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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 19 mai 1999
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jack Lang, président,

et de M. Paul Quilès,

président de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées

SOMMAIRE

 

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– Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, sur la situation au Kosovo ..........


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Audition de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, sur la situation au Kosovo.

M. Hubert Védrine a tout d’abord estimé que le résultat des élections en Israël soulevait une grande espérance mais qu'il fallait rester lucide. Il convient en effet de distinguer entre le vote massif en faveur du nouveau Premier Ministre israélien et les élections législatives qui ne se sont pas traduites par un raz-de-marée s’agissant du processus de paix, sur lequel Ehud Barak est resté prudent pendant sa campagne électorale. Un obstacle est levé mais les négociations israélo-palestiniennes resteront complexes. Ehud Barak est de l'école d'Itzhak Rabin mais il apparaît plus intransigeant que son modèle.

Le Gouvernement français considère que ce nouveau contexte justifie que le Parlement examine favorablement et à bref délai la question de la ratification de l'accord d'association entre les Communautés européennes et Israël. Par ailleurs, le travail diplomatique s'organise afin que la France joue un rôle dans le processus de paix.

S'agissant du Kosovo, le Ministre des Affaires étrangères a exposé que les négociations se poursuivaient afin de parvenir à l'adoption d'une résolution par le Conseil de sécurité. Elles se heurtent à des points sensibles, d'une difficulté inégale, parmi lesquels la configuration de l'administration internationale transitoire du Kosovo. La proposition française de confier cette administration à l'Union européenne est très contestée par les Etats-Unis et la Russie. La composition de la force internationale de sécurité est discutée entre les Alliés et les Russes. Ces discussions devront aboutir à une combinaison entre les forces de l'OTAN, celles de la Russie et celles d'autres Etats ainsi qu'à une chaîne de commandement efficace. L'aspect le plus sensible consiste à combiner le contenu de la résolution, son vote par le Conseil de sécurité, son acceptation par Belgrade et la suspension des frappes aériennes. Les Russes ont accepté de poursuivre les négociations mais ont déclaré qu'ils ne voteraient pas la résolution si Belgrade n'en acceptait pas le contenu. Les Alliés considèrent que les frappes ne peuvent être suspendues tant que la Yougoslavie ne se sera pas engagée de manière claire et vérifiée.

La controverse à propos d'une éventuelle intervention terrestre offensive doit être relativisée. Les Britanniques ont proposé cette option au Sommet de Washington mais n'ont pas été suivis. Depuis, ils ont nuancé leur proposition : il ne s'agirait pas de préparer une offensive massive mais seulement une action intervenant à terme, dans un contexte « permissif » et afin d'anticiper la mise en place de la force internationale de sécurité.

Le Président Paul Quilès a observé que, depuis quelques jours, des points de vue différents s'étaient exprimés au sein de l'Alliance. La Commission des droits de l'Homme et de l’aide humanitaire du Bundestag a demandé une suspension des bombardements. Le Ministre des Affaires étrangères britannique a déclaré que l'accord de Belgrade n'était pas une condition nécessaire au déploiement d'une force internationale de sécurité. Le Président du Conseil italien a proposé une suspension des frappes en cas d’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité, pour permettre au gouvernement yougoslave de retirer ses troupes du Kosovo, et une offensive terrestre si Belgrade refusait de respecter la résolution du Conseil de sécurité. Le Chancelier allemand a exclu toute offensive terrestre sans exclure une suspension des frappes. Les Grecs ont suggéré une trêve de 48 heures. Ces positions n’expriment-elles pas une certaine incertitude sur l'efficacité de l'action diplomatique et militaire menée ? Quelles initiatives la France pourrait-elle prendre pour favoriser une meilleure cohésion européenne ?

Le retrait de leurs forces, auquel les autorités de Belgrade se sont déclarées prêtes, ne pouvant être vérifié, ne serait-il pas envisageable d'envoyer des observateurs de l’ONU au Kosovo et, dans ce but, de suspendre les frappes ? Il conviendrait de poser clairement la question du lien à établir entre cette suspension et l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité fixant les modalités du règlement du conflit.

