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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 42

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 23 juin 1999
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jack Lang, président

SOMMAIRE

 

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– Présentation du rapport d'information de M. Michel Vauzelle sur le partenariat euro-méditerranéen ..........



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Rapport d'information de M. Michel Vauzelle sur le partenariat euro-méditerranéen

La Commission des Affaires étrangères a examiné le rapport de M. Michel Vauzelle sur le Partenariat euro-méditerranéen.

M. Michel Vauzelle a exposé que le dialogue euro-méditerranéen avait pour objectifs de rééquilibrer la politique européenne vers le sud et de favoriser la paix en Méditerranée, qu’il s’agisse du processus de paix au Proche-Orient ou de la situation civile de certains pays comme l’Algérie. Ceux qui militent depuis de longues années en faveur d’une solidarité forte entre les deux rives de la Méditerranée, se voyaient opposer toutes les difficultés de l’entreprise. Pourtant, ce projet est une dimension essentielle de la stabilité de l’Europe et du rayonnement international de la France.

Après l’échec du projet de conférence de sécurité et de coopération en Méditerranée, la conférence de Barcelone a réussi à fonder un dialogue euro-méditerranéen qui rassemble les quinze membres de l’Union, tous les Etats de la rive sud de la Méditerranée, à l’exception de la Libye qui devrait cependant rejoindre le processus lorsque les sanctions dont elle est l’objet auront été levées, ainsi que l’Autorité palestinienne.

A la conférence de Barcelone, en novembre 1995, trois objectifs majeurs ont été définis : instaurer d’ici 2010 une zone de libre-échange pour les produits industriels ; porter l’assistance financière de l’Union au niveau de 4,7 milliards d’écus pour les années 1996-1999, auxquels doivent s’ajouter 4 milliards de prêts de la BEI ; adopter une charte euro-méditerranéenne de stabilité.

M. Michel Vauzelle a estimé que l’on pouvait considérer aujourd’hui que ce projet constituait un succès diplomatique mais, qu’en revanche, la coopération euro-méditerranéenne était encore en chantier et que la création d’une zone de libre-échange demeurait un pari risqué.

Après une période d’euphorie, les conférences ministérielles ont souffert du blocage du processus de paix. Mais, jusqu’à présent, ces conférences ont surmonté l’épreuve car la plupart des Etats sont réellement attachés, à des degrés divers, à l’approfondissement du dialogue.

Grâce à cette volonté politique, la conférence de Stuttgart, qui s’est tenue en avril 1999, a été un succès ; probablement aussi parce que la nouvelle position européenne à propos de la reconnaissance éventuelle d’un Etat palestinien, énoncée au Conseil européen de Berlin, le 26 mars 1999, donne satisfaction aux Etats arabes.

A Stuttgart, le projet d’une charte euro-méditerranéenne de stabilité a un peu progressé. D’autre part, la conférence a réaffirmé les orientations de Barcelone s’agissant du libre-échange et du programme MEDA et a décidé que la Libye serait admise quand les sanctions seront levées.

Sans doute, il s’agit surtout d’une confirmation mais, compte tenu du climat créé par la crise du processus de paix, cette confirmation est en fait une consécration. Il s’agit d’un incontestable succès diplomatique pour la France qui tenait à ce que l’Europe rééquilibre sa politique vers le sud.

Les réalisations concrètes du processus sont encore rares et peu convaincantes.

Cela apparaît clairement, en premier lieu, si l’on examine le bilan des accords euro-méditerranéens qui ont pour objet de définir les conditions de la libéralisation des échanges et d’instituer un dialogue politique.

La Communauté est liée depuis longtemps avec la Turquie, Malte et Chypre par des accords d’association prévoyant la mise en place d’unions douanières. Ces trois Etats sont engagés dans un processus d’adhésion à l’Union européenne qui rencontre des difficultés inégales.

