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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 octobre 2000
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la Défense sur le projet de budget pour 2001.


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La Commission a entendu les représentants des syndicats des personnels civils de la Défense sur le projet de budget pour 2001.

M. Alain Sparfel, Secrétaire général de la Fédération syndicaliste Force ouvrière de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés (FEDIASIA-FO), s'est félicité de la rencontre annuelle, désormais institutionnalisée, entre la Commission et les organisations syndicales à l'occasion de l'examen du budget de la défense. Il a ajouté que son organisation avait adressé à la Commission un document de réflexion sur le budget, son évolution, son usage et les perspectives qu'il ouvre.

Puis M. Alain Sparfel a jugé que le projet de budget ne correspondait pas aux attentes. Il s'agit en effet d'un budget conforme aux précédents qui ne permet pas d'engager les réformes nécessaires, s'agissant de la professionnalisation et de ses besoins en hommes et en compétences, mais également de l'évolution de nos industries d'armement (DCN, GIAT, SNPE) dans le contexte stratégique, économique et industriel européen. Il a estimé que le projet de budget réduirait au minimum, contrairement aux déclarations du Président de la République, le rôle et la place du personnel civil à statut dans une armée professionnalisée. Or, à l'exception de la Grande-Bretagne, la professionnalisation s'est traduite dans tous les cas par un renforcement de la « composante civile » des armées.

S'agissant des effectifs, il a jugé que le déficit en personnel avoisinait les 12 000 personnes, compte tenu de la mise en application des trente-cinq heures qu'aucune mesure budgétaire ne prenait en compte.

Il a regretté l'absence de mesures spécifiques correspondant à des souhaits pourtant formulés par toutes les organisations : la simplification des familles statutaires par fusion de corps, le respect du triptyque compétences-emploi-statut. La masse salariale devenant une mesure d'ajustement budgétaire, conjuguée à d'autres mesures de substitution d'ouvriers professionnels en lieu et place d'ouvriers d'Etat, la capacité d'intervention est altérée et des conflits internes dans de nombreux établissements en résultent.

Après avoir estimé que l'amélioration de la condition des personnels civils n'était, une fois encore, pas au rendez-vous, M. Alain Sparfel a posé les questions suivantes : quel organisme pourrait supporter de telles mesures longtemps ? Quelle disponibilité offre cette situation en termes de capacité de soutien ? Quelle réalité recouvre le manque récurent de personnels civils au ministère de la Défense ? Quelle responsabilité incombe au ministère des Finances dans cet état de fait ? M. Alain Sparfel a alors récusé l'idée que la politique d'externalisation constituait la réponse providentielle, même si elle était privilégiée par certains « modernistes » comme en témoignent les quelque 2 000 emplois budgétaires consacrés à des marchés d'externalisation tandis que l'interdiction d'embauche d'ouvriers d'Etat interdit aux armées l'accession aux compétences, le rétablissement de la pyramide des âges et une véritable politique de gestion des ressources humaines. A cet égard, il a souligné les dangers des expérimentations en cours pour les services des transmissions, estimant qu'elles pourraient s'avérer sans retour étant donné qu'une approche strictement budgétaire fonde les choix nouveaux au risque de provoquer la perte de compétences indispensables. Il a également jugé préoccupant que la logistique elle-même, pourtant essentielle à la réactivité des armées, fasse l'objet d'études de sous-traitance. M. Alain Sparfel a tenu à rappeler, à ce propos, que les enseignements tirés des externalisations les plus anciennes en démontraient les risques : risques liés à l'approche stratégique des activités car les fonctions considérées comme non stratégiques à un moment donné peuvent le devenir au regard de l'évolution de l'activité ; risques de transferts de technologie parfois irrévocables et de pertes de savoir-faire. M. Alain Sparfel a ajouté que les activités externalisées n'étaient pas toujours exercées au niveau de qualité requis, surtout si elles concernent des tâches peu qualifiées.

Il a souligné à cet égard que son organisation refusait une politique sociale qui engage dans une voie qui modifierait les rapports de force entre les armées et leurs prestataires au détriment des premières, en provoquant une régression sociale et culturelle et un recul des emplois à statut au profit d'emplois précaires et sous-rémunérés.

Abordant ensuite la question des industries de défense, M. Alain Sparfel a considéré que le budget de la défense, premier budget d'équipement, constituait une cible privilégiée de régulation. Il a regretté qu'en période de croissance permettant des rentrées fiscales plus confortables aucun effort supplémentaire ne soit consacré à la défense tandis que des milliers d'emplois se désagrégeaient dans les arsenaux (emplois directs et sous-traitance).

Il a insisté sur la nécessité de faire des choix pour donner de la lisibilité aux industries de défense et notamment à celles en régie qui irriguent un tissu important de PME et PMI. Il a précisé qu'il s'agissait de rechercher des équilibres socio-économiques dans un cadre de besoins clairement exprimés par les états-majors : la construction d'une seconde plate-forme aéronavale identique au Charles de Gaulle paraissait à cet égard indispensable, de même que la fabrication des véhicules de combat d'infanterie qui font tant défaut à Giat-Industries. S'agissant de cette dernière entreprise, M. Alain Sparfel a demandé de veiller à ce qu'elle ne périclite pas sous le poids d'un nouveau plan stratégique économique et social (PSES) qui la rendrait exsangue, la priverait des compétences qu'elle a su développer et lui interdirait de prendre sa place dans le cadre européen. Il a jugé également nécessaire de prendre des mesures sociales spécifiques à Giat-Industries et à la SNPE pour faire face aux situations critiques générées par dix années consécutives de contraction des plans de charges initialement prévus dans le budget de l'Etat. Il a demandé en particulier des mesures exceptionnelles de départ à cinquante-deux ans pour les personnels régis par une convention collective pour éviter de nouveaux licenciements. Il a proposé en outre, qu'une politique locale de reclassement soit développée pour les plus jeunes.

