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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 février 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

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– Rapport sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam (n° 1365) ..........


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– Informations relatives à la Commission


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Rapport sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam modifiant le Traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 1365)

M. Michel Vauzelle a présenté le projet de loi autorisant la ratification du Traité d'Amsterdam.

Le Traité signé à Amsterdam le 2 octobre 1997 a fait l’objet de nombreux débats et analyses. On pourrait avoir le sentiment que tout a été dit sur ce Traité, notamment à l’occasion de la révision constitutionnelle préalable.

Tel n’est pas le cas, en dépit de la qualité de ce débat. En effet, la révision ne portait que sur l’un des points – même s’il est d’une importance majeure – du Traité, le passage éventuel dans cinq ans à la majorité qualifiée et le recours au processus de codécision dans un domaine essentiel d’exercice de la souveraineté nationale : la circulation des personnes.

Avant de délivrer une autorisation de ratification, un travail d’analyse du texte reste donc encore à mener, notamment compte tenu de sa complexité.

Il faut tout d’abord rappeler que le Traité d’Amsterdam relève en quelque sorte du Traité de Maastricht : l’article N de ce dernier prévoyait en effet la convocation d’une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres en 1996 pour examiner les dispositions à réviser. Imposée par le traité de Maastricht, la Conférence intergouvernementale l’a également été par la pression croissante en faveur de l’élargissement de l’Union. Il semblait plus facile de réformer l’Union européenne avant d’y accepter de nouveaux membres. La Conférence s’est ouverte le 29 mars 1996 et a remis un projet de traité au Conseil européen d’Amsterdam des 16 et 17 juin 1997. En dépit de quelques ajustements, il est à l’origine du texte aujourd'hui présenté.

La Conférence intergouvernementale était chargée de proposer un texte fondé sur les objectifs suivants :

- une Union plus proche des citoyens ;

- des institutions rénovées dans le sens de plus de démocratie et d’efficacité ;

- un renforcement de la capacité d’action extérieure de l’Union.

La tâche était donc ambitieuse. Les résultats ne sont pas, en tout cas au premier regard, à la hauteur de ce que l’on annonçait parfois comme un nouvel acte fondateur.

On a pu parler à propos de ce Traité d'une simple mise à jour des textes antérieurs. On a dit aussi qu’il n’était qu’un catalogue de grands principes.

De fait, le Traité réaffirme l’attachement de l’Union aux droits fondamentaux tels qu’ils sont notamment garantis par la Convention européenne des Droits de l’Homme, en tant que principes généraux du droit communautaire. Cette affirmation de principe s’enrichit de nouvelles garanties, comme l’extension, selon des modalités complexes, de la compétence de la Cour de Justice des Communautés européennes. Les décisions européennes prises dans des domaines aussi sensibles que la police, l’immigration, la justice feront désormais l’objet d’un encadrement juridictionnel.

Par ailleurs, selon un article très décrié par certains contempteurs de la construction européenne, un Etat peut se voir sanctionner pour des violations graves et persistantes des libertés et droits fondamentaux. Contrairement à ce qui a pu être dit et écrit, la France ne se retrouvera pas demain matin au ban de l’Europe ; en revanche, elle dispose avec ce nouvel article F1 d’une garantie utile dans la perspective de l’élargissement.

Entre dispositions formelles et affirmation de principes, le Traité d’Amsterdam ne serait-il qu'une construction rhétorique ?

Le Traité comporte des avancées concrètes indiscutables.

La première d’entre elles est la construction progressive d’un espace de sécurité, de justice et de liberté.

Dès l’Acte unique européen de 1986, les Etats membres ont fait de la liberté de circulation au sein de l’espace européen l’une des libertés majeures de leurs ressortissants. Mais rapidement, il est apparu que l’exercice de cette liberté supposait son organisation afin que l’espace européen ne devienne pas la proie de la criminalité organisée, du trafic de drogue, du terrorisme ou de l’immigration illégale.

Les premières mesures ont été prises entre un petit nombre d’Etats, signataires des Accords dits de Schengen. D’autres l’ont été, toujours selon la méthode de la coopération intergouvernementale, dans divers groupes de travail, avant d’être formalisées par le Traité de Maastricht dans ce qu’il est convenu d’appeler le Troisième pilier.