S’agissant des accords d’association qui s’inscrivent stricto sensu dans le cadre du processus de Barcelone, le bilan est maigre. Un seul est pleinement en vigueur aujourd’hui : celui signé avec la Tunisie. La Tunisie a d’ailleurs anticipé le démantèlement douanier et se présente comme une sorte de laboratoire du libre-échange appliqué aux économies du Maghreb, ce qui explique peut-être un certain attentisme de la part des autres Etats. Trois accords ont été signés mais ne sont pas ratifiés : avec le Maroc, la Jordanie et Israël. Un accord a été signé avec les Palestiniens mais son entrée en vigueur effective est empêchée par Israël qui n’en admet pas les principes. Avec l’Egypte, les négociations viennent à peine de se conclure alors que celles avec le Liban, engagées depuis longtemps, n’ont toujours pas abouti. Les négociations avec l’Algérie sont au point mort depuis deux ans. Les négociations avec la Syrie n’ont débuté qu’en mai 1998 et devraient être longues.

Si l’on exclut les accords avec Israël et les Palestiniens, les difficultés rencontrées tournent toutes autour d’un même problème : les conditions de la libéralisation des échanges. L’Europe propose en effet le libre-échange industriel mais un simple assouplissement dans le domaine agricole. Les pays tiers craignent le choc de la concurrence européenne ainsi que la perte de recettes douanières et regrettent les faibles compensations agricoles consenties par la Communauté.

Les réticences des pays tiers méditerranéens sont renforcées par les faibles performances du programme MEDA.

Certes, par ce programme, l’Union et ses membres sont devenus les principaux contributeurs d’aide publique aux pays méditerranéens. Mais, si la totalité des crédits ont été engagés, le taux de paiement moyen n’atteint que 17%.

Cette faiblesse s’explique par le retard pris dans l’adoption du règlement MEDA et par la lenteur des négociations des conventions qui établissent le contenu des actions financées par MEDA et les règles de versement des fonds. En effet, l’une des novations du programme MEDA, est qu’il rompt avec la pratique des protocoles financiers qui permettait aux Etats bénéficiaires de disposer librement des fonds versés par la Communauté. Désormais, la Communauté entend négocier leur emploi et contrôler leur destination effective, d'où une complexité très grande des procédures.

Par ailleurs, la coopération régionale fonctionne mal et la coopération décentralisée a été tout bonnement torpillée par les irrégularités de gestion révélées par la Cour des Comptes européenne et reprises par le rapport du Comité des sages qui a provoqué la démission collective de la Commission européenne.

Le volet politique et de sécurité du processus de Barcelone est, plus encore que les autres dimensions, à l’état d’ébauche.

Le grand projet de ce volet est celui d’une charte euro-méditerranéenne de stabilité. La conférence de Stuttgart a adopté uniquement les mesures qui prévoient l’instauration d’un dialogue politique régulier et à haut niveau. Le contexte actuel ne permettait pas d’aller au-delà d’une simple déclaration d’intention d’élaborer à terme des mesures s’agissant de la diplomatie préventive.

M. Michel Vauzelle a ensuite exposé que le projet de créer un zone de libre-échange était un pari risqué qui pouvait remettre en cause les acquis des dix dernières années.

Depuis le début des années 80, ces pays ont mis en œuvre des plans d’ajustement structurel qui ont porté leurs fruits. Cependant, ces économies, à des degrés divers, sont encore fragiles et sont confrontées à une croissance démographique et à des contraintes sociales fortes.

L’Europe est déjà un partenaire commercial essentiel des pays tiers. La structure de leur commerce extérieur a évolué favorablement au profit des exportations manufacturières. Mais les échanges sud-sud sont faibles et la région n’a pas su devenir une zone économique émergente, capable d’attirer une masse suffisante de capitaux étrangers.

Le libre-échange est une fatalité du fait des dernières négociations internationales qui condamnent à terme le régime de préférence commerciale que la Communauté avait institué à leur profit. Il peut aider ces pays à franchir le pas en faveur d’un autre mode de développement mais il comporte des risques et suppose une modernisation profonde.

La politique euro-méditerranéenne a prévu une période de transition assez longue et a orienté le programme Meda vers l’aide à la modernisation économique. Mais ces orientations ne seront sans doute pas suffisantes.

