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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 mars 2001
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition, en présence de la presse, de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie - n° 2936. (

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie - n° 2936.

Mme Elisabeth Guigou a indiqué que ce projet de loi est la traduction de l'engagement pris par le Premier ministre d'apporter une réponse à la perte d'autonomie des personnes âgées. Ce projet fait également suite à des missions d'études confiées par le Gouvernement à Mme Paulette Guinchard-Kunstler et à M. Jean-Pierre Sueur.

Le vieillissement de la population est un phénomène français et européen qui oblige à repenser non seulement notre système de protection sociale mais aussi à voir comment faire de ce phénomène une chance. Il faut penser l'organisation de notre société pour donner toute leur place aux personnes âgées, leur permettre d'exercer pleinement leurs droits de citoyen et aussi tirer le meilleur parti de ce qu'elles peuvent apporter. Il faut que notre société soit une société de tous les âges et que l'on accorde une grande attention aux liens entre générations, qui sont une des clés du renforcement du lien social. Lorsque les personnes âgées sont à la retraite, la société doit les aider à faire de ce temps un temps de bonheur individuel et d'utilité collective.

La perte d'autonomie des personnes âgées porte en germe une limitation de la citoyenneté ; cela implique que sa prise en charge sorte d'une logique d'aide sociale subsidiaire, où elle est actuellement confinée, pour être reconnue pour ce qu'elle est : un nouveau risque social appelant une réponse de la solidarité nationale.

Or, il n'est pas contestable que l'action publique à cet égard n'est pas satisfaisante. Bien sûr, les situations les plus scandaleuses, les mouroirs qu'étaient encore certains hospices il y a trente ans ont, pour la plupart, disparu. Mais il faut bien reconnaître que le bilan de la prestation spécifique dépendance (PSD) est dans l'ensemble décevant : elle ne compte que 135 000 bénéficiaires, car les conditions d'accès sont trop restrictives ; les montants sont trop souvent insuffisants ; il existe de fortes disparités selon les départements. Dans ces conditions, l'essentiel de l'effort repose sur les familles, qui doivent subvenir financièrement aux dépenses provoquées par la perte d'autonomie et s'épuisent parfois physiquement et nerveusement lorsque la perte d'autonomie devient sévère.

La réponse apportée par le Gouvernement dans le présent projet rejoint le débat de la problématique du cinquième risque qui s'entend par analogie avec les quatre risques existants au sein de la sécurité sociale que sont la maladie, la vieillesse, les accidents du travail et la charge d'enfants. L'aspiration à la reconnaissance d'un cinquième risque qui correspond au principe d'égalité des droits sur une base objective a été exacerbée par les disparités de traitement provoquées par la mise en place de la PSD et alimentée par certains exemples étrangers, notamment en Allemagne.

Il faut cependant lever plusieurs ambiguïtés sur cette notion de risque social. La réalité de la prise en charge des risques sociaux par la sécurité sociale admet en effet une assez grande diversité dans l'application des principes théoriques qui les fondent. Ainsi, dans le contexte des prestations de sécurité sociale, l'universalité n'apparaît pas incompatible avec une modulation en fonction des ressources, notamment pour les prestations familiales. De même, la question des modalités au regard des principes d'organisation de la prise en charge d'un risque social est souvent réduite à la revendication d'une gestion par des organismes de sécurité sociale. Il s'agit d'une vision réductrice des choses. L'histoire de notre système de protection sociale est ainsi faite que le vocable générique d'organisme de sécurité sociale recouvre en fait, pour un même risque, une grande diversité d'organismes au demeurant sans liens institutionnels entre eux. C'est ce que l'on appelle les régimes, particulièrement nombreux en matière de retraite.

Il faut plutôt se demander quelle est la solution la plus efficace. Par conséquent, si parler de cinquième risque pour fonder un projet relatif à la perte d'autonomie a une cohérence en exprimant la nécessité de reconnaître un droit égal et objectif, cela n'épuise pas le débat sur les modalités de mise en _uvre. Il y a plusieurs façons d'assurer la mise en _uvre de ce cinquième risque.

