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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 30

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 Février 2000

(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition, en présence de la presse de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la formation professionnelle et sur la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la formation professionnelle et sur la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a rappelé qu'elle avait mené pendant un an, à la demande du Premier ministre et de la ministre de l'emploi et de la solidarité, une expertise de l'efficacité de la loi de 1971 sur la formation professionnelle. Il en est résulté un livre blanc qui propose cinq axes de réforme pour adapter le système de formation professionnelle au nouveau monde du travail :

- la professionnalisation de la formation des jeunes, notamment de l'apprentissage ;

- la validation des expériences professionnelles et sociales ;

- la reconnaissance d'un droit individuel à la formation, tout le long de la vie active ;

- l'amélioration de la qualité de l'offre de formation ;

- la clarification du rôle des différents acteurs, suivant les conclusions du rapport de M. Gérard Lindeperg.

Le dossier de la formation professionnelle est un élément essentiel du dialogue social. On peut d'ailleurs constater qu'il fait, de même que l'égalité professionnelle, partie des huit thèmes de discussions retenus par le MEDEF et les confédérations syndicales pour refonder la démocratie sociale. Le ministère a donc cherché à créer un dialogue entre partenaires sociaux sur la base des propositions du livre blanc. Il n'a malheureusement pu prendre que la forme de réunions bilatérales ; il n'a pas été possible de rassembler l'ensemble des acteurs dans des négociations multilatérales.

En revanche, de réelles avancées ont été obtenues sur le terrain régional tant la demande est forte, notamment par le biais d'expérimentations sur des sujets innovants en collaboration avec les régions et les branches professionnelles.

Ces avancées permettent d'anticiper sur le projet de loi prévu pour 2001, conçu à l'origine comme une réforme globale, pour deux des cinq axes du livre blanc, à savoir l'apprentissage et la validation des acquis professionnels qui seront traités par le projet de loi de modernisation sociale.

En ce qui concerne l'apprentissage, les mesures envisagées ne couvrent pas l'ensemble des attentes, mais sont concentrées sur une question urgente : la réduction des inégalités flagrantes des moyens alloués aux centres de formation d'apprentis (CFA), avec des écarts de 1 à 20 entre régions et de 1 à 10 au sein d'une même région entre différentes filières de formation. Il convient donc d'affecter un revenu plancher à chaque CFA, ainsi que d'afficher en toute transparence le coût de la formation par apprenti et d'établir le budget de fonctionnement sur cette base.

En ce qui concerne la reconnaissance des expériences professionnelles et sociales par la validation des acquis, la possibilité en a été ouverte par la loi en 1992 dans des limites strictement déterminées : la validation ne peut être que partielle et ne concerne que des diplômes délivrés par l'Education nationale. Il s'agit d'élargir ces conditions tant en admettant une possible validation totale qu'en étendant le dispositif à l'ensemble des diplômes, titres et certifications. Une mise en cohérence des 1 700 diplômes, 900 titres homologués et 400 certifications paritaires doit être réalisée par une commission chargée de gérer un répertoire national des diplômes et de mettre en place des passerelles entre eux. Il importe avant tout de définir un référentiel commun de savoir-faire et d'établir une véritable cohérence territoriale.

Après l'exposé de la ministre, M. Gérard Lindeperg a estimé indispensable de commencer par réformer la base du système de formation professionnelle, en replaçant l'apprenti au c_ur du dispositif. Le problème du financement ne constitue qu'une seconde étape. Quant à la reconnaissance des acquis, elle constitue une petite révolution.

La politique de la formation professionnelle devait être territorialisée dans un souci d'efficacité : pour cela la région est le lieu pertinent. Les régions sont déjà impliquées dans la formation professionnelle que ce soit par le biais des lycées d'enseignement professionnel, par les CFA, par les contrats de qualification, les stages ou le programme TRACE. Il conviendrait de réunir une fois par an au niveau régional l'ensemble des intervenants : l'Etat, les acteurs socio-économiques et les assemblées régionales car aujourd'hui le comité régional de l'emploi, de la formation professionnelle et de la promotion sociale (COREF) ne répond pas à cette nécessité de réunir l'ensemble des acteurs et de définir une politique. Si cette réunion au niveau régional était institutionnalisée, la réforme 2001 serait mieux préparée, car elle pourrait être mûrie dans ces instances.

