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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 41

(Application de l'article 46 du Règlement)

MARDI 4 AVRIL 2000
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Michel Bernard, directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et de M. Gilbert Hyvernat, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

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La commission a entendu M. Michel Bernard, directeur général de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et M. Gilbert Hyvernat, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA)

Le président Jean Le Garrec, après avoir rappelé qu'il avait depuis longtemps préconisé l'établissement de relations étroites entre l'ANPE et l'AFPA, s'est félicité, qu'à sa demande, les responsables de ces deux agences se retrouvent côte à côte.

On ne peut que se réjouir de la baisse actuelle du chômage, qui se traduit par 640 000 demandeurs d'emploi de moins depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement de Lionel Jospin. Ces chiffres semblent d'autant plus remarquables que les statistiques montrent que, pour baisser le nombre des chômeurs d'un, il faut créer en moyenne deux emplois. Ces bons résultats représentent un effort considérable qu'il faut poursuivre grâce à une politique active de création d'emplois. Par ailleurs, les problèmes d'adaptation de la demande d'emploi à l'offre se posent aujourd'hui avec une acuïté particulière. Des demandes d'emplois non satisfaites se développent ainsi dans certains secteurs industriels. Dans ce contexte, la collaboration étroite entre les deux agences apparaît comme une priorité.

M. Michel Bernard a indiqué qu'il souhaitait montrer qu'aujourd'hui les deux agences exercent en commun une part essentielle de leurs activités. Cela pourrait sembler évident puisque les agences dépendent toutes les deux du ministère de l'emploi et de la solidarité (95 % environ du budget de l'ANPE provient du budget de l'Etat et 80 à 85 % en ce qui concerne l'AFPA) et sont au service de la politique de l'emploi conduite par le Gouvernement. Mais cette collaboration s'est, en réalité, avérée fluctuante et plus ou moins développée suivant les périodes ; elle n'a que récemment pris une véritable ampleur. Par exemple, les entrées dans le service d'orientation intégré qui étaient auparavant de 6 000 à 7 000 par an se sont élevées à 90 000 en 1999. On a manifestement assisté à un changement d'échelle manifeste dans la coopération entre les deux organismes. Ceci est le résultat d'une volonté politique de la ministre de la solidarité et de l'emploi qui a demandé la mise en place d'un service « intégré », c'est-à-dire l'établissement d'un véritable parcours coordonné entre les deux agences et proposé désormais aux demandeurs d'emploi. Cette amélioration notable a été rendue possible grâce aux contrats de progrès, contrats signés avec l'Etat tous les quatre ans. Les contrats de progrès des deux agences, signés tous deux au début de 1999, comportent ainsi une partie commune consacrée à leurs relations réciproques et à leur service intégré.

L'objectif poursuivi par ce dispositif consiste clairement dans la lutte contre le chômage et en particulier contre le chômage de longue durée. L'accent est mis sur un service personnalisé pour un nouveau départ pour l'emploi. Dans ce cadre, plus de 840 000 personnes ont été reçues par l'ANPE en 1999, l'objectif pour 2000 étant d'1,1 million et de 1,8 million dans deux ans. Concrètement, si un besoin de formation a été identifié lors d'un entretien individuel, le demandeur d'emploi se voit offrir la possibilité d'effectuer une formation professionnelle soit directement, soit par l'intermédiaire de l'AFPA. Si ce besoin de formation a besoin d'être clarifié, le demandeur d'emploi est alors reçu par un psychologue de l'AFPA (tel est l'objet du programme dit « S 2 ») qui peut, selon le cas, l'orienter vers une formation ou vers l'ANPE.

M. Gilbert Hyvernat a précisé que l'AFPA comprenait 350 à 400 établissements dont 160 à 180 établissements de formation. Elle emploie 12 000 salariés et forme environ 150 000 personnes par an : 100 000 sont des demandeurs d'emploi et 50 000 sont des salariés actifs ayant éprouvé le besoin d'une formation complémentaire.

