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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 février 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

SOMMAIRE

 

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– Examen de la proposition de résolution de M. Thierry Mariani tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier l’opportunité et l’application des conditions prévoyant l’organisation des cours d’enseignement de la langue et de la culture d’origine et les mesures susceptibles de mieux encadrer cet enseignement (n° 1325) (M. Yves Durand, rapporteur)

– Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la partie législative du Livre VII (nouveau) du code rural (n° 820) (Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteur)

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– Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Yves Durand, la proposition de résolution de M. Thierry Mariani tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier l’opportunité et l’application des conditions prévoyant l’organisation des cours d’enseignement de la langue et de la culture d’origine et les mesures susceptibles de mieux encadrer cet enseignement (n° 1325).

M. Yves Durand, rapporteur, a tout d’abord rappelé que M. Thierry Mariani avait déjà déposé une proposition de résolution rigoureusement identique le 19 décembre 1996 et que celle-ci avait été rejetée par la commission le 26 février 1997, sur le rapport de M. Jean-Paul Fuchs.

Si la présente proposition de résolution est parfaitement recevable au regard des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, la question de l’opportunité de sa création se pose cependant.

Il faut préciser, à titre liminaire, que les langues parlées par des populations étrangères ou françaises d’origine étrangère ne peuvent être assimilées à des langues régionales ou minoritaires telles que la Charte européenne du 5 novembre 1992 les définit. Cette charte exclut en effet expressément de son champ d’application les « langues des migrants ».

L’enseignement des langues et cultures d’origine est un facteur d’intégration favorisant l’adhésion à la culture d’accueil tout en évitant une trop grande coupure avec les origines, ainsi que l’a notamment indiqué Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire. Sans encourager le communautarisme de certaines populations, il faut en effet permettre aux enfants d’immigrés de se construire une identité positive.

La proposition de résolution appelle toutefois plusieurs critiques. Tout d’abord, elle vise explicitement le cas de la culture islamique, c’est-à-dire qu’elle met en avant certains migrants, sans raison particulière, alors que le problème de l’enseignement des langues et cultures d’origine est plus général. Ensuite, elle invoque, d’ailleurs à juste titre, la nécessité de respecter la laïcité de l’Etat et de l’enseignement. Or, ce principe n’est pas contredit par l’enseignement des langues et cultures d’origine car tous les moyens sont à la disposition des inspecteurs d’académie et des inspecteurs de l’éducation nationale pour assurer le respect de la laïcité, par le contrôle de la pédagogie, des programmes et de l’enseignement des maîtres. En tout état de cause, la création d’une commission d’enquête n’apporterait pas une solution à ce problème et serait une procédure beaucoup trop lourde et suspicieuse.

En conclusion, le rapporteur a proposé à la commission de rejeter la proposition de résolution.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Edouard Landrain a insisté sur le fait que cette proposition de résolution soulève un problème important et qu’il est essentiel de ne pas renouveler l’erreur qui a été commise avec les langues régionales. Au contraire, il faut être particulièrement vigilant à l’égard des personnes qui revendiquent le droit à leur culture. D’autre part, les migrations de personnes au sein de l’Europe vont amener les différents Etats à proposer des mesures de protection des langues et cultures d’origine dans les enseignements nationaux. Plutôt que de créer une commission d’enquête, il serait nécessaire que le ministère de l’éducation nationale fournisse une évaluation précise de la situation actuelle.

M. Bernard Accoyer a souligné que la question posée n’a pas évolué depuis l’examen de la précédente proposition de résolution de M. Thierry Mariani. L’Etat dispose effectivement d’outils administratifs et pédagogiques de contrôle des enseignements et de leur absence d’interférence avec certaines religions. Pour autant, le Parlement a pour rôle de contrôler l’administration et un simple rapport élaboré par le ministère de l’éducation nationale serait insuffisant. Il convient notamment de s’interroger sur le fait de savoir si ces enseignements doivent être délivrés pendant ou hors du temps scolaire.

La proposition de résolution, même si elle évoque une catégorie particulière de migrants, ne s’y limite pas et il n’est pas nécessairement illégitime d’examiner les problèmes spécifiques de certaines communautés. Le souci de leur intégration doit primer, ce qui passe prioritairement par l’apprentissage de la langue française. Pour ces raisons, il serait souhaitable que la commission décide de créer une mission d’information sur le sujet.

