiscale, il a souhaité que les dividendes fiscaux, liés à la reprise économique, notamment en matière de TVA, soient utilisés pour revenir à un niveau de déficits publics conforme aux critères de Maastricht, c’est-à-dire un peu inférieur à 2 %, sans toutefois chercher à atteindre l’objectif de 0 %, comme le suggéraient les Allemands dans les négociations sur le pacte de stabilité. Il a ajouté que, si l’on retenait l’hypothèse d’un déficit public proche de 2 %, il faudrait toutefois garder présent à l’esprit les exigences découlant de l’application du pacte de stabilité, lorsque s’ouvrirait la prochaine phase de récession. Il a par ailleurs exprimé l’espoir que la politique monétaire de la Banque centrale européenne soit accommodante, c’est-à-dire qu’elle ne se lance pas dans une politique agressive de taux d’intérêt. Il a également insisté sur le fait que le débat relatif à l’utilisation des dividendes de la croissance devait également porter sur la répartition de ces derniers entre les budgets de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale.

Se prononçant pour le principe d’une baisse des prélèvements obligatoires, qui avait atteint, en France, un niveau excessif, il a déclaré que la marge en matière de réduction des impôts était faible, et qu’il fallait se rappeler l’expérience de l’administration Reagan, qui avait insuffisamment maîtrisé le décalage entre la baisse des impôts et ses effets positifs. Il a estimé, par conséquent, important de bien gérer dans le temps la décrue nécessaire de ces prélèvements obligatoires en France. Il a enfin considéré que le débat sur la baisse des impôts ne pouvait être séparé des propositions formulées par le commissaire européen Mario Monti en faveur de l’harmonisation fiscale au niveau européen. Il a redouté que la mise en œuvre de ces orientations ne se heurte à l’exigence de l’unanimité en matière fiscale et aux divergences entre la France et l’Allemagne. Il a au demeurant jugé inévitable, avec le passage à l’euro, une réduction de l’écart actuel entre les taux le plus élevé et le plus faible de TVA, qui est actuellement d’environ 10 points, et considéré qu’une harmonisation fiscale par le bas était hautement probable. Il a dit redouter un scénario de concurrence fiscale sauvage où l’harmonisation serait dictée davantage par le marché que par des décisions politiques et qui entraînerait une baisse substantielle de recettes mettant en cause le financement des fonctions régaliennes de l’État. Il a conclu en appelant de ses vœux un débat, à l’échelle européenne, sur la réforme des dépenses publiques à moyen terme.

M. Jean-Paul Fitoussi a confirmé que les perspectives de l’économie française étaient très bonnes, et que, si l’on pouvait avoir une hésitation pour les années à venir, l’année 1999 se présentait avec quasiment les mêmes tendances que 1998. Il a indiqué qu’il ne voyait aucun facteur, que ce soit la crise asiatique ou la conjoncture américaine, susceptible d’interrompre ce processus, parce que la mise en place de l’euro renforcerait l’unité du marché européen, et qu’en 1999, l’évolution conjoncturelle dépendrait avant tout de l’évolution de la consommation et de l’investissement. Il a souligné que l’euro accroîtrait les marges de manœuvre en matière monétaire, et que, désormais, le taux de change du dollar dépendrait autant de la politique monétaire de la Banque centrale européenne que des orientations de la Réserve fédérale américaine.

M. Jean-Paul Fitoussi a en outre attribué le retour à des conditions économiques favorables à l’arrêt des politiques monétaires restrictives que les pays européens avaient conduites au début des années 1990 et des politiques budgétaires également menées au cours des trois dernières années par ces pays pour satisfaire les critères de convergence définis par le Traité de Maastricht. Il a jugé que les économies européennes avaient été presqu’aussi affaiblies que l’économie japonaise l’était actuellement, avec des taux de croissance avoisinant à peine 1,3 à 1,6 %. Il a estimé que, recouvrant désormais une part importante de leur souveraineté monétaire, les gouvernements des États de l’Union européenne se trouveraient moins paralysés par la surveillance des marchés financiers.

Se demandant si le développement de la croissance serait suffisant pour régler le problème du chômage, il a exprimé la crainte de voir, comme à de nombreuses reprises par le passé, l’évolution conjoncturelle favorable du taux de chômage émousser la volonté politique de lutter contre lui. Il a déploré que l’augmentation continue, à travers la succession des cycles conjoncturels, du nombre de demandeurs d’emploi révèle la tendance des sociétés occidentales à admettre de manière tacite un taux de chômage élevé. Il s’est réjoui de voir, en Europe, les gouvernements adopter désormais une attitude différente, en décidant d’affecter partiellement les gains du retour à la croissance économique à la diminution du chômage, mais il a regretté que ce choix se fasse avec une certaine prudence, car conjugué avec une politique de réduction du déficit budgétaire, alors que l’on assistait au maintien d’un chômage de masse et d’une épargne abondante. Il a relevé que rares étaient les augures qui prédisaient une réduction de plus de trois points du taux de chômage et que la plupart envisageaient de voir la France aborder la prochaine phase de récession avec un taux de chômage avoisinant 10 %, rappelant que le FMI évaluait ce taux, pour 1999, à 11,3%. Il en a conclu que toutes les politiques budgétaires européennes étaient fondées implicitement sur la persistance d’un chômage de masse. Il a estimé que l’impératif de la baisse du chômage méritait de consentir à une baisse de recettes fiscales et à une augmentation transitoire des déficits publics, qui aurait des effets bénéfiques sur l’emploi.

Réfutant l’argument selon lequel l’aggravation du déficit budgétaire entraînerait l’alourdissement de la dette publique au détriment des générations futures, M. Jean–Paul Fitoussi a notamment fait valoir que la précarité de la situation des parents alourdissait dès aujourd’hui la situation de ces générations. Il a également souligné que l’argument tiré du risque de durcissement de la Banque centrale européenne dans la conduite de la politique monétaire n’était pas pertinente, puisque cette Banque devrait aussi tenir compte, dans ce cas, des réactions des autorités monétaires américaines. Il s’est prononcé, par ailleurs, en faveur d’une réduction sélective des prélèvements obligatoires portant sur le travail, dont les simulations réalisées par l’OFCE montraient les effets bénéfiques sur la croissance. Il a, enfin, rappelé que l’économie européenne était un espace ouvert, stimulant la concurrence et que rarement autant de conditions avaient été réunies pour bénéficier d’une croissance de longue durée.

M. André Gauron, après avoir mentionné les points d’accord qui existaient entre économistes à propos de l’amélioration de la conjoncture et de l’amorce d’un recul du chômage, a estimé que l’enjeu principal était de faire reculer durablement le chômage, ce qui, comme le montrait l’exemple comparé des États–Unis et de l’Europe, impliquait une croissance soutenue, et ce pendant plusieurs années. Il a donc passé en revue les instruments de la politique économique qui pourraient renforcer durablement la croissance.

En premier lieu, il s’est interrogé sur ce que l’on pouvait attendre de l’euro. Rappelant la stabilité des taux de change des principales monnaies européennes entre elles depuis quelques années, il a considéré que l’instauration de l’euro n’apporterait rien en soi au cours des dix–huit prochains mois ; il a cependant concédé qu’il existait une certaine incertitude sur les taux d’intérêt, rien toutefois ne devant vraisemblablement intervenir avant les élections législatives en Allemagne. Il a ajouté que la principale incertitude continuait de résider dans l’évolution du dollar et du yen, au regard tout à la fois du risque d’éclatement de la bulle financière aux États–Unis et des conséquences de la crise asiatique ; il a rappelé toutefois que la création de l’euro avait justement pour objet de permettre à l’Europe de résister aux fluctuations du dollar.

En second lieu, il a évoqué les conditions d’une croissance durable à travers la politique budgétaire. Il a déclaré qu’il fallait avant tout accélérer l’investissement. À cet égard, il a observé que la stabilisation des dépenses militaires présentait un certain intérêt, tandis que pourrait être également envisagée une relance de la politique du logement, par exemple, par un relèvement des plafonds de prêts autorisés par les plans d’épargne logement, afin que les classes moyennes puissent de nouveau accéder plus aisément à la propriété. Il a cependant souligné que l’enjeu essentiel était l’investissement productif et, à ce titre, la capacité de créer des entreprises, puisque le développement des entreprises en réseau faisait de la création d’entreprise le principal instrument de la croissance des entreprises ; il a observé que la difficulté à créer plus d’entreprises n’était pas propre à la France mais se rencontrait dans l’ensemble des pays européens où elle résultait tout à la fois de l’éducation, de la culture et de la fiscalité. Il a donc plaidé pour une fluidification du marché du capital risque (afin que les investisseurs puissent se dégager facilement), ce qui supposait l’instauration d’un marché européen, non compartimenté, et donc une harmonisation européenne a priori de la fiscalité du capital risque, laquelle éviterait d’avoir à réaliser ultérieurement une difficile harmonisation a posteriori.

