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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 novembre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen, en troisième et nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive -n° 2620 (M. Marcel Rogemont, rapporteur)

2

- Suite de l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi modifiée par le Sénat relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - n° 2604 (Mme Catherine Génisson, rapporteure)

7

- Examen de la proposition de résolution sur la proposition de décision du Conseil sur les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2001 (COM [2000] 548 final/E 1559) et la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures d'incitation communautaire dans le domaine de l'emploi (COM [2000] 459 final /E 1528) (M. Gaëtan Gorce, rapporteur)

17

- Examen de la proposition de résolution sur la communication de la Commission au Conseil, au parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions relative à l'agenda pour la politique social (COM [2000] 379 final/E 1497) (M. Gaëtan Gorce, rapporteur)

18

- Informations de la commission

20

La commission a examiné, sur le rapport de M. Marcel Rogemont, en troisième et nouvelle lecture, le projet de loi relatif à l'archéologie préventive (n° 2620).

Le rapporteur a rappelé la divergence d'appréciation majeure entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi : le Sénat ne souhaite pas la constitution d'un établissement public administratif doté de droits exclusifs mais celle d'un établissement public industriel et commercial ne disposant pas de tels droits, soumis aux règles de la concurrence s'agissant des travaux archéologiques et placé sur un pied d'égalité avec les services archéologiques des collectivités locales. Le statut d'établissement public industriel et commercial n'est en fait pas adapté aux missions de l'archéologie préventive, qui relève essentiellement d'une démarche scientifique et non d'une logique économique.

Il ne pouvait donc pas y avoir d'accord en commission mixte paritaire et il est proposé de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, sous réserve de modifications ponctuelles, rédactionnelles ou de précision.

M. Bernard Schreiner a contesté la transformation de l'Association française des fouilles archéologiques (AFAN) en établissement public administratif doté d'un monopole pour la conduite des opérations de fouille. Si un tel monopole est concevable pour ce qui concerne l'organisation de l'archéologie préventive sur l'ensemble du territoire et l'étude scientifique des objets exhumés lors de fouilles d'urgence, l'établissement public administratif ne doit pas pouvoir directement exécuter ces fouilles. Celles-ci doivent faire l'objet, comme l'exige la réglementation européenne, d'un appel d'offres et les différents opérateurs doivent être mis en concurrence. Prévoir un monopole prolongera la situation actuelle, où l'AFAN règne en maître sans aucun souci des préoccupations des aménageurs.

M. Bernard Schreiner a cité l'exemple d'un chantier de construction d'un bassin de rétention des pluies d'orages dans sa commune, pour lequel le coût des fouilles préventives s'élevait à 2,5 millions de francs. La commune a décidé de faire un appel d'offres auquel l'AFAN n'a même pas jugé bon de répondre et les services de l'Etat ont finalement poussé la commune à avoir recours à cette association, moyennant une simple convention. De telles lourdeurs pénalisent les collectivités territoriales, qui ne maîtrisent absolument pas le coût et l'ampleur des fouilles.

En réponse, le rapporteur a formulé les observations suivantes :

- L'archéologie préventive est marquée par l'urgence ; il est donc nécessaire de la doter d'une structure permanente, susceptible d'intervenir rapidement.

- L'existence d'un établissement public administratif permettra la réalisation de fouilles sur l'ensemble du territoire national. Un régime de concurrence poserait des problèmes d'aménagement en raison de la grande diversité de l'intérêt archéologique des fouilles : seuls les chantiers les plus « intéressants » (d'un point de vue économique) trouveraient preneur.

- L'institution d'une redevance permet une meilleure prévision des coûts que la procédure d'appel d'offres.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi restant en discussion.

Article premier : Définition de l'archéologie préventive

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur de retour au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour la définition de l'archéologie préventive, sous réserve d'une précision selon laquelle l'archéologie préventive a également vocation à interpréter les données recueillies lors des fouilles.

La commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article premier bis : Rôle de l'Etat

La commission a adopté un amendement de retour au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour la définition du rôle de l'Etat en matière d'archéologie préventive, sous réserve de deux modifications portant respectivement sur la désignation du responsable scientifique et sur l'instauration de délais dans la délivrance par l'Etat de ses prescriptions pour les diagnostics et les fouilles.

La commission a adopté l'article premier bis ainsi modifié.

Article premier ter : Carte archéologique nationale

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur supprimant le deuxième alinéa de cet article qui apporte une précision inutile.

La commission a adopté un second amendement présenté par le rapporteur de retour au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne le régime de publicité des extraits de la carte archéologique et complétant celui-ci afin de prévoir que le décret d'application prévoira également les modalités de communication de la carte archéologique par l'Etat.

La commission a adopté l'article premier ter ainsi modifié.

Article premier quater : Services archéologiques des collectivités territoriales

La commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

Elle a donc supprimé l'article premier quater.

Article 2 : Création d'un établissement public chargé de la recherche en archéologie préventive

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur de retour au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour la définition des missions de l'établissement public administratif, sous réserve d'une précision.

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur de retour au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne le personnel de l'établissement public administratif.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 2 bis : Convention entre l'établissement public et l'aménageur

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur rétablissant le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne la fixation, par convention entre l'établissement public et l'aménageur, des délais de réalisation des diagnostics et des opérations de fouilles et complétant l'article afin de prévoir le cas où un accord entre ces parties ne pourrait pas être obtenu.

La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rétabli.

Article 2 ter A (nouveau) Exploitation de carrières

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 ter : Régime juridique des découvertes archéologiques mobilières réalisées à l'occasion de fouilles préventives

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur de retour au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne la responsabilité de la conservation du mobilier archéologique issu des fouilles durant le temps nécessaire à son étude scientifique.