M. Alain Sparfel a ensuite considéré que la DGA n'avait pas réussi à faire aboutir sa réforme et laissait dans l'expectative nombre de personnels. Il a, à ce propos, souligné que les acquis des personnels de la Direction des centres d'essais notamment étaient le fruit de négociations qui avaient valu en d'autres temps une paix sociale durable.

En dépit de quelques mesures positives, il a estimé que les insuffisances du projet de budget étaient génératrices de conflits sociaux latents qu'il sera difficile de contenir. Il a appelé de ses v_ux des mesures d'ordre politique et budgétaire pour donner à l'industrie de défense les moyens de respirer et de s'inscrire dans des perspectives d'avenir. Enfin, après avoir demandé des dispositions sociales pour circonscrire les conflits actuels ou latents, il a jugé indispensable de réduire au minimum la politique d'externalisation pour éviter la « mercenarisation des armées et le leasing de l'armement » que des prévisionnistes décrivent comme inéluctables dans le cadre de budgets de défense trop restreints.

M. Jacques Lépinard, Secrétaire général de la Fédération CFDT des établissements et arsenaux de l'Etat (FEAE-CFDT), après avoir fait observer que le titre III du budget de la Défense concernait pour plus de 80 % de son montant les rémunérations et charges sociales, a souhaité centrer son analyse sur les 20 % restants et plus particulièrement sur la dotation de 104,3 millions de francs autorisant un recours plus important à l'externalisation des tâches (obtenues par le gel d'emplois civils vacants) : s'ajoutant aux 216 millions de francs prévus dans le budget de 2000, cette mesure contredit les propos du Ministre selon lesquels le recours à l'externalisation pouvait être réversible. Relevant que, si pour 2001 l'enveloppe était moins élevée, la reconduction de la mesure confortait son organisation dans l'idée que le retour en arrière s'annonce impossible. Il s'est déclaré opposé à cette mesure, d'abord en raison de la nature des tâches menacées d'être externalisées qui touchent aux missions régaliennes que l'Etat ne doit pas abandonner. Il a à ce propos fait référence à l'externalisation des transmissions de la défense, principalement à la Marine (SERTIM) mais aussi à l'armée de Terre (DCTEI). Il a souligné que son opposition était aussi motivée par la disparition de fait de près de 1 500 emplois civils à la suite de l'externalisation.

M. Jacques Lépinard a ensuite considéré comme préoccupante l'évolution du titre V, l'expérience démontrant qu'entre le montant des crédits votés (crédits de paiement ou autorisations de programme) et la réalité des crédits consommés, l'écart s'avérait parfois très important. Au fil des mois, les gels ou annulations de crédits, le coût des opérations extérieures ou les transferts de crédits du titre V vers le titre III conduisent dans les faits à une dotation effective inférieure au montant prévu lors du vote du budget. Cette situation a des conséquences désastreuses sur la conduite des établissements industriels et particulièrement ceux de Giat-Industries. Après cinq plans sociaux depuis plus de huit ans, des fermetures de centres et plus de 8 000 suppressions d'emplois, Giat-Industries connait à la fois : des déficits d'activités variant de 30 à 70 % selon les sites, du chômage partiel qui se compte en semaines voire en mois, un niveau de financement de la recherche-développement au-dessous du seuil critique et des reports de commandes budgétaires (celles du VCI par exemple).

Il a souhaité pour ces raisons que le budget pour 2001 intègre la réalisation du VCI et du CAESAR ainsi qu'une globalisation des commandes de Leclerc et la notification du contrat de rétrofit de la première tranche de Leclerc. Il a également demandé que ce budget prévoie, pour Giat-Industries, un soutien prononcé au moyen calibre et un renforcement des crédits de recherche-développement.

M. Jacques Lépinard a souligné que son organisation serait également très attentive aux mesures permettant aux établissements de DCN de traverser la difficile période actuelle et plus particulièrement à la charge de travail qui reviendra aux arsenaux de la Marine dans la construction des NTCD.

Il a par ailleurs insisté sur la difficulté de connaître la situation réelle de l'emploi civil au ministère de la Défense : l'an dernier, les effectifs incluaient, pour la première fois, les personnels du Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants, ce qui permettait de dissimuler la forte décroissance des emplois civils de la défense. Dans le projet de budget pour 2001, il est très difficile d'apprécier les effets des gels d'emploi, des transformations d'emplois en crédits d'externalisation, des transferts d'emploi d'un chapitre budgétaire à un autre, et des transformations de statut (ouvriers d'Etat transformés en ouvriers fonctionnaires). Pour Giat-Industries, un bilan peut être établi : il est de 8 000 suppressions de postes depuis la création de la société. M. Jacques Lépinard a alors estimé que les nécessaires restructurations n'expliquaient pas tout en matière de suppressions de postes dès lors qu'il existait une volonté politique affirmée au ministère des Finances de supprimer un maximum d'emplois à statut. Les affectations persistantes de crédits à la sous-traitance et à l'externalisation lui sont apparues comme une confirmation de cette volonté. Il a en outre souligné que les blocages des recrutements dans certains statuts contribuaient également aux fortes décroissances de l'emploi dans certaines catégories, alors que certains établissements de la défense, au SMA par exemple, bénéficient d'un plan de charge assuré sur plusieurs années qui justifierait une réouverture des embauches.

