Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission des Affaires culturelles (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 Février 2000

(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

puis de M. Jean-Paul Durieux, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi relatif à l'archéologie préventive - n° 1575

2

- Examen du projet de loi relatif à l'archéologie préventive - n° 1575 (M. Marcel Rogemont, rapporteur)

5

- Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant abrogation de l'article 78 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle - n° 2117 (M. Jean Rouger, rapporteur)

12

- Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane - n° 2116 (M. Jean Rouger, rapporteur)

14

- Informations relatives à la commission

22

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi relatif à l'archéologie préventive - n° 1575.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a souligné que l'archéologie préventive connaît une crise presque permanente depuis trente ans, en raison notamment de l'absence de cadre législatif adapté.

Le projet de loi tend à assurer à l'archéologie préventive une plus grande sécurité juridique, sans affecter le droit existant. Les opérations d'archéologie préventive doivent être mises en _uvre sans délai sur l'ensemble du territoire, avec des coûts transparents, une préoccupation d'équité et un niveau scientifique élevé. Le projet s'inspire des orientations du rapport remis en 1998 par MM. Demoule, Pêcheur et Poignant, qui souhaitaient que la réforme affirme la vocation scientifique de l'archéologie préventive et son caractère de service public. De fait, le texte confirme le rôle de prescription de l'Etat et crée un établissement public administratif, placé sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère chargé de la recherche, ayant pour mission d'effectuer les opérations de diagnostics et de fouilles.

Le projet de loi répond à une nécessité parce que l'archéologie préventive a suscité une incompréhension croissante de la part des aménageurs, notamment des collectivités locales, à cause de l'absence de dispositif juridique clair.

Le nouvel établissement public sera doté de droits exclusifs, qui se justifient par les obligations de service public qui pèsent sur lui. Il travaillera en collaboration avec les autres structures compétentes en matière de recherche archéologique, en particulier le CNRS, les universités et les services archéologiques des collectivités territoriales.

Par ailleurs, le projet de loi clarifie le financement de l'archéologie préventive en instituant des redevances établies à partir d'éléments objectifs. Le dispositif prévu peut être amélioré, le Gouvernement présentera des propositions en ce sens.

La réforme crée donc un véritable service public de l'archéologie préventive, introduisant dans notre ordre juridique interne les préoccupations de la convention européenne de Malte du 16 janvier 1992. Elle traduit l'objectif politique d'une meilleure protection du patrimoine archéologique, élément essentiel de connaissance de notre passé.

Après l'exposé de la ministre, le rapporteur l'a remerciée d'avoir rappelé la nécessité, à laquelle adhère la communauté archéologique, de mettre en place une organisation nouvelle de l'archéologie préventive. La législation en vigueur ne porte que sur l'archéologie programmée et de manière très accessoire sur l'archéologie préventive. L'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) joue un rôle positif, puisque près de 95 % des données scientifiques viennent de l'archéologie d'urgence, mais ce dispositif qui n'a pas de base légale n'est pas satisfaisant. Si l'on examine la situation de l'archéologie dans les autres Etats de l'Union européenne, malgré la diversité des législations, on relève que l'archéologie préventive est partout dans la sphère publique. Il convient de relativiser la portée de l'avis du Conseil de la concurrence car s'il existe des tâches archéologiques rentables, il n'y a pas vraiment de marché économique de l'archéologie. Ce constat justifie pleinement la mise en place d'un établissement public à caractère administratif.

Quatre questions restent posées :

- Comment accroître la prévisibilité du risque archéologique auquel sont confrontés les aménageurs ?

- Comment améliorer la transparence, en élaborant un système plus simple, surtout dans la phase du diagnostic archéologique ?

- Comment insérer le nouvel établissement public dans la communauté archéologique ?

- Comment développer la démocratisation de l'accès à l'archéologie préventive, c'est-à-dire comment assurer une médiation culturelle sur les lieux de fouilles et mieux communiquer au public les résultats scientifiques des travaux ?

M. Bernard Outin a estimé nécessaire d'ancrer l'archéologie préventive dans le service public. Il s'est interrogé sur le niveau de la redevance : celle-ci ne concernant que des opérations portant sur des surfaces supérieures à 5000 m2, le nombre d'assujettis sera faible. Il a également demandé si les fonds recueillis pourraient permettre une mise en valeur des sites et des objets découverts lors des opérations de fouilles.

M. Serge Blisko a rappelé l'émotion des élus locaux confrontés à des projets dont le coût final dépassait du fait des fouilles archéologiques largement ce qui avait été initialement envisagé, puis il s'est interrogé sur la compatibilité d'un établissement public à caractère administratif, soumis à des règles de fonctionnement très strictes, avec la souplesse nécessaire à la conduite de travaux archéologiques, en particulier pour l'embauche de personnel.

M. Michel Herbillon a souligné l'importance du projet de loi qui allait pouvoir mettre un terme à l'incertitude qui règne actuellement en matière d'archéologie. Puis il a posé les questions suivantes :

- L'interruption d'un chantier risque de mettre en cause l'équilibre économique souvent fragile de certains projets, sociaux en particulier. Est-il possible de mieux cerner le coût des opérations de fouilles pour permettre aux aménageurs, tant publics que privés, d'en prévoir le risque financier ?

- Comment mieux évaluer l'importance des découvertes archéologiques sur les plans culturel, scientifique et historique ?

- Comment concilier la souplesse nécessaire à la conduite de travaux archéologiques et la rigidité d'un établissement public ?

Après avoir indiqué qu'il était temps de mettre fin à certaines dérives, Mme Odette Grzegrzulka a demandé s'il était envisagé d'instaurer un mécanisme de recours contre les décisions de fouilles inutiles et quels sont précisément les services de l'Etat en charge des prescriptions archéologiques.

M. Jean Valleix s'est interrogé sur la notion de « délai approprié », la mobilisation des moyens financiers nécessaires pour une conduite rapide des fouilles archéologiques et la possibilité de procéder au meilleur coût à ces travaux afin de ne pas pénaliser les opérations d'aménagement.

