1230

______

 

 

 

 

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

 

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 novembre 1998.

 

 

 

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE projet de loi de finances rectificative pour 1998 (n° 1210).

 

 

 

PAR M. François Lamy,

 

 

Député.

 

 

——

 

 

 

 

 

 

 

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

 

Lois de finances rectificatives

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Michel Voisin, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Alain Veyret, Philippe de Villiers, Jean-Claude Viollet, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

 

 

 

 

 

 

Introduction 5

I — LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LE BUDGET DE LA DÉFENSE EN 1998 : APERÇU GÉNÉRAL

A. UN CONTEXTE SPÉCIFIQUE

1. Des reports de charges massifs sur le titre III

2. La réforme des procédures de gestion des crédits d’équipement

B. UNE GESTION SATISFAISANTE DU BUDGET DE FONCTIONNEMENT MAIS UNE EXÉCUTION DIFFICILE DES DÉPENSES D’ÉQUIPEMENT

 

II. — LES OUVERTURES DE CRÉDITS RÉPONDENT À DES BESOINS MULTIPLES

A. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES POSE LE PROBLÈME DE L’AMÉLIORATION DE LEUR CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

1. Un constat récurrent et des besoins toujours importants

2. Il devient urgent d’améliorer le contrôle budgétaire des opérations extérieures

a) Un financement problématique

b) La pérennité et l’importance du dispositif d’intervention militaire à l’étranger plaident en faveur d’un contrôle parlementaire systématique sur les opérations extérieures

B. DES BESOINS LIÉS À LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES

1. Le flux mal maîtrisé des volontaires service long entraîne des surcoûts importants

2. L’abondement des crédits de fonctionnement traduit la prise en compte anticipée des besoins des armées en 1999

a) Approche globale

b) Approche par armée

 

III — QUEL SENS FAUT-IL DONNER À LA RÉDUCTION DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT ?

A. POUR UNE APPROCHE DYNAMIQUE DU BUDGET D’ÉQUIPEMENT DE LA DÉFENSE : ANNULATIONS, REPORTS DE CHARGES ET REPORTS DE CRÉDITS

1. Les annulations de crédits atteignent un niveau élevé en 1998 mais devraient permettre de limiter les reports de charges sur le titre III

2. Annulations de crédits et loi de programmation militaire : des compensations ultérieures seront nécessaires

B. UNE RÉDUCTION À RELATIVISER PAR LA PRISE EN COMPTE DES DOTATIONS À LA SOCIÉTÉ GIAT INDUSTRIES QUI PARTICIPENT À LA DÉPENSE DE DÉFENSE

1. Des recapitalisations inéluctables

2. Quel lien entre les annulations de crédits et la dotation de Giat Industries ?

 

CONCLUSION

TRAVAUX EN COMMISSION

I — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE

II — EXAMEN DE L’AVIS

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances rectificative représente généralement l’occasion, pour la Commission de la Défense, de constater la contribution importante du ministère de la Défense au rétablissement des finances publiques. Ce constat reste vrai en 1998, même s’il doit être nuancé, la participation de ce ministère à la réduction du déficit budgétaire n’étant pas la seule grille de lecture pertinente pour analyser les mouvements de crédits militaires enregistrés au cours de l’exercice 1998.

D’externe, la contrainte pesant sur l’exécution du budget de la Défense est largement devenue interne en 1998.

D’une part, l’importante réforme de la gestion des crédits d’équipement qui s’y déroule a, en effet, perturbé la bonne exécution du budget d’investissement militaire. A moyen terme, cependant, l’efficacité de la dépense d’équipement des armées n’en sortira que renforcée.

S’agissant, d’autre part, du budget de rémunération et de fonctionnement, le ministère de la Défense s’est également fixé des objectifs ambitieux, qu’il a largement atteints. Votre rapporteur s’en félicite d’autant plus que, dans cette phase de transition vers un nouveau format d’armée, le titre III du budget de la Défense est extrêmement contraint.

Les efforts du ministère de la Défense pour porter à leur terme des réformes considérables, qui s’apparentent, pour la plupart, davantage à un changement de culture qu’à de simples ajustements techniques, doivent être soutenus. Il faut notamment répéter que les nouvelles missions confiées aux armées ont un prix, qu’il faut assumer. A cet égard, les opérations extérieures, menées par les armées, doivent faire l’objet de règles de financement précises. D’abord, parce qu’elles s’inscrivent dans l’action diplomatique de la France ; ensuite, parce qu’il n’est pas concevable que le modèle d’armée dont s’est dotée la France ne soit pas en mesure de remplir, dans un cadre budgétaire normal, les missions pour lesquelles il a été élaboré.

La Commission de la Défense a décidé d’entamer un travail de réflexion sur un meilleur contrôle parlementaire des opérations extérieures. L’examen du projet de loi de finances rectificative rentre dans ce cadre. Ainsi, l’audition, pour la deuxième année consécutive, du Ministre de la Défense, la rencontre avec le Chef d’état-major des armées et le chef d’état-major de l’armée de terre et les réponses fournies au questionnaire budgétaire ont permis de cerner, à travers les difficultés d’ordre budgétaire, ce qui pourrait constituer une nouvelle définition des opérations extérieures avant de réfléchir, dans les mois qui viennent, sur leur justification, voire sur leur opportunité.

Après avoir présenté le cadre général d’exécution du budget de la Défense en 1998, votre rapporteur traitera des ouvertures de crédits ratifiées et demandées par le présent projet de loi. Il s’interrogera enfin sur le sens à donner aux réductions de crédits d’équipement sur le budget de la Défense.

 

 

I — les mouvements de crÉdits sur le budget de la dÉfense en 1998 : APERçU GÉNÉRAL

Comme les années précédentes, le budget de la Défense a connu, en cours d’exercice, des mouvements de crédits récurrents et importants. Outre les redéploiements internes, cinq séries de mouvements de crédits, d’inégale importance, sont venues modifier les dotations initiales. Ces mouvements portent, en crédits de paiement, sur les montants suivants :

— 300 millions de francs (soit 30 % du total des annulations budgétaires à cette date) ont été annulés par l’arrêté du 16 janvier 1998, au titre de la participation du ministère de la Défense au financement des fonds départementaux d’urgence destinés à venir en aide aux personnes les plus démunies ;

— le décret du 21 août 1998 a ouvert, à titre d’avance, 3,8 milliards de francs sur le titre III ;

— ils ont été gagés par une annulation de 7 millions de francs sur le même titre et de 3,85 milliards de francs sur les crédits d’équipement ;

— 110 000 francs ont été annulés sur le titre III par l’arrêté du 30 octobre 1998 ;

— 3,2 milliards de francs ont enfin été annulés par l’arrêté du 18 novembre 1998 sur les crédits d’équipement.

Le projet de loi de finances rectificative propose une ouverture de crédits de 700 millions de francs sur le titre III du budget de la Défense. Au total, les mouvements de crédits sur ce budget auront été légèrement supérieurs à ceux de la précédente gestion, comme l’indique le tableau ci-dessous.

 

 

principaux mouvements de crÉdits budgÉTAIRES
sur le budget de la défense en 1997 et 1998

(crédits de paiement en millions de francs)

 

1997

1998

Crédits d’avances

1 600 000

3 800,000

Ouverture de crédits en loi de finances rectificative

-

-

Demande d’ouverture de crédits en loi de finances rectificative

604,600

700,000

Total titre III

2 204,600

4 500,000

Total titres V et VI

-

-

Annulations de crédits en cours d’exercice

- 3 410,010

- 4 156,901

Annulations de crédits prévues en cours d’exercice

- 1 600,000

- 3 200,000

Total titre III

-

- 7,001

Total titres V et VI

- 5 010,010

- 7 356,901

Solde des mouvements pour le titre III

Solde des mouvements pour les titres V et VI

2 204,600

- 5 010,010

4 492,999

- 7 356,901

Solde des mouvements pour l’ensemble du budget

- 2 805,410

- 2 863,902

     

La comparaison avec l’exercice 1997 a cependant ses limites. Bien que d’ampleur comparable, les mouvements de crédits sur le budget de la Défense s’inscrivent, pour certains d’entre eux, dans une logique et dans un contexte différents.

A. UN CONTEXTE SPéCIFIQUE

La contrainte pesant sur l’exécution du budget de la Défense en 1998 est moins externe qu’interne : contrairement aux années précédentes, les annulations et ouvertures de crédits ne sont pas seulement liées à des pratiques de régulation budgétaire marquant la contribution de la Défense à la maîtrise des finances publiques, mais simplement à des contraintes internes au ministère de la Défense. En ce qui concerne les dépenses ordinaires, tout d’abord, priorité a été donnée à l’apurement des reports de charges dont la Cour des comptes a souligné le poids excessif dans la monographie qu’elle a consacrée au titre III du budget de la Défense de 1994 à 1997. Quant à l’exécution des crédits d’investissement, elle a été essentiellement marquée par la réforme de leurs procédures de gestion.

1. Des reports de charges massifs sur le titre III

L’existence de reports de charges massifs sur le titre III du budget de la Défense n’est pas nouvelle. Leur montant s’est toutefois fortement accru de 1997 à 1998, comme le montre le tableau suivant.

 

rEPORTS DE CHARGES(1) SUR LE TITRE III
DU BUDGET DE LA DÉFENSE DE 1994 À 1997
(hors fonctionnement et entretien programmé des matériels)

(en millions de francs)

Chapitre

Libellé

1994

1995

1996

1997

31-02

Autres services communs
Rémunérations personnels militaires et civils non ouvriers

0

0

90

0

31-03

Air, Terre, Marine et Gendarmerie
Rémunérations personnels militaires

477

484

581

1 925

34-10

Alimentation

0

0

152

269

Total

Total des reports de charges

547

570

823

2 194

 

Source : Cour des comptes, L’exécution des lois de finances pour l’année 1997, juillet 1998

(1) en fin d’exercice

Au total, chapitres de fonctionnement et d’entretien programmé des matériels inclus, les reports de charges de 1997 sur 1998 s’élèvent à 3,14 milliards de francs, alors qu’ils atteignaient 1,73 milliard de francs fin 1996. Comme l’indique la Cour des comptes, ces reports trouvent généralement leur origine dans les surcoûts liés aux opérations extérieures, mais leur très forte progression de 1997 à 1998 s’explique par la conjonction des trois phénomènes suivants :

— les opérations extérieures ;

— l’apurement du solde du fonds de concours autoroutier supprimé en 1996 ;

— l’absence de ressources complémentaires suffisantes pour compenser le report de charges de 823 millions de francs de 1996 à 1997.

Faut-il voir, avec la Cour des comptes, dans la procédure des fonds d’avances un des facteurs d’explication de l’importance des reports de charges au ministère de la Défense ? Nul doute que cette pratique, dérogatoire au principe d’annualité budgétaire puisqu’elle permet de régler sur les crédits de l’exercice suivant une partie des reports de charges de l’exercice en cours, a largement contribué à la situation présente. Il convient donc de remettre en cause l’usage excessif qui est fait de cette pratique. En accord avec le ministère de l’Economie et des Finances, le ministère de la Défense a d’ailleurs commencé à réduire ces fonds : il a ainsi été décidé de les ramener de leur niveau actuel de 10,2 milliards de francs à 7,1 milliards de francs. L’ampleur de cette somme montre toutefois qu’un réel besoin existe et que, dans l’éventualité d’une limitation du recours à cette pratique, des solutions palliatives devront être trouvées pour assurer le paiement régulier des rémunérations des personnels. Plus largement, c’est le problème du financement des opérations extérieures qui est posé.

2. La réforme des procédures de gestion des crédits d’équipement

Le budget d’investissement de la Défense se caractérise en 1998 par la conjonction de trois éléments :

— la revue des programmes. A court terme, son impact a cependant été modéré sur l’exécution des crédits ;

— l’" encoche " sur le budget d’équipement. Là encore, les effets de cette mesure ne se traduiront qu’ultérieurement, lors du paiement correspondant aux dépenses engagées au cours de l’exercice ;

— la réforme des procédures de gestion des crédits d’équipement du ministère de la Défense. Contrairement aux deux mesures évoquées ci-dessus, cette réforme a fait peser de nombreuses incertitudes sur la bonne exécution des dépenses d’équipement.

Sans revenir en détail sur cette réforme déjà largement évoquée par la commission de la Défense, il peut être intéressant de montrer en quoi l’exécution du budget d’investissement de la Défense a pu être perturbée par les trois volets de la réforme :

— mise en place de la comptabilité spéciale des investissements ;

— institution du contrôle financier déconcentré ;

— création des opérations budgétaires d’investissement.

    •  La mise en place d’une comptabilité spéciale des investissements (CSI), déjà en vigueur depuis longtemps dans les administrations civiles, a eu un impact notable sur les services de programmes de la DGA, comme le service des programmes navals (SPN) et le service des programmes aéronautiques (SPAé). Elle les a notamment conduits à revoir leur système informatique. Or, juridiquement, ce sont ces services qui notifient les contrats aux industriels concernés (Direction des constructions navales, service de maintenance aéronautique, industriels privés). Passages obligés des engagements et des paiements, ils jouent donc un rôle essentiel dans l’exécution du budget d’équipement de la Défense. Leur capacité réduite d’intervention pendant les quatre premiers mois de l’exercice 1998 n’a donc pas manqué de ralentir les engagements du ministère pendant le premier semestre.
    •  En matière d’engagement, l’instauration du contrôle financier déconcentré, qui sera étendu en 2001 aux comptes de commerce, a entraîné des retards dans le processus de notification des marchés, en particulier pour les services qui gèrent un important réseau d’ordonnateurs secondaires dépendant de nombreux trésoriers payeurs généraux. En outre, les services dont l’enveloppe d’engagements est constituée de multiples contrats, requérant de nombreuses opérations -commissariat des trois armées, services d’infrastructure- ont été particulièrement pénalisés par ces réformes.
    •  Quant à la mise en place des opérations budgétaires d’investissement, elle a eu un impact essentiellement sur les paiements. Les travaux de reprise comptable ont, en effet, entraîné une accumulation des factures chez les services gestionnaires. Même si le retard en termes de consommation des crédits de paiement était résorbé, pour l’essentiel, avant l’été, la lenteur du démarrage de l’exercice 1998 a pesé sur le niveau des engagements dont le paiement est habituellement fait dans des délais brefs (inférieurs à la durée de l’exercice), et qui permettent d’afficher un taux de consommation des crédits plus favorable.

B. une gestion satisfaisante du budget de fonctionnement mais une exécution difficile des dépenses d’équipement

    •  La gestion des crédits du titre III est relativement satisfaisante, notamment au regard de l’objectif d’apurement des reports de charges que s’était fixé le ministère de la Défense.