M. René Couanau a indiqué qu’on ne peut pas se contenter d’un rejet de la proposition de résolution au seul motif de sa rédaction, qui est effectivement contestable. Il existe un problème de fond qui est celui de savoir comment et quand sont dispensés ces enseignements. Comme le montre l’exemple breton, il n’y a pas d’échec scolaire résultant de l’enseignement de deux langues, mais au contraire des effets qui peuvent être extrêmement positifs. Or, le ministère de l’éducation nationale ne fournit pas d’éléments sur ces questions. Il faut en outre rappeler que l’enseignement des langues et cultures d’origine avait initialement pour but de favoriser le retour dans le pays d’émigration.

Enfin, il faut souligner que le contrôle sur l’enseignement lui-même est peu effectif. Il semble notamment qu’il n’y ait pas toujours un agrément des professeurs pour l’enseignement de certaines langues et cultures d’origine. On ne peut pas affirmer qu’un enseignement de l’arabe prenant pour support le Coran constitue une dérive vers l’islamisme, mais des contrôles sont nécessaires : il faut rechercher une solution qui ne coupe pas les enfants étrangers de leur culture d’origine tout en ne contrevenant pas au principe de laïcité. Sur ces questions, il semble que le ministère de l’éducation nationale manque des moyens d’investigation et de connaissance indispensables.

M. Alain Néri a estimé qu’un certain nombre d’enfants ont le droit d’accéder à leur culture d’origine afin de renforcer leurs attaches familiales. Il faut cependant être très vigilant sur les conditions dans lesquelles les enseignements de langues et cultures d’origine leur sont délivrés. Compte tenu de la rédaction insatisfaisante de la proposition de résolution, la commission devrait demander au ministère de l’éducation nationale de lui transmettre un rapport sur le sujet. En fonction des conclusions de ce rapport, la commission pourrait alors étudier l’opportunité de créer une mission d’information.

En réponse aux intervenants, M. Yves Durand, rapporteur, a indiqué que chacun garde le souci de sauvegarder l’école dans son rôle d’intégration républicaine et ne met pas en cause le ministère de l’éducation nationale. La rédaction de la proposition de résolution, en mettant l’accent sur une culture en particulier, fausse le débat. Il faut privilégier une logique d’intégration et non montrer du doigt une communauté.

La création d’une commission d’enquête relève d’une procédure trop lourde au regard du problème posé, tandis que la création d’une mission d’information paraît prématurée. Il est donc préférable de demander au ministère de l’éducation nationale la transmission rapide à la commission d’un rapport d’évaluation de l’enseignement des langues et cultures d’origine et d’étudier le problème des langues d’origine dans le cadre de la réforme en cours des programmes qui pourrait faire l’objet d’une audition par la commission du ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Jean-Paul Durieux, président, a proposé que la commission refuse la création d’une commission d’enquête et demande au ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie de fournir à la commission tous les éléments nécessaires à sa complète information. La décision de création d’une mission d’information relève quant à elle du bureau de la commission.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

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La commission a ensuite examiné le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural (n° 820), sur le rapport de Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteur, a indiqué que le projet de Livre VII du code rural aujourd’hui examiné, après son adoption au Sénat, s’inscrit dans un processus de refonte globale du code rural entamé de longue date.

Si le plan définitif du nouveau code rural a été arrêté le 6 mars 1990 par la nouvelle Commission supérieure de codification créée par le décret n° 89-647 du 12 septembre 1989, d’importants travaux de codification avaient été engagés par l’ancienne commission. En effet, les Livres II (« Protection de la nature), IV (« Baux ruraux ») et V (« Organismes professionnels agricoles ») nouveaux avaient été publiés en annexes de décrets datés respectivement du 27 octobre 1989, du 16 mars 1983 et du 18 mars 1981, donc bien avant que leurs parties législatives ne soient validées par la loi n° 91-363 du 25 avril 1991.

Conformément à la nouvelle procédure expérimentée en 1989, sous l’égide de l’ancienne commission, pour le code de la voirie routière et ensuite systématisée par la nouvelle commission, les étapes suivantes de la refonte du code rural ont été franchies en soumettant directement au Parlement le projet de partie législative du livre concerné.

