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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 novembre 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Avis action sociale (M. Francis Hammel, rapporteur).

- Avis santé (M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur).

- Avis travail et emploi (M. Jean-Claude Boulard, rapporteur).

- Avis formation professionnelle (M. Patrick Malavieille, rapporteur).

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- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Francis Hammel, les crédits de l'action sociale pour 2000.

Le rapporteur pour avis a indiqué que le montant du budget de la solidarité passait de 80,18 milliards de francs en 1999 à 90,8 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000, soit une progression de 13,3 %. A structure constante, en écartant la subvention de l'Etat au financement de la couverture maladie universelle qui s'élève à 7 milliards de francs, l'augmentation est de 5,9 %.

En ce qui concerne l'action sociale et la lutte contre les exclusions, les engagements pris lors du vote de la loi du 29 juillet 1998 sont honorés. Les mesures nouvelles se décomposent en : 100 millions de francs pour l'accompagnement social individualisé (ASI), 60 millions de francs pour l'urgence sociale et 60 millions de francs pour les fonds d'aide aux jeunes (FAJ). S'y ajoutent 73,4 millions de francs pour le financement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), dont 42 millions pour la création de 500 places nouvelles et 20,4 millions de francs pour accroître la capacité d'accueil des centres de formation des travailleurs sociaux.

Il faut toutefois remarquer que si le dispositif « nouveaux services-nouveaux emplois », le programme TRACE et les contrats de travail en alternance permettent l'insertion d'un nombre croissant de jeunes, il n'en demeure pas moins qu'une frange d'entre eux reste sans solution. D'autre part, l'hébergement de plus en plus fréquent de familles dans les CHRS, qui étaient à l'origine destinés à des personnes seules, pose le problème de leur accès au logement social. Enfin, il faut insister sur l'importance de la formation et de l'amélioration des conditions de travail des travailleurs sociaux.

A propos des minima sociaux, le rapporteur pour avis a précisé que les crédits consacrés au RMI progressent de 8,7 %, pour atteindre 28,7 milliards de francs, cette progression s'expliquant par la revalorisation de 3 % du montant de l'allocation en 1999 et par l'effet des mesures prises dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions et notamment de l'intéressement. Le nombre d'allocataires du RMI a atteint 1 112 108 en 1998, soit une augmentation de 4,1 % par rapport à 1997, ce qui confirme la tendance au ralentissement de la croissance des effectifs de bénéficiaires.

Les crédits de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) progressent de 3 %, passant de 24,6 milliards de francs à 25,55 milliards. 667 927 personnes ont perçu cette allocation en 1998, soit une augmentation de 2,9 % par rapport à 1997. Cependant, la réduction du montant de l'allocation en cas d'hospitalisation supérieure à 60 jours apparaît injuste et devrait être revue.

Le programme TRACE, après un démarrage lent en 1998, connaît une montée en puissance et l'objectif de 40 000 jeunes entrés dans le programme devrait être atteint à la fin de l'année. Les FAJ reçoivent de l'Etat un financement supplémentaire de 60 millions de francs.

L'ensemble des crédits de l'Etat en faveur des handicapés passe de 31,6 milliards de francs à 32,9 milliards. Un effort soutenu est accompli en matière d'établissements par la poursuite du programme de créations de places : 2 000 places supplémentaires en CAT et 500 en ateliers protégés, le financement des CAT s'élevant pour 2000 à 6,5 milliards de francs (+ 3,8 %).

A ces crédits s'ajoutent 460 millions de francs de mesures nouvelles fixées dans l'ONDAM :

- 270 MF pour le financement des places supplémentaires en MAS et FDT,

- 50 MF en faveur des personnes autistes,

- 50 MF en faveur des traumatisés crâniens,

- 30 MF pour les enfants lourdement handicapés,

- 40 MF pour les Services d'éducations spéciale et de soins à domicile (SESSAD),

- et 20 MF supplémentaires pour les Centres d'action médico-sociale précoces (CAMSP).