Grâce aux différentes mesures de redéploiement et d’ouverture de crédits, tant par le décret d’avances du 21 août 1998 que par le présent projet de loi, le report de charges sur le titre III devrait s’établir aux alentours de 600 millions de francs à la fin de l’exercice 1998. Il faut remonter au début des années 1990 pour observer une situation aussi favorable.

    •  En revanche, les conditions d’exécution des dépenses d’équipement ont conduit à une gestion difficile des titres V et VI. Aux facteurs d’incertitude déjà évoqués, qui ont pesé sur l’exécution des dépenses d’équipement, il faut en effet ajouter l’importante dérive des reports de crédits d’équipement, héritage du plan de refroidissement des engagements décidé en 1996. Le cumul de ces deux phénomènes a considérablement handicapé la réalisation des objectifs, ambitieux, fixés en matière d’affectation et d’engagement des crédits par le Ministre de la Défense.

 

ÉVOLUTION DES REPORTS DE CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT MILITAIRE DEPUIS 1996

(crédits de paiement en milliards de francs)

 

Au 31.12.1996

Au 31.12.1997

Au 31.12.1998
(estimations)

Crédits budgétaires

5,273

6,771

2,921

Encaisses de trésorerie

0,289

0,934

0,902

Total

5,562

7,705

3,823

 

ÉVOLUTION DU SOLDE DES REPORTS DE CRÉDITS
EN CAPITAL DEPUIS 1996

(crédits de paiement en millions de francs)

 

1996

1997

1998
(prévisions)

Budget de la Défense (1)

     

- Reports de la gestion précédente

11 089,712

5 273,493

6 770,803

- Reports à la gestion suivante

5 273,493

6 770,803

2 920,903

Evolution des reports

- 5 816,219

1 497,310

- 3 849,900

 

(1) Hors compte de commerce

Ce contexte a conduit à une exécution moins dynamique que prévu du budget d’équipement des armées. Deux facteurs ont toutefois atténué les effets de cette situation.

En premier lieu, l’absence d’un encadrement contraignant de la dépense au cours de la gestion 1998 a permis une exécution normale, toutes circonstances égales par ailleurs. Hormis les annulations de crédits, dont l’impact a pu être limité, pour la deuxième série d’entre elles du moins, les services gestionnaires ont bénéficié d’une disponibilité totale des crédits ouverts en loi de finances initiale. Le tableau suivant retrace le bilan des moyens effectivement mis à la disposition des services gestionnaires du ministère de la Défense après l’intervention des différents mouvements de crédits.

 

 

EXÉCUTION DU BUDGET DE LA DÉFENSE POUR 1998
(hors pensions)

(crédits de paiement en millions de francs)

 

Loi de
finances
initiale

Reports
de crédits
1997/1998

Annulations

Ouvertures en décret
d’avance

Ouvertures
de crédits
attendues

Transferts
effectués

Moyens
disponibles
(1)+(2)
-(3)+(4)
+ (5)+(6)

Titre III

(1)

(2)

(3)

(4)

(5)

(6)

 
DGA

6 702,993

65,000

-

-

-

-

6 767,993

Autres S. communs

17 656,275

684,275

6,990

-

215,000

- 5,438

18 543,551

Air...........................

15 712,840

26,149

-

400,000

70,000

100,000

16 308,989

Terre.......................

30 590,937

71,000

0,011

2 609,000

185,000

-

33 455,926

Marine.....................

13 085,749

7,850

-

198,000

-

0,500

13 292,099

Gendarmerie............

19 972,446

44,216

-

593,000

230,000

-

20 839,662

Totaux titre III

103 721,669

898,490

7,001

3 800,000

700,000

95,062

109 208,220

Titres V et VI

             

DGA

18 940,890

1 801,707

1 887,810

-

-

- 7 014,851

11 839,936

Autres S. communs

3 888,800

1 487,467

704,177

-

-

- 36,095

4 635,995

Air...........................

19 161,100

1 292,868

1 677,209

-

-

- 2,418

18 774,341

Terre.......................

17 355,200

1 317,039

1 308,647

-

-

20,664

17 384,256

Marine.....................

19 555,010

845,017

1 726,960

-

-

- 481,878

18 191,189

Gendarmerie............

2 101,900

26,705

45,097

-

-

0,000

2 083,508

Totaux titres V et VI

81 002,900

6 770,803

7 349,900

-

-

- 7 514,578

72 909,225

Total général

184 724,569

7 669,293

7 356,901

3 800,000

700,000

- 7 419,516

182 117,445

En deuxième lieu, par rapport aux exercices précédents, le calendrier d’ouverture des reports de crédits a connu une accélération notable, qui en a facilité la consommation effective. Les exercices marqués par une très forte régulation budgétaire s’accompagnaient généralement, en effet, d’une autorisation tardive du ministère de l’Economie et des Finances de consommer les reports, situation que la Cour des comptes n’avait pas manqué de déplorer car elle induisait l’apparition d’un phénomène malsain de reports de reports. L’exercice 1997 avait déjà représenté une amélioration par rapport à la situation antérieure, l’autorisation de consommer les reports de la gestion 1996 étant intervenue au mois de septembre. Cette année, l’ouverture des reports de crédits a eu lieu dès le mois de juillet, ce qui a créé les conditions de leur consommation effective, bien que partielle, sur laquelle a d’ailleurs été gagée l’annulation du mois d’août.

Au total cependant, l’ampleur des perturbations induites par la réforme comptable du ministère devrait conduire à un taux de consommation des crédits d’équipement moins élevé que prévu, quelque 4 milliards de francs restant à ordonnancer et 20 milliards de francs à payer au début du mois de novembre. Lors de son audition devant la Commission de la Défense, M. Alain Richard, a estimé que, sur les 81 milliards de francs de crédits de paiement initialement votés au titre des dépenses en capital, environ 77 milliards de francs auront été disponibles alors que 70 milliards de francs seulement pourront être consommés.

 

 

II. — LES OUVERTURES DE CRÉDITS RÉPONDENT À DES BESOINS MULTIPLES

Les ouvertures de crédits supplémentaires pour le budget de la Défense atteignent, en 1998, 4,5 milliards de francs, soit 3,8 milliards de francs ouverts par le décret d’avance du 21 août 1998 pour les dépenses de rémunérations et de charges sociales et 700 millions de francs ouverts par le projet de loi de finances rectificative pour les dépenses de fonctionnement du ministère.

Comme les années précédentes, le principal besoin de financement des armées est lié aux surcoûts induits par les opérations extérieures.

a. Le financement des opérations extérieures POSE LE PROBLÈME DE L’AMÉLIORATION DE LEUR CONTRôLE PARLEMENTAIRE

Si l’on observe, depuis 1996, une décrue régulière des surcoûts liés aux opérations extérieures, les sommes consacrées à ce poste de dépenses restent toujours importantes.

Pour récurrent qu’il soit, ce constat ne laisse pas de susciter des interrogations : dans un contexte durable de contrainte budgétaire et de maintien d’une action internationale ambitieuse, quelles réponses apporter à la question du financement des opérations extérieures ? Deux problèmes doivent être distingués :

— un problème d’ordre quantitatif, relatif à l’évolution du niveau des surcoûts et à ses déterminants ;

— un problème qualitatif qui concerne la prévision des dépenses liées aux opérations extérieures d’une part, et les méthodes de financement de ces dépenses d’autre part.

Ce dernier aspect pose en filigrane la question essentielle du contrôle d’opérations dont le Parlement n’a eu à connaître qu’incidemment jusqu’alors, à l’occasion de la loi de finances rectificative le plus souvent. Soucieuse de réduire cet angle mort du contrôle parlementaire, la Commission de la Défense a d’ailleurs entrepris un travail de fond sur les opérations extérieures, afin d’améliorer l’association du Parlement aux décisions les concernant.

1. Un constat récurrent et des besoins toujours
importants

Le surcoût total des opérations extérieures s’élève, en 1998, à 2,1 milliards de francs en crédits de paiement, soit 1,87 milliard de francs pour le titre III et 234 millions de francs pour le titre V.

 

ANALYSE DES SURCOÛTS PAR ARMÉES OU SERVICE*

(crédits de paiement en millions de francs)

Titres et catégories de coûts

Air

Terre

Marine

Gendarmerie

Services
communs

Total

Titre III

           
Rémunérations et charges sociales 251,90 878,85 48,00

92,44

38,02

1 309,21

Alimentation 20,55 60,86 2,99

5,08

-

89,48

Fonctionnement 71,45 111,96 3,58

19,09

25,63

231,71

Entretien programmé du matériel 25,98 18,73

-

-

1,33

46,04

Carburants 68,83 36,61

-

-

0,09

105,53

Transports 37,92 27,26

-

22,43

0,75

88,36

Sous-total du titre III

476,63 1 134,27 54,57

139,04

65,82

1 870,33

Titre V

           
Equipement 47,55 15,11

-

-

-

62,66

Fabrications 5,25 25,19

-

0,41

9,44

38,29

Munitions 113,39 11,21

-

-

-

124,60

Infrastructure 2,14 6,25

-

-

-

8,39

Sous-total du titre V

168,33 55,76 0,00

0,41

9,44

233,94

Total budget Défense

644,96 1 190,03 54,57

139,45

75,26

2 104,27

 

* Surcoûts annuels : prévision arrêtée au 31 août 1998

Il existe plusieurs grilles d’analyse des opérations extérieures, d’ailleurs complémentaires les unes des autres. La confrontation de ces différentes perspectives met cependant en lumière les ambiguïtés de la notion même. Votre rapporteur abordera d’abord l’analyse des opérations extérieures sous un angle juridico-opérationnel, avant de les examiner sous l’angle géographique.

    •  En termes juridiques et opérationnels, l’action militaire internationale de la France s’exerce dans trois cadres distincts :
    1. l’ONU ;
    2. un cadre international, lié ou non à l’ONU ;
    3. le cadre national.

1) La France est engagée dans neuf opérations menées dans le cadre de l’ONU, c’est-à-dire expressément ordonnées par une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies et relevant du Département des Opérations de Maintien de la Paix de l’organisation. Les surcoûts liés à ce type d’opération s’élèvent en 1998 à 160 millions de francs, à comparer aux 140,34 millions de francs de surcoûts qu’avaient entraînés ces opérations en 1997. Cette hausse s’explique par la création de la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine (MINURCA), à laquelle la résolution 1159 du 15 avril 1998 donne mandat de fournir des conseils et un appui technique aux organismes électoraux nationaux. La MINURCA contribuera aussi, en collaboration avec les forces nationales, à maintenir la sécurité à Bangui.

 

LA FRANCE ET LES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
MENÉES DANS LE CADRE DE L’ONU

 

Nom et lieu
de l’opération

Objet

Effectif total

Surcoûts prévus
pour 1998
(en millions de francs)

MINUBH (GIP)
Bosnie-Herzégovine
Mise en oeuvre du volet militaire des accords de Dayton (force de police) 119 28,48
FINUL Liban Rétablissement de la paix au sud du Liban 257 56,02
MINURSO Sahara occidental Observation du cessez-le-feu 25 7,46
ONUST Israël, Egypte, Syrie, Jordanie Surveillance de la trêve 14 6,64
MONUIK Koweit Surveillance de la zone démilitarisée 11 4,03
MIPONUH Haïti Restauration de la sécurité 24 7
MONUG Géorgie Mission d’observation 5 2,32
MONUA Angola Mission d’observation 13 4,23
MINURCA République Centrafricaine Mission d’observation 240 43,83

Total

708 160,01

Il faut rappeler que les surcoûts entraînés par ces opérations donnent lieu à des remboursements de l’ONU, versés au budget général. Les remboursements au titre des soldes et indemnités et de l’amortissement des matériels connaissent toutefois un rythme très irrégulier puisque leur délai moyen, constaté sur les trois derniers exercices, se situe entre six et douze mois.

2) Au 31 août 1998, la France participait à cinq opérations sous commandement international ne relevant pas directement de l’ONU. Deux de ces opérations trouvent toutefois leur fondement juridique dans des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies : il s’agit de l’opération SALAMANDRE II, menée en ex-Yougoslavie dans le cadre de l’OTAN, et de l’opération ALYSSE, qui représente la participation française à l’opération Southern Watch menée en Arabie Saoudite dans le but d’interdire à l’Irak l’utilisation de ses moyens aériens au sud du 32 ème parallèle.

Votre rapporteur ne développera pas ces différentes opérations, identiques à celles menées en 1997, si ce n’est l’opération menée en Albanie, qui a pris la relève de l’opération Alba. A été, en effet, mis en place, sous l’égide de l’UEO, un Elément Multinational de Conseil en matière de Police (EMCP), créé par le mandat 41 de l’UEO du 16 septembre 1997.

Ces opérations ont représenté, en 1998, un surcoût de 1,27 milliard de francs, en nette baisse par rapport à 1997 où il s’était établi à 1,85 milliard de francs. Cette évolution est essentiellement imputable à la réduction des surcoûts entraînés par l’opération Southern Watch en Arabie Saoudite, dont le coût s’élevait en 1997 à 400 millions de francs. Une diminution aussi forte est étonnante dans la mesure où les effectifs y ont augmenté.

 

LA FRANCE DANS LES INTERVENTIONS SOUS COMMANDEMENT INTERNATIONAL EN 1998

 

 

Effectifs*

Surcoûts*

(dont

(dont

 

Total

Français*

 

titre III)*

titre V)*

SALAMANDRE II (ex-Yougoslavie) 37 467 3 714 1 073 1 002 71
Mission d’observation de la Communauté européenne en ex-Yougoslavie (ECMM) 308 46 15 15

-

EMCP (Albanie) 110 14 6 6 0
Southern Watch (Arabie Saoudite) 5 643 174 175 60 115
Force multinationale et observateurs au Sinaï 1 500 14 5,46 5,07 0,39

Total

45 028 3 962 1274,46 1088,07 186,39

 

* En millions de francs au 31 août 1998

3) Enfin, la France a conduit 16 opérations sous commandement national, dont 14 en Afrique, motivées par le maintien de la paix, la sécurité de ses ressortissants, la protection de ses intérêts, le respect des accords de défense ou le désengagement de ses forces.

Les surcoûts liés à ces opérations sont évalués, pour 1998, à 269,79 millions de francs, en nette augmentation par rapport à 1997 (175,58 millions de francs en 1997).