La commission a adopté un second amendement, présenté par le rapporteur, supprimant le dernier alinéa de l'article qui prévoyait que les vestiges mobiliers appartenant à l'Etat ou à une collectivité territoriale sont déposés en priorité dans le musée classé ou contrôlé le plus proche du lieu de découverte, le rapporteur ayant fait observer qu'un tel établissement n'était pas systématiquement le plus adapté pour recevoir ces vestiges.

La commission a adopté l'article 2 ter ainsi modifié.

Article 4 : Redevances d'archéologie préventive

La commission a examiné un amendement présenté par le rapporteur, de retour au texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne la définition des travaux entraînant le paiement de la redevance d'archéologie préventive.

Le rapporteur a souligné que cet amendement permet également de préciser que :

-  la redevance est également due pour les zones d'aménagement concerté (ZAC) non soumises à étude d'impact ;

- dans les cas où les travaux concernent des lotissements ou des ZAC, l'aménageur est redevable, pour l'ensemble du projet d'aménagement, de la redevance de diagnostic et de celle de fouilles.

M. Bernard Schreiner a estimé que cet amendement posait un problème de solidarité car il va inciter les lotisseurs à reporter le coût des opérations d'archéologie préventive sur le prix des parcelles, ce qui va renchérir le coût du logement individuel.

Le rapporteur a objecté, d'une part, que les habitations à loyer modéré et les constructions à titre personnel étaient exonérées de redevance et, d'autre part, que les communes les moins aisées pouvaient bénéficier d'aides afin de faire face au risque archéologique.

En réponse à une interrogation de M. Edouard Landrain, le rapporteur a précisé que le régime juridique applicable aux découvertes archéologiques fortuites n'était pas modifié et que les frais entraînés par de telles découvertes continueraient de ne pas être exigibles dans les opérations de construction à titre personnel.

La commission a adopté l'amendement du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de M. Serge Blisko prévoyant que la redevance de diagnostic est calculée en fonction de l'ensemble des surfaces pouvant être concernées par les travaux.

M. Serge Blisko a expliqué que cet amendement « d'imprécision » était justifié par le fait que les diagnostics archéologiques peuvent être engagés très en amont, avant que le projet soit définitivement arrêté.

Le rapporteur ayant émis un avis favorable, la commission a adopté cet amendement.

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur, tendant à encadrer le dispositif d'exonération de la redevance d'archéologie préventive prévue pour la construction des logements sociaux en limitant cette exonération à la surface hors _uvre nette effectivement occupée par ce type de logement.

Elle a ensuite examiné un amendement rétablissant, en le complétant, le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne les possibilités d'exonération de la redevance au profit d'une collectivité locale lorsqu'elle réalise directement les opérations de fouille.

Le rapporteur a expliqué qu'il souhaitait, par cet amendement, préciser que l'exonération ne vaut que dans le cas où un service archéologique d'une collectivité territoriale réalise des travaux de fouille pour des travaux d'aménagement dont sa collectivité de tutelle est le maître d'ouvrage.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur de retour au texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ainsi qu'un amendement (n° 1) du Gouvernement précisant le régime de recouvrement de la redevance.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis : Commission de recours

La commission a adopté un amendement du rapporteur de retour au texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en ce qui concerne les modalités d'examen des contestations relatives à la détermination de la redevance, sous réserve d'une correction rédactionnelle et d'une précision sur la composition de la commission de recours.

La commission a adopté l'article 4 bis ainsi modifié.

Article 5 : Coordination

La commission a adopté amendement de retour au texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture présenté par le rapporteur.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 5 bis (articles 11 et 16 de la loi du 27 septembre 1941) : Régime juridique des découvertes archéologiques mobilières réalisées à l'occasion de fouilles programmées exécutées par l'Etat ou de façon fortuite

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 ter (article 18-1 nouveau de la loi du 27 septembre 1941) : Régime des découvertes archéologiques immobilières

La commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant l'article dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

La commission a donc rétabli l'article 5 ter.

Article additionnel après l'article 5 ter : Accès des personnels de l'AFAN aux concours internes de la fonction publique d'Etat

La commission a adopté un amendement de M. Serge Blisko tendant à permettre aux agents de l'AFAN actuellement affectés à des missions de réalisation de la carte archéologique nationale d'avoir accès aux concours internes des corps des fonctionnaires correspondants à ces missions.

Article 5 quater (nouveau) : (article 15-1 nouveau de la loi du 27 septembre 1941) : Récompense des inventeurs de vestiges archéologiques immobiliers découverts de façon fortuite

La commission a adopté un amendement du rapporteur de suppression de cet article prévoyant un régime de « récompense » des inventeurs de vestiges archéologiques immobiliers concurrent de celui rétabli à l'article 5 ter.

La commission a donc supprimé l'article 5 quater.

Article 6 : Rapport au Parlement

La commission a adopté un amendement du rapporteur proposant de remplacer le rapport bisannuel prévu par le Sénat par un seul et unique rapport qui permettra de faire un bilan complet de la mise en _uvre de la réforme trois ans après son adoption.

La commission a adopté l'article 6 ainsi rédigé.

La commission a ensuite adopté l'ensemble projet de loi ainsi modifié.

*

La commission a ensuite repris l'examen, en deuxième lecture, sur le rapport de Mme Catherine Génisson, de la proposition de loi modifiée par le Sénat relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (n° 2604).

Le président Jean Le Garrec a rappelé que restaient en discussion les amendements et sous-amendements relatifs au travail de nuit précédemment réservés.

Article additionnel après l'article 8 septies (articles L. 213-1 à L. 213-6 et L. 122-25-1-1 nouveau du code du travail et article L. 713-9 du code rural) : Travail de nuit

Mme Catherine Génisson, rapporteure, a introduit le débat et exposé les principes sous-tendant l'amendement (n° 12) présenté par le Gouvernement.