Malgré les créations de places, la demande de placement en établissements spécialisés demeure forte et insatisfaite, ce qui a rendu nécessaire le plan pluriannuel. L'admission en établissement est un élément du choix de vie qui doit être proposé aux personnes handicapées. Il reste cependant que la demande est entretenue par l'insuffisance des solutions intégratives. Ces solutions doivent donc, en parallèle, être encouragées et effectivement appliquées. Il faut, à cet égard, souligner l'importance du plan d'encouragement à la scolarisation des enfants et adolescents handicapés, adopté par le Conseil des ministres du 3 février 1999, et le plan d'action pour le développement de l'autonomie des personnes handicapées dans leur milieu de vie ordinaire (plan Lyasid) expérimenté sur 4 sites pilotes et qui le sera l'année prochaine sur 15 sites. Il convient également de soutenir les mesures favorisant la continuité entre le travail en milieu ordinaire et le travail en milieu protégé, ainsi que l'accès des travailleurs handicapés aux dispositifs de formation professionnelle. Par ailleurs, le fonctionnement des COTOREP doit être amélioré. Des crédits sont dégagés à cette fin dans le projet de loi de finances pour 2000 à hauteur de 28,4 millions de francs.

Il faut enfin souligner l'urgente nécessité de réformer la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, afin d'établir les principes fondamentaux de l'exercice des droits des usagers et de leur entourage, de définir les établissements et services qui assurent l'accompagnement des handicapés et de prévoir un dispositif financier approprié.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean Le Garrec a observé que, si le nombre d'allocataires du RMI croît désormais plus faiblement, il n'est pas encore en diminution, ce qui implique de poursuivre les efforts sur le terrain. Il s'est ensuite félicité de l'augmentation importante, près de 4 %, des crédits consacrés aux personnes handicapées.

La commission a confié une mission d'information à M. Pascal Terrasse sur la réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales. Il est à craindre qu'un projet de loi spécifique ne puisse être inscrit à l'ordre du jour prioritaire avant la fin de la session, il conviendra donc de veiller à ce que les mesures les plus urgentes figurent dans le prochain DMOS.

M. Bernard Perrut a fait les observations suivantes :

- Le programme TRACE rencontre des difficultés d'application sur le terrain, en raison de l'insuffisance des moyens d'accompagnement. Il faudrait que les procédures en soient simplifiées et notamment que les jeunes qui ne sont pas inscrits à l'ANPE puissent néanmoins bénéficier des aides.

- L'évolution significative des crédits en faveur des personnes handicapées, prolonge les efforts réalisés par les gouvernements précédents et les engagements pris par le Gouvernement en termes de création de places nouvelles doivent être concrètement réalisés.

- Il faut regretter le délai excessivement long de traitement des dossiers par les COTOREP.

- La scolarisation des jeunes handicapés demeure difficile et il conviendrait d'en arriver au principe d'au moins un élève handicapé par école.

M. Pascal Terrasse s'est félicité de la programmation des engagements en matière de création de places en établissements pour personnes handicapées au travers du budget de l'Etat et de la loi de financement de la sécurité sociale, qui permet de répondre aux besoins. La participation de l'Etat au financement de l'investissement des établissements d'accueil reste cependant insuffisante. Cette situation conduit les associations à se substituer à ce dernier, ce qui a pour conséquence une augmentation du prix de journée.

L'intégration des personnes handicapées en milieu ordinaire doit être une politique prioritaire en encourageant le maintien dans la famille lorsque cela est possible, y compris en structure d'accueil familial. La question de l'accès à la formation professionnelle des personnes travaillant en CAT doit également être posée. Par ailleurs, la réforme de la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales demeure attendue.

M. Alain Néri a estimé que la situation des jeunes adultes maintenus dans les établissements d'éducation spéciale en application de « l'amendement Creton » appelait une solution. Le nombre de places en établissement se révèle insuffisant et une réflexion globale doit être menée qui inclut d'ailleurs la question du fonctionnement des foyers à double tarification (FDT). Une réforme de l'organisation des COTOREP est également urgente et la scolarisation des jeunes handicapés devrait être encouragée par une priorité donnée en matière d'emplois-jeunes aux écoles accueillant des enfants handicapés.

M. Georges Colombier a indiqué que la loi relative à l'autisme avait généré de nombreux espoirs qu'il convenait de ne pas décevoir. Il a demandé s'il existait des simulations sur la dotation de solidarité urbaine et rurale en liaison avec la réforme des contingents communaux d'aide sociale opérée à l'occasion de la création de la couverture maladie universelle.