Il a ensuite fait valoir que, confrontés depuis plus de dix ans à des restructurations entraînant fermetures de sites et mobilité géographique imposée, les personnels civils de la défense et de Giat-Industries avaient atteint les limites du supportable. Il a considéré qu'il était urgent de revenir à une situation plus stabilisée : pour Giat-Industries, cette situation ne sera atteinte que si des mesures, notamment budgétaires, sont prises afin d'éviter les contraintes de l'actuel plan social (PSES), en écartant en particulier le risque de licenciement en fin de plan. Il a jugé indispensable de mettre en place dans cette entreprise des mesures d'âge exceptionnelles et volontaires sur trois années, de 2003 à 2005, en y adjoignant des mises à disposition auprès d'autres administrations. Il a également insisté sur la nécessité d'embaucher des jeunes dans les nouveaux métiers afin de rajeunir la pyramide des âges. Pour les autres personnels civils de la Défense, M. Jacques Lépinard a souligné l'urgence de rétablir pour toutes les catégories un réel déroulement de carrière mis à mal par le blocage des recrutements et la mobilité. Il a en outre jugé indispensable de prendre sans retard les mesures permettant de mieux définir la place, le rôle et les tâches des personnels civils dans les états-majors et services communs, afin d'éviter des tensions avec les autres éléments du ministère. Il a jugé ces conditions indispensables pour mener à terme la professionnalisation des armées et préparer dans de bonnes conditions la future loi de programmation militaire.

M. Hubert Dandine, représentant de la Fédération nationale CGT des travailleurs de l'Etat (FNTE-CGT) pour le groupe SNPE, a déclaré que les salariés de toutes catégories de la SNPE condamnaient avec la plus grande fermeté les mesures gouvernementales relatives aux restructurations de la Défense et les conséquences de ces décisions pour l'avenir de la SNPE, qu'il s'agisse des établissements de la maison mère ou de ceux de l'ensemble du groupe. Il a estimé que le budget de la Défense actuellement en discussion comportait tous les ingrédients d'une continuation de la politique d'abandon de la notion d'indépendance nationale et jugé que la mise en _uvre de ce budget aurait pour conséquence la poursuite du démantèlement de la SNPE. Après avoir indiqué que le Président Directeur général de la SNPE avait soumis récemment au Conseil d'administration un projet de fermeture définitive de l'établissement d'Angoulême, il a considéré que cette décision qui niait le rôle de l'Assemblée nationale et de ses élus, constituait un coup sans précédent porté à la société depuis sa création en 1972. Il a jugé que les parlementaires portaient une lourde responsabilité dans cette mesure, prise avec l'accord du Gouvernement et du Ministre de la Défense, qui laissait planer les plus vives inquiétudes pour l'avenir d'autres établissements tels que Bergerac et Saint-Médard sur la base de la même logique.

De même que le commerce des armes est aujourd'hui traité comme s'il s'agissait d'une vulgaire marchandise, les salariés de l'ensemble du groupe SNPE, au seul nom du profit, sont mis en concurrence y compris avec ceux de pays où le droit du travail est totalement bafoué. Dans ces conditions, le Collectif Fédéral du Groupe SNPE exige qu'en tant qu'élus de la Nation, les parlementaires prennent toutes les dispositions utiles pour répondre aux préoccupations des salariés du groupe, en faisant en sorte que le futur budget de la Défense intègre tous les éléments de progrès en ce sens et permette de préserver l'indépendance du pays.

M. Hubert Dandine a alors fait remarquer que la baisse de la fabrication des poudres et munitions dites conventionnelles en France avait conduit à une diminution importante d'activité de plusieurs établissements de la SNPE. La FNTE-CGT condamne sans appel la politique de la SNPE qui, dans le cadre de l'intégration européenne, brade des fabrications jugées insuffisamment rentables à des filiales étrangères, sacrifiant ainsi l'indépendance nationale, les sites de fabrication et les emplois en France. Elle condamne également le fait que la politique d'abandon national tant en matière de défense que d'indépendance place aujourd'hui les établissements de la maison mère du groupe SNPE dans la situation de ne plus pouvoir répondre à leur vocation, notamment de fournir les poudres et munitions aux engins équipant nos armées. De telles décisions conduisent inéluctablement au démantèlement total de la SNPE. L'Etat est l'actionnaire principal de la SNPE à hauteur de 99 %. Comment peut-on admettre qu'il approuve et soutienne la politique d'externalisation et de filialisation de la SNPE qui n'a pour but que de mettre en concurrence au sein d'un même groupe les salariés entre eux pour exercer d'ignobles pressions sur les salaires, les conditions de vie, de travail et même la sécurité ? Comment se fait-il que le gouvernement français permette à la SNPE de passer de l'état de société nationale à celui de groupe pour multiplier les statuts des salariés et créer entre eux des divisions dans le seul but de mieux les exploiter collectivement ? Comment se fait-il qu'un Gouvernement dit de gauche puisse développer, tant au sein de la maison mère que du groupe, la précarité de l'emploi ? Comment peut-on admettre que l'Etat français, géré par un gouvernement de gauche, permette que le PDG de la SNPE remette en cause, dans le cadre de négociations sur la réduction du temps de travail les acquis sociaux des salariés soumis au travail posté qui va souvent de pair avec un travail insalubre ainsi que les salaires des futurs embauchés ? Comment se fait-il que le gouvernement français permette à la SNPE de se soustraire aux négociations sur la réduction du temps de travail suite au rejet massif de ses propositions par l'ensemble des salariés de toutes catégories ?