 

OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
SOUS COMMANDEMENT NATIONAL

 

Opérations

Objet

Effectif
de la force

Coût prévu
pour 1998
(en millions de francs)

ALMANDIN (RCA) Soutien à la Mission interafricaine de surveillance des accords de Bangui (MISAB) 322 75,1
ARAMIS (Cameroun) Soutien de la France au Cameroun dans le cadre de l’accord de défense 65 14,8
BUBALE (RCA) Soutien à la MISAB 97 46,8
CIGOGNE 2A et 2B
(Soutien à la MISAB)
Protection des intérêts français en République Centrafricaine 90 13,6
CONDOR (Hanish) Médiation du différend entre le Yémen et l’Erythrée 93 9,5
CORYMBE (Guinée) Présence au large des côtes africaines et surveillance des champs pétrolifères 93 19,5
HELIANTHE I et II
(Liban)
Surveillance du respect des accords de cessez-le-feu entre le Liban, Israël, la Libye 3 3,4
ISKOUTIR (Djibouti) Aide aux populations civiles 72 14,4
MALACHITE
(Zaïre-Congo)
Protection et évacuation des ressortissants français et étrangers 536 9,84
MELCHIOR I et II
(Bénin)
Soutien au Bénin 16 0,55(1)
THÉTIS (Golfe) Présence française dans le Golfe arabo-persique 224 16
AMB. ALGÉRIE Garde et protection de l’ambassade 151 35,6
AMB. CONGO Garde et protection de l’ambassade 16 3,3
AMB. RCA (MURÈNE) Garde et protection de l’ambassade 33 7,4

Total

1 811 269,79

 

(1) Les opérations MELCHIOR n’ont duré que quelques jours

Si l’on dresse un premier bilan de la situation à partir de cette grille d’analyse, il apparaît que le total des surcoûts entraînés par les trois catégories d’opérations qui viennent d’être présentées est inférieur au montant global des dépenses supplémentaires encourues au titre des opérations extérieures, que le présent projet de loi évalue, comme votre rapporteur l’a indiqué, à 2,1 milliards de francs.

 

BILAN DES SURCOÛTS D’OPÉRATIONS EXTÉRIEURES PAR TYPE D’OPÉRATIONS

 

 

Effectif

Surcoût
(en millions de francs)

Opérations menées sous l’égide de l’ONU

707

160,01

Opérations menées sous commandement international, hors ONU

3 962

1 274,46

Opérations menées sous commandement national

1 811

269,79

Total

6 480

1 704,26

    •  L’analyse des surcoûts par théâtre et opération permet d’expliquer cette divergence d’estimation et souligne l’ambiguïté de la notion d’opération extérieure.

 

ÉVOLUTION DES SURCOÛTS DE 1997 À 1998 PAR THÉÂTRE

 

 

1997

1998*

Ex-Yougoslavie

1 546

1 102

Tchad-République Centrafricaine

1 043

540

Liban (ONU et Ambassade)

96

66

Divers Afrique (1)

153

102

Opérations dans zone maritime des océans (ZMO) (2)

462

240

Observateurs ONU et opérations autre zone (3)

151

44

Total (4)

3 451

2 124

* Prévisions de surcoût annuel arrêté avec les informations disponibles au 31 août 1998.

(1) Gabon (16 millions de francs), MINURSO au Sahara occidental (7,46 millions de francs), Djibouti (14,7 millions de francs), Cameroun (15 millions de francs), Algérie ambassade (36 millions de francs), PELICAN au Congo (3,32 millions de francs), Yémen (9 millions de francs).

(2) ZMO : CORYMBE dans le Golfe de Guinée (19,5 millions de francs), MONUIK au Koweit (4 millions de francs), ALYSSE en Arabie Saoudite (175 millions de francs), renforts de la Gendarmerie en Polynésie, Mayotte, Réunion, Martinique (41 millions de francs).

(3) — Répartition en 1997 : Observateurs de l’application des accords de paix conclus en Géorgie (5 millions de francs), opération ALBA en Albanie (105 millions de francs), MINUAH en Haïti (13 millions de francs), Guyane (28,40 millions de francs).

— Répartition en 1998 : Observateurs en Géorgie (2,35 millions de francs), opération ALBA en Albanie (5,95 millions de francs), MINUAH en Haïti (7 millions de francs), Guyane (28,40 millions de francs).

(4) — 1997 : dont 2 752 au titre III et 699 au titre V.

— 1998 : dont 1 870 au titre III et 234 au titre V.

Le tableau ci-dessus fait apparaître qu’au-delà des opérations extérieures par nature, existent des opérations dénommées " extérieures " du fait de leur mode de financement en cours d’année, par des ouvertures de crédits supplémentaires. Deux types d’opérations sont ainsi, de manière quelque peu abusive, qualifiées " d’extérieures " :

— il s’agit d’abord de l’opération Epervier, menée au Tchad depuis février 1986. Au 31 août 1998, le surcoût lié à cette opération, qui aura mobilisé environ 971 hommes cette année, était estimé à 356,2 millions de francs en année pleine. On ne peut que s’étonner de l’anomalie que représente son intégration dans les opérations extérieures, d’autant que l’ensemble des forces prépositionnées en Afrique sont désormais financées en loi de finances initiale. L’évolution du statut de cette mission fait toutefois l’objet d’études approfondies au sein du ministère de la Défense, qui souhaiterait mettre fin à une situation peu confortable et, en tout état de cause, peu conforme aux règles régissant les finances publiques puisqu’il est difficile d’arguer du caractère imprévisible des dépenses concernées ;

— la seconde anomalie est liée aux opérations de maintien de l’ordre menées par la Gendarmerie mobile dans les départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM). L’intégration de ce type d’opérations dans la rubrique globale " d’opérations extérieures " est pour le moins choquante puisqu’elle conduit à une dichotomie entre le territoire métropolitain et les autres parties du territoire national en matière de maintien de l’ordre. On peut certes admettre que l’envoi d’escadrons de Gendarmerie mobile dans les DOM-TOM entraîne des coûts spécifiques de transport ou indemnitaires. La Cour des comptes, dans le rapport précité, estimait à 1,24 milliard de francs les dépenses du ministère de la Défense consacrées à l’indexation des indemnités outre-mer et à la majoration pour service dans les DOM ou découlant de l’installation et de l’éloignement des militaires en mission outre-mer. On ne peut pour autant se satisfaire de voir mises sur le même plan des opérations aussi diverses dans leur objectif (maintien de l’ordre public, soutien à un Etat étranger...) et dans leurs modalités.

Ces deux types d’opérations " extérieures ", que l’on pourrait qualifier de " budgétaires " incitent à s’interroger sur les modalités de financement de l’ensemble des opérations extérieures.

 

 

2. Il devient urgent d’améliorer le contrôle budgétaire
des opérations extérieures

a) Un financement problématique

Si le total des surcoûts liés aux opérations extérieures baisse fortement de 1997 à 1998, comme le montre le tableau suivant, le problème des modalités de leur financement n’en reste pas moins aigu.

 

COMPARAISON DES SURCOÛTS LIÉS AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN 1997 ET 1998

(crédits de paiement en millions de francs)

Titres et catégories de coût

1997

1998*

Titre III

   
Rémunérations et charges sociales

1 960

1 309

Alimentation

131

89

Fonctionnement

317

232

Entretien programmé du matériel

72

46

Carburants

133

106

Transports

139

88

Sous-total du titre III

2 752

1 870

Titre V

   
Equipement

95

63

Fabrications

366

38

Munitions

105

125

Infrastructure

133

8

Sous-total du titre V

699

234

Total budget Défense

3 451

2 104

 

* (Surcoûts annuels : prévision arrêtée au 31 août 1998)

    •  La réforme du dispositif des opérations extérieures, notamment le retrait des forces prépositionnées en République Centrafricaine, représente le premier facteur de réduction des surcoûts. La réforme du mode de rémunération des personnels contribue également à cette évolution. Elle a mis fin à un système injuste, puisque fondé sur le régime de rémunération des agents de l’Etat en service à l’étranger. Ce régime s’appliquait en effet non seulement aux militaires affectés à des postes permanents à l’étranger, mais aussi à ceux en service dans les forces prépositionnées - qu’ils soient affectés ou en renfort temporaire - et à ceux envoyés en opérations extérieures.

L’inadaptation de ce régime de rémunération était manifeste, celui-ci ayant été conçu pour des agents affectés pour plusieurs années à l’étranger, avec leur famille. Or, tout autre est la situation de militaires envoyés en opération ou en renfort temporaire pour des durées courtes (4 à 6 mois), sans leur famille. Ce constat a conduit à l’élaboration d’un régime spécifique qui a fait l’objet des décrets n° 97-901 et 97-902 du 1er octobre 1997.

Dorénavant, le régime de rémunération des agents à l’étranger concerne exclusivement les militaires affectés à l’étranger (postes permanents à l’étranger et forces prépositionnées). Quant aux militaires envoyés en opération ou en renfort temporaire à l’étranger, ils perçoivent désormais, pendant leur séjour à l’étranger, l’intégralité de leur rémunération servie en métropole (solde et accessoires de solde) à laquelle s’ajoute une " indemnité de sujétion pour service à l’étranger " (ISSE), représentant, quel que soit le pays 1,5 fois la solde de base pour les militaires d’active. Un supplément à l’ISSE est également alloué pour chaque enfant à charge.

La différence de rémunération résultant pour les militaires de ces nouvelles règles, par rapport au régime des agents de l’Etat en service à l’étranger, dont la rémunération est fonction du pays, est variable selon le pays concerné. Ainsi, la rémunération d’un capitaine, marié avec deux enfants, est réduite dans le nouveau système de 27 % au Liban, de 16 % en République Centrafricaine et de 14 % en Yougoslavie. Cette réforme produit également des effets différents selon le grade et la situation de famille :

— la rémunération d’un caporal célibataire en Bosnie-Herzégovine ou au Gabon subit une baisse de 21 %, dans le premier cas, de 23 % dans le second ;

— un sergent-chef marié, avec deux enfants, affecté dans ces mêmes pays, voit sa rémunération réduite de 27 % ou de 30 % ;

— pour un commandant marié avec trois enfants, la baisse est de 42 % dans les deux cas.

Au total, l’économie résultant de ce nouveau régime pour le budget de l’Etat est fonction de l’effectif, par définition évolutif, des militaires stationnés dans les pays concernés et de leur situation de famille. Sur la base du dispositif 1997, elle aurait représenté environ 500 millions de francs. En 1998, compte tenu de la réduction des effectifs, l’économie sera inférieure à ce montant, probablement de l’ordre de 350 millions de francs.

    •  Le financement des opérations extérieures n’est que partiellement assuré, puisque, si 100 % des surcoûts liés aux charges de rémunérations devraient être financés en 1998, seuls 62 % des dépenses de fonctionnement seront couvertes, comme l’indique le tableau ci-dessous.

 

LE FINANCEMENT DES SURCOÛTS LIÉS AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN 1998

(en millions de francs)

Catégories de coûts

Estimation du
surcoût total 1998
des opérations extérieures*

Provision ISSE
inscrite en LFI

Ouvertures en décret
d’avance

Décret de
virement en préparation

Demande
d’ouverture
en PLFR

Total

Rémunérations

           

Armée de l’air

252

55

197

     

Armée de terre

879

179

700

     

Marine

48

5

43

     

Gendarmerie

92

15

77

     

Services communs

38

6

0

15

 

21(1)

Sous-total

1 309

260

1 017

15

 

1 292

Alimentation

           

Armée de l’air

20

     

20

 

Armée de terre

61

     

50

 

Marine

3

         

Gendarmerie

5

     

5

 

Services communs

0

         

Sous-total

89

     

75

75

Entretien programmé
des matériels

46

         

Fonctionnement

           

Armée de l’air

178

     

50

50

Armée de terre

176

   

50

135

185

Marine

4

         

Gendarmerie

42

   

35

5

40

Services communs

26

         

Sous-total

426

   

85

190

275

Dépenses diverses

           

Total

1 870

260

1 017

100

265

1 642(2)

 

* Surcoût annuel : prévision arrêtée au 31 août 1998

LFI : loi de finances initiale, PLFR : projet de loi de finances rectificative, ISSE : indemnité de sujétion pour service à l’étranger

(1) Hors provisions ISSE, des crédits disponibles en LFI (emplois vacants...) ont permis de couvrir une part des surcoûts supportés par les Services communs.

(2) Les crédits ouverts en gestion 1998 auront permis d’atteindre un taux de couverture des surcoûts, au titre III, de 89 % (100 % en rémunérations; 62 % en fonctionnement)

Ce tableau fait également apparaître les trois sources de financement des surcoûts induits par les opérations extérieures :

— les crédits budgétaires provisionnés en loi de finances initiale, représentatifs d’une partie de l’indemnité de sujétion pour service à l’étranger (ISSE). L’inscription de cette provision est récente : c’est dans la loi de finances initiale pour 1998 qu’ont été, pour la première fois, inscrits à ce titre 260 millions de francs. Dans le projet de budget pour 1999, la provision inscrite est réduite à 160 millions de francs, compte tenu du désengagement des forces françaises en République Centrafricaine ;

— les ouvertures de crédits complémentaires en cours d’exécution, par décret d’avance ou en loi de finances rectificative. Le décret d’avance du 21 août 1998 a ainsi ouvert plus de 1 milliard de francs au profit des dépenses de rémunération. Une ouverture de 265 millions de francs demandée dans le présent projet de loi est en outre destinée à abonder les chapitres d’alimentation et de fonctionnement pour faire face aux surcoûts induits par les opérations extérieures ;

— les redéploiements internes au budget. 100 millions de francs ouverts par décret de virement devraient ainsi financer le reliquat des dépenses supplémentaires de rémunération ainsi qu’une partie des surcoûts de fonctionnement.

b) La pérennité et l’importance du dispositif d’intervention militaire à l’étranger plaident en faveur d’un contrôle parlementaire systématique sur les opérations extérieures

Les interrogations relatives à la définition et au financement des opérations extérieures conduisent à s’interroger sur les voies de réforme d’un système manifestement inadapté. Soucieuse de voir évoluer ce problème, la Commission de la Défense a mis en place, en 1998, un groupe de travail chargé d’élaborer des propositions sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, qui devraient être présentées au cours du premier trimestre 1999.

D’ores et déjà, toutefois, les constats établis par le présent rapport pour avis permettent de dégager deux principes nécessaires à un meilleur contrôle budgétaire des opérations extérieures par le Parlement.