Les hommes et les femmes sont égaux devant le travail de nuit. Même si le travail de nuit des femmes est en principe interdit dans l'industrie, sous réserve de dérogations, 55 000 salariées travaillent de nuit dans ce secteur. Par ailleurs, 800 000 femmes travaillent de nuit dans l'ensemble de l'économie. Au-delà de la seule question de l'égalité professionnelle, il est essentiel de réfléchir sur le travail de nuit dans son ensemble.

Les travaux menés conjointement par la commission des affaires sociales et la Délégation aux droits des femmes ont comporté de nombreuses auditions tant des diverses organisations syndicales et patronales que d'experts en médecine du travail ou en chronobiologie notamment. Les auditions ont présenté un intérêt considérable d'autant que les données relatives à la pratique du travail de nuit sont peu nombreuses. Les études objectives, de nature épidémiologique, sont quasi inexistantes. Elles seraient pourtant d'une grande utilité dans l'exercice entrepris d'encadrement du travail de nuit et de protection des travailleurs concernés.

A ce jour, 6 millions de salariés sont couverts par des dispositions conventionnelles relatives au travail de nuit. Les travailleurs de nuit représentent 15 % des salariés, soit 3 millions de travailleurs, dont 21 % des hommes et 7,5 % des femmes. Le recours au travail de nuit des femmes est particulièrement massif dans certains secteurs d'activité : l'éducation et la santé occupent 370 000 femmes, l'administration 60 000, les transports 30 000, les services aux particuliers 90 000 et l'industrie 55 000, en dépit de l'interdiction en vigueur.

L'analyse scientifique et les témoignages recueillis sur sa pratique prouvent que le travail de nuit est préjudiciable à la santé. Il est ainsi susceptible de provoquer des phénomènes de désynchronisation entre les horloges astronomique et biologique ; par exemple, de nombreuses sécrétions hormonales sont réglées sur cette dernière horloge.

Les conséquences en sont très différentes d'une personne à l'autre. Les symptômes peuvent aller de la dépression à des troubles organiques divers. Le caractère « couche tôt » ou « couche tard » des personnes concernées influe sur leur tolérance au travail de nuit. Certaines caractéristiques individuelles peuvent constituer des contre-indications au travail de nuit. Il est par ailleurs constaté que les personnes particulièrement motivées supportent mieux le travail de nuit.

Des mesures doivent être prises concernant les aménagements de cette forme de travail. Il s'agit d'instituer les périodes de travail courtes assorties de prises de repos régulières. La plus grande pénibilité est constatée en fin de nuit.

Le travail de nuit doit être considéré comme un recours ultime, et partant, exceptionnel. Il convient en outre de protéger les travailleurs astreints à une telle organisation du travail. Aujourd'hui, le code du travail est vierge de toute disposition dans ce domaine. Seuls certains accords de branche comportent des mesures d'encadrement et de compensation. Il faut modifier le code du travail afin d'y introduire un véritable encadrement du recours au travail de nuit protecteur des travailleurs.

La restriction du travail de nuit doit être maximale et on ne peut accepter sa banalisation. Il faut en outre assortir ce recours de contreparties fortes aux travailleurs concernés. Il y a là un objectif partagé, même si différentes optiques existent quant aux modalités de mise en _uvre, notamment s'agissant de l'adaptation nécessaire du code du travail.

Dès lors que le travail de nuit est également nocif pour les hommes et pour les femmes, deux approches sont possibles en vue d'harmoniser les normes différenciées aujourd'hui applicables à chaque sexe :

- la première se fonde sur l'affirmation du caractère exceptionnel du recours au travail de nuit, sa nécessaire justification et son strict encadrement par le code du travail ;

- la seconde pose le principe de l'interdiction du travail de nuit pour les femmes comme pour les hommes, immédiatement assortie de dérogations destinées à tenir compte du fait que 3 millions de salariés travaillent de nuit.

Cette seconde approche ouvre l'espoir d'une réelle interdiction du travail de nuit, espoir rapidement déçu parce qu'incompatible avec la réalité. Elle semble en outre moins protectrice : on voit bien que malgré l'interdiction posée par l'article L. 213-1, 800 000 femmes travaillent de nuit sans protection juridique. L'approche par l'interdiction paraît donc inefficace.

En conséquence, l'amendement du Gouvernement privilégie la première approche qui est aussi celle retenue par de nombreux sous-amendements de la rapporteure et de membres de la majorité plurielle.

Le président Jean Le Garrec a estimé que le débat sur le travail de nuit des hommes comme des femmes est un débat difficile et sérieux : plusieurs millions de salariés sont aujourd'hui concernés dans notre pays par ce type d'emplois. Les positions exprimées par les uns et les autres doivent être respectées sur ce sujet délicat. Les approches sur cette question apparaissent, certes, différentes mais une préoccupation commune à tous se dégage dans un objectif de meilleure protection des salariés concernés.

Mme Nicole Bricq, rapporteure au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, a souligné les points suivants :

- Il convient en premier lieu de rappeler le contexte historique dans lequel le principe de l'interdiction du travail de nuit a été posé pour les femmes en France. Il faut se souvenir que dès la Révolution française, une fracture s'est opérée entre ce qui allait devenir le mouvement ouvrier et les revendications spécifiques des femmes en matière d'égalité. La loi de 1892 a établi le principe de l'interdiction du travail de nuit pour ces dernières dans les métiers de l'industrie. Il était, à l'époque, admis que la femme possédait un métabolisme particulier plus fragile que celui des hommes. La logique de la protection de la femme en tant que génitrice a prévalu sur celle de l'égalité entre les hommes et les femmes.

- D'un point de vue économique, il faut rappeler que le travail de nuit a longtemps été, et reste partiellement, plus rémunérateur que le travail de jour. En outre, les femmes ont longtemps été considérées comme des concurrentes potentielles des hommes sur le marché du travail. Aujourd'hui, les études montrent de façon incontestable que la consolidation de la croissance économique et l'augmentation de l'emploi sont notamment dues à l'implication massive des femmes dans le monde du travail dans notre pays. Il faut d'ailleurs observer que le taux d'activité des femmes a toujours été en France particulièrement élevé en comparaison avec d'autres pays.