Mme Catherine Génisson s'est déclarée favorable à la création d'emplois-jeunes dans les établissements scolaires. Elle a par ailleurs, évoqué la situation des traumatisés crâniens présentant des pathologies très spécifiques et dont la prise en charge par les familles se révèle difficile.

M. Edouard Landrain a souligné l'importance du placement des jeunes handicapés en milieu scolaire tout en insistant sur la nécessité, à cette fin, d'une formation spécifique des maîtres.

Le président Jean Le Garrec a relevé une contradiction entre la loi et la circulaire d'application du programme TRACE qui aurait créé des contraintes nouvelles qui freinent sa mise en _uvre.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- Les procédures administratives devraient être effectivement simplifiées pour faciliter l'insertion des jeunes.

- Le Gouvernement a mis en place une mission ayant pour objectif de réviser et de renforcer leurs moyens de fonctionnement du COTOREP au-delà des financements supplémentaires dégagés pour 2000.

- Dans le cadre du plan relatif à l'intégration scolaire, des modules de formation des enseignants et des chefs d'établissements ont été prévus et 4 700 aides éducateurs sont employés comme auxiliaires d'intégration scolaire.

- L'accompagnement des autistes et des traumatisés crâniens doit être développé dans le cadre de la réforme de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

Puis, conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action sociale pour 2000.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Foucher, les crédits de la santé pour 2000.

Le rapporteur pour avis a rappelé que les crédits du budget de la santé sont modestes et ne représentent que 4 milliards de francs alors que l'ensemble du budget de la santé et de la solidarité atteint 90,8 milliards de francs et l'ensemble des dépenses de santé atteint à 742,7 milliards, en 1998. La plupart des crédits de santé relèvent de la loi de financement de la sécurité sociale. Si on laisse de côté les moyens de l'administration générale, les traits principaux de ce budget pour 2000 sont les suivants :

En ce qui concerne la sécurité sanitaire, on peut noter une montée en puissance effective des moyens consacrés à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) née de la transformation de l'agence du médicament et créée en mars 1999 à la suite de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire. Ses missions étant élargies, le présent budget octroie 70 emplois supplémentaires, portant à 722 le nombre total des postes, et 55,5 millions de francs de moyens nouveaux.

L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), créée en avril 1999, exerce non seulement les missions fusionnées des deux organismes qu'elle remplace (agence du médicament vétérinaire et Centre national des études vétérinaires et alimentaires) mais aussi des missions élargies d'expertise, de la production à la distribution. A cet effet, elle bénéficie de 49 emplois supplémentaires et d'une contribution du budget de la santé pour presque 23 millions de francs.

L'Institut de veille sanitaire, troisième organisme créé pour renforcer la veille sanitaire, est doté de plus de 101 millions de francs, ce qui lui permettra notamment d'ouvrir 15 emplois supplémentaires pour mieux assumer ses missions, notamment la veille épidémiologique sur le SIDA.

Enfin l'Office de protection contre les rayons ionisants connaît une augmentation de crédits de 52,5 % pour 2000 alors que l'établissement français des greffes ne bénéficie que d'une progression de 9,9 %, l'Agence française du sang stagne et l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) progresse de 43,3 %.

En ce qui concerne la santé publique, les interventions de l'Etat visent tout d'abord la lutte contre les fléaux sanitaires en privilégiant la prévention, la veille et l'alerte. De nombreux regroupements et transferts de crédits ont lieu, notamment au sein des politiques régionales de santé dont les programmes sont abondés de 3,2 millions de francs en plus des 930 000 francs alloués aux programmes d'éducation et de promotion. En ce qui concerne le SIDA et les maladies transmissibles, la plupart des actions sont transférées à l'assurance maladie. Les pratiques addictives quant à elles bénéficient d'une augmentation sensible.

Enfin les crédits de l'organisation du système de soins, en diminution, bénéficient surtout aux interventions dans le domaine hospitalier et à la réorientation des subventions d'équipement sanitaire.

