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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 février 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

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– Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes ..........


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– Informations relatives à la Commission


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Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux Affaires européennes, a tout d'abord excusé M. Hubert Védrine, qui devait être présent cet après-midi, pour ce qui aurait dû être une audition commune, mais qui a finalement été retenu par un entretien entre le Président de la République et le Ministre des Affaires étrangères d'Iran. Il lui revient donc de présenter seul le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam, adopté ce matin même en Conseil des Ministres.

Le Parlement, en approuvant, le 18 janvier dernier, la révision constitutionnelle préalable, a ouvert la voie à la ratification du Traité d'Amsterdam, entrée donc aujourd'hui dans la seconde et dernière phase de la procédure. Le Ministre délégué s'est déclaré certain qu'elle se déroulerait dans un esprit aussi ouvert et constructif que celui qui a présidé à la révision constitutionnelle.

Ne souhaitant pas revenir sur le vote du Congrès, M. Pierre Moscovici a estimé néanmoins que celui-ci avait clairement montré que près de 80% des parlementaires n'adhéraient pas aux thèses dites "souverainistes". Il faut maintenant aller de l'avant, en permettant à ce traité d'entrer en vigueur dès que possible. Tous les partenaires, sauf les Belges, ont, en effet, déjà achevé ou vont achever dans les tout prochains jours leurs procédures nationales. Le retard, relatif, de la France, a des raisons diverses, dont la nécessité de la révision constitutionnelle.

Le Traité d'Amsterdam, malgré ses défauts, marque une étape de la construction européenne. Il s'inscrit dans la suite logique du Traité sur l’Union européenne, mieux connu sous le nom de Traité de Maastricht, qu'il corrige et complète, et intervient à la veille d'une évolution profonde de l'Union qui, après l'élargissement, aura dans quelques années un autre visage.

Cette année 1999 est décisive à plus d'un titre. D'abord, l'euro vient d'être mis en place dans des conditions satisfaisantes. A cet égard, le Traité d'Amsterdam peut et doit contribuer à un meilleur équilibre entre le volet monétaire de la construction européenne et le volet relatif à la croissance et à l'emploi, sans lequel le progrès social, qui est au coeur du projet européen, ne serait qu'un vain mot.

En second lieu, l'année 1999 est décisive au regard des réformes que l'Union doit mener à bien dans le domaine du fonctionnement et du financement de ses politiques communes. La négociation de l'Agenda 2000 sera, après l'euro, et sans doute avant l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, si les négociations aboutissent en mars, le second temps fort de cette année pour l'Union.

Ensuite, il y a le processus d'élargissement. Lancé en 1998, ce processus va prendre, dans les prochains mois, un tour nouveau. On va, en effet, aborder les chapitres plus difficiles et délicats et entrer peu à peu dans le vif de la négociation.

Et puis, bien sûr, il y aura, au mois de juin, les élections européennes. Voilà le contexte dans lequel s'inscrit l'exercice de ratification qui commence.

Sans refaire l'historique complet de la négociation qui a conduit au projet de loi portant autorisation de la ratification du Traité d'Amsterdam, on rappellera les points suivants. Le Traité de Maastricht prévoyait la convocation, en 1996, d'une Conférence intergouvernementale. Celle-ci, préparée, dès juin 1995, par la mise en place d'un groupe de réflexion, le "Groupe Westendorp", s'est ouverte officiellement le 29 mars 1996 à Turin et conclue le 17 juin 1997 à Amsterdam.

Signé il y a maintenant plus d'un an, le 2 octobre 1997, le Traité d'Amsterdam a déjà fait l'objet de travaux approfondis dans le cadre des débats de révision constitutionnelle préalable à sa ratification. Ce que l'on en a dit lors de ce débat demeure : Amsterdam est un traité difficile d'accès. Le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs pas manqué de le déplorer. S'inscrivant dans la suite logique des traités précédents, qu'il amende et complète, il ne peut être appréhendé de manière isolée. A cet égard, le travail réalisé par la Délégation pour l’Union européenne de l'Assemblée, qui a fait une présentation comparée des traités avant et après Amsterdam, est précieux, parce qu'il fait apparaître de manière beaucoup plus lisible les apports de ce traité.