Le rapprochement des deux agences a indéniablement permis de remédier à deux types de difficultés. D'une part, l'extrême complexité de l'accès à la formation professionnelle s'est quelque peu atténuée et l'information sur les formations qualifiantes pouvant bénéficier au demandeur d'emploi est désormais mieux diffusée. D'autre part, la tendance consistant à sélectionner les stagiaires les mieux adaptés aux formations existantes plutôt que de faire évoluer ces formations en fonction des besoins a considérablement diminué. Le phénomène de « l'écrémage » a ainsi tendance à s'amenuiser.

D'une manière générale, la coopération renforcée entre les deux agences et leurs personnels permet d'assurer un cheminement continu aux demandeurs d'emplois qui sont adressés à l'AFPA directement par l'ANPE. L'AFPA n'est donc plus en position de sélectionner les publics qui peuvent parfois recouvrir des populations exclues ayant de grandes difficultés d'insertion. Désormais, il apparaît à l'agence que son devoir de service public l'oblige à adapter ses dispositifs, suivant en cela une logique de client et de fournisseur tout à fait nouvelle.

L'AFPA assure trois types de prestations. La première étape consiste dans une phase d'orientation, c'est-à-dire l'analyse de la situation du demandeur d'emploi par un psychologue de l'emploi qui identifie ses besoins et ses intérêts. Il peut en résulter un projet contractualisé d'engagement individuel dans une formation ; c'est l'étape de la formation proprement dite. L'AFPA propose ensuite une évaluation a posteriori des actions de formation ayant été effectuées.

En moyenne, 85 % des personnes ayant suivi une formation professionnelle dans ce cadre accèdent directement à l'emploi à la suite de leur stage. Cet accès s'opère avec l'aide de l'ANPE. A l'inverse, l'ANPE s'adresse à l'AFPA en cas de besoin d'actualisation des données dont elle dispose pour évaluer la capacité des demandeurs d'emploi inscrits à reprendre une activité. Les relations de coopération fonctionnent donc dans les deux sens.

M. Michel Bernard a réaffirmé que le parcours d'évaluation et d'orientation proposé aux personnes en recherche d'emploi était véritablement intégré, le passage d'un organisme à l'autre s'effectuant sans rupture. Il a ensuite présenté un bilan du dispositif d'orientation « S2 » pour l'année 1999 : sur les 87 000 personnes adressées à l'AFPA par l'ANPE et reçues par un psychologue, 45 % ont accédé à une formation AFPA, 22 % ont été orientées sur une formation extérieure, 20 % ont bénéficié d'une solution alternative et 7 % ont abandonné en cours de prestation, ce qui constitue un chiffre relativement peu élevé compte tenu du fait qu'il s'agit de personnes en fragilité importante par rapport au travail.

Ce premier bilan a mis en évidence la nécessité, pour les psychologues de l'AFPA, de mieux connaître l'offre de formation extérieure à l'établissement, et pour l'ANPE, de mieux identifier les besoins en formation des personnes qu'elle choisit d'adresser à l'AFPA.

Plusieurs objectifs d'amélioration ont été déterminés : il conviendra de fiabiliser les données utilisées pour l'orientation des personnes en recherche d'emploi, d'améliorer l'offre proposée par le service public de l'emploi - c'est à dire l'ANPE et l'AFPA - aux entreprises rencontrant des difficultés de recrutement et de renforcer l'implication de l'ANPE dans les « espaces ressources-emplois » mis en place par l'AFPA.

M. Gilbert Hyvernat a ensuite tracé les perpectives d'évolution du dispositif dans les années à venir. Une augmentation progressive du nombre de personnes prises en charge est prévue puisque 130 000 personnes devraient être accueillies en 2000, 170 000 en 2001 et 250 000 en 2002 et 2003.

