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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 avril 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

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– Création de l'Université franco-allemande (n° 1423) - rapport


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– Protocole établissant les privilèges et immunités d'Europol (n° 1524) - rapport


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– Charte de l'énergie (n° 195) - rapport ..........


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– Coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (n° 321) - rapport ..........


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– Informations relatives à la Commission


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Création de l'Université franco-allemande

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la création de l'Université franco-allemande (n° 1423).

M. Marc Reymann a souligné que l'axe franco-allemand constituait un des éléments fondamentaux de la construction européenne. Au-delà des relations entre Etats, la transmission de valeurs et d'une culture communes auprès des populations, et notamment de la jeunesse, s'avère indispensable.

Le Rapporteur a déploré la régression de l'allemand dans les lycées français et du français dans les lycées allemands. A l'évidence, les jeunesses française et allemande sont actuellement plus attirées par ce qui se déroule outre-Atlantique qu'outre-Rhin.

Dotée de la personnalité morale, la nouvelle université franco-allemande est un établissement sans murs ni campus. Elle est constituée d'un réseau d'établissements supérieurs français et allemands proposant des cursus communs. Elle reprendra l'acquis du Collège franco-allemand, créé en 1988, qui a déjà développé de nombreux cursus intégrés. Ses moyens d'action seront toutefois plus importants puisque les formations communes concerneront l'ensemble des trois cycles universitaires et non plus seulement le deuxième cycle. L'objectif est de doubler le nombre d'étudiants concernés d'ici deux ans. En outre, la nouvelle université pourra délivrer ses propres diplômes avec le concours des établissements partenaires.

L'université disposera d'un siège administratif à Sarrebruck et d'un budget propre qui devrait s'élever, en l'an 2001, à 60 millions de francs. Son administration sera composée d'une assemblée des établissements membres, d'un conseil d'université, d'un président et d'un vice-président.

M. Marc Reymann a souligné que les diplômes délivrés par cette université seront valorisés par l'enseignement bilingue et biculturel dispensé. Il a rappelé que 65 000 travailleurs frontaliers alsaciens devaient leur emploi à la connaissance de la langue allemande.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Jack Lang a relevé que ce texte constituait un progrès par rapport à la situation actuelle mais n'était pas à la hauteur de nos ambitions. La notion d'université suppose la rencontre en un même lieu d'enseignants, de chercheurs et d'étudiants. L'université franco-allemande n'est qu'un organisme d'impulsion, n'assurant pas lui-même l'enseignement et la recherche. Son existence constitue cependant un progrès.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a cependant estimé qu'il s'agissait d'un progrès insuffisant. Elle a évoqué le problème des bourses qui demeurent elles aussi tout à fait insuffisantes. On favorise l'aide humanitaire, mais on devrait aussi développer les relations culturelles.

Le Rapporteur, tout en regrettant le manque d'ambition du texte, a observé que les crédits étaient triplés par rapport à la situation antérieure. Il a ensuite souligné les efforts réalisés par certaines régions, dont l'Alsace, en matière d'enseignement bilingue précoce.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1423).

Privilèges et immunités d'Europol

La Commission a examiné, sur le rapport de M. André Borel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Protocole établissant, sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne et de l'article 41, paragraphe 3, de la convention Europol, les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents (n° 1524).

M. André Borel a rappelé que ce protocole a été adopté par le Conseil de l'Union européenne le 19 juin 1997 et constitue le complément nécessaire de la Convention portant création d'un Office européen de police dit "Europol".

Il est apparu souhaitable aux Etats membres de donner à ce dernier l'ensemble des moyens - y compris juridiques - nécessaires à son bon fonctionnement. Parmi eux figure le présent protocole.

Les délais dans lesquels il intervient après l’adoption de la convention de base n’ont pas nui à l’efficacité de la coopération de police européenne puisqu’une structure provisoire - initialement chargée de la seule lutte contre le trafic de stupéfiants, l'Unité Drogues Europol (UDE) - a été mise en place dès 1993. Le bilan de cette unité constitue de fait un encouragement à achever la mise en place du système Europol. Le traité d’Amsterdam confirme d’ailleurs la volonté des Etats membres d’y procéder.