Le président Jean le Garrec a indiqué que cette localisation régionale de la formation professionnelle permettrait de surcroît une clarification du rôle des nombreux intervenants.

Mme Catherine Génisson a souligné l'importance de la mesure proposée concernant la validation des acquis. En effet, de nombreux salariés en particulier les femmes ont une expérience professionnelle importante mais n'ont pas de diplôme. La validation des acquis sera donc un progrès énorme pour ces salariées. Elle devra tenir compte des expérimentations opérées.

Mme Hélène Mignon a indiqué que le problème majeur de la formation des jeunes était celui d'une bonne orientation professionnelle. Les organismes doivent impérativement trouver des formations qui répondent à des demandes économiques précises : pour les jeunes, seul compte le fait de trouver des débouchés professionnels.

Mme Odette Casanova a souligné le progrès considérable que constitue la validation des acquis. Elle a également indiqué la nécessité d'instaurer réellement un droit individuel à la formation tout au long de la vie. Elle s'est enfin interrogée sur le délai d'application de la validation des acquis et a demandé si cette mesure fondamentale concernerait la fonction publique.

Le président Jean Le Garrec a souligné que la réforme de la formation professionnelle était une nécessité impérative et urgente dans un contexte de baisse du chômage et de pénurie de main-d'_uvre dans certains secteurs.

En réponse aux intervenants, la ministre a donné les précisions suivantes :

- La mise en place d'instances régionales serait effectivement un bon instrument pour préparer la réforme de 2001. Un amendement en ce sens au projet de loi de modernisation sociale du printemps prochain serait le bienvenu. La création de ces instances régionales est indispensable ; elle doit être l'occasion de réunir l'ensemble des responsables de la formation professionnelle que ce soit au niveau de l'Etat, des partenaires socio-économiques et des élus régionaux. Ainsi pourraient être mis en place trois collèges représentant l'ensemble des intervenants. Pour préparer la réforme de 2001, l'adhésion de tous les acteurs est nécessaire.

- En ce qui concerne la validation des acquis, cette mesure est particulièrement nécessaire en France où 40 % de la population active a une formation initiale inférieure ou équivalente au CAP. Ces salariés ont évidemment un savoir-faire professionnel. Un droit à valider ces acquis par un titre ou une certification doit leur être donné. Le problème de la faiblesse de la formation initiale se pose particulièrement pour les femmes. 80 % des postes d'ouvriers et d'employés sont occupés par des femmes. Des expérimentations de validation des acquis ont été initiées. Certaines se révèlent très fructueuses comme, par exemple, celle menée en Basse-Normandie intitulée « Mille contrats pour l'emploi ». Il s'agit de la mise en place d'un plan concernant mille femmes ayant une qualification très faible qui bénéficient d'une évaluation de leurs acquis professionnels et d'un complément de formation pendant six mois. A la fin de cette période, elles deviendront titulaires d'une certification afin de trouver un emploi précis.

- En ce qui concerne les décrets d'application, ceux-ci seront préparés parallèlement au vote de la loi afin que celle-ci soit applicable dès sa promulgation.

- Pour ce qui est du droit individuel à la formation, il s'agit du c_ur de la réforme prévue pour 2001. Ce droit à la formation professionnelle répond à une double exigence sur le plan économique et sur le plan social. D'une part, il s'agit d'une nécessité car le retour de la croissance s'accompagne de demande de main-d'_uvre accrue ; d'autre part, ce droit s'inscrit dans un souci de cohésion sociale compte tenu de la sous-qualification de 40 % des salariés ainsi fragilisés, menacés de rupture professionnelle.