Il faudrait en outre que la politique de change de l’Union ne lèse pas les intérêts de ces pays, autrement dit que l’euro ne soit pas trop fort, et que l’Union, après avoir réformé sa politique agricole commune, réfléchisse à une organisation des échanges dans le domaine agricole qui favorise une plus grande complémentarité entre les deux rives de la Méditerranée.

En conclusion, M. Michel Vauzelle a estimé qu’il existait aujourd’hui une volonté politique qui paraissait impensable il y a vingt ans. La prochaine conférence se tiendra en 2000, sous présidence française. Si les espoirs que soulève le changement politique en Israël se confirment, cette volonté politique devrait permettre de surmonter les difficultés que rencontrent le projet de zone de libre-échange et le programme Méda et de parvenir à l’adoption d’une charte européenne de stabilité.

Le Président Jack Lang a considéré que le rapport d'information de M. Michel Vauzelle constituait un document riche et original, donnant un aperçu complet de l'évolution des relations entre l'Union européenne et les pays de la rive sud de la Méditerranée.

Il a évoqué la question de la démocratie dans les pays du pourtour sud de la Méditerranée. Autant l'évolution du Maroc est positive, autant celle de l'Algérie suscite des interrogations. Par ailleurs, la situation politique en Tunisie est totalement injustifiée. Le cas de la Turquie est particulièrement préoccupant, comme le montrent les conditions dans lesquelles se déroule le procès Öcalan. Il est nécessaire que la France contribue à associer davantage l'aide économique avec le développement démocratique. Le Président Jack Lang a ensuite proposé à M. Michel Vauzelle de poursuivre sa tâche d'observateur du partenariat euro-méditerranéen.

Mme Louise Moreau a demandé si la quatrième conférence euro-méditerranéenne, qui aura lieu sous la présidence française de l'Union au second semestre 2000, pourrait se dérouler à Marseille plutôt qu'à Barcelone. La tenue de la conférence à Marseille constituerait une occasion de souligner la vocation méditerranéenne de cette ville qui fête ses 2600 ans d'existence. Elle refléterait également l'importance de l'engagement de la France dans le processus commencé en 1995. Mme Louise Moreau a ensuite souligné que son intérêt pour les relations euro-méditerranéennes était ancien. Elle a contribué à la mise en place, en 1954, de l'Association interparlementaire France-Afrique. Elle a souhaité savoir si cette association était encore active.

En outre, elle a souhaité qu'un observateur, membre de la Commission des Affaires étrangères, soit présent à la conférence qui se tiendra en l'an 2000 et a rappelé qu'elle avait déjà fait cette proposition à M. Hervé de Charette, alors ministre des Affaires étrangères, lors de la préparation de la Conférence de Barcelone de 1995. Enfin, Mme Moreau s'est interrogée sur l'état d'avancement des négociations concernant les accords d'association avec l'Egypte, le Liban et la Syrie.

M. Michel Vauzelle a estimé qu’il serait en effet tout à fait souhaitable que la prochaine conférence euro-méditerranéenne se tienne à Marseille et que des parlementaires y soient présents en observateurs. D’ailleurs, le Ministre des Affaires étrangères a invité M. Vauzelle à la conférence de Palerme, en juin 1998, et à la conférence de Stuttgart, ce qui témoigne de la volonté du gouvernement d’associer le Parlement au processus de Barcelone.

L’accord d’association avec l’Egypte devrait être signé cet été. Les négociations avec le Liban sont lentes en raison des réticences de Beyrouth à engager, sans compensations financières spécifiques et dans un climat économique fragile, le processus de démantèlement tarifaire induisant des pertes importantes de recettes douanières. La Syrie a engagé tardivement les négociations en raison de ses mauvaises relations avec Israël.

M. Michel Vauzelle a souhaité pouvoir poursuivre sa mission d’information sur un processus qui devrait connaître des évolutions positives. Il paraît nécessaire en effet que la Commission des Affaires étrangères contribue à l’effort pédagogique en faveur des pays de la Méditerranée qui souffrent souvent d’une mauvaise image dans les médias en raison de leur situation intérieure.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a décidé la publication du rapport d'information sur le Partenariat euro-méditerranéen et a demandé à M. Michel Vauzelle de poursuivre sa mission d'information.

· Partenariat euro-méditerranéen


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