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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 10 octobre 2000
(Séance de 18 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition du Général Jean-Pierre Job, Chef d'état-major de l'armée de l'Air, sur le projet de budget pour 2001

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La Commission a entendu le Général Jean-Pierre Job, Chef d'état-major de l'armée de l'Air, sur le projet de budget pour 2001.

Le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a tout d'abord indiqué que le budget de l'armée de l'Air s'élevait à 34,5 milliards de francs en crédits de paiement, niveau équivalent à celui de 2000, tandis que la part du budget Air dans celui de la Défense (hors pensions) était de 18,3 %, en baisse de 0,1 % par rapport à 2000.

Il a précisé que le titre III s'établissait à 15,7 milliards de francs, en augmentation de 0,2 %, et représentait 14,9 % du budget consacré aux dépenses ordinaires de la Défense (hors pensions), sans changement notable par rapport à 2000. Il a indiqué que le montant des autorisations de programme des titres V et VI était en hausse de 14 % et, avec 20,7 milliards de francs, représentait 24,4 % des autorisations de programme allouées à la Défense, cette part excédant de plus de 10 % celle de l'année 2000, en raison d'un remboursement par la Marine d'un prêt de 2 milliards de francs effectué en 2000. Il a ajouté que les ressources en crédits de paiement des titres V et VI s'élevaient à 18,8 milliards de francs, en baisse de 0,1 %, et représentaient 22,6 % du budget réservé aux dépenses d'équipement de la Défense, cette part diminuant de 0,2 % par rapport à 2000.

Abordant alors l'examen du titre III, le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a indiqué qu'il se caractérisait par une diminution des crédits consacrés aux personnels, cohérente avec la poursuite de la réduction du format liée à la professionnalisation et une augmentation de la dotation de fonctionnement qui permettra une amélioration qualitative de l'activité opérationnelle.

Après avoir remarqué que la progression de 0,2 % du titre III était légèrement inférieure à celle de 0,5 % observée pour l'ensemble de la Défense, il a détaillé l'évolution des différentes composantes du titre III. Il a d'abord indiqué que les rémunérations et charges sociales en représentaient 78 %, pourcentage en légère baisse (- 0,4 %) du fait de la réduction programmée du format de l'armée de l'Air. La part du fonctionnement courant, hors carburants d'aéronefs, s'y établit à 10,8 %, en hausse de 0,4 % du fait d'un rebasage à hauteur de 40 millions de francs en faveur de l'entraînement, dont le Général Jean-Pierre Job s'est félicité. Les carburants aéronautiques représentent 6,8 % du titre III, pourcentage en hausse de 29 % par rapport à 2000, l'augmentation de 241 millions de francs de la dotation résultant de la prise en compte de l'évolution des tarifs des produits pétroliers. Enfin, la part de l'entretien programmé des matériels dans le titre III est de 2,3 % soit 368 millions de francs.

S'agissant des effectifs, le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a exposé qu'en 2001, l'armée de l'Air compterait 68 632 personnels, soit une diminution globale de 3 348 postes par rapport à 2000. Il a précisé que le projet de budget pour 2001 prévoyait deux ajustements par rapport à la programmation, compte tenu de l'expérience acquise : il s'agit d'une part de la transformation de 30 postes de sous-officiers en 30 postes de militaires techniciens de l'Air (MTA) après une transformation semblable de 270 postes l'année dernière et d'autre part de la suppression de 212 postes de personnels civils, dont 120 ouvriers ainsi que de 110 postes d'appelés afin de gager, par le biais des rémunérations correspondantes, une extension de l'externalisation.

Le Général Jean-Pierre Job a conclu que, fin 2001, l'armée de l'Air aurait, comme prévu en programmation, atteint son plus bas niveau d'effectifs, en retrait de 2,4 % par rapport au dernier format retenu dans les travaux d'actualisation pour l'annuité 2002 (70 311). Il a précisé que cette situation, si elle était un peu tendue, ne générait pas d'inquiétude.