    •  Il convient, en préalable à toute réforme, de clarifier la définition du concept d’opération extérieure lui-même. Tel est d’ailleurs le sens de la réflexion menée sur l’opération Epervier, conduite par la France au Tchad depuis 1986. Il faut aller plus loin : les opérations de maintien de l’ordre dans les DOM-TOM doivent cesser d’être enregistrées, en termes budgétaires du moins, comme des opérations extérieures. Sont, en effet, actuellement considérés comme des opérations extérieures les engagements qui nécessitent la projection d’hommes, en dehors du territoire métropolitain, sur un théâtre de crise, et qui ont pour objectif de contribuer à sa gestion -engagements dont le financement n’est pas, ou marginalement, prévu en loi de finances initiale-. C’est en vertu de ce double critère, conceptuel et budgétaire, que les opérations de maintien de l’ordre dans les DOM-TOM sont entrées dans le champ des opérations extérieures. Leur maintien dans cette catégorie paraît aujourd’hui même discutable. Le tableau ci-après présente les surcoûts des trois catégories d’opérations considérées comme extérieures.

 

LE CHAMP DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1998

 

Type d’opération

Surcoûts
(en millions de francs)

Engagements hors du territoire national qui peuvent être considérés comme de véritables opérations extérieures

1 704

Engagement au Tchad (opération Epervier)

356

Opérations dans les DOM-TOM

54

Total

2 114

On retrouve, à 10 millions de francs près, les surcoûts annoncés par le ministère de la Défense pour 1998. Votre rapporteur souhaite que ne soit désormais considérée comme opérations extérieures que la première catégorie, à savoir la projection d’hommes à l’étranger, pour une durée limitée, à partir du territoire métropolitain ou d’un dispositif prépositionné, pour contribuer à la gestion d’une crise.

    •  La question de la définition des opérations extérieures n’est pas dissociable de celle de leur financement. Sur ce point, deux problèmes doivent être distingués :

— tout d’abord, il est nécessaire de prévoir, en loi de finances initiale, les " fausses " opérations extérieures qui correspondent, en réalité, à des dépenses prévisibles, du moins partiellement, les éventuels surcoûts observés étant financés par des ouvertures de crédits nettes en cours d’année. Votre rapporteur vise notamment les opérations de maintien de l’ordre dans les DOM-TOM dont les surcoûts, dus à des réquisitions émanant du ministère de l’Intérieur, ne doivent pas être financés par le budget de la Défense, à moins d’ouvertures de crédits nettes. Ne faut-il pas aller jusqu’à prévoir le financement des opérations extérieures poursuivies d’année en année ? Le cas de la FINUL, mise en place au Liban depuis 1970, incite à se poser la question ;

— en deuxième lieu, un problème plus général concerne le respect des décisions prises par le Conseil de défense de mars 1997. Le principe avait été alors fixé d’un financement, par ouvertures de crédits nettes, des opérations extérieures exceptionnelles. En 1998, on peut considérer que seule l’opération menée en ex-Yougoslavie sous commandement OTAN aura été financée de la sorte, sous réserve que l’annulation du mois d’août ait été effectivement compensée par la consommation des reports de crédits. Dans cette hypothèse, en effet, le solde entre annulations et ouvertures de crédits est positif à hauteur de 1 milliard de francs.

Mieux définir, mieux prévoir : telles sont les exigences minimales qui doivent guider la réforme du financement des opérations extérieures. Il n’est pas concevable, en effet, que, dans un système de défense dont la projection représente un pilier majeur, les armées ne disposent pas des moyens adéquats pour remplir les missions qui leur sont confiées.

B. DES BESOINS liés À la PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES

L’exercice 1998 aura été marqué par la très nette amélioration de la situation des reports de charges sur le titre III. Tel était notamment l’objet de la moitié des ouvertures de crédits (1,9 milliard de francs) réalisées dans le décret d’avance du 21 août 1998. Votre rapporteur souhaiterait centrer son analyse sur deux autres postes de dépenses :

— les volontaires services longs (VSL), en faveur desquels 738 millions de francs ont été ouverts sur le chapitre 31-41 " Personnels appelés " par le décret d’avance du 21 août 1998 ;

— les dépenses de fonctionnement pour lesquelles l’ouverture de 700 millions de francs est demandée dans le présent projet de loi.

1. Le flux mal maîtrisé des volontaires service long entraîne des surcoûts importants

La période de transition entre l’armée de conscription et l’armée professionnelle est délicate. Les armées, et notamment l’Armée de terre, doivent en effet assurer une gestion très fine de la ressource en personnel, qui leur permette de disposer en permanence des moyens dont elles ont besoin pour remplir leurs missions.

Soucieuses de ne pas être confrontées à un sous-effectif trop important, l’Armée de terre et la Marine ont activé le recrutement des volontaires services longs (VSL) depuis 1997, afin de disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour prévenir tout fléchissement majeur de l’incorporation des appelés. Par conséquent, les droits autorisés de VSL, qui représentent 10 % de l’effectif du contingent, ont été largement dépassés. Ainsi, les effectifs de VSL de l’Armée de terre seront de 16 200 en moyenne sur l’année 1998, pour un effectif autorisé de 8 979. Le sureffectif moyen s’établit donc à 7 221.

Comment expliquer ce recours massif aux VSL ? L’examen des différentes données du problème montre qu’ils représentent la seule variable d’ajustement de la ressource, dans un contexte de décrue mécanique du nombre d’appelés et d’interdiction d’embauche de civils.

En termes budgétaires, ce dépassement des droits d’embauche de VSL s’est traduit par l’ouverture de 738 millions de francs sur le chapitre 31-41 " Personnels appelés ", soit 37 % des dotations initiales.

Les besoins de crédits supplémentaires ont été majorés par le fait que les contrats d’engagement des VSL ont été passés dès le début de la période de service des appelés. Or, il faut rappeler que les appelés volontaires pour un service long (deux ans) bénéficient d’une majoration de solde sur la base d’un coefficient multiplicateur de 1,5 du premier au sixième mois, de 2 du septième au douzième mois, de 3,65 jusqu’au dix-huitième mois et de 4,5 pour les cinq derniers mois.

Cette situation est appelée à perdurer, voire à s’accentuer en 1999, compte tenu de la réduction des effectifs d’appelés. Il faut donc s’attendre à de nouvelles insuffisances de crédits au cours de l’exercice suivant.

S’il n’est pas contestable que les armées, et notamment l’armée de Terre caractérisée par un faible taux de professionnalisation, sont confrontées à une réorganisation profonde, donc complexe, de leurs modes de fonctionnement, l’autorisation budgétaire du Parlement ne saurait cependant être remise en cause dans de telles proportions, d’autant que la situation des VSL résulte de décisions prises en 1997, alors que l’incorporation était conforme aux prévisions et aux besoins.

 

 

2. L’abondement des crédits de fonctionnement traduit la prise en compte anticipée des besoins des armées en 1999

a) Approche globale

Le ministère de la Défense demande l’ouverture, en loi de finances rectificative, de 700 millions de francs répartis sur différents chapitres de fonctionnement : 70 millions de francs pour l’Armée de l’air, 185 millions de francs pour l’Armée de terre, 230 millions de francs pour la Gendarmerie et 215 millions de francs au titre de la participation française à l’OTAN.

 

OUVERTURES DE CRÉDITS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE (TITRE III)

(en millions de francs)

 

Chapitres

Ouvertures de crédits proposées

34-03 Armée de l’air-Fonctionnement

50

34-04 Armée de terre-Fonctionnement

135

34-06 Gendarmerie-Fonctionnement

225

34-10 Alimentation

75

36-01 Participation aux dépenses de divers organismes

215

Total

700

Cette ouverture vient compléter d’autres mouvements intervenus sur les chapitres concernés au cours de la gestion 1998, retracés par le tableau suivant.

 

 

MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LES CHAPITRES DU TITRE III (FONCTIONNEMENT) CONCERNÉS PAR DES MESURES D’ANNULATIONS OU D’OUVERTURES DE CRÉDITS

(en millions de francs)

 

Dotation
initiale

Annulations
en 1998

Ouvertures
de crédits
demandées

Reports
de crédits inscrits
1997/1998

Total

34-01 Services communs* -
Fonctionnement et entretien
immobilier
1 124,300 - 6,990

-

45,000 1 162,310
34-03 Armée de l’air-Fonctionnement 2 427,863

-

50,000 20,000 2 497,863
34-04 Armée de terre-Fonctionnement 5 135,975

-

135,000 45,000 5 315,975
34-06 Gendarmerie-Fonctionnement 3 309,297

-

225,000 43,315 3 577,612
34-10 Alimentation 2 751,997

-

75,000 15,000 2 841,997
36-01 Participation aux dépenses de
divers organismes
998,564

-

215,000 2,275 1 215,839

Total

15 747,996 - 6,990 700,000 170,590 16 611,596

 

* SGA, DGSE, DPSP, postes permanents à l’étranger, DIRCEN, SIRPA, contrôle général des armées, affaires pénales.

Outre ces mouvements de suppression ou d’ouverture de moyens supplémentaires, le budget de fonctionnement devrait être majoré par des redéploiements d’ici à la fin de l’exercice 1998. 185 millions de francs devraient ainsi être redistribués par un décret de virement qui interviendra dans le courant du mois de décembre. Ce sont au total 847 millions de francs qui auront été redéployés au cours de l’exercice 1998 sur les dépenses ordinaires, dont 240 millions de francs concernent le budget de fonctionnement.

Au total, les dotations de fonctionnement auront été abondées de 940 millions de francs (700 millions de francs en loi de finances rectificative et 240 millions de francs par redéploiements). Imputés au budget de la Défense pour 1998, ces crédits devraient être en grande partie reportés en 1999, dans les conditions fixées par l’article 17 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959. Cet article dispose en effet que les crédits correspondant à des dépenses effectivement engagées, mais non encore ordonnancées, peuvent être reportés sur le budget de l’exercice suivant par arrêté du Ministre des Finances, dans la limite du dixième de la dotation du chapitre intéressé. L’ouverture de ces crédits supplémentaires résulte donc en partie d’une démarche d’anticipation et illustre la pertinence d’une analyse par flux, et non pas statique, des évolutions du budget de la Défense. Cette pratique est toutefois contestable dans la mesure où elle conduit à majorer le budget de l’année suivante dans le collectif, au moment même ou le Parlement vote ce budget.

Ces crédits supplémentaires devraient permettre d’apurer les importants reports de charges sur le budget de fonctionnement des armées, assainissant par là même les conditions de gestion du budget de 1999. Ces reports de charges concernent essentiellement quatre postes de dépenses :

— les surcoûts liés aux opérations extérieures ;

— les dettes liées aux contributions de la France à l’OTAN ;

— le déficit résiduel sur les loyers de la Gendarmerie et sur ses dépenses de transport liées aux opérations de maintien de l’ordre.

Les services du ministère de la Défense estiment à 600 millions de francs les reports de charges à la fin de l’exercice 1998 sur le titre III. Une situation aussi favorable ne s’était pas produite depuis le début des années 1990.

b) Approche par armée

Hormis la majoration des contributions de la France à l’OTAN, les crédits supplémentaires demandés par le ministère de la Défense dans le projet de loi de finances rectificative se répartissent entre le fonctionnement et l’alimentation. Toutes les armées, à l’exception notable de la Marine, sont concernées. Cette répartition est liée à la prise en compte des reports de charges : contrairement aux autres armées, et notamment à la Gendarmerie et à l’Armée de terre, la Marine n’avait qu’un faible reliquat de reports de charges (20 millions de francs). Les crédits supplémentaires étant principalement destinés à apurer les reports de charges, la Marine a donc été exclue des ouvertures demandées.

    •  La Gendarmerie est la principale bénéficiaire de l’abondement des crédits de fonctionnement. Elle se voit attribuer dans le présent projet de loi 230 millions de francs, soit 200 millions de francs pour le paiement des loyers, 25 millions de francs pour le fonctionnement et 5 millions de francs pour l’alimentation. Elle devrait obtenir 125 millions de francs supplémentaires dans le décret de virement à venir, soit 35 millions de francs pour le fonctionnement et 90 millions de francs pour l’alimentation. A l’issue de ces mesures d’ajustement, les charges restant à payer par la Gendarmerie devraient s’établir aux alentours de 200 millions de francs, le déficit de 585 millions de francs initialement prévu correspondant à une estimation haute que la Direction générale de la Gendarmerie nationale a, depuis, revue à la baisse.
    •  185 millions de francs sont ouverts au profit de l’Armée de terre, soit 135 millions de francs en fonctionnement et 50 millions de francs en alimentation. 50 millions de francs supplémentaires devraient venir abonder le budget de fonctionnement de l’Armée de terre dans le décret de virement à venir.

Les charges de fonctionnement de l’Armée de terre financées par le présent projet de loi sont largement dues aux opérations extérieures : ainsi que l’a expliqué le Général Philippe Mercier, Chef d’état-major de l’Armée de terre lors de son audition devant la commission de la Défense sur le projet de loi de finances pour 1999, l’Armée de terre supporte en cours de gestion les surcoûts liés aux opérations extérieures et en reçoit généralement le remboursement par l’ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative et en décret d’avance. Le Général Philippe Mercier avait estimé que, si les dépenses d’équipement liées aux opérations extérieures pouvaient être financées par des redéploiements internes au budget de la Défense, il n’en était pas de même pour les dépenses de fonctionnement. Il avait alors estimé le déficit à 230 millions de francs. Le projet de loi de finances rectificative et le décret de virement permettent donc un assainissement de cette situation.

    •  Enfin, 70 millions de francs sont ouverts au profit du budget de l’Armée de l’air, soit 50 millions de francs en fonctionnement et 20 millions de francs en alimentation.

 

 

III — QUEL SENS FAUT-IL DONNER À LA RÉDUCTION DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT ?

Le budget d’investissement du ministère de la Défense est, une fois encore, fortement mis à contribution en matière d’annulations de crédits. 7,36 milliards de francs de crédits de paiement sont en effet annulés au total sur l’exercice 1998 -dont 7 millions de francs sur le titre III-, ce qui représente une hausse de 41 % des annulations totales par rapport à 1997.

Il convient pour autant d’être prudent sur les comparaisons entre les deux exercices, les logiques ayant présidé aux annulations étant partiellement différentes. Doit-on estimer, en effet, alors qu’en 1998 la marge de manoeuvre budgétaire était plus importante, que le budget d’équipement de la Défense a, une nouvelle fois, servi de variable d’ajustement du déficit ? Si telle était la seule logique qui avait prévalu, la pertinence de l’annulation de 3,2 milliards de francs au mois de novembre serait très faible. Il est donc nécessaire de recourir à une autre grille de lecture pour expliquer ces annulations.