En outre, ce traité est imparfait, puisqu'il comporte au moins une lacune importante, essentiellement dans le domaine institutionnel.

Il est cependant utile, en premier lieu, par toutes les dispositions qui visent à prendre en compte les préoccupations des citoyens, au premier rang desquelles figurent l'emploi et le progrès social.

Sur l'emploi, il comporte deux innovations : une procédure nouvelle, permettant l'adoption de lignes directrices européennes pour l'emploi et la création d'une base juridique pour l'adoption de mesures d'encouragement. Mais l'essentiel réside dans le fait que ce nouveau chapitre ait pu faire, dès la signature du Traité, l'objet d'une mise en oeuvre anticipée. Le Gouvernement a, dès juin 1997, joué un rôle essentiel pour que des initiatives concrètes soient prises en matière d'emploi, sans attendre l'entrée en vigueur du nouveau traité. Les 20 et 21 novembre 1997, se tenait un Conseil européen extraordinaire exclusivement consacré à l'emploi, où a été définie une stratégie européenne coordonnée pour l'emploi, organisée autour de quatre lignes directrices, assorties d'objectifs chiffrés :

- amélioration de la capacité d'insertion professionnelle des jeunes et des adultes demandeurs d'emploi ;

- développement de l'esprit d'entreprise ;

- encouragement de la capacité d'adaptation des entreprises et des travailleurs ;

- renforcement des politiques d'égalité des chances.

Les lignes directrices ont servi de base à l'élaboration par chaque Etat membre, au printemps 1998, d'un plan national d'action pour l'emploi.

Cette adoption anticipée a incontestablement permis d'enclencher - à Cardiff, puis à Vienne - une dynamique qui, dès l'entrée en vigueur du Traité, va pouvoir s'amplifier, notamment à travers la concrétisation du projet, arrêté au Conseil européen de Vienne, d'un Pacte européen pour l'emploi.

Dans le domaine social, l'avancée la plus spectaculaire est évidemment l'intégration du protocole signé à Onze, à Maastricht. Grâce au ralliement du nouveau gouvernement britannique, on retrouve ce texte pratiquement à l'identique dans le nouveau traité, avec toutefois une amélioration substantielle : la possibilité pour le Conseil d'adopter, à la majorité qualifiée et en co-décision avec le Parlement européen, des mesures visant à assurer l'application du principe d'égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes dans les domaines de l'emploi et du travail, ainsi que des mesures de lutte contre l'exclusion sociale.

Il y a aussi dans le Traité d'Amsterdam, toujours dans le champ des droits civiques et sociaux, des dispositions relatives à la santé et à l'environnement, plus contraignantes pour les Etats et donc plus protectrices pour les citoyens, la reconnaissance - c'est très important - de la spécificité des services publics et de leur rôle dans la cohésion territoriale de l'Union, et enfin, le renforcement des dispositions relatives aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales, de la clause de non-discrimination et du principe d'égalité entre hommes et femmes, ainsi que des droits sociaux fondamentaux.

Deuxième domaine où des avancées concrètes sont rendues possibles par le Traité d'Amsterdam : le troisième pilier, avec l'établissement progressif d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce sont ces avancées qui ont nécessité la révision constitutionnelle. Le Traité d'Amsterdam prévoit en effet, dans le contexte de la création de cet espace européen, que les dispositions relatives à l'immigration, à l'asile et au contrôle des frontières extérieures relèveront, pour leur définition, des compétences communautaires.

Cette communautarisation sera progressive puisque, pendant les cinq premières années qui suivront l'entrée en vigueur du Traité, le Conseil continuera de statuer à l'unanimité. Il ne passera au vote à la majorité qualifiée que s'il en prend, à l'unanimité, la décision. Ce changement, qui devrait permettre, à terme, une harmonisation des dispositions en vigueur dans les Etats membres, va dans le sens d'un renforcement de la sécurité au sein de l'Union. L'évolution des phénomènes migratoires est telle aujourd'hui qu'aucun Etat de l'Union n'est en mesure d'y apporter seul une réponse. Il ne s'agit pas uniquement de l'immigration clandestine, que l'on doit combattre parce qu'elle relève de pratiques inacceptables, mais aussi des phénomènes migratoires liés à des conflits (la Bosnie hier, l'Albanie et le Kosovo aujourd'hui), qui appellent des réponses concertées.