Le Général Jean-Pierre Job a néanmoins estimé qu'il ne fallait pas occulter les difficultés constatées en matière de recrutement, d'abord du fait de la reprise de l'activité économique, mais sans doute aussi du fait d'une baisse d'attractivité par rapport aux offres des entreprises civiles. Il a ajouté que, malgré les contacts étroits que tissent les commandants de base avec les élus, les responsables des collectivités territoriales, de l'éducation nationale, et des agences pour l'emploi ainsi que les chefs d'entreprises, certains emplois, tels que ceux de fusilier-commando, conducteur routier ou agent de restauration, ne présentaient plus l'attrait observé jusqu'à l'an passé.

En ce qui concerne les personnels civils, malgré les efforts déployés, il a indiqué que le déficit s'élèverait fin 2000 à près de 300 personnes, principalement des ouvriers fonctionnaires pour lesquels le recrutement ne permet pas d'atteindre les objectifs initialement fixés.

Il a enfin exposé que, s'agissant des officiers et des sous-officiers, le montant des pécules envisagés (212 millions de francs) devrait permettre à ce stade de réaliser les déflations prévues en 2001 sans difficulté et indiqué que les crédits consacrés aux réserves (45,8 millions de francs) étaient en augmentation de 1,2 million de francs, soit 2,7 % par rapport à 2000.

Il a ensuite précisé que le montant des crédits de fonctionnement (hors carburant opérationnel et entretien programmé des matériels) s'élevait à 1 696 millions de francs, en hausse de 68 millions de francs (+ 4,2 %) par rapport à 2000, dont 40 millions de francs en vue d'une amélioration qualitative de l'activité opérationnelle, qui se traduirait par une augmentation de la participation de l'armée de l'Air à des exercices interalliés. Le Général Jean-Pierre Job a souligné que cette participation était indispensable pour maintenir l'efficacité et l'interopérabilité de forces aériennes françaises au sein de l'alliance. Il a précisé que l'année 2001 permettrait une participation à deux exercices majeurs, Red Flag aux Etats-Unis, pour la première fois depuis deux ans, pour deux périodes de deux semaines avec huit avions d'armes, et Cope Thunder en Alaska, pour une première participation de deux périodes de deux semaines, avec l'engagement de 16 avions d'armes, 2 avions de transport et un ravitailleur.

Il a précisé que l'intérêt de ces exercices reposait sur l'exécution de missions aériennes complexes dans un environnement simulé particulièrement hostile, au sein de dispositifs multinationaux, les capacités de restitution permettant aussi de tirer des enseignements bénéfiques quant à l'évolution des tactiques d'emploi de l'arme aérienne.

Il a ensuite indiqué que les crédits d'externalisation se montaient à 105 millions de francs, soit une augmentation de 36,5 millions de francs, gagée par des postes non pourvus. Il a souligné que l'externalisation qui visait à remplacer certains appelés et à recentrer l'activité de l'armée de l'Air vers des tâches opérationnelles, constituait un des aspects de la professionnalisation des forces. Il a ajouté que les principales activités externalisées concerneraient l'entretien des espaces verts pour lequel ce mode de gestion serait généralisé, le nettoyage des locaux, l'enlèvement des déchets, et, à titre expérimental, le transport des personnels, la maintenance des véhicules de la gamme commerciale, la maintenance de l'informatique de bureautique et enfin, l'ensemble du soutien de l'établissement de Varennes-sur-Allier.

Le Général Jean-Pierre Job a précisé que cette démarche s'inscrivait dans le cadre des directives du Ministre de la Défense relatives à la concertation entre le commandement et les représentants du personnel pour la mise en _uvre des actions d'externalisation.

S'agissant de l'activité aérienne, le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a indiqué que la dotation consacrée en 2001 aux carburants aéronautiques, de 1 070 millions de francs, était calculée sur la base d'un baril à 20 dollars et d'un dollar à 6,50 francs, soit des cours inférieurs aux cours moyens actuellement constatés (baril à 30 dollars et dollar à 7,50 francs). Il a fait valoir que la persistance d'une telle situation risquait de remettre en cause les objectifs d'activité aérienne, ce qui irait à l'inverse des efforts déployés pour en améliorer la qualité. Il a donc estimé nécessaire que les besoins supplémentaires générés par un contexte économique évolutif puissent faire l'objet d'une couverture au cours de la gestion.

Quant aux montants des crédits alloués à l'entretien programmé des matériels, il a précisé que leur réduction à 368 millions de francs, soit une diminution de 33,4 % par rapport à 2000 était liée à une étape supplémentaire de la politique de transfert de cette charge du titre III au titre V.