Le rapporteur pour avis a ensuite analysé la situation de l'ANAES créée par l'ordonnance du 24 avril 1996, qui a pris beaucoup de retard dans sa montée en charge. L'Agence assume deux missions principales : l'évaluation et l'accréditation. Successeur de l'ANDEM créée en 1990, ses missions d'évaluation sont élargies et peut-être trop au regard des délais qui lui ont été accordés pour assurer sa mise en place et son fonctionnement. Quant à l'accréditation, elle a beaucoup de chemin à faire en France car c'est une idée neuve pour notre pays. Exercée au sein de l'ANAES par des professionnels, de manière indépendante par rapport aux 3 700 établissements visés, cette mission d'accréditation exige des délais importants pour être menée à bien.

On peut regretter la lente mise en place de cet organisme puisque la nomination des membres du collège d'accréditation n'a eu lieu qu'au mois d'octobre dernier. Il faut rappeler que ces experts nationaux et locaux doivent, avant d'exercer cette mission, être disponibles, recrutés et formés.

Par ailleurs l'élaboration du manuel d'accréditation a pris près d'un an. Pourtant l'agence a disposé d'un budget conséquent dès sa création, budget qui n'a pas été épuisé la première année et qui, minoré en 1999, est abondé en 2000 de 53,5 millions pour la part de l'Etat. La question que l'on peut se poser est de savoir si les prévisions d'accréditation pour cette année, au nombre de 200, sont sérieuses étant donné l'ensemble des remarques précédentes.

En effet, la multiplication des demandes faites à l'agence en dehors de la mission d'évaluation, les questions qui se posent encore sur les choix à effectuer parmi les urgences et dans la manière de procéder, les exigences de qualité de chacun, experts et expertisés, l'étendue des actes de nomenclature à examiner, les limites peu précises entre les missions des différentes agences, sont autant d'obstacles au développement harmonieux de L'ANAES.

Il est nécessaire d'impartir des délais plus longs à l'ANAES et de clarifier sa situation afin de lui permettre de mener à bien ses missions dont chacun s'accorde à dire qu'elles sont utiles et de qualité.

En conclusion, le rapporteur pour avis a déclaré avoir un avis réservé sur le budget de la santé.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jean-Luc Préel, après avoir déploré le transfert à l'assurance maladie de nombreuses missions de santé publique dans le projet de loi de financement sur la sécurité sociale pour 2000, a posé des questions sur :

- la réelle autonomie des agences par rapport au ministère de la santé et en particulier par rapport à la direction générale de la santé ;

- la coordination des trop nombreux intervenants en matière de prévention et d'éducation à la santé ;

- les investissements publics dans les hôpitaux. Les besoins sont très importants que ce soit la reconversion de lits de moyen séjour en long séjour, la mise aux normes de sécurité, l'installation d'IRM ou la mise en place de chambres individuelles alors que le fonds réservé aux restructurations hospitalières est très modeste et les subventions qu'il verse aux établissements sont des subventions négatives dans la mesure ou l'Etat prélève la TVA sur celles-ci ;

M. Jean Bardet a regretté que l'Etat se désengage toujours plus de missions essentielles de santé publique tel que le dépistage, le planning familial ou la toxicomanie. En compensation, l'Etat devrait assumer une charge nouvelle : le remboursement de certains médicaments qui ne le sont plus par la sécurité sociale comme par exemple dernièrement un médicament contre la grippe mis en vente au prix de 149 francs.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- L'Agence de sécurité alimentaire va souffrir d'un problème de crédibilité dans la mesure où son avis sur le b_uf britannique va certainement être remis en cause par le Gouvernement dans le compromis qu'il va passer avec le Gouvernement anglais.

- L'ANAES a été créée en 1996 mais sera véritablement opérationnelle en 2002 même si on peut s'interroger sur la possibilité de cet établissement d'avoir accrédité l'ensemble des établissements de santé à cette date.

Mme Catherine Génisson a observé que l'on ne peut pas dire que l'Etat se désengage de la santé et en même temps protester contre l'étatisation du système de santé prétendument inscrite dans le projet de loi de financement. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale procède en réalité à une clarification nécessaire de rôle entre l'Etat et l'assurance maladie. Le budget de la santé exprime bien la priorité de la santé publique et de la sécurité sanitaire comme l'atteste, entre autres éléments, la création de 22 postes de médecins inspecteurs de santé publique et de 20 postes d'inspecteurs des affaires sociales.