En réponse aux intervenants, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a apporté les précisions suivantes :

- La carte archéologique a vocation à répondre à la question du risque archéologique, elle permet en effet une meilleure prévisibilité. Grâce à un nouveau système informatique, le service d'information géographique sera en mesure de déterminer avec la plus grande précision les zones de sensibilité archéologique et ces données seront accessibles aux chercheurs. L'AFAN emploie 70 personnes à des travaux de cartographie, ces emplois pourront être repris par le nouvel établissement. Ainsi, on aboutira à terme à un véritable service public assurant la diffusion des connaissances scientifiques.

- Des solutions de rechange plus souples doivent être proposées en amont des fouilles préventives : par exemple choisir un autre lieu d'implantation de la construction prévue ou préserver, par construction, le lieu de fouilles.

- Sur 2 277 opérations effectuées en France sur une année, 1 689 ont pour objet un diagnostic et 488 des fouilles. Cela contribue aussi à la réduction du risque archéologique.

- La transparence sera assurée dans tous les domaines. Le nouvel établissement public sera sous la double tutelle des ministères de la recherche et de la culture. Tous les acteurs concernés seront représentés au conseil d'administration, y compris les aménageurs publics et privés. Le conseil scientifique inclura des représentants du CNRS, des universités, des collectivités territoriales, des associations et des bénévoles. Le dispositif retenu aboutit à la démocratisation de l'accès à la culture qui se trouve ainsi inscrite dans la loi. La transparence est garantie à toutes les étapes du processus, de la cartographie aux opérations de fouilles jusqu'à la diffusion des connaissances.

- L'institution de la redevance participe encore de ce souci de transparence. Elle permet de sortir de l'ambiguïté actuelle. Le calcul de la redevance aura pour objectif d'aboutir au prix le plus juste. Un tarif fixe multiplié par un taux qui sera fonction de la stratification et de la surface en déterminera le montant. Ainsi, le coût total des opérations sera connu dès le départ. Ce dispositif garantira l'égalité du montant de la redevance sur tout le territoire national.

- En ce qui concerne l'exonération des constructions au-dessus de 5 000 m2 de surface hors _uvre nette, l'essentiel est d'exonérer les constructions des particuliers pour eux-mêmes, ainsi que les logements sociaux.

- La création d'une commission de recours, proposée par le rapporteur, donnera une garantie supplémentaire de transparence. Elle permettra aussi de clarifier la question des délais.

- Le régime du personnel sera souple. La formule d'un établissement public administratif a été préférée à celle d'un établissement public industriel et commercial à cause de la nature de ses missions. Il reprendra le personnel de l'AFAN.

- L'archéologie préventive a parfois rencontré l'hostilité des élus locaux et suscité de nombreux contentieux mais certaines des critiques adressées à l'AFAN ne concernent ni son statut, ni son fonctionnement. L'instauration d'une redevance permettra en tout cas d'améliorer les relations avec les collectivités locales.

M. Marcel Rogemont, rapporteur, a souhaité que le Gouvernement propose un système de financement qui garantisse la transparence et la prévisibilité des coûts, avant l'examen du projet en séance. Il a également demandé à la ministre de communiquer avant cette même date à la Représentation nationale l'avant-projet de décret sur le fonctionnement de l'établissement public.

La ministre a exprimé sa satisfaction devant l'intérêt porté par les parlementaires à la préservation de notre patrimoine. Elle a stigmatisé le travers français qui consiste à survaloriser le travail archéologique effectué hors de France ou sous la mer et estimé que tout ce qui a trait à nos racines est fondamental, tant il est vrai que ce n'est pas parce que la France a commencé avec les Gaulois au lieux de Grecs ou de Romains qu'elle ne possède pas un patrimoine archéologique d'une grande richesse.

Elle a annoncé que le Gouvernement présenterait dans les prochains jours un nouveau dispositif de financement et s'est engagée à transmettre à la commission l'avant-projet de décret d'application.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er : Définition de l'archéologie préventive et rôle de l'Etat

La commission a examiné un amendement de M. Bernard Outin visant à indiquer que l'archéologie préventive relevait de l'intérêt général et de missions de service public.

Le rapporteur a observé que c'est l'ensemble de l'archéologie, et pas seulement l'archéologie préventive, qui est une mission de service public et que la notion de service public sous-tend l'ensemble du projet.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Bernard Outin visant à préciser que l'archéologie préventive est une composante de l'archéologie.

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Louis Fousseret visant à préciser que l'archéologie préventive est régie par les mêmes principes scientifiques que l'archéologie en général.

Le rapporteur a précisé que le présent projet de loi s'inscrivait dans le cadre législatif et réglementaire existant et qu'un tel amendement n'était pas nécessaire dans la mesure où l'archéologie préventive est déjà définie en tant que discipline scientifique à part entière.

M. Jean-Louis Fousseret a noté cependant que ceux qui pratiquent l'archéologie préventive ont besoin d'une reconnaissance officielle en tant que discipline scientifique régie par les principes applicables à toute recherche.

Le rapporteur a indiqué que ce besoin de reconnaissance est une préoccupation légitime et que le présent projet de loi vise justement à affirmer et préciser le rôle des pratiquants de l'archéologie préventive et surtout des archéologues bénévoles appartenant à des associations.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Bernard Outin visant à supprimer la notion de « délais appropriés » en matière d'archéologie préventive.

M. Bernard Outin a estimé que la notion de respect de délais appropriés devait être liée aux exigences du développement économique et social figurant dans le deuxième alinéa.

Le rapporteur a estimé qu'en matière d'archéologie préventive la question des délais était primordiale mais qu'il était préférable de faire référence aux délais dans les dispositions relatives aux définitions plutôt que dans celles qui concernent seulement le rôle de l'Etat.

M. Germain Gengenwin a jugé floue l'expression « délais appropriés ».

M. Bernard Outin a retiré son amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à élargir le concept d'aménagement, son auteur ayant fait valoir qu'il était trop restrictif dans le texte car il excluait les carrières.

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à supprimer le deuxième alinéa de l'article 1er afin de traiter dans des articles distincts le rôle de l'Etat et celui de la carte archéologique.

En conséquence de la suppression du deuxième alinéa de l'article 1er, sept amendements de M. Bernard Outin, M. Jean-Louis Fousseret, M. Christian Kert et de M. André Aschieri, de M. Serge Blisko sont devenus sans objet.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 1er : Rôle de l'Etat

La commission a examiné un amendement du rapporteur créant un article additionnel reprenant les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er à l'exception de celles qui concernent la carte archéologique.