Dans ces conditions, le présent projet de loi apporte bien une réponse en termes de risque social. Par ailleurs, il vise à la qualité de la prise en charge des personnes âgées, notamment en soutenant le recours à des services de professionnels.

Il reconnaît d'abord un droit universel puisqu'il n'y a pas de plafond de ressources excluant certaines personnes dont la perte d'autonomie justifierait qu'elles soient aidées. Son montant sera modulé en fonction du degré de perte d'autonomie et du niveau de ressources. La modulation de l'aide en fonction de celles-ci est justifiée dans la perspective d'une compensation des dépenses engendrées par la perte d'autonomie.

Fixer des niveaux d'aide au plan national en fonction de la dépendance est également très important pour assurer l'égalité sur tout le territoire. Sans barème national seraient recréées les conditions de l'inégalité des droits. Bien sûr, on trouvera toujours des situations individuelles qui nécessiteraient des adaptations. Mais dans ce cas, l'aide pourra être majorée par les fonds d'action sociale, dont la vocation est justement de venir compléter les prestations légales et non de s'y substituer comme c'est le cas actuellement du fait de l'insuffisance des dispositifs. Concrètement, l'aide à domicile ira de 600 F/mois pour une personne dont la perte d'autonomie est modérée et gagnant plus de 20 000 F/mois, à 7 000 F/mois pour une personne très dépendante et gagnant jusqu'à 6 000 F/mois.

L'égalité et l'objectivité des droits sont des éléments fondamentaux. L'égalité sera garantie car le montant d'aide sera défini très précisément par décret. Il y aura donc bien un droit objectif et égal, et non plus des situations particulières selon le lieu de résidence. Il s'agira également d'un droit personnalisé. Les montants nationaux par niveau de perte d'autonomie et de revenus prendront la forme de plan d'aide qui seront un véritable droit de tirage pour les personnes âgées. Dans la limite de ce droit de tirage, elles pourront financer toutes les actions qui auront été reconnues nécessaires. Il s'agira ainsi de permettre une adaptation au cas par cas des aides concrètement apportées à chaque personne âgée, pour tenir compte de chaque situation particulière, en fonction de l'environnement, de l'entourage.

La perte d'autonomie n'a pas les mêmes conséquences pour les personnes qui ont pu rester à leur domicile et pour celles qui sont hébergées dans une maison de retraite. Dans ce deuxième cas, il faut en effet distinguer la prise en charge de l'hébergement qui n'est pas liée à la perte d'autonomie, celle des soins financés par l'assurance maladie et la prise en charge de l'aide à la vie quotidienne de la personne. Les besoins nécessaires à la prise en charge des personnes âgées seront désormais précisément mesurés dans chaque établissement et serviront de base au calcul de l'allocation. Cela permettra de tenir compte des coûts précis de l'établissement dans lequel la personne âgée est accueillie, et donc, comme à domicile, de personnaliser l'allocation en fonction des dépenses réelles supportées du fait de la perte d'autonomie dans chaque cas particulier. Les personnes accueillies dans les maisons de retraite bénéficieront aussi d'une baisse du tarif hébergement, en moyenne de 20 %, qui contribuera beaucoup à les solvabiliser.

La récupération sur succession est aussi une question difficile qui suscite de fortes oppositions. En effet, elle pose le problème du partage entre la solidarité familiale, qu'il faut maintenir bien sûr, et la solidarité nationale. Beaucoup considèrent que la récupération sur succession caractérise l'aide sociale. On pourrait cependant observer que le minimum vieillesse, qui est une prestation de sécurité sociale, est également soumis à récupération. Quoi qu'il en soit, le débat doit avoir lieu devant la Représentation nationale sur cette question essentielle du rôle respectif des solidarités familiale et nationale.