C’est ainsi que sont successivement entrées en vigueur les dispositions législatives :

- du Livre I (nouveau) intitulé « L’Aménagement et l’équipement de l’espace rural », annexées à la loi n° 92-1283 du 11 décembre 1992 ;

- du Livre III (nouveau) intitulé « L’exploitation agricole », annexées à la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 ;

- du Livre IV (nouveau) intitulé « Enseignement, formation professionnelle et développement agricoles, recherche agronomique », annexées à la loi n° 93-935 du 22 juillet 1993 ;

- du Livre VI (nouveau) intitulé « Production et marchés », annexées à la loi n° 98-565 du 8 juillet 1998. Après l’adoption du Livre VII (nouveau) consacré aux « Dispositions sociales », il restera donc au législateur à examiner le Livre IX intitulé « La santé publique vétérinaire et la protection des végétaux ».

Le présent projet de loi est organisé selon une structure devenue classique pour les codes directement soumis au Parlement.

L’article premier donne force de loi aux dispositions de la partie législative du Livre VII (nouveau) jointes en annexe. Le rapport sur le projet de loi présente une comparaison des plans respectifs des Livres VII actuel et nouveau. Il faut souligner, à cet égard, que le plan retenu par le projet de loi a pour mérite de distinguer plus clairement qu’autrefois les dispositions relatives aux salariés agricoles de celles régissant les non salariés.

Sur le fond, il y a lieu de noter l’existence de quelques dérogations au principe de la codification à droit constant. Ces dérogations ne paraissent pas appeler de critique, dès lors qu’il s’agit bien de saisir l’occasion offerte par la codification ou, en l’espèce, la « recodification » pour procéder à des aménagements de nature technique consistant notamment à rectifier des erreurs de rédaction, supprimer des incohérences ou combler des lacunes des textes existants.

A titre d’exemple, l’actuel code rural ne détermine pas le contenu de l’assiette des cotisations sociales afférentes aux salariés agricoles mais le projet de loi remédie à cette carence par un renvoi aux dispositions correspondantes du code de la sécurité sociale.

Une autre dérogation au principe de la codification à droit constant mérite une mention particulière. En effet, le simple fait de loger dans des parties différentes du Livre VII (nouveau) les dispositions relatives aux organismes de mutualité sociale agricole et celles relatives aux caisses d’assurance mutuelles agricoles a eu pour effet, dans le projet de loi initial, de rendre incompatibles les fonctions d’administrateur, de directeur ou d’agent comptable des premiers avec celles d’administrateur, de directeur ou d’agent comptable des secondes, alors qu’un tel cumul est actuellement autorisé.

Pour tenir compte des réalités de terrain, le Sénat a souhaité atténuer la rigueur de la règle nouvelle ainsi instituée de manière inopinée : il a en conséquence autorisé le cumul de fonctions d’administrateur et celui de fonctions de directeur ou d’agent comptable d’une part et d’administrateur d’autre part, seul demeurant prohibé l’exercice simultané de fonctions de responsabilité (directeurs et agents comptables). Le compromis ainsi adopté parait satisfaisant.

L’article 2 prévoit de substituer automatiquement, dans toutes les dispositions législatives en vigueur, les références au Livre VII (nouveau) aux références à l’actuel Livre VII et aux autres textes législatifs désormais codifiés.

L’article 3 procède en effet à l’abrogation des dispositions de l’actuel Livre VII et des autres dispositions législatives désormais incorporées dans le nouveau Livre VII. Échappent toutefois à cette abrogation les dispositions de l’actuel Livre VII devenues obsolètes pour l’avenir mais toujours applicables à des situations en cours.

L’article 4 retarde l’abrogation de celles des dispositions du code rural actuel qui ont une nature réglementaire : elles demeureront en vigueur jusqu’à la parution d’un décret relatif à la partie réglementaire du Livre VII (nouveau). Il s’agit donc d’un déclassement par voie législative qui concerne des dispositions contenant des précisions chiffrées ou attributives de compétences administratives.

L’article 5 prévoit une abrogation de dispositions du Livre III (nouveau) du code rural qui tire les conséquences de leur transfert dans le Livre VII (nouveau).