Les progrès de cette coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures sont réels ; ils ne sont d’ailleurs contestés par personne. En dépit de l’ouverture des frontières entre Etats membres, l’Europe n’est pas devenue la passoire que d’aucuns redoutaient.

Cependant, plusieurs raisons militaient en faveur d’une nouvelle avancée de cette coopération : le développement de la coopération en matière de police et de justice rendait d’autant plus perceptible l’absence de contrôle juridictionnel et démocratique sur les actions de l’Union menées dans ce domaine.

La France a été l’un des plus ardents défenseurs de la réforme de la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures. De ce point de vue, le Traité d’Amsterdam est une victoire des positions françaises.

La seconde avancée majeure du Traité est un meilleur équilibre de la construction européenne, jusque là essentiellement tournée vers la réalisation du marché intérieur.

Le Traité d’Amsterdam ne remet pas en cause la vocation économique de la construction européenne, incluant ainsi parmi les missions de la Communauté "un haut degré de compétitivité". Pourtant, celle-ci s’insère de plus en plus dans un certain nombre d’autres objectifs, de contraintes, de nouvelles exigences.

Ainsi, et ce encore une fois à la demande de la France, les services d’intérêt économique général, qui correspondent assez bien à ce que l'on appelle en France les services publics, se voient reconnaître une véritable spécificité. Le Traité relève notamment "la place que ces services occupent parmi les valeurs communes de l’Union" et le "rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion économique et sociale".

De même, les exigences en matière d’environnement, pour n’être pas nouvelles, prennent une place accrue dans le Traité. Deux autres correctifs à la dimension économique de la construction européenne sont apportés par l’accroissement de la compétence communautaire en matière de santé publique et de protection des consommateurs.

Enfin, et surtout, le Traité opère un rééquilibrage de la construction européenne par une prise en compte accrue de la dimension sociale.

L’Union se dote d’un socle social commun avec le ralliement du Royaume-Uni au Protocole social annexé au Traité de Maastricht. Les dispositions de ce protocole sont intégrées dans les traités eux-mêmes. Elles permettent notamment la mise en œuvre de mesures contre l’exclusion sociale.

L’Union se dote également, largement à l’initiative de la France, d’un titre consacré à l’emploi. L’action communautaire n’est que subsidiaire, mais apparaît l’idée d’une "stratégie coordonnée visant à promouvoir l’emploi". Pour cela, elle disposera de plusieurs instruments que les Etats ont décidé de mettre en application de manière anticipée, sans attendre l'entrée en vigueur du Traité - ce qui pose d'ailleurs le problème du rôle du Parlement dans le processus de ratification. Les Conseils de Luxembourg, Cardiff et Vienne ont ainsi permis la définition d’un véritable pacte pour l’emploi.

A l’image de ce qu’il fait en matière de finances publiques et qui a provoqué tant d’indignation dans certains rangs, le Conseil peut désormais, à la majorité qualifiée, formuler des recommandations sur les politiques de l’emploi menées par les Etats. Le progrès est considérable lorsque l’on se souvient que certains Etats se refusaient même à simplement évoquer la question de l’emploi dans les enceintes européennes.

La pleine utilisation des dispositions du Traité dépend de la volonté politique des Etats.

M. Pierre Moscovici a, à plusieurs reprises, rappelé que le Traité d’Amsterdam péchait plus par ce qu’il ne contenait pas que par les dispositions qu’il comportait. De fait, ce Traité offre de réelles possibilités d’action.

On pourrait penser que ce ne sont là que des mots. La comparaison avec l’Acte unique de 1986 s’impose. Que n’a-t-on pas reproché à ce texte ? "La montagne fédérale du projet Spinelli avait accouché d’une souris tout à fait diplomatique". L’Acte unique était un "texte d’intendance", "une coquille aux trois quarts vide", un "acte clandestin", "le compromis du possible". Les similitudes avec Amsterdam sont troublantes. Pourtant, l’Acte unique a permis la réalisation du marché intérieur, favorisé la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes. Il a également favorisé l’accroissement de la coopération en matière de politique étrangère, même si beaucoup reste à faire.