En outre, la coopération judiciaire civile est également communautarisée dans la mesure où elle touche à la libre circulation des personnes au sein de l'espace communautaire. Ce transfert permettra des avancées notamment en droit de la famille.

En revanche, les dispositions sur la coopération policière et la coopération judiciaire pénale sont maintenues dans le troisième pilier, mais sensiblement améliorées afin de renforcer la sécurité au sein de l'espace européen. Enfin, l'acquis de Schengen est intégré dans le Traité, ce qui signifie qu'il s'appliquera à tous les futurs adhérents.

Le Ministre délégué a souhaité évoquer le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). L'Union a essayé de se doter, dans le Traité d'Amsterdam, de moyens susceptibles de renforcer sa capacité d'agir sur la scène internationale :

- elle aura un visage, grâce à un Haut représentant (Monsieur ou Madame PESC) ;

- le Conseil et le Haut représentant disposeront d'une structure d'analyse et de prévision, outil indispensable à la définition d'une politique commune ;

- enfin, les dispositions concernant la sécurité, le maintien de la paix et la défense sont un peu améliorées, ce qui devrait permettre des progrès dans le sens que la France a toujours préconisé. La démarche commune franco-britannique actée à Saint-Malo et qui a recueilli, à Vienne, le soutien des partenaires européens, devrait y contribuer.

Enfin, malgré l'absence grave de réforme institutionnelle d'ensemble, le Traité apporte quelques améliorations qui ne sont pas négligeables.

La réforme institutionnelle était l'objectif premier de la Conférence intergouvernementale. Or, sur ce plan, aucun des points essentiels n'a pu faire l'objet d'un accord.

La France a donc dit, dès la signature du Traité, que cette lacune devrait absolument être comblée avant le prochain élargissement et a fait des propositions à ses partenaires.

Aujourd'hui, tous semblent convaincus que cette réforme est indispensable si nous voulons que l'Union fonctionne correctement. La présidence allemande, qui s'est fixé comme priorité le bouclage de la négociation de l'Agenda 2000, a aussi annoncé son intention de s'attaquer ensuite à la réforme institutionnelle. Elle présentera, au Conseil européen de Cologne, une méthode et un calendrier. L'objet de cette réforme étant précisément circonscrit, elle devrait pouvoir être menée à bien assez rapidement. La France ne souhaite pas, pour sa part, mettre en place une procédure trop lourde qui diluerait les objectifs précis qu'il convient d'atteindre : le resserrement et le renforcement de l'efficacité de la Commission, ainsi que la généralisation du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, assortie d'une pondération des voix plus fidèle aux réalités.

Mais, malgré cette lacune sur les points institutionnels fondamentaux, quelques progrès ont néanmoins pu être enregistrés à Amsterdam.

D'abord, il sera possible de mettre en place des coopérations renforcées entre les Etats membres qui souhaiteront aller plus avant dans la construction européenne. De telles coopérations existent déjà dans le cadre de l'euro, de l'UEO et de Schengen.

S'agissant des grandes institutions de l'Union, le Conseil statuera sur quelques sujets supplémentaires à la majorité qualifiée et le Président de la Commission aura plus de poids politique et d'autorité sur le collège, puisque sa nomination devra, avant la désignation du reste du collège, être approuvée par le Parlement européen. Des trois institutions, c'est le Parlement européen qui tire le plus de bénéfices de ce traité : grâce à une simplification des procédures et à une extension du champ de la codécision avec le Conseil, il voit son rôle significativement renforcé.

Parallèlement, les Parlements nationaux seront plus étroitement associés aux travaux de l'Union. Le Traité d'Amsterdam contient un protocole sur le renforcement de leur rôle. La France a beaucoup contribué à son adoption. Il paraissait fondamental, en effet que, dès lors que, dans des matières essentielles qui relèvent du domaine législatif, des compétences étaient transférées ou partagées, les parlements nationaux soient associés plus étroitement aux travaux communautaires. A cet égard, la révision constitutionnelle du 18 janvier apporte un prolongement très important à ce protocole, en élargissant la procédure de consultation de l'article 88-4.