Une telle évolution confirme bien le constat d'une transformation des missions et du rôle de l'AFPA. Il y a cinq ans, celle-ci recevait 50 000 personnes par an et en assurait la formation. Désormais, face à une demande beaucoup plus importante, son objectif est, avant tout, de proposer un service public aux personnes en difficulté professionnelle afin de les accueillir, de les aider dans leur démarche d'évaluation et de les orienter au sein de l'ensemble de l'offre de formation professionnelle (qu'elle provienne de l'AFPA ou d'ailleurs).

La reprise de l'emploi a néanmoins des conséquences non négligeables sur le « public » de l'AFPA puisque, d'ores et déjà, de nombreuses personnes quittent leur formation en cours de route afin d'être embauchées par une entreprise de travail temporaire, ce qui leur permet de doubler voire de tripler leur rémunération. A moyen terme, il conviendra donc de réfléchir à la durée des formations proposées et à la possibilité de valider des modules de durée beaucoup plus courte.

Le président Jean Le Garrec s'est félicité de la transformation non seulement technique mais également culturelle opérée par l'AFPA, à l'issue d'une période, peut-être un peu longue, de dix-huit ans. Il a ensuite posé deux questions sur :

- la capacité du service public de l'emploi à répondre aux problèmes spécifiques des personnes qui, en raison de difficultés particulières, risquent de ne pas bénéficier de la reprise du marché du travail et constitueront donc, demain, le noyau dur du public de l'ANPE et de l'AFPA. Un tel phénomène est déjà constaté aujourd'hui sur les programmes TRACE, et seule une concertation renforcée entre tous les acteurs concernés (ANPE, AFPA, mais également missions locales, voire CCAS) semble à même d'apporter des solutions ;

- le renforcement du rôle de l'AFPA comme plaque tournante en matière d'orientation, mais également comme instance d'évaluation des différentes formations proposées en France, tout particulièrement à l'initiative des collectivités territoriales.

M. André Schneider a constaté, au vu de son expérience de vice-président d'une mission locale et de président d'une plate-forme de services, que le flux en continu évoqué par le directeur général de l'ANPE pour le dispositif d'orientation n'était pas toujours une réalité. Il semble suggérer qu'une solution rapide est trouvée à l'ensemble des cas individuels. Outre que le parcours est parfois long, il ne débouche pas toujours sur un succès. Il existe bien un « flux résiduel » de demandeurs d'emplois difficile à résorber. L'amélioration de la démarche partenariale serait peut-être un moyen d'y parvenir.

M. Marcel Rogemont a demandé si la multiplication des organismes d'aide au retour à l'emploi devait être regardée comme un utile complément à l'action de l'ANPE et l'AFPA ou bien comme l'aveu de leur incapacité à prendre en charge les personnes les plus en difficulté.

M. Jean-Paul Durieux a fait observer que, malgré la persistance d'un chômage supérieur à deux millions, la reprise de l'emploi en France crée déjà des inquiétudes en matière de recrutement dans l'artisanat, le bâtiment ou l'industrie, ce qui conduit les chefs d'entreprise à envisager le recours à une main d'_uvre étrangère. Il existe en effet un décalage entre les besoins de recrutement et les qualifications disponibles. Le retour à l'emploi risque donc de conduire à un « écrémage » du public de l'AFPA et de l'ANPE, qui vont devoir trouver les moyens de répondre aux besoins de personnes en situation particulièrement difficile.

Il serait d'autre part souhaitable que l'AFPA poursuive son effort en matière d'enseignement à distance afin d'éviter que l'éloignement géographique de certaines personnes en recherche d'emploi, et notamment des femmes, ne conduise en pratique à les écarter des dispositifs de formation et d'orientation mis en place.

M. Jean-Paul Durieux a par ailleurs posé des questions sur :

- la position de l'ANPE face aux groupements d'établissements (GRETA) ;

- le bilan et les perspectives du partenariat entre l'ANPE et les missions locales ;

- les possibilités de coopération transfrontalière pour les bassins d'emploi transfrontaliers.