- Si l'on décide de regarder en face la réalité du travail de nuit, on ne peut que constater la persistance d'une certaine hypocrisie en ce domaine. De fait, de nombreuses femmes travaillent de nuit dans des métiers comme l'entretien des locaux des entreprises. Les dérogations au principe d'interdiction de travail de nuit se sont donc multipliées et actuellement, bien des travaux qui pourraient probablement être effectués de jour sont accomplis de nuit par des femmes qui subissent généralement cette situation comme une véritable contrainte et pâtissent de conditions de travail éprouvantes.

- D'un point de vue juridique, on doit constater que le juge aussi bien national que communautaire fait systématiquement prévaloir le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes sur celui d'une spécificité du travail des femmes. Il convient de clarifier aujourd'hui l'état du droit. Deux solutions s'offrent à nous. Dans la première optique, le travail de nuit est considéré comme nocif pour tous les travailleurs et pas particulièrement pour les femmes ; la conclusion est qu'il faut l'interdire formellement mais, ce faisant, la question n'est pas réglée pour autant. Il est certain que l'interdiction de principe souffrira, comme aujourd'hui, immédiatement de nombreuses exceptions. La deuxième option, qui a la préférence de la Délégation aux droits des femmes, consiste à prendre en compte une réalité du monde du travail incontournable mais à tout faire pour que le travail de nuit soit réellement encadré de manière plus protectrice pour les salariés concernés.

- Le travail de nuit comporte indéniablement une dimension de contrainte supplémentaire lorsqu'il s'agit de salariées femmes. Pour celles-ci, on sait que l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale, déjà souvent difficile pour les femmes en général, devient dans leur situation encore plus délicate. Il faudrait par exemple aider ces femmes à trouver des solutions satisfaisantes en matière de garde de leurs enfants pendant leur travail nocturne.

Le président Jean Le Garrec a relevé que les recommandations de la Délégation aux droits des femmes avaient trouvé leur traduction dans des sous-amendements très intéressants de la rapporteure de la commission qu'il conviendra d'examiner avec attention.

Mme Muguette Jacquaint a fait les observations suivantes :

- La question du travail de nuit est à la fois difficile et grave. On ne saurait trop insister sur le caractère dangereux pour la santé du travail de nuit. Le travail de nuit ne doit en aucun cas être considéré comme une forme de travail moderne inoffensive.

- Les arguments qui étaient dans le passé avancés pour expliquer l'interdiction du travail de nuit des femmes, comme la nécessité d'éviter une concurrence entre les hommes et les femmes sur le marché du travail ou de favoriser le seul rôle de la femme en tant de génitrice, apparaissent aujourd'hui dépassés. Le débat a évolué sur cette question.

- Au regard du droit communautaire, la législation française devrait être revue parce qu'elle introduit une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes. Il pourrait être décidé, pour respecter les principes communautaires, d'interdire le travail de nuit pour les hommes comme pour les femmes afin d'éviter toute différence de traitement. Cette solution permettrait de mettre un terme au scandale du travail de nuit dans certaines industries où il ne se justifie aucunement.

- Le simple fait que la Délégation aux droits des femmes ait émis pas moins de dix-sept recommandations pour encadrer le recours au travail de nuit démontre, s'il en était besoin, à quel point ce type de travail est nocif. Pourquoi dans ces conditions continuer à en accepter le principe ?

- L'approche défendue par le groupe communiste consiste à poser un principe général d'interdiction et à déterminer des dérogations très strictes uniquement pour répondre à des besoins sociaux et techniques. En aucun cas, les besoins économiques et la recherche d'une plus grande rentabilité ne doivent constituer des critères possibles de dérogation. Il est trop de cas aujourd'hui dans lesquels le travail de nuit pourrait être évité. Les abus qui se multiplient dans le secteur industriel doivent être combattus avec force. Il convient d'adopter une approche très ferme en la matière. Dans le cas contraire, notre pays risque de se retrouver en situation de chercher à concurrencer des pays pratiquant le dumping social et n'hésitant à recourir au travail de nuit et au travail des enfants.

- Le fait de poser un principe général d'interdiction n'empêche nullement d'encadrer la pratique du travail de nuit lorsque cela est inévitable - pour des besoins sociaux et techniques - et de prévoir des contreparties obligatoires au bénéfice des salariés concernés.

Le président Jean Le Garrec a relevé l'existence de deux approches différentes mais tout aussi respectables du problème : la première axée sur l'interdiction de principe du travail de nuit, la deuxième tournée sur l'encadrement d'une réalité considérée certes comme négative mais perçue comme incontestable.

Mme Hélène Mignon, après avoir déclaré que sa position personnelle sur le sujet avait été amenée à évoluer, à la suite notamment des auditions organisées par la rapporteure, a distingué le cas du secteur médico-social où le travail de nuit ne paraît pas devoir être remis en cause, des cas de certains secteurs ou services où ce type de travail ne se justifie pas du tout en revanche. Un encadrement efficace du travail de nuit serait de nature à apporter des assurances sérieuses aux salariés concernés. Il ne faut pas se voiler la face : le travail de nuit existe ; il faut le prendre en considération.

M. Maxime Gremetz a relevé que tout le monde s'accorde sur le caractère nocif du travail de nuit. Il existe certes certains services obligatoires de nuit, y compris pour les femmes, par exemple dans les hôpitaux. Mais il n'est pas admissible de remettre en cause une disposition de 1892 qui interdit le travail de nuit des femmes dans l'industrie.