A propos de la force internationale de sécurité, la chaîne de commandement est-elle négociable ? Est-il indispensable de transposer le modèle de la SFOR qui aboutirait à placer le contingent russe sous commandement allié, c'est-à-dire sous celui du Général Clark ? Cette dernière solution est-elle acceptable par la Russie ?

M. Alain Juppé a demandé quel était le bilan des frappes : quel impact ont-elles eu sur le potentiel militaire et logistique serbe ? Que signifie le processus d'intensification des frappes que l'on entend régulièrement évoquer ? Il s'est interrogé sur le crédit que l'on doit accorder aux signaux semblant indiquer une évolution du gouvernement serbe. Enfin, il a demandé si une planification de la future force de sécurité au Kosovo avait été entreprise et quelle serait la participation française à cette force.

M. Henri Bertholet a évoqué les élections législatives tenues en Israël le 17 mai. Il a rappelé que la ratification de l'accord entre les Communautés européennes et Israël avait été suspendue pour des raisons tenant au ralentissement du processus de paix et aux différences d'interprétation entre l'Union européenne et Israël à propos de la définition du territoire israélien. Il a demandé si l'on pouvait espérer que les conditions d'une ratification rapide soient réunies. En sa qualité de rapporteur du projet de loi de ratification, il souhaite cet aboutissement mais estime que les parlementaires doivent pouvoir examiner si la reprise du processus de paix est effective.

M. Pierre Brana a abordé à nouveau la question du Kosovo, interrogeant le Ministre des Affaires étrangères sur l'éventualité pour les Alliés de se montrer moins stricts sur les cinq conditions imposées à Belgrade pour l'arrêt des opérations militaires. Il s'est inquiété des rumeurs concernant le recrutement de combattants par l'UCK dans les camps de réfugiés et des incidents susceptibles d'éclater entre les réfugiés et la minorité serbe de Macédoine.

M. Paul Dhaille a demandé dans quels délais les réfugiés pourraient se réinstaller au Kosovo dans l'hypothèse d'une paix prochaine. A-t-on envisagé des mesures pour le cas où les réfugiés seraient contraints de passer l'hiver dans les camps ?

M. Pierre Lellouche a estimé que l'on risquait de voir une « drôle de paix » succéder à une « drôle de guerre ». En effet, les hypothèses de règlement semblent prévoir le maintien au pouvoir de Milosevic, ce qui laisse présager de nouvelles crises, les mêmes causes produisant les mêmes effets. M. Pierre Lellouche a également demandé quelle autorité politique et militaire il était envisagé de mettre en place et quel serait l’effectif des forces serbes qui pourraient demeurer sur le territoire du Kosovo. Il a estimé que le schéma actuel d'une autonomie de la région était théorique et dangereux pour l'avenir. Enfin, dans l'hypothèse où Milosevic n'accepterait pas les conditions des Alliés, quelle serait l'option choisie : devrait-on poursuivre cette guerre d'usure aérienne, qui épargne d'ailleurs surtout des militaires ? Soulignant que la préparation d’une opération terrestre offensive exigeait deux mois, il a demandé quelle décision devrait être prise, si la situation ne connaissait aucun changement d’ici deux semaines.

M. Xavier Deniau a observé que les Etats-Unis étaient parvenus à négocier avec Milosevic à Dayton. Il a rappelé que le Président de la République était revenu de Washington convaincu de la nécessité de recourir aux Nations Unies et de l'utilité de la médiation russe mais hostile à l’engagement des troupes au sol qui est pourtant actuellement en débat. A cet égard, il a demandé s'il était exact que la France avait envoyé une escadrille supplémentaire au Kosovo.

M. Loïc Bouvard s'est interrogé sur la situation intérieure de la Russie et l'incidence sur la diplomatie russe de la nomination de M. Stepachine au poste de Premier Ministre. Il s'est demandé si la Russie accepterait la résolution du Conseil de sécurité en cours de négociation après l'échec de la mission Talbott.

M. Jean Briane a fait part des interrogations de l'opinion publique sur les frappes aériennes ; l'adhésion de la population s'étiole alors que le conflit perdure. Évoquant la possibilité d'une intervention terrestre, il s'est inquiété de ses effets et de la situation des réfugiés dans la perspective de l'hiver.

