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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 novembre 1998
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE


– Projet de loi constitutionnelle (n° 1072) modifiant l'article 88-2 de la Constitution (avis)


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– Informations relatives à la Commission

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Projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Michel Vauzelle, le projet de loi constitutionnelle (n° 1072) modifiant l'article 88-2 de la Constitution.

M. Michel Vauzelle, rapporteur pour avis, a rappelé les raisons ayant présidé à la saisine pour avis de la Commission des Affaires étrangères sur le projet de loi modifiant l'article 88-2 de la Constitution, et notamment le fait que cette révision constitutionnelle constitue une étape préalable à la ratification du Traité d'Amsterdam. Certaines considérations politiques semblent devoir être évoquées dès à présent, même si le fond du Traité fera l'objet d'un débat spécifique à l'occasion de l'examen du projet de loi autorisant sa ratification.

Certaines sont liées au processus de révision lui-même. Ni la saisine à titre préventif du Conseil Constitutionnel, opérée conjointement par le Président de la République et le Premier ministre, qui s’apparente de plus en plus à une étape normale du processus de ratification des traités européens, ni la décision rendue d'inconstitutionnalité partielle du Traité d'Amsterdam ne sauraient susciter émotion ou surprise.

Le Conseil a validé l’essentiel des dispositions du Traité, y compris certaines pouvant prêter à débat. L’inconstitutionnalité se cantonne au titre III A introduit par le Traité dans l’édifice européen. Il a en effet jugé que l'application éventuelle, au terme d’une période de transition de cinq ans et en vertu d’une décision à l’unanimité, de la procédure de codécision et le recours à la majorité qualifiée dans des domaines relevant de la souveraineté nationale étaient susceptibles de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de celle-ci. Le caractère limité de l’inconstitutionnalité plaide en faveur d’une révision minimale à caractère technique, épousant étroitement les contours de la décision constitutionnelle. Le refus probable du Président de la République de recourir à la voie référendaire, disproportionnée en l’espèce, relève de la même logique de modestie.

Tel a été le choix du Gouvernement. Le fond du projet aurait cependant pu être autre. On aurait pu envisager d’étendre la révision à d’autres matières, y compris étrangères au champ de la politique internationale. Ne fallait-il pas en tout cas profiter de cette révision pour réfléchir aux modalités du contrôle parlementaire dans ce domaine ? Plusieurs voies étaient envisageables : contrôle parlementaire des opérations militaires extérieures ; usage de l’article 53 ; introduction de la possibilité de voter des résolutions en matière internationale à l’instar de ce qui est fait dans le domaine communautaire grâce à l’article 88-4…

La complexité, l’importance des questions, la modification qu’elles impliquaient d’un équilibre institutionnel, déjà délicat en matière de politique étrangère ont à juste titre conduit à préférer une révision limitée aux questions européennes, plus cohérente. La Commission des Affaires étrangères n'a cependant pas renoncé à son désir d'améliorer le contrôle du Parlement sur la politique extérieure et a, à cette fin, entamé une étude sur la pratique de ce contrôle par les parlements étrangers.

Par ailleurs, la limitation du champ de la révision aux questions européennes n'épuise pas les interrogations sur celui-ci. On aurait pu envisager de donner à la Constitution une certaine souplesse à l’égard de la construction européenne par l’introduction d’une "clause d’intégration", à l’image de ce qu’ont fait certains de nos partenaires. Toutefois, celle-ci ne constitue pas un blanc-seing valant en cas de transferts de compétences essentielles. Elle a donc surtout une valeur politique.

Or, dans l’état actuel de la construction européenne, la France a souhaité se prémunir contre "des transferts de souveraineté subrepticement arrachés", et conserver un verrou constitutionnel extrêmement contraignant tant qu'un nouveau contrat n'aurait pas été clairement défini entre la France et l'Union.

Pour minimale qu'elle soit, cette révision est non seulement imposée mais souhaitable. Les progrès réalisés et attendus dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures, au cœur du présent projet de révision, constituent l’une des avancées majeures du Traité d'Amsterdam. Rien que sur ce plan, la révision constitutionnelle se justifie.