Il a également recommandé de réorienter l’épargne vers l’investissement, ce qui devait conduire à donner la priorité à la réduction des déficits publics et au désendettement de l’État. Il a rappelé que les marges budgétaires avaient été par le passé trop souvent absorbées par les charges d’intérêts et a estimé que la conjoncture actuelle permettait d’engager un cercle vertueux conduisant à la diminution de ces charges, diminution qui devrait être accélérée par une gestion plus flexible de la dette publique par le Trésor, à la manière des anglo–saxons. Il a conclu, sur ce point, que la réduction préalable des déficits publics pouvait apparaître comme un détour de la politique économique, mais un détour indispensable pour consolider l’investissement privé tout en dégageant des marges de manoeuvre budgétaires à l’avenir.

En troisième lieu, il s’est demandé s’il était possible, à budget constant, de redéployer la dépense publique pour mieux soutenir la croissance. À cet égard, il a condamné la poursuite de la politique d’allégement du coût du travail non qualifié. Il a souligné que la compétition économique se jouait désormais sur les emplois qualifiés, lesquels étaient les seuls susceptibles de renforcer la croissance, s’accompagnaient d’emplois non qualifiés et généraient du pouvoir d’achat (et donc d’autres emplois). Évoquant les perspectives de réforme fiscale, il a observé qu’une réforme fiscale, pour être acceptée, impliquait des pertes de recettes ; il a donc estimé que les près de 60 milliards de francs consacrés par l’État à l’allégement du coût du travail non qualifié pourraient être réaffectés à la réforme fiscale, laquelle devrait comporter deux chantiers : la fiscalité locale, en particulier la taxe d’habitation et la taxe professionnelle, ainsi que la réforme des cotisations sociales versées par les employeurs. Sur cette dernière question, il a indiqué que les autres pays européens s’orientaient moins vers l’allégement spécifique des charges sur les bas salaires, que sur des mesures de simplification, comme le guichet unique de perception, ou des mesures de report généralisé vers d’autres ressources, comme en France la CSG.

Après avoir noté les appréciations convergentes et positives des trois orateurs sur le rythme soutenu de la croissance économique, votre Rapporteur général, s’est d’abord interrogé sur l’éventualité d’un retournement des marchés d’actions et ses conséquences sur l’économie française. Il s’est ensuite demandé si toutes les conséquences de l’introduction de l’euro avaient été prises en compte, notamment son impact sur les problèmes d’emploi. Il a déploré que les exposés des trois économistes, qui se sont limités à des idées générales, aient laissé leurs auditeurs sur leur faim et leur a demandé de formuler davantage de propositions concrètes. Abordant les questions de politique budgétaire, il a souhaité notamment recueillir des propositions plus précises à propos de l’affectation des dépenses publiques, de leur rigidité et des redéploiements souhaitables. Il s’est interrogé sur la différence entre le rythme de croissance du PIB et celui des recettes fiscales. Se déclarant étonné par les évaluations de deux des orateurs fixant à un niveau de 10 % le taux de chômage incompressible, il leur a demandé de se placer dans la situation du ministre des finances pour exposer quelles mesures urgentes ils prendraient en cette qualité pour diminuer ce chiffre.

Répondant à votre Rapporteur général, M. Christian de Boissieu a tout d’abord estimé que les marchés boursiers arrêteraient probablement bientôt de battre quotidiennement leurs records, mais que, grâce aux futurs excédents du budget fédéral américain et à l’absence de menaces inflationnistes, le scénario d’une croissance à 3 % était tout à fait compatible avec l’éventualité de plusieurs corrections boursières durant les prochains mois. Il a ensuite jugé que l’introduction de l’euro, à court terme, conduirait à une accélération des corrections de sureffectifs dans certains secteurs mais aurait, à moyen terme, des effets bénéfiques. Quant aux orientations de politique budgétaire, il a déclaré que la réduction du déficit public à un niveau d’environ 2 % pourrait donner la possibilité de procéder, dans un deuxième temps, à une baisse ciblée de certains impôts. Il a expliqué que la relève de la demande extérieure par la demande intérieure conduirait à une accélération des rentrées fiscales.

M. Jean-Paul Fitoussi a estimé très probable une baisse maîtrisée des marchés d’actions, en indiquant que ce risque était intégré dans les prévisions économiques de l’OFCE. Il a jugé que l’introduction de l’euro, dans un contexte de faible croissance, conduirait à la multiplication des restructurations et à des pertes d’emplois. Il a rappelé que dans la zone euro, la stabilité des taux d’intérêt et ses effets stimulants sur les autres pays membres rendaient particulièrement efficaces les politiques de relance budgétaire. Après avoir souligné la nécessité d’une période d’apprentissage quant à l’usage de l’outil de politique économique représenté par l’euro, il a indiqué que son introduction aurait un effet expansionniste grâce à la baisse des taux d’intérêt qui bénéficierait particulièrement aux pays du Sud de l’Europe. Il s’est ensuite prononcé pour une baisse des cotisations sociales salariales qui, par des mécanismes d’offre et de demande, aurait un effet positif sur la croissance économique.

M. André Gauron a d’abord estimé que l’importance du risque de krach financier dépendrait de la capacité de l’euro à éviter une certaine propagation de facteurs négatifs extérieurs. Abordant les problèmes liés à l’introduction de l’euro, il a jugé que les marchés financiers considéreraient avec un très grand intérêt le niveau de la dette publique européenne, évalué à environ 80 % du PIB, qui exigera une plus grande coordination des banques centrales et des trésors nationaux dans la politique de refinancement. Dans ce contexte, il a considéré peu réaliste et incompatible avec le pacte de stabilité une politique d’accroissement de déficits qu’il faudrait, au contraire, s’attacher à réduire. A ce sujet, rappelant la structure des dépenses de l’État, il a indiqué que les marges de manœuvres éventuelles se trouvaient dans la réduction de la charge de la dette et dans le redéploiement des interventions économiques, plutôt que dans l’action sur des dépenses de personnel globalement stables et sur des dépenses de capital et d’interventions sociales en décroissance régulière. Il a enfin souligné la nécessité de deux réformes, celle de la fiscalité locale qui n’est pas envisageable sans une diminution des recettes correspondantes, éventuellement compensée par l’État, et celle des cotisations sociales des employeurs. Il a estimé que le choix de la priorité entre ces deux réformes relevait de la responsabilité du politique.

M. Jean–Jacques Jegou a tout d’abord interrogé M. André Gauron sur les modalités de la répercussion de la baisse des cotisations sociales à la charge de l’employeur sur les salaires directs. Lui répondant immédiatement, M. André Gauron a indiqué que la France accordait une large place à la négociation salariale et que l’entrée en vigueur des 35 heures entraînerait vraisemblablement une remise à plat du SMIC et des charges pesant sur les salaires.

M. Jean–Jacques Jegou a ensuite déploré le caractère apaisant des premières analyses relatives à la crise asiatique et s’est interrogé sur la sortie de crise du Japon alors que l’un des experts avait affirmé que l’Europe avait été aussi malade que le Japon. Il a remarqué que si l’Europe avait surmonté cette crise il en irait plus difficilement du Japon qui avait développé une forme d’économie plus dangereuse.

En sa qualité de membre de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, M. Jean–Jacques Jegou a regretté le montant considérable de liquidités disponibles mais non utilisées, en partie en raison de la garantie accordée par l’État sur les fonds d’épargne, alors que des besoins importants apparaissaient dans le domaine du logement, social ou intermédiaire, ou pour la politique de la ville.

Reprenant l’affirmation de l’un des experts selon laquelle la croissance profitait à quelques–uns, il s’est enfin demandé si les chômeurs de longue durée, souvent peu qualifiés, pouvaient profiter de la reprise et quels étaient les moyens de remettre ces personnes sur le marché du travail sinon par un abaissement des charges.