Enfin, bien que le Premier ministre ait arbitré en faveur d’une déconnexion entre les annulations de crédits sur le budget de la Défense et les recapitalisations en faveur de la société d’armement terrestre Giat Industries, celles-ci entrent bien dans la sphère de la dépense de défense. Le poids des annulations doit donc être nuancé au regard des quelque 2,5 milliards de francs versés à la société nationale d’armement terrestre.

a. Pour UNE APPROCHE DYNAMIQUE DU BUDGET D’ÉQUIPEMENT DE LA Défense : annulations, REPORTS DE CHARGES ET reports de crédits

Nul ne songe à minimiser l’ampleur des annulations subies par le ministère de la Défense au cours du présent exercice. Il n’est pas question pour autant de les considérer comme ce qu’elles ne sont pas, à savoir la résultante exclusive d’une régulation subie par le ministère de la Défense. Une partie d’entre elles s’insère au contraire dans un schéma dynamique qui fait intervenir d’autres données, telles que les reports de charges et de crédits.

1. Les annulations de crédits atteignent un niveau élevé en 1998 mais devraient permettre de limiter les reports de charges sur le titre III

Les annulations de crédits sur le budget d’équipement de la Défense atteignent un niveau élevé en 1998. Au total, à la date d’intervention du présent projet de loi, ce sont 7,36 milliards de francs de crédits de paiement qui auront été annulés sur le budget de la Défense en 1998 :

— 0,3 milliard de francs ont d’abord été annulés par arrêté du 16 janvier 1998 au titre du financement du fonds en faveur de la lutte contre l’exclusion ;

— 3,86 milliards de francs de crédits de paiement ont été annulés par l’arrêté du 21 août 1998, gageant les ouvertures de crédits réalisées dans le décret d’avance du même jour ;

— 3,2 milliards de francs de crédits de paiement ont été annulés par l’arrêté du 18 novembre 1998.

Seules les annulations des 21 août et 18 novembre 1998, d’un montant significatif, retiendront l’attention de votre rapporteur.

    •  Le ministère de la Défense a vu, par l’arrêté du 21 août 1998, ses crédits d’équipement réduits de 3,86 milliards de francs, soit 88,5 % du total des crédits budgétaires annulés à cette date. Cette annulation a principalement concerné la Délégation générale pour l’armement, à hauteur de 1,17 milliard de francs, les trois armées et la Gendarmerie étant sollicitées respectivement à hauteur de 831 millions de francs (Air), 798 millions de francs (Terre), 775 millions de francs (Marine) et 20 millions de francs (Gendarmerie). Quant aux autres services du ministère de la Défense, ils ont participé à hauteur de 253,3 millions de francs. La DGA, et l’état-major des armées pour les crédits qu’il gouverne en commun avec la DGA, ont donc supporté une part importante (30,8 % des crédits de paiement) de cette première vague conséquente d’annulations. Comment expliquer de telles disparités ? Il semble que, pour les crédits de paiement, le calcul des annulations ait été fait au prorata des prévisions de reports de crédits à la fin de l’exercice 1998. La DGA s’est trouvée particulièrement pénalisée, étant, en tant que gestionnaire de 80 % du budget d’équipement des armées, le principal service perturbé par la réforme comptable du ministère. En outre, sont pris en compte, dans la clé de répartition des annulations, des crédits sur lesquels elle ne dispose pas de marge de manœuvre ou pour lesquels elle ne joue qu’un rôle de caissier, tels que les parts étrangères des programmes en coopération, les crédits pour l’aviation civile ou encore les crédits destinés au Commissariat à l’énergie atomique.
    •  Le souci de limiter les reports de crédits d’équipement a également guidé la répartition des 3,2 milliards de francs annulés au mois de novembre. La très forte part de la Marine (27,3 %), de l’Armée de l’air (24 %) et de la DGA (19,5 %) reflète en creux les retards dans les engagements et les paiements de services gérant de multiples contrats.
    •  Quel jugement porter au total sur ces annulations ? Quatre points doivent être soulignés :

— si, pour une partie, les annulations ont contribué à l’effort de réduction du déficit, dont on constate d’ailleurs les effets positifs dans le présent projet de loi, il convient de souligner également que, pour un montant significatif, elles portent réellement, comme l’exige l’article 13 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, sur des " crédits devenus sans objet ". Tel est le cas notamment des annulations intervenues sur les crédits " Espace ", qui reflètent l’abandon du programme Syracuse II dans sa forme actuelle, à la suite du retrait de la Grande-Bretagne. Tel est également le cas des crédits ne pouvant matériellement être consommés à cause des perturbations induites par la réforme comptable du ministère.

 

ANNULATIONS BUDGÉTAIRES SUR LES TITRES III, V ET VI EN 1998
RÉPARTITION PAR SERVICES ET ARMÉS

(en millions de francs)

 

Annulations du 16.01.1998

Annulations du 21.08.1998

Annulations du 30.10.98

Annulations du 18.11.1998

Total

En % des crédits votés

 

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

Titre III

                       
Services communs

-

-

-

6,990

-

-

-

-

-

6,990

-

0,03 %

Terre

-

-

-

-

0,001

0,011

-

-

-

0,011

-

-

Total Titre III

-

-

-

6,990

0,001

0,011

-

-

-

7,001

-

0,01 %

Titres V et VI

                       

Air

228,900

75,500

540,479

830,684

-

-

414,681

771,025

1 184,060

1 677,209

7,22 %

8,75 %

Terre

316,200

58,500

3 001,111

797,754

-

-

598,334

452,393

3 915,645

1 308,647

19,08 %

7,54 %

Marine

396,100

78,000

553,004

774,826

-

-

760,848

874,134

1 709,952

1 726,960

9,44 %

8,83 %

Gendarmerie

24,700

-

97,535

20,000

-

-

29,860

25,097

152,095

45,097

6,94 %

2,15 %

DGA

229,800

88,000

3 209,991

1 173,295

-

-

1 063,791

626,515

4 503,582

1 887,810

22,86 %

9,95 %

Autres services

91,300

-

647,780

253,341

-

-

332,486

450,836

1 071,566

704,177

26,30 %

18,15 %

Total titres V et VI

1 287,000

300,000

8 049,900

3 849,900

-

-

3 200,000

3 200,000

12 536,900

7 349,900

15,48 %

9,07 %

Total général

1 287,000

300,000

8 049,900

3 856,890

0,001

0,011

3 200,000

3 200,000

12 536,900

7 356,901

15,44 %

5,41 %

 

 

 

 

ANNULATIONS BUDGÉTAIRES SUR LES TITRES III, V ET VI EN 1998 RÉPARTITION PAR CHAPITRE

(en millions de francs)

   

Annulations du 16.01.1998

Annulations du 21.08.1998

Annulations du 30.10.98

Annulations du 18.11.1998

Total

En % des crédits votés

   

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

A.P.

C.P.

 

Chapitre

                       

Titre III

                         
Services communs

34-01

-

-

-

6,990

-

-

-

-

-

6,990

-

0,62 %

Terre

34-04

-

-

-

-

-

0,010

-

-

-

0,010

-

0,00 %

 

34-20

-

-

-

-

0,001

0,001

-

-

0,001

0,001

0,00 %

0,00 %

Total titre III

 

-

-

-

6,990

0,001

0,011

-

-

0,001

7,001

0,00 %

0,09 %

Titres V et VI

                         
Espace

51-60

42,000

8,600

748,000

510,300

-

-

305,738

147,000

1 095,738

665,900

39,27 %

21,40 %

Nucléaire

51-70

6,400

41,300

1 462,699

305,500

-

-

352,763

83,772

1 821,862

430,572

15,49 %

3,93 %

Autres études

51-80

281,800

35,500

1 369,784

1 369,784

-

-

1 671,825

1 350,442

3 323,409

2 755,726

31,60 %

25,01 %

Investissements

52-70

103,000

12,100

548,632

70,600

-

-

228,689

-

880,321

82,700

68,03 %

6,22 %

Fabrications

53-70

63,000

-

267,279

37,365

-

-

81,961

120,610

412,240

157,975

12,92 %

5,26 %

Fabrications

53-80

695,900

171,500

2 869,111

1 242,580

-

-

319,334

985,159

3 884,345

2 399,239

9,07 %

5,49 %

Infrastructure

54-40

94,900

31,000

669,899

203,675

-

-

199,690

431,617

964,489

666,292

14,40 %

11,04 %

Total titre V

 

1 287,000

300,000

7 935,404

3 739,804

-

-

3 160,000

3 118,600

12 382,404

7 158,404

15,66 %

9,05 %

Titres V et VI

                         

Participation à des dépenses d’équipement civil et subvention d’équipement social intéressant la collectivité militaire

66-50

-

-

93,496

93,496

-

-

40,000

81,400

133,496

174,896

10,89 %

15,13 %

Subventions aux organismes sous tutelle

67-10

-

-

21,000

16,600

-

-

-

-

21,000

16,600

3,02 %

2,29 %

Total titre V

 

-

-

114,496

110,096

-

-

40,000

81,400

154,496

191,496

8,04%

10,18 %

Total titres V et VI

 

1 287,000

300,000

8 049,900

3 849,900

-

-

3 200,000

3 200,000

12 536,900

7 349,900

15,48 %

9,07 %

Total général

 

1 287,000

300,000

8 049,900

3 856,890

0,001

0,011

3 200,000

3 200,000

12 536,901

7 356,901

7,65 %

4,33 %

— l’impact physique de ces réductions de crédits sur les programmes a été limité. Les conséquences des annulations de 8 milliards de francs d’autorisations de programme et de 3,8 milliards de francs de crédits de paiement intervenues le 21 août 1998 ont, en effet, été atténuées par leur imputation au volant d’autorisations de programmes non affectées en 1998 et, s’agissant des crédits de paiement, aux reports de la gestion précédente. Ces annulations induisent toutefois, à terme, un décalage des livraisons des matériels et un retard dans le développement des programmes, par rapport à une situation dans laquelle ces crédits seraient restés disponibles ;

— les annulations de crédits sur les titres V et VI permettent de limiter les reports de charges sur le titre III. Réaliste, le ministère de la Défense a privilégié la réduction des reports de charges sur le budget de fonctionnement qui apparaissent peu acceptables dans la mesure où ils concernent des chapitres jamais, ou très marginalement, touchés par la régulation budgétaire. Sur le titre V, les reports de charges, qui s’établissaient à la fin de l’année 1997 à 3,2 milliards de francs pour les impayés et à 1,2 milliards de francs pour les retards de paiement, devraient être limités à la fin de l’exercice en cours à un niveau inférieur à ces montants. Ils ne sont cependant pas imputables aux annulations de crédits, mais aux difficultés de paiement du ministère.

2. Annulations de crédits et loi de programmation militaire : des compensations ultérieures seront nécessaires

L’impact des annulations pourra-t-il être compensé, ne fût-ce que partiellement, par la consommation des reports de crédits ? L’annulation de crédits obtenue par arrêté du 21 août 1998 a, en effet, été gagée par l’autorisation de consommer des reports de crédits du même montant. Il faut rappeler que les reports de l’exercice 1997 se sont élevés à 7,7 milliards de francs, dont 6,7 milliards de francs pour les titres V et VI.

Qu’en est-il aujourd’hui de la réalisation de ce " gage ", dont on ne peut que souligner le caractère incertain, le flux des dépenses d’équipement de la Défense restant, par le biais du visa du contrôleur financier, sous la surveillance du ministère de l’Economie et des Finances ? Il est difficile d’évaluer la consommation effective de ces reports en cours de gestion, du fait de la fongibilité des crédits disponibles, au sein d’un même chapitre. Le tableau suivant permet toutefois de montrer que les chapitres ayant subi l’annulation du mois d’août ont été abondés par des reports de crédits systématiquement supérieurs, seul le chapitre 51-70 " Nucléaire " échappant à ce constat. A cet égard, on ne peut dire que l’annulation du 21 août 1998 a été strictement gagée par les reports de crédits.

 

OUVERTURES DE REPORTS DE CRÉDITS ET ANNULATIONS DE CRÉDITS PAR CHAPITRE EN 1998

(crédits de paiement en millions de francs)

 

Chapitres

Reports ouverts

Annulation au 21.08.1998

Solde résiduel

51-60

510,931

- 510,300

0,631

51-70

199,877

- 305,500

- 105,623

51-80

1 683,429

- 1 369,784

313,645

52-70

281,751

- 70,600

211,151

53-70

438,779

- 37,365

401,414

53-80

2 188,661

- 1 242,580

946,081

54-40

1 116,613

- 203,675

912,938

66-50

302,272

- 93,496

208,776

67-10

48,490

- 16,600

31,890

Total

6 770,804 - 3 849,900 2 920,904

Votre rapporteur ne peut que porter une appréciation prudente sur la consommation effective des reports. Seul l’examen des dépenses nettes et du montant des crédits reportés sur l’exercice 1999 permettra de juger de la réalité de la consommation de ces crédits. Si celle-ci est conforme aux prévisions, ce qui conduirait à un objectif de report de crédits faible de 2,9 milliards de francs, la décision de gager les annulations par des consommations de reports aura été une mesure de bonne gestion. Il convient toutefois de noter qu’un tel système ne peut fonctionner pour les annulations intervenant dans le dernier trimestre de l’exercice budgétaire, les services n’ayant matériellement pas le temps de consommer ces crédits supplémentaires. D’où un phénomène de reports de reports, qui a d’ailleurs déjà pu être observé lors des exercices précédents.

Si les annulations répondent à des mesures de saine gestion en ce qu’elles permettent de limiter le montant des reports de crédits sur le titre V et de charges sur le titre III, elles n’en viennent pas moins, cependant, diminuer l’enveloppe budgétaire fixée par la loi de programmation militaire. Elles devront donc être compensées dans les lois de finances initiales à venir par un strict respect de l’enveloppe de 86 milliards de francs. Le projet de loi de finances initiale pour 1999 s’inscrit d’ailleurs dans cette perspective.

Le respect de la loi de programmation militaire suppose également une meilleure consommation de ses crédits par le ministère de la Défense. Or, celle ci devrait être plus faible que prévu en 1998, du fait de la réforme comptable notamment. Compte tenu du niveau de consommation des crédits d’équipement atteint au début du mois de novembre 1998 -66 milliards de francs ordonnancés et 50,5 milliards de francs effectivement payés-, 5 milliards de francs restent à ordonnancer et 20 milliards de francs à payer. Au total, et dans l’hypothèse la plus favorable, le niveau final de consommation des crédits s’élèverait à 70 milliards de francs, 7 milliards de francs de crédits étant reportés. Il faut espérer que ces objectifs seront tenus.

Le chiffre est, sans doute, médiocre. Il convient cependant de rappeler que, depuis trois ans, le budget d’équipement militaire effectivement réalisé s’élève environ à 75-77 milliards de francs.