48 000 femmes travaillent actuellement de nuit dans l'industrie. On peut se demander pour quelles raisons : est-il vraiment nécessaire de fabriquer des équipements pour les voitures la nuit ? Est-il normal que des femmes travaillent de nuit pour mettre des légumes en conserve ? Si la loi était respectée, ces dérogations ne seraient pas autorisées car elles n'ont aucune justification.

Le travail de nuit doit être à la fois interdit dans l'industrie, et strictement encadré lorsqu'il faut y avoir recours pour des services absolument nécessaires. Le groupe communiste est fermement opposé à la régression proposée dans ce texte, avec un retour à la situation d'avant 1892, et il votera en conséquence contre l'ensemble de la proposition de loi. En effet, la recherche de l'égalité entre les hommes et les femmes doit aboutir à interdire le travail de nuit pour tous.

Mme Chantal Robin-Rodrigo a souligné la qualité de cette proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, encore améliorée par l'excellent travail effectué par la rapporteure et la délégation aux droits des femmes. S'il y a accord pour dire que le travail de nuit est nocif, il faut l'interdire pour tous. 55 000 femmes travaillent dans l'industrie, c'est trop. Les dérogations nécessaires doivent être accordées par branche, compte tenu d'impératifs sociaux et techniques, mais non pour des raisons économiques.

M. Jean-Pierre Foucher a admis qu'il n'est pas souhaitable de travailler la nuit mais a jugé qu'il serait démagogique d'interdire le travail de nuit, y compris dans l'industrie, sans tenir compte des nécessités techniques des entreprises et des services d'utilité sociale. Il peut exister des justifications du recours au travail de nuit : celui-ci doit être négocié dans le cadre d'accords collectifs afin de le rendre le moins nocif possible.

M. Michel Liebgott a relevé que le problème particulier du travail de nuit ne devait pas occulter celui, plus large, des conditions de travail. Il est parfois plus pénible de travailler à la chaîne le jour que dans les hôpitaux la nuit. Il existe un certain nombre de travailleurs frontaliers qui se déplacent volontairement dans les pays voisins pour aller travailler la nuit. Pourquoi alors interdire aux femmes ce que peuvent faire les hommes ? Il serait grave d'interdire une démarche qui peut être choisie et désirée par certaines personnes pour des raisons économiques ou d'organisation de la vie personnelle. Il faut toutefois encadrer le travail de nuit car il ne doit pas être la règle mais l'exception, choisie et compensée si elle est nécessaire.

M. Bernard Deflesselles après avoir relevé le climat tendu dans lequel se déroulait cette discussion, a souligné le caractère paradoxal de l'amendement déposé par le groupe communiste qui, juste après avoir posé le principe de l'interdiction du travail de nuit, expose les dérogations possibles.

Les propositions du rapporteur permettent de parvenir à un texte équilibré qui devrait être adopté. Sa position est d'ailleurs rejointe par la délégation aux droits des femmes. Ainsi, le travail de nuit serait exceptionnel, efficacement encadré, le moins pénalisant possible, et donnerait lieu à une compensation suffisante.

En conclusion, il a indiqué qu'il s'abstiendrait sur l'amendement du Gouvernement et sur celui du groupe communiste mais qu'il soutiendrait les sous-amendements de la rapporteure tendant à encadrer le travail de nuit.

Le président Jean Le Garrec a rappelé qu'il ne fallait pas perdre de vue que le patronat n'était pas favorable aux propositions du rapporteur parce que celles-ci reviennent sur la situation actuelle caractérisée par l'absence d'encadrement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes, et à l'égalité entre les femmes et les hommes, a indiqué que le nombre élevé de recommandations formulées par la délégation se justifiait par la nécessité d'élaborer une réglementation globale sur ce sujet car actuellement les textes sont très peu protecteurs. En outre, le travail de nuit et ses conséquences sont très mal connus.

La rapporteure a souligné que la discussion montrait la difficulté et la gravité du sujet. Elle témoigne aussi de la volonté d'aboutir à une meilleure réglementation du travail de nuit. Le recours à celui-ci ne doit être possible que lorsqu'il résulte de la nécessité pour l'entreprise d'avoir une activité continue ou répond à une utilité sociale.

Par ailleurs, il faut préciser que le secteur industriel n'est pas monolithique et, dans certaines entreprises, le recours au travail de nuit est une obligation véritable. C'est par exemple le cas dans l'industrie chimique.

Enfin, le travail de nuit des femmes dans le secteur de la santé et dans le secteur médico-social est certes une réalité. Il mériterait cependant sans doute d'être soumis à certaines exigences. De manière plus générale, il n'est pas satisfaisant que les missions dans ce secteur soient assurées à 95 % par des femmes.

La commission a examiné en discussion commune deux amendements, l'un présenté par Mme Muguette Jacquaint visant à interdire le travail de nuit, l'autre (n° 12) présenté par le Gouvernement visant à le réglementer.

La commission a tout d'abord examiné les sous-amendements à ce second amendement (n° 12).

Paragraphe II de l'amendement 12

La commission a examiné en discussion commune un sous-amendement de la rapporteure précisant les conditions de recours au travail de nuit et quatre sous-amendements de M. André Aschieri interdisant ou encadrant le travail de nuit.

La raporteure a indiqué que son sous-amendement avait pour objet de préciser que le recours au travail de nuit devait être exceptionnel et prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Il ne doit y être recouru que dans le but d'assurer des services d'utilité sociale ou bien quand il est strictement nécessaire à la continuité de l'activité économique de l'entreprise. Il s'agit bien d'une formulation restrictive. Sa mise en place suppose par ailleurs la conclusion d'un accord collectif. Compte tenu du caractère dérogatoire du travail de nuit, l'accord collectif ne doit pas avoir fait l'objet d'opposition d'un syndicat majoritaire. Il s'agit là d'une restriction supplémentaire. Enfin cet amendement étend la durée de la période considérée comme travail de nuit. C'est en effet entre 3 heures et 5 heures du matin que se produisent les accidents du travail les plus graves.