Le rapporteur a indiqué que l'amendement visait à modifier le mode de désignation du responsable scientifique des opérations. Ce n'est pas à l'établissement de désigner le responsable scientifique mais à l'Etat.

M. Jean-Paul Durieux a observé que la diffusion des résultats des opérations d'archéologie était très restrictive et que l'Etat devait favoriser cette diffusion.

Mme Catherine Génisson a également observé que l'archéologie préventive devait être ouverte le plus largement possible au public et devait être un instrument de médiation culturelle.

M. Germain Gengenwin a demandé quels étaient les services de l'Etat chargés de contrôler les opérations d'archéologie préventive.

Le rapporteur a indiqué que les services de l'Etat chargés de cette mission étaient les services régionaux d'archéologie relevant des DRAC (directions régionales des affaires culturelles).

Approuvant les observations de M. Jean-Paul Durieux et de Mme Catherine Génisson sur la démocratisation de l'archéologie, il a indiqué que le rôle des acteurs locaux était essentiel en la matière, étant donné la faiblesse des moyens de l'Etat.

La commission a adopté l'amendement.

Article additionnel après l'article 1er : Cartes archéologiques

La commission a examiné un amendement du rapporteur introduisant un article additionnel visant à définir l'élaboration des cartes archéologiques nationales et locales et les conditions de leur communication aux tiers.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement visait à donner à l'Etat l'obligation d'établir, outre la carte archéologique nationale, un véritable zonage archéologique qui mette fin à l'imprévisibilité actuelle de l'archéologie préventive. De plus, dans un souci de transparence, ces documents sont à certaines conditions communicables à des tiers. Il s'agit de permettre aux maires de communiquer ces éléments immédiatement lors de la procédure de demande d'un permis de construire ou d'une autorisation de travaux.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert instaurant un délai de deux mois pour la réponse des services de l'Etat aux demandes d'information sur les éléments du patrimoine archéologique susceptibles de se trouver dans un site géographique.

MM. Christian Kert et Germain Gengenwin ont insisté sur la nécessité de sanctionner le non-respect de l'obligation de communication par un délai impératif afin de ne pas entraver outre mesure le déroulement des travaux.

Le rapporteur a considéré que la préoccupation de cet amendement était prise en compte par l'amendement précédent qui permet à toute personne concernée d'obtenir instantanément l'information nécessaire. En effet, les services de l'Etat sont tenus de communiquer ces informations au maire qui les tient à la disposition des intéressés. Il ne s`agit pas ici des délais de prescription qui font l'objet d'autres dispositions du texte.

M. Bernard Outin a également estimé que ne se pose pas ici le problème du délai de réponse des services de l'Etat car si ceux-ci informent régulièrement le maire, ce dernier est tenu d'en informer directement les usagers.

La commission a rejeté cet amendement.

Article 2 : Création d'un établissement public de recherche en archéologie préventive

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

En conséquence, deux amendements de M. Jean-Louis Fousseret sont devenus sans objet.

La commission a ensuite adopté deux amendements identiques du rapporteur et de M. André Aschieri précisant que l'autorité administrative prend des décisions en matière d'archéologie préventive et ne délivre pas d'autorisations.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à renforcer l'association des services archéologiques des collectivités territoriales, du CNRS et des universités à l'activité de l'établissement public, au moyen de la signature de conventions.

M. Germain Gengenwin s'est interrogé sur les statuts du personnel temporaire associé.

Le rapporteur a indiqué que les personnels seraient mis à disposition par l'intermédiaire d'une convention signée avec l'établissement public sans que leurs statuts en soient affectés. Il s'agit uniquement d'élargir le champ des personnes susceptibles de diriger des fouilles en France, y compris, le cas échéant à des archéologues étrangers.

La commission a adopté cet amendement.

En conséquence, trois amendements de M. Bernard Outin, un amendement de M. Jean-Louis Fousseret et un amendement de M. Serge Blisko, de portée similaire, ont été retirés par leurs auteurs et un amendement de M. André Aschieri est devenu sans objet.

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le rendu scientifique des travaux constitue une mission propre de l'établissement public et qu'il concourt à la médiation culturelle en matière archéologique.

En conséquence, M. Bernard Outin a retiré un amendement de portée similaire.

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à clarifier la composition du conseil d'administration, en prévoyant la représentation des collectivités territoriales et en écartant la représentation des instances consultatives en matière archéologique (CIRA ou CNRA) qui ont leur place au conseil scientifique.

En conséquence, un amendement de M. Bernard Outin et un amendement de M. Christian Kert prévoyant l'association des collectivités territoriales aux travaux de l'établissement public ont été retirés par leurs auteurs.

La commission a adopté un amendement du rapporteur créant un conseil scientifique de l'établissement public.

M. Bernard Outin a retiré un amendement, visant à garantir la présence de personnes morales de droit public au sein du conseil d'administration, devenu sans objet.

La commission a adopté trois amendements identiques de MM. Jean-Louis Fousseret, André Aschieri et Bernard Outin, précisant le champ d'un décret pris en application de la loi.

La commission a examiné deux amendements de MM. André Aschieri et Bernard Outin ayant pour objet de préciser les conditions d'occupation des emplois permanents dans l'établissement public.

Le rapporteur a objecté qu'il ne paraît guère possible d'inscrire dans la loi des obligations relevant d'une circulaire dont l'application ne semble par ailleurs poser aucun problème particulier dans le cas d'espèce.

La commission a rejeté l'amendement de M. André Aschieri et M. Bernard Outin a retiré le sien.

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant l'ensemble des conditions juridiques de dissolution de l'AFAN.

En conséquence, un amendement de M. Jean-Louis Fousseret a été retiré par son auteur.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Modalités de financement de l'établissement public

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de l'article, présenté par le rapporteur, mentionnant toutes les recettes de l'établissement public.

L'article 3 a été ainsi rédigé.

Article 4 : Création de redevances d'archéologie préventive

La commission a examiné un amendement de M. Christian Kert visant à faire de la réalisation et non du projet de réalisation des travaux le fait générateur de la redevance d'archéologie.