Mme Hélène Mignon a estimé que l'inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi et de formation implique un effort pédagogique considérable, afin que les jeunes acceptent des formations, par exemple dans le bâtiment, qui leur garantiront ensuite un emploi.

Elle a demandé comment était assurée, dans les deux organismes, la représentation des chômeurs.

M. Germain Gengenwin s'est étonné que l'on ne se soit pas préoccupé plus tôt de la complémentarité entre l'ANPE et l'AFPA. Rappelant qu'initialement, l'AFPA formait des gens venant de l'entreprise, aux niveaux III et IV, il a souligné que, dans les années 80, les régions ont beaucoup investi dans la formation et que cette démocratisation a conduit à former les détenteurs de qualification de niveau V, voire V bis.

Il a demandé quels sont aujourd'hui le niveau moyen et la durée de formation du public auquel s'adresse l'AFPA.

M. Yves Bur a fait observer qu'en Alsace, où le taux de chômage est inférieur à la moyenne nationale, il faut se préoccuper de publics de plus en plus difficiles, à la périphérie urbaine. Quelle est la politique de l'AFPA à l'égard des personnes qui touchent le RMI ? L'offre d'emploi doit s'adapter aux demandeurs qui restent, les emplois vacants ne pouvant être occupés par le seul recours à l'immigration.

Le président Jean Le Garrec a demandé si la politique de conventionnement avec des grandes collectivités locales tendait à se développer.

En réponse aux intervenants, M. Gilbert Hyvernat a apporté les éléments suivants :

- L'activation des structures est indispensable, car les processus sont inévitablement trop lents ; comment faire autrement dès lors qu'une formation qualifiante peut s'étendre sur 6 à 7 mois ? Il faut développer des synergies entre les différentes formations qualifiantes et les différents acteurs.

- La situation de l'Alsace est atypique ; ailleurs, pour les salariés les moins qualifiés, on recourt aux formations de niveau V et V bis, qui constituent environ 75 % des actions de l'AFPA.

- Les conventions avec d'autres organismes, comme la CNAM, ou les GRETA, se multiplient, les services publics s'ouvrent et rompent leur isolement. Cette ouverture favorise par ailleurs l'indispensable réflexion sur des aspects qui ne sont pas directement liés à la formation, mais sont une condition de sa réussite : la santé, la famille, un niveau minimal de ressources.

- Les contrats de plan avec les régions devraient donner de bons résultats cette année.

- Le retard en matière d'enseignement à distance est énorme ; il convient de faire entrer les nouvelles technologies dans les parcours de formations, ce qui est une démarche anti-sélectionnante, qui ne lèse pas les plus défavorisés.

- Les chômeurs sont représentés de deux manières : à la représentation traditionnelle des stagiaires se sont ajoutées des rencontres périodiques avec une structure nouvelle, les comités de chômeurs, établie à partir de listes agréées.

- La ligne fixée par la ministre depuis 1997 est claire : l'AFPA doit former des professionnels et n'a pas à traiter de l'insertion ; toutefois, l'individualisation des parcours est de nature à favoriser des entrées et sorties permanentes du dispositif et peut répondre ponctuellement à cette préoccupation.

M. Yves Bur s'est interrogé sur les résultats en termes d'insertion et de retour à l'emploi des demandeurs d'emplois six mois après que leur sortie de formation. Seules ces statistiques sont en effet significatives de l'efficacité ou au contraire de l'inutilité des actions de formation entreprises.

M. Michel Bernard a porté les éléments d'information suivants :

- Il n'existe pas de chiffre national qui soit une moyenne pour l'ensemble des régions et des types de formations. Pour certaines formations, on atteint des taux de réussite de 85 % à la sortie des stages de formation qualifiante.

