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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 49

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 11 septembre 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur le projet de loi relatif aux droits des malades et la qualité du système de santé - n° 3258 (MM. Claude Evin, Jean-Jacques Denis, Bernard Charles, rapporteurs).

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur le projet de loi relatif aux droits des malades et la qualité du système de santé - n° 3258.

M. Bernard Kouchner a exprimé sa satisfaction de voir un texte, sur lequel le Gouvernement travaille depuis longtemps, entrer dans sa phase parlementaire. Les droits des malades, la qualité des soins, le développement de la prévention, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique constituent, en effet, autant de sujets prioritaires.

Ce projet de loi propose une réforme d'ensemble du fonctionnement du système de santé afin de le démocratiser et de poursuivre sa modernisation.

Il fallait en effet prolonger et compléter par une loi d'ensemble les changements importants récemment intervenus dans ce domaine afin de poursuivre la modernisation de notre système de santé, comme le renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, la lutte contre les exclusions dans le domaine de la santé, la mise en place d'une couverture maladie universelle qui assure la gratuité des soins pour les personnes les plus démunies, le développement des soins palliatifs, la réforme de la législation sur l'interruption volontaire de grossesse, la réforme des études médicales.

Par ailleurs, d'importants progrès thérapeutiques ont été réalisés ces dernières années, des espoirs formidables sont nés pour le traitement du cancer ou des maladies de la vieillesse. Dans le même temps le malaise hospitalier, la crise d'identité des professionnels libéraux, la revendication d'un rôle nouveau pour les associations se sont exprimés avec force. Enfin, le drame du sang a mis en lumière les conséquences tragiques des dérives possibles de la médecine et la nécessité d'une politique déterminée de sécurité sanitaire.

Il fallait donc aussi prendre en compte ces évolutions mais aussi ces aspirations, ces doutes et ces remises en cause. C'est pourquoi une réforme d'ensemble du fonctionnement du système de santé, afin de la démocratiser et de le moderniser, était nécessaire.

La préparation de ce projet de loi a été annoncée par le Premier ministre lors de la clôture des états généraux de la santé qui se sont déroulés de l'automne 1998 à fin juin 1999 et qui ont mobilisé un grand nombre de participants. Les quelque mille réunions qui ont été organisées dans ce cadre, et qui ont été un formidable exercice de démocratie, ont montré une forte demande du public, et notamment des associations de malades et d'usagers, en faveur d'une médecine plus humaine et d'une politique de santé plus complète et plus globale.

Les conclusions de ces états généraux de la santé ainsi que les réflexions engagées par les pouvoirs publics sur d'autres aspects du fonctionnement du système de santé ont servi de base à la rédaction du présent projet de loi.

Ce projet répond aux attentes légitimes des malades et de la population, mais aussi des professionnels, notamment en définissant les conditions d'un équilibre harmonieux des responsabilités entre les usagers, les professionnels, les institutions sanitaires et l'Etat. Il a pour objectifs de développer la démocratie sanitaire, d'améliorer la qualité du système de santé et de mieux réparer les risques sanitaires.

Il faut aussi souligner que ce projet a fait l'objet d'une très large concertation avec l'ensemble des représentants des usagers et des professionnels.

Le projet se présente sous la forme d'un triptyque : les droits des personnes, la qualité de notre système de santé et la réparation des risques sanitaires en cas de dommage.

Le titre premier tend tout d'abord à poser les conditions d'une véritable démocratie sanitaire.

Il consacre ou étend les droits de la personne malade, particulièrement nécessaires dans le contexte de grande vulnérabilité liée à la maladie. Il affirme notamment le droit à la dignité, à la protection contre les discriminations, au respect de la vie privée, à la prévention et à la qualité des soins. Il établit de manière claire le droit de prendre les grandes décisions concernant sa propre santé, notamment par le biais du consentement libre et éclairé. Il pose le principe du droit de chacun à accéder directement, s'il le souhaite, aux informations médicales le concernant.