Enfin l'ANAES est un outil d'évaluation et d'accréditation fondamental mais les acteurs de santé ne sont pas préparés à cette procédure comme dans les pays anglo-saxons. Il faut donc du temps pour changer les mentalités et pour que les établissements de santé s'approprient les enseignements de l'accréditation. En fin de compte, le budget de la santé pour 2000 est un bon budget, dans l'attente du projet de loi sur la modernisation du système de santé annoncé pour le printemps.

M. Bernard Perrut s'est inquiété du montant des crédits consacrés à la lutte contre le suicide, M. Bernard Kouchner s'étant engagé à faire passer le nombre de suicides en dessous du seuil de 10 000 par an. Il s'est également interrogé sur l'application des dispositions de la loi Evin concernant le tabagisme dans les établissements scolaires, la circulaire d'application n'ayant, semble-t-il, jamais été prise.

En réponse aux intervenants le rapporteur pour avis a apporté les informations suivantes :

- Il existe effectivement un problème d'autonomie des agences qui sont des établissements publics administratifs.

- La coordination de la politique de prévention n'existe toujours pas. Le comité français de l'éducation à la santé n'est pas en mesure de remplir cette mission de coordination.

- La crédibilité de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments risque effectivement d'être mise à mal par une éventuelle décision du Gouvernement de levée de l'embargo du b_uf britannique.

- Le budget de la santé se voit allouer 200 millions de francs de crédits complémentaires en 2000 mais ceux-ci sont uniquement dévolus à la mise en place des trois agences de sécurité sanitaire.

- Pour ce qui est de la lutte contre le suicide, 500 000 francs supplémentaires sont prévus par le budget.

Puis, contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2000.

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La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Claude Boulard, les crédits du travail et de l'emploi pour 2000.

Le rapporteur pour avis a indiqué que les crédits du travail et de l'emploi s'élèveront à 122 milliards de francs en 2000, ce qui correspond à une augmentation de 2,3 % par rapport à 1999. L'actualité s'est particulièrement attachée ces derniers temps aux modalités de création et de financement du fonds d'allégement des charges sociales mis en place par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette question, importante, ne saurait occulter d'autres aspects, moins médiatisés, mais essentiels pour la réussite de la politique de l'emploi. Il convient à cet égard d'insister sur l'évolution enregistrée en matière de dispositifs d'aide à l'insertion dans le marché du travail.

La croissance économique ne bénéficie pas également à tous : elle tend au contraire à creuser les écarts. Il apparaît par conséquent indispensable de contrer cette logique sélective du marché grâce à une politique intensive d'aide à l'insertion. Les crédits proposés dans le projet de budget sont à la hauteur de cet objectif d'accompagnement des personnes en difficulté dans leur parcours de formation et de retour à l'emploi.

De même, les moyens accordés au service public de l'emploi sont renforcés. Des postes d'inspection du travail sont créés. L'ANPE voit sa subvention croître de 10 % et reçoit le renfort de 500 agents supplémentaires. Le programme TRACE monte en charge. Le financement alloué pour le suivi des jeunes est de 537 millions de francs, soit une augmentation de 6 % par rapport à l'année dernière. En revanche, une articulation entre le programme TRACE et le Fonds d'aide au jeunes doit être trouvée. Certains jeunes en attente d'un contrat se trouvent sans revenu et devraient bénéficier - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - d'un subside du Fonds d'aide aux jeunes.

Le programme des emplois-jeunes poursuit, pour sa part, sa montée en charge. Le nombre d'emplois-jeunes s'élève aujourd'hui à 200 000. L'objectif est d'aboutir à la fin de l'année 2000 à 300 000 emplois. Se pose dès aujourd'hui la question, difficile, de la pérennisation des emplois-jeunes. Elle devra faire l'objet d'une réflexion en profondeur.

Le projet de budget fait une place importante aux deux dispositifs de contrats aidés que sont les CES (contrats emplois-solidarité) et les CEC (contrats emplois-consolidés). Le repli du premier (226 000 bénéficiaires à la mi-1998 contre 284 000 en 1997) résulte de la volonté de basculer les bénéficiaires vers le second, jugé plus propice à intégrer durablement ses bénéficiaires dans le marché de l'emploi.