- En ce qui concerne les relations entre les représentants des chômeurs et l'Agence, des réunions régulières ont lieu au sein d'un comité national et réunissent les responsables de l'Agence et les porte-parole des associations de chômeurs ; le même type de rencontres ont lieu au sein des comités régionaux à raison de deux ou trois fois par an. 350 comités locaux de chômeurs ont par ailleurs été créés dans la cadres des agences locales et des bassins d'emploi ; 150 se réunissent régulièrement. Se pose toutefois le problème de l'absence de représentativité au sens syndical du terme des associations de chômeurs. Cela signifie que ces associations ne jouissent pas d'un droit d'affichage à titre d'exemple. D'une manière générale, il semble que les relations entre les chômeurs et les agences locales soient bonnes et fondées sur la confiance car jamais les agences ne sont envahies par des demandeurs d'emploi mécontents.

- S'agissant des offres d'emploi pour les travailleurs transfrontaliers, il faut relever que l'ANPE travaille en étroite collaboration avec son homologue allemand, le Bundesanstalt für Arbeit ; les offres d'emploi sont affichées de chaque côté de la frontière afin de permettre aux demandeurs d'emploi des deux pays d'avoir accès à toutes les informations pertinentes.

- En plus du stock constitué par un total de 2,5 millions de chômeurs des catégories I, II, III, VI, VII et VIII, l'agence doit proposer des formations pour le flux d'entrées qui s'élève chaque année à cinq millions de personnes. Il faut noter que le stock de chômeurs depuis plus d'un an reste élevé, à environ 950 000, mais que 1,2 million de chômeurs retrouvent un emploi chaque année. Les masses en jeu restent donc très importantes. Même si, comme chacun le souhaite, le chômage venait à diminuer encore fortement dans les deux ou trois ans à venir, l'utilité de l'ANPE pour continuer à gérer à la fois le stock et le flux de demandeurs d'emploi resterait entière.

- La mission de l'ANPE consiste à faciliter le retour à l'emploi de chômeurs et à permettre aux entreprises de satisfaire leurs demandes de main-d'_uvre. Pour cela, l'agence a une compétence propre qu'elle peut mettre au profit des missions locales avec lesquelles elle signe des conventions. Ces missions ont à traiter de l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontés les chômeurs. Or ces problèmes dépassent largement la seule question de la recherche d'emploi et englobent tous les aspects liés à l'insertion. D'une manière générale, la forme de partenariat qui s'est instauré entre les agences locales de l'ANPE et les missions apparaît comme un signe de maturité de la part de l'Agence. Au total, celle-ci a signé 1 500 conventions avec divers partenaires locaux (missions locales, mairies, et collectivités locales), ce qui a permis de doubler le nombre de lieux où sont offerts ses services à destination des chômeurs. On dénombre aujourd'hui pas moins de 850 implantations dans lesquelles les services de l'ANPE peuvent être dispensés. En définitive, les relations entre l'ANPE et le réseau des missions apparaissent aujourd'hui d'autant plus fructueuses que l'Agence a cherché à rééquilibrer ses rapports avec ses partenaires en ne souhaitant plus se présenter systématiquement comme le « grand frère » venant assister les « petits frères ».

- Au-delà du nombre de chômeurs sur le marché de l'emploi, il faut d'une part prendre en considération les 150 000 nouveaux actifs qui entrent sur le marché du travail chaque année et d'autre part tenir compte du taux de flexion qui accroît encore le nombre de personnes à la recherche d'un emploi. Pour passer de 2,5 millions à 2 millions de demandeurs d'emploi, il faudrait parvenir à créer 1 million d'emplois. Les tensions risquent donc de s'accentuer au cours des mois et des années à venir.

- L'offre de formation doit être adaptée à tous ces publics différents et il faut pour cela qu'au niveau local, les diagnostics soient bien élaborés grâce à un partenariat rassemblant trois acteurs essentiels : l'ANPE, l'Education nationale et les entreprises. Les anathèmes ne sauraient être de mise ; seule la concertation permettra de lutter efficacement contre le chômage dont les uns et les autres sont de fait co-responsables.