 

DÉPENSES NETTES D’ÉQUIPEMENT DU BUDGET
DE LA DÉFENSE (1993-1997)

 

 

           

Evolution

Titres

1993

1994

1995

1996

1997

97/96

97/93

Titre V

88 165,1

87 748,1

73 907,1

77 213,4

75 061,3

- 2,8 %

- 14,9 %

Titre VI

500,9

727,6

822,5

784,5

932,0

18,8 %

86,0 %

Total

88 666,0

88 475,7

74 729,6

77 997,9

75 993,3

- 2,5 %

- 14,3 %

 

Source : Cour des comptes, l’exécution des lois de finances pour l’année 1997, juillet 1998

Ces montants de dépenses effectives masquent des conditions d’exécution diverses. Car si, depuis les évolutions stratégiques intervenues au tournant des années 1990, le budget de la Défense est sous contrainte, celle-ci a changé de nature en 1998. D’externe, car reflétant largement le poids de la régulation budgétaire, elle est devenue partiellement interne, donc mieux maîtrisée. Tel est en effet le sens de la réforme comptable intervenue en 1998 qui, bien que s’étant traduite à court terme par d’importantes difficultés de gestion, vise, à moyen terme, à une plus grande efficacité de la dépense de défense

B. UNE réduction À relativiseR par LA prise en compte des dotations à la société Giat Industries qui participent à la DÉPENSE DE DÉFENSE

1. Des recapitalisations inéluctables

    •  La société nationale d’armement terrestre Giat Industries se trouve aujourd’hui dans une situation préoccupante et enregistre une perte nette de 2,85 milliards de francs en 1998. Quant au plan de charges, il devrait connaître une baisse importante (-16 %) dès 1999, pour atteindre 60 % de son niveau actuel en 2001.

Les perspectives ultérieures sont floues. La principale incertitude est liée à la conclusion du contrat avec l’Arabie Saoudite pour l’achat de 175 chars Leclerc et de 20 dépanneurs, livrables en 2001. L’enjeu de ce contrat est pourtant primordial : le plan stratégique économique et social, qui définit le format de Giat Industries dans les années à venir, est construit sur l’hypothèse d’une commande saoudienne.

    •  Dans un tel contexte, les recapitalisations en faveur de Giat Industries apparaissent inéluctables. Elles constituent le corollaire nécessaire de la mise en oeuvre du plan stratégique de l’entreprise qui devrait entrer en vigueur au début de l’année prochaine.

A ce jour, Giat Industries a déjà été recapitalisé à hauteur de 11,75 milliards de francs :

— 3,753 milliards de francs ont été apportés à cette société en 1996, en provenance du budget des charges communes (3,716 milliards de francs) et du compte d’affectation spéciale 902-24 " Compte d’affectation des produits de titres, parts et droits de société " (37,5 millions de francs) ;

— 3,7 milliards de francs ont été versés de ce même compte en 1997 ;

— enfin, les dotations se sont élevées à 4,3 milliards de francs en 1998, toujours en provenance du compte 902-24.

Considérables, ces dotations ne sont pas suffisantes pour autant. On peut estimer à 7 milliards de francs le montant des dotations qui devront être apportées à Giat Industries à moyen terme, en vertu de la loi sur les sociétés commerciales, qui fait obligation à l’actionnaire de recapitaliser l’entreprise lorsque les fonds propres passent en dessous de la moitié du capital social. Or, les pertes de Giat Industries peuvent être évaluées à 14 milliards de francs, soit 8 milliards de francs pour les contrats à l’exportation, 3 milliards de francs pour le plan de retour à l’équilibre et 3 milliards de francs au titre du plan stratégique économique et social, provisionnés sur le compte de résultat pour 1997.

    •  Pour financer une partie de ces recapitalisations inéluctables, le projet de loi de finances rectificative ouvre 2,5 milliards de francs sur le budget des charges communes en faveur de la société Giat Industries. En outre, 3,2 milliards de francs devraient être ouverts au compte d’affectation spéciale 902-24 au début de l’année 1999. Ce sont donc 5,7 milliards de francs qui devraient venir abonder le capital de la société.

A l’évidence, on observe une accélération du rythme des recapitalisations, partiellement voulue d’ailleurs. C’est en effet d’un choix politique que procède la décision d’imputer au compte de résultat de 1997 les provisions pour le plan stratégique qui ne prendra effet qu’au début de l’année 1999.

2. Quel lien entre les annulations de crédits et la dotation de Giat Industries ?

Lors de son audition par la Commission de la Défense, le Ministre de la Défense a récusé tout lien entre les 3,2 milliards de francs annulés au mois de novembre et les apports en capitaux en faveur de la société nationale d’armement terrestre. Tel est en effet l’arbitrage du Premier ministre.

S’il est vrai que le montant des annulations correspond très exactement à la recapitalisation en faveur de la société d’armement terrestre (2,5 milliards de francs) et aux ouvertures de crédits de fonctionnement sur le budget de la Défense (700 millions de francs), il serait cependant peu logique d’établir un lien de compensation entre ces mouvements de crédits.

Tout d’abord, analyser les mouvements de crédits associés au présent projet de loi en termes de compensation ne permet pas de faire ressortir la spécificité des annulations intervenues sur le budget de la Défense, qui reposent, rappelons-le, sur une logique interne d’assainissement de la gestion 1998. En outre, cette analyse conduirait à laisser penser que les recapitalisations ultérieures en faveur de Giat Industries s’accompagneront systématiquement d’une annulation à due concurrence des crédits d’équipement du ministère de la Défense. Tel n’a pas été le choix du gouvernement pour la dotation apportée au début de 1998. On peut douter, au regard de l’ampleur des besoins en capitaux prévisibles pour Giat Industries et des contraintes de la loi de programmation militaire, que telle sera la politique suivie par la suite. Enfin, quelle serait la logique d’une telle compensation qui conduirait, si l’on pousse le raisonnement à l’extrême, à doter Giat Industries d’une abondante trésorerie alors que les capacités d’engagement du ministère de la Défense ne cesseraient de diminuer ?

Faut-il pour autant se refuser à établir tout lien entre les annulations de crédits et la décision de recapitaliser Giat Industries ? Les dotations en faveur de la société d’armement terrestre entrent dans le champ de la dépense de défense. Tel est le seul lien que votre rapporteur juge pertinent d’établir entre ces mouvements de crédits.

 

 

CONCLUSION

 

 

Si les mouvements de crédits sur le budget de la Défense sont importants en 1998, comme lors des exercices précédents, ils s’inscrivent toutefois dans une logique et dans un contexte spécifiques.

Tant l’apurement des reports de charges sur le titre III que la réforme des procédures de gestion du budget d’équipement permettent d’envisager un exercice 1999 plus serein.

Restent cependant des réformes à mener, notamment en ce qui concerne les opérations extérieures.

 

 

 

 

TRAVAUX EN COMMISSION

I — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La Commission a entendu, le 24 novembre 1998, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances rectificative (n° 1210) pour 1998.

Rappelant que le montant des crédits de paiement annulés sur les dépenses en capital du ministère de la Défense dans le cadre des décrets d’avance et du projet de loi de finances rectificative s’élevaient à près de 7,4 milliards de francs, le Président Paul Quilès a ajouté que les ouvertures de crédits demandées en contrepartie, qui s’établissaient globalement à 4,5 milliards de francs (dont 3,8 milliards de francs accordés par le décret d’avance du 21 août dernier et 0,7 milliard de francs prévu par le projet de loi de finances rectificative) permettraient, selon ses informations, de pourvoir à des besoins de financement liés à une insuffisance de dotations initiales ou à la nécessité d’apurer la contribution de la France aux organismes de l’OTAN. Il a demandé au Ministre de la Défense de préciser ces éléments, en apportant à la Commission toute autre information qu’il jugerait utile.

Souhaitant dresser un tableau d’ensemble, M. Alain Richard a indiqué qu’à l’ouverture, au titre III, de 700 millions de francs dans le projet de loi de finances rectificative s’ajouteraient 175 millions de francs prévus au titre d’un décret de virement complémentaire à paraître. L’objectif de ces abondements au profit, essentiellement, de l’Armée de terre et de la Gendarmerie est de réduire les reports de charges sur le titre III.

Le Ministre de la Défense a rappelé que le décret d’avance du 21 août 1998 avait déjà permis d’apurer les reports de charges constatés sur les rémunérations. L’ensemble des mesures d’inscription de nouveaux crédits permettra ainsi de commencer le prochain exercice avec un minimum de reports de charges. Le retard de contribution de la France à l’Alliance atlantique qui s’élève à 215 millions de francs et représente presque l’équivalent d’une année de versement sera, en particulier, soldé. L’accroissement récent de cette contribution s’explique par les charges nouvelles liées au partenariat pour la paix, à l’élargissement de l’OTAN et à la modernisation de ses infrastructures.

Abordant les annulations de crédits d’équipement qui s’élèveront, en crédits de paiement, comme le Président Paul Quilès l’a rappelé, à près de 7,4 milliards de francs sur l’ensemble de l’exercice (dont 3,86 milliards de francs en août et 3,2 milliards de francs dans le cadre du projet de loi de finances rectificative), M. Alain Richard a estimé qu’en données nettes, leur total était ramené à moins de 3,6 milliards de francs en raison de la reprise de 3,8 milliards de francs sur les reports de crédits de 1997 à 1998. Il a fait observer que ce montant net se situait en retrait par rapport aux annulations opérées au cours des exercices précédents sur les crédits d’équipement (11,9 milliards de francs en 1995, près de 8,5 milliards de francs en 1996 et 5 milliards de francs en 1997). Il a expliqué que la réforme de la comptabilité des investissements avait abouti, pendant les quatre premiers mois de l’année, à un faible niveau d’engagement des crédits d’équipement et a annoncé que, malgré l’important effort de consommation réalisé depuis, un montant appréciable de dotations serait reporté sur l’exercice 1999.

Il a conclu en soulignant que la contribution du ministère de la Défense au rétablissement des comptes de l’Etat s’opérait sans nuire à la gestion du ministère.

 

M. François Lamy a demandé des précisions sur les reports de charges attendus sur l’exercice 1999. Il a également estimé que la présentation des annulations sur les titres V et VI de la Défense était ambiguë dans la mesure où elles apparaissaient, en partie, comme le gage des ouvertures demandées au budget des charges communes au titre de la recapitalisation de GIAT-Industries.

 

M. Alain Richard a précisé que le montant des reports de charges sur 1999 ne devrait pas excéder 200 à 300 millions de francs au titre des rémunérations et charges sociales et qu’il serait significativement inférieur à 1 milliard de francs sur le titre III. Il a indiqué qu’en accord avec le ministère de l’Economie et des Finances, le ministère de la Défense avait commencé à réduire les fonds d’avances destinés au paiement régulier des rémunérations des personnels et qu’il avait été décidé de les ramener, fin 1998, du niveau actuel de 10,2 milliards de francs à 7,1 milliards de francs. Il a estimé que, sur les 81 milliards de francs de crédits de paiement initialement votés au titre des dépenses en capital, environ 77 milliards de francs auront été disponibles alors que 70 milliards de francs seulement pourront être consommés. Le montant des reports de crédits de paiement de 1998 à 1999 devrait, dans ces conditions, être de l’ordre de 7 milliards de francs.

M. Alain Richard a alors contesté la présentation selon laquelle la recapitalisation de GIAT-Industries qui atteindra un montant global de 5,7 milliards de francs au début de 1999 était gagée par une partie des annulations opérées sur les crédits d’équipement du ministère de la Défense. Il a rappelé que les deux précédentes décisions de recapitalisation de ce groupe industriel avaient été prises sans lien avec les annulations de crédits d’équipement militaire. Il a également précisé que le montant de 5,7 milliards de francs prévu pour la recapitalisation de GIAT-Industries serait atteint grâce à deux opérations : un versement de 2,5 milliards de francs en provenance du budget des charges communes sur l’exercice 1998 et une dotation de 3,2 milliards de francs sur le compte d’affectation spéciale, alimenté par les produits de la cession des titres détenus par l’Etat, sur l’exercice 1999. Il a alors souligné qu’à ses yeux, il n’y avait pas d’équivalence entre des annulations qui avaient pour objet de reprendre des dotations qui ne sont pas susceptibles d’être consommées pendant l’exercice budgétaire et une recapitalisation qui consistait, pour l’Etat actionnaire, à assumer ses responsabilités en abondant les fonds propres des entreprises publiques qui en ont besoin.

 

M. René Galy-Dejean a toutefois fait observer qu’il était difficile de ne pas établir de lien entre les annulations de crédits sur le budget de la Défense et les apports en capital en faveur de Giat Industries et de ne pas y voir un phénomène de vases communicants entre le budget des charges communes et les crédits militaires.

Reprenant le constat qu’il avait formulé lors de la présentation du projet de budget de la Défense pour 1999, il a regretté que le ministère de la Défense ne bénéficie pas des rentrées fiscales supplémentaires et doive, au contraire, subir une réduction nette de ses crédits. S’agissant des dotations non consommées, il a redouté que le niveau de dépenses en capital de 70 milliards de francs attendu par le Ministre de la Défense pour l’exercice 1998 ne soit interprété, à l’avenir, comme l’étiage souhaitable pour le budget d’équipement des armées. Après avoir souligné la baisse continue des dépenses effectives d’équipement militaire, il s’est inquiété de cet effet pervers de la non-consommation des crédits disponibles.

 

M. Michel Voisin a souhaité connaître la nature des besoins de financement qui motivaient l’inscription, dans le projet de loi de finances rectificative, d’une dotation de 225 millions de francs en faveur de la Gendarmerie.

 

M. Alain Richard a apporté les éléments de réponse suivants :

— il est nécessaire que la perception de GIAT-Industries évolue, y compris au Parlement : GIAT-Industries n’est pas un service du ministère de la Défense mais une entreprise. C’est en son sein que sont prises les décisions concernant sa gestion ;

— il est intéressant de constater que, dans le cadre des mesures de restructuration de l’industrie d’armement, le produit de la cession, par l’Etat, de titres des entreprises de ce secteur devrait, en 1999, venir abonder les recettes du compte d’affection spéciale destiné à retracer ce type d’opérations.