M. Philippe Auberger a fait part de sa déception devant ce débat qui n’avait abordé aucun sujet d’importance. Il a considéré que la priorité reconnue à la réduction du déficit budgétaire et à la stabilisation de la dette n’empêchait pas une réflexion sur une utilisation du reliquat des fruits de la croissance. Il s’est déclaré stupéfait par les suggestions de baisse de la fiscalité locale alors que la majorité actuellement au pouvoir avait fortement critiqué, lors de la campagne électorale de 1997, la hausse de la TVA décidée par le précédent gouvernement et avait solennellement promis de la réduire dès que les circonstances le permettraient. Il a évoqué le silence total de la majorité actuelle sur ce sujet qui ne grandissait pas la fonction politique dans le pays alors que les électeurs étaient en droit d’exiger le respect de la parole donnée.

M. Philippe Auberger a ensuite relevé que l’excès d’épargne constaté par les uns et les autres n’était qu’apparent puisque le problème du financement des retraites par répartition n’était pas réglé pour les années à venir. Il a précisé que la conception européenne de l’endettement public était à cet égard illusoire puisqu’elle ne prenait pas en compte ce besoin de financement alors que des études françaises qui l’avait intégré concluaient à un endettement de notre pays de l’ordre de 200 % du PIB, et non de 60 % comme cela est le plus souvent avancé.

Enfin, il a vivement regretté que le traitement du chômage de longue durée n’ait pas été prévu dans le projet de loi relatif à l’exclusion actuellement en discussion devant le Parlement alors que celui–ci constituait une des causes principales de l’exclusion.

Après avoir évoqué son éblouissement devant les dissertations brillantes des macro–économistes, M. Gérard Saumade a déploré l’oubli des hommes et de leurs capacités de réaction ou de refus alors que l’exemple indonésien nous démontrait en ce moment même l’importance de ce paramètre.

Il a constaté que la France, prise en tant qu’entité macro–économique, n’avait jamais été aussi riche qu’à l’heure actuelle mais qu’elle n’avait jamais compté non plus autant de pauvres, ce qui était aussi le cas des États–Unis et de la Grande–Bretagne et ce qui lui rappelait la loi de concentration définie au XIXème siècle par Ricardo et Marx.

Il s’est ensuite interrogé sur la véritable signification de la réduction du déficit budgétaire en se demandant si elle se traduirait par un transfert de charges de l’État vers les collectivités territoriales qui assumaient pourtant l’essentiel de l’investissement public. S’agissant de la réduction des dépenses publiques, il a souhaité savoir concrètement s’il pouvait s’agir des dépenses d’éducation. Actuellement chargé d’une mission sur l’enseignement technologique par le ministre de l’éducation, il a pris l’exemple de l’une de ses propositions qui consisterait, dans un souci d’harmonisation européenne, à allonger d’un an les cursus en instituts universitaires de technologie, et se traduirait par un coût supplémentaire.

Il a regretté que les différents responsables des budgets publics considèrent ces fonds comme leur propriété et non pas celle de la Nation, sans jamais envisager leur globalité et d’éventuels redéploiements d’un budget à l’autre ce qui ne favorisait pas l’allocation optimale des ressources. À ce titre, il a pris l’exemple de certaines entreprises publiques, comme La Poste et la SNCF, qui réduisaient leur personnel même si des besoins n’étaient pas satisfaits, notamment en matière de sécurité, alors que dans le même temps les financements publics d’indemnisation des chômeurs augmentaient de manière importante.

S’agissant, enfin, du processus de création d’entreprises, il a évoqué l’exemple de la région italienne d’Emilie–Romagne qui s’était distinguée par un dynamisme de la création de PME et par un taux de chômage de l’ordre de 5 %.

M. Pierre Méhaignerie a relevé que les divergences entre les membres de la commission des Finances n’étaient pas moindres que celles des experts, ce qui rendait la synthèse difficile. S’essayant toutefois à cet exercice, il a mis l’accent sur la crainte, apparue au cours du débat, de voir l’importance des dividendes fiscaux attendus d’une reprise de la croissance, retarder, comme en 1988, les réformes structurelles nécessaires telles que celle des retraites du secteur public. Il a noté le relatif accord sur la baisse du déficit et de l’endettement et il a estimé qu’en cas de marge de manoeuvre supplémentaire, la priorité devrait aller à un allégement des charges sur les bas salaires dans un souci conjoint d’efficacité et de justice.

Il a enfin rappelé qu’en matière de fiscalité locale, l’État avait apporté davantage aux collectivités territoriales qu’il ne leur avait repris, que la marge de dépenses de celles–ci était relativement élevée par rapport aux autres pays européens et que la réforme prioritaire devrait être d’instituer une péréquation nationale de taxe professionnelle.

Répondant aux différents intervenants, M. Christian de Boissieu a fait part de son inquiétude devant la crise japonaise. Il a rappelé que le Japon venait d’annoncer son septième programme de relance en six ans, et a émis des doutes sur l’efficacité de tels plans, compte tenu des méthodes de décisions politiques et administratives dans ce pays. Il a cependant estimé que la crise japonaise ne devrait pas avoir des conséquences directes sur l’économie européenne, et qu’elle ne devrait se faire sentir en Europe qu’au travers de ses éventuels effets aux États-Unis. Revenant sur la TVA, il a insisté sur le fait que l’écart entre le taux allemand et le taux français lui semblait peu compatible avec la mise en place de l’euro, et que l’actuelle reprise de la consommation constituait un argument pour ne pas baisser la TVA.

M. Jean-Paul Fitoussi a précisé, à son tour, qu’il avait eu recours à la comparaison entre l’Europe et le Japon pour montrer que ces deux zones avaient eu des performances économiques équivalentes au cours des premières années de l’actuelle décennie. Il a, d’autre part, considéré que les chômeurs pouvaient profiter de la croissance dans la mesure où cette dernière créait des emplois et accélérait la rotation des embauches. Il a cependant fait remarquer que le chômage constituait, davantage qu’un état, un processus affectant, au-delà des chômeurs, non seulement l’ensemble des personnes fragilisées ou en situation précaire, écartées des fruits de la croissance, mais aussi les salariés dont la hausse du pouvoir d’achat avait été limitée. Il a, par ailleurs, observé que la croissance était devenue plus riche en emplois, les 3 % prévus pour 1998 devant créer 370.000 emplois, hors effet des 35 heures, alors qu’il fallait, il y a 20 ans, 4 % de croissance pour obtenir un tel résultat. Il a également fait valoir que la lutte contre le chômage était au centre des analyses macro-économiques, et que, faute d’avoir lutté contre ce fléau dès son apparition, on s’était accommodé d’un taux de chômage structurellement élevé. Il a enfin estimé que, compte tenu de la faiblesse de l’inflation, il n’était pas urgent de baisser le taux de la TVA.

Tout en reconnaissant la nécessité de maintenir les mesures spécifiques destinées au chômeurs de longue durée, M. André Gauron a fait observer que ces mesures ne devaient pas être confondues avec les allégements de charges sur les bas salaires dont il a estimé que l’inefficacité avait été révélée par la pratique. Il a, par ailleurs, fait part de ses doutes sur l’efficacité d’une baisse de la TVA dont les effets risquaient d’être dilués. Partageant le souci exprimé par M. Gérard Saumade de considérer les finances publiques dans leur totalité, il a rappelé que l’examen de l’évolution de l’ensemble du budget montrait que les postes qui avaient le plus augmenté, comme la charge de la dette ou les interventions économiques, ne correspondaient pas aux dépenses prioritaires. S’associant, enfin, aux inquiétudes des autres intervenants devant les conséquences de la crise du sud-est asiatique, il a fait remarquer qu’elle avait révélé l’importance du « hors bilan » dans la gestion des entreprises de la zone et s’est demandé si les bilans des banques et des grandes entreprises européennes donnaient une image fidèle des risques inhérents à leurs investissements sur un marché où elles interviennent constamment.

II.- AUDITION DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET ET DU SECRÉTAIRE D’ETAT AU BUDGET SUR LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES POUR 1999

La Commission a procédé, au cours de sa réunion du jeudi 4 juin 1998, à l’audition du ministre de l’économie, des finances et du budget et du secrétaire d’Etat au budget sur les orientations budgétaires pour 1999.