Le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a ensuite abordé l'examen des crédits du titre V, considérant qu'ils permettaient la poursuite de la modernisation des équipements tout en préservant la vie quotidienne de l'armée de l'Air.

Il a d'abord jugé que le montant des autorisations de programme permettait de réaliser les commandes prévues dans le cadre de la revue de programmes menée en 1998.

La deuxième tranche de la commande globale de Rafale Air sera confirmée en 2001 et concernera 12 appareils pour l'armée de l'Air. Après avoir rappelé que cette commande n'avait pu être passée en 2000 du fait d'une insuffisance d'autorisations de programme, conséquence d'un prêt de 2 milliards de francs à la Marine, il a jugé que ce décalage ne remettait pas en cause les dates de livraison précédemment prévues, conduisant à la mise en service opérationnel du 1er escadron de Rafale en 2005.

Afin de poursuivre le renforcement des capacités de tir de précision, il sera commandé cinq « pods » de désignation laser à caméra thermique (PDLCT-S) supplémentaires qui s'ajouteront aux 31 déjà commandés, en vue de constituer à terme un parc de 41 de ces matériels. Cet équipement qui permet de tirer de manière très précise un missile ou une bombe guidée laser a été largement utilisé au Kosovo.

Dans la continuité des enseignements des opérations du Kosovo et afin de préserver sa capacité de renseignement, l'armée de l'Air commandera 7 nacelles de reconnaissance de nouvelle génération, employant des techniques modernes de numérisation qui permettront d'opérer à distance, de jour comme de nuit, et d'exploiter les informations recueillies en temps quasi réel.

Afin de poursuivre la validation du concept d'emploi du drone, un système évoluant à moyenne altitude et à long rayon d'action dénommé MALE (moyenne altitude et longue endurance) sera commandé.

S'agissant de la modernisation du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), l'année 2001 verra notamment le lancement de la rénovation des tours de contrôle des bases aériennes, ainsi que le début des travaux liés à l'évolution du réseau de communication radio dans une perspective de réduction du nombre des centres de détection et de contrôle. Le Général Jean-Pierre Job a souligné à ce propos que les derniers exercices majeurs avaient permis de démontrer l'efficacité des capacités de l'armée de l'Air pour conduire des opérations aériennes de théâtre à partir d'un centre de commandement déployé, le Centre de commandement et de conduite des opérations aériennes de théâtre (CCOAT), qui à ce jour n'a pas d'équivalent en Europe.

Au titre de la préparation de l'avenir, l'armée de l'Air s'engagera à participer au développement, en coopération avec le Royaume-Uni, du missile d'interception à domaine élargi Meteor (MIDE/BVRAAM).

Le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a par ailleurs précisé que le coût total d'acquisition des 50 appareils de transport A 400 M prévus était évalué à 41 milliards de francs, les deux premières livraisons ayant lieu en 2007. Soulignant qu'aucun crédit concernant cet appareil n'avait été inscrit au budget de l'armée de l'Air pour 2001, il a rappelé que l'ouverture d'une dotation en autorisations de programme dans la loi de finances rectificative pour 2000 avait été récemment annoncée, ce qui concrétisera l'engagement de l'Etat pour un programme majeur en termes de mobilité stratégique.

Evoquant alors les livraisons, le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a exposé que le niveau des crédits de paiement permettrait d'honorer les engagements passés, correspondant aux commandes prévues au titre de la loi de programmation 1997-2002 amendée par la revue de programmes. L'armée de l'Air verra ses capacités de projection de puissance renforcées avec la livraison des 5 derniers Mirage 2000 D, portant la dotation finale à 86 appareils. Les 29 premiers missiles Apache anti-piste sur les 100 prévus seront livrés, améliorant de manière sensible la capacité de frappe dans la profondeur. Quatre « pods » de désignation laser à caméra thermique seront livrés. La cible de 750 missiles sol-air SATCP Mistral sera atteinte en 2001 avec la livraison des 240 derniers exemplaires de cet équipement. La protection antiaérienne des unités projetées sera ainsi mieux assurée.