Les procédures classiques de coopération de police et de justice, de contrôle des flux migratoires, et la promptitude de réaction des Etats qu'implique désormais la liberté de circulation des personnes - objectif de la construction européenne depuis l'adoption de l'article 7A de l'Acte Unique et l’une des quatre libertés fondamentales dans le cadre du marché intérieur – sont en décalage croissant.

L'afflux brutal de réfugiés kurdes aux frontières italiennes au début de l'année 1998, les filières d'expatriation kossovares, la structuration croissante des flux d'immigration par des réseaux organisés illustrent un phénomène récent : l'adaptation de plus en plus rapide des mouvements migratoires à l'environnement réglementaire et matériel.

Ceci appelle de toute évidence une coordination étroite des politiques des Etats-membres afin d'éviter que les différences dans le niveau de contrôle des frontières ne provoque des détournements des flux migratoires vers les pays les plus libéraux. Cette coordination doit porter sur le court, mais aussi sur le long séjour ainsi que sur l'asile. Que celle-ci puisse se faire à l'unanimité ou à la majorité qualifiée, le délai de transition de cinq ans servira à le déterminer, mais on ne saurait nier le progrès et la nécessité que constitue le Traité d'Amsterdam dans la maîtrise des flux migratoires.

Le refus de la révision proposée nous priverait non seulement des progrès réalisés et réalisables dans ce domaine, mais également des avancées réelles ou potentielles dans de nombreux autres, contenues dans le Traité.

Certes, le Traité d'Amsterdam reste essentiellement technique, un ensemble de dispositions parcellaires sans visibilité politique forte. Il n'en contient pas moins de réelles avancées concrètes, comme la reconnaissance de la notion de service public, ou la meilleure prise en compte de préoccupations quotidiennes des citoyens telles l’emploi.

Toutes ces dispositions ne sont pas purement formelles, ne s'apparentent pas à un catalogue de bonnes intentions. Le Traité offrait un cadre pour une action concrète, le Gouvernement français a oeuvré pour que celle-ci prenne forme : c’est sur son fondement qu’a été convoqué le Conseil européen de Luxembourg consacré à l'emploi, qu’ont été élaborés "lignes directrices" et "plans nationaux pour l'emploi".

Dès lors, il paraît utile que la France mène à terme le plus rapidement possible le processus de ratification du Traité d'Amsterdam dont cette révision constitue une étape essentielle. L'échec de la révision, et donc de la ratification, conduirait en outre à une crise européenne majeure.

Par ailleurs, refuser cette révision en arguant de l'inutilité, voire du caractère dangereux, des dispositions relatives au transfert de compétences afférentes à la libre circulation des personnes irait à l'encontre de la position constamment défendue par les gouvernements français successifs au sein de la Conférence intergouvernementale. Une telle attitude serait en outre contreproductive : la France n'est pas dans la situation géographiquement protégée du Royaume-Uni et de l'Irlande, une approche européenne commune de la circulation des personnes lui est indispensable.

Enfin, ce serait faire preuve d'archaïsme que de vouloir la refuser en raison de la possible "communautarisation" d'une partie des politiques liées à la libre circulation des personnes. Il convient de vider la fausse querelle autour de la notion de "souveraineté".

La question de la souveraineté a longtemps "pollué" le débat français sur la construction européenne. Celle-ci aurait naturellement tendu à déposséder progressivement les Etats de leur apanage traditionnel, la souveraineté.

Le fait est que la question de la souveraineté s'est posée à quatre reprises depuis le début de la décennie: lors de l'examen de la Convention d'application des Accords de Schengen, lors de l'adoption du Traité sur l'Union européenne, au cours de la révision constitutionnelle de 1993 relative à l'exercice du droit d'asile, enfin, aujourd'hui, à l'occasion de l'examen du Traité d'Amsterdam. La question d'une perte éventuelle de sa souveraineté par la France n'est donc pas purement rhétorique. Peut-on pour autant dire qu'elle l'a abandonnée à l'Europe ?

La question trouve une première réponse dans le fait que l'une des caractéristiques de la souveraineté est précisément le pouvoir qu'a un Etat de renoncer à ses prérogatives. La Cour permanente de justice internationale, dès 1923, faisait de cette faculté la pierre angulaire du droit international : sans elle, il n'est plus aucune possibilité pour les Etats de contracter des engagements internationaux.