Reste la lacune majeure que constitue l'absence de réforme institutionnelle d'ensemble.

Le projet de loi de ratification comporte, conformément à la règle, un article unique. A plusieurs reprises, au cours des derniers mois, la possibilité d'un article 2 qui rappellerait la nécessité d'une réforme institutionnelle avant tout élargissement de l'Union avait été évoquée.

Aussi, si l'Assemblée nationale confirme son souhait de formuler explicitement un tel rappel, le Gouvernement est tout à fait disposé à introduire un amendement au projet de loi, aux termes duquel serait soulignée la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du Traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union, préalablement à la conclusion des négociations d'adhésion. Le Gouvernement est prêt à écouter les suggestions de l'Assemblée nationale comme du Sénat, mais sa marge de manoeuvre est limitée, puisque toute formulation qui s'apparenterait à une injonction ou à une conditionnalité poserait un sérieux problème juridique. Par ailleurs, les pays candidats à l'adhésion, très attentifs à la position de la France sur l'élargissement, ne doivent pas pouvoir voir dans la rédaction qui sera retenue une marque d'hostilité à leur égard. Il est nécessaire pour la France d'être claire sur cette question afin de conserver une position forte dans la région.

En conclusion, le Ministre délégué a déclaré souhaiter mener à bien la ratification du Traité d'Amsterdam, car les avancées qu'il contient pour éclatées, parcellaires et insuffisantes qu'elles soient, ne sauraient être refusées. La mise en oeuvre anticipée de certaines d'entre elles en a prouvé l'utilité. Le Gouvernement actuel ne l'a pas négocié et s'interroger sur son attitude s'il avait pu le faire n'a qu'un intérêt historique. Ce traité pèche plus par ce qu'il ne contient pas que par les dispositions qu'il comprend.

Le Président Jack Lang a tout d'abord précisé qu'il avait bon espoir que la présidence allemande se conclue avec l'adoption d'une méthode et d'un calendrier. Il appartient aux Allemands de relancer la machine. L'ensemble devrait être parachevé sous la présidence française, prévue pour le deuxième semestre de l'an 2000.

Un article 2 ne traduira aucune réticence à l'endroit des pays candidats.

M. Michel Vauzelle a rappelé que l'on parlait du Traité d'Amsterdam depuis de longs mois, mais que la question centrale demeurait la réforme des institutions.

A propos d'un éventuel article 2, ce qui est exceptionnel dans un processus d'adoption d'un traité, il a souhaité savoir si la décision était déjà prise et quel cheminement était envisagé. Il a également demandé à M. Pierre Moscovici quel était le sentiment de nos partenaires européens, et en particulier de l'Allemagne, à propos de la réforme des institutions. Quelle est la position des candidats à l'adhésion sur ce sujet ? La France pourrait-elle accepter une nouvelle adhésion avant la réforme des institutions ou s'y refuserait-elle ?

M. François Léotard a souhaité évoquer l'après-Amsterdam et les questions budgétaires. Lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères, M. Joschka Fischer a souligné la volonté allemande de trouver rapidement un compromis. A-t-on progressé depuis ?

M. Valéry Giscard d'Estaing s'est interrogé sur les moyens dont l'Assemblée nationale dispose pour faire progresser la réforme institutionnelle. Un amendement d'origine parlementaire serait préférable. Vis-à-vis des partenaires européens, le vote d'un texte présenté par l'Assemblée nationale renforcerait la position du Gouvernement. Cet amendement parlementaire pourrait si nécessaire être amélioré par le Gouvernement.

D'autre part, étant lui-même convaincu du fonctionnement insatisfaisant des institutions, il a souligné qu'il fallait convaincre les candidats à l'entrée dans l'Union européenne que leur réforme est nécessaire pour eux.

Enfin, abordant les affaires budgétaires que l'Allemagne prétend régler pour la fin du mois de mars 1999, il a souligné que les chiffres étaient difficiles à obtenir. Or, ils sont importants car leur opacité accrédite l'idée que la France est le grand bénéficiaire des politiques communautaires, alors qu'elle est le deuxième contributeur net derrière l'Allemagne. Il serait souhaitable de pouvoir classer les pays entre contributeurs nets et bénéficiaires.