Tous ces progrès n’ont été rendus possibles que par l’existence d’une véritable volonté politique. La nouvelle donne politique en Europe, les derniers Conseils européens, la création de l’euro-11, donnent à penser qu’une telle volonté est possible en matière de politique économique.

A contrario, les balbutiements en matière de PESC augurent mal de son avenir, même améliorée par le Traité d’Amsterdam.

Outre la clarification des compétences entre Commission et Etats en matière de négociations commerciales, le champ des relations extérieures fait l’objet de plusieurs aménagements :

- capacité donnée à l’Union de conclure des engagements internationaux ;

- création d’une unité de planification de la politique étrangère et d’alerte rapide, qui sera une cellule de conception rattachée au Secrétariat général du Conseil ;

- apparition d'un nouvel instrument, la stratégie commune ; les décisions de mise en œuvre d’une telle stratégie peuvent être arrêtées à la majorité qualifiée sauf opposition de l’un des Etats membres selon une formule s’apparentant au compromis de Luxembourg, le Conseil européen servant alors d’instance d’appel ;

- s’ajoute également la possibilité pour les Etats de pratiquer l’abstention dite constructive.

Le maître mot de la réforme en matière de PESC était la visibilité. L’objectif est en partie atteint puisque devrait être nommé dans les mois qui viennent un Monsieur ou une Madame PESC, Secrétaire général du Conseil, pour représenter l'Union dans ses relations avec les tiers.

L’idée ardemment défendue par la France lors de la CIG est pour l’heure en observation. En effet, pour la France, la visibilité de la PESC dépend largement du profil du Haut représentant pour la PESC. Le choix d’une personnalité politique de premier plan ou au contraire d’un haut fonctionnaire illustrera la volonté ou l’absence de volonté de l’Union de se doter d’une politique étrangère digne de ce nom.

Force est par ailleurs de constater que la volonté politique commune a fait défaut sur l’enjeu majeur de la CIG, la réforme des institutions.

L’article N du Traité de Maastricht invitait les Etats membres à examiner plusieurs thèmes institutionnels. Les institutions actuelles, malgré des aménagements, restent fondamentalement celles créées pour l’Europe des Six, celles du Traité de Rome. Leur réforme a pu être reportée en dépit des élargissements successifs. Le dernier a posé la question de manière plus cruciale encore. Pour plusieurs Etats, il ne devait intervenir qu’après une réforme des institutions. La pression des négociations d’adhésion a finalement conduit à une nouvelle fuite en avant.

Nous en sommes à une situation où chaque tour de table au Conseil prend plusieurs heures, où le nombre des commissaires et des parlementaires ne cesse de croître altérant l’efficacité et la cohérence des institutions. Que dire des perspectives offertes par une Europe élargie aux PECO, à Chypre, ou encore à Malte et à la Suisse ? Comment espérer une action efficace d’un Parlement comptant plus de mille membres, d’une Commission de près de trente-cinq membres ?

Face à cette urgence, le Traité d’Amsterdam offre de bien piètres réponses, à l’exception de la notable augmentation des pouvoirs du Parlement européen (notamment par l’extension des domaines régis par la procédure de codécision) et du renforcement du pouvoir du Président de la Commission. De maigres progrès résident aussi par exemple dans la consolidation du Comité des régions, l’élévation de la Cour des comptes européenne au rang d’institution à part entière, ou encore l’adoption d’un Protocole sur le rôle des Parlements nationaux dans l’Union européenne.

On peut se réjouir de ces aménagements, mais il faut admettre qu’ils ne bouleversent pas le fonctionnement de l’Union. Pourraient en revanche le faire les dispositions relatives aux coopérations dites renforcées, positives dans leur principe. Mais ne peut-on pas craindre qu’elles ne constituent qu’un palliatif des institutions devenues inefficaces et qu’elles ne fassent que refléter l’éclatement d’une Union devenue une "Europe à la carte" faute de projet commun ?

