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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 65

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 juin 1999
(Séance de 8 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

– Examen du rapport d’information de M. Denis Jacquat sur la prise en charge de la démence sénile en Europe

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– Examen, en troisième et dernière lecture, du projet de loi portant diverses dispositions d’ordre sanitaire et social (M. Alfred Recours, rapporteur)

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– Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d’information, présenté par M. Denis Jacquat, sur la prise en charge de la démence sénile en Europe.

M. Denis Jacquat, rapporteur, a indiqué que le vieillissement de la population est un fait majeur des sociétés européennes actuelles. En France, les personnes ayant plus de soixante ans seront dans dix ans plus nombreuses que les jeunes de moins de vingt ans.

Ce vieillissement est directement lié à l’augmentation de l’espérance de vie. L’allongement de la durée de vie s’est accompagné d’un recul de l’âge de la dépendance. Cependant, les maladies dégénératives liées à l’âge augmentent et parmi celles-ci la démence sénile tient une place particulièrement préoccupante. Aujourd’hui, on estime en France à 700 000 le nombre de personnes âgées fortement dépendantes dont 500 000 souffrent de démence sénile. La maladie d’Alzheimer touche environ les deux tiers de cette population.

La démence sénile est une affection dégénérative et surtout dont le diagnostic est particulièrement difficile. A l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement curatif. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les vingt années à venir. En effet le taux de démence, toutes formes confondues, augmente avec l’âge. Le nombre de personnes atteintes de démence sénile ne pourra donc qu’augmenter dans les prochaines années. Schématiquement la maladie d’Alzheimer atteint les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et de moins de quatre-vingt-dix ans.

Ce fléau demande des solutions innovantes car la prise en charge actuelle est défaillante. Tout repose sur les familles qui ne sont pas accompagnées dans cette terrible épreuve. Le coût d’hébergement de ces personnes en maisons de retraite médicalisées est très élevé, entre 10 000 et 20 000 F mensuel, et surtout l’offre d’accueil est tout à fait inadaptée. Ainsi les structures ne prennent pas en compte les particularités des démences séniles qui le plus souvent rendent impossible toute cohabitation avec d’autres personnes âgées.

Des solutions innovantes doivent être trouvées qui privilégient le maintien de la personne malade dans l’environnement habituel et la taille humaine de la structure d’accueil. Les petites unités de vie offrent donc une solution alternative aux maisons de retraite et aux services de long séjour. Leur dimension est réduite, et surtout plus qu’un lieu de médicalisation ou d’enfermement, il s’agit d’un lieu où les personnes peuvent continuer à avoir un mode de vie normale.

Enfin, l’accompagnement des familles est absolument indispensable car l’encadrement permanent d’une personne démente sénile est un lourd fardeau qui conduit souvent à un épuisement physique et psychique. Doivent être mises en place des structures d’accueil temporaires qui permettent d’accorder un répit à ces familles, un suivi psychologique de celles-ci doit également être assuré.

Pour compléter le tableau dressé par un récent rapport du Conseil économique et social, le bureau de la commission a jugé utile de créer une mission d’information sur la prise en charge de la démence sénile en Europe.

Cette mission s’est ainsi déplacée dans trois pays européens : la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas. La délégation a constaté qu’au-delà des différences nationales, il existe une volonté de maintenir en milieu de vie ordinaire les personnes âgées souffrant de démence même si l’écart est réel entre cette volonté louable et la réalité de la prise en charge des personnes âgées.

La délégation a d’abord visité une unité de vie à Bruxelles, composée de six appartements occupés chacun par cinq résidents. Les résidents qui sont avant tout des personnes âgées dépendantes dont certaines d’entre elles sont atteintes de la maladie d’Alzheimer sont considérées comme des sous-locataires et non comme des habitants d’une maison de retraite. Tout est fait pour qu’elles puissent avoir un mode de vie tout à fait normal.

Les résultats d’une telle expérience sont positifs pour les cas de démence car une telle expérience évite la solitude et l’isolement qui selon de nombreuses études scientifiques accélèrent le vieillissement et la survenance des démences.

La délégation s’est également déplacée au Danemark où elle a pu noter que la prise en charge de la démence sénile est inscrite dans une véritable politique de la vieillesse. Les Danois ont privilégié des modes de prise en charge des démences respectueux avant tout de la liberté individuelle. De nombreuses expériences d’unités de vie existent et surtout, est en œuvre une politique active de maintien à domicile. Des services de soins à domicile sont fournis gratuitement par les municipalités à toutes personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et de nombreux bénévole viennent visiter celles-ci.

Enfin, se mettent également en place des centres de jour spécialisés dans les démences séniles qui accueillent la journée des personnes âgées avec un personnel important et spécifiquement formé.