La force aérienne de combat prendra livraison de 25 missiles air-air MICA électromagnétiques. Cette livraison portera la dotation de cet armement à 125 exemplaires à la fin de 2001 pour une cible de 1 070. Le Général Jean-Pierre Job a précisé qu'avec 37 Mirage 2000-5, la force aérienne de combat disposerait d'appareils dotés d'un système d'arme cohérent et performant mais que leur nombre ne permettrait pas la constitution de deux escadrons complets. La force aérienne de projection recevra pour sa part les deux derniers avions de transport C 160 Transall rénovés ; cette rénovation, qui porte essentiellement sur l'avionique, concerne 66 appareils dont 20 de nouvelle génération.

Enfin, 7 nouvelles bases aériennes métropolitaines seront équipées en moyens de transmission des bases aériennes (MTBA) ce qui portera le nombre de systèmes livrés à 20.

Evoquant alors les flux consacrés au maintien en condition opérationnelle des matériels de l'armée de l'Air, le Général Jean-Pierre Job a indiqué qu'ils étaient conformes aux décisions prises lors de la revue de programmes et que les montants consacrés à cette dépense s'élevaient dans le projet de budget à 5,4 milliards de francs d'autorisations de programme et 4,9 milliards de francs de crédits de paiement.

Il a enfin rappelé que la mise en place prochaine d'une structure intégrée commune aux armées et à la Délégation générale pour l'armement, la SIMMAD (Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Aéronautiques de la Défense) devrait permettre à terme d'améliorer de manière sensible la gestion des processus de maintien en condition opérationnelle dans les domaines financier, contractuel, techniques et industriels, grâce à une nouvelle organisation attribuant en particulier des responsabilités précises à des directeurs de flottes aériennes.

Le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a conclu que le projet de budget pour 2001 pour l'armée de l'Air était bon. Il a considéré que le titre III permettrait de faire un effort qu'il a qualifié de sans précédent sur la qualité de l'entraînement des équipages grâce à une participation accrue aux exercices interalliés et une intensification des tirs de munitions réelles, soulignant toutefois qu'il fallait être attentif au coût des carburants opérationnels pour éviter que son alourdissement éventuel ne vienne obérer les améliorations escomptées. S'agissant du titre V, il a jugé que les dotations inscrites permettraient de commander et de payer les programmes tels que prévus à l'issue de la revue de programmes menée en 1998. Il a cependant précisé que, par rapport à la loi de programmation militaire, un certain retard avait été pris dans la réalisation du modèle d'armée 2015, puisqu'à cette échéance de 2015, la part des appareils modernes de type Rafale ne représentera que 50 % des avions de combat de l'armée de l'Air. Il a fait observer que, si l'armée de l'Air avait bien tenu sa place dans les opérations menées récemment, c'était grâce aux efforts qui avaient été effectués en termes d'équipement, au cours des dix dernières années, pendant lesquelles 23,6 milliards de francs constants 2000, avaient été consacrés en moyenne au titre V de l'armée de l'Air.

Le Général Jean-Pierre Job a alors souligné que ses préoccupations étaient tournées vers la réalisation des objectifs fixés par le modèle d'armée 2015 pour l'armée de l'Air. Il a, à ce propos, mis en exergue le rôle prépondérant tenu par l'aviation, dans chacune des crises auxquelles la France avait dû faire face au cours des dernières années et en particulier dans leurs phases initiales.

Rappelant que l'arme aérienne ne pourra résoudre à elle seule tous les conflits, il a ajouté qu'elle était devenue un élément déterminant dans la conception et l'exécution d'une stratégie d'emploi des forces armées, dans la mesure où son domaine d'action très vaste répondait parfaitement au besoin de toute diplomatie préventive, soulignant qu'en cas d'engagement sur un théâtre d'opération, ses qualités intrinsèques permettaient, en fonction des effets observés, d'ajuster le rythme des opérations au but politique recherché. A l'appui de cette affirmation, il a cité la guerre du Golfe, premier révélateur de l'importance de l'instrument aérien ainsi que les conflits de Bosnie-Herzégovine en 1995 et, tout récemment, du Kosovo. Il a jugé que dans ces trois exemples, à des degrés divers, l'emploi de la force aérienne avait été un élément essentiel du succès, conduisant à la reddition de Saddam Hussein dans le premier cas, aux accords de Dayton dans le deuxième, à l'acceptation du plan de paix de l'ONU dans le troisième.