Le financement de l'APA reposera sur la reconduction des moyens existants des départements et un effort supplémentaire de leur part, ainsi que sur une contribution des caisses de retraite, pour un total d'environ 11,5 milliards de francs. Le solde sera assuré par l'utilisation de la contribution sociale généralisée (CSG), à hauteur d'environ 5 milliards de francs. Cette fraction de CSG, ainsi que la contribution des régimes de retraite, seront affectées à un nouvel établissement public, le Fonds national pour le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Il en redistribuera le produit aux départements, en fonction de critères de péréquation permettant de tenir compte des différences démographiques et de richesses d'un département à un autre. Les modalités précises de cette péréquation ne sont pas encore déterminées. Le recours à la CSG pour assurer l'équilibre du financement de l'APA correspond à la logique de solidarité nationale sur laquelle repose ce nouveau droit. La CSG en est la meilleure expression du fait de son universalité. Son affectation au Fonds de financement de l'APA est tout aussi logique. La création de ce nouvel établissement public national constitue une nécessité pour reconnaître, sans aller jusqu'à la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale, la perte d'autonomie comme un nouveau risque social.

Les modalités de gestion peuvent paraître innovantes pour une prestation universelle, mais elles ne sont pas contradictoires avec une approche en terme de risque social. La mise en _uvre de l'APA supposera en effet une action de proximité importante. Le versement de l'allocation sera l'objet d'un dialogue approfondi entre le bénéficiaire et les équipes médico-sociales. Celles-ci doivent aller chez la personne âgée, évaluer son niveau de perte d'autonomie, discuter avec elle des aides qui lui seraient nécessaires, enfin élaborer un plan d'aide qui soit l'aboutissement de ce travail. Cela nécessite d'avoir des équipes de terrain, de connaître les services d'aide à domicile disponibles localement et de pratiquer la coordination gérontologique.

C'est pourquoi le présent projet de loi confirme la compétence des départements dans la mise en _uvre de cette nouvelle allocation, en les associant étroitement aux caisses de retraite. L'objectif poursuivi est de généraliser les partenariats qui existent déjà dans nombre de départements, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité. Il s'agit en effet d'assurer la mobilisation de tous les moyens existants, aujourd'hui répartis assez largement entre ces deux catégories d'institutions.

S'engager dans la voie de la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale n'aurait finalement aujourd'hui servi qu'à attiser les querelles de territoire entre les différents acteurs, sans apporter plus aux personnes âgées, compte tenu de la dissémination actuelle des compétences. L'objectif du Gouvernement est donc double : la reconnaissance d'un nouveau risque social dans le cadre de la solidarité nationale sur le plan des principes ; la recherche de l'efficacité dans un cadre pragmatique pour la mise en _uvre.

Cette mise en _uvre doit permettre une prise en charge de qualité. Plusieurs mesures ont déjà été annoncées dans cette perspective :

- La diffusion progressive des comités locaux d'information, de liaison et de coordination (CLIC) d'ici 2005. Le réseau des CLIC maillera le territoire au niveau des bassins de vie et offrira aux personnes âgées et à leur famille une porte d'entrée dans le dispositif de prise en charge, pour faciliter l'accès aux différents services. 25 sites ont été expérimentés en 2000 et 70 millions de francs prévus dans la loi de finances pour 2001.

- Un plan de médicalisation, qui se traduit par l'augmentation forte des crédits d'assurance maladie en faveur des maisons de retraite et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), sur une durée de cinq ans, avec 7,2 milliards de francs de mesures nouvelles.

Il faut aussi apporter une attention particulière à l'aide à domicile, car c'est autour d'elle que s'articule la prise en charge de la perte d'autonomie et c'est grâce à elle que peut être évitée ou retardée l'entrée dans les établissements spécialisés. Il s'agit d'inciter les personnes âgées à recourir aux services d'aide à domicile, qui apportent généralement une meilleure qualité et plus de continuité dans la prise en charge. Il faut cependant laisser la liberté de choix aux personnes âgées et à leur famille et penser aussi aux contraintes pratiques qui ne permettent pas toujours d'organiser une prise en charge par l'intermédiaire d'un service d'aide à domicile.

Dans cette perspective, le présent projet de loi prévoit que l'équipe médico-sociale définira quel est le mode d'intervention qui lui paraît le plus approprié compte tenu de la situation de la personne. Si celle-ci est très dépendante, elle sera prioritairement orientée vers un service d'aide à domicile agréé, sans que cela constitue une obligation. Le montant de l'aide pourra également être modulé pour tenir compte des différences de qualité.