Dans ce contexte, pour les salariés de toutes catégories de la SNPE, le budget de la Défense doit permettre l'ouverture immédiate de négociations pour :

- une réduction uniforme du temps de travail de tous les salariés du groupe compensée intégralement en salaires et en emplois ;

- le rattrapage et la progression du pouvoir d'achat de tous les salariés sur la base d'une grille unique de l'ouvrier à l'ingénieur ;

- une véritable politique de formation et de déroulement de carrière permettant à chaque salarié de bénéficier pleinement de son expérience, de ses connaissances, de ses compétences et de sa formation ;

- l'arrêt immédiat de toutes les mesures de réductions d'effectifs et notamment le maintien en activité du site d'Angoulême ;

- le maintien du plan de charge et le développement des établissements de Sorgues, Saint-Médard et de Bergerac, alors que l'avenir de ce dernier établissement est fortement remis en cause par un projet d'accord de création d'une filiale avec les Suisses et les Allemands ;

- la garantie du plan de charge du Centre de Recherche du Bouchet, unique en Europe et dans le monde dans certains domaines, notamment la chimie, en particulier par le développement des activités de recherche destinées au groupe SNPE, indispensables pour assurer son avenir ;

- une véritable politique de sécurité qui permette d'examiner sans complaisance la dégradation des conditions de travail et de sécurité dans les sites de production ;

- un accord de groupe SNPE de haut niveau, indispensable à la suppression des inégalités importantes qui existent entre les divers salariés du groupe ;

- le rétablissement des droits et moyens syndicaux laminés lors de la transformation du service des poudres en société d'économie mixte en 1972, droits et moyens qui vont de pair avec dialogue et démocratie au sein de la SNPE ;

- le paiement immédiat des sommes dues au titre de leur pension de retraite aux personnels ouvriers réglementés issus des établissements de la SNPE.

En conclusion, M. Hubert Dandine a déclaré que la FNTE-CGT du groupe SNPE ne manquerait pas de faire part aux salariés de toutes catégories de la SNPE des réponses que les membres de la Commission allaient faire et de leurs votes sur le budget de la Défense actuellement en discussion.

M. Jean-Yves Placenti, représentant de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA-Défense)-Fédération autonome de la Défense nationale (FADN-FGAF-Défense), a indiqué que l'UNSA-Défense constatait, comme les années précédentes, la lente érosion du budget consacré à la défense nationale. Quoi qu'en dise le Ministre dans ses développements sur la pérennité des moyens, c'est à l'élargissement du fossé, dénoncé l'an dernier par l'UNSA-Défense, que l'on assiste. En effet, quelle crédibilité accorder à un discours officiel lénifiant sur la constance des ressources, que les documents émis par les services de ce même Ministre réfutent du tout au tout ? L'ambition de constituer une force de protection solide et une force de projection crédible n'est plus. Les mesures de restructuration des forces de juillet 2000 se sont traduites par des abandons de missions et par des dissolutions d'unités. Les soubresauts organisationnels passés qu'ont connus la DGA et la DCN et les bouleversements à attendre dans les domaines du soutien de la flotte et du soutien des aéronefs marquent ce renoncement. La liste étique des matériels commandés ou attendus accentue l'impression d'abandon de l'ambition annoncée. Qui plus est, la priorité donnée à la sécurité intérieure augure mal d'une politique dynamique sur le plan des investissements. Ces constats sont sources de craintes pour l'avenir et révèlent, pour le présent, une véritable crise.

L'UNSA-Défense déplore que le dialogue social et la nécessaire interpénétration des mondes civil et militaire au sein d'un appareil de défense rénové restent lettre morte. Les crispations corporatistes s'affichent sans vergogne, tant dans la presse du ministère, entièrement aux mains des autorités militaires, que dans le projet de budget. M. Jean-Yves Placenti a cité l'exemple de la Gendarmerie, qui devrait constituer l'entité du ministère la plus ouverte aux personnels civils : est-il admissible de considérer que la moitié des effectifs consacrés au soutien doive être tenue par des gendarmes et l'autre moitié par des militaires du corps de soutien spécifique ? Pour quelles missions opérationnelles : la gestion des ressources humaines, la restauration, les finances peut-être ? Et surtout, à quel coût ? Il faut savoir qu'un commandant du corps de soutien de la Gendarmerie équivaut au coût global, selon le barème officiel du ministère, d'un administrateur civil de 1ère classe. Les 24 postes, dont la création dans ce corps est proposée dans le projet de budget, permettraient de financer plus d'une trentaine de postes de cadres civils de catégorie A. Un tel exemple montre bien que les armées refusent la civilianisation, quel qu'en soit le prix pour la nation.