Enfin la délégation a visité aux Pays-Bas un centre pilote spécialisé dans l’accueil des personnes démentes séniles. Cette expérience néerlandaise fait école dans de nombreux pays et a des résultats tout à fait probants. Il s’agit du principe de petites unités de vie matérialisées en maisons individuelles, regroupées en béguinage, c’est-à-dire un bâtiment central donnant sur une cour intérieure et un déambulatoire tout à fait adaptés aux symptômes de la démence sénile. Ces maisons individuelles fonctionnent sur un mode familial. Des personnes spécialement formées se relaient toutes les six heures auprès de six personnes âgées habitant dans une maison.

Tout est fait pour qu’un mode de vie normal comme à la maison soit assuré : la participation aux tâches ménagères, les activités de loisirs en commun, les courses et les repas. Ainsi, les personnes âgées peuvent échapper au syndrome de glissement dans la démence.

Après l’exposé du rapporteur, le président Jean Le Garrec a rendu hommage à la qualité du travail du rapporteur qui fait ressortir un certain retard de la France dans ce domaine de la démence sénile.

M. Bernard Accoyer a estimé que la prise en charge des personnes âgées en France était contrariée par l’excès des normes sanitaires et de sécurité imposées aux structures d’accueil. De telles normes sont en réalité contre-productives et empêchent des expériences innovantes, indispensables pour améliorer l’accueil des personnes âgées. Il conviendrait donc que la commission saisisse le Gouvernement de ce problème qui, du reste, ne se limite pas aux établissements d’accueil des personnes âgées.

M. Yves Bur a rappelé que la phénomène des démences séniles ne faisait que commencer en France et qu’il faut donc s’interroger sur des solutions adaptées pour l’avenir. Aujourd’hui, tout l’effort repose sur les familles et il n’existe pas hélas assez de centres de jour qui pourraient les soulager dans cet accompagnement éprouvant car demandant une surveillance constante. Il faut s’interroger sur l’échec des foyers-logements en France alors que cette formule a eu un réel succès en Allemagne. Le maintien des personnes âgées dans un environnement familier est en effet essentiel.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a souligné la nécessité de sensibiliser la société sur ce problème très douloureux. En effet, la démence sénile est d’abord souffrance, souffrance de la personne âgée, car le principal symptôme est l’anxiété, souffrance de la famille atteinte dans l’image de son parent, souffrance des accompagnants. En France la prise en charge de la démence sénile reste marquée par une approche médicale et sanitaire. Les déments séniles sont d’abord considérés comme des malades à qui l’on doit prescrire des soins standardisés, alors qu’il s’agit avant tout de personnes humaines qui ont besoin d’un environnement stable, sécurisant, d’un soutien psychologique et de relations chaleureuses. Les structures traditionnelles ne sont pas adaptées et restent plus des structures de médicalisation que des lieux où les personnes âgées pourraient mener une vie normale en toute sécurité.

Mme Hélène Mignon s’est interrogée sur la thèse du maintien à domicile à tout prix car celui-ci dans certains cas accroît la solitude des personnes âgées dépendantes et accélère la survenance des démences séniles.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia a estimé qu’il fallait traiter les cas de démence sénile de manière individualisée au maximum, aucune approche ne pouvant s’imposer à l’ensemble des malades.

M. Bernard Schreiner a observé que les petites unités de vie devaient être soutenues par des hôpitaux. Le fait de travailler avec un hôpital permet de pérenniser les petites structures et de modifier leur coût.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Le vieillissement ne doit pas être considéré comme une maladie et sa prise en charge doit tenir compte de ce principe. Plus que la médicalisation, sont importants le maintien dans un environnement familier et le fait de continuer à vivre de façon normale et non dans une institution bouleversant les modes de vie habituels et ne tenant pas compte de l’individualité.

- Les petites unités de vie présentent l’avantage par rapport à la solution du maintien à domicile de rompre l’isolement, facteur aggravant de la maladie.

- L’expérience hollandaise est née d’un hôpital psychiatrique ce qui montre bien la démarche à suivre.

Le président Jean Le Garrec a indiqué la nécessité d’adapter le plus rapidement possible l’offre d’accueil des personnes âgées concernées par ces maladies graves. Dans quelques années, la démence sénile sera, à n’en pas douter, un des problèmes essentiels de la santé publique et la réflexion doit donc être amorcée dès aujourd’hui. Le rapport sera transmis au ministre concerné et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales aura certainement à se pencher sur ce problème majeur dans les mois qui viennent.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

*

La commission a examiné, en troisième et dernière lecture, sur le rapport de M. Alfred Recours, le projet de loi portant diverses dispositions d’ordre sanitaire et social.

M. Alfred Recours, rapporteur, a indiqué que, lors de sa séance du 29 juin 1999 le Sénat, en nouvelle lecture, a adopté le projet de loi portant création d’une couverture maladie universelle dans une version sensiblement différente de celle adoptée le 16 juin 1999 par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. La seconde chambre a, pour l’essentiel, repris les dispositions qu’elle avait adoptées en première lecture qui avaient conduit à l’échec de la commission mixte paritaire du 8 juin 1999.