L'aide à domicile doit aussi trouver des financements. L'APA est bien sûr un élément de réponse, puisqu'elle permettra une meilleure solvabilisation des personnes âgées, et donc facilitera le recours aux associations. Les montants de prestation ont été estimés afin de correspondre aux plans d'aide les plus élevés actuellement constatés, à un coût horaire proche de celui des associations d'aide à domicile. La demande adressée aux associations va donc fortement augmenter. Par ailleurs, le présent projet crée un Fonds de modernisation de l'aide à domicile, dont l'objet sera de contribuer au financement d'actions de formation, de soutien à l'encadrement, de développement des services et de toutes mesures susceptibles de favoriser la professionnalisation du secteur.

C'est donc une politique ambitieuse que le Gouvernement entend mettre en _uvre pour apporter une réponse adaptée aux questions que pose la perte d'autonomie des personnes âgées. Il s'agit rien de moins que de rompre avec une partie de l'histoire de notre pays sur ce sujet pour instaurer un nouveau droit relevant de la solidarité nationale, faisant de la perte d'autonomie un nouveau risque social.

Après l'exposé de la ministre, Le président Jean Le Garrec a fait les observations suivantes :

- Le projet de loi aujourd'hui en discussion représente une formidable avancée. La façon très ouverte dont la ministre a présenté ce texte témoigne de son souhait de mettre en place un système efficace et rapidement opérationnel.

- La question de la récupération sur succession doit être posée afin d'aboutir à une solution à la fois souple et ouverte. Il est logique de prévoir un calcul en fonction des revenus de la personne mais il faut éviter les blocages en la matière.

- Il serait très utile que les députés puissent disposer du texte du décret d'application en préparation au cours des débats parlementaires avant le vote définitif du projet de loi, notamment en ce qui concerne les critères de péréquation entre départements. Ces critères devraient reposer sur la capacité contributive des personnes et le nombre global des personnes âgées par rapport au reste de la population.

- Il faut prendre en considération la demande forte et légitime de bon nombre de personnes âgées souhaitant rester à leur domicile le plus longtemps possible. Parallèlement, il faut réfléchir à l'amélioration du fonctionnement des institutions spécialisées dans l'accueil de ces personnes.

M. Pascal Terrasse, rapporteur, après avoir félicité Mme Paulette Guinchard-Kunstler de sa nomination comme secrétaire d'Etat chargée des personnes âgées, a fait les remarques suivantes :

- Le projet de loi en débat constitue le cinquième grand chantier social de cette législature après les lois sur la réduction du temps de travail, sur les emplois-jeunes, sur la lutte contre les exclusions et sur la couverture maladie universelle. La loi contribuera à corriger les injustices flagrantes constatées aujourd'hui.

- Dans nos sociétés modernes, le nombre de personnes âgées et dépendantes, et atteintes de maladies neuro-dégénératives ne cesse d'augmenter mais la définition de la dépendance est difficile à trouver : il est certain que cette notion ne se résume pas au handicap, à l'incapacité ou à l'existence d'un désavantage. Ce qui importe aujourd'hui est de redonner leur dignité à ceux qui l'on perdue, ce qui est un acte de citoyenneté.

- L'APA sera un droit universel, égal et personnalisé. Plus que la question de savoir si un cinquième risque est ainsi créé, le point important réside dans la solvabilisation du risque dépendance. A cet égard, il apparaît clairement que l'échelon le plus adéquat en termes de gestion est celui de la proximité : c'est donc le département qui doit être privilégié.

- Il convient de sortir de la notion d'aide sociale pour aller vers celle d'action sociale.

- La discussion sur ce projet de loi pourrait être l'occasion de réfléchir encore à la réforme de la tarification. Celle-ci pourrait éventuellement être contenue dans un des décrets d'application de la loi.

- Il est nécessaire de créer un fonds de financement de l'APA fonctionnant sur la base d'une péréquation entre les départements. Mais les critères de cette répartition doivent encore être précisés. Si le nombre de Rmistes ne paraît pas un critère opportun, celui du nombre de personnes bénéficiant du fonds national de solidarité pourrait être plus pertinent.