Il a souligné également le rôle fondamental joué par l'armée de l'Air dans la fonction opérationnelle majeure de projection, grâce aux appareils de transport et aux avions de ravitaillement en vol qu'elle met en _uvre, ajoutant que cette fonction de projection était presque toujours un préalable à l'action des forces armées, qui prenait souvent un caractère d'urgence et imposait un déploiement rapide, comme le montraient de nombreux exemples, tant en Afrique que dans le reste du monde, comme récemment au Timor oriental.

Il a ajouté que la réussite des opérations aériennes majeures de la dernière décennie, qui s'étaient toutes déroulées dans un contexte de coopération internationale, avait mis en évidence, le haut degré d'interopérabilité des différentes forces aériennes nationales entre elles et l'excellent niveau de préparation des équipages. Soulignant que l'armée de l'Air française était aujourd'hui une composante reconnue et appréciée dans les coalitions aériennes récemment mises sur pied, il a jugé qu'il fallait y voir le résultat des efforts importants consentis au cours des dernières années, tant sur le plan de l'entraînement opérationnel que sur celui des équipements.

Il a ajouté qu'au moment où, sous une très forte impulsion française, se précisaient les concepts, se mettaient en place les structures et étaient recensés les moyens nécessaires à la construction d'une Europe de la défense, il croyait de son devoir de rappeler l'atout majeur indispensable que représente une force aérienne bien équipée et bien entraînée.

Il a fait valoir qu'au-delà de l'intérêt national à disposer en propre d'une aviation de combat performante, véritable outil de puissance au service de la diplomatie, il y allait de la crédibilité de la France au niveau international et du rôle qu'elle voulait occuper au sein de l'Europe de la défense. Il a estimé qu'en conséquence, il fallait être attentif aux tendances constatées chez nos principaux partenaires, en particulier le Royaume-Uni, dont le niveau de forces, l'ambition politico-militaire et le poids dans les affaires du monde sont comparables à ceux de la France. Estimant que les Britanniques avaient su, avec pragmatisme et détermination, tirer les enseignements des conflits récents, il a souligné qu'au Royaume-Uni, la part du budget consacrée aux forces aériennes était en croissance régulière depuis 1990, et qu'à ce rythme, la Royal Air Force serait sans doute, dans dix ans, nettement plus performante que l'armée de l'Air dans de nombreux domaines, alors qu'aujourd'hui les forces britanniques et françaises étaient globalement équivalentes.

Le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a conclu qu'il fallait garder ces éléments en mémoire au moment où l'armée de l'Air allait passer du régime d'une loi de programmation de définition à celui d'une loi de fabrication dans laquelle ses deux programmes majeurs, le Rafale et l'A 400 M, pèseront lourdement sur son titre V.

Qualifiant d'opportun le plaidoyer du Chef d'état-major de l'armée de l'Air en faveur d'une armée de l'Air davantage équipée et plus efficace, le Président Paul Quilès s'est interrogé sur l'étalement du financement du programme A 400 M au cours des budgets futurs ainsi que sur les mesures que pourrait prendre l'armée de l'Air pour préserver sa capacité de transport malgré le vieillissement des Transall. Il a souhaité obtenir des précisions sur les gains de productivité attendus de la mise en place de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD). Il a enfin demandé quelle participation, en avions de combat mais aussi en avions de transport et ravitailleurs, l'armée de l'Air envisageait au sein de la future force européenne de réaction rapide.

M. Yann Galut s'est inquiété du financement et du calendrier du programme A 400 M, eu égard notamment aux problèmes de transition liés au vieillissement des avions de transport actuels. Observant que, sans être encore entré en service, le Rafale faisait déjà l'objet de propositions d'améliorations industrielles portant sur un radar à plus long rayon d'action et un moteur plus puissant, à l'échéance de 2008, il a demandé si l'armée de l'Air considérait ces perfectionnements comme nécessaires au regard des besoins opérationnels. Soulignant par ailleurs que la question des personnels lui tenait particulièrement à c_ur, il s'est interrogé sur les éventuelles difficultés de recrutement des militaires techniciens de l'air (MTA), ainsi que sur les problèmes liés à leur reconversion en fin de contrat. Il a également demandé des précisions sur la politique de l'armée de l'Air en matière de recrutement de volontaires et de sous-traitance, souhaitant que le Général Jean-Pierre Job présente de manière plus détaillée le projet d'externalisation du soutien sur la base-entrepôt de Varennes-sur-Allier. Rappelant enfin que la SIMMAD avait été créée à l'initiative de l'armée de l'Air, il a jugé utile que son Chef d'état-major décrive les principales caractéristiques de cette structure en indiquant ses attentes à son égard.