On peut s'interroger sur les modalités de sortie des dispositifs d'insertion qui sont supposés déboucher sur l'emploi. Il serait opportun à cet égard de réfléchir aux moyens de mettre en place à terme un contrat d'insertion à durée indéterminée qui permettrait aux actuels « licenciés de l'insertion » de ne quitter un tel dispositif qu'avec l'assurance de retrouver un emploi stable. Les contrats d'insertion ne sauraient, comme c'est le cas aujourd'hui, déboucher sur une situation de chômage.

Il faut saluer le rôle essentiel joué dans le secteur de l'insertion par l'économique par les entreprises d'insertion (EI), les entreprises d'intérim d'insertion, appelées entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), ou les associations intermédiaires. Les augmentations de crédits budgétaires dont ces structures bénéficieront en 2000 en sont d'ailleurs la preuve.

En conclusion, le rapporteur a émis un avis favorable sur les crédits du travail et de l'emploi pour 2000.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Bernard Perrut a posé les questions suivantes :

- Quels sont les moyens mis en _uvre au profit du programme TRACE et quelles sont les mesures de simplification administrative envisagées afin d'améliorer l'application de d'un programme, destiné, il faut le rappeler, à des publics souvent marginalisés ?

- En quoi, depuis un an, le fonctionnement de l'Agence nationale de l'amélioration des conditions de travail (ANACT) a-t-il été amélioré ?

- Où en est-on de l'indispensable réflexion sur la politique d'accueil de l'ANPE (agence nationale pour l'emploi), sachant que certaines entreprises continuent d'hésiter à s'adresser aux services de l'Agence ?

- Ne risque-t-on pas par une éventuelle taxation de l'intérim de remettre en cause son action en faveur de l'insertion ?

- Les postes d'inspecteurs du travail créés par le présent projet de budget viendront-ils renforcer les missions traditionnelles de l'inspection du travail ou le contrôle des fonds de la formation professionnelle ?

- L'application de la baisse généralisée de la durée hebdomadaire de travail à 35 heures a-t-elle déjà eu des retombées favorables en termes d'emploi des jeunes ?

M. Germain Gengenwin, après voir protesté contre le manque de lisibilité du budget, s'agissant par exemple de la répartition des crédits emplois-jeunes, a posé les questions suivantes :

- Comment peut-on expliquer les divergences d'évolution entre les primes et les compensations d'exonération de cotisations relatives aux contrats de qualification adultes ?

- Quels sont les moyens alloués aux OPACIF (organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation) et leur destination ?

Mme Paulette Guinchard-Künstler s'est enquise du sort des excédents des fonds de l'alternance prélevés en vertu de l'article 70 du projet de loi de finances.

M. Jean Ueberschlag a fait les observations suivantes :

- Il eût été utile de disposer, avant la séance publique, des annexes explicatives.

- Il peut sembler paradoxal que les moyens des services augmentent plus rapidement que les actions qui leur sont confiées.

- Il convient de stigmatiser la suppression de l'ASF (Association pour la gestion de la structure financière) et des aides au conseil.

- On peut relever que certains postes budgétaires progressent moins rapidement que l'ensemble du budget.

Mme Brigitte Douay a appuyé l'idée d'un contrat d'insertion à durée indéterminée.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a donné les informations suivantes :

- S'agissant des moyens accordés aux services du travail et de l'emploi, il convient de rappeler que le ministère de l'emploi et de la solidarité est traditionnellement plutôt pauvre. Il apparaît donc normal de doter cette administration de moyens matériels et humains renforcés.

- La répartition des créations de postes entre les contrôleurs du travail et ceux de la formation professionnelle n'est pas encore connue.

- La hausse des moyens affectés à l'ANPE dans un contexte de resserrement de ses missions s'explique par le rôle actif que les pouvoirs publics entendent lui confier dans le processus d'adaptation du marché du travail. Au moment où apparaissent des offres d'emplois non satisfaites, ce rôle est d'ailleurs amené à se renforcer.

- Les crédits destinés au programme des emplois-jeunes seront répartis entre les différents ministères selon la technique classique des décrets de répartition.

- S'agissant de l'ANACT, on ne peut être totalement certain de l'efficacité de ses actions, même si cette agence a manifestement joué un rôle en matière d'expertise relative aux aménagements et à la réduction du temps de travail.