La création de l'Office européen de police aura nécessité de longs délais. Certains résultent de la difficulté des négociations ; d'autres découlent des procédures de ratification. Ce protocole constitue l'une des dernières pièces nécessaires à la mise en place d'Europol. Il ne comporte que des dispositions de nature parfaitement classique pour ce type d'organisation, tout à fait comparable par exemple aux privilèges et immunités accordés dans le cadre d'Interpol : immunité de juridiction, exemption de perquisition, saisie, réquisition, confiscation et toute autre forme de contrainte ; inviolabilité des archives, des documents officiels, des locaux …

L'adoption de ce protocole ne sera toutefois pas encore suffisante pour qu'Europol puisse fonctionner. Pour ce faire, l'élaboration du règlement intérieur devra être finalisée. Il serait en outre souhaitable de renforcer et d'affiner les modalités de contrôle de son activité.

Néanmoins, Europol sera pour ainsi dire en état de marche. Il est symbolique que cette idée, née d'une réflexion et d'une demande franco-allemandes, ait été approuvée par les Quinze sous présidence française à Cannes en juin 1995 et que sa mise en place s'achève sous présidence allemande.

Il importe toutefois que le même esprit de coopération anime les différents partenaires dans la nécessaire définition des modalités de contrôle des activités d'Europol. Les divergences de conception ne doivent pas aboutir à une absence de contrôle.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1524).

Charte de l'énergie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. André Borel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité sur la Charte de l'énergie (ensemble un protocole) (n° 195).

Le Rapporteur a exposé que le Traité sur la Charte de l'énergie, qui est déjà entré en vigueur, était un texte d'inspiration libérale destiné à constituer un cadre juridique approprié à l'exploitation et au commerce des ressources énergétiques des pays de l'Europe de l'Est et de ceux issus de l'Union soviétique.

Le principe affirmé demeure celui de la souveraineté de l'Etat sur ses ressources énergétiques. Dans un souci d'ouverture, le Traité prévoit cependant que les Parties contractantes s'engagent à faciliter l'accès aux ressources énergétiques en accordant des autorisations, licences ou concessions, d'une manière non discriminatoire et sur la base de critères publiés.

S'agissant des investissements, le Traité distingue les investissements réalisés de ceux à venir. Chaque Partie accorde aux investissements déjà réalisés un traitement équivalent au traitement national. Pour les investissements à venir, les Parties contractantes "s'efforcent", mais n'ont donc pas l'obligation, de fournir aux nouveaux investisseurs, un traitement non moins favorable que celui prévu pour leurs propres investisseurs.

L'insuffisance du régime retenu a conduit les rédacteurs du Traité à prévoir la négociation, dès le 1er janvier 1995, d'un traité complémentaire dont l'objet sera d'étendre l'obligation de traiter les investissements étrangers comme les investissements nationaux. En fait, cette négociation, dont chacun savait qu'elle serait difficile, n'a pas abouti, du fait notamment de la France, en raison du problème de l'énergie nucléaire et de notre attitude, pour le moins réservée, à l'égard d'une libéralisation trop grande des investissements, comme l'a montré la négociation sur l'A.M.I.

Sur le plan du commerce, le Traité s'inscrit dans une démarche d'ouverture du marché de l'énergie.

Le Rapporteur a conclu à l'adoption du projet de loi.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a estimé, notamment en raison de l'importance des mesures transitoires contenues dans la Charte, que chacun pourra continuer à faire ce qu'il veut en dépit de l'adoption de ce texte.

M. André Borel a répondu que cette Charte avait au moins le mérite de fournir un cadre juridique et que sa ratification permettra à la France de s'exprimer.

Mme Martine Aurillac a demandé des précisions sur l'articulation entre la Charte et les accords de l'OMC.

M. André Borel a répondu que ces textes étaient, s'agissant du commerce, conformes à l'OMC et que, s'agissant des investissements, ils lui étaient complémentaires puisque les accords de l'OMC ne les concernaient pas.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 195).

Coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations) (n° 321).