M. René Galy-Dejean a demandé si la SIMMAD avait vocation à assurer la maintenance des appareils de l'Aéronavale. Il s'est alors interrogé sur les modalités du remboursement à l'armée de l'Air de l'avance de 2 milliards de francs consentie l'année dernière à la Marine nationale. Il a souhaité savoir à ce propos si cette opération budgétaire abonderait bien les dotations annuelles normales de l'armée de l'Air, s'inquiétant de la réduction des ressources qui pouvait en résulter pour la Marine sur l'exercice 2001. Il a enfin demandé au Chef d'état-major de l'armée de l'Air d'évaluer l'insuffisance des dotations budgétaires demandées au titre des carburants, compte tenu des niveaux courants du prix du baril et du taux du dollar.

M. Guy-Michel Chauveau a souhaité savoir quelles étaient les attentes de l'armée de l'Air à l'égard des drones dans le domaine du renseignement. Il s'est interrogé sur les difficultés rencontrées par l'armée de l'Air en matière d'interopérabilité avec les autres armées. Il a également demandé au Général Jean-Pierre Job son jugement sur la protection des personnels contre les risques chimiques et bactériologiques.

M. Robert Poujade s'est interrogé sur l'adaptation aux besoins du niveau des commandes et des livraisons de missiles de l'armée de l'Air. Il a par ailleurs souhaité connaître le sentiment du Chef d'état-major de l'armée de l'Air sur l'état de préparation des forces aériennes françaises dans le domaine de la guerre électronique.

M. Jean Briane s'est interrogé sur l'avenir des drones à court, moyen et long terme.

Jugeant faible la part de l'activité aérienne dans le titre III du projet de budget de l'armée de l'Air, M. Loïc Bouvard a demandé des précisions sur le nombre moyen annuel des heures de vol des pilotes par appareil, ainsi qu'une comparaison avec les normes d'activités correspondantes des pilotes des armées de l'Air britannique, allemande et américaine. Il a également exprimé sa préoccupation vis-à-vis du renchérissement du coût du carburant, estimant qu'il serait fâcheux que cette hausse soit préjudiciable au niveau d'entraînement des pilotes de l'armée de l'Air.

En réponse aux différents intervenants, le Chef d'état-major de l'armée de l'Air a apporté les précisions suivantes :

- le programme d'avion de transport A 400 M répond à un besoin fondamental de l'armée de l'Air. Le Premier ministre a annoncé que les autorisations de programme nécessaires à son lancement dans de bonnes conditions seraient inscrites dans le projet de loi de finances rectificative. A la condition que le contrat puisse effectivement être notifié aux industriels au début de 2001, les deux premiers appareils de la série pourraient être livrés en 2007 et les trois suivants en 2008, ces dates correspondant à la réactivité de la chaîne industrielle ;

- la capacité de transport subira une réduction majeure à partir de 2005 sous l'effet des retraits du service de 27 C 160 Transall  jusqu'à 2008, en l'état actuel des perspectives de prolongation de durée de vie de ces appareils. La période de transition entre le retrait des Transall et la livraison des A 400 M appelle des solutions actuellement à l'étude et qui pourraient prendre la forme d'accords de mise à disposition d'appareils de transport entre la France et ses principaux partenaires européens comme l'Allemagne et le Royaume-Uni. Au sein du Groupe aérien européen, des formules de partage des capacités de transport sont d'ailleurs en cours d'élaboration ;