Le Président Augustin Bonrepaux a souhaité des précisions sur les modalités de détermination des mesures d’économie qui, à hauteur de 20 milliards de francs, doivent affecter les crédits civils ouverts pour 1999 en plaidant pour la préservation de secteurs prioritaires comme la sécurité ou l’investissement qui semblait afficher un certain retard en France par rapport aux Etats–Unis, notamment en matière de haute technologie et qui appelait vraisemblablement une politique plus volontariste de l’État dans le domaine du logement ou de l’aménagement du territoire. Il s’est aussi demandé si les répercussions de l’évolution prévisible des régimes de retraite sur l’équilibre général des finances publiques, soulignées par le rapport préparatoire, ne conduiraient pas à inclure l’avenir de ces régimes parmi les questions soumises à la coordination dans les instances européennes. Il a enfin interrogé les ministres sur l’éventualité de réduction d’impôts et notamment de ceux qui pesaient particulièrement sur le travail.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, a tout d’abord évoqué les principales caractéristiques de l’environnement économique. Il a ainsi relevé qu’avec un chiffre de 0,6 % pour le premier trimestre, la croissance se situait dans la ligne de la prévision de 3 % pour l’année 1998, même si sa structure était un peu décalée par rapport aux prévisions, puisque la substitution de la demande intérieure à la demande extérieure était plus forte que prévu initialement. Il a aussi signalé la bonne tenue des conditions monétaires et le faible niveau des taux d’intérêt favorable à la croissance, même si on ne pouvait exclure un éventuel relèvement de ces taux lorsque l’expansion économique en Europe serait encore plus massive qu’aujourd’hui. Il a affirmé que le Conseil de l’euro disposerait d’un pouvoir d’appréciation globale afin de tirer les conséquences des divergences constatées dans les performances des différents pays membres de la zone euro.

S’il a reconnu la part de la reprise internationale dans les bons résultats constatés en France qui affichait la plus forte croissance des grands pays industrialisés, le Ministre a jugé également honnête de souligner aussi les effets bénéfiques de la politique économique menée par le Gouvernement, soit dans sa politique salariale ou sociale, soit par les décisions arrêtées dans le budget pour 1998. Il a ajouté que l’investissement, notamment dans les PME, suivait bien la reprise de la consommation, puisque les carnets de commandes étaient pleins et que le taux d’utilisation des équipements augmentait, ce qui montrait bien que les comportements des chefs d’entreprise étaient conformes à leurs intentions déclarées. Le Ministre a précisé que ce processus s’accompagnait d’une augmentation inévitable des importations de biens d’équipement.

S’agissant de l’emploi, il a indiqué que l’économie française avait créé, au premier trimestre 1998, 75.000 emplois, en conformité avec la prévision de 220.000 emplois marchands pour l’ensemble de l’année, et il a ajouté que ces résultats n’étaient imputables, pour l’essentiel, qu’à la croissance, les effets de la réduction du temps de travail ne devaient s’observer que dans la seconde moitié de l’année 1998 et surtout en 1999.

Abordant ensuite la préparation du projet de loi de finances pour 1999, il a annoncé que le Gouvernement avait fixé à 1 % en volume la croissance des dépenses de l’État, en remarquant que cet objectif, comme en 1998, se traduirait par une baisse de la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut, seul indicateur pertinent pour juger de l’évolution de la dépense publique et en estimant que cette tendance devrait réjouir les partisans de la diminution de cette dépense. Il a confirmé son intention de procéder à environ 20 milliards de francs de redéploiements de crédits civils afin de financer les priorités du Gouvernement, en précisant que ce montant était relativement faible par rapport aux 1.600 milliards de francs du budget.

A propos de la reprise de l’investissement, il a souligné qu’aux États–Unis, l’investissement de haute technologie, moteur, pour un tiers, de la croissance des investissements de ce pays, émanait du secteur privé. Il a affirmé que la politique budgétaire de la France tendait justement à permettre la reprise de l’investissement du secteur privé, comme le montre l’évolution de la part du surplus de richesses captée par les hausses des prélèvements obligatoires, passée de 86 % en 1996 à la suite de hausses d’impôts qui avaient cassé la reprise, à 58 % en 1997 et à 36 % en 1998.

Il a fait part de son objectif de porter à 2,3 % le montant du déficit public en 1999 et à moins de 2 % en 2000, ce qui constituait le niveau à partir duquel le ratio de la dette publique par rapport au produit intérieur brut commençait à décroître. Le Ministre a ajouté que cette décroissance était souhaitable afin d’augmenter la capacité d’impulsion de l’État, actuellement obérée par un service de la dette qui représentait 20 % des recettes fiscales contre 5 % en 1980, et de ne pas faire reporter sur les générations futures le poids des dépenses actuellement engagées. Il a aussi remarqué que l’affectation des recettes fiscales au paiement des intérêts perçus par les détenteurs de titres de la dette publique constituait une forme de redistribution à rebours qui pouvait paraître contestable.

M. Christian Sautter, secrétaire d’État au Budget, a ensuite évoqué le déroulement de l’exécution budgétaire pour 1998 en constatant que les recettes fiscales étaient pour l’instant conformes aux prévisions de la loi de finances, que les dépenses n’avaient pas été affectées par des mouvements significatifs puisque le milliard de francs consacré au soutien des chômeurs en détresse avait été gagé par des économies d’un même montant et qu’il n’y avait pas eu de gel ou de mesures de régulation à ce jour, ce qui traduisait le caractère sincère et réaliste du budget initial. Après avoir signalé un probable dépassement des dépenses de la fonction publique par rapport aux prévisions en raison des conséquences du pacte salarial dans ce secteur, il a estimé que les emplois jeunes atteindraient le nombre prévu de 150.000 en fin d’année et que les effets de la réduction du temps de travail ne commenceraient à s’observer qu’en 1999.

S’agissant du projet de loi de finances pour 1999, il a déclaré qu’à fiscalité constante, le surplus de recettes fiscales atteindrait un montant compris entre 50 et 55 milliards de francs, qui serait affecté pour un tiers à la réduction du déficit et pour les deux autres tiers au financement des priorités de la politique gouvernementale, ce qui permettrait de disposer, en y ajoutant les 20 milliards de francs de redéploiements déjà cités, d’un volume de crédits de l’ordre de 50 milliards de francs. Il a précisé que les redéploiements des dépenses civiles s’effectueraient aussi bien entre les différents ministères qu’à l’intérieur de chaque ministère dans une perspective de soutien de l’emploi et d’encouragement à la solidarité. Le Ministre a annoncé que les effectifs civils de la fonction publique seraient stabilisés en 1999, moyennant des redéploiements d’emplois budgétaires à l’intérieur d’un même ministère et entre ministères, tandis que la professionnalisation des armées entraînerait, comme prévu, une hausse des emplois militaires.

M. Didier Migaud, rapporteur général, a tout d’abord remarqué que les informations relatives à l’exécution des budgets de 1997 et 1998 traduisaient bien la conformité des actes par rapport aux intentions exprimées lors de la discussion budgétaire, ce qui n’était pas le cas des exercices de 1995 et 1996 à propos desquels la discussion des lois de règlement permettrait de constater que la réalité fut bien différente des priorités affichées au départ.

Relevant le dynamisme des recettes fiscales, qui ont crû de 4,8 % entre le premier trimestre 1997 et le premier trimestre 1998, il a souhaité connaître les principales composantes de cette tendance et demandé notamment des précisions sur l’évolution de la TVA. Il a estimé que, pour maintenir le besoin de financement des administrations publiques dans la conformité aux prévisions, les dépenses de sécurité sociale seraient déterminantes et s’est préoccupé de l’évolution des dépenses d’assurance-maladie.

En écho aux remarques faites dans le rapport du Gouvernement, préparatoire au débat d’orientation budgétaire, sur la rigidité des dépenses publiques, il a demandé quelles dépenses le Gouvernement considérait comme excessives au regard de l’évolution du déficit structurel, quelles mesures il comptait prendre pour réduire la rigidité déplorée, comment il envisageait de lier maîtrise des dépenses publiques et encouragement aux investissements publics, source de croissance, et quels indicateurs permettaient de juger de l’efficacité de certaines dépenses afin d’en améliorer l’impact sur la croissance. Il s’est enquis des suites que le Gouvernement entendait donner à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 1998 relative aux fonds de concours rattachés aux services financiers du ministère. Il a enfin demandé si, compte tenu du rythme de la croissance prévue pour 1999, une baisse des prélèvements obligatoires serait recherchée et si, dans l’affirmative, des arbitrages avaient été rendus pour déterminer sur quels impôts devait porter la diminution des recettes fiscales correspondantes.