- La loi qui sera prochainement votée devra être lisible et simple ; les procédures prévues devront être accessibles à tous. Par ailleurs, il serait utile d'avoir dans les plus brefs délais connaissance du contenu des décrets d'application afin, le cas échéant, de les modifier.

En réponse, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a apporté les éléments suivants :

- La question de la récupération sur succession n'est pas encore tranchée. Le montant de la récupération partielle qui sera fonction des revenus et des ressources de la personne devra être fixée par décret. Le projet de loi vise à relever le plafond de 300 000 francs actuellement à un montant d'un million de francs. La logique de contributivité ne doit pas être oubliée cependant.

- Les décrets d'application notamment s'agissant des critères de la distribution des crédits du fonds de péréquation seront transmis pour information aux parlementaires pendant la discussion devant les deux assemblées.

- S'agissant de la tarification des établissements, un texte de décret est actuellement prêt. Un équilibre doit être trouvé entre le tarif de la prestation selon qu'elle est servie à domicile ou en établissement. En effet, le coût du maintien à domicile est supérieur à celui de l'hébergement en établissement.

M. Yves Bur a rappelé que la PSD était considérée dès le départ comme un dispositif destiné à être amélioré avec le temps. On ne peut donc que se féliciter que la croissance économique permette aujourd'hui cette amélioration.

D'aucuns ont souligné les difficultés de mise en _uvre rencontrées par la PSD ainsi que la mauvaise volonté de certains départements : sans nier les problèmes, il convient néanmoins de reconnaître que de gros efforts ont été faits en 1997 et que l'APA reprend beaucoup d'acquis de la PSD qu'il s'agisse de la gestion par les départements, du rôle de l'équipe médico-sociale ou de la grille AGGIR.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- En ce qui concerne la récupération sur héritage, il serait intéressant d'avoir une idée des montants réellement récupérés depuis la mise en _uvre de la PSD. Ceux-ci sont sûrement minimes, le principe de la récupération étant plus théorique que réel.

- La nouvelle prestation va avoir pour résultat de solvabiliser la demande mais également d'accroître la pression sur les associations de services à domicile qui rencontrent déjà aujourd'hui des problèmes d'effectifs et de recrutement. On peut donc se demander comment ces associations vont pouvoir faire face à cette nouvelle demande.

- Certains départements manquent encore de ce que l'on pourrait appeler une « culture gérontologique ». Pour les inciter à une plus grande implication dans cette question, peut-être la loi devrait-elle prévoir, pour les départements, l'obligation d'élaborer un schéma directeur en la matière.

- Les établissements n'ont pas tous les moyens dont ils auraient besoin pour assurer une prise en charge satisfaisante des personnes dépendantes et l'on peut craindre que le versement direct de l'APA aux personnes ne permette pas d'améliorer ce point.

Mme Hélène Mignon a fait les remarques suivantes :

- Personne ne regrettera la disparition de la PSD au regard de la nouvelle prestation qui rétablit heureusement l'égalité républicaine.

- En ce qui concerne les barèmes applicables, la différence de prestation servie pour le maintien à domicile et le séjour en établissement devra être bien expliquée afin qu'elle ne pousse pas certaines familles à retarder le placement en institution de personnes qui le justifieraient.

- La qualité des soins apportés aux personnes âgées dépendantes doit être une préoccupation constante. Or, tout le monde sait aujourd'hui que les associations rencontrent de sérieux problèmes d'effectifs, de salaires et de conditions de travail. Le maintien à domicile doit sérieusement être considéré comme un gisement d'emploi et donc bénéficier de programmes de formation spécifiques.

- Il serait nécessaire de trouver de meilleures réponses aux besoins particuliers des personnes atteintes de maladies dégénératives comme la maladie d'Alzeihmer, dont la grille AGGIR ne permet pas la juste prise en compte.

- La récupération sur succession devrait pouvoir être modulée suivant les régions car elle pèse souvent sur le patrimoine immobilier, dont la valeur relative est très variable selon les départements. Il serait donc préférable de renoncer à ce principe de récupération et de faire jouer la solidarité nationale.