Il encadre de manière plus stricte les modalités selon lesquelles sont prononcées les hospitalisations sans consentement pour troubles mentaux. En particulier, la liste des critères permettant aux préfets de prononcer des hospitalisations d'office est modifiée : désormais le critère de la nécessité des soins sera indispensable et prioritaire pour prononcer une hospitalisation d'office et ceux ressortant de la sécurité publique s'ils ne sont pas écartés sont restreints aux atteintes à l'ordre public présentant un critère de gravité.

Ce texte crée également un statut nouveau pour les associations représentant les malades et usagers qui remplissent certaines conditions d'activité et de représentativité. Il leur reconnaît une place et un rôle dans toutes les instances participant à l'élaboration et à la gestion des politiques de santé ainsi qu'un droit renforcé d'agir en justice.

Il aménage et clarifie les modalités selon lesquelles les professionnels et les établissements de santé sont tenus de déclarer en particulier les accidents médicaux les affections iatrogènes, les infections nosocomiales. Il prévoit également les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut mettre en demeure les professionnels et les institutions sanitaires de procéder à l'information des personnes concernées en cas d'anomalies survenues lors d'un traitement ou d'une investigation médicale.

Il comporte par ailleurs un certain nombre de dispositions visant à préciser et à étendre les obligations déontologiques des professionnels de santé et des experts qui sont consultés par le ministre chargé de la santé ou les agences de sécurité sanitaire, afin de permettre à l'administration de vérifier que l'indépendance professionnelle des intéressés est préservée. Il prévoit de même que les agences de sécurité sanitaire sont tenues d'organiser tous les ans des débats publics sur des thèmes de santé publique.

De même, il fait de la région le socle des politiques de la santé en instituant un conseil régional de la santé qui se substitue aux instances consultatives actuelles (conférence régionale de santé, CROSS...).

Enfin, il prévoit en amont de la loi de financement de la sécurité sociale et à partir de l'analyse des besoins au niveau des régions, l'élaboration d'un projet de politique de santé par le Gouvernement, projet transmis au Parlement et soumis à débat public.

Le titre II du projet comporte de nombreuses dispositions visant à améliorer la qualité du système de santé.

Certaines tendent à garantir les compétences des professionnels. Elles visent par exemple à permettre la suspension d'un praticien dangereux par le préfet ou à encadrer celles des activités de chirurgie esthétique qui aujourd'hui se déroulent hors de tout contrôle sanitaire en créant un système d'autorisation pour les structures de chirurgie esthétique.

Dans le même esprit des dispositions concernant l'ANAES visent à développer sa mission d'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population et des pratiques.

L'obligation de formation médicale est affirmée. Le dispositif actuel qui était inapplicable est réformé et ses dispositions sont étendues à l'ensemble des médecins qu'ils soient libéraux, hospitaliers ou salariés d'autres organismes que l'hôpital.

Le texte modernise profondément les ordres des professions médicales en créant des chambres disciplinaires indépendantes des structures administratives et présidées par un magistrat et en permettant au patient d'être partie dans les procédures disciplinaires. Il permet ainsi de mieux garantir les droits des plaignants et d'assurer un fonctionnement transparent des juridictions disciplinaires.

Un office des professions paramédicales est créé. Cet office est une structure interprofessionnelle. Il est chargé, pour les cinq professions essentielles que sont les infirmiers, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes et les pédicures-podologues, de fonctions disciplinaires, administratives et professionnelles. Cet office est destiné aux seuls professionnels ayant un exercice libéral, les salariés étant par ailleurs soumis à des procédures propres à leur secteur d'activité.

Le texte pose, pour la première fois, les bases d'une politique de prévention globale et cohérente. Celle-ci sera coordonnée au niveau national et financée, comme les soins, sur le « risque maladie ». Le projet transforme également le Comité français d'éducation pour la santé en Institut national de prévention et de promotion de la santé qui sera opérateur et centre d'expertise pour les politiques de prévention dont la préparation incombe à la direction générale de la santé.

Enfin, le texte donne une base légale aux réseaux de santé et favorise leur développement.

Le titre III du projet constitue enfin une innovation sans précédent dans les législations étrangères de par son ampleur.

En effet, le projet proposé ne comporte aucun équivalent dans aucun autre pays. Les dispositifs suédois et danois, sans doute à ce jour les plus globaux et les plus proches du projet, ne couvrent pas l'aléa thérapeutique ni, dans la plupart des cas, les accidents dus à des produits de santé.