— on ne peut considérer que les crédits effectivement consommés en 1998 définissent un niveau d’étiage souhaitable pour le budget d’équipement de la Défense, dont le montant a été clairement fixé par le Premier Ministre, avec l’assentiment du Président de la République, à la suite de la revue de programmes. Il est important toutefois que le ministère de la Défense confirme sa capacité à consommer ses crédits dans le délai imparti, ce qui passe par une amélioration du circuit de la dépense et par l’évolution du lien entre les armées, la Délégation générale pour l’armement et les entreprises. Si elle est difficile, la situation actuelle crée cependant un effet de levier favorable à une amélioration de la gestion des crédits. Lors de l’exécution de la loi de finances initiale pour 1999, il conviendra de faire la preuve, par une consommation efficace des crédits, de la pertinence du niveau fixé pour le budget d’équipement militaire ;

— il ne serait pas rationnel d’afficher des crédits d’équipement en hausse quand on sait pertinemment qu’ils ne seront pas tous consommés. Au contraire, les ouvertures de crédits prévues par le collectif correspondent à de réels besoins en matière de fonctionnement ;

— le projet de loi de finances rectificative et le décret de virement prévu dans les tous prochains jours viendront abonder le titre III de la Gendarmerie d’un montant global de 355 millions de francs, soit 200 millions de francs pour les loyers, 60 millions de francs pour le fonctionnement courant et 95 millions de francs pour l’alimentation.

M. Alain Richard a ensuite présenté les opérations extérieures conduites par la France, tant d’un point de vue budgétaire que dans leurs aspects juridiques et opérationnels.

Il a fait observer que les surcoûts liés aux opérations extérieures diminuaient de manière significative en 1998 par rapport à l’exercice précédent, puisqu’ils devraient s’établir à 2,1 milliards de francs contre 3,45 milliards de francs en 1997. Il a rappelé que les quatre cinquièmes de ces surcoûts étaient constitués de dépenses de rémunérations et de fonctionnement. Il a estimé que 80 % de la baisse observée entre 1997 et 1998 s’expliquaient par la modification du dispositif militaire extérieur et par la réforme du régime indemnitaire des personnels qui y participent. S’agissant du dispositif militaire extérieur, il a rappelé qu’était supprimée la force prépositionnée en République Centrafricaine et que n’apparaîtrait en conséquence dans les surcoûts, en 1998, qu’un reliquat de dépenses liées à son démantèlement graduel et à la participation de la France à la Mission de maintien de la paix des Nations Unies dans ce pays (MINURCA). S’agissant de l’évolution du régime indemnitaire des personnels servant en opérations extérieures, il a relevé que son impact pouvait être évalué à 500 millions de francs à structure constante par rapport à 1997 et à 350 millions de francs en tenant compte du changement de périmètre en 1998. Il a donné l’exemple de la rémunération d’un capitaine, père de deux enfants : l’économie est, selon le pays d’affectation, de 27 % pour le Liban, de 16 % pour la République Centrafricaine et de 14 % pour la Bosnie-Herzégovine. Le Ministre de la Défense a estimé nécessaire d’adopter une approche réaliste du niveau des surrémunérations, qui tienne compte du risque et de la pénibilité des missions remplies par les personnels envoyés en opérations extérieures sans représenter pour autant des primes injustifiées. Il a estimé que cette réforme intervenait au moment le plus favorable, le nouveau contexte de la professionnalisation, qui conduit à une augmentation du nombre des régiments susceptibles de participer à des opérations extérieures, nécessitant l’élaboration de nouvelles règles.

Il a alors indiqué que la France était actuellement engagée dans huit opérations de maintien de la paix, cette expression qualifiant les opérations qui ont été expressément décidées par une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU et qui relèvent, pour leur conduite, du Département des Opérations de Maintien de la Paix de cette organisation. Il en a ensuite donné le détail :

— la FINUL (Force intérimaire des Nations Unies au Liban), créée en application de la résolution n° 425 du 19 mars 1978, et déployée pour confirmer le retrait des forces israéliennes du Liban sud et assister le Gouvernement libanais dans la reprise effective du contrôle de cette région, dont le mandat est régulièrement renouvelé et au sein de laquelle figurent 257 militaires français ;

— la MINURCA (Mission des Nations Unies en République Centrafricaine), instituée par la résolution n° 1159 du 27 mars 1998, dans le but de fournir des conseils et un appui technique aux pouvoirs publics centrafricains en vue de l’organisation des élections législatives, dont le mandat a été reconduit jusqu’en février 1999 et à laquelle participent 240 militaires français ;

— la MINUBH (Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine) créée par la résolution n° 1035 du 15 décembre 1995 et instituant un groupe international de police chargé de former et d’assister les forces de police locale, qui compte 119 gendarmes français ;

— la MINURSO (Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara occidental), décidée en avril 1991 par la résolution n° 690, dont le déploiement a commencé en septembre 1991 après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu afin d’en contrôler la mise en œuvre, et à laquelle la France fournit 25 observateurs ;

— la MIPONUH (Mission de Police civile des Nations Unies en Haïti), chargée pour une période d’une année, par la résolution n° 1141 du 28 novembre 1997, d’aider le Gouvernement haïtien à créer une force de police, à laquelle participent 24 gendarmes français ;

— la MONUA (Mission d’Observation des Nations Unies en Angola), déployée en application de la résolution n° 1118 du 30 juin 1997, avec le mandat d’observer le cessez-le-feu et de consolider la paix et la réconciliation nationale, qui comprend 13 observateurs français ;

— la MONUIK (Mission d’Observation des Nations Unies pour l’Irak et le Koweït), soumise à réexamen tous les six mois et dont le mandat, défini par la résolution n° 687 du 3 avril 1991 et élargi par la résolution n° 806 de février 1993, est d’assurer le contrôle de la zone démilitarisée entre l’Irak et le Koweït. La France lui fournit un détachement de 11 militaires ;

— la MONUG (Mission d’Observation des Nations Unies en Géorgie), créée par la résolution n° 858 d’août 1993 et chargée d’observer l’accord de cessez-le-feu conclu entre les Abkhazes, la Géorgie et la Russie, à laquelle participent cinq observateurs français.

M. Alain Richard a précisé que les charges supportées à l’occasion de ces opérations faisaient l’objet de remboursements partiels de la part de l’ONU, mais que ceux-ci intervenaient généralement avec un décalage de deux années.

Il a ensuite indiqué que la France était également engagée dans cinq opérations dont la conduite est déléguée à des commandements internationaux par le Conseil de Sécurité des Nations Unies :

— l’action menée par la SFOR pour mettre en œuvre les aspects militaires de l’accord de paix en Bosnie-Herzégovine et y favoriser un retour à la normale des activités politiques et économiques. Cette mission fait l’objet d’un réexamen semestriel. Un détachement français de 3 714 hommes y participe ;

— l’opération Southern Watch visant à interdire à l’Irak l’utilisation de ses moyens aériens et antiaériens au sud du 32ème parallèle et à laquelle contribuent 174 militaires français ;

— la Mission d’observation de la Communauté européenne et de l’OSCE en ex-Yougoslavie, qui a un triple rôle d’observation, de médiation et de compte rendu, et à laquelle participent 46 militaires français ;

— l’Elément multinational de Conseil en matière de Police, qui a pour mission de participer à la restructuration et à la formation de la police albanaise, et qui comprend 14 militaires français ;

— la Force multinationale et d’observateurs au Sinaï, chargée depuis avril 1982 de contrôler la bonne application du traité de paix de Camp David entre Israël et l’Egypte, et au sein de laquelle quatorze officiers et sous-officiers français sont présents.

Enfin, le Ministre de la Défense a indiqué que la France avait conduit en 1998, jusqu’au mois d’août, seize opérations sous commandement national, notamment en Afrique, en vue d’assurer le maintien de la paix, la sécurité des ressortissants français, le respect des accords de défense ou le désengagement des forces françaises. Il les a ensuite énumérées :

— la protection de l’ambassade de France en Algérie,

— la sécurisation du Cameroun (opération Aramis),

— le soutien logistique de la Mission interafricaine de Surveillance des accords de Bangui (MISAB) ;

— l’accompagnement du désengagement des éléments français d’assistance opérationnelle en République Centrafricaine. Cette action a fait l’objet de trois opérations successives ;

— la protection de l’ambassade et du consulat de France à Brazzaville,

— l’évacuation des ressortissants français au Congo,

— l’opération Malachite d’évacuation des ressortissants français du Zaïre depuis Brazzaville ;

— une mission de présence maritime dans le Golfe de Guinée ;

— la mission Epervier au Tchad,

— la mission Iskoutir d’assistance humanitaire à Djibouti,

— deux missions de rapatriement du contingent béninois présent au Libéria,

— la sécurisation de l’ambassade de France en République Centrafricaine,

— la protection des ressortissants français et de l’ambassade de France en Guinée-Bissau.

Après s’être félicité de la " première " intéressante que constituait la présentation globale devant la Commission de l’ensemble des opérations extérieures dans lesquelles la France est engagée, le Président Paul Quilès a souligné que, si elle pouvait apparaître un peu comme un " inventaire à la Prévert ", cette présentation n’en permettait pas moins de mieux apprécier l’importance de la charge financière qui en résultait. Il a, à ce propos, souhaité savoir si les crédits demandés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative permettraient de couvrir la charge résultant des nouvelles opérations au Kosovo.

 

M. Alain Richard a indiqué que les crédits destinés au contingent d’observateurs français, constitué d’environ 150 personnes, devraient être imputés sur les budgets civils.

 

M. Michel Voisin a demandé quelle était la participation actuelle de la France à la mission de vérification au Kosovo et s’il était prévu d’y affecter des réservistes.

 

Le Ministre de la Défense a précisé que le nombre d’observateurs français actuellement mis à la disposition de la mission de vérification s’élevait à quinze. Il a souligné cependant que cette mission demandait des délais de mise en œuvre importants pour des raisons logistiques, les 2 000 observateurs devant être répartis entre cinq centres principaux. Il a ajouté que, d’ores et déjà, le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères avaient prévu de recourir à un certain nombre de réservistes. Il a indiqué que le coût de la participation française à cette mission pourrait s’élever, en année pleine, à 50 millions de francs pour 200 observateurs, soit environ 10 millions de francs pour les 50 observateurs militaires actuellement prévus. En revanche, le déploiement des 750 militaires qui participeront à la force de sécurisation des observateurs de 1 700 hommes, sous encadrement français, entraînera un surcoût annuel de l’ordre de 350 à 400 millions de francs. Le Ministre de la Défense a cependant fait observer que, si la mission des observateurs pouvait permettre un bon déroulement des négociations sans reprise des violences, il était possible que le dispositif de sécurisation, qui doit être revu tous les six mois, soit allégé après juin 1999.

S’intéressant au contrôle aérien exercé par la France au-dessus du territoire irakien, dans le cadre de l’opération multinationale Southern Watch, M. René Galy-Dejean a souhaité savoir comment, au cas où les Etats-Unis auraient lancé l’offensive qu’ils avaient préparée à l’encontre de l’Irak, les forces françaises auraient pu ne pas s’y trouver mêlées.

 

M. François Lamy s’est demandé s’il n’était pas contestable de continuer à présenter comme opération extérieure, à la fois en termes de missions et en termes budgétaires, l’opération Epervier au Tchad. Il a souligné, à ce propos, la nécessité de distinguer de manière plus rigoureuse entre forces prépositionnées, opérations extérieures normales et opérations extérieures exceptionnelles.

Faisant ensuite remarquer que les sondages relatifs aux prochaines élections gabonaises n’étaient pas très favorables au Président Bongo, il a demandé si l’on pouvait craindre une évolution défavorable de la situation politique au Gabon et si les forces françaises prépositionnées dans ce pays ne risquaient pas de s’y trouver impliquées du fait de la convention franco-gabonaise sur le maintien de l’ordre.

 

Le Président Paul Quilès, précisant que l’opération Epervier avait été décidée en 1986 comme une opération de frappe aérienne limitée dans le temps pour contrer les menées militaires libyennes au Tchad et qu’elle avait notamment consisté, au départ, dans le bombardement de l’aérodrome de Ouadi-Doum, a souligné que son maintien douze ans après, toujours sous le même statut, suscitait des interrogations.

 

Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :

— l’opération Southern Watch, est une opération de surveillance aérienne dont le déroulement ne donne lieu, en général, à aucune friction. La définition des missions, qui sont en effet exercées conjointement avec d’autres pays, fait l’objet d’analyses fines du ministère de la Défense. Conformément à la politique de la France, les avions français ne vont jamais au-delà du 32ème parallèle et, lorsque des opérations proprement militaires sont envisagées, il est convenu que les Français n’y participent pas. En tout état de cause, si la France avait voulu s’associer à l’offensive américaine, elle aurait dû le faire avec d’autres moyens que les appareils utilisés pour la surveillance de l’Irak. Ceux-ci sont en effet basés en Arabie Saoudite, pays qui a refusé d’offrir des points d’appui pour une opération militaire contre l’Irak ;

— s’agissant du Tchad, la difficulté est que l’opération Epervier a eu pour objet de combler un vide en matière de sécurité résultant de la faiblesse des structures politiques et administratives du pays. Depuis des années cependant, et sous l’effet notamment de l’action de la France, la situation du Tchad s’est améliorée et s’est rapprochée des conditions qui prévalent dans un Etat organisé, même si éclatent encore ponctuellement dans ce pays quelques conflits intérieurs d’ampleur limitée qui attestent de malaises communautaires et politiques. On s’approche donc du moment où il faudra constater que les forces françaises stationnées au Tchad ne participent pas à une opération extérieure mais ont vocation à avoir le statut de forces prépositionnées dans le cadre d’un accord de défense. Le Président Idriss Déby a cependant sa propre conception de la sécurité de son pays ainsi que du rôle des forces françaises, à propos duquel on a pu observer parmi les Tchadiens quelques manifestations de mécontentement. De plus, les autorités tchadiennes ont fait le choix de rompre l’isolement de la Libye, le Président Kadhafi ayant pu se rendre à N’Djamena. C’est pourquoi il ne serait sans doute pas raisonnable que la France se place en position de demandeur, d’autant qu’il semble ressortir des entretiens entre les pouvoirs publics français et tchadiens que ceux-ci pourraient demander eux-mêmes la négociation d’un accord de défense ;

— la France entretient des forces prépositionnées dans cinq pays. Pour trois d’entre eux, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Gabon, il y a convergence entre les stipulations de l’accord et les actions menées. En revanche, l’accord conclu avec Djibouti prévoit que les forces françaises qui y sont basées ne peuvent être utilisées pour mener des actions hors du pays. Celles qui ont été conduites dans le passé ont dû faire l’objet à chaque fois d’un accord particulier. Il paraît difficile de demander aux Djiboutiens un élargissement de l’accord, au moment même où la France a décidé une réduction sensible de l’effectif des forces stationnées dans leur pays. Le Tchad est le second cas où une meilleure mise en convergence de l’accord de défense et des actions menées doit être recherchée ;

— il convient d’éviter qu’on puisse soupçonner la moindre immixtion française dans les élections qui vont avoir lieu au Gabon. Les appréciations recueillies auprès du ministère des Affaires étrangères ne semblent pas corroborer les sondages évoqués par M. François Lamy et la France ne s’attend pas à une demande du Président gabonais de participation à la surveillance des prochaines élections. Au contraire, il semble qu’il existe un projet d’envoi d’observateurs internationaux ;

— de façon générale, le Gouvernement ne souhaite pas que les forces françaises participent à la surveillance d’élections en Afrique. Il n’a accepté qu’avec beaucoup de réticences la demande de la MINURCA, en République Centrafricaine, de les déployer hors de Bangui dans ce but. Cinq points d’appui seulement ont été déterminés, assortis de conditions restrictives d’emploi.