Le rapporteur a souligné l'importance essentielle des délais et l'intérêt d'un diagnostic précoce. Il ne semble pas opportun de subordonner l'estimation de l'ensemble des coûts d'une opération à l'obtention préalable de toutes les autorisations administratives. Il convient de programmer les fouilles avant même la réalisation des travaux.

M. Bernard Outin a estimé que la taxation d'un simple projet posait problème.

M. Christian Kert a, pour sa part, souligné qu'il s'agissait là, de façon paradoxale, de taxer le principe de précaution.

Le président Jean Le Garrec a estimé que la notion de projet manquait de précision et qu'il convenait de rechercher une autre définition du fait générateur de la redevance.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné en discussion commune deux amendements de M. Bernard Outin et de M. André Aschieri tendant à assujettir aux redevances d'archéologie préventive les travaux en fonction de leur nature et de leur localisation et un amendement du rapporteur élargissant l'assiette de ces redevances aux travaux donnant lieu à étude d'impact en application de la loi du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l`environnement.

Le rapporteur a observé que son amendement permettait notamment de prendre en considération la situation des carrières qui restent en l'état actuel en dehors de la redevance tandis que les amendements de MM. Bernard Outin et André Aschieri n'étaient pas assez précis.

Après que M. Bernard Outin a estimé que la rédaction du projet était trop restrictive mais constaté que l'amendement du rapporteur présentait au moins le mérite d'étendre l'assiette de la redevance, il a retiré son amendement.

La commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur. En conséquence l'amendement de M. André Aschieri est devenu sans objet.

La commission a examiné, en discussion commune, trois amendements, l'un de M. Bernard Outin, le second du rapporteur et le dernier de M. André Aschieri.

Le rapporteur a indiqué que ces trois amendements substituaient à l'exonération de redevance, prévue par le projet de loi, pour les constructions inférieures à 5 000 m2 de surface hors _uvre nette, qui aurait pour effet d'exclure du paiement de la redevance la quasi-totalité des travaux, une exonération fondée sur la nature des travaux. L'amendement qu'il propose a à un champ plus large, puisqu'il couvre toutes les constructions faites par une personne privée pour elle-même, et pas seulement l'habitation principale, comme le prévoient ceux de MM. Bernard Outin et André Aschieri.

M. Bernard Outin ayant retiré son amendement, la commission a adopté l'amendement du rapporteur et l'amendement de M. André Aschieri est devenu sans objet.

La commission a rejeté un amendement de M. André Aschieri supprimant la référence à une réalisation fractionnée des travaux, après que M. Bernard Outin a retiré un amendement ayant le même objet.

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur visant à exonérer de la redevance les travaux effectués par une collectivité territoriale dotée de services d'archéologie et à prendre en compte dans le calcul de la redevance les cas où l'aménageur fournit des moyens matériels ou humains.

M. Bernard Outin a fait observer que la législation européenne ne permettait pas ce type de paiement en nature, sans appel d'offres préalables.

La commission a adopté l'amendement.

Elle a également adopté un autre amendement du rapporteur tendant à préciser le fait générateur de la redevance en prévoyant que son montant est arrêté par décision de l'établissement public sur le fondement des prescriptions de l'Etat.

M. Bernard Outin a retiré un amendement visant à assujettir la redevance sur la base d'un système déclaratif permettant d'engager les opérations de diagnostic avant même les demandes d'autorisation d'utilisation du sol.

La commission a rejeté un amendement de M. André Aschieri ayant le même objet.

La commission a examiné, en discussion commune, deux amendements de M. André Aschieri et de M. Bernard Outin prévoyant d'assujettir à la redevance tout projet d'aménagement dont l'emprise au sol des travaux dépasse un hectare.

Le président Jean Le Garrec a rappelé l'annonce par la ministre d'un amendement définissant une nouvelle méthode de calcul de la redevance.

Après que M. Bernard Outin a retiré son amendement, la commission a rejeté l'amendement de M. André Aschieri.

M. Bernard Outin a retiré un autre amendement relatif aux niveaux de redevance.

La commission a rejeté un amendement de M. André Aschieri relatif à la progressivité du barème d'imposition.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 4 : Commission de recours

La commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à mettre en place, sous forme d'une commission administrative, une voie de recours préalable au contentieux contre les décisions de l'Etat et de l'établissement public.

Article 5 (article 332-6 du code de l'urbanisme) : Coordination

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de l'article présenté par le rapporteur visant à compléter la rédaction actuelle de cet article par des dispositions de coordination dans d'autres articles du code de l'urbanisme.

L'article 5 a été ainsi rédigé.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

La commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Jean Rouger, la proposition de loi relative à la création du conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale - n° 2117

Le rapporteur a tout d'abord précisé que le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) avait vocation à se substituer au Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts (CSERC) crée par la loi, en 1993, lui-même en remplacement de l'ancien Centre d'étude des revenus et des coûts (CERC).

L'organisme ainsi créé sera chargé de contribuer à la connaissance des revenus, des inégalités sociales et des liens entre l'emploi, les revenus et la cohésion sociale, participant ainsi de la volonté que tous les Français puissent profiter des effets de la croissance. Cette structure sera dotée d'un conseil composé de personnalités reconnues et représentatives de la société civile, garantes de l'indépendance de son programme d'études et de recherche. Le fonctionnement du conseil reposera sur une équipe de petite taille et en mesure d'utiliser le potentiel d'étude et de recherche des organismes existants et d'intervenir en complémentarité avec eux.

Le Sénat a examiné cette proposition de loi le 26 janvier dernier et, tout en retenant sur la forme une démarche différente de celle de l'Assemblée nationale, a en définitive accepté le principe de la création du CERC. Le Sénat a réduit la proposition de loi à un seul article : celui visant à supprimer le CSERC, créé par l'article 78 de la loi quinquennale de 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle. Cet article doit en effet être abrogé.