- En ce qui concerne le programme TRACE, les difficultés rencontrées dans sa mise en _uvre résultent notamment de la spécificité des publics concernés. Mais il convient de rappeler que la légère progression des moyens qui lui sont affectés devrait faciliter l'accueil des bénéficiaires dans les missions locales.

Le rapporteur pour avis a ensuite attiré l'attention des membres de la commission sur la question de la validation gratuite des points de retraite et des allocations complémentaires par l'ARRCO et l'AGIRC. La remise en cause par l'Etat de sa contribution au financement de ce dispositif a créé une situation particulièrement délicate depuis 1996. Il importe que l'Etat respecte sa parole et apporte, comme il s'est était engagé, sa contribution financière à ces régimes de retraite complémentaires.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits du budget du travail et de l'emploi pour 2000.

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Le rapporteur a indiqué qu'il tire de cet avis les enseignements suivants :

L'alternance politique de 1997 a bien permis une nette rupture avec la politique de formation professionnelle conduite par le Gouvernement précédent. La formation professionnelle est de nouveau une priorité de l'action publique, on ne peut que s'en réjouir.

Qui plus est, elle est une priorité forte de l'action gouvernementale comme le marque par exemple la reconstitution depuis le printemps 1998 d'un échelon ministériel spécifiquement dédié à cette politique. Son caractère prioritaire transparaît également dans le coup d'arrêt donné à la baisse de l'effort financier en sa faveur. On ne peut par ailleurs que noter la volonté prouvée d'un meilleur usage de ces fonds, notamment par leur recentrage au profit de publics prioritaires, les jeunes les plus en difficulté et les demandeurs d'emploi.

Selon les résultats provisoires du compte économique de la formation professionnelle qui retrace les interventions de tous les acteurs, la dépense totale pour la formation professionnelle s'élève à 139,9 milliards de francs pour 1997, soit une progression de 0,6 % en francs courants par rapport à 1996. La stabilisation de l'effort national se fait à un niveau relativement bas puisque le niveau record de 1993 n'est pas égalé et que l'effort de formation reste inférieur de 0,21 point à celui constaté en 1993, retombant à 1,72 % du PIB.

Cette stabilisation à un niveau trop bas appelle incontestablement un rebond, un effort supplémentaire de chacun des financeurs. De ce point de vue, les crédits de la formation professionnelle pour 2000 ne répondent pas entièrement à l'indispensable effort supplémentaire attendu des acteurs publics.

En effet, les crédits dédiés à la « formation professionnelle » représentent 28 % des crédits de la section « emploi » du ministère de l'emploi et de la solidarité, mais leur part connaît en réalité un léger recul par rapport à l'an dernier à structure constante. De fait, ils passent de 34,92 milliards de francs l'an dernier à 34,47 milliards dans le présent projet de loi de finances, soit une baisse de 1,29 % en francs courants.

Après l'augmentation des crédits en 1998 et 1999 (respectivement de 2,5 % et 3,65 %), 2000 semble marquer une pause dans la progression des crédits. Cette pause résulte de trois facteurs essentiels :

- la capacité d'absorption de certains dispositifs : le rattrapage opéré en 1998 et 1999, l'accroissement des moyens ont abouti dans certains cas à la saturation des dispositifs (demandes des entreprises couvertes, manque de candidatures adaptées, formateurs en nombre insuffisant, ...) ;

- l'amélioration de la situation de l'emploi qui conduit automatiquement à la contraction de certaines actions (les conventions de conversion par exemple) ;

- la volonté de recentrer les actions sur les publics les plus prioritaires.

De ce fait, la plupart des postes de dépenses sont en légère diminution ou restent stables :

- tel est par exemple, de façon logique puisqu'ils sont indexés sur la dotation générale de décentralisation, le cas des financements décentralisés ;

- tel est le cas de l'allocation formation reclassement, des SIFE ou encore des stages FNE en faveur des cadres ;

- mais la rigueur touche aussi des dépenses traditionnellement prioritaires, telles celles relatives à l'apprentissage, même si le nombre d'entrées prévues est maintenu à son niveau de 1999.

L'accent mis sur certaines dépenses illustre d'autant mieux leur caractère prioritaire :

- les dispositifs d'insertion spécifiques aux jeunes (par le biais d'un réseau d'accueil restructuré) et aux demandeurs d'emploi de façon générale ;

- les contrats de qualification, tant pour les jeunes que pour les adultes ;

- les actions menées par l'AFPA recentrée sur ses missions de service public de l'emploi.