En tout cas, l’équilibre institutionnel classique est conservé. Rien n’est fait pour simplifier le chef d’œuvre de complexité que constitue la division de l’Union en piliers. Rien n’est fait pour établir une présidence stable de l’Union. Rien n’est fait surtout pour résoudre le triple problème institutionnel : nombre de commissaires, pondération des voix au Conseil, procédure de vote.

Le Traité d’Amsterdam, dans le but de ne pas bloquer le processus d’élargissement, prévoit une adaptation des institutions actuelles réalisable jusqu’à l’élargissement au vingtième Etat membre. A ce moment seule est prévue la convocation d’une nouvelle CIG sur les institutions dont le mandat n’est pas clairement précisé. Comment exclure dans ces conditions une nouvelle fuite en avant ? Ce n’est pas admissible.

La promesse d’une réforme des institutions constitue donc un élément essentiel de notre adhésion à ce Traité.

Le Gouvernement français a assorti la signature du Traité d’une déclaration – faite conjointement avec la Belgique et l’Italie – sur la nécessité de procéder à une réforme des institutions européennes avant la conclusion de tout nouvel élargissement.

Nombreux sont les parlementaires, dans tous les groupes de l'Assemblée, à approuver les termes de cette déclaration et à considérer qu’elle est seule de nature à faire oublier l’échec de dix-huit mois de négociations sur la réforme des institutions. Depuis plus d’un an, on souhaite qu’elle soit suivie d’effets ; or, en dépit du délai dans lequel le Traité est présenté, l’Union n’a pas fait de progrès concrets dans cette voie, même si l’idée fait son chemin parmi les partenaires de la France.

Dès lors, il semble essentiel que la France s’engage fermement à ne pas conclure de nouveau traité d’adhésion sans avoir obtenu de résultats substantiels. Le Parlement ne dispose pas du pouvoir de lier le Gouvernement dans la conduite des négociations internationales. A ce titre, il lui est interdit d’amender les traités ou de poser des conditions à leur ratification. Il s'agit là d'une bonne règle dans la conduite des relations internationales.

Au terme d’un dialogue avec chacune des assemblées et de leurs commissions compétentes, le Gouvernement a accepté de prendre un engagement de nature politique sur le caractère préalable de la réforme institutionnelle. Tel est le sens de l’amendement gouvernemental aujourd’hui proposé. Volontairement, son texte épouse au plus près les termes de la déclaration belgo-italo-française. Après plus d’un an d’explications de texte, de pédagogie, partenaires et Etats candidats commencent à la trouver familière et sont même de plus en plus nombreux à juger qu’elle n’est pas un biais pour retarder l’élargissement, mais relève du simple bon sens.

Cet amendement est la manifestation de la volonté politique qui a si cruellement fait défaut pendant la CIG et qui peut seule permettre d’exploiter toutes les potentialités d’un traité, certes imparfait mais cependant utile.

Persuadé que tel est l’esprit dans lequel le Gouvernement entend mettre en œuvre ce Traité, le Rapporteur a invité la Commission à en autoriser la ratification.

Le Président Jack Lang a remercié le Rapporteur pour son exposé. Celui-ci s’est fait l’avocat éloquent d’un Traité qui, malgré ses faiblesses, comporte une certaine richesse.

Après qu'il eut cité les différentes motions de procédure présentées sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité d’Amsterdam, un débat s'est engagé.

M. Pierre Brana s’est interrogé sur l’attitude actuelle de l’Italie et de la Belgique. La Belgique a-t-elle ratifié le Traité ? Envisagerait-elle de voter un article additionnel comme celui proposé par le gouvernement français ?

M. Michel Vauzelle a répondu que tous les Etats avaient ratifié le Traité, y compris la Grèce dont la procédure se termine aujourd’hui.

M. Jacques Myard a souligné le mérite du Rapporteur face à un texte qu’il a qualifié de mauvais. En particulier, il a exprimé des critiques à l’encontre du protocole sur la subsidiarité, de l’article 6, du vote à la majorité qualifiée et du titre sur l’emploi, d’ailleurs introduit à la demande de la France. Concernant l’amendement du Gouvernement, il a jugé qu’il n’était pas opérationnel.