Les autres articles ont été supprimés au motif que leur contenu n'était pas d'ordre législatif mais réglementaire. Cet élément n'avait, certes, pas échappé aux auteurs de la proposition de loi. Mais ils ont fait le choix de s'en tenir, dans le dispositif de la proposition, aux lignes essentielles devant guider la constitution et la gestion du conseil. Cette orientation a d'ailleurs soulevé, dans sa discussion, des réprobations dénonçant « l'imprécision » du texte soumis au vote. Comme l'indique à cet égard M. Bernard Seillier, rapporteur au Sénat : « La proposition de loi constitue un cadre très général renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de constituer le nouvel organisme d'étude. »

Le Sénat a préféré aller plus loin et retirer du texte les mesures relatives à ce nouveau conseil. Il convient toutefois de pas perdre de vue que le dépôt d'une proposition de loi a été rendu nécessaire par l'introduction dans la loi quinquennale de 1993 d'un article créant le CSERC et que cet article a résulté d'un amendement sénatorial. Le Sénat semble donc assez mal placé, aujourd'hui, pour dénoncer le caractère réglementaire de la proposition de loi.

Il faut cependant préciser que l'article 5, supprimé par le Sénat, prévoyait que le CERC pouvait notamment se faire communiquer tout élément nécessaire par les collectivités territoriales. Or, imposer cette obligation aux collectivités locales suppose, depuis les lois de décentralisation, le recours à la loi.

Cette disposition n'a pas été maintenue par le Sénat qui a en contesté le fondement au motif, d'une part, que le CERC aurait plus vocation à commander des études auprès d'organismes extérieurs qu'à recueillir des statistiques et, d'autre part, que cette collecte nécessitait une coordination mieux à même d'être effectuée par le truchement d'associations d'élus et un traitement sur échantillon.

En tout état de cause, l'absence de cette obligation ne constitue pas un obstacle au fonctionnement du CERC qui dispose des moyens de se procurer des informations statistiques auprès d'organismes tels que l'INSEE par exemple.

Sur la base du texte adopté par le Sénat, il sera possible au Gouvernement de créer le CERC par décret selon les orientations données lors de la discussion parlementaire. Cette création devrait intervenir rapidement après le vote définitif de la loi et dans le délai que celle-ci a fixé, c'est-à-dire avant le 1er avril 2000. Il est, en effet, indispensable d'aboutir à une solution rapide. Le fonctionnement du CSERC est aujourd'hui entravé par une certaine paralysie ; cette situation transitoire n'est satisfaisante pour personne. Les rapporteurs quittent progressivement cette institution et les renouvellements n'ont malheureusement pas lieu.

Aussi se ranger à la solution adoptée par le Sénat, comme l'a fait le Gouvernement et comme le souhaitent les différents intéressés, semble la meilleure des solutions pour que le nouveau CERC voie le jour et commence à fonctionner le plus rapidement possible.

Il importe en effet de pouvoir disposer dans les meilleurs délais d'un organisme auquel il appartiendra de souligner les relations entre emploi et revenus, de dresser un état des lieux des inégalités sociales et des limites que rencontrent les mécanismes redistributifs, et qui permettra, enfin, d'attirer l'attention du Gouvernement, mais aussi de l'opinion publique, sur les évolutions souhaitables en la matière.

Pour ce faire, le CERC bénéficiera de toutes les garanties d'indépendance, notamment parce qu'il sera composé de personnalités reconnues pour leur compétence et représentant différentes sensibilités. Il sera ainsi résolument placé sous le signe de l'ouverture et du pluralisme. Il interviendra également en complémentarité avec les institutions déjà mises en place dans le cadre de la loi de juillet 1998 de lutte contre les exclusions, afin de faire progresser les connaissances sur les questions sociales et de donner la parole à ceux qui en sont généralement privés.

Il pourra se faire communiquer des administrations les éléments nécessaires à l'exercice de sa mission. La volonté de ne pas recréer un centre de recherche est manifeste. L'objectif est de permettre à une équipe autonome de mobiliser le potentiel des organismes d'étude et de statistiques existants.

Le rapporteur a, en conclusion, proposé à la commission d'adopter sans modification le texte du Sénat.

Après l'exposé du rapporteur, Mme Hélène Mignon a souligné l'intérêt qu'il y avait à adopter dès que possible cette proposition de loi de manière définitive afin de permettre à un nouveau conseil de développer ses activités dans des délais brefs. Cette disposition, indispensable, n'avait malheureusement pas pu être insérée dans la loi de lutte contre les exclusions votée définitivement en juillet 1998, pour des raisons de procédure.

La commission a adopté l'article 1er de la proposition de loi sans modification et a maintenu la suppression des articles 2 à 7.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean Rouger, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane - n° 2116.

Le rapporteur a indiqué que dans le cadre de cette proposition de loi relative à la protection des trésors nationaux adoptée en première lecture au Sénat, il souhaite tout d'abord livrer une des définitions possibles du trésor national, qui témoigne de la complexité de cette notion. Selon l'historien François Furet, un trésor national est une « chose indispensable pour penser l'histoire de la nation, un lieu de mémoire qui témoigne de quelque chose d'abstrait et en même temps de profondément vécu autour duquel s'est regroupée une collectivité. »

Les progrès de l'intégration européenne et la création du marché unique au 1er janvier 1993 ont entraîné, à la suite de la disparition des contrôles aux frontières intérieures de l'Union, l'abrogation de la loi du 23 juin 1941 et son remplacement par une législation beaucoup plus libérale, contenue dans le titre II de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992.

Dans ce texte, la liberté d'exportation est posée en principe, l'obligation de déclaration voire la retenue (temporaire) en raison de la nature du bien culturel l'assimilant à un trésor national demeurant l'exception.

En effet, peuvent sortir librement du territoire français les biens culturels dont la valeur n'excède pas un certain seuil, variable selon les types d'objets. En revanche, si un exportateur - propriétaire privé, galerie, commissaire-priseur ou transitaire - estime que la valeur du bien exportable dépasse celle du seuil, il doit alors demander un certificat d'exportation. Le principe est donc celui d'une auto-évaluation de la valeur du bien. La demande du certificat peut intervenir à tout moment, en dehors même de tout projet précis d'exportation du bien.

Après avis scientifique de l'une des directions du ministère de la culture :

- soit le bien n'est pas considéré comme trésor national et le certificat d'exportation est accordé pour une durée de cinq ans,

- soit, après avis motivé d'une commission composée de représentants de l'Etat et de personnalités qualifiées, le bien est considéré comme trésor national et le certificat refusé, ce qui maintient l'objet sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Durant cette période, le trésor national peut être acquis par l'Etat (si le propriétaire accepte de le lui vendre) ou bien faire l'objet d'une mesure de classement au titre des monuments historiques ou des archives. En l'absence de telles décisions, à l'expiration du délai de trois ans, le certificat ne peut pas être refusé une seconde fois : le bien peut donc être librement exporté.