Le président Jean Le Garrec a observé que la notion de « continuité de l'activité économique » posait clairement la condition de la stricte nécessité du travail de nuit pour le fonctionnement de l'entreprise.

Mme Chantal Robin-Rodrigo a présenté deux sous-amendements de M. André Aschieri, l'un indiquant que le travail de nuit est interdit, l'autre précisant qu'il s'agit d'un aménagement du temps de travail dérogatoire.

La rapporteure a émis un avis défavorable à ces sous-amendements.

Sur un amendement de M. André Aschieri tendant à élargir la plage horaire constitutive du travail de nuit, la rapporteure a indiqué qu'effectivement la nuit devait être définie de manière large afin de mieux protéger les travailleurs. Dans l'amendement présenté par le Gouvernement, la nuit est définie de vingt-deux heures à cinq heures. Ce sous-amendement définissant la nuit comme la période de vingt-et-une heures à six heures est tout à fait opportun.

Concernant un sous-amendement de M. André Aschieri précisant que la durée d'un poste de nuit ne peut excéder sept heures par vingt-quatre heures, Mme Chantal Robin-Rodrigo a indiqué que si le travail de nuit doit être limité dans sa durée, elle n'était pas favorable à ce sous-amendement.

La rapporteure s'est déclarée défavorable à ce sous-amendement car, en limitant dans sa durée le poste de nuit, on accroît le risque pour le travailleur de devoir effectuer un poste de nuit supplémentaire.

Paragraphe III de l'amendement n° 12

La commission a adopté un sous-amendement de conséquence de la rapporteure rectifié pour fixer à 21 heures la période de nuit et a rejeté les trois autres sous-amendements de M. André Achieri.

La commission a adopté un sous-amendement de conséquence de la rapporteure.

Paragraphe IV de l'amendement n° 12

La commission a rejeté un sous-amendement de M. André Aschieri précisant que la durée d'un poste de nuit ne peut excéder sept heures par vingt-quatre heures.

Paragraphe V de l'amendement n° 12

La commission a rejeté un sous-amendement de M. André Aschieri précisant que la durée d'un poste de nuit ne peut excéder sept heures par vingt-quatre heures.

La commission a examiné un sous-amendement de M. André Aschieri tendant à préciser dans la loi le niveau minimal des contreparties au travail de nuit.

Mme Chantal Robin-Rodrigo a indiqué que les travailleurs de nuit ne doivent pas être abandonnés à la seule négociation collective en matière de contreparties. Le sous-amendement de M. André Aschieri fixe donc le repos compensateur à 15 % et majore les salaires de 35 %, soit donc 10 % de plus que la majoration pour les heures supplémentaires.

La rapporteure a précisé que le travail de nuit fait l'objet dans les entreprises d'une importante négociation puisque 85 % des entreprises ont des accords comprenant des contreparties au travail de nuit. Dans 80 % des cas, ces contreparties sont des majorations financières et dans la moitié des cas, cette majoration est égale ou supérieure à 50 %. A à cette majoration financière s'ajoute parfois la majoration pour heures supplémentaires, voire une prime de nuit. Il ne faut pas donc pas aboutir par la loi à la mise en place de contreparties moins favorables que celles ouvertes par la négociation. Il est, par ailleurs, important que les contreparties au travail de nuit consistent d'abord en des mesures de repos compensateur et ensuite seulement en majorations salariales. Elle s'est donc déclarée défavorable à ce sous-amendement.

M. Maxime Gremetz a proposé de rectifier ce sous-amendement en remplaçant la majoration de salaire de 35 % par une majoration de salaire de 50 %.

La rapporteure a indiqué que certains accords, certes minoritaires, prévoyaient une majoration de 100 %, à l'instar de celui régissant le travail de nuit dans l'industrie de céramique.

Mme Chantal Robin-Rodrigo s'est interrogée sur les 15 % d'entreprises qui n'ont pas d'accords sur ce sujet. Cependant, la définition de ces seuils minimaux dans la loi pose problème et nécessite une expertise complémentaire.

La commission a rejeté ce sous-amendement.

La commission a examiné un sous-amendement de la rapporteure, visant à préciser que le travail de nuit doit obligatoirement être assorti de contreparties en termes de repos, indispensables à la préservation de la santé et de la sécurité des salariés.

La rapporteure a précisé que la contrepartie à privilégier est le repos compensateur. Les majorations salariales ne doivent pas s'y substituer.

La commission a adopté ce sous-amendement.

La commission a rejeté un sous-amendement de M. André Aschieri prévoyant que l'accord de branche définit un socle minimum de garantie, après que Mme Chantal Robin-Rodrigo a indiqué qu'il était satisfait par l'amendement gouvernemental.

La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

La commission a examiné un sous-amendement de la rapporteure visant à remplacer les mots « la conciliation » par les mots « l'articulation » afin de rappeler que vie professionnelle et vie familiale ne constituent pas deux dimensions opposées de la vie du salarié mais deux facettes complémentaires.

La rapporteure a indiqué que la conciliation se solde trop souvent par une résolution du prétendu affrontement au détriment de la vie professionnelle des femmes.

M. Maxime Gremetz s'est déclaré défavorable à ce sous-amendement.

M. Alfred Recours a précisé que le mot de conciliation signifie qu'il y a un nécessaire compromis entre plusieurs contraintes. Le mot d'articulation est donc plus adéquat.

La commission a adopté ce sous-amendement.

La commission a adopté un sous-amendement de la rapporteure tendant à ce que ne soient pas laissées à la charge des travailleurs de nuit la recherche et l'organisation de moyens de transport.

La commission a examiné un sous-amendement de la rapporteure visant à rappeler dans la loi le caractère essentiel des temps de pause généralement déjà prévus par voie conventionnelle.

La rapporteure a indiqué que l'organisation de ces pauses est primordiale dans un triple souci de protection de la santé des salariés, de leur sécurité ainsi que d'une meilleure productivité.