Un second argument est que les transferts de compétences opérés ne constituent pas un abandon de souveraineté. On ne saurait évoquer les compétences de l'Union sans relever que des représentants des Etats sont associés à l’ensemble du processus de décision et à sa mise en œuvre, y compris dans les domaines régis par la majorité qualifiée.

Enfin, il faut en finir avec l'opposition simpliste entre premier pilier, communautaire, d'une part, et second et troisième piliers, intergouvernementaux, d'autre part. La prétendue "communautarisation" de la libre circulation des personnes opérée par Amsterdam est à nuancer fortement. Parallèlement, le maintien de l'intergouvernementalité dans le troisième pilier mérite également d'être relativisé puisque la Cour de justice des communautés européennes, le Parlement européen et la Commission s'y voient reconnaître un rôle, certes réduit, et que le processus de décision est réformé.

Dans les matières concernées par la présente révision, le souci était triple : créer un véritable espace de liberté dans l'Union, renforcer l'efficacité des mesures compensatoires destinées à assurer la sécurité de cet espace, s'assurer par un contrôle juridictionnel et démocratique que l'on avait affaire à un espace "policé" et non à un espace "policier". Il ne s'agissait donc pas d'abandonner la souveraineté dans ces matières, mais de l'exercer plus efficacement en commun ; la France, sous l'impulsion de l'ancienne majorité, a d'ailleurs été le plus ardent défenseur de la "communautarisation" durant la Conférence intergouvernementale.

On ne peut plus opposer compétence européenne et compétence nationale : l'une et l'autre ne sont pas exclusives, mais complémentaires. Il faut toutefois aller jusqu'au bout de cette complémentarité : l'existence d'une compétence européenne dans un domaine traditionnel de souveraineté ne signifie pas que les Etats doivent renoncer à leur droit d'initiative. Au contraire, l'existence de procédures aptes à vaincre les inerties nationales permet à l'Etat porteur d'une véritable initiative, d'une volonté politique forte, d'exercer pleinement sa souveraineté au niveau européen.

Bref, la France n'abandonnera en rien sa souveraineté dans cinq ans dès lors qu'elle aura à faire valoir une vision forte de ce que doit être une politique européenne d'immigration et d'asile. La souveraineté des Etats réside moins dans la détention de prérogatives exclusives que dans l'usage qu'ils font de leurs compétences, y compris lorsqu'elles sont partagées.

Toutefois, le partage croissant de sa souveraineté par la France avec ses partenaires au sein de l'Union implique des adaptations institutionnelles.

Tout d’abord, le renforcement du contrôle du Parlement français, détenteur de la souveraineté, sur l'action de l'Union est indispensable. De ce point de vue, le bilan du contrôle mené par le Parlement français est globalement satisfaisant, même si la procédure instituée par l'article 88-4 introduit dans la Constitution en 1992 est perfectible. Elle devrait d’ailleurs être améliorée dans le cadre de la présente révision, sans toutefois porter atteinte à l’équilibre des institutions.

Cette adaptation des institutions nationales doit s'accompagner d'une évolution des institutions européennes. Le partage croissant de la souveraineté ne repose pas sur une approche théologique de la construction européenne, mais sur la conviction que l'échelon européen est plus adapté au règlement de certains problèmes. Encore faut-il qu'il ne soit pas rendu moins efficace par des dysfonctionnements institutionnels. Dès lors, une réforme profonde des institutions européennes est une condition essentielle de l'accord du Parlement sur de nouveaux transferts de compétences.

Il importe donc désormais d'avancer rapidement sur le contenu concret et le calendrier des réformes institutionnelles.

Au bénéfice de ces observations, le Rapporteur s’est exprimé en faveur de l’adoption du projet de loi constitutionnelle.

M. Pierre Lequiller a relevé à la fois les lacunes et les progrès que comporte le Traité d'Amsterdam.

Il a tout d'abord déploré l'absence de réforme des institutions et, en particulier, le déséquilibre entre pouvoir politique et pouvoir de la Commission. Un président de la commission responsable devant le Parlement européen verra sa situation politiquement renforcée par rapport au Conseil des Ministres.

Il s'est félicité qu'on s'oriente vers les positions défendues par la France quant à la nature politique du poste de Haut Représentant pour la PESC. Il a souhaité une avancée beaucoup plus forte en matière de PESC avec, notamment, l'intégration de l'UEO dans l'Union européenne.