- en tant que structure interarmée, la SIMMAD concerne l'ensemble des aéronefs (avions et hélicoptères) des armées de Terre, de l'Air, de la Marine, de la Gendarmerie et de la DGA, soit 2 150 appareils. Cette nouvelle organisation vise à résoudre certaines difficultés rencontrées dans la maintenance des appareils qui entraînent notamment des retards majeurs de livraisons de pièces. Il convient de susciter une meilleure synergie entre les armées qui disposent parfois de types d'appareils analogues, comme par exemple les Puma, en constituant une dizaine de flottes regroupant des aéronefs similaires ou comparables et placées chacune sous la responsabilité d'un officier chargé d'organiser un programme cohérent de maintenance. A terme, l'économie attendue s'élèverait à 3 % par an sur six années, pour une dépense annuelle de maintien en condition opérationnelle de l'ordre de 7,5 milliards de francs. Ce résultat serait comparable à celui obtenu par les Britanniques qui ont adopté une organisation de cette nature ;

- le volume de 300 à 350 avions de combat envisagé pour la composante aérienne de la force européenne de réaction rapide, paraît dans l'ensemble cohérent, du moins avec une partie des missions de Petersberg. La France pourrait apporter à cette force européenne une contribution en avions de combat qui lui permettrait de postuler au rôle de « nation leader » qu'elle a les moyens d'exercer grâce à son centre projetable de commandement et de conduite des opérations aériennes de théâtre (CCOAT) ;

- le remplacement des ravitailleurs doit être envisagé, sachant que les quatorze ravitailleurs actuels de l'armée de l'Air, dont trois restent à mettre à niveau, atteindront leur fin de vie vers 2020, après cinquante années de service. Des études en cours portent sur un futur avion de transport et de ravitaillement « multi-role-tanker-transport » (MRTT) qui pourrait être développé et produit en coopération européenne ;

- ces deux dernières années, l'armée de l'Air comptait en moyenne deux candidats pour un emploi de MTA, ce qui est globalement satisfaisant, même si certaines difficultés de recrutement dues à de moindres perspectives de reclassement, apparaissent pour les emplois liés à la sécurité et à l'incendie, qui connaissent un déficit de 20 %. Pour d'autres emplois en concurrence avec des offres civiles (dans le secteur du transport routier, de l'hôtellerie, du bâtiment,...) le recrutement tend également à devenir moins aisé ;

- l'année 2000 a permis de constater que 80 % des MTA qui en avaient la possibilité souhaitaient renouveler leur contrat et rester dans l'armée de l'Air. Une attention toute particulière doit néanmoins être apportée à leur reconversion qui conditionne le maintien d'un flux satisfaisant de recrutement ;

- actuellement 330 emplois de volontaires sont pourvus sur 510 droits ouverts en 2000 et environ un millier en 2001. Sauf quelques uns qui ont un niveau d'études supérieures, les volontaires ont un peu le même profil que les MTA à ceci près qu'ils ne s'engagent que pour un an, sans doute dans l'attente de trouver un emploi civil ;

- l'armée de l'Air va développer, avec 105 millions de francs, la sous-traitance à laquelle elle avait déjà recours. La base entrepôt, c'est-à-dire sans avion, de Varennes-sur-Allier a lancé une expérimentation visant à externaliser toutes les tâches de soutien, qu'il s'agisse de la sécurité, de la protection contre l'incendie, de l'entretien des espaces verts et des bâtiments, de l'hébergement, du nettoyage ou de la restauration. L'économie attendue est de l'ordre de 5 millions de francs sur 25 millions de francs par an, soit 20 %, et même davantage si on inclut la charge des pensions des personnels qui n'incombera plus à l'Etat ;

- en ce qui concerne les deux milliards de francs considérés comme « prêtés » à la Marine, il s'agit au total d'une opération blanche, participant d'une bonne gestion interarmées des finances publiques ;

- les hypothèses économiques retenues pour l'élaboration des prévisions en matière de dépenses de carburants sont sans doute trop optimistes. Il risque de manquer en 2001 570 millions de francs à l'armée de l'Air pour ce qui concerne les carburants aériens et 90 millions de francs pour les autres produits pétroliers. Mais aucune restriction de vol n'est pour l'instant envisagée. Quant aux réserves stratégiques, elles n'ont pas été entamées ;

- si l'armée de l'Air a commandé une grande quantité de missiles air-air à l'époque de la guerre froide, c'était parce que les menaces étaient très différentes de celles d'aujourd'hui. Actuellement, l'armée de l'Air privilégie l'acquisition de munitions air-sol modernes de précision dont elle a été longtemps moins bien dotée. Lors du conflit du Kosovo, les munitions dont disposait l'armée de l'Air répondaient aux besoins de l'attaque à basse altitude et moins aux conditions d'emploi retenues par l'Alliance qui consistaient à maintenir les appareils à moyenne altitude et à utiliser les armements guidés laser ;