A la décharge des armées, l'UNSA-Défense constate que le ministère ne se bat pas avec une énergie farouche pour défendre l'emploi civil en son sein. Car, contrairement à ce qui est avancé, la population civile n'est en aucun cas une population à problème, elle constitue même une population de très bonne composition eu égard au traitement qu'elle reçoit. Aussi, quoi qu'on en dise, on supprime, encore et toujours, des emplois d'ouvriers d'Etat (3 500) que l'on remplace par des ouvriers fonctionnaires (1 050) dotés d'un statut proprement indigne qui les condamne à la précarité. Et pour pallier les besoins criants des services en matière de cadres et de personnels de catégorie C, on ne crée que 1 300 emplois, compte tenu des suppressions de postes de contractuels. Il est vrai que le recours à la sous-traitance et à l'externalisation apparaît comme le sésame infaillible. Mais que peut apporter ce sésame tant en termes de sécurité - que l'on pense aux transmissions - qu'en termes économiques ? Faute d'une étude d'impact sérieuse, l'UNSA-Défense soutient que la seule économie qu'elle constate avec l'externalisation s'avère être l'économie de la preuve.

Ainsi, l'examen du projet de budget est encore, pour l'UNSA-Défense, l'occasion de dénoncer des orientations qui ne tiennent pas compte des nécessités opérationnelles, des impératifs de la professionnalisation et qui ne prévoient pas les moyens de développer une politique de ressources humaines, tant pour les civils que pour les militaires. Les ressources consacrées à normaliser les situations iniques faites aux personnels civils des services déconcentrés affectés en administration centrale ne sauraient cacher la triste réalité : le ministère de la Défense n'est pas attractif. On en part, on le quitte pour d'autres administrations ou pour le privé. On peut s'en féliciter peut-être, mais l'on peut aussi, comme l'UNSA-Défense, craindre de ne plus pouvoir attirer les personnels de valeur et les savoir-faire que la défense est en droit d'attendre et que seule une politique de ressources humaines dynamique et non corporatiste peut apporter.

M. Jean-Jacques Le Gourrierec, représentant de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la Défense, a fait part de la déception de son organisation à la lecture du projet de budget de la Défense pour 2001, projet pourtant jugé par les hauts responsables de ce ministère comme étant globalement satisfaisant car s'inscrivant dans la loi de programmation militaire 1997-2002. La CFTC quant à elle note, après une analyse objective du projet de budget, les points faibles suivants :

- la médiocre évolution relative par rapport aux autres ministères, qui place le ministère de la Défense en 14ème position sur 18, avec une progression des crédits de 0,8 % dans le projet de loi de finances pour 2001 par rapport à la loi de finances initiale pour 2000 ;

- la diminution globale des effectifs civils, 3 014 postes budgétaires de fonctionnaires titulaires supplémentaires étant inscrits mais 2 556 postes d'ouvriers d'Etat et 732 de contractuels étant supprimés ;

- le fort recul des autorisations de programme pour la dissuasion, qui diminuent de 27 % ;

- des inquiétudes concernant, entre autres, le futur avion de transport  A 400 M.

De plus, ce projet de budget 2001 ne peut calmer les impatiences catégorielles justifiées du moment. Les fonctionnaires seront-ils les seuls à ne pouvoir bénéficier des fruits de la croissance ? La CFTC s'inquiète devant les lancinantes trépidations du ministère de la Défense, ces insidieuses et sempiternelles restructurations, ces externalisations mal contrôlées et assassines, cette évolution sournoise des statuts, ces mobilités imposées et cette nouvelle précarité. En cette période dite faste pour certains, la CFTC souhaiterait que tout aille mieux dans ce ministère que les personnels ont choisi et qui leur est cher. Pour cela, les grands thèmes suivants doivent être analysés avec sérieux et développés avec tact et prudence.

Le ministère de la Défense doit définir clairement les missions fondamentales de ses services. La mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail doit entraîner de facto une réelle embauche de personnels afin de garantir la bonne marche de nos établissements, la qualité du travail fourni, mais aussi d'assurer aux employés du ministère une meilleure qualité de vie. La CFTC observe la poursuite de la réduction globale des personnels civils. Les effectifs réalisés sont chroniquement inférieurs aux effectifs budgétaires d'environ 10 %. Ces réductions d'effectifs doivent définitivement cesser, car elles déstabilisent bon nombre de nos entités et engendrent des pertes de savoir-faire. La CFTC dénonce plus particulièrement la forte diminution des effectifs d'ouvriers d'Etat, une perte intolérable de compagnons de route dont, pourtant, la compétence est reconnue par tous. Les externalisations anarchiques doivent être systématiquement rejetées car elles sont cruelles dans de nombreux domaines et touchent même la sécurité du ministère. Jusqu'où l'Etat français va-t-il pousser le processus de désengagement de la vie publique et quelles vont être les prochaines cibles de l'externalisation ? L'avenir de DCN et de la DGA doit être assuré, sans stratagème douteux. A ce titre, la CFTC espère que le changement de régime de l'industrie navale militaire se concrétisera rapidement, avant que les capacités françaises en ce domaine ne soient totalement défaillantes.