Le Président Jack Lang a rappelé que le Règlement de l'Assemblée nationale ne permettait malheureusement pas le dépôt d'un amendement d'origine parlementaire sur un projet de loi autorisant la ratification d'un traité.

M. Pierre Moscovici a précisé que le Gouvernement n'avait pas souhaité que le projet autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam comportât deux articles, afin de laisser se dérouler le débat au Parlement. L'amendement sera déposé par le Gouvernement car le Règlement de l'Assemblée nationale ne permet pas aux parlementaires d'amender les projets autorisant les ratifications. Il a rappelé que M. Raymond Barre, alors Premier Ministre, s'était opposé, pour les mêmes raisons, à un amendement parlementaire sur le projet relatif à l'élection du Parlement européen au suffrage universel direct.

M. Valéry Giscard d'Estaing a rappelé, pour sa part, que l'opposition de l'époque avait combattu ce point de vue avec talent.

Pour le Président Jack Lang, cette disposition du Règlement est un garde-fou que l'on peut juger inadapté. De toute façon, le Gouvernement est désireux de proposer un amendement qui rencontre les voeux des parlementaires sans constituer une injonction.

M. François Loncle a estimé que l'argument du "risque de vexation" des pays candidats à l'adhésion n'est plus d'actualité. Ceux-ci sont maintenant parfaitement conscients de la nécessité d'une réforme des institutions préalable à une entrée dans leur Europe ; elle n'est plus perçue comme une manoeuvre de blocage ou de retardement.

Il s'est montré très sceptique quant à la capacité des Quinze de conclure sur l'Agenda 2000, avant la fin mars, et sous présidence allemande.

M. Jacques Myard a estimé que tout le monde était favorable à une réforme de l’Union européenne car celle-ci ressemblait à une usine à gaz. L'Union se mêle de tout et sa compétence est devenue de droit commun.

L'Union doit être réformée selon deux axes. D'une part, l'élargissement est inéluctable et nécessaire, et contribuera à la réforme des institutions. D'autre part, le principe de subsidiarité doit être absolument respecté. En somme, l'Union doit à la fois s'élargir et s'amaigrir.

Le protocole sur la subsidiarité est incompréhensible, contradictoire et inapplicable. Il est regrettable qu'on ne puisse le dissocier du projet de ratification.

Mme Marie-Hélène Aubert a tout d'abord demandé quel serait le rôle de l'éventuel article 2, et par là même, le rôle des parlementaires français. Elle a souhaité savoir ce que M. Pierre Moscovici pensait de la proposition d'une deuxième chambre européenne associant les parlementaires nationaux.

D'autre part, elle a rappelé que le Traité d'Amsterdam souffrait d'une grave lacune : l'absence d'une véritable réforme institutionnelle. A ce propos, elle a souhaité obtenir des précisions sur la méthode plus souple que le ministre avait suggérée pour réformer les institutions européennes. De même, concernant la politique étrangère et de sécurité commune, elle a demandé quelle méthode était envisagée afin que l’Union européenne puisse agir de manière plus efficace à l'extérieur.

M. Georges Sarre a demandé l'avis du Ministre délégué à propos de la campagne d'information sur le Traité d'Amsterdam. Il est prévu de diffuser un document d'information à un million d'exemplaires. A qui et comment ? N'est-ce pas faire trop et trop tard ?

Concernant les négociations sur l'Agenda 2000, il a demandé des précisions sur l'état d'avancement du dossier.

S'agissant de la représentation extérieure de l'Union, qu'inspire au Ministre délégué la concurrence entre la Commission et le Conseil ? Le Traité n'affaiblit-il pas le caractère intergouvernemental de celle-ci ?

M. René André a indiqué, à propos du débat sur l'article 2, qu'il préférait un amendement parlementaire. Dans le cas où ce serait impossible, un préambule ne serait-il pas préférable, à l'exemple de celui placé par les Allemands en tête du Traité de l'Elysée ?