- s'agissant de la guerre électronique, l'armée de l'Air a privilégié au cours de la dernière décennie les systèmes d'auto-protection des appareils. Le système Spectra qui équipe le Rafale est à cet égard remarquable, surtout lorsqu'on le compare à celui dont sont dotés ses concurrents. Mais, lors du conflit du Kosovo, l'armée de l'Air s'est rendu compte de la nécessité de disposer d'une munition capable d'éliminer la menace des radars de conduite de tir air-sol. Une réflexion est donc en cours pour équiper les appareils de systèmes de brouillage offensif embarqués, la destruction des conduites de tir hostiles pouvant être assurée par des armements de précision ;

- parmi ces armements de précision figure l'armement air-sol modulaire qui vient de faire l'objet d'une importante commande, le 13 septembre dernier. Sa précision sera d'abord décamétrique puis métrique. La destruction d'un objectif nécessite toutefois d'abord un système d'acquisition efficace et complet, ce qui fait de la reconnaissance une fonction essentielle. Les moyens de reconnaissance doivent être complémentaires et associer en particulier des satellites qui permettent notamment d'établir des cartes numériques, des avions pour une reconnaissance en profondeur et des drones pour l'observation d'un théâtre d'opération. Toutefois, il faut bien garder à l'esprit que les informations recueillies par ces différents systèmes peuvent toutes avoir un usage stratégique, opératif ou tactique ;

- le souci d'interopérabilité est constant. Il concerne autant la langue utilisée ou les procédures que les matériels. Pour faciliter les opérations dans le cadre de coalitions aériennes européennes, il est primordial d'adapter à l'avenir les appareils français au mode de liaison 16, qui permet de transmettre simultanément à un avion en vol des informations tactiques sur les menaces adverses et les objectifs au sol en temps réel, à partir d'un poste de contrôle volant ou d'une station de contrôle au sol ;

- avec 180 heures de vol annuelles au moins par pilote, le niveau d'activité aérienne est satisfaisant et correspond aux standards de l'OTAN. Peu de pays européens atteignent un tel niveau, à l'exception du Royaume-Uni, dont il convient de relativiser l'exemplarité dans la mesure où le nombre de pilotes par avion y est légèrement inférieur à celui de l'armée de l'Air, qui s'établit à 1,4. Aux Etats-Unis, chaque pilote effectue annuellement entre 200 et 220 heures de vol. En France, l'effort porte aussi sur la simulation, afin d'améliorer encore la sécurité des vols : le nombre des pertes d'avion de combat a considérablement diminué et s'établit à 2 pour 1999 et à 3 pour 2000. Il est à noter que, fin 2001, le tiers des pilotes de combat de l'armée de l'Air auront participé à un exercice majeur alors qu'ils ne sont aujourd'hui que 10% ;

- s'agissant des drones, un système intérimaire de moyenne altitude longue distance devrait être opérationnel en 2002 et disposer d'une autonomie de 12 heures de vol pour un rayon d'action de 1 000 à 1 200 km ;

- la protection des personnels contre les attaques bactériologiques ou chimiques s'effectue principalement au moyen de tenues adaptées, de matériels spécifiques et de procédures particulières ;

- les industriels ont effectivement proposé des améliorations susceptibles d'être apportées en cours de série au Rafale. En l'état actuel des spécifications définies par l'armée de l'Air et auxquelles elle reste attachée, le Rafale est un excellent avion, tant par ses capacités d'évolution aérodynamique, ses commandes de vol qui lui confèrent d'exceptionnelles qualités, et sa polyvalence grâce à un système de navigation et d'armement (SNA) particulièrement performant (radar à balayage électronique deux plans, système de contre-mesure Spectra, optronique secteur frontal etc.) permettant un traitement évolué de la menace air-air et air-sol. L'Eurofighter, son principal concurrent, n'aura des capacités d'attaque au sol qu'en 2008. Les commandes de l'armée de l'Air porteront, au total, sur 95 Rafale monoplaces et 139 biplaces.

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