M. Valéry Giscard d’Estaing a tout d’abord demandé au Rapporteur comment il concevait le rôle du Secrétaire général du Conseil auquel sera vraisemblablement également confiée la tâche de Haut représentant pour la PESC. En outre, comment, dans cinq ans, passer, pour des matières sensibles comme l’immigration, au vote à la majorité qualifiée s’il n’y a pas eu de réforme préalable de la pondération des voix ?

M. Michel Vauzelle a admis que certaines formulations du Traité étaient confuses.

Il a précisé que les tâches actuellement dévolues au Secrétaire général du Conseil incomberaient au Secrétaire général adjoint.

Il s'est déclaré également partisan d'une réforme de la pondération des voix au Conseil.

Le Président Jack Lang a présenté l'amendement du Gouvernement créant un article additionnel ainsi rédigé : "La République française souligne la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne préalablement à la conclusion des premières négociations d'adhésion."

Il a relevé que ce texte avait été proposé en réponse à l'aspiration générale de l'Assemblée nationale et compte tenu de deux contraintes juridiques.

En premier lieu, il semble que le Gouvernement ait seul le droit d'amender un projet de loi autorisant la ratification d'un traité. Ce que l'on peut comprendre dans la mesure où il serait difficilement concevable que le Parlement puisse remettre en cause tel ou tel élément d'une oeuvre bi- ou multilatérale. L'on pourrait imaginer, à l'avenir, que le Parlement soit consulté avant l'ouverture de toute grande négociation.

En second lieu, le Parlement comme le Gouvernement doivent respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au droit d'amendement qui proscrit toute injonction ayant pour effet de modifier la répartition des compétences constitutionnelles entre l'exécutif et le législatif. En particulier, le droit d'initiative du Gouvernement doit être préservé.

Par ailleurs, il convient d'éviter toute conditionnalité à la ratification du Traité.

Dans ce cadre, le Gouvernement pourrait prendre en considération les suggestions des parlementaires. Si l'amendement proposé est dans la ligne de la déclaration belgo-italo-française relative à la nécessité d'une réforme des institutions, son texte appelle une remarque. Il est peut-être dangereux d'établir un lien entre la réforme des institutions et l'élargissement. En effet, ce dernier ne se fera pas avant 2004-2005 alors que la réforme institutionnelle est urgente. Il serait souhaitable que l'article additionnel souligne la nécessité d'une réforme rapide.

M. Valéry Giscard d'Estaing a souligné que le Gouvernement avait fait un pas important en direction des parlementaires par le dépôt d'un amendement portant article additionnel après l'article unique du projet de loi.

M. Giscard d'Estaing a rappelé qu'il avait lui-même déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un amendement de ce type. Le Président Laurent Fabius l'avait alors informé, par une lettre fort courtoise, qu'il ne pouvait, à son grand regret, accepter cet amendement au motif que l'article 128 du Règlement de l'Assemblée nationale excluait toute initiative parlementaire autre que la présentation de motions de procédure lors de l'examen des projets de loi autorisant la ratification de traités. Tout en comprenant cette explication, M. Giscard d'Estaing a souhaité qu'une réflexion s'engage pour l'avenir sur la légitimité d'une telle interdiction qui peut apparaître justifiée uniquement pour un amendement portant sur le contenu même d'un traité.

Dès lors que le Gouvernement a déposé lui-même un amendement, la question se pose de savoir si celui-ci peut être sous-amendé. M. Giscard d'Estaing a jugé que rien ne s'y opposait, dès lors que les sous-amendements portent non sur l'article autorisant la ratification mais sur l'article additionnel. Il a donc proposé à la Commission deux modifications au texte déposé par le Gouvernement.

M. Giscard d'Estaing a tout d'abord souhaité que l'on remplace l'expression "la République française souligne la nécessité de réaliser" par "la République française souligne sa détermination de voir réalisés" afin de corriger le caractère votif de la rédaction initiale.

Il a ensuite souhaité que l'on ajoute, après "des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l’Union européenne", la précision suivante : "afin de rendre son fonctionnement plus efficace et plus démocratique". La demande de réforme des institutions n'est pas gratuite, elle est motivée par la recherche d'une plus grande efficacité et de davantage de démocratie.