Répondant au Rapporteur général, M. Christian Sautter a précisé que si la progression des recettes de taxe sur la valeur ajoutée s’expliquait par le transfert de la demande extérieure vers la demande intérieure, elle était due, en partie, à des événements accidentels comme la grève des services fiscaux intervenue au cours de l’hiver et les modalités du partage des missions entre la SNCF et le Réseau ferré de France, et qu’en conséquence aucune conclusion ne pourrait en être tirée avant les résultats du deuxième trimestre 1998.

Après avoir souligné que, pour la première fois depuis 1987, la loi de finances s’exécutait avec un déficit inférieur à celui qui avait été voté, M. Dominique Strauss–Kahn a considéré que, la croissance évoluant comme prévu, les rentrées fiscales ne devraient pas être supérieures aux prévisions. Il a, d’autre part, fait remarquer que, dans l’évolution du solde de l’assurance maladie, globalement conforme aux prévisions, la forte progression des recettes liée à la croissance masquait l’augmentation des dépenses, et que, dans de telles conditions, la maîtrise des dépenses de santé restait l’objectif prioritaire du Gouvernement. Il a par ailleurs annoncé que, dans le cadre de la préparation du budget de 1999, les crédits de chaque ministère seraient revus « à base zéro » en fonction des objectifs que leur assignait le Premier ministre afin de détecter tous les facteurs de rigidité des dépenses de l’État. Il a en outre fait observer que le Gouvernement comptait continuer à s’attaquer à cette rigidité, notamment en stabilisant les effectifs civils de la fonction publique. Il a invité à apprécier les effets de la politique budgétaire sur une longue période, et non au seul vu d’un résultat d’une année. Il a enfin fait remarquer que la baisse des prélèvements obligatoires avait été engagée dès 1998, en rupture avec la tendance des cinq années précédentes, et qu’elle serait poursuivie en 1999, le Gouvernement travaillant actuellement sur une hypothèse de stabilisation de ces prélèvements, tout en n’excluant pas de poursuivre leur réduction. Il a indiqué que le Premier ministre n’avait pas encore déterminé les priorités fiscales pour 1999, rappelant que trois chantiers, portant respectivement sur la fiscalité locale, la fiscalité du patrimoine et la fiscalité écologique, étaient actuellement ouverts. Il a ajouté que dans le choix à intervenir entre la réforme de la taxe professionnelle, dans une perspective d’efficacité pour l’emploi, et celle de la taxe d’habitation, en vue de la justice sociale, le Gouvernement serait naturellement attentif à la contribution de la commission des Finances.

M. Christian Sautter a ensuite annoncé que les opérations de rebudgétisation engagées en 1998 seraient poursuivies en 1999, notamment celles concernant les fonds de concours, en pleine conformité avec la décision du Conseil constitutionnel.

M. Pierre Méhaignerie a félicité M. Dominique Strauss–Kahn pour la qualité du diagnostic qu’il a porté récemment sur la situation de la France lors d’une conférence tenue à l’Institut d’études politiques de Paris et reprise par « Les Échos ». Il a notamment dit partager son analyse sur l’insuffisance de la croissance française, l’efficacité sociale de l’exonération de cotisations sur les bas salaires, que le Président Augustin Bonrepaux avait paru admettre, l’inégalité entre catégories de salariés et l’efficacité de la fourniture de services par la sphère publique. Il a relevé le parallèle entre ce diagnostic et les conclusions publiées par M. Michel Rocard au moment de la préparation du Xème Plan. Il a déploré, au regard de la netteté de ce constat, une même incapacité, alors et maintenant, à sortir des faux remèdes des « années paresseuses ». Il a regretté que les trois quarts des fruits de la croissance soient absorbés par la progression des dépenses publiques sans que soit pour autant levée l’hypothèque du coût des retraites de la fonction publique et de l’extension des 35 heures à ce secteur. Il a jugé trop limitée la réduction du déficit envisagée par le Gouvernement, et a rappelé que le précédent renversement du cycle de croissance avait coûté 2 points du PIB, et qu’il convenait d’ores et déjà de préparer les années difficiles en s’attaquant à la composante structurelle des déficits et au poids excessif de la sphère publique. Il a dénoncé l’écart croissant entre la situation des salariés du secteur privé et celle du secteur public, moins en termes de salaire qu’en termes d’avantages annuels comme la durée des vacances. Evoquant le choix possible entre taxe d’habitation, taxe professionnelle et allégement des charges sociales sur les bas salaires sur lequel l’opposition avait aussi un avis à formuler, il a fait observer que la taxe d’habitation faisait déjà l’objet de nombreuses exonérations et dégrèvements favorables aux départements qui augmentaient le plus leurs dépenses. Il a soutenu que la baisse des prélèvements obligatoires devait s’appliquer en priorité aux charges sociales sur les bas salaires, et qu’une telle mesure était plus urgente que la réforme de la fiscalité locale envisagée par le Gouvernement.

Le Président Augustin Bonrepaux a précisé que, lorsqu’il avait évoqué les impôts pesant sur le travail, il avait envisagé la TVA et la taxe professionnelle, mais non l’allégement des charges pesant sur les bas salaires, qu’il a jugé très coûteux et sans effet évident sur l’emploi.

M. Dominique Strauss-Kahn a tout d’abord exprimé son intérêt pour les avis formulés par l’opposition. Il a estimé que M. Pierre Méhaignerie se contredisait en affirmant l’absence de rigidité du marché du travail tout en réclamant davantage de flexibilité, entretenant ainsi un faux débat. Revenant sur l’efficacité de la sphère publique, il a considéré que ce n’était pas son importance qui posait problème, mais la qualité des services qu’elle rendait ; il a évoqué, à l’appui de cette affirmation, les décisions d’implantation d’entreprises étrangères en France, qui prennent en compte la qualité des services publics en dépit d’un traitement fiscal plus favorable ailleurs. S’agissant de l’utilisation des plus-values fiscales, il a fait remarquer que, au cours des dernières années, les dépenses avaient augmenté plus vite que les recettes, et que, en affectant une partie des recettes à la réduction des déficits, les choix du Gouvernement traduisaient une meilleure gestion. Il a enfin fait valoir que l’effort de réduction du solde structurel était significatif en 1997 et en 1998.

A M. Charles de Courson qui lui faisait observer la discordance entre la présentation du déficit par le rapport préparatoire et les chiffres récemment publiés par la Commission européenne, M. Dominique Strauss–Kahn a objecté que les statistiques de la Commission était fondées sur une base non conforme aux méthodes internationalement reconnues, tant par le FMI que par l’OCDE, auxquelles la comptabilité nationale française se conformait.

M. Pierre Méhaignerie étant revenu sur la réforme indispensable des retraites de la fonction publique, le Ministre, citant l’exemple de France Télécom, du GAN, de Thomson et du CIC ainsi que celui de l’institution de la CSG, y a vu la preuve qu’une méthode visant à faire partager par les personnes concernées l’intérêt pour les réformes entreprises était pour lui, à la fois une marque d’esprit démocratique et un gage d’efficacité, et que le précédent Gouvernement avait, sur tous ces dossiers, connu l’échec pour l’avoir oublié.

Répondant à M. Pierre Méhaignerie, le Président Augustin Bonrepaux a constaté que l’analyse des allégements de taxe d’habitation, évoquée par celui-ci, révélait les effets pervers de cette taxe dans les grandes agglomérations et justifiait pleinement les mesures prises dans la dernière loi de finances.

Mme Nicole Bricq a approuvé les deux orientations exprimées par le Gouvernement dans le rapport préparatoire : retrouver des marges de manœuvre pour une politique macro économique qui relève de la responsabilité de l’État ; faire de l’outil budgétaire une arme de réorientation vers l’investissement et l’innovation. Elle s’est interrogée sur les moyens d’assurer une bonne gestion du cycle de croissance dans la zone euro, alors que les pays européens sont plus ou moins avancés dans ce cycle, ainsi que d’harmoniser les politiques budgétaires nationales avec la convergence monétaire européenne.