Ii — examen de l’AVIS

La Commission a examiné l’avis de M. François Lamy sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998, le 25 novembre 1998.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a souligné que l’examen du projet de loi de finances rectificative représentait généralement l’occasion, pour la Commission de la Défense, de constater la contribution du ministère de la Défense au rétablissement des finances publiques. Il a observé que ce constat restait vrai en 1998, même s’il convenait de le nuancer. Il a considéré en effet que la participation du ministère de la Défense à la réduction du déficit budgétaire n’était pas la seule grille de lecture pertinente du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

Il a rappelé que le budget d’équipement de la Défense supportait, sur l’exercice 1998, un montant total d’annulations brutes conséquent qui s’élevait, en crédits de paiement, à 7,4 milliards de francs, les ouvertures de crédits sur le titre III s’établissant, quant à elles, globalement à 4,5 milliards de francs. Il a noté toutefois que l’autorisation de consommer une partie des crédits reportés de l’exercice 1997 faisait apparaître un montant net d’annulations de 3,5 milliards de francs, chiffre qui se situait dans le même ordre de grandeur qu’en 1997. Il a ajouté que les annulations avaient porté sur des crédits qui, en tout état de cause, n’auraient pas pu être consommés du fait des réformes comptables mises en oeuvre au sein du ministère de la Défense. Il a jugé qu’elles étaient, de ce fait, conformes à l’ordonnance organique, puisqu’elles portaient sur " des crédits devenus sans objet ", ce qui représentait une rupture majeure avec les années précédentes, notamment avec les exercices 1995 et 1996. Il a fait valoir que, contrairement à la pratique suivie au cours de ces deux exercices, les annulations décidées en 1998 n’étaient pas le fruit d’une régulation imposée de l’extérieur au ministère de la Défense mais correspondaient au contraire à une gestion rationnelle des dotations.

Il a observé à ce propos que la contrainte majeure qui avait pesé sur le budget de la Défense en 1998 était d’ordre interne et tenait à la réforme de la gestion des crédits d’équipement. Il a souligné que, si cette réforme avait un prix à court terme, à moyen terme toutefois, elle permettrait d’accroître l’efficacité de la dépense.

Il a ensuite évoqué la question du lien entre l’annulation, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, de 3,2 milliards de francs de crédits de paiement et la recapitalisation de 2,5 milliards de francs en faveur de Giat Industries. Il a pris acte des propos du Ministre de la Défense, qui, devant la Commission, avait récusé tout lien entre ces deux mesures. Il a estimé que cette position était logique, relevant qu’une recapitalisation de Giat Industries financée par une réduction des crédits d’investissement de la Défense n’aurait pas grand sens dans la mesure où elle conduirait à doter l’entreprise d’une abondante trésorerie, alors que le niveau de commandes de l’Etat serait abaissé. Il a rappelé enfin que tel n’avait pas été le choix du Gouvernement lorsqu’en février 1998, il avait apporté 4,3 milliards de francs à Giat Industries sans opérer d’annulations sur le budget de la Défense.

Il a conclu que le collectif budgétaire lui paraissait bon et qu’il retraçait des mesures de saine gestion, tant pour le titre V que pour le titre III. Puis il a abordé la question du financement des opérations extérieures.

Il a rappelé que les surcoûts qui leur étaient liés s’élevaient à 2,1 milliards de francs en 1998, chiffre qui recouvre des réalités très diverses et correspond, pour l’essentiel, à trois grandes catégories d’opérations :

— les opérations extérieures menées sous la bannière des Nations Unies, dont le surcoût global s’élève à 160 millions de francs environ ;

— les opérations menées sous commandement international, en dehors du cadre de l’ONU, sous l’égide de l’OTAN par exemple. C’est dans ce cadre que se déroule l’opération Joint Force en Bosnie-Herzégovine à laquelle participent plus de 3 700 soldats français pour un surcoût qui peut être évalué à 1 milliard de francs environ. Cette catégorie d’opération extérieure représente d’ailleurs la principale source de surcoûts pour la France (1,28 milliard de francs en 1998) ;

— les opérations extérieures menées sous commandement national, en Afrique pour la plupart, dont le surcoût représente en 1998 plus de 260 millions de francs.

M. François Lamy a relevé que l’addition de ces différentes charges représentait un total de 1,7 milliard de francs environ, soit un chiffre inférieur à l’évaluation globale de 2,1 milliards de francs établie par le ministère de la Défense. Il a fait observer que la différence entre ces chiffres posait la question de la définition de la notion d’opérations extérieures. Il a précisé, en effet, qu’au-delà des opérations extérieures par nature, existaient des opérations dénommées " extérieures " du fait de leur mode de financement en cours d’année par des ouvertures de crédits supplémentaires. Il a expliqué que tel était le cas de l’opération Epervier au Tchad dont les surcoûts s’élevaient à 356 millions de francs ou encore des opérations de maintien de l’ordre menées par la Gendarmerie mobile dans les départements et territoires d’outre-mer. Il a précisé que cette situation complexe pourrait être partiellement éclaircie, notamment pour ce qui concerne l’opération Epervier, dont la budgétisation en loi de finances initiale est à l’étude.

Il a par ailleurs observé que le montant des surcoûts liés aux opérations extérieures ne cessait de diminuer depuis trois ans, principalement en raison de la réforme des rémunérations qui se traduit en moyenne par une réduction de solde de 20 % pour les officiers, de 12 % pour les sous-officiers et de 8 % pour les militaires du rang. Il a souligné que cette réforme mettait fin à un système injuste et inadapté puisque calqué sur le mode de rémunération des agents en poste à l’étranger et donc fortement pénalisant pour les célibataires.

Après avoir précisé que l’essentiel des surcoûts liés aux opérations extérieures serait financé par l’ouverture de crédits supplémentaires ou par des redéploiements, il a fait remarquer que le principe fixé en Conseil de Défense, en mars 1997, de couvrir par des ressources extérieures au budget initial de la Défense les dépenses découlant des opérations extérieures exceptionnelles -du type de celles menées en ex-Yougoslavie-, n’avait pas toujours été respecté. Il a souligné que la projection prenant une place croissante dans le nouveau système de défense, il apparaissait pourtant nécessaire d’en tirer les conséquences budgétaires.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la question du contrôle budgétaire des opérations extérieures par le Parlement. Relevant que des progrès avaient été accomplis en ce domaine, comme en témoignait l’audition, pour la deuxième année consécutive, du Ministre de la Défense sur les opérations extérieures en cours, il s’est interrogé sur les moyens d’améliorer les procédures existantes. Il a jugé souhaitable, à cet égard, que les surcoûts liés aux opérations extérieures prévisibles fassent l’objet d’un financement en loi de finances initiale, sans prélèvement à due concurrence sur l’enveloppe normalement allouée aux crédits d’équipement ou de fonctionnement. Il a admis cependant qu’une augmentation de la provision de 160 millions de francs, d’ores et déjà inscrite dans le projet de loi de finances initiale pour 1999 pour couvrir une faible part des surcoûts des opérations extérieures prévisibles, représentait un exercice difficile pendant la période de transition vers l’armée professionnelle.

Il s’est, par ailleurs, prononcé en faveur d’une amélioration de l’information générale du Parlement dans le domaine des opérations extérieures et a rappelé que la Commission de la Défense avait décidé de formuler des propositions à cet effet dans les prochains mois.

En conclusion, M. François Lamy a considéré que le collectif budgétaire permettait au ministère de la Défense d’aborder l’exercice 1999 sur des bases saines. Il s’est réjoui que le ministère de la Défense ait réduit de façon significative les reports de charges pesant sur le titre III, effort d’autant plus remarquable qu’il s’inscrivait dans un contexte financièrement contraint. Rappelant que le budget d’équipement de 1998 devrait être exécuté à hauteur de 70 milliards de francs en raison d’une consommation des crédits plus faible que prévue, il a noté toutefois que, sur les trois derniers exercices, le niveau réel des dépenses nettes en capital s’était établi autour de 75 milliards de francs, alors qu’étaient affichés des montants très supérieurs en loi de finances initiale. Il a alors fait valoir que la réforme en cours de la gestion des crédits d’équipement du ministère de la Défense était de nature à réduire cet écart en améliorant le lien entre loi de finances initiale et budget exécuté.

M. François Lamy a alors invité la Commission de la Défense à donner un avis favorable à l’adoption du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

Après s’être félicité du souci de transparence qui inspirait la réforme de la gestion des dotations d’équipement militaires, M. Arthur Paecht a rappelé qu’il avait vivement critiqué les annulations de crédits associées aux lois de finances rectificatives précédentes et qu’il ne pouvait à présent que renouveler avec la même vigueur sa condamnation de cette pratique. Il a également estimé que, si les crédits ouverts n’étaient pas consommés, c’était en grande partie en raison des pratiques de gel qui empêchaient leur mise à disposition. Il a noté la coïncidence qu’il a qualifiée de curieuse, entre le montant des annulations nettes de crédits sur le budget de la Défense et celui des dotations affectées à la recapitalisation de Giat Industries. Il s’est enfin inquiété de l’insuffisance des dotations prévues au titre des opérations extérieures, au regard notamment de l’évaluation donnée par le Ministre de la Défense des surcoûts entraînés par la mise en place de la force de protection de la mission de vérification du Kosovo.

 

Le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission avait décidé de formuler des propositions relatives au financement et aux procédures de déclenchement des opérations extérieures. Il a souligné que cette question revêtait une actualité d’autant plus grande que les opérations extérieures se multipliaient. S’agissant des opérations reconduites constamment depuis plus de dix ans, comme Epervier, il a observé qu’un réexamen de leur statut s’imposait.

 

M. Michel Voisin s’est félicité de la volonté de transparence dont le Ministre de la Défense avait fait preuve en matière d’opérations extérieures. Il s’est également réjoui de l’inscription de crédits supplémentaires pour couvrir les dépenses de fonctionnement courant de la Gendarmerie, considérant que les nombreuses remarques des députés sur les difficultés rencontrées par cette arme ne devaient pas y être totalement étrangères. Il s’est étonné que l’on puisse assimiler les opérations de maintien de l’ordre de la Gendarmerie mobile dans les départements et territoires d’outre-mer à des opérations extérieures. Enfin, estimant que le surplus de recettes de 14 milliards de francs aurait dû conduire non à des annulations des crédits militaires mais à des autorisations de report sur l’exercice suivant, il a précisé que les groupes DL et UDF s’opposeraient à l’adoption du projet de loi de finances rectificative.

 

M. Georges Lemoine s’est interrogé sur les conditions dans lesquelles étaient financées les interventions des Compagnies Républicaines de Sécurité dans les DOM-TOM et s’est demandé si l’on n’appliquait pas deux types de comptabilité selon qu’il s’agissait de forces de Police ou de Gendarmerie. Il s’est déclaré heureux que les demandes d’amélioration des crédits de fonctionnement des brigades de Gendarmerie aient pu être prises en compte. Enfin, il s’est interrogé sur le contentieux relatif au logement des Gendarmes, qui nécessite l’inscription d’une dotation de 200 millions de francs dans le projet de loi de finances rectificative et s’est inquiété des retards de paiement qui restaient à résorber en ce domaine.

 

M. Robert Poujade s’est également félicité du sort réservé à la Gendarmerie dans le projet de loi de finances rectificative et de l’effort entrepris pour trouver une solution au problème des loyers impayés de la Gendarmerie. Il a considéré que ces améliorations jetaient un peu de lumière dans le clair-obscur qui enveloppait le budget de la Gendarmerie pour 1999.

 

M. Michel Dasseux a indiqué, à titre d’exemple, qu’en sa qualité de Président d’un Office public de HLM, il avait pu constater qu’il était arrivé à la Gendarmerie de laisser s’accumuler d’importants retards de paiement.

 

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a précisé que l’affectation de 60 millions de francs supplémentaires aux dépenses de fonctionnement de la Gendarmerie laissait subsister une interrogation sur la consommation de ces crédits dans la mesure où ils ne peuvent faire l’objet de reports. S’agissant du financement des opérations outre-mer des Gendarmes mobiles, il a émis le vœu que l’ordonnateur du surcroît de dépenses supportées en soit également le payeur. Il a également souhaité que la provision affectée aux opérations extérieures en loi de finances initiale soit plus en rapport avec les dépenses prévisibles et s’est étonné que le modèle d’armée dont s’est dotée la France ne soit pas en mesure de remplir dans un cadre budgétaire normal les missions pour lesquelles il a été élaboré. Il a par ailleurs regretté que la mission Epervier au Tchad, qui peut être désormais assimilée à un dispositif prépositionné, soit toujours considérée comme une opération extérieure, notamment du point de vue budgétaire.

 

Le Président Paul Quilès a souligné la nécessité d’un financement plus rationnel des opérations extérieures. Il a également souhaité que cela permette un débat sur leur justification, voire leur opportunité.

 

M. François Lamy, rapporteur pour avis, s’est interrogé sur le financement en loi de finances rectificative des surcoûts liés à la sécurité des ambassades. Il a précisé, à cet égard, que la protection de l’ambassade de France en Algérie avait entraîné un surcoût supérieur à 50 millions de francs en 1997, que l’on pouvait évaluer pour 1998 à plus de 35 millions de francs, avec la participation de 151 militaires.

S’agissant de l’exécution du budget d’équipement militaire en 1998, il s’est félicité qu’il n’ait donné lieu à aucun gel transformé en annulation. Après avoir indiqué que le montant des reports de crédits d’équipement sur 1999 s’élèverait à environ à 7 milliards de francs, il a relevé que ni le Chef d’Etat-major des Armées, ni le Chef d’Etat-major de l’Armée de terre n’avaient exprimé d’inquiétudes à l’égard des annulations associées au projet de loi de finances rectificative lorsqu’il les a rencontrés.

La Commission a alors donné un avis favorable au projet de loi de finances rectificative pour 1998, les députés RPR et UDF votant contre.

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N° 1230.- Avis de M. François Lamy (au nom de la commission de la défense) sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998 (n° 1210).



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