L’Assemblée nationale est donc saisie par le Gouvernement d’une demande tendant à ce qu’elle statue définitivement conformément à l’article 45, alinéa 4 de la Constitution.

Cet article permet à « l’Assemblée nationale de reprendre soit le texte de la commission mixte paritaire, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat » en nouvelle lecture, la commission saisie du fond étant, aux termes de l’article 114, alinéa 3 du règlement, alors chargée de déterminer dans quel ordre ces textes sont respectivement appelés. En l’espèce, la commission mixte paritaire ayant échoué, l’Assemblée nationale ne peut que se prononcer que sur le dernier texte voté par elle.

TITRE PRÉLIMINAIRE

DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

Article premier : Création d’une couverture maladie universelle et d’une protection complémentaire avec dispense d’avance de frais pour les plus démunis

La commission a rejeté l’amendement n° 1 du Sénat par MM. Yves Bur et François Goulard ainsi que l’amendement n° 2 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, François Goulard et Yves Bur.

TITRE 1ER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RÉGIMES OBLIGATOIRES

Chapitre 1er

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 3 (titre VIII du livre III, articles L. 380-1 à L. 380-4 nouveaux du code de la sécurité sociale) : Critères d’affiliation au nouveau régime général et cotisation

La commission a rejeté les amendements n°s 3 et 4 du Sénat présentés par MM. Bernard Accoyer, François Goulard et Yves Bur.

Article 4 (article L. 161-2-1 nouveau du code de la sécurité sociale) : Immédiateté et automaticité du droit à l’accès aux soins

La commission a rejeté l’amendement n° 5 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article 6 (articles L. 161-2, L. 381-7, L.381-12, L.382-9, L.615-8, L.722-6 du code de la sécurité sociale et article 1106-12 du code rural) : Accès aux soins sans restrictions financières

La commission a rejeté l’amendement n° 6 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article 8 bis (nouveau) : Gratuité des soins hospitaliers pour les malades en état végétatif

La commission a rejeté l’amendement n° 7 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Chapitre II

DISPOSITIONS FINANCIÈRES

Section I - Transferts financiers

Article 9 (articles L. 814-5 et L. 195-3 du code de la sécurité sociale) : Incidences financières sur l’assurance vieillesse

La commission a rejeté l’amendement n° 8 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article 10 (articles L. 161-15, L. 381-2 et L. 245-16 du code de la sécurité sociale) : Incidences financières de la mise en place de la couverture obligatoire sur la branche famille

La commission a rejeté l’amendement n° 9 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer et Yves Bur.

Article 11 (article L. 241-2 du code de la sécurité sociale) : Enumération des ressources complémentaires des régimes obligatoires de base

La commission a rejeté l’amendement n° 10 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article 14 : Exécution des recouvrements forcés de cotisations dues par les non salariés non agricoles et les agriculteurs

La commission a rejeté l’amendement n° 11 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION COMPLÉMENTAIRE
EN MATIÈRE DE SANTÉ

Chapitre premier

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 20 (chapitre premier nouveau du titre VI nouveau du livre VII du code de la sécurité sociale, articles L. 861-1 à L. 861-9 nouveaux) : Définition de la couverture complémentaire en matière de santé attribuée aux bénéficiaires de la CMU

La commission a rejeté l’amendement n° 12 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article L. 861-1 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté l’amendement n° 13 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard ainsi que l’amendement n° 14 du Sénat présenté par M. Bernard Accoyer.

Article L. 861-2 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté l’amendement n° 15 du Sénat présenté par M. Bernard Accoyer, l’amendement n° 16 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard et l’amendement n° 17 du Sénat présenté par M. Bernard Accoyer.

Article L. 861-3 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté l’amendement n° 18 et n° 19 du Sénat présentés par M. Bernard Accoyer, l’amendement n° 20 rectifié du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard, et l’amendement n° 21 du Sénat présenté par M. Bernard Accoyer.

Article L. 861-4 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté l’amendement n° 22 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article L. 861-5 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté les amendement n°s 23, 24 et 25 du Sénat présentés par M. Bernard Accoyer.

Article L. 861-5-1 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté l’amendement n° 26 du Sénat présenté par M. Yves Bur.

Article L. 861-6 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté l’amendement n° 27 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article L. 861-9 du code de la sécurité sociale

La commission a rejeté l’amendement n° 30 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

Article 22 (article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale) : Tarifs pratiqués par les médecins conventionnés en faveur des bénéficiaires de la CMU

La commission a rejeté l’amendement n° 38 du Sénat présenté par MM. Bernard Accoyer, Yves Bur et François Goulard.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de demander à l’Assemblée nationale d’adopter définitivement le texte voté par l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, le 16 juin 1999.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Gaëtan Gorce, rapporteur sur le projet de loi relatif à la réduction du temps de travail.


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