Le Président Jack Lang a estimé que les sous-amendements du Président Valéry Giscard d'Estaing étaient de nature à améliorer le texte du Gouvernement.

M. Michel Vauzelle, après avoir rappelé que l'irruption du Parlement dans les relations internationales n'était pas systématiquement de nature à porter atteinte à l'unicité de la voix de la France dans le monde, a estimé qu'il fallait néanmoins se garder d'affaiblir la position du Gouvernement français dès lors que celui-ci s'était engagé.

L'article 128 du Règlement de l'Assemblée nationale est très clair. Il interdit tout amendement aux traités soumis à autorisation de ratification mais aussi aux projets de loi autorisant celles-ci. Dès lors, la seule façon pour les parlementaires de demander des modifications du texte gouvernemental passe par une concertation avec le Gouvernement pour qu'il accepte de modifier le contenu de son amendement.

M. Michel Vauzelle a estimé que le Gouvernement serait d'autant plus attentif aux propositions de M. Giscard d'Estaing que celles-ci sont de nature à donner plus de force, de précision, de musculature à l'article additionnel.

M. Hervé de Charette a estimé que, s'il était compréhensible que le Parlement ne puisse remettre en cause les éléments d'un traité tels qu'ils sont issus de la négociation, il demeurait légitime qu'il puisse défendre son point de vue dès lors que l'amendement proposé ne concernait pas le contenu de l'accord.

Il a jugé par ailleurs regrettable qu'on lie meilleure efficacité des institutions et élargissement de l’Union européenne vers les pays d’Europe centrale et orientale. L'idée se répand parmi ceux-ci que la France traîne les pieds pour l'élargissement et la rédaction de l'article additionnel est de nature à conforter cette thèse. Il a souhaité que l'on fixe une date-butoir pour la réforme des institutions plutôt que d'en faire un préalable à l'élargissement.

M. Paul Dhaille a fait observer que le débat se situait sur le plan juridique : le Parlement a-t-il le droit d’amender ou non un projet de loi autorisant la ratification d’un traité ? Or, son sentiment est que le problème politique n’est pas tranché.

Il s’est interrogé sur la notion, trop floue à son avis, de "progrès substantiel" qui figure dans l’amendement du Gouvernement. Ce dernier a-t-il l’intention de dire ce qu’il entend par là ? Enfin, s’agissant du souhait du Gouvernement d’une réforme des institutions "préalablement à la conclusion des premières négociations", il s’est dit convaincu qu’il faudrait réformer la structure de l’Union européenne même s’il n’y a pas d’adhésion.

M. Edouard Balladur a souhaité faire trois observations. Tout d’abord à propos du droit d’amender ou pas, il a considéré que la position du Rapporteur était la bonne. Il faut suggérer au Gouvernement de retenir les propositions de M. Valéry Giscard d’Estaing. Concernant les "progrès substantiels", le sous-amendement présenté par celui-ci permet de dissiper largement ce vague. Enfin, il a exprimé ses craintes que les désaccords des Quinze sur la réforme des institutions ne retardent l'élargissement. A l’instar de M. Hervé de Charette, il a souligné le risque d’une dégradation de l'image de la France en Europe centrale.

M. Edouard Balladur a suggéré, pour l’article additionnel, la rédaction suivante : "La République française exprime sa détermination de voir réalisés avant le 1er janvier 2002 et au-delà des stipulations du traité d’Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l’Union européenne", ce qui rendrait non fondé le reproche fait au gouvernement français de vouloir reporter l’élargissement aux calendes grecques.

M. François Loncle a rejeté l’idée d’une date-butoir mais s’est déclaré à la fois sensible à l’argumentation de M. Hervé de Charette sur l’image de la France et en accord avec les deux remarques de M. Valéry Giscard d’Estaing. L’objectif à prendre en compte est double : rendre les institutions plus efficaces et plus démocratiques, mais également permettre de procéder à l’élargissement. La notion de préalable apparaît donc délicate à manier.