En conclusion, M. Jean-Jacques Le Gourrierec a souhaité, au nom de la CFTC, que, au-delà de l'écoute, les députés puissent mieux comprendre les préoccupations justifiées des personnels civils du ministère de la Défense et mieux défendre en conséquence les valeurs de ce ministère trop soumis aux fortes contraintes budgétaires.

M. Michel Lörence, Secrétaire général de la Fédération de l'encadrement civil de la défense de la Confédération française de l'encadrement (FECD-CGC) a tout d'abord centré son propos sur les mesures catégorielles. Il a observé qu'elles portaient, à hauteur de 18 millions de francs, sur les personnels administratifs titulaires servant en administration centrale, alors que 7 millions de francs seulement sont destinés aux personnels des services déconcentrés. Un tel déséquilibre ne favorise pas la mobilité. Or, on peut estimer à 20 millions de francs le montant des crédits nécessaires pour favoriser l'égalité de traitement entre la province et Paris.

Evoquant ensuite le déséquilibre entre moyens et charges au sein du ministère de la Défense, il a souligné que la maquette des armées était sous-dimensionnée et jugé que les contraintes budgétaires conduisaient à une externalisation excessive, due aux oukases du ministère de l'Economie et des Finances. Il a fait valoir que l'externalisation entraînait la disparition de 1 800 emplois, sans parler des pertes de compétence dans des domaines pourtant régaliens. L'application de la loi sur la réduction du temps de travail devrait se traduire par un accroissement supplémentaire des pertes d'emplois (- 10 200), aggravant de ce fait le déséquilibre entre charges et moyens.

S'agissant des programmes, il a relevé la faiblesse des crédits de recherche qui s'élèvent à 5,72 milliards de francs, soit en réalité 4,47 milliards de francs, 1,25 milliards de francs étant destinés au BCRD au titre de la recherche duale. Par ailleurs, aucune commande pour le programme ATF n'est inscrite au projet de budget, tandis que deux C 160 Transall rénovés seulement devraient être livrés. Quant à l'A 400 M, c'est seulement une préférence qui a été exprimée au Royaume-Uni en juillet dernier. La dotation de crédits en faveur du missile M 51 est en outre notoirement insuffisante, notamment au regard des graves difficultés technologiques rencontrées par le programme. Il est par conséquent douteux que le missile soit prêt en 2008. Quant à la construction d'un deuxième porte-avions nucléaire elle représente une nécessité absolue, sous peine de voir notre pays dépendant vis-à-vis d'autres nations. S'agissant enfin du véhicule de combat d'infanterie, il s'agit d'un programme indispensable, certes pour Giat-Industries, mais également pour les forces. Plus largement, concernant Giat-Industries, il serait souhaitable de savoir où en est le projet de constitution d'une société commune associant cette entreprise nationale à RVI.

En conclusion, M. Michel Lörence a fait observer que les réformes successives mises en _uvre depuis dix ans au sein du ministère de la Défense conduisaient aujourd'hui à une fatigue généralisée des personnels, ajoutant qu'aucune entreprise n'aurait supporté un tel traitement. Il a exprimé son inquiétude pour l'avenir alors que l'on peut craindre que la prochaine loi de programmation militaire se traduise par de nouveaux ajustements à la baisse.

M. Jean-Louis Naudet, Secrétaire général de la Fédération CGT des travailleurs de l'Etat (FNTE-CGT), a déclaré que le projet de budget pour la défense n'était pas à la hauteur des ambitions sociales et industrielles que les salariés de l'industrie de défense attendaient. Voté en l'état, ce projet concrétiserait une baisse du pouvoir d'achat de nos armées.

Prédisant des difficultés dans le fonctionnement quotidien, il a jugé que le projet de budget, très éloigné des besoins et aspirations des personnels civils du ministère et des salariés des sociétés nationales, contribuerait à rendre encore plus difficile l'accomplissement des missions des militaires comme des civils.

Relevant que l'effort social prévu par le projet de budget correspondait à 1 franc par jour et par personne, il a estimé que les mesures budgétaires qu'il contenait étaient en recul de 35 % par rapport au budget précédent. Insistant sur la nécessité de partager avec les personnels les fruits de la croissance, il a souligné la nécessité d'ouvrir des négociations salariales pour les personnels fonctionnaires comme pour ceux à statut ouvrier. Il a demandé pour les ouvriers d'Etat la suppression des abattements de zone, qui entraînent un manque à gagner d'environ une année de salaire sur une carrière de 37 annuités et demie, ainsi que le remboursement d'un dû qu'il a chiffré à 26,22 % depuis 1977. Il a également insisté sur la nécessité d'augmentations salariales pour les salariés de Giat-Industries et de la SNPE.

Soulignant que le déficit en personnels civils atteignait déjà 8 825 personnes en juin 2000, il a dénoncé l'utilisation de crédits pour transformer ou supprimer, en 2001, 2 556 emplois d'ouvriers d'Etat. Relevant que les crédits destinés à poursuivre et amplifier la casse étaient en augmentation de 88,6 % par rapport à 2000, il a réaffirmé l'opposition de son organisation à l'externalisation, démarche qui contribue à déposséder les établissements du ministère de la Défense de leurs missions, alors que tant d'emplois publics sont vacants.