M. François Loncle a regretté que l'Union européenne soit handicapée par ses divisions alors que Russes et Américains négocient directement. Il s'est étonné de la déclaration de M. Robin Cook sur la nécessité d'une intervention terrestre offensive et de l'absence de réponse du Gouvernement français. Il a rappelé que le Parlement devait être consulté si une telle intervention était envisagée.

M. René Galy-Dejean a souhaité des précisions sur la notion « d'environnement permissif » pour l'entrée de troupes au Kosovo.

Constatant que les réfugiés manifestaient la volonté très forte de rentrer chez eux rapidement, Mme Laurence Dumont a souligné que ce retour dépendait des efforts en faveur de la paix et de la reconstruction. Elle a demandé où en étaient les projets des Européens à ce sujet.

M. Jacques Myard s'est interrogé sur les conditions de sortie de crise. Quel est le règlement politique envisagé ? Si on s'apprête à occuper le Kosovo comment va-t-on l'administrer ? Il a souhaité savoir quelle était la marge de manœuvre de la France vis-à-vis de l'OTAN.

Mme Michèle Alliot-Marie a insisté sur l'isolement diplomatique de Milosevic et sur l'importance de la position du gouvernement monténégrin. Elle s'est enquise de l'évolution de la situation du Monténégro.

M. François Léotard s'est étonné que la résolution du Conseil de sécurité actuellement en cours d'élaboration n'ait pas été rédigée deux mois plutôt, avant le début des frappes. Entre temps les forces serbes se sont renforcées au Kosovo et le nombre des réfugiés s'est gravement accru.

Le Ministre des Affaires étrangères a apporté les éléments de réponse suivants :

— l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et l’Etat d’Israël, d’autre part, est lié aux avancées du processus de paix au Proche-Orient. Par conséquent, il était tout à fait justifié que le Parlement y soit hostile du moment que le Premier Ministre israélien manifestait peu d’empressement à appliquer ses engagements. Les élections récentes ayant modifié la situation, le Parlement pourra manifester sa disponibilité politique nouvelle en abordant sous un angle favorable l’examen du projet de loi autorisant la ratification de l’accord qui est déjà en grande partie appliqué dans son volet commercial ;

— il ne faut pas exagérer les nuances qui se sont exprimées entre les Alliés au sujet du conflit dans les Balkans, ce qui est naturel dans des démocraties. Le débat porte en particulier sur l’opportunité d’une offensive terrestre. L’initiative en revient au Premier Ministre britannique Tony Blair qui, dès avant le Sommet de Washington, avait proposé cette éventualité. La stratégie adoptée par l’OTAN a pourtant été confirmée à l’issue du sommet. Toutefois, le gouvernement britannique fait périodiquement valoir sa position en soulignant qu’une offensive terrestre pourrait être indispensable. Il est à noter à cet égard que les pourcentages de destruction du potentiel militaire de la République fédérale de Yougoslavie mentionnés par les responsables de l’Alliance sont proches de ceux correspondant à une véritable désorganisation des forces yougoslaves ;

— la formule d’une « force de stabilisation », telle qu’elle avait été acceptée par la Russie dans les accords de Dayton, n’est pas transposable à l’identique à la future présence internationale de sécurité au Kosovo, les Russes considérant qu’ils jouent un rôle trop marginal dans la chaîne de commandement de la SFOR. Ce point fait l’objet de discussions au sein du G 8. Le schéma de la SFOR peut supporter des aménagements mais l’efficacité de la future force de sécurité nécessite une formule garantissant l’unité de commandement ;

— s’agissant du bilan des frappes, les résultats atteints, d’après les éléments fournis par l’OTAN, nous rapprochent du seuil de destruction nécessaire à la mise hors de combat de l’armée yougoslave ;

— l’état-major français participe à la planification d’une force de sécurité. Son volume définitif dépendra du résultat des négociations actuellement en cours, du contingent susceptible d’être fourni par les Russes et par les pays n’appartenant pas à l’OTAN et, enfin, de l’ampleur des problèmes humanitaires à traiter. A titre d’exemple cependant, on peut estimer que, pour un contingent de 26 000 à 27 000 hommes fourni par les pays de l’OTAN, la participation française serait de l’ordre de 3 000 hommes ;