Depuis 1992, l'Etat ne peut donc que retarder la sortie d'un bien culturel considéré comme trésor national et ne dispose ni des outils juridiques, ni des moyens financiers nécessaires à l'acquisition de ces objets.

En effet, depuis que la cour d'appel de Paris a, en 1994, condamné l'Etat à payer une indemnité de 145 millions de francs pour le classement, en application de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913, du tableau de Van Gogh Un jardin à Auvers, (arrêt Walter) un tel classement, qui interdit définitivement l'exportation du bien, devient en pratique impossible à envisager dans la plupart des cas. De fait, depuis 1992, un seul a été prononcé.

Dans ce contexte, l'unique moyen de retenir définitivement un trésor national est donc de l'acquérir. Or, l'Etat ne peut contraindre un propriétaire à lui vendre son bien culturel considéré comme un trésor national et ne dispose pas du moyen de faire procéder à une évaluation indiscutable de la valeur de ce bien. De plus, on ne peut que rappeler, pour la déplorer, la faiblesse persistante des crédits d'acquisition dégagés par le ministère de la culture, et tout particulièrement de ceux dévolus à la direction des musées de France : 126 millions de francs pour l'ensemble des musées nationaux en 1999.

Plusieurs éléments indiscutablement constitutifs de notre patrimoine comme, tout dernièrement, le Jardinier Vallier, de Cézanne (évalué à 250 millions de francs) et la Duchesse de Montejasi et ses filles Elena et Camilla, de Degas (200 millions de francs), ont ainsi quitté le territoire français ces dernières années. La valeur des biens culturels considérés comme des trésors nationaux et faisant, à ce titre, l'objet d'un refus temporaire de certificat, s'élève actuellement à 265 millions de francs.

La question de la coexistence des pouvoirs régaliens dont dispose l'Etat au nom de l'intérêt général et des droits des particuliers, autrement dit de l'équilibre qui doit être recherché entre le marché et la protection du patrimoine national se pose donc de façon toujours aussi aiguë qu'en 1992.

C'est pour tenter d'apporter une réponse à cette situation difficile que le Sénat a adopté, le 26 janvier dernier, une proposition de loi de M. Serge Lagauche qui tend, en modifiant la loi du 31 décembre 1992, à redonner à l'Etat un certain nombre de prérogatives en matière d'acquisition de trésors nationaux, tout en cherchant à restaurer un climat de confiance entre l'administration et les acteurs du marché de l'art.

Le but premier de la proposition de loi est de permettre l'acquisition par l'Etat des biens culturels qu'il considère comme des trésors nationaux, au prix du marché international, dans le cadre d'une procédure d'acquisition définie dans un nouvel article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992 (article 5 de la proposition de loi).

Durant la période de refus de certificat d'exportation, l'Etat pourra décider de présenter une offre d'achat, au prix du marché international, dans le cadre d'une vente de gré à gré. A défaut d'accord amiable, deux experts seront désignés, l'un par l'Etat, l'autre par le propriétaire, qui rendront leur avis sur la valeur du bien. En cas de divergence, un tiers expert, à l'avis déterminant, sera désigné, soit par accord entre les parties, soit par le juge. La valeur de l'_uvre étant ainsi déterminée, l'Etat pourra :

- soit renoncer à l'acquisition, auquel cas la délivrance du certificat d'exportation ne pourra plus être refusée,

- soit faire une offre d'achat à la valeur d'expertise. Si le propriétaire refuse cette offre, le refus de certificat pourra alors être renouvelé.

Cette prérogative nouvelle donnée à l'Etat, qui demeure, il faut le noter, particulièrement respectueuse des droits du propriétaire, est accompagnée de différentes dispositions destinées à améliorer les rapports entre l'administration et les acteurs du marché de l'art.

Ainsi, l'article premier de la proposition de loi augmente la durée de validité du certificat d'exportation des biens culturels qui n'ont pas le caractère de trésors nationaux. La durée actuelle de cinq ans était considérée par les acteurs du marché comme trop contraignante et risquait de dissuader les achats d'_uvres d'art en France par les collectionneurs étrangers. Désormais, le certificat sera donc permanent pour les _uvres de plus de cent ans, et d'une durée de vingt ans pour les autres. Il est également prévu que le régime du certificat ne soit pas applicable aux biens importés à titre temporaire, pour une vente ou une exposition.

Toujours dans l'idée de ne pas contraindre le marché, et notamment les ventes publiques en France, l'article 2 de la proposition de loi prévoit que le certificat d'exportation ne pourra pas être refusé aux biens entrés en France depuis moins de cinquante ans, ceux-ci ne pouvant, en si peu de temps, avoir acquis le caractère de trésor national.

Enfin, en ce qui concerne le refus de certificat, deux dispositions qui constituent autant de signaux vers le marché doivent être soulignées : d'une part la commission chargée de donner un avis sur les refus de délivrance sera désormais composée à parité de personnalités qualifiées et de représentants de l'Etat, alors qu'actuellement, ceux-ci sont majoritaires (article 2 de la proposition de loi) et la durée de refus de certificat sera ramenée de trois ans à trente mois (article 4 de la proposition de loi).

Le texte adopté par le Sénat le 26 janvier dernier comprend également un article 4 bis adopté à l'initiative de la commission des finances. Celle-ci a proposé de mettre en place un mécanisme fiscal d'exonération partielle (50 %) des droits de mutation à titre gratuit pour les biens culturels classés à la demande de leurs propriétaires et donc, de facto, interdits de sortie du territoire. Si cet article part du sentiment juste qu'il convient que l'Etat puisse se donner les moyens de conserver en France les biens qu'il ne peut pas acheter, il n'en comporte pas moins un grand nombre d'inconvénients sur lesquels il conviendra de revenir lors de l'examen de l'amendement de suppression de cet article.

En conclusion, le rapporteur a considéré que cette proposition de loi était nettement positive. Certes, le texte demeure modeste par sa portée ; il ne concerne pas, par exemple, la protection des ensembles mobiliers dans les monuments classés, qui relèverait, il est vrai, d'une réforme de la loi du 31 décembre 1913. Son efficacité sera également conditionnée par la réalité des moyens financiers dont pourra disposer l'Etat, et notamment par l'évolution des crédits d'acquisition. Mais cette proposition de loi n'en constitue pas moins un progrès pour le fonctionnement du marché de l'art et la préservation du patrimoine national.