On peut regretter le niveau des crédits proposés et l'on aurait évidemment préféré des moyens plus conséquents. Mais leur analyse montre bien que la formation professionnelle doit être appréhendée au travers d'un prisme plus large que celui des seuls chiffres, du nombre de bénéficiaires de tels ou tels dispositifs.

La formation professionnelle est appelée à relever de grands défis, sociaux et économiques dans un univers professionnel toujours plus précaire. Dès lors, on doit s'interroger - et le Gouvernement le fait - sur le caractère adapté de notre dispositif de formation professionnelle à de tels défis. A l'évidence, il ne l'est plus tant il est devenu complexe et inégalitaire. Le livre blanc rédigé par le Gouvernement partage d'ailleurs ce constat.

Il faut dès lors s'interroger sur les pistes de réforme susceptibles d'être exploitées afin de faire de la formation professionnelle un outil efficace de lutte contre l'exclusion.

Outre les quatre axes proposés par le livre blanc (la création d'un droit à la formation individuel, transférable, géré et garanti collectivement, la professionnalisation des jeunes, la meilleure prise en compte de l'expérience professionnelle acquise, et la clarification du système), le lien entre formation et emploi doit être renforcé.

Il est essentiel de renforcer l'adéquation entre offre de formation et offre d'emploi. La formation des actifs occupés doit par ailleurs continuer d'être à part entière du temps de travail effectif : les salariés ne doivent pas payer la réduction du temps de travail par la remise en cause de leurs acquis, par le paiement de leur formation. De même il faut renforcer l'exigence de formation pour tous les salariés à statut précaire, pour tous les publics plus fragiles de par leur statut ou du fait de la situation de leur entreprise.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- La question de l'utilisation des excédents du capital formation se pose, sachant qu'une partie devrait être utilisée au financement de l'apprentissage.

- 20 millions de francs sont consacrés au financement des primes pour les contrats de qualification adultes et 140 millions de francs à celui des exonérations de cotisations liées à ces contrats. En 1999, 10 000 contrats ont été conclus. Ce chiffre devrait être de 15 000 pour 2000. Ces contrats bénéficient essentiellement à des chômeurs de longue durée (à 62 %). Ils remplissent donc l'objectif poursuivi.

- Des difficultés de mise en _uvre du programme TRACE existent. Pour 2000, 50 millions de francs ont été affectés à la réorganisation du réseau et notamment au renforcement de son accessibilité aux publics les plus difficiles.

- S'agissant de la réforme de la formation professionnelle, une première étape pourrait être accomplie lors de l'examen du DMOS, au premier semestre 2000. La loi d'ensemble devrait intervenir en 2001.

Puis, conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 2000.

Informations relatives à la commission

La commission a désigné les candidats à d'éventuelles commissions mixtes paritaires sur :

· le projet de loi relatif à la réduction du temps de travail

Titulaires

Suppléants

M. Jean Le Garrec

M. Yves Rome

M. Gaëtan Gorce

Mme Catherine Génisson

M. Gérard Terrier

M. Jean-Louis Fousseret

Mme Roselyne Bachelot-Narquin

M. Thierry Mariani

M. Hervé Morin

M. Bernard Accoyer

Mme Muguette Jacquaint

Mme Marie-Thérèse Boisseau

M. Pierre Carassus

M. François Goulard

· le projet de loi relatif à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

Titulaires

Suppléants

M. Jean Le Garrec

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Alfred Recours

M. Jérôme Cahuzac

M. Claude Evin

M. Gérard Terrier

M. Jean Bardet

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Luc Préel

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia

Mme Jacqueline Fraysse

M. Yves Bur

M. Gérard Charasse

M. Denis Jacquat

· la proposition de loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives

Titulaires

Suppléants

M. Jean Le Garrec

Mme Catherine Picard

M. Jean-Claude Beauchaud

M. Jean-Louis Fousseret

M. Henri Nayrou

M. Alain Néri

M. Christian Estrosi

M. Pierre Morange

M. Edouard Landrain

Mme Roselyne Bachelot-Narquin

M. Patrick Leroy

M. François Rochebloine

M. Bernard Charles

M. Denis Jacquat


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