— les déclarations du Ministre des Affaires étrangères yougoslave, d’après lesquelles la Yougoslavie serait prête à négocier sur la base des principes fixés par le G 8, sous certaines réserves, sont intéressantes même s’il convient d’être prudent, les Alliés attendant de ce pays non de simples déclarations mais des engagements crédibles et vérifiables. Toutefois, cette formulation nouvelle des positions yougoslaves, reprise par le Président serbe Milan Milutinovic qui en a fait part au Ministre italien des Affaires étrangères, M. Lamberto Dini, représente un signal. On notera également que les pays voisins de la Yougoslavie – Slovénie, Macédoine, Roumanie, Bulgarie, Hongrie – évoquent une baisse du moral de la population serbe, des désertions massives, des difficultés de l’armée à mobiliser et des dissensions croissantes en son sein ;

— il n’y a aucun glissement ni aucun flottement s’agissant des cinq conditions fixées par l’OTAN.

Tout d’abord, le principe de l’arrêt des exactions en préalable à toute négociation n’est pas débattu, pas plus que celui du retrait des forces militaires et paramilitaires serbes du Kosovo.

De même, les Alliés sont intransigeants sur le droit au retour des réfugiés, même s’il est bien évident qu’il est impossible d’exiger de Belgrade leur rapatriement rapide. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un travail de réflexion est en cours visant à prendre en compte la situation des réfugiés au cours de l’été et de l’hiver à venir.

Concernant l’administration future du Kosovo, ses modalités restent à préciser et sont actuellement en discussion. Il appartiendra notamment au Conseil de sécurité des Nations Unies de définir les institutions qui assumeront cette responsabilité. Les Quinze ont proposé que ce soit l’Union européenne.

Enfin, pour ce qui est de la force d’intervention terrestre qui sera déployée au Kosovo, quelle que soit l’expression utilisée, il s’agira d’une force armée capable d’assumer les missions de sécurité qui lui auront été confiées ;

— la question d’une pause dans les opérations de frappes aériennes et du moment où elle pourrait intervenir n’est pas tranchée. Elle n’est évoquée ni dans les cinq conditions initiales ni dans la déclaration du G 8. La France estime, pour sa part, que seule une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies est susceptible de résoudre cette question ;

— il y a bien eu des incidents en Macédoine entre des Macédoniens d’origine serbe et l’UCK. Ils sont cependant restés limités. Ce sont plutôt les tensions entre les réfugiés kosovars et l’UCK, notamment pour des questions d’enrôlement, qui suscitent des préoccupations ;

— personne n’est en situation d’établir un calendrier pour le retour des réfugiés. A partir du moment où un accord aura été conclu, un certain délai sera nécessaire pour que la force de sécurité s’installe au Kosovo. C’est seulement ensuite que le retour des réfugiés pourra être engagé. En tout état de cause, pour ceux qui voudront rentrer se posent des problèmes de reconstruction, de sécurité et de confiance qui font de l’installation d’une force militaire un préalable indispensable ;

— l’objectif aujourd’hui est l’évolution du statut du Kosovo et non pas la question du pouvoir à Belgrade après les hostilités, même si l’on aspire à une Yougoslavie démocratisée. Cependant, les fondements du système politique dirigé par M. Milosevic sont ébranlés par l’opération actuelle ;

— pour le futur, outre la force militaire, la France envisage la solution d’un administrateur de l’Union européenne, assisté d’un comité de suivi où siégeront des représentants de l’ensemble des organismes intervenant en matière d’assistance humanitaire et pour la reconstruction du Kosovo, notamment le HCR ;

— les responsables politiques de la région ne cessent de déclarer à l’Alliance qu’il faut qu’elle reste sur la ligne de l’autonomie du Kosovo, que l’indépendance de la province ne pourrait être que la source de conflits et de drames supplémentaires. Tous les pays de l’Alliance maintiennent, quant à eux, leur refus de l’indépendance du Kosovo ;

— les relations entre l’Alliance atlantique et la Russie n’ont jamais été rompues. Trois résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ont été votées en 1998 sous le régime du chapitre VII de la Charte mais aucune de leurs exigences n’a été satisfaite par les autorités yougoslaves. Les Russes et les Chinois se sont alors opposés à ce que le Conseil de sécurité autorise expressément le recours à la force contre la République fédérale de Yougoslavie. Mais on ne peut pas dire que le Conseil de sécurité dans son ensemble y soit hostile. En effet, au début des frappes aériennes, il a rejeté par 12 voix sur 15 la proposition de résolution russe demandant leur arrêt immédiat ;