M. Yves Deniaud, après avoir exprimé l’accord unanime de l’opposition avec les analyses présentées par M. Pierre Méhaignerie, a estimé que le record historique de prélèvements obligatoires atteint en 1997 résultait des alourdissements d’impôts décidés à l’automne 1997 par le nouveau Gouvernement. Il a également contesté la présentation de ces prélèvements figurant dans le rapport préparatoire du Gouvernement, dont l’évaluation de la captation du surplus de richesses par les hausses de prélèvements obligatoires ne tient pas compte des allégements de charges sociales sur les bas salaires décidés par la précédente majorité et considéré que, dans le cas contraire, l’année 1996 n’apparaissait pas marquée par une hausse massive des prélèvements obligatoires, mais par un transfert du poids de ces prélèvements, des bas salaires vers « l’argent qui dort ». Il a ensuite regretté le flou des réponses gouvernementales sur l’éventualité d’une baisse des impôts, considérant que les pays qui ont maîtrisé le chômage avaient tout à la fois réduit les déficits publics, réduit les impôts et relancé l’investissement. Relevant l’alourdissement massif des charges de retraites présenté dans le rapport précité (600 milliards de francs en vingt ans), il a demandé quelles mesures envisageait le Gouvernement afin d’y faire face. Enfin, il a souhaité quelques précisions sur l’évolution de l’investissement public civil, la conjoncture offrant la possibilité d’une relance de celui–ci après des années de recul.

M. Daniel Feurtet, constatant que la distribution de crédit représentait quatre fois la masse du budget, a estimé que l’on ne pouvait dissocier la politique budgétaire et la politique du crédit et s’est donc interrogé sur les moyens d’une maîtrise publique du crédit. Il a également demandé quelles pistes étaient étudiées par le Gouvernement, au–delà des trois chantiers évoqués dans le rapport préparatoire, pour soutenir la demande tout en évitant tout risque inflationniste.

M. Gérard Fuchs a tout d’abord considéré que les mesures prises par la nouvelle majorité en 1997 avaient largement contribué à la relance de la croissance. Observant que, pour la première fois depuis des années, la France allait disposer en 1999 d’une marge par rapport au critère européen des 3 % de déficits publics, il s’est interrogé sur l’équilibre à trouver entre maîtrise de la dette publique et soutien de la croissance par une relance de la dépense publique ; il a en particulier demandé à être convaincu de l’opportunité de fixer à 2,3 % du PIB les déficits publics en 1999, estimant que 2,5 % n’aurait pas été un mauvais chiffre. Par ailleurs, il a demandé quelle serait la stratégie française dans le cadre du Conseil de l’euro, afin de prendre en compte l’impératif de croissance ; il a également souligné que la structure du budget communautaire avait une incidence sur la croissance et s’est prononcé, soit pour un étalement des dépenses des fonds structurels, soit pour le redéploiement des moyens correspondants vers des projets porteurs de croissance comme les grands réseaux européens.

M. Gérard Saumade a souligné le lien entre la croissance et l’emploi dont la contestation au cours des dernières années avait conduit certains à dire bien des sornettes. Observant que l’investissement des collectivités locales représentait désormais les trois quarts de la formation brute de capital fixe publique, mais avait fortement diminué l’année dernière faute de moyens, alors même que les besoins nouveaux (investissements éducatifs, traitement des déchets...) étaient en forte croissance, il a craint qu’une éventuelle diminution des impôts locaux n’ait des conséquences négatives sur l’investissement local. Approuvant le principe d’un redéploiement des moyens budgétaires afin de favoriser l’innovation, il a également plaidé pour une mise à plat des aides aux entreprises, qui lui paraissaient entraîner beaucoup d’effets d’aubaine et a préconisé le développement des sociétés de capital risque.

M. Yves Cochet s’est déclaré en accord avec les trois axes dégagés en introduction du rapport du Gouvernement, auxquels il a souhaité y ajouter un quatrième axe : la lutte contre les gaspillages et la pollution. Il a toutefois estimé qu’il ne suffisait pas d’annoncer des objectifs, mais qu’il fallait se doter des instruments adéquats pour les atteindre. A ce propos, il a jugé que la priorité donnée à l’emploi devrait se traduire par le relèvement des minima sociaux, instrument décisif de soutien à la demande. Il a ensuite interrogé les ministres sur l’opportunité d’un renforcement des moyens de l’administration pour lutter contre la fraude fiscale. Il a enfin évoqué la fiscalité écologique : après avoir jugé insuffisantes les modifications inscrites dans le projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier relatives au calcul de la puissance fiscale des véhicules, il a déclaré que l’actualité montrait bien le poids croissant des problèmes et des coûts liés à la qualité de l’air et de l’eau ou aux déchets. Il a donc estimé qu’il existait une opportunité politique d’alourdir la fiscalité écologique pour alléger la fiscalité sur le travail, dans la mesure où la population était de plus en plus clairement attachée à la préservation de la qualité de la vie.

M. Pierre Forgues a souhaité obtenir plus de précisions sur les priorités que le Gouvernement entend poursuivre dans le budget de 1999. A cet égard, il a plaidé pour une véritable politique d’aménagement du territoire, permettant notamment d’assurer une meilleure présence des services publics dans les zones sensibles, qu’elles soient urbaines ou rurales. Il a également insisté sur la nécessité de revoir le mode de financement des collectivités locales, grâce en particulier, à une moindre superposition des impôts locaux, et à une fiscalité locale plus juste et mieux répartie.

Évoquant la dérive attendue des dépenses des régimes spéciaux de retraite au cours des prochaines années, M. Charles de Courson s’est interrogé sur la volonté du Gouvernement d’en proposer une réforme. Après s’être inquiété du dérapage des dépenses d’assurance maladie constaté depuis le début de l’année, il a rappelé l’existence d’un important déficit primaire du budget de l’État – le déficit de fonctionnement étant supérieur à 100 milliards de francs – qu’il a jugé indispensable de résorber. Il s’est demandé si les investissements publics continueraient à être sacrifiés comme ils le sont depuis une quinzaine d’années, mettant l’État dans l’incapacité d’entretenir son patrimoine. Il a enfin émis des doutes sur la capacité du Gouvernement à tenir son objectif d’évolution des dépenses, alors que l’objectif d’un déficit égal à 2 % du PIB, niveau nécessaire à la stabilisation du poids de la dette publique, ne sera atteint qu’en 2000 et qu’un certain nombre de dépenses devrait continuer à croître à l’avenir : les dépenses relatives à la fonction publique en raison du choix d’une stabilisation et non d’une réduction des effectifs et de l’accord salarial pluriannuel, les dépenses relatives à la défense nationale dont on a dit qu’elles ne pouvaient plus être diminuées, ainsi que les concours aux collectivités locales, puisqu’il est envisagé de les augmenter du taux de l’inflation et de la moitié du taux de la croissance en volume.

Répondant aux intervenants, M. Christian Sautter a précisé, à propos de la coordination des politiques économiques des onze pays participant à l’euro, que la première réunion du Conseil de l’euro, tenue aujourd’hui, aurait pour objet de déterminer les méthodes permettant d’articuler l’acquis de la croissance avec une politique monétaire unique et des politiques budgétaires diversifiées. Observant que les onze pays n’étaient pas tous placés dans la même situation conjoncturelle, il a indiqué que la coordination des politiques budgétaires ne signifiait pas leur uniformisation.

Répondant à M. Yves Deniaud, il a fait observer que la période 1993-1997 montrait qu’il n’était pas si facile de diminuer simultanément les déficits et les impôts. Il a rappelé que, si pour 1997 un effort particulier avait été demandé aux grandes entreprises, le Gouvernement avait décidé de stabiliser les prélèvements obligatoires en 1999 afin de consolider la croissance, soulignant même que leur poids dans le PIB devrait diminuer en 1998. Il a fait observer que la prise en compte des allégements de cotisations sociales ne modifiait pas le diagnostic en ce qui concerne l’évolution du taux des prélèvements obligatoires au cours des dernières années.

Le Ministre a souligné que le fait que le rapport du Gouvernement contienne des développements sur les conséquences du choc démographique qui se produira à partir de 2005 montre qu’il entend travailler dans une perspective de moyen terme concernant les dépenses de retraite, tous régimes confondus. Il a rappelé que le Premier ministre avait demandé au Commissariat général du Plan d’actualiser le diagnostic qui avait été fait au début des années 1990 et que les premiers résultats de cette étude, attendus pour la fin de 1998 ou le début de l’année prochaine, permettraient de prendre les mesures nécessaires en temps utile.