Une deuxième insuffisance grave concerne le principe de subsidiarité affirmé depuis Maastricht mais non entré dans les moeurs. La tendance de la Cour de justice des Communautés européennes la conduit généralement à donner raison aux autorités bruxelloises plutôt qu'au pouvoir des Etats. Un contrôle plus démocratique serait souhaitable, par exemple grâce à une structure composée de parlementaires nationaux et européens.

La troisième lacune concerne les coopérations renforcées dont l'existence, prévue par les textes, est entourée de tant de conditions qu'elle est rendue pratiquement impossible.

En revanche, M. Lequiller s'est félicité des avancées importantes en matière de justice et d'affaires intérieures. Le délai de 5 ans proposé par la France permettra de vérifier l'ampleur des progrès accomplis et les consolidations nécessaires. Le deuxième aspect très positif concerne l'affirmation de l'Etat de droit, nouveau principe posé par Amsterdam, qui aura des prolongements tout à fait intéressants. La mise en place du Haut Représentant constitue un progrès sensible en matière de politique étrangère.

A propos du débat entre l'élargissement et l'approfondissement, la mise en place d'un Comité des Sages est tout à fait indispensable. Conscient des qualités et des défauts du Traité et compte tenu des avancées significatives qu'il permet, M. Lequiller s'est déclaré au nom de son groupe, favorable à la révision constitutionnelle proposée.

M. Roland Blum a estimé que, même si le débat sur la procédure de révision constitutionnelle avait été tranché en faveur de la voie parlementaire, il aurait été préférable de soumettre la révision à référendum. En effet, le Conseil Constitutionnel a jugé que le Traité d'Amsterdam portait atteinte à la souveraineté nationale. Surtout, ce traité ne contient pas seulement des dispositions techniques mais engage le passage d'une union économique à une union politique.

Par ailleurs, la révision est restreinte ce qui obligera à des révisions répétées à chaque étape du développement futur de l'Union européenne.

Le Président Jack Lang a regretté que ce qui est possible en Allemagne ne le soit pas en France. Une révision plus large aurait pu, pour l'avenir, engager notre pays plus résolument et plus symboliquement.

M. Pierre Brana s'est déclaré en accord avec les conclusions du Rapporteur pour avis et a souligné qu'il conviendrait de rédéfinir les modalités du contrôle démocratique de l'Union, notamment en renforçant le rôle des parlements nationaux et du Parlement européen.

Il a demandé, à propos des dispositions relatives au droit d'asile et de l'extradition vers les pays "sûrs", quelle était l'instance compétente en cas de litige entre deux Etats.

M. François Guillaume a estimé que le Traité d'Amsterdam avait pour objectif de communautariser une partie du 3ème pilier et engageait un autre débat, la communautarisation du 2ème pilier, portant ainsi atteinte aux deux souverainetés essentielles : diplomatie et défense. Il n'était pas forcément indispensable de mettre en place ce Traité privant la France de l'une de ses prérogatives, celle de rendre la justice ; or, on y vient progressivement.

M. François Guillaume a souligné un problème de procédure : celle prévue par la Constitution est le référendum. La voie parlementaire est dérogatoire.

En ce qui concerne le texte soumis aux députés, il a marqué sa préférence pour une délégation de compétences plutôt qu'un transfert, qui maintiendrait le principe d'un possible retour en arrière.

Il s'est inquiété du passage automatique à la majorité qualifiée, dans un délai de cinq ans, pour les règles concernant les problèmes de circulation et les visas. Il a dénoncé la méthode européenne qui, insidieusement, conduit à un grignotage des attributs essentiels de la souveraineté des Etats.

Il a souligné à terme un risque de neutralisation de la Constitution française et une communautarisation sans frein de l'ensemble des activités politiques, économiques et sociales. Pour le moment, nous n'en sommes pas là. La délégation pour l'Union européenne s'est penchée sur les modifications possibles de l'article 88-4. Elle souhaite étendre son examen aux deuxième et troisième piliers. Elle souhaite également que les problèmes de subsidiarité se réglent différemment, afin que nous ne subissions pas les décisions sans y participer. Voilà quelques éléments qui paraissent intéressants pour sensibiliser le Parlement aux problèmes communautaires.