La commission a adopté ce sous-amendement.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure faisant de l'autorisation de l'inspecteur du travail en matière de travail de nuit une solution de dernier recours, utilisable uniquement lorsque l'employeur a auparavant réellement recherché la conclusion d'un accord.

Le président Jean Le Garrec a estimé qu'il était effectivement nécessaire de s'assurer qu'une négociation avait été menée auparavant.

La commission a adopté ce sous-amendement.

Paragraphes V bis et V ter nouveaux de l'amendement n° 12

La commission a adopté un sous-amendement de la rapporteure visant à favoriser le choix par le salarié des horaires qui lui conviennent le mieux par la publicité des postes disponibles, un droit de priorité des salariés en place et un retour facilité à un poste de jour.

Paragraphe V quater nouveau de l'amendement n° 12

La commission a adopté un sous-amendement de la rapporteure visant à préserver la liberté pour le salarié de refuser, en raison d'obligations familiales impérieuses, un passage au travail de nuit sans s'exposer pour autant à un licenciement.

Paragraphe VI de l'amendement n° 12

La commission a adopté un sous-amendement de la rapporteure renforçant la surveillance médicale des travailleurs de nuit.

La commission a adopté un sous-amendement de la rapporteure prévoyant que le non-reclassement du salarié sur un poste de jour doit lui être notifié par écrit.

La commission a adopté un sous-amendement de la rapporteure prévoyant que la mise en place du travail de nuit et son organisation se font en lien avec le médecin du travail.

Paragraphe VIII de l'amendement n° 12

La commission a examiné un sous-amendement de la rapporteure prévoyant que les femmes enceintes ou venant d'accoucher peuvent bénéficier de droit d'un retour sur un poste de jour.

La rapporteure a précisé qu'il était indispensable sur ce point d'aller plus loin que l'amendement du Gouvernement.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que cette disposition était très importante pour les femmes enceintes ou en congé postnatal.

La commission a adopté ce sous-amendement.

La commission a examiné un sous-amendement de la rapporteure supprimant les modalités de garanties de rémunération tout en conservant le principe de celle-ci afin d'éviter que la maternité ne soit assimilée à un état de maladie.

La rapporteure a précisé que, dans le texte proposé, une travailleuse de nuit en état de grossesse ou venant d'accoucher est considérée, pour bénéficier d'un régime de garantie de rémunération, comme malade. Il convient donc de trouver pour ces travailleuses de nuit un régime de garantie de rémunération alternatif.

M. Alfred Recours a indiqué que ce régime pourrait être une allocation forfaitaire spécifique financée par la branche « famille », complétée par une rémunération qui serait à la charge de l'entreprise afin d'inciter celle-ci au reclassement de la salariée. Cette situation concerne 1 000 à 2 000 femmes par an. Une telle mesure aurait un coût pour la branche famille compris entre 100 et 150 millions de francs. Cette solution d'une allocation complétée par une rémunération donnée par l'employeur permettrait sans aucun doute de sortir de l'assimilation de femme enceinte à la femme malade.

Mme Nicole Bricq a rappelé qu'il était indispensable de régler ce problème de la rémunération spécifique de la travailleuse de nuit enceinte ou venant d'accoucher. L'assimilation de la grossesse à la maladie est inacceptable, à l'exception des cas de grossesses pathologiques prévus par le droit en vigueur.

La commission a adopté ce sous-amendement.

Paragraphe IX de l'amendement n° 12

La commission a adopté un amendement de cohérence de la rapporteure supprimant le IX de l'amendement n° 12.

Le président Jean Le Garrec a mis aux voix l'amendement présenté par Mme Muguette Jacquaint et celui du Gouvernement (n° 12), modifié par les sous-amendements précédemment adoptés.

M. Maxime Gremetz a indiqué que le groupe communiste ne prendrait pas part au vote sur l'amendement n° 12.

Mme Chantal Robin-Rodrigo a déclaré qu'elle s'abstiendrait sur cet amendement.

La commission a rejeté l'amendement de Mme Muguette Jacquaint et adopté l'amendement (n° 12) du Gouvernement, modifié par les sous-amendements précédemment adoptés.

Article additionnel après l'article 8 septies : Rapport d'application

La commission a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant un bilan de l'application de la législation relative au travail de nuit avant le 30 juin 2002.

M. Maxime Gremetz a indiqué que le groupe communiste votait contre la proposition de loi.

M. Bernard Deflesselles et Mme Chantal Robin-Rodrigo ont précisé qu'ils s'abstiendraient sur l'ensemble de la proposition de loi.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gaëtan Gorce, la proposition de résolution présentée par M. Alain Barrau au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de décision du Conseil sur les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2001 (COM [2000] 548 final / E 1559) et la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures d'incitation communautaire dans le domaine de l'emploi (COM [2000] 459 final / E 1528) (n° 2728).

Le rapporteur a rappelé que le processus de Luxembourg a mis en place une politique européenne de l'emploi sous la forme de lignes directrices définies régulièrement par le Conseil. La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a souhaité, à chaque fois, examiner ces propositions de lignes directrices avant leur adoption définitive, pour pouvoir présenter ses observations. Celles-ci n'appellent pas de remarques particulières, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ayant toujours soutenu et suivi la position de la Délégation en la matière.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté la proposition de résolution sans modification.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gaëtan Gorce, la proposition de résolution, présentée par M. Gaëtan Gorce, au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions relative à l'agenda pour la politique sociale (COM [2000] 379 final/E 1497) (n° 2730).

Le rapporteur a indiqué que cette proposition porte sur l'élaboration de l'Agenda social européen, dont la mise en place a été décidée en mars dernier lors du sommet de Lisbonne. L'enjeu politique de cet Agenda est important, puisqu'il s'agit d'affirmer la place de l'Europe sociale à côté des autres activités de l'Union, à travers la fixation d'un programme d'actions sur cinq ans (et non plus deux ans comme jusqu'à maintenant) précisant les enjeux, les formes d'intervention et les délais de réalisation.