Après l'exposé du rapporteur, M. Pierre Lellouche a tout d'abord rappelé l'importance de ce texte qui s'inscrit dans un contexte marqué par la fin du monopole des commissaires priseurs dans notre pays, la concentration des principaux acteurs du marché de l'art et ce qu'il faut bien appeler le pillage de notre patrimoine culturel. Il convient à cet égard d'indiquer que les sorties annuelles d'_uvres d'art du territoire national sont estimées à 2 milliards de francs. Le fait que des pays fortement importateurs comme les Etats-Unis aient mis en place un régime fiscal extrêmement favorable pour les collectionneurs n'est d'ailleurs pas étranger à ce phénomène, et devrait inspirer le Gouvernement français.

Après s'être interrogé sur l'articulation entre ce texte et la directive européenne destinée à lutter contre le trafic illicite d'_uvres d'art, dont l'application est fort peu satisfaisante, M. Pierre Lellouche a estimé que le texte adopté par le Sénat était positif, mais qu'il était nécessaire d'aller plus loin.

Il serait notamment intéressant de s'inspirer de la législation britannique en la matière, qui permet à l'Etat de faire acheter une _uvre d'art par un ressortissant national. Des amendements allant dans ce sens seront déposés en vue de l'examen de ce texte en séance.

On ne peut d'autre part que rappeler l'insuffisance notable des crédits affectés à l'achat d'_uvres d'art. Pour y remédier, toujours en suivant l'exemple britannique, il faudrait envisager de mettre à contribution la Française des Jeux.

M. Pascal Terrasse a indiqué que ce texte, qui résulte d'une large concertation, introduit plus de souplesse dans le fonctionnement du marché et renforce les moyens de contrôle de l'Etat. La proposition de loi met notamment en place une procédure de négociation d'achat entre l'Etat et les propriétaires privés dont l'absence était préjudiciable. Malgré le rapprochement opéré par ce texte avec la législation britannique, les moyens financiers dégagés par l'Etat demeurent cependant par trop limités.

Une réforme de la loi de 1913 est annoncée par le Gouvernement : il serait souhaitable que son inscription à l'ordre du jour soit rapide et que ce texte permette d'ouvrir le débat sur la défiscalisation de l'achat d'_uvres d'art par les Français.

M. Michel Herbillon, après avoir souligné l'objectif louable poursuivi par la proposition de loi, a regretté que celle-ci, compte tenu de l'importance des enjeux, n'aille pas plus loin. Une véritable réforme est nécessaire pour accroître les dispositifs d'incitation fiscale et permettre à des personnes privées de faire des offres. Alors qu'en Grande-Bretagne l'argent de la loterie peut être utilisé pour protéger les _uvres d'art nationales, le texte proposé bute sur l'incontournable modestie des moyens que l'Etat peut consacrer à cet objectif.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- La proposition de loi a pour objet la clarification et la modification des protocoles de négociation d'achat entre les propriétaires d'_uvres d'art et l'Etat et raccourcit la durée de retenue des _uvres qui pouvait porter préjudice aux échanges commerciaux. Elle a le mérite de rechercher un équilibre entre le respect des droits du marché et la préservation du patrimoine.

- Il est clair que l'Etat n'aura jamais les moyens d'acquérir la totalité des biens considérés comme trésors nationaux mis sur le marché, il faut donc donner la possibilité à d'autres personnes de les acquérir.

- D'autres pays mobilisent à cet effet des ressources financières pour l'acquisition des oeuvres. Il faudra réfléchir à la validation d'investissements culturels par la Française des jeux par exemple. Il est cependant clair que la priorité donnée par l'opinion aux achats d'_uvres d'arts par l'Etat n'est pas forcément comparable dans tous les pays.

- Il est trop tôt pour dresser le bilan de l'application de la directive du 15 mars 1993 sur le trafic illicite d'_uvres d'art, transposée en droit français par la loi n°  95-877 du 8 août 1995.

- La question des incitations fiscales se pose mais celles-ci n'ont qu'un effet relatif pour faciliter les échanges de biens culturels.

La commission est ensuite passée à la discussion des articles de la proposition de loi.

Article premier (article 5 de la loi du 31 décembre 1992) : Durée de validité et champ d'application du certificat

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2  (article 7 de la loi du 31 décembre 1992) : Conditions de refus du certificat

La commission a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une imprécision de la loi du 31 décembre 1992 pour spécifier que la motivation des décisions administratives relatives aux certificats d'exportation doit porter sur les décisions de refus et non sur celles de délivrance des certificats. Il précise également que les décisions de refus seront publiées.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3  (article 8 de la loi du 31 décembre 1992) : Délivrance implicite du certificat

La commission a examiné un amendement de suppression de cet article présenté par le rapporteur.

M. Jean Rouger, rapporteur, a précisé que cet amendement avait deux conséquences :

- la suppression de la procédure d'accord implicite du certificat, totalement inapplicable et contraire au règlement européen du 9 décembre 1992 ;

- le maintien de la motivation des décisions de refus qui est utile à la transparence de la procédure.

M. Pierre Lellouche a observé que la suppression de l'accord implicite devait être liée à un raccourcissement du délai de refus de certificat en-deçà de trente mois.

M. Pascal Terrasse a indiqué que la durée de refus de certificat était déjà réduite de trois ans à trente mois par la proposition de loi et que cette nouvelle durée semblait faire l'objet d'un accord, même si le débat sur cette question pouvait se poursuivre en séance publique.

Le rapporteur a indiqué que la durée de trente mois résultait d'une négociation et qu'elle permettra à l'Etat, le cas échéant, de mettre le vendeur en rapport avec d'éventuels acheteurs privés avant de présenter lui-même une offre d'achat.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a donc supprimé l'article 3.

Article 4 (article 9 de la loi du 31 décembre 1992) : Irrecevabilité des demandes de certificat

La commission a adopté un amendement du rapporteur distinguant les procédures de classement prévues dans le cadre des lois de 1913 sur les monuments historiques et de 1979 sur les archives des délais applicables en matière de refus de certificat prévus par la loi de 1992, afin de lever une difficulté d'interprétation.