Il a également souhaité souligner les insuffisances du Traité d'Amsterdam : à l'instar du Président de la République, il a évoqué la nécessité d'une dimension sociale pour l'Europe. En matière d'emploi, il a réaffirmé cette préoccupation, chère à tous les gouvernements français.

M. Pierre Brana a rappelé que la position française était, depuis quelques mois, mieux comprise par les candidats à l’Union européenne. Ils savent qu'elle ne traduit aucune hostilité à l'élargissement.

Concernant la PESC, il a demandé si l'on pouvait espérer, dans l'avenir, une position commune des pays européens qui permette d'éviter une médiation américaine, lorsqu'une crise intervient en Europe.

M. Pierre Moscovici a répondu aux divers intervenants.

En ce qui concerne l'adoption d'un article 2, la solution de l'amendement gouvernemental apparaît comme la meilleure, compte tenu des contraintes du Règlement de l'Assemblée nationale qui interdit tout amendement parlementaire.

Il est vrai que, lors du précédent de 1977, certains députés avaient défendu la thèse d'un amendement parlementaire, mais ces députés appartenaient à un groupe qui se réclamait de la majorité de l'époque.

La solution du préambule n'apparaît pas satisfaisante, car il est évident que son contenu aurait une force juridique moins grande que celui d'un article de la loi.

M. Pierre Moscovici a confirmé que le Gouvernement avait l'intention de déposer un amendement dans les prochains jours, en coordination bien sûr avec le Rapporteur du projet de loi et la Commission des Affaires étrangères.

En matière d'élargissement, le Président de la République et le Gouvernement français s'efforcent de convaincre les pays candidats à l'adhésion que la réforme des institutions est demandée dans leur intérêt, car l'Union ne fonctionne déjà plus que difficilement. Mais ce message nécessite d'être constamment répété et expliqué car certains - on peut penser aux Américains et aux Allemands - pourraient prétendre que cette affirmation dissimule un refus de l'élargissement, auquel ils se déclarent quant à eux très favorables.

Les différents points de réforme ont été clairement identifiés, et la France a fait de nombreuses propositions.

La France avait souhaité initialement réduire le nombre de commissaires mais il a finalement été jugé préférable de le plafonner à vingt, ce qui du reste conduira chacun des grands pays à renoncer, à un certain moment, à un commissaire. Il pourrait être possible, en revanche, de créer des commissaires adjoints ou des commissaires délégués.

La réforme concernant le recours au vote à la majorité qualifiée se heurte à quelques obstacles, par exemple les réticences du Royaume-Uni à l'étendre au domaine de la fiscalité.

Quant à la question de la pondération des voix, il faut avoir conscience qu'elle pourrait conduire la France à accepter un découplage avec l'Allemagne, dont la population est plus nombreuse.

En ce qui concerne la méthode à mettre en oeuvre, il serait sans doute souhaitable, du fait de l'échec de la Conférence intergouvernementale, de revenir à la tradition communautaire consistant à confier à un comité ou à une personnalité le soin de préparer un rapport sur le fonctionnement de l'Union. Ce rapport servirait de base aux propositions de réformes qui devraient être adoptées, si le Parlement vote l'article 2, avant l'élargissement.

M. Pierre Moscovici a estimé préférable, pour mieux associer les parlements nationaux, d'améliorer le processus de consultation parlementaire plutôt que de créer une seconde chambre européenne.

Sur l'Agenda 2000, le Ministre délégué a estimé ne pas faire preuve d'un optimisme hors de propos, mais de volontarisme. La France a la volonté d'aider la Présidence allemande à conclure. Il est de l'intérêt de tous de parvenir à une solution rapide, notamment dans la perspective de l'élargissement.

Force est cependant de constater que l'on en est encore à chercher les bases d'un accord. La piste du cofinancement qui semble privilégiée par la Présidence est une fausse piste. Dès lors, les deux Conseils informels prévus fin février et fin mars, consacrés à la PAC et à l'Agenda 2000, ne s'annoncent pas sous les meilleurs auspices.

La France a présenté des éléments de solution, proposant notamment le recyclage des aides directes au profit du développement rural et, s'agissant des fonds structurels, un rééquilibrage entre "objectif I" et fonds de cohésion. La combinaison des efforts de stabilisation des dépenses et de mesures de restructuration de celles-ci devrait permettre une réduction satisfaisante de la contribution allemande.