Ce chapitre met en place une procédure amiable de règlement des litiges en cas d'accident médical, d'infections nosocomiales ou d'affections iatrogènes. Ainsi toute personne s'estimant victime d'un accident médical pourra saisir une commission régionale quel que soit l'origine du dommage - acte médical ou produit de santé - et quel que soit le lieu où il s'est produit - hôpital, clinique, cabinet libéral -. La procédure devant la commission conduira dès lors que le préjudice présente une certaine gravité à une offre d'indemnisation qui, si elle est acceptée, mettra fin au litige dans la plupart des cas en moins d'un an. Il s'agit de mieux indemniser en ayant moins recours au juge.

Il faut souligner, au sein de cette procédure, l'importance de l'avis que rendra la commission. Il est essentiel car il permettra à la victime comme aux professionnels de santé de connaître les causes de l'accident et l'importance du dommage. Il y aura ainsi pédagogie du risque, transparence sur le fonctionnement du système de santé avant toute idée d'indemnisation. Il était important que cette indemnisation ne soit pas issue d'une « boîte noire » qui aurait peut-être soulagé les attentes financières mais n'aurait pas permis à la confiance de revenir.

Il convient aussi de noter que le texte ouvre un droit général à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique à la seule condition que le préjudice présente un caractère de gravité suffisant. Ce droit pourra être invoqué directement devant les juridictions. Les indemnités pour aléa thérapeutique seront versées par un office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales créé par la loi et qui sera financé par l'assurance-maladie. Le coût de ce dispositif peut être évalué en régime de croisière à 1 à 1,5 milliard de francs y compris les frais d'expertise et de fonctionnement des commissions régionales.

Le projet réaffirme par ailleurs les principes de la responsabilité médicale notamment l'obligation de moyens et rénove l'expertise médicale. Il tend également à faciliter l'accès à l'assurance des personnes présentant un risque aggravé et interdit l'utilisation des tests génétiques par les assureurs.

En fin de compte, les trois mots caractérisant la philosophie et l'ambition de ce projet de loi sont : transparence, responsabilité et confiance.

Transparence parce que la culture du secret n'est pas de mise dans une société moderne et adulte. L'efficacité de notre médecine doit nous permettre d'en affronter les limites ; la richesse de notre système de santé doit nous conduire à en expliciter les choix.

Responsabilité ensuite, parce que l'acte médical est par nature un acte de responsabilité. Pour le professionnel bien sûr, pour le malade également parce qu'il n'est pas de décision plus grave, plus personnelle et plus responsable que celle concernant sa propre santé.

En conclusion, M. Bernard Kouchner a exprimé sa satisfaction et sa fierté de pouvoir aujourd'hui présenter ce projet d'une ampleur et d'une portée considérable, devant le représentation nationale, projet qui devrait permettre une évolution aussi indispensable que souhaitée de notre système de santé, dans le sens d'une qualité toujours renforcée et du rétablissement de la si précieuse mais si fragile confiance.

M. Claude Evin, rapporteur (ensemble du texte et titre III), a rappelé que ce texte avait été annoncé par le Premier ministre lors des états généraux de la santé, qu'il était fortement attendu par les associations de malades et qu'il avait été préparé par de nombreux rapports, notamment sur l'aléa thérapeutique : cinq rapports officiels à la demande du Gouvernement, un rapport du médiateur et un rapport du Conseil économique et social. Il a formulé ensuite les remarques suivantes :

- Ce texte est l'affirmation en droit positif des droits des malades, le plus important étant l'accès au dossier médical qui ne soulève plus aujourd'hui de véritable controverse.

- Les dispositions prévues dans le présent projet de loi sur la régionalisation du système de santé reprennent en grande partie les travaux conduits à ce sujet par la commission des affaires sociales.