Première assemblée saisie, le Sénat a accompli un important travail de « polissage » du projet de loi, puisqu’il a adopté pas moins de 72 amendements, dont la très grande majorité ont pour objet de remédier aux imperfections techniques du texte. Ce nombre élevé d’amendements témoigne d’une insuffisante qualité du texte élaboré par les ministères concernés avec le concours de la commission de codification et sous le contrôle du Conseil d’Etat.

Grâce au « peignage » déjà effectué par le Sénat le nombre d’amendements, présentés à ce stade a pu être limité à onze, dont sept sont des amendements de « rattrapage législatif » ayant pour objet de transcrire dans le Livre VII (nouveau) les modifications apportées au Livre VII actuel, depuis la précédente lecture, par la loi sur les 35 heures, la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions et la loi de finances pour 1999.

La commission a ensuite examiné les articles du projet de loi.

Article premier : Dispositions constituant la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural

La commission a adopté 11 amendements du rapporteur portant sur les dispositions constituant la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural, annexés à l’article premier :

- transposant dans l’article L. 712-9 les modifications relatives à la durée légale du travail et au repos compensateur apportées au code rural en vigueur par la loi sur les 35 heures du 13 juin 1998 ;

- transposant dans l’article L. 712-10 une modification relative à la durée légale du travail apportée au code rural en vigueur par la loi sur les 35 heures du 13 juin 1998 ;

- supprimant dans l’article L. 722-30 la mention d’un article du code de la sécurité sociale abrogé par la loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France ;

- supprimant dans les articles L. 731-1 à L. 731-4 et L. 731-6 à L. 731-9 une référence à la loi de finances pour 1960, le rapporteur ayant souligné que le mode de repérage des dispositions relevant du domaine exclusif des lois de finances ainsi prévu soulevait plusieurs difficultés d’ordre juridique ;

- transposant dans l’article L. 731-6 la suppression de la liste des dépenses du BAPSA des dépenses de fonctionnement qui y figuraient, opérée dans le code rural en vigueur par la loi de finances pour 1999 du 30 décembre 1998 ;

- transposant dans les articles L. 731-30, L. 741-12 et L. 741-20 une substitution de références opérée dans le code rural en vigueur par la loi d’orientation relative à la loi contre les exclusions du 21 juillet 1998, par cohérence avec les modifications du régime juridique des associations intermédiaires prévues par la même loi ;

- apportant à l’article L. 731-44 une modification rédactionnelle visant à faire clairement apparaître que la cotisation de retraite proportionnelle due au titre de chaque aide familial majeur est calculée en pourcentage d’une assiette forfaitaire ;

- créant un article L. 732-30-2 reprenant le dispositif de revalorisation des petites retraites agricoles introduit dans le code rural en vigueur par la loi de finances pour 1999 du 30 décembre 1998 ;

- transposant dans l’article L. 741-15 la pérennisation des dispositions permettant le maintien de l’assiette de cotisation correspondant à l’activité à temps plein antérieure en cas de passage à temps partiel opérée par la loi sur les 35 heures du 13 juin 1998 ;

- transposant dans l’article L. 741-16 la suppression d’une référence opérée dans le code rural en vigueur par la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions du 20 juillet 1998 ;

- apportant une nouvelle rédaction à l’article L. 761-18 pour préciser que les personnes non salariées des professions non agricoles et forestières des départements d’Alsace-Moselle demeurent régis par le régime local d’assurance accidents, le rapporteur ayant souligné que cet amendement permettait de rectifier une erreur de codification qui rendait applicables aux non salariés relevant du régime local précité les dispositions régissant les salariés affiliés à ce même régime.

La commission a adopté l’article premier et l’annexe ainsi modifiée.

La commission a adopté sans modification les articles 2 - Substitution de références législatives, 3 - Abrogation des dispositions codifiées dans le Livre VII (nouveau) du code rural, 4 - Abrogation différée de dispositions de forme législative et de nature réglementaire et 5 - Coordination avec le livre III (nouveau) du code rural.

La commission a adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Information relative à la commission

La commission a nommé M. Jean-Paul Bret, rapporteur sur la proposition de résolution de M. Philippe Vasseur, visant à créer une commission d’enquête sur les conditions du cumul des missions de conception et de maîtrise d’œuvre par les architectes des bâtiments de France (n° 1326).


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