Considérant sa part dans le PIB communautaire, la France n'est pas, du point de vue de sa contribution, dans une position désavantageuse. Un échec des négociations ne saurait en tout cas être imputé à la France qui constitue au contraire une force de propositions.

En ce qui concerne le volet social du Traité, le Gouvernement actuel s'est trouvé confronté à un texte déjà négocié, dont les apports sont indéniables et résultent notamment de l'impulsion du Président de la République. L'action spécifique du Gouvernement en la matière consiste en l'acceptation de la mise en oeuvre anticipée de ces dispositions et le renforcement de leur effet par sa propre politique sociale.

Dans le domaine de la PESC, les formulations restent complexes, mais l'introduction d'une part de majorité qualifiée apporte une souplesse bienvenue alors que celle d'une clause comparable au compromis de Luxembourg constitue une garantie essentielle pour chacun des Etats membres dans ce domaine.

Les relations extérieures seront gérées sous l'angle diplomatique par M. PESC, mais resteront pour partie de la compétence de la Commission.

Le protocole sur la subsidiarité peut être discuté, mais le Ministre délégué ne s'est pas déclaré pour autant partisan d'une codification des compétences.

Enfin, la campagne d'information sur le Traité n'est pas démesurée puisqu'elle n'est dotée que de 4,66 MF - soit moins que la campagne sur l'euro - et intervient au seul moment possible, entre la révision et la ratification.

M. Valéry Giscard d'Estaing a souhaité savoir si l'amendement gouvernemental créant l'article 2 serait lui-même amendable.

Le Président Jack Lang a rappelé que dans le cas des autorisations de ratification, les parlementaires n'ayant pas le droit d'amendement et le Gouvernement n'en ayant jamais présenté, le problème des sous-amendements ne s'était jamais posé. Il appartiendra, le cas échéant, au Président de l'Assemblée de statuer. En toute logique, le régime des sous-amendements devrait suivre celui des amendements.

M. Valéry Giscard d'Estaing a estimé que la disposition réglementaire visait à interdire les amendements aux textes des traités. Le Parlement ne saurait évidemment les modifier. Dès lors que l'article 2 concernerait d'autres dispositions, il serait illogique de vouloir lui appliquer la même règle ; par sa nature même, l'amendement du Gouvernement serait donc sous-amendable.

Le Président Jack Lang s'est engagé à faire effectuer les vérifications nécessaires. Sans vouloir s'avancer au nom du Gouvernement, il a souligné la détermination du Ministre de proposer un texte qui exprime assez bien la volonté commune. Chemin faisant, la première mouture pourrait être améliorée sans que les choses prennent la forme d'amendements parlementaires, dans l'hypothèse où ceux-ci seraient définitivement proscrits. On peut légitimement nourrir l'espoir que l'article 2 répondra aux attentes communes, dans les limites posées par la Constitution, et que la France pourra s'en féliciter auprès de ses partenaires actuels et futurs de l'Union.

Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 3 février 1999 :

· M. François Loncle, rapporteur pour les projets de loi, adoptés par le Sénat :

- autorisant l'approbation de l'Accord de coopération entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République italienne, le Royaume d'Espagne, la République portugaise, la République hellénique, la République d'Autriche, le Royaume de Danemark, la République de Finlande, le Royaume de Suède, Parties contractantes à l'Accord et à la Convention de Schengen, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège, relatif à la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes (ensemble une annexe), (n° 1304) ;

- autorisant l'approbation de l'Accord d'adhésion du Royaume de Suède à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, (n° 1309) ;

- autorisant l'approbation de l'Accord d'adhésion de la République de Finlande à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, (n° 1310) ;

- autorisant l'approbation de l'Accord d'adhésion du Royaume de Danemark à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, (n° 1311) ;

· M. Michel Vauzelle, rapporteur pour le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam (n° 1365).

· M. René André, rapporteur pour les projets de loi, adoptés par le Sénat :

- autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hongroise, (n° 1306) ;

- autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (n° 1307) ;

- autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (n° 1308) ;

- autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (n° 1312).

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· Traité d'Amsterdam

· Union européenne


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