M. Charles Millon a fait valoir que le débat n'était pas "pollué" par la question de la souveraineté mais plutôt dominé par elle. Depuis le début de la construction européenne, l'Europe progresse, mais de façon tellement empirique qu'elle paraît avancer masquée. Il est donc indispensable de mieux cerner les questions de souveraineté, de transfert, de délégation ou d'abandon de compétences. Il convient de distinguer clairement l'abandon de compétences impliquant un transfert de souveraineté de celui qui n'en provoque aucun.

S'agissant de l'application du principe de subsidiarité imparfaitement défini par le Traité de Maastricht, il a estimé nécessaire que la Constitution consacre ce principe. Il a donc décidé de déposer un amendement portant sur l'article 88-1 de la Constitution, afin de permettre au Conseil Constitutionnel d'en contrôler le respect.

Le mode de contrôle des parlements nationaux qui a fait l'objet de débats passionnés est insuffisant. Il convient, comme c'est le cas en Allemagne, de leur permettre d'exprimer une volonté politique par le vote de résolutions lors de l'adoption d'un traité européen ce qui implique la modification de l'article 88-4 de la Constitution.

Il a regretté que l'on puisse ratifier le Traité d'Amsterdam avant la réforme des institutions. L'Europe continue de mettre en oeuvre des politiques sans respecter le primat du politique, ce qui crée une fracture entre les institutions européennes et les citoyens des différentes nations. Il a suggéré que la Commission des Affaires étrangères réfléchisse à la réforme des institutions européennes. A côté du Parlement européen, il serait souhaitable d'instituer une vraie Chambre des Etats. Le Conseil européen qui se réunit à Bruxelles ne peut avoir une influence politique suffisante sur la Commission européenne, ce qui crée des déséquilibres de fait.

Le Président Jack Lang a estimé que confier le contrôle du principe de subsidiarité au Conseil Constitutionnel reviendrait à permettre le contrôle de la conformité des lois aux traités, ce que le Conseil Constitutionnel refuse malheureusement de faire jusqu'à présent.

Il s'est déclaré personnellement favorable à une extension du contrôle du Parlement sur la politique étrangère.

M. René André a regretté l'obscurité et la timidité du Traité d'Amsterdam. Le groupe RPR le ratifiera si certaines conditions sont réunies ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le groupe RPR proposera d'ajouter un article additionnel ou un préambule au Traité d'Amsterdam, à propos, notamment, de la subsidiarité.

Le débat sur la procédure de révision a été clos par le Président de la République. Le groupe RPR conditionne l'approbation de cette révision à une extension du contrôle du Parlement sur les affaires européennes ce que le gouvernement refuse à en juger par les propos de Mme la Garde des Sceaux devant la Commission des Lois. Il conviendrait de réformer l'article 88-4 de la Constitution afin d'étendre le contrôle non seulement aux actes des deuxième et troisième piliers mais aussi aux actes préparatoires de la Communauté et aux accords interinstitutionnels de l'Union. En outre, la circulaire relative à la réserve parlementaire devrait être intégrée à la Constitution. Le Parlement doit pouvoir également exercer une veille constitutionnelle. Enfin, le Parlement devrait être consulté lors du passage au vote à la majorité qualifiée pour les décisions relatives à la circulation des personnes.

S'exprimant en son nom personnel, M. Jean-Claude Lefort a estimé que le Rapporteur avait offert des possibilités cohérentes d'opposition. Il a fait valoir que la révision de la Constitution était nécessaire parce que le Conseil constitutionnel avait constaté des atteintes à la souveraineté. Le droit d'asile doit rester souverain.

Selon lui, le débat sur le renforcement du rôle du Parlement exprime un certain malaise. Il a rappelé qu'en 1977, l'Assemblée nationale avait voté une mâle résolution précisant que le renforcement éventuel des pouvoirs du Parlement européen ne concernerait pas la France. Plus récemment, lors de la discussion sur le passage à l'euro, l'Assemblée a également voté une résolution sur le contrôle de l'activité de la Banque centrale européenne par le Parlement. Qu'en est-il de l'application de ces textes ?

Pour lui, la Constitution devrait affirmer clairement que le recours à la procédure référendaire est obligatoire dès que la souveraineté de la France est mise en cause.