M. Denis Jacquat a rappelé que la loi sur la PSD avait bien été conçue comme une première étape dans la prise en charge collective de la dépendance. Le dispositif n'a pas eu l'efficacité espérée, car de nombreux conseils généraux n'ont pas « joué le jeu » et ont cherché, avant tout, à limiter le coût de la mesure.

Malgré les améliorations proposées pour la nouvelle prestation, il est à peu près certain que l'on sera, dans l'avenir, conduit à créer un cinquième risque pour la prise en charge de la dépendance.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- La différence entre la prestation servie pour le maintien à domicile et celle prévue pour le placement en établissement est trop importante : la prise en charge des cas les plus lourds ne pourra pas être assurée par les institutions.

- Il convient d'insister sur la faiblesse des rémunérations et du statut professionnel des personnels des associations de service, ce qui explique les difficultés de recrutement.

- L'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) qui existait avant la PSD n'était pas récupérable sur les successions ; ce principe de récupération est très mal ressenti par les personnes dépendantes qui ont le sentiment de léser leurs héritiers.

- Il est fort regrettable qu'une nouvelle fois le texte demeure muet sur la prévention des risques.

- Il serait intéressant de préciser dans la loi la définition des « établissements de petite taille », les conditions dans lesquelles les fonctions de prescripteur et de prestataire seront compatibles, les possibilités de libre choix des intervenants et enfin l'âge à partir duquel les personnes dépendantes pourront avoir accès à la prestation.

M. Bernard Outin a évoqué la différence prévue entre l'allocation de maintien à domicile et l'allocation pour le placement en établissement. Il est certes tout à fait justifié de vouloir, par ce biais, privilégier le choix de la personne âgée, mais il convient également de prendre en compte les souhaits de la famille et les éventuelles difficultés pratiques voire médicales du maintien à domicile. La différence entre les deux allocations risque de créer des contraintes difficiles à vivre au quotidien.

Quant au financement de la prestation, le potentiel fiscal semble être une bonne base de référence car il existe des communes riches avec une population pauvre et des communes pauvres avec une population riche.

M. Patrice Martin-Lalande a rappelé que la PSD a constitué en 1997 un progrès par rapport à l'allocation compensatrice, tout en étant considérée comme une étape dans la prise en charge collective de la dépendance. Des principes d'action fixés à l'époque sont d'ailleurs repris aujourd'hui comme l'organisation de la prestation autour des choix de la personne dépendante et la volonté de privilégier le maintien à domicile.

Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- La fixation à 60 ans de l'âge minimum pour bénéficier de la prestation laissera de côté toutes les personnes de moins de 60 ans touchées par des maladies dégénératives.

- Le montant de l'allocation prévue pour le placement en établissement ne sera pas suffisant pour permettre à ces institutions d'améliorer les conditions d'accueil comme cela serait d'ailleurs pourtant nécessaire.

- Le manque de personnel pose des difficultés, dans le domaine de la sécurité par exemple, un engagement supplémentaire en la matière constituant une condition déterminante de la bonne mise en _uvre de la loi.

- Le niveau de l'APA est trop faible pour les personnes en établissements.

- La suppression de la récupération sur succession serait opportune même s'il convient de trouver un autre mécanisme tenant compte du patrimoine de la personne dépendante.

- Le financement constitue un problème crucial à plusieurs titres : s'il sera pris en charge pour les deux tiers par les départements les premières années, le reste du financement relève d'un prélèvement sur le FSV initialement destiné au financement des 35 heures et aucune disposition n'est prévue pour financer la montée en charge du dispositif après 2003. Ce texte constitue indéniablement un progrès mais la question du financement de l'allocation sera au c_ur du débat.

M. Jean-Paul Durieux a souligné que la loi était très attendue, compte tenu notamment des limites du dispositif antérieur perçues dès 1997 et, en particulier, du très faible nombre de bénéficiaires.

La réussite de la présente réforme suppose la réunion de plusieurs conditions :

- Il faut mener le plus en amont possible le travail de rédaction des décrets et de pré-instruction des 650 000 dossiers supplémentaires qu'entraînera son adoption ; la mise en _uvre de la loi doit intervenir dès le début de l'année 2002.