La commission a examiné un amendement du rapporteur précisant que le propriétaire d'un bien culturel considéré comme un trésor national et faisant l'objet d'une offre d'achat par l'Etat ne pouvait présenter de demande de certificat d'exportation jusqu'à la fin de procédure d'offre d'achat prévue à l'article 5 de la proposition de loi.

Le rapporteur a précisé que cet amendement, en déplaçant une disposition prévue à un autre endroit du texte, permettait de clarifier un dispositif complexe.

La commission a adopté l'amendement puis l'article 4 ainsi modifié.

Article 4 bis (article 793 du code général des impôts) : Exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit des biens classés monuments historiques

La commission a examiné un amendement de suppression de cet article présenté par le rapporteur.

Le rapporteur a indiqué qu'il s'agissait de supprimer un mécanisme fiscal d'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour les biens culturels classés à la demande de leur propriétaire, et donc, de facto, interdits de sortie du territoire. Cette exonération, proposée par la commission des finances du Sénat, aurait en effet des effets pervers sur le mécanisme de paiement en dation, qu'il risque de fortement réduire, et sort du champ visé par la présente proposition de loi. Les mesures de classement organisées par la loi du 31 décembre 1913, visées par cet article, feront d'ailleurs prochainement l'objet d'un projet de loi, qui devrait comprendre un volet fiscal.

M. Pierre Lellouche a souligné qu'il s'agissait d'un point capital. Les pays fortement importateurs d'objets d'art comme les Etats-Unis ont mis en place des incitations fiscales importantes, pour l'acquisition ou la transmission des _uvres d'art. La moitié des collections françaises proviennent des dations. Il faut donc des mesures de défiscalisation significatives pour que les particuliers soient en mesure, tant d'acquérir des collections que de les transmettre.

Le rapporteur a souligné les spécificités culturelles françaises. L'appropriation culturelle française est communautaire alors qu'elle est individuelle aux Etats-Unis et la législation fiscale est structurée en conséquence. La proposition de loi traite des échanges de biens culturels et non de leur transmission. Cette question devra certainement être examinée mais dans un autre cadre législatif.

M. Pascal Terrasse a observé que le débat devra se poursuivre en séance sur les effets pervers que l'exonération fiscale risque d'avoir sur les paiements en dation, afin d'évaluer les arguments du ministère de la culture sur cette question. Il sera également essentiel d'affirmer la nécessité de la réforme de la loi de 1913 et l'adoption de mesures fiscales adaptées pour les successions et les donations.

Le président Jean Le Garrec a estimé que la question devait être examinée avec attention car aujourd'hui la dation est le principal moyen d'enrichir les collections publiques. Il ne faudrait donc pas que son champ se trouve réduit par l'adoption de mesures fiscales intéressantes pour les propriétaires

La commission a adopté l'amendement.

La commission a donc supprimé l'article 4 bis.

Article 5 (articles 9-1 à 9-4 nouveaux de la loi du 31 décembre 1992) : Procédure d'achat par l'Etat des biens culturels soumis à un refus de délivrance de certificat

Article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992

La commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer une disposition se rapportant au rôle d'intermédiaire entre personnes privées conféré à l'Etat par le dixième alinéa de l'article.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer la référence à des _uvres comparables pour la définition du prix de l'offre d'achat présentée par l'Etat.

La commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser les modalités de prise en charge des frais lors de l'expertise contradictoire.

Elle a adopté un amendement présenté par le rapporteur précisant qu'en cas de carence, il revient à « l'autorité judiciaire » de désigner un expert, ce qui permet d'avoir recours au juge des référés.

Elle a adopté un amendement du rapporteur tendant, pour la désignation du troisième expert, à donner compétence au juge du fond, tout en lui permettant de statuer rapidement en la forme des référés.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser les modalités de prise en charge des frais d'expertise dans la deuxième phase d'expertise.

Elle a ensuite adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

La commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que, lorsque l'Etat a présenté une offre d'achat au prix d'expertise et que le propriétaire l'a refusée, le renouvellement du refus de délivrance de certificat est une obligation.

La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la disposition qui précise qu'aucune indemnité n'est due au propriétaire lorsque l'Etat renouvelle le refus de certificat, le rapporteur ayant considéré qu'il était préférable de laisser le juge construire une jurisprudence sur la question.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur ainsi qu'un amendement de coordination avec les dispositions ajoutées à l'article 4 de la proposition de loi.

La commission a ensuite adopté deux amendements de cohérence du rapporteur tendant respectivement à :

- préciser qu'à partir du moment où le refus de délivrance de certificat est renouvelé, la procédure d'offre d'achat et d'expertise décrite par l'article peut recommencer ;

- supprimer la disposition qui inscrit dans la loi le rôle d'intermédiaire que pourrait jouer l'Etat entre deux personnes privées, un propriétaire et un acquéreur potentiel.

Article 9-2 de la loi du 31 décembre 1992

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur tendant à reprendre pour l'article 9-2 de la loi de 1992 la rédaction initiale de la proposition de loi, plus précise juridiquement.

Article 9-3 de la loi du 31 décembre 1992

La commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à préciser que le non-respect par le propriétaire d'un trésor national faisant l'objet d'un refus de certificat, de l'obligation d'informer tout acquéreur potentiel de la situation, est sanctionné par une annulation de la vente.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 (article 215 ter du code des douanes) : Coordination

La commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7 : Dispositions transitoires

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que pour ce qui concerne la durée d'un refus de délivrance de certificat, le droit actuel continuera, après l'adoption de la loi, à s'appliquer aux refus de certificat en cours.

Elle a adopté l'article 7 ainsi modifié.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Informations relatives à la commission

La commission a nommé les rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 :

- M. Alfred Recours pour les recettes et l'équilibre général

M. Claude Evin pour l'assurance maladie et les accidents du travail

M. Denis Jacquat pour l'assurance vieillesse

Mme Marie-Françoise Clergeau pour la famille

La commission a ensuite désigné M. Bernard Accoyer, Mme Odette Grzegrzulka, et M. Jean Rouger candidats au conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

Mme Catherine Génisson a été nommée rapporteur sur sa proposition de loi de relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - n° 2132.


© Assemblée nationale