Il a ensuite mis en garde contre une transformation de DCN en entreprise privée et contre les projets de certains élus qui considèrent qu'il n'est pas prioritaire de défendre l'emploi dans les arsenaux et qui bâtissent des plans d'occupation des sols à vocation touristique sur des friches industrielles. Considérant que DCN avait avant tout besoin d'une gestion libérée des freins que constituent son plan d'entreprise et les suppressions d'emploi qu'il prévoit ainsi que de plans de charge assurés par les commandes de l'Etat, il a assuré que la CGT veillerait à ce que ce service ne devienne pas un second Giat-Industries avec son cortège de drames humains.

Il a par ailleurs souligné les craintes de nombreux responsables militaires à l'égard des crédits inscrits au projet de budget pour 2001 et déclaré les partager, compte tenu notamment des annulations intervenant en cours d'année. Il a, à ce propos, évoqué les difficultés rencontrées par la direction centrale du matériel de l'armée de Terre pour assurer le soutien différé ou l'approvisionnement en raison notamment de réductions d'effectifs. Il a également dénoncé la situation de l'Hôpital militaire de Percy, contraint de transférer les grands brûlés dans d'autres hôpitaux parisiens saturés ou même en Belgique. Estimant enfin que les capacités d'action de nos armées étaient chaque année un peu plus amoindries, il a jugé que c'était le prix à payer de leur intégration à une défense européenne qui ne sera plus celle des nations qui y participeront puis a souligné que la CGT, attachée à l'indépendance nationale, ne pouvait partager les décisions d'abandon militaire et industriel que traduisait le projet de budget.

M. Guy-Michel Chauveau a souhaité connaître l'analyse des organisations syndicales sur la question des effectifs non réalisés. Il leur a également demandé si elles estimaient que les mesures prises en ce domaine avaient amélioré la situation.

M. Alain Sparfel a considéré que la non-réalisation d'une partie des effectifs résultait d'un choix budgétaire clair : l'attribution d'une enveloppe contrainte ne permet pas de pourvoir tous les emplois et conduit à des transferts vers l'externalisation. Il a ensuite jugé que les différences de statut entre ouvriers d'Etat et ouvriers fonctionnaires procédaient d'une volonté déterminée et intolérable de réduire la masse salariale du ministère de la Défense à volume de personnel constant. Après avoir rappelé le triptyque compétence, emploi, statut que défendait son organisation, il a observé que l'ensemble des chefs d'état-major avaient signifié que les crédits qui leur étaient attribués ne leur laissaient pas d'autre choix que d'accepter des sous-effectifs. Il a enfin regretté que les organisations syndicales ne soient pas suffisamment écoutées sur les questions relatives au personnel de la Défense.

M. Jacques Lépinard a souligné que la question de la réalisation des effectifs était liée à celle de la non-mobilité des ouvriers d'Etat, considérée par les militaires comme un handicap pour la professionnalisation. Il a rappelé les raisons qui freinaient cette mobilité :

- la perte éventuelle de l'emploi du conjoint, vécue difficilement par des foyers aux revenus modestes ;

- l'inadéquation et la sous-qualification des postes proposés aux civils en état-major ou en régiment ;

- la concurrence entre militaires et civils sur les postes libérés dans l'encadrement. Les personnels de catégorie A et B éprouvent des difficultés à trouver des postes correspondant à leurs compétences dans les régiments ;

- les difficultés de maintenir les perspectives d'avancement et de carrière pour les personnels faisant preuve de mobilité.

Mme Joëlle Guilleux, au nom de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA-Défense)-Fédération autonome de la Défense nationale, a considéré, pour sa part, que la non-réalisation des effectifs relevait d'une stratégie visant à ne pas donner aux établissements de défense les moyens en personnel qui leur étaient nécessaires, de manière à dégrader au maximum leur situation pour permettre de nouvelles structurations et justifier de nouvelles réductions d'emplois. Elle s'est déclarée convaincue que la prochaine loi de programmation militaire irait dans ce sens. Elle a par ailleurs indiqué que, si la mobilité n'était pas bloquée systématiquement comme c'est le cas actuellement, notamment par le refus de mesures d'accompagnement adaptées, une plus grande partie du problème de la réalisation des effectifs serait résolue.

M. Michel Lörence a estimé que les freins à la mobilité des effectifs civils trouvent leurs origines dans l'inégalité de traitement entre les personnels selon leur lieu d'affectation, dans le blocage systématique des mesures de formation- mobilité par la Direction de la Fonction militaire et du personnel civil, contrairement aux souhaits des états-majors, et dans le refus catégorique de satisfaire à un certain nombre de demandes de mutation de postes.