Le président Jean Le Garrec a insisté sur la nécessité de préparer dès maintenant le contenu du volet formation professionnelle de la loi de modernisation sociale et de faire le point sur la réforme de 2001 dès l'examen du budget de la formation professionnelle pour 2001.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a ensuite abordé le thème de l'égalité professionnelle.

Elle rappelé que la proposition de loi de Mme Catherine Génisson s'inscrit dans une dynamique d'ensemble amorcée par la révision constitutionnelle et la parité en politique. Dans cette marche vers l'égalité, il est apparu, au fil des consultations menées, nécessaire de compléter le dispositif de la « loi Roudy » de 1983, notamment en y intégrant des obligations comme l'a suggéré Mme Yvette Roudy elle-même.

L'instauration d'une obligation de négocier tous les trois ans dans les entreprises a ainsi reçu un accueil favorable du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle qui a même proposé de l'étendre aux branches.

De même, la « loi Roudy » n'avait pas traité la mise en place d'indicateurs permettant de dresser un tableau comparatif des situations respectives des hommes et des femmes dans les entreprises. Il est proposé de les définir et d'en assurer l'affichage.

Nous nous trouvons vraisemblablement au seuil d'une époque où la parité sera vécue comme une priorité. Alors que le chômage a pu au cours des dernières décennies occulter les autres priorités sociales, la persistance de la croissance pourrait permettre de faire encore progresser la parité.

Mme Catherine Génisson a formulé les observations suivantes :

- Il existe déjà pour les entreprises de plus de cinquante salariés une obligation d'établir un rapport sur l'égalité professionnelle. On peut s'interroger sur l'opportunité de préciser dans la loi les plus importants des critères que doit comporter ledit rapport.

- La « loi Roudy » prévoyait déjà des aides de l'Etat en faveur des entreprises signataires de plans d'égalité. Il conviendrait d'assouplir le dispositif et d'en étendre le bénéfice aux branches.

- La place des femmes dans les lieux de décision a fait l'objet au cours des dernières années d'efforts, au sein des syndicats notamment. Cependant, on constate le trop faible nombre de femmes dans la représentation syndicale au sein des entreprises. On peut en conséquence s'interroger sur l'opportunité de moduler les aides de l'Etat attribuées aux organisations syndicales en fonction des progrès accomplis par celles-ci dans le domaine de la parité.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a estimé qu'il y avait lieu de modifier les critères d'attribution de la prime liée aux contrats d'égalité puisque ceux-ci n'ont guère été appliqués.

S'agissant de la représentation des femmes dans les syndicats, il faut rappeler qu'une ligne spécifique du budget de la formation professionnelle concerne la formation des syndicalistes ; l'éventuelle subordination du montant des sommes versées à ce titre aux progrès accomplis dans le domaine de la parité constitue une piste déjà évoquée.

Au demeurant, une dynamique sur l'accès des femmes aux postes de responsabilité semble avoir été créée depuis le débat relatif à la parité dans le domaine politique. De façon concrète, pour beaucoup de femmes ces progrès demeurent symboliques et nombreuses sont celles qui revendiquent des moyens d'accéder à leurs droits, de les faire vivre.

Le président Jean Le Garrec a estimé qu'une réforme de la « loi Roudy » était opportune et qu'elle avait le mérite d'ouvrir un vaste débat.

La proposition de lier parité et financement des organisations syndicales, intervient au moment où celui-ci faisait précisément l'objet de propositions de réforme.

La loi relative à la réduction négociée du temps de travail prend explicitement en compte la question de l'égalité professionnelle dans plusieurs dispositions. Un effort de communication reste à faire sur ce point : il ne paraît pas inutile de rappeler les dispositions concernées à l'occasion de l'examen du présent texte.

Mme Catherine Génisson a rappelé ses interventions lors de la discussion de l'article 19 de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail. Une réflexion plus large devrait désormais s'ouvrir sur la gestion du temps dans la vie des femmes.


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