M. Henri Sicre a tout d’abord rappelé que la Convention-cadre, dite de Madrid, avait été signée le 21 mai 1982 et était entrée en vigueur pour la France le 14 mai 1984. L’objectif poursuivi était d’encourager et de faciliter la conclusion d’accords entre régions et communes, de part et d’autre d’une frontière, dans les limites de leurs compétences. Les Parties prenaient l’engagement d’éliminer les difficultés de tous ordres susceptibles d’entraver la coopération transfrontalière et d’accorder aux collectivités engagées dans une coopération internationale les mêmes avantages que ceux dont elles auraient disposé dans un environnement strictement national.

La France s’est également engagée dans la coopération transfrontalière avec ses voisins en concluant différents accords bilatéraux avec l’Italie en 1993, avec l’Espagne en 1995 (Traité de Bayonne), avec l’Allemagne en 1995 (Traité de Karslruhe).

Le présent Protocole additionnel a été signé le 9 novembre 1995 et est entré en vigueur pour la France le 1er décembre 1998. Il clarifie le régime juridique de la coopération transfrontalière en réaffirmant de manière plus nette que la Convention-cadre le droit des collectivités territoriales en la matière.

Le Rapporteur a cependant exprimé le regret que l’Union européenne ne se soit pas dotée d’outils juridiques susceptibles de faciliter la coopération transfrontalière, même si elle a pris acte des besoins spécifiques des zones frontalières en mettant en place des crédits particuliers dans le cadre des programmes INTERREG.

M. Patrick Delnatte a souhaité témoigner de son expérience dans la région franco-belge qui n’a pas signé de traité de coopération transfrontalière. Les collectivités locales sont regroupées au sein de la communauté urbaine de Lille et les intercommunales belges, wallones et flamandes, sont réunies dans une conférence permanente des intercommunales transfrontalières. Ces collectivités voudraient disposer d’un outil juridique propre à l’instar du Groupement local de coopération transfrontalière créé par l’Accord de Karlsruhe. Existe-t-il des applications de ce groupement dans les zones transfrontalières de la France ? Ce type de structure juridique est-il véritablement adapté au développement de la coopération transfrontalière ?

M. Henri Sicre a confirmé que l’Accord de Karslruhe avait créé une personnalité juridique nouvelle avec le Groupement local de coopération transfrontalière qui est soumis "au droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale de la partie où il a son siège" (article 11 du Traité de Karlsruhe). Il est en outre ouvert aux collectivités territoriales et à leurs groupements mais aussi à leurs établissements publics. Or il n’y a pas en droit français d’établissements publics de coopération intercommunale s’ouvrant aux établissements publics locaux. Il conviendrait donc d’insérer une nouvelle disposition dans le code général des collectivités territoriales relatif à la coopération décentralisée dès que possible.

M. Patrick Delnatte a fait remarquer que la France avait choisi d’adhérer à l’article 4 du Protocole additionnel signifiant ainsi qu’elle n’acceptait pas d’organisme de droit public.

M. Henri Sicre a confirmé que, conformément aux dispositions de l’article 8 qui laisse le choix aux Parties contractantes d’appliquer soit l’article 4 soit l’article 5, la France avait opté pour l’article 4. Il permet de créer des organismes de coopération qui, s’ils ont la personnalité juridique, n’auront pas un caractère de droit public pour toutes les Parties contractantes. En effet, la France n’a pas souhaité appliquer les dispositions de l’article 5 permettant de créer un organisme de coopération doté de pouvoirs très importants qui ne s’accordent pas avec le régime juridique français.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 321).

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 28 avril 1999 :

· M. André Borel, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité sur la Charte de l'énergie (ensemble un protocole) (n° 195).

· M. Pierre Brana, rapporteur pour les projets de loi suivants :

- projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997 ;

- projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995 ;

- projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Dublin le 27 septembre 1996 ;

- projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 29 novembre 1996 ;

- projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997 ;

- projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3, paragraphe 2, point c, du traité sur l'Union européenne relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, faite à Bruxelles le 26 mai 1997.

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· Relations culturelles internationales

· Europol

· Energie

· Coopération transfrontalière


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