- Il ne faut pas réduire le titre III à la réparation de l'aléa thérapeutique. En réalité il traite de tous les accidents médicaux, qu'ils soient fautifs ou non fautifs. Le système actuel issu de la jurisprudence administrative et judiciaire n'était plus satisfaisant pour les victimes puisqu'il ne prend pas en compte l'accident sans faute. Pour indemniser, le juge continue à chercher une faute médicale. Cette évolution jurisprudentielle menaçait les professionnels de santé d'une dérive contentieuse toujours plus importante et virulente et ne garantissait pas aux patients une indemnisation d'un préjudice grave. Le projet a donc comme mérite essentiel de clarifier la responsabilité médicale en faisant la distinction entre la faute et l'aléa.

- L'objectif essentiel dans le dispositif proposé est bien de privilégier le règlement amiable des litiges en cas de faute. La commission de conciliation doit permettre une indemnisation amiable des accidents graves fautifs. Cependant le texte soulève deux questions :

· Le choix a été fait pour ne pas encombrer les commissions régionales de fixer un seuil d'entrée défini par le caractère de gravité du préjudice subi afin que la commission n'examine que les accidents graves. Cependant la définition donnée du caractère de gravité en fonction du taux d'incapacité permanente ou du taux et de la durée d'incapacité temporaire n'est pas suffisante. Il convient d'ajouter à cette définition les effets sur la vie affective et professionnelle subis par la victime d'un accident médical.

· En ce qui concerne les infections nosocomiales, le dispositif proposé ne semble pas couvrir le cas des infections nosocomiales qui ne sont pas directement imputables à des actes médicaux. Ainsi les infections nosocomiales survenues au cours d'un séjour hospitalier, sans lien direct avec un acte de prévention de diagnostic ou de soin, ne semblent pas pouvoir entrer dans le champ de l'indemnisation par l'office.

M. Bernard Charles, rapporteur (titre II), après avoir exprimé le souhait que ce projet soit voté définitivement avant la fin de la législature, a proposé que l'interdiction pour les employeurs et les assureurs d'utiliser les informations sur le patrimoine génétique des personnes, figurant à l'article 1er du projet de loi de révision des lois bioéthiques, soit incluse dans le présent projet qui, lui, devrait être adopté définitivement avant la fin de la législature.

Concernant le titre II du projet de loi, après avoir souligné que la promotion de la formation continue ne se ferait pas au détriment de la formation conventionnelle, il a approuvé l'extension des attributions de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), rappelant que les professionnels du secteur de la santé auditionnés par les rapporteurs avaient tous souhaité une transparence accrue et une meilleure organisation du système de soins.

L'office des professions paramédicales doit devenir le véritable réceptacle des usages professionnels. Le projet ne prend malheureusement pas en compte les professionnels exerçant en tant que salariés et ne ménage pas la création de collèges professionnels à l'échelon national. En outre, les résultats des auditions permettent d'envisager la suppression du mot « ordre » dans la dénomination des structures organisant les professionnels de la santé.

M. Bernard Charles s'est félicité de la création de l'institut national de prévention et de promotion de la santé, et a souhaité que le texte puisse approfondir la promotion des réseaux de santé, indispensable pour résoudre les problèmes actuels de démographie médicale. Il a enfin souhaité l'engagement d'un débat sur la toxicomanie devant l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur (titre Ier) a estimé que le texte répondait à une attente très forte de la part des malades. Il doit contribuer à dénouer l'incompréhension qui règne parfois entre les patients et le corps médical dans le but d'instaurer entre les uns et les autres une véritable relation de confiance. A cet égard il serait utile de créer au sein des hôpitaux des structures d'échanges permettant aux professionnels de travailler sur la modification de leurs comportements à l'égard des malades. La consultation du dossier médical ne devrait pas soulever de difficultés quand le service est bien organisé.

Saluant le dépôt du projet de loi et particulièrement ses dispositions concernant les droits des malades et l'indemnisation des accidents médicaux, M. Jean-Luc Préel a félicité le ministre délégué à la santé pour sa pugnacité, tout en exprimant ses doutes quant à l'adoption du projet avant la fin de la législature.

Il a fait ensuite les observations suivantes :

- La représentation des usagers du système de santé doit être assuré par les élus à côté des associations de malades, les politiques de soins et de prévention affectant par nature la population dans son ensemble.