Le président Jean le Garrec s'est interrogé sur le rôle pouvant être joué par l'ANACT dans le cadre de cette coopération à plusieurs voix.

M. Michel Bernard a considéré que des actions concertées pouvaient en effet prendre place avec l'ANACT dont une des missions consiste à conseiller les entreprises sur leur organisation interne et donc sur leurs besoins en personnel. L'ANACT peut manifestement contribuer à favoriser la professionnalisation des intervenants par exemple au niveau des comités locaux de chômeurs.

M. Gilbert Hyvernat a souligné la lourdeur des dispositifs de formation, dénoncée dans le récent rapport remis par le député Gérard Lindeperg. Ces dispositifs parviennent difficilement à réagir rapidement et efficacement aux évolutions du marché du travail. Il manque sans doute une certaine souplesse au système dans son ensemble.

Le président Jean Le Garrec a noté combien il était difficile de réformer un système qui ressort de la mécanique parfois complexe de la gestion paritaire ou tripartite. Le prochain projet de loi sur la modernisation sociale pourrait être l'occasion de revoir certaines structures.

M. André Schneider a fait les observations suivantes :

- Des entreprises de plus en plus nombreuses n'hésitent pas à débaucher des personnels des entreprises concurrentes tant sont exacerbées dans certains secteurs les difficultés de recrutement. Ce phénomène a tendance à croître et perturbe le bon fonctionnement du marché du travail

- Les missions locales comptent un public parfois dur qui rencontre de réels problèmes d'adaptation et d'insertion sociale au-delà même de la question de leur insertion dans le monde du travail. Le partenariat entre les missions locales, l'Education nationale et le service public de l'emploi doit sans doute se nouer en amont afin de tenter d'éviter que ne se renforcent ces phénomènes d'exclusion durable.

Mme Hélène Mignon a considéré que, pour un grand nombre de personnes, la solution à leurs difficultés dépasse largement la problématique d'une action de formation professionnelle. L'accompagnement de ces publics bien connus des missions locales ne peut se concevoir uniquement sous l'angle de la recherche d'emploi ; celle-ci doit être l'aboutissement d'un cheminement personnel bien plus complexe. Il convient de chercher avant tout à restructurer ces personnes qui manquent bien souvent de repères pour mieux les orienter ensuite vers des stages de réinsertion professionnelle adaptés.

M. Gilbert Hyvernat a souligné que la solution de l'alternance, ancienne et souvent décriée et peu valorisée, était insuffisamment exploitée. Il faut noter à cet égard les efforts effectués par la branche du bâtiment pour rénover son image auprès du public. Ce type de démarches doit être fortement encouragée.

M. Jean Ueberschlag a indiqué que, dans de nombreux cas, les personnes les moins qualifiées sont paradoxalement celles qui ont le moins accès à des formations. On peut par ailleurs s'interroger sur le nombre encore très élevé de demandeurs d'emploi dans un contexte de raccourcissement de la vie professionnelle et de réduction massive du temps de travail supposée être créatrice d'emploi.

M. Michel Bernard a fait les remarques suivantes :

- Les chiffres diffusés par les services de l'ANPE sont parfaitement sincères ; peut-être ne sont-ils pas toujours justes !

- L'évolution du nombre d'actifs dans les quinze prochaines années est intéressante. Dans quinze ans, le nombre d'actifs âgés de moins de 25 ans ainsi que celui des actifs âgés de 26 à 49 ans vont rester stables. Celui des actifs de plus de 50 ans va en revanche augmenter de 3,5 millions. Les entreprises devront donc dans les années qui viennent recourir à ces personnes qui sont aujourd'hui considérées dans certains cas comme difficilement employables du fait de leur âge. Les mentalités vont ainsi, fort heureusement, évoluer.

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La commission a ensuite constaté qu'elle n'était saisie d'aucune amendement, en application de l'article 88 du Règlement, à la proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane - n° 2259 (M. Jean Rouger, rapporteur).


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