- On a évoqué la création d'un « cinquième risque » ; il faut, compte tenu de l'allongement de la durée de vie, en asseoir le financement sur la solidarité nationale et donc envisager à terme la création d'une cotisation obligatoire spécifique.

- La récupération sur succession revêt un caractère problématique, étant particulièrement mal vécue par des personnes qui ont épargné toute une vie en pensant notamment aux générations suivantes ; elle constitue une sanction à l'encontre des personnes dépendantes vivant le plus longtemps et une récupération maximale sur les plus aidées, donc celles bénéficiant des ressources les plus faibles.

- Enfin, il faut réfléchir au renforcement du personnel qualifié dans les structures d'hébergement ainsi que sur leur statut, leur rémunération et l'utilisation de ce personnel.

M. Georges Colombier a rappelé que, dès 1996, la PSD avait été conçue comme une loi transitoire. L'APA répond à sa nécessaire évolution et s'appuie d'ailleurs sur un certain nombre de principes identiques : une prestation universelle, en nature et de qualité. Toutefois, le projet suscite quelques interrogations et critiques :

- Il existe dans l'opinion une ambiguïté sur les notions de « besoin » et de « droit financier » ; il faut dissiper l'idée que l'APA s'élèverait de façon automatique à 7 000 francs.

- L'APA pour les personnes en établissements pose des difficultés considérables et appelle une solution provisoire dès lors que les conventions tripartites ne pourront pas être signées au 1er janvier 2002. Il faut par ailleurs accentuer la médicalisation des établissements.

- La réforme de la tarification reste une « usine à gaz », maintient des disparités importantes selon que la personne dépendante est à domicile ou en établissement et suppose que l'on trouve un équilibre satisfaisant, notamment par la mise en place d'un barème adapté.

- Le recours sur succession constitue une source de brouille dans les familles et fait abstraction du fait que ce sont souvent aujourd'hui les personnes âgées qui aident les plus jeunes et non plus l'inverse.

- Le projet reste dans une logique d'aide sociale, dont il faut sortir pour aller vers la mise en place d'un « cinquième risque » pour lequel la solidarité nationale doit jouer dans la mise de fonds initiale avant que les cotisations ne prennent le relais.

M. Alain Néri a formulé les remarques suivantes :

- Alors que l'Assemblée nationale avait eu à débattre de l'allocation autonomie-dépendance dès 1992, il a fallu attendre 1997 pour que la PSD se mette en place avec les imperfections que l'on sait. Il faut maintenant aller vite et, pour ce faire, préparer dès à présent les textes d'application et l'étude des dossiers.

- La solidarité nationale doit s'appliquer à ceux qui en ont le plus besoin et la récupération sur succession entre parfaitement dans cette logique ; il convient de rappeler qu'elle ne s'appliquerait qu'au-delà d'un million de francs et que, l'un des conjoints ayant fréquemment disparu, elle s'applique en fait lorsque le patrimoine dépasse deux millions de francs ; la mesure de récupération doit s'inscrire dans une démarche d'égalité de traitement et repose assurément le problème de l'obligation alimentaire. Comment pourrait-on la supprimer pour l'APA et la maintenir pour le minimum vieillesse ?

- S'agissant de la tarification, un effort important est consenti en faveur du maintien à domicile ce qui constitue une bonne chose, il faut éviter les placements en établissements intempestifs.

- Il faut veiller aux conséquences des mécanismes de péréquation pour les départements comportant une forte proportion de personnes âgées.

- Il faut instaurer un prix de journée unique dans le même établissement afin de favoriser la solidarité interne et d'éviter les conséquences psychologiques désastreuses d'un changement de prix qui illustrerait l'aggravation de la dépendance.

- Il faut se pencher sur la question du personnel, et notamment de ceux travaillant dans les établissements gérés par les centres communaux d'action sociale dont les statuts sont inférieurs à ceux du personnel de la fonction publique hospitalière ; une réflexion s'impose également sur leur rémunération et leur nombre.