- Le Parlement devrait se prononcer chaque année sur une enveloppe chiffrée rassemblant les dépenses de prévention et cette politique de prévention devrait être déclinée au niveau régional.

- Le projet de loi, qui traduit en fait une reprise en main de l'Etat sur le système de soins, ne règle rien sur la question essentielle de la clarification des compétences respectives de l'Etat, des caisses de sécurité sociale et des partenaires sociaux.

- Il faut défendre une véritable régionalisation fondée sur les conseils régionaux de santé qui contrôleraient notamment l'action des agences régionales de l'hospitalisation (ARH).

- Le débat annuel au Parlement portant sur les grandes orientations de la politique de la santé devrait s'appuyer sur les travaux des conseils régionaux de la santé et comprendre la discussion d'amendements au texte du Gouvernement ainsi qu'un vote final.

M. Bernard Accoyer a souligné le contexte difficile dans lequel s'inscrivait ce projet de loi, contexte marqué par l'application difficile des 35 heures dans le secteur hospitalier, par une pénurie d'effectifs dans ce secteur et par la crise morale vécue par les professions de santé, crise que ce texte n'est pas de nature à apaiser.

Il a ensuite formulé les remarques suivantes :

- Les dispositions sur la régionalisation vont dans le bon sens, même si certaines méritaient d'être précisées.

- En ce qui concerne l'information des malades, le problème le plus important pour eux est de connaître le niveau et la qualité des prestations assurées par les professionnels de santé.

- Sur l'accès au dossier médical, de nombreuses questions restent ouvertes, notamment en ce qui concerne la nature des documents à transmettre ainsi que le moment à partir duquel le droit à l'accès au dossier doit s'exercer.

- La création de l'Office des professions paramédicales est un moyen de supprimer définitivement l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, alors même que le Conseil d'Etat avait condamné l'inaction du Gouvernement en la matière.

- Les actions de prévention ainsi que l'indemnisation de l'aléa médical sont financées par une dotation de l'assurance-maladie, alors même que la branche assurance-maladie reste déficitaire.

- Il est inadmissible que des dispositions législatives concernant la reconnaissance des qualifications des aides opératoires restent inappliquées, faute de décret.

- Il convient effectivement d'engager un vrai débat sur la toxicomanie afin d'évaluer l'effet de la consommation de substances illicites sur la santé publique et particulièrement la santé mentale.

M. Jean-Pierre Foucher s'est d'abord interrogé sur les modalités de représentation des usagers. Il a souligné ensuite l'importance du débat parlementaire sur la santé prévu par le projet de loi, ce débat devant être l'occasion d'un véritable échange de vues entre le Gouvernement et les parlementaires sur un programme pluriannuel et non une litanie de discours. Il a ensuite interrogé le ministre délégué à la santé sur : les modalités de financement de l'Office d'indemnisation par une dotation d'assurance-maladie, les contours de la procédure amiable en ce qui concerne l'indemnisation des accidents médicaux, le caractère obligatoire ou non de la formation médicale continue pour les médecins libéraux et les raisons de la suppression de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

M. Jean-Michel Dubernard a déploré le caractère tardif de la présentation de ce projet de loi : elle intervient trop près des élections et à un moment où le système de santé affronte une crise d'une ampleur inédite. Tout cela se fait au détriment des malades.

Il a par ailleurs formulé les observations et les questions suivantes :

- Le système doit garantir la représentation des usagers des services de soins autrement que par le biais des seules associations existantes qui ne traduisent les préoccupations que des seuls malades chroniques.

- Il faut régler la question des notes personnelles prises par les médecins afin d'éviter la création de doubles dossiers.

- Dans un souci de meilleure articulation des caisses régionales d'assurance-maladie et des agences régionales d'hospitalisation, ne devrait-on pas franchir le pas en créant des agences régionales de santé ?

- S'agissant de la chirurgie esthétique, le projet comporte un réel effort mais les règles relatives au devis écartent cette spécialité du droit commun de la chirurgie.

- En ce qui concerne la formation médicale continue, pourquoi l'ordonnance de 1996 n'est-elle pas applicable et en quoi le présent texte le serait-il davantage ?