Il a alors proposé, pour l’article additionnel, la rédaction suivante : « La République française souligne la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du traité d’Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l’Union européenne afin de rendre son fonctionnement plus efficace et plus démocratique et de mener à bien la conclusion des premières négociations d’adhésion. »

M. Valéry Giscard d'Estaing a estimé que la France ne devait pas être timide dans l'expression de sa politique. Lorsque le nouveau Chancelier allemand a déclaré que l'élargissement ne pouvait se réaliser dans les délais initialement envisagés, personne n'a considéré que cette prise de position affectait l'image de l'Allemagne en Europe centrale. La France doit expliquer que la réforme des institutions est de l'intérêt des Etats candidats. C'est une affaire de présentation. Le ministère des Affaires étrangères pourrait demander aux candidats de souscrire à sa proposition de réforme. Comme l'illustre le précédent de l'adhésion suédoise, il est délicat de négocier l'adhésion des candidats sur la base des institutions actuelles et de demander par la suite une révision de cette base.

Dans cet esprit, il serait plus clair que l'article additionnel soit ainsi rédigé : "La République française exprime sa détermination de voir réalisés, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des Institutions de l'Union européenne afin de rendre son fonctionnement plus efficace et plus démocratique de manière à mener à bien la conclusion des premières négociations d'adhésion."

M. François Léotard a souhaité que le Rapporteur rende compte au Gouvernement des diverses propositions des parlementaires et l'interroge sur ce que la Belgique et l'Italie ont fait, lors de la ratification du Traité d'Amsterdam, pour exprimer leur volonté d'une réforme institutionnelle.

Le Président Jack Lang a repris l’idée de M. Gerhard Schröder : du point de vue du calendrier, la présidence allemande pourrait relancer la balle et suggérer une procédure. Dans l’idéal, les retombées positives pourraient se produire sous la présidence française, à qui il appartiendrait de faciliter la conclusion des choses. Quoi qu’il en soit, une détermination franco-allemande très forte est indispensable.

Revenant à la rédaction du texte, il a proposé de transmettre au Gouvernement, en son nom et au nom du Rapporteur, les propositions de la Commission. A lui d’améliorer son texte en tenant compte des observations des commissaires.

M. Michel Vauzelle s'est engagé à se faire l'interprète des préoccupations des commissaires auprès du Gouvernement afin d'aboutir à un article 2 plus satisfaisant.

M. Hervé de Charette a souhaité que la Commission se réunisse à nouveau pour statuer sur le texte qui sera finalement proposé par le Gouvernement.

Le Président Jack Lang a fait part de sa confiance envers le Gouvernement pour rédiger un texte qui convienne à tous.

Il a mis aux voix l'article premier du projet de loi qui a été adopté à l'unanimité moins une opposition et une abstention.

M. Hervé de Charette a souligné que la rédaction finale de l'article additionnel était un élément essentiel de son vote sur l'article premier.

M. Valéry Giscard d'Estaing a souhaité que la Commission s'abstienne de voter sur l'intégralité du projet de loi tant que la rédaction finale de l'article 2 ne serait pas connue.

M. Jack Lang a proposé que la Commission se réunisse à nouveau sur le projet de loi après la rédaction définitive de l'article additionnel. Il a résumé la position de la Commission en disant qu'elle était favorable à l'adoption du projet de loi sous réserve d'une amélioration du texte de l'article 2.

A l'issue de ce débat, la Commission a autorisé la publication du rapport de M. Michel Vauzelle sous la forme d'un rapport d'information.

Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 17 février 1999 :

- M. Guy Lengagne, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong Kong, (n° 1305) ;

- M. Joseph Tyrode, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse en vue de compléter la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (n° 1318).

- Mme Isaac-Sibille, rapporteur pour les projets de loi, adoptés par le Sénat :

· autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part (n° 1313) ;

· autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part (n° 1314) ;

· autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part (n° 1315) ;

· autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part (n° 1316).

- M. Jacques Godfrain, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise (n° 1317) ;

- M. Georges Hage, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux personnels scientifiques de l'Institut Max-von-Laue-Paul Langevin (n° 1319).

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