Se déclarant prêt à relayer auprès des pouvoirs publics les revendications émises par les organisations syndicales, en particulier celles concernant les plans de charge de Giat-Industries, de DCN et de la SNPE, M. Jean-Claude Sandrier a fait remarquer que les armées souhaiteraient des dérogations pour l'embauche d'ouvriers d'Etat. Il a également souligné les responsabilités de l'Etat dans les pertes d'activité dues à la non-exécution des budgets d'équipements de la défense. Puis il a demandé aux syndicats leur appréciation sur l'évolution de l'industrie de défense dans un cadre européen, sans perte de responsabilité, de compétences ni d'emplois. Après avoir évoqué le cas de l'évolution de Giat-Industries, dont le statut a été transformé pour lui permettre de s'immerger sans restriction dans la concurrence, il s'est interrogé sur l'avenir de DCN. Il a enfin formulé le souhait d'une prochaine rencontre de la Commission avec les représentants des organisations syndicales en vue de débattre de la future loi de programmation militaire, dont la discussion au Parlement était, selon ses informations, prévue pour juin 2001.

Le Président Paul Quilès a fait remarquer qu'à l'heure actuelle, il ne disposait d'aucun élément sur la prochaine loi de programmation militaire, qu'il s'agisse de sa date de discussion à l'Assemblée nationale ou de son contenu. Il a considéré par ailleurs qu'il conviendrait, sur un tel sujet d'entendre d'abord les chefs d'état-major.

M. Alain Sparfel a souligné que les responsables militaires étaient amenés à demander le recrutement d'ouvriers fonctionnaires, faute de pouvoir embaucher des ouvriers d'Etat qui correspondent pourtant davantage à la réalité de leurs besoins. Regrettant les blocages de la Direction de la Fonction militaire et du personnel civil à ce sujet, il en a imputé la raison aux contraintes fortes qui pèsent sur le titre III du budget de la Défense, du fait de la professionnalisation des armées.

Abordant plus particulièrement les problèmes rencontrés par l'industrie de l'armement, il a fait valoir qu'ils tenaient d'abord à leur plan de charge. Après avoir souligné la situation de dépendance des entreprises publiques et régies nationales de l'armement à l'égard des commandes de l'Etat, il a rappelé la position de son organisation en faveur de la mise en chantier d'un second porte-avions nucléaire, gage du maintien des compétences déjà acquises par DCN, et du lancement de la production du VBCI, indispensable pour permettre à Giat-Industries de faire face à une situation désastreuse.

Il a jugé que des commandes appropriées étaient indispensables pour favoriser l'insertion des entreprises publiques de l'armement dans un pôle industriel européen. Contrairement à l'argument avancé par les partenaires de la France, leur statut n'est pas un obstacle à ce regroupement. En tout état de cause, il est trop tôt pour se prononcer sur la démarche à suivre afin d'y parvenir, l'avenir de DCN, de Giat-Industries et de la SNPE devant être assuré dans un premier temps par un niveau d'activité suffisant, ce qui suppose un budget d'équipement plus ambitieux. M. Alain Sparfel a enfin jugé intéressante l'idée d'une réflexion prospective sur la loi de programmation associant les organisations syndicales à la représentation nationale.

M. Gérald Hayotte, membre de la Fédération CFDT des établissements et arsenaux de l'Etat (FEAE), a attiré l'attention sur la forte contraction, oscillant entre 30 et 70 % selon les établissements, du plan de charge de Giat-Industries. Dressant un bilan de l'ensemble des indicateurs de la société nationale, il s'est déclaré préoccupé de la diminution des dépenses de recherche-développement passées en cinq ans de 1,2 milliard de francs à 500 millions de francs. Après avoir déploré la réduction du volume des achats des armées et les retards, d'ores et déjà de l'ordre de 2 à 3 années, pris pour la réalisation du VBCI, il a attiré l'attention de la Commission sur la baisse du niveau des commandes de munitions, divisé par 10 en 5 ans.

Il a jugé cette situation d'autant plus regrettable que les crédits d'équipement militaire non consommés en 1999 s'élevaient à 9 milliards de francs, soit un volume de ressource plus que suffisant pour assurer un plan de charge convenable à Giat-Industries. Après avoir demandé le lancement du programme relatif au VBCI, il s'est prononcé en faveur de l'acquisition par les armées de matériels de moyen calibre, domaine dans lequel Giat-Industries est en forte compétition avec les industriels étrangers. Il a également souhaité que des remèdes exceptionnels soient apportés tant sur le plan social que sur le plan économique et industriel pour mettre un terme à des plans sociaux qui déstructurent la société nationale. A cette fin, son organisation propose des mesures d'âge exceptionnelles de départ volontaire pour trois années afin de mettre en concordance le niveau des effectifs avec celui du plan de charge récurrent, qui s'élève à environ 5 milliards de francs. La FEAE suggère également qu'un effort particulier soit réalisé en faveur de la formation des personnels et de la recherche-développement. Tout en reconnaissant l'attention portée par les pouvoirs publics aux difficultés de Giat-Industries, la FEAE craint que la situation ne se détériore irrémédiablement si les choix politiques nécessaires ne sont pas faits rapidement.

M. François Rochebloine, usant de la faculté que l'article 38 du Règlement confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, s'est interrogé sur les perspectives de constitution d'une société commune entre Giat-Industries et RVI. Puis, citant l'exemple de l'établissement de Saint-Chamond de Giat-Industries, il a souligné l'impact négatif sur le climat social de l'entreprise de la multiplication des statuts des personnels, aux conséquences différentes selon les catégories pour les mesures exceptionnelles d'âge, par exemple, ou même les augmentations de salaire. Après s'être inquiété de l'application du plan social de Giat-Industries, il a jugé que, pour en