- Pourquoi ne pas maintenir les ordres existants et aller vers la création d'une structure interordinale commune à l'ensemble des professions paramédicales ?

- L'institut national de prévention et de promotion de la santé devrait être organisé sur une base régionale.

- S'agissant du risque médical, il faut réduire le décalage entre le régime de responsabilité pour faute et celui sans faute ; on ne peut par ailleurs que regretter les inégalités régnant dans la gestion du risque selon que l'on est dans le secteur privé ou le secteur public.

- Pourquoi confier le financement de l'indemnisation du risque médical à l'assurance maladie ? On aurait pu envisager de le faire financer par un système d'assurance privée ou, comme le prévoyaient plusieurs propositions de loi émanant de l'opposition, par un fonds financé par la solidarité nationale.

En réponse aux intervenants, M. Bernard Kouchner a apporté les précisions suivantes :

- Le présent texte dote les réseaux de santé d'une base législative jusque-là absente. Un groupe de travail s'interrogeant actuellement sur le statut à leur donner (GIP, associations ?), le Gouvernement n'a pas souhaité être plus précis sur cette question pour le moment. Il ne faut pas, par ailleurs, figer des structures d'une très grande diversité. Enfin, il faudra veiller à asseoir leur financement.

- Un décret en Conseil d'Etat déterminera le taux d'incapacité permanente à partir duquel la commission régionale de conciliation et d'indemnisation sera appelée à émettre un avis sur les préjudices subis par un patient. Ce taux sera-t-il fixé à 30, 40, 50 % ? Ce point est encore à l'étude.

- En ce qui concerne les affections nosocomiales, le Conseil d'Etat a considéré qu'existait pour les établissements une obligation de résultat. Ils doivent être aux normes. En théorie, on ne doit donc pas être infecté ; s'il y a infection il y a donc faute de la part de l'établissement.

- Le Gouvernement n'est pas hostile à l'introduction dans le projet de loi du principe de non-discrimination à raison des tests génétiques prévu par l'article 1er du projet de révision des lois bioéthiques.

- La création de l'office des professions paramédicales s'inspire naturellement du rapport de M. Philippe Nauche. L'idée d'y intégrer les paramédicaux salariés des établissements de santé n'a pas la faveur du Gouvernement et elle se heurte en outre manifestement à l'opposition des syndicats de ces personnels qui craignent d'être soumis à une double procédure disciplinaire.

- Le financement de la politique de prévention par la CNAM constitue un progrès considérable et justifié. Il faudra cependant veiller à assurer son caractère pérenne et sa progression régulière.

- Le présent projet de loi sera adopté avant la fin de la législature, la volonté politique qui le soutient ressort bien de sa place comme premier texte de la session qui va s'ouvrir.

Le ministre s'est déclaré favorable à titre personnel à un débat sur la toxicomanie tout en pronostiquant qu'un tel débat ne serait pas inscrit à l'ordre du jour.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que le Gouvernement, de même que les groupes politiques, dans le cadre des séances qui leur sont réservées, pouvaient prendre l'initiative d'un tel débat.

M. Bernard Kouchner a ensuite donné les indications suivantes :

- Si la place des associations d'usagers dans la démocratie sanitaire est affirmée par le présent projet, il est également évident que les élus conserveront la leur et au premier rang les élus de la Nation à travers le débat annuel sur les orientations de la politique de santé.

- La représentativité des associations de malades peut être discutée, même si ces associations devront faire l'objet d'un agrément. Il est extrêmement difficile de faire participer les malades qui ne seraient pas regroupés en associations.

- Les dépenses de prévention seront financées par une dotation des régimes d'assurance maladie fixée chaque année par arrêté interministériel.

- Il appartiendra à l'Assemblée nationale de définir la manière de débattre du rapport annuel sur la politique de santé établi par le Gouvernement.