M. Pierre Hallier a déclaré que le projet de loi était une avancée indiscutable.

La PSD a échoué pour trois raisons :

- la non-prise en compte du GIR 4 ;

- la récupération sur succession ;

- l'absence de coordination entre les différents interlocuteurs.

Aujourd'hui, la coordination entre les diverses structures, CLIC, départements est défaillante. Par ailleurs, la prise en charge de la maladie d'Alzeihmer demeure insuffisante.

M. Marcel Rogemont a indiqué que le recours sur succession était tout à fait moral et tous les députés n'étaient pas hostiles à ce dispositif qui ne doit cependant pas constituer un obstacle à la demande de l'allocation. Cette question doit, en tout état de cause, être étudiée dans le cadre de la prise en compte du niveau de revenus des intéressés prévu par dispositif.

M. Germain Gengenwin a déclaré que la ministre de l'emploi et de la solidarité avait raté l'occasion de rentrer dans l'histoire sociale du pays en ne voulant pas créer un cinquième risque. De ce fait, le financement du dispositif n'est pas à la hauteur des espérances à satisfaire.

Aujourd'hui, - il faut avoir le courage de le dire - les retraités, particulièrement ceux de la fonction publique, font partie des Français qui sont à l'aise ; aussi ils pourraient participer au financement d'une prestation dépendance. Il est obsolète et inique que les quatre taxes locales financent l'aide sociale.

En réponse aux intervenants, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a apporté les éléments suivants :

- Une majorité de députés semble défavorable au principe de la récupération sur succession. On estime le montant de cette récupération entre 600 et 700 millions de francs, toutes aides sociales confondues.

- Les services d'aide à domicile devraient bénéficier du projet de loi dans la mesure où les personnes âgées vont être solvabilisées. La qualité de ces services devrait être renforcée. Depuis quatre ans de nombreuses mesures vont dans le sens d'une amélioration de la qualité de ces services et de leur développement : l'exonération de charges sociales pour l'emploi d'une aide à domicile ; l'augmentation de 2000 places par an en services de soins infirmiers et enfin à partir de 2000, l'augmentation jusqu'à 5000 du nombre d'auxiliaires de vie.

- Ce projet de loi tend à favoriser l'aide à domicile de préférence au placement en établissement. L'équilibre est difficile à trouver entre ces deux types de prise en charge. Il faut tenir compte du coût plus élevé de l'aide à domicile. L'aide à domicile demeure la priorité même si des mesures ont été prises dans le secteur médico-social : augmentation de 5,8 % de l'enveloppe médico-sociale dans la loi de financement pour 2001 ; plan de médicalisation pour les personnes âgées dépendantes d'un montant annuel de 6 milliards de francs sur cinq ans. Il s'agit à n'en pas douter d'un effort exceptionnel sans précédent.

- La grille AGGIR constitue un outil technique qui ne doit pas rester figé.

- Les conseils généraux verront leur politique encadrée par l'existence d'un barème national. La gestion par la sécurité sociale ne constitue pas une garantie contre tous les aléas, certains errements dans l'évaluation du handicap par les COTOREP en constituent la preuve. Le projet de loi fait le choix de la proximité.

- La taille des établissements se définit en croisant deux critères : le nombre de personnes accueillies dans ces établissements et le nombre de personnes âgées dépendantes.

- Le texte essaie de limiter au maximum les conflits d'intérêt entre les organismes prestataires et les organismes évaluateurs. Mais là encore, il s'agit avant tout de respecter le libre arbitre de la personne âgée et son choix.

- Une réponse aux inquiétudes quant à la qualité du service rendu aux personnes dépendantes trouvera sa réponse tant dans le fonds de modernisation que dans la formation des travailleurs sociaux.

- Les remarques sur les critères de répartition du fonds national de péréquation seront prises en compte.

- En matière de financement, ce projet est ambitieux et ne ferme pas la porte à la création d'un cinquième risque. Le choix a été fait de recourir à la CSG prélevée sur le fonds de solidarité donc à la solidarité nationale. Un « rendez-vous » a été prévu en 2003 pour faire le point en fonction de la demande qui se sera manifestée.


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