Après avoir indiqué que l’effort consenti, dès 1997, en faveur du logement social serait amplifié en 1999, le Ministre a confirmé que le Gouvernement était très attaché à ne pas sacrifier les investissements financés sur crédits budgétaires, qui constituent un moteur important de la croissance.

En réponse à M. Daniel Feurtet, il a reconnu l’existence d’un lien entre la politique budgétaire et la politique du crédit, soulignant que le bas niveau actuel des taux d’intérêt constituait un important facteur de croissance durable. Constatant que la croissance résultait désormais davantage d’une demande intérieure saine et moins d’une demande extérieure par définition fragile et en voie d’essoufflement en raison de la crise asiatique, il a insisté sur la nécessité que la politique budgétaire ne gène pas cette croissance, notamment en n’amputant pas le pouvoir d’achat des consommateurs par une hausse massive de la TVA comme cela avait été le cas en 1995. Il a fait observer que l’investissement productif, stagnant depuis 1991, redémarrait en raison de la baisse des taux d’intérêt et de l’existence d’une demande solide.

Rappelant que la montée de la part de la dette publique dans le PIB avait été très forte depuis 1993, le Ministre a expliqué que c’est la nécessité de réduire celle-ci, et pas uniquement pour des raisons liées à l’Union européenne, qui expliquait le choix d’un objectif d’une limitation du déficit à 2,3 % du PIB.

A M. Gérard Fuchs, il a indiqué que c’est l’obligation d’engager tous les fonds structurels en 1999 qui expliquait la hausse importante (+ 3,4 %) du projet de budget communautaire. Il a salué l’intérêt de sa suggestion tendant à étaler ou à redéployer ces crédits structurels.

Le Ministre a rappelé à M. Gérard Saumade que le Gouvernement poursuivait un double objectif de croissance : d’une part retrouver la tendance de long terme d’environ 2,2 % et, d’autre part, renforcer le potentiel de croissance pour aller au-delà de ce chiffre, ce qui nécessite un effort particulier en matière d’éducation, de recherche ou d’aides à la création d’entreprise. S’agissant des concours aux collectivités locales, il a indiqué que le Gouvernement n’entendait pas, comme son prédécesseur, procéder par un pacte unilatéral mais au contraire engager une consultation de tous les acteurs locaux, dont il est impossible de préjuger des résultats. Il a constaté par ailleurs que l’investissement local avait progressé en 1997 et que les collectivités locales en percevraient les fruits en 1999 au travers de leurs recettes de taxe professionnelle.

M. Christian Sautter a fait observer à M. Yves Cochet que la politique budgétaire menée par le Gouvernement avait permis la création nette de 155.000 emplois en 1997 et que, donc, il était possible, contrairement à ce que pensent certains économistes, de conjuguer soutien à la demande intérieure et diminution graduelle des déficits. A propos de la fraude fiscale, il a indiqué que le Gouvernement entendait porter son effort sur la lutte contre la fraude organisée en matière de TVA intracommunautaire ou d’économie souterraine par exemple, les résultats obtenus venant évidemment accroître les marges de manœuvre budgétaires. Il a confirmé que le Gouvernement était tout à fait disposé à dialoguer avec sa majorité des modalités de réforme de la fiscalité écologique.

Le Ministre a indiqué que le Gouvernement partageait le souci exprimé par M. Pierre Forgues de maintenir les services publics dans les zones sensibles, jugeant que cet objectif pouvait parfaitement être atteint par le redéploiement des crédits comme le confirmera le projet de budget pour 1999.

Répondant à M. Charles de Courson, il a souligné que le Gouvernement s’en tenait à la prévision d’un déficit du régime général limité à 12,5 milliards de francs pour 1998, malgré l’évolution rapide des dépenses de santé constatée au premier trimestre de cette année, due en partie à une épidémie de grippe particulièrement forte. Il a confirmé que le Gouvernement visait l’équilibre du régime général en 1999. En ce qui concerne les orientations générales du budget, il a rappelé que l’objectif du Gouvernement était de parvenir à un solde primaire positif du budget en 1999 et d’une stabilisation du poids de la dette en l’an 2000.

M. Pierre Méhaignerie a déploré que M. le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie n’ait pas consacré un temps suffisant à la commission des Finances et n’ait pas répondu de façon adéquate aux questions précises des parlementaires.

Le Président Augustin Bonrepaux a fait observer qu’en tout état de cause le Gouvernement s’était attaché à répondre aux questions des parlementaires et que l’intérêt des auditions de ministres par la Commission serait conforté si ses membres voulaient bien consentir à une certaine discipline dans leurs interventions.

III.- EXAMEN DU RAPPORT D’INFORMATION

La Commission a examiné le présent rapport d’information au cours de sa réunion du jeudi 4 juin 1998 sur le rapport de votre Rapporteur général.

Votre Rapporteur général a indiqué que, compte tenu des échanges précédents, il s’en tiendrait à la présentation des grandes lignes de son rapport d’information. Il a rappelé qu’à l’occasion du précédent débat d’orientation budgétaire, tenu en mai 1996, le rapport de son prédécesseur et celui du Gouvernement précédent étaient avant tout constitués par des constats sur l’exécution de l’exercice précédent. Il a noté qu’une telle approche était normale, dans la mesure où les arbitrages n’étaient pas définitifs, et que le débat permettait d’examiner des orientations esquissées, méritant d’être affinées par la suite. Il a souligné qu’il ne fallait pas céder à la tentation d’anticiper, à ce stade, le débat sur le projet de loi de finances lui-même.

Abordant l’exécution du budget de 1997, il a considéré qu’elle était conforme aux orientations définies par le Gouvernement au moment de sa prise de responsabilité et qu’il y avait là une différence avec le décalage trop important entre prévision et exécution constaté précédemment.

M. Pierre Méhaignerie, approuvé par M. Charles de Courson, a jugé ces propos caricaturaux, en rappelant qu’en 1992 et 1993, l’exécution budgétaire avait conduit à une explosion du déficit.

Votre Rapporteur général, après avoir mis en relief que ces exercices avaient été caractérisés par une crise économique internationale, a présenté les premiers résultats de l’exécution du budget de 1998. Il a indiqué que celle-ci était, dans l’ensemble, en ligne avec les prévisions, même si les recettes faisaient preuve d’un dynamisme certain. Rappelant que la loi de finances avait été construite sur la base d’une hypothèse de croissance du PIB de 3 % et que la concrétisation annoncée de cette prévision n’était pas, à elle seule, susceptible de modifier substantiellement les recettes attendues, il a cependant observé que le contenu de cette croissance se modifiait au profit de la consommation intérieure et que cette évolution ne serait sans doute pas sans conséquence sur les rentrées fiscales, même s’il était difficile d’extrapoler sur l’ensemble de l’exercice les bonnes rentrées de TVA constatées au premier trimestre de 1998. Il a fait remarquer que l’existence d’une marge de recettes supplémentaires ne pouvait donc pas être exclue.

Il a ensuite présenté les trois orientations principales qui devraient marquer le budget pour 1999.

Rappelant d’abord les engagements pris devant les électeurs, il a jugé que ces engagements devraient trouver leur traduction dans les choix budgétaires de la prochaine loi de finances. Il a relevé, à cet égard, que, dès 1998, des dépenses supplémentaires avaient été engagées s’agissant des traitements de la fonction publique, de la réduction du temps de travail et des emplois jeunes, se traduisant par une augmentation sensible par rapport aux dépenses inscrites en loi de finances initiale. Il a ensuite observé que ces dépenses devraient être financées par redéploiement, même si l’exercice se heurtait à de nombreuses difficultés, dues notamment à la rigidité de la dépense publique et à la nécessité de ne pas continuer à pénaliser les dépenses d’investissement.

Il a ensuite mis l’accent sur la nécessité d’engager la réduction de l’endettement public, faisant valoir que, dans cette perspective, la réduction du besoin de financement des administrations publiques devait être poursuivie avec d’autant plus de vigueur que la performance de la France n’était pas parmi les meilleures en Europe.

Il a enfin remarqué que la réduction des prélèvements obligatoires était indispensable, même si la part du surplus de richesses captée par les hausses de ces prélèvements, qui a atteint son maximum historique en 1996, a notablement décru en 1997.