Le président Jean Le Garrec a souligné que les règles de la procédure parlementaire ne permettraient pas la discussion et le vote d'amendements à ce rapport, contrairement au rapport annexé à l'article 1er du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Kouchner, poursuivant ses réponses, a apporté les précisions suivantes :

- La crise démographique des professions de santé est ancienne. C'est le Gouvernement de M. Alain Juppé qui a fermé des écoles de formation des infirmières, en 1996, réduisant de 2 000 le nombre d'élèves. Le Gouvernement actuel a au contraire décidé l'augmentation des effectifs depuis 1998 : + 700, + 800, + 1 000 et + 8 000 pour cette année. De façon générale, le manque de professionnels de santé est plutôt moins grave que dans les autres pays européens comme l'Italie ou la Suède, pour ne pas parler de la Grande-Bretagne qui nous envoie des malades. Certes, il y a des lacunes dans certaines spécialités, des excès dans d'autres et une répartition entre les spécialistes et les généralistes qui est inadéquate. Il y a aussi des pénuries locales mais la liberté d'installation est entière. Il faut donc arrêter « le martyrologue » des malades français.

- L'accès au dossier médical n'est qu'une possibilité ouverte au malade et les demandes seront probablement peu nombreuses, comme le montre l'exemple américain. La France est un des rares pays où cette consultation directe est impossible. Rien n'interdit aux médecins de consigner des notes personnelles ailleurs que dans le dossier médical.

- Le Gouvernement n'est pas hostile au remplacement du mot « ordre » par une autre dénomination.

- Sur le décret concernant les aides opératoires, la concertation se poursuit avec les organisations d'infirmières de bloc opératoire qui, il faut le reconnaître, y sont opposées.

- Les mesures prises en 1996 sur la formation médicale continue n'ont pas fonctionné. En outre les salariés en étaient exclus. La formation médicale continue reste obligatoire pour les médecins libéraux.

Mme Catherine Génisson a jugé fondamentale la notion d'égalité entre les citoyens en matière de santé. Après avoir insisté sur la nécessité de revoir la formation initiale des médecins, elle a fait les observations suivantes :

- Il faut redéfinir le médecin généraliste comme pivot du système de santé.

- Une organisation plus transversale de l'hôpital autour de centres de responsabilités s'impose plus que jamais.

- Certaines spécialités médicales manquent gravement d'effectifs.

- Le statut des techniciens de laboratoire, ambulanciers et préparateurs des pharmacies doit être amélioré.

- Il conviendrait de reconnaître un statut d'étudiant aux personnes suivant la formation d'infirmière.

M. Bernard Perrut a fait les remarques suivantes :

- Les associations de bénévoles peinent à s'insérer dans le système actuel. Elles méritent une pleine reconnaissance qui est amorcée par l'article 9 du projet.

- Les réseaux de santé ont un rôle important à jouer en termes de continuité, de qualité des soins et d'alternative à l'hospitalisation mais les problèmes de financement et d'agrément restent aigus.

- Les dispositions de l'article 6 sur les malades mineurs ne doivent pas porter atteinte à l'autorité parentale.

- La disposition visant à informer les malades sur le coût des interventions médicales afin de les sensibiliser au prix élevé d'une médecine efficace est excellente.

- De nombreuses aides-soignantes ont passé avec succès le concours d'admission dans les écoles d'infirmières mais ne peuvent y entrer faute d'être prises en charge par leur hôpital.

Après avoir regretté que le titre de ce projet de loi ne fasse pas référence aux « droits des usagers de la santé » plutôt qu'à ceux des « malades », Mme Martine Lignières-Cassou a insisté sur la place que devait occuper la santé mentale au sein de ce dispositif et a posé des questions sur le rôle de l'école de santé de Rennes par rapport à l'institut national de prévention et de promotion de la santé, celui des conseils généraux dans l'élaboration des programmes de prévention et l'intérêt que revêtirait une approche par catégorie d'âge et par sexe en matière d'éducation à la sexualité.

M. Maxime Gremetz, après avoir regretté le délai trop court laissé aux parlementaires pour étudier ce texte, a fait les observations suivantes :

- La discussion de ce projet de loi ainsi que celle du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 doivent donner lieu à un débat sur les besoins non satisfaits en matière de santé.

- Les conférences régionales de la santé sont sans intérêt et les directeurs des ARH prennent leurs décisions sans consultation.

La médecine du travail et la médecine scolaire sont les éléments clés en matière de prévention.

- Le débat sur la dépénalisation des drogues douces doit être ouvert.