— alors qu’à l’automne 1998 la Russie refusait tout recours à la force dans les négociations avec la Yougoslavie, ce sont les Etats-Unis qui se sont longtemps montrés réticents à transposer les modalités du règlement politique de la crise dans une résolution du Conseil de sécurité en raison de la préparation du Sommet de l’Alliance atlantique à Washington en avril 1999 ;

— il faut se féliciter de ce que les documents adoptés au Sommet de l’Alliance atlantique à Washington ne contiennent aucune formule autorisant l’OTAN à s’autosaisir mais fassent au contraire référence, à plusieurs reprises, à l’ONU ou à la Charte, voire à l’article 7 du Traité de Washington qui reconnaît l’autorité primordiale du Conseil de sécurité. Ils répondent ainsi aux préoccupations des Européens, qui se sont montrés unanimes et insistants sur ce point dans les négociations avec les Etats-Unis.

Le Président Paul Quilès a alors fait remarquer que les propos du Ministre des Affaires étrangères confirmaient que la préparation du Sommet de Washington avait retardé d’un mois les négociations tendant à transposer dans une résolution du Conseil de sécurité les modalités du règlement de la crise du Kosovo, en raison de l’attitude des Etats-Unis qui ont souhaité faire de cette crise un précédent autorisant désormais l’Alliance à s’affranchir de l’autorité de l’ONU, et non un cas particulier. Il a estimé qu’il aurait fallu, dans ces conditions, reporter, comme il l’avait alors demandé, le Sommet de l’Alliance atlantique.

M. Hubert Védrine a rappelé qu’aucun membre de l’Alliance atlantique n’avait envisagé que le Sommet du 50ème anniversaire n’ait pas lieu et a estimé qu’on ne pouvait pas attribuer aux seuls négociateurs américains le retard pris dans l’élaboration d’une résolution du Conseil de sécurité fixant les modalités du règlement de la crise du Kosovo. La voie qui mène à cette résolution est en effet hérissée d’obstacles : une fois que le retour des Russes a été acquis, il a fallu affronter les conséquences du bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade.

Le Ministre des Affaires étrangères a également apporté les éléments de réponse suivants :

— le Président Eltsine garde d’importantes capacités d’initiatives qui lui ont permis d’arrêter la procédure de destitution engagée par la Douma et la situation intérieure en Russie n’a actuellement pas de conséquences sur l’évolution de la crise du Kosovo ;

— les discussions entre pays européens sur la reconstruction du Kosovo seront engagées dès qu’une décision aura été prise sur la nature de l’autorité civile qui administrera la province. Il est impossible de laisser le Kosovo sous administration serbe en raison des risques de conflit qui en résulteraient. C’est pourquoi il sera nécessaire qu’une autorité civile internationale administre la province de manière transitoire avant qu’elle n’accède à un nouveau statut d’autonomie ;

— la marge de manœuvre de la France par rapport à l'OTAN n'est ni plus ni moins grande qu'avant. Le conflit du Kosovo ne s'est traduit ni par un progrès mécanique, ni par un recul en ce domaine ;

— le Président Djukanovic a fait une forte impression sur les Ministres des Affaires étrangères des Quinze. Il a tenu à remercier les Européens pour leur soutien, qui a eu un grand impact sur la population du Monténégro. Il est apparu comme un homme fort, courageux et mesuré et a sans doute un avenir dans l'ensemble de la Yougoslavie. Il s'est prononcé clairement contre l'indépendance du Kosovo et en faveur des principes retenus par le G 8. Il comprend qu'il était nécessaire de donner un coup d'arrêt à la politique de Milosevic mais souligne que les frappes ont des effets pervers ;

— il n'a pas été possible d'associer le Conseil de sécurité à l'action des Alliés plus tôt. L'adoption de la résolution sur le Kosovo est une course d'obstacles qui obéit à un processus séquentiel obligé. Son contenu devra reprendre les cinq conditions des Alliés. Puis il faudra convaincre la Russie de la voter, si nécessaire, sans l'accord de Belgrade. Un blocage n'est cependant pas exclu.

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