M. Pierre Méhaignerie a estimé que, pour préserver la qualité du débat, la notion d’écart entre prévision et exécution des lois de finances devait être maniée avec prudence. Il a souligné qu’en 1992, la loi de finances initiale avait prévu un déficit budgétaire de 91 milliards de francs, mais que l’exécution s’était traduite par un déficit de 236 milliards de francs, et qu’en 1993 le même phénomène avait pu être observé, le déficit passant de 183 à 345 milliards de francs. Il a noté que, pour les trois années suivantes, les écarts avaient été très sensiblement inférieurs.

Votre Rapporteur général a considéré que le débat sur l’exécution budgétaire au cours des exercices 1992 et 1993 était maintenant quelque peu daté et qu’il avait, en tout état de cause, été tranché en 1993 par une défaite électorale historique. Il a fait observer que le débat actuel portait sur la maîtrise des dépenses publiques, et que cette maîtrise avait été beaucoup moins assurée qu’il n’avait pu être annoncé, par les Gouvernements de l’époque, entre 1994 et 1996.

En réponse aux observations faites sur l’insuffisante précision des propos des ministres, le Président Augustin Bonrepaux a indiqué que plusieurs auditions de membres du Gouvernement étaient d’ores et déjà prévues, qui devraient permettre d’obtenir des informations détaillées en ce qui concerne, notamment, le logement, les collectivités locales ou l’aménagement du territoire.

M. Gérard Saumade s’est interrogé sur la possibilité d’organiser une réflexion des membres de la Commission sur les thèmes les plus significatifs du futur projet de loi de finances.

M. Pierre Forgues a souhaité que les ministres puissent porter une plus grande attention aux questions des commissaires. Il a douté que la date choisie pour organiser le débat d’orientation budgétaire fût la meilleure, compte tenu du calendrier même de préparation du projet de loi de finances pour 1999.

Mme Béatrice Marre a estimé que le débat d’orientation budgétaire devrait, pour trouver tout son sens, intervenir avant l’envoi des lettres de cadrage.

Votre Rapporteur général a indiqué qu’il avait déjà appelé l’attention du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie sur certaines difficultés résultant de la date choisie pour tenir le débat d’orientation budgétaire. Il a également estimé qu’un tel débat trouverait sa pleine efficacité s’il intervenait avant l’envoi des lettres de cadrage, ce qui permettrait sans doute aux administrations d’être plus disponibles pour répondre aux questions posées à l’occasion de la préparation de ce débat. Il a néanmoins insisté à nouveau sur le fait qu’un tel débat n’avait pas pour objet de permettre une discussion anticipée du projet de loi de finances.

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La Commission a autorisé la publication du rapport d’information.

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N° 963.- Rapport d’information de M. Didier Migaud, Rapporteur général, déposé en application de l’article 145 du Règlement par la commission des finances, préalable au débat d’orientation budgétaire pour 1999.

() L’article 39 de la Constitution, qui mentionne « les projets de lois de finances », accorde en la matière un monopole au pouvoir exécutif. Pour sa part, l’article 37 de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, dispose : « Sous l’autorité de son Premier ministre, le ministre des finances prépare les projets de loi de finances qui sont arrêtés en conseil des ministres ».

() Sauf indication contraire, tous les tableaux et graphiques du présent point A sont construits à partir des informations contenues dans les documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget, pour les exercices 1990 à 1996, ou bien, pour l’exercice 1997, à partir des états mensuels retraçant la situation des dépenses du budget général (Résultats statistiques et Situation des dépenses et crédits de chaque ministère) établis par la direction de la comptabilité publique (situations définitives au 31 décembre 1997, écritures arrêtées au 2 avril 1998).

() Si l’on en juge par les résultats d’exécution des exercices précédents, les remboursements de produits non fiscaux devraient s’élever à 200 millions de francs environ, ramenant le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts à près de 265,6 milliards de francs.

() Ainsi que l’observe la Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution des loi de finances pour l’année 1996, « la hausse du taux normal de 2 points décidée par la loi de finances rectificative du 4 août 1995 a vraisemblablement eu une incidence sur le niveau des remboursements en 1996. Compte tenu du décalage existant, d’une part entre l’exigibilité de la TVA et la date de dépôt de la déclaration, et d’autre part, entre le dépôt de la demande de remboursement et la comptabilisation effective du remboursement, on peut considérer que très peu de remboursements ont été effectués en 1995 sous le régime du taux de 20,6%. Contrairement à la TVA brute où l’incidence du relèvement du taux normal s’est observée dès septembre 1995, en matière de remboursements l’effet du relèvement s’est produit pour l’essentiel en 1996. De plus, certaines entreprises effectuant des achats principalement au taux normal et vendant des produits au taux réduit (cas des agriculteurs et de l’agro-alimentaire notamment), l’effet du relèvement des taux sur les remboursements se trouve amplifié. »

() Même si ce taux de variation ne porte que sur un montant de dépenses de 2,2 milliards de francs en 1996.

() 114,4 milliards de francs si l’on exclut les rétablissements de crédits.

() De nombreux tableaux de grandeurs macro-économiques publiés dans le document présenté par le Gouvernement à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, et plus particulièrement dans sa première partie « Rapport sur l’évolution de l’économie nationale et des finances publiques », sont fondés sur les chiffres examinés par la Commission des comptes de la Nation, lors de sa réunion du 20 avril dernier. Ils ne concordent pas nécessairement avec les derniers résultats fournis par l’INSEE en matière de comptes nationaux, parus dans les numéros 117 et 118 du périodique Informations rapides, relatifs respectivement aux comptes nationaux du quatrième trimestre 1997 et à ceux de l’année 1997 (27 avril 1998). Les analyses développées dans le présent point A se fondent, sauf indication contraire, sur les comptes nationaux publiés par l’INSEE.

() Résultats calculés à partir des Comptes nationaux, INSEE, 27 avril 1998.

() Publié en mai 1998.

() Source : Rapport annuel 1997 de l’Institut monétaire européen.

() Cité dans La Tribune du 29 mai 1998.

() Cité dans Les Echos du 2 juin 1998.

() Enquête sur les investissements dans l’industrie -avril 1998, INSEE Conjoncture- Informations rapides n° 141 du 19 mai 1998. On rappellera que les budgets économiques associés au projet de loi de finances pour 1998 prévoyaient, pour l’investissement des entreprises, une croissance de l’ordre de 4,1%

() Communiqué de presse du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (DICOM 5213, 15 mai 1998).

() Ce taux moyen porte sur la totalité du stock de dette. Or la partie courte de la dette de l’Etat (300 milliards de francs environ, sur un total de 4000 milliards de francs) est rémunérée à des taux proches de 3%. On peut légitimement en déduire que la partie moyenne-longue de la dette est rémunéré à un taux légèrement supérieur à 6,4%. L’effet de convergence asymptotique n’en serait que plus fort en 1999.

() L’autre objectif de la gestion active de la dette est le « lissage » inter-annuel et intra-annuel des remboursements d’emprunts, afin d’optimiser la trésorerie de l’Etat.

() Cette compensation ne se fait pas franc pour franc. En effet, la charge de trésorerie induite par le rachat du titre doit être, en théorie, égale à la valeur actualisée des flux financiers représentatifs du différentiel de taux d’intérêt entre le titre racheté et le titre nouveau. Concrètement, ce différentiel de taux se traduit par l’existence d’une surcote du titre racheté par rapport à sa valeur nominale.

() L’exécution de l’exercice budgétaire est encore trop peu avancée pour que l’on puisse en tirer quelque enseignement significatif à la date présente.

() Facteur dû au profil temporel de la montée en charge.

() Le solde primaire du budget de l’Etat est le résultat de la différence entre le solde total de ce budget et la charge nette de la dette.

() C’est-à-dire en faisant abstraction des flux nets de dettes et créances, comme la variation des dépôts des correspondants du Trésor, la variation des concours de la Banque de France au Trésor, la comptabilisation des engagements de l’Etat au titre des primes d’épargne populaire, ou certaines opérations exceptionnelles comme la reprise de dette de la Sécurité sociale en 1994 ou la constitution de créances de TVA au profit des particuliers consécutive à la suppression du décalage d’un mois de la TVA en 1993.

() Le présent tableau donne une vision purement comptable du poids des prélèvements obligatoires. Celui-ci doit, pour être apprécié à sa juste valeur, être pondéré par la prise en compte des prestations qu’offrent, en échange, les administrations publiques au sens large.


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