Il a déploré les allusions à la négociation du Traité d'Amsterdam par l'ancienne majorité, car elles impliquent que l’Union européenne est le seul espace démocratique où l'alternance est impossible. Une telle rigidité est de nature à fragiliser l'Europe.

Le Président Jack Lang a estimé que le nécessaire renforcement du contrôle démocratique de l'Union européenne pouvait passer par la création d'une deuxième chambre.

M. Charles Ehrmann a constaté que le débat sur l'Europe transcendait les clivages politiques. L'Europe avance lentement mais sûrement. Cependant, elle est encore un nain politique. Le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune est donc une excellente chose. Le délai de cinq ans prévu pour le passage à une nouvelle étape est suffisant pour préparer les nouvelles évolutions. L'élargissement de l'Union est inéluctable mais il convient qu'il soit précédé d'un approfondissement.

M. Georges Hage a rappelé la valeur originale, dans la Constitution, de la voie référendaire, bien que les constituants n'aient pas prévu tout ce qu'on pourrait lui soumettre.

En dépit de l'absence de référendum, cette modification a le mérite de la clarté et constitue un nouvel abandon dans le domaine de la souveraineté nationale.

M. Georges Hage a annoncé son intention de voter contre la modification constitutionnelle et son refus de se prêter à la discussion et au vote d'amendements qui ne correspondent à aucune nécessité mais seulement à des préoccupations d'opportunité. Cela ne signifie pas qu'une réforme de l'article 88-4 n'est pas nécessaire mais elle devrait avoir lieu à l'occasion d'une autre réforme constitutionnelle.

Il a contesté les propos du Rapporteur qui voit une preuve de souveraineté dans l'abandon d'une part de cette souveraineté. Il a promis de livrer ses réflexions sur ce sophisme ou ce paradoxe lors du débat.

Le Président Jack Lang a observé que la Cour internationale de Justice avait elle-même considéré que la marque de l'expression de la souveraineté d'un Etat consistait au pouvoir de déléguer ou d'abandonner une partie de sa souveraineté.

M. Michel Vauzelle, rapporteur pour avis, a ensuite répondu aux questions des commissaires.

Quel que soit l'avis que l'on porte sur la procédure à suivre pour l'adoption de la présente révision, le choix définitif appartient au Président de la République, qui semble plutôt favorable à la voie du Congrès.

La question de la souveraineté est centrale, même si elle ne doit pas être utilisée à mauvais escient dans le débat européen. La souveraineté est entre les mains du peuple français et non d'un quelconque "peuple européen". On ne peut pas consentir à des "abandons de souveraineté", mais seulement à des "délégations de compétences". De ce point de vue, il n'est pas mauvais que toute atteinte, même minime, au texte constitutionnel, fasse, par la voie certes lourde de la révision, l'objet d'une surveillance jalouse.

S'agissant du Protocole annexé au Traité relatif au droit d'asile, si le principe est qu'une demande émanant d'un ressortissant d'un Etat de l'Union, jugé a priori "sûr", n'est pas examinée, chaque Etat conserve, au cas par cas, la possibilité d'y déroger.

Il existe une volonté collective des parlementaires de développer le contrôle du Parlement sur la politique extérieure. Il convient cependant de veiller à l'équilibre des institutions en la matière et de ne pas entraver l'exécutif dans la phase de négociation des traités. En outre, une telle réforme ne peut être engagée à la sauvette, à l'occasion d'une révision limitée. Toutefois, une réflexion doit être menée sur cette question

Enfin, le Rapporteur a confirmé qu'il fallait songer à une meilleure représentation des parlements nationaux dans la construction européenne.

Le Président Jack Lang a estimé que le contrôle des parlements nationaux s'exercerait plus efficacement à travers la création d'une deuxième chambre, composée de délégués de ces parlements.

Il a regretté que l'on n'ait pas saisi l'occasion de cette révision ponctuelle pour procéder à une révision plus large qu'il faudra bien réaliser un jour, sans attendre un hypothétique "grand soir".

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle (n° 1072).

Informations relatives à la Commission

A été nommé le mercredi 18 novembre 1998 :

M. François Loncle, rapporteur pour la proposition de loi de M. François Loncle relative à la validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des Affaires étrangères (n°1205).

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· Révision constitutionnelle

· Traité d'Amsterdam


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