Cet Agenda social a été préparé par la Commission et la présidence française et est aujourd'hui en négociation avec les quinze Etats membres. En tant que présidente, la France a fait plusieurs propositions qui constituent autant d'avancées sur le licenciement individuel, le suivi des rémunérations ou la prise en compte de l'aspect social dans les dossiers de concurrence. Ces propositions doivent être soutenues par l'Assemblée nationale et quelques compléments pourraient même y être apportés comme, par exemple, la création d'une autorité sociale européenne.

En conclusion, le rapporteur a rappelé que cette proposition de résolution sur l'Agenda social avait été adoptée par la Délégation pour l'Union européenne avec l'abstention de l'opposition.

Le président Jean Le Garrec a observé que les débats sur cet Agenda social reflètent bien la difficulté rencontrée pour mettre en _uvre une politique sociale européenne et a demandé si des progrès étaient actuellement réalisés dans ce domaine.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a considéré que le fait même de mettre en place un agenda social constituait une avancée importante, car jusqu'à maintenant, la Commission se contentait de proposer des programmes d'action sociale, valables pour deux ans et rassemblant ses différentes réflexions et propositions. Il s'agit désormais d'un programme véritablement politique, identifiant des enjeux ainsi que les mesures d'application correspondantes. L'adoption d'un tel agenda permettra également d'affirmer la compétence du conseil des ministres des affaires sociales et de traiter les sujets sociaux en tant que tels, et non pas seulement, comme actuellement, par rapport à des décisions prises par d'autres instances européennes, comme, par exemple, le conseil des ministres de l'économie et des finances.

Par ailleurs, les propositions faites par la France sur le contenu de l'agenda, même si l'accord ne pourra être obtenu qu'au prix d'un compromis forcément en retrait, vont dans la bonne direction. Il s'agirait notamment de reprendre les directives sur l'information et la consultation des travailleurs et sur la société européenne, de favoriser une évolution de la protection sociale des travailleurs, notamment en matière de licenciement individuel, de moderniser la réglementation européenne en matière de santé et de conditions de travail et de permettre la prise en compte de la dimension sociale et de la position des salariés dans les décisions de la Commission en matière de concurrence.

Enfin, en ce qui concerne la lutte contre l'exclusion, le conseil des ministres des affaires sociales a décidé, en octobre dernier, de définir, comme pour la politique de l'emploi, un système de lignes directrices et d'évaluations qui permettra de faire progresser plus rapidement les politiques communautaires de lutte contre l'exclusion. Les progrès sont donc bien réels, même si certaines insuffisances persistent.

L'Europe sociale est encore aujourd'hui plus une expression politique qu'une réalité juridique mais depuis l'Acte unique, un certain nombre de dispositions ont été prises afin de favoriser la décision à la majorité qualifiée dans plusieurs domaines sociaux (conditions de travail, santé, information et consultation des salariés). Avec les mesures décidées au sujet des politiques de l'emploi lors du Sommet de Luxembourg et la négociation actuelle sur l'Agenda social, l'Europe sociale est en train de conquérir sa cohérence.

M. Pascal Terrasse a considéré que l'harmonisation des politiques sociales en Europe était une question délicate car les régimes sont très diversifiés alors que les travailleurs sont de plus en plus conduits à circuler d'un Etat à un autre. L'Agenda social doit donc déboucher sur des mesures concrètes, comme par exemple la fixation d'un statut pour les travailleurs sociaux à domicile ou pour les établissements sociaux et médico-sociaux. Sur ce dernier point, plusieurs Etats membres ont en effet choisi de laisser ce pan de l'action sociale au secteur commercial, ce qui inquiète fortement les établissements français qui s'inscrivent dans la logique d'une activité sociale à caractère non lucratif.

Un problème de convergence semblable existe en matière de retraites : la France a structuré son régime autour d'un système par répartition avec cotisations obligatoires, alors que d'autres pays ont fait le choix d'un système par capitalisation. Les propositions faites au niveau européen doivent donc être compatibles avec les engagements pris en matière sociale par les gouvernements des différents Etats membres.

Le rapporteur a considéré que la si France est plus volontariste que d'autres partenaires en matière de progression de l'Europe sociale, cela peut s'expliquer par le fait que certains de ces partenaires ont aujourd'hui un niveau de protection sociale très différent voire supérieur à celui qui pourrait être obtenu par compromis et y voient donc un risque de contradiction, tandis que d'autres, chez lesquels le niveau de protection est inférieur, ne souhaitent pas être obligés d'introduire des éléments nouveaux dans leur législation sociale. C'est le cas de la Grande-Bretagne, de l'Irlande et, dans une certaine mesure, de l'Espagne.

La discussion s'engage donc dans un contexte compliqué mais la fixation d'un programme réel et la reconnaissance d'une compétence affirmée au conseil des ministres des affaires sociales devraient permettre d'avancer plus rapidement.

Le président Jean Le Garrec a observé que la création de cet Agenda social permettrait au conseil des ministres des affaires sociales de s'appuyer sur des préoccupations identifiées et de disposer d'un champ de responsabilités bien définies alors que, jusqu'à présent, la dominante économique ou monétaire l'emportait presque toujours.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté la proposition de résolution sans modification.

Informations relatives à la commission

La commission a désigné M. Gaëtan Gorce, rapporteur sur :

-  la proposition de résolution sur la proposition de décision du Conseil sur les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2001 (COM [2000] 548 final / E 1559) et la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures d'incitation communautaire dans le domaine de l'emploi (COM [2000] 459 final / E 1528) ;

-  la proposition de résolution sur la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions relative à l'agenda pour la politique sociale (COM [2000] 379 final / E 1497)


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