Mme Yvette Benayoun-Nakache a posé des questions relatives au statut des réseaux de santé et l'organisation des gardes des médecins dont le mauvais fonctionnement a des effets sur les services d'urgences.

En réponse aux intervenants, M. Bernard Kouchner a apporté les éléments suivants :

- Il est prématuré de réformer le premier cycle des études médicales car la concertation n'est pas terminée.

- L'intégration des études d'infirmière dans un premier cycle universitaire de santé publique n'est pas actuellement faisable.

- Dans la réalité les généralistes ne jouent pas le rôle de pivot. Le développement des réseaux est donc indispensable.

- Il serait en effet souhaitable de s'orienter vers une organisation transversale au sein des hôpitaux en centres de responsabilité. Malheureusement les négociations sur les 35 heures dans les hôpitaux n'ont pas permis d'avancer sur ce sujet.

- La pénurie dans certaines spécialités médicales n'est pas un sujet d'inquiétude car les étudiants peuvent être orientés à travers les propositions de stage. Le numerus clausus d'étudiants en médecine a été relevé de 700 postes. Il faut l'augmenter encore. Des primes et des avantages de carrière ont été mis en place pour pourvoir aux postes de praticiens hospitaliers vacants. Il reste à créer une prime pour inciter les libéraux à s'installer dans certaines régions.

- Il est en effet nécessaire de renforcer le rôle des associations de bénévoles au sein des hôpitaux tout en les encadrant par le biais de conventions.

- Il ne s'agit pas de porter atteinte à l'autorité parentale par le biais de la confidentialité des soins aux mineurs mais bien au contraire de pallier dans certains cas sa déréliction.

- Il est nécessaire de trouver une solution pour les aides soignantes qui ont réussi le concours d'infirmière puisque en effet, suivant les établissements auxquels elles appartiennent, elles ont droit ou non à une bourse d'étude, ce qui n'est pas satisfaisant. Il faut cependant rappeler d'une part qu'elles ne perdent pas la place dans l'école si elles ne l'occupent pas de suite et d'autre part que les écoles sont pleines.

- Pour ce qui concerne la santé mentale, un débat aura lieu au mois d'octobre prochain autour du rapport que le Gouvernement a demandé. Cependant, l'aspect hospitalier du problème est traité par le projet de loi.

- L'école de santé de Rennes sera associée à l'Institut national de prévention et de promotion de la santé ; par ailleurs, la formation de santé publique doit être renforcée dans la formation initiale des médecins et des autres professionnels, quitte à réduire la place d'autres matières. Il est stupide de sélectionner les étudiants en médecine sur les sciences dures.

- Le projet permet de lancer des campagnes d'information du public sur les risques liés aux maladies sexuellement transmissibles, financées par l'assurance maladie. C'est une innovation importante.

- Le débat sur les besoins de santé pourra être mené autour du rapport annuel du Gouvernement sur la politique de santé. Les décisions prises en juin seront traduites dans le loi de financement de la sécurité sociale.

- La médecine du travail et la médecine scolaire seront associées à la définition des politiques de prévention. Il est toutefois regrettable que la médecine scolaire n'ait pu être placée sous la tutelle du ministère de la santé du fait de l'opposition des syndicats.

- Une partie des problèmes rencontrés dans le fonctionnement des services d'urgence trouverait une solution si les spécialistes hospitaliers acceptaient d'ouvrir une consultation aux patients de leurs services en dehors des horaires habituels et le week-end. En revanche la création des maisons de santé par les municipalités ne soulagera pas les urgences car elles ne concernent pas le même public.

- Il convient que l'ANAES veille à ce que l'accréditation des établissements hospitaliers soit subordonnée à un bon fonctionnement des services d'urgence et une disponibilité suffisante de lits d'aval.

Le président Jean Le Garrec a insisté sur l'impérieuse nécessité qu'il y a à prolonger l'effort entrepris depuis quatre ans pour réduire les inégalités inter-régionales dans le domaine de la santé. Il a également souligné que le débat relatif à l'assurance maladie ne devait plus être limité à sa seule dimension sociale mais devait être enrichi du concept de santé comme bien premier, c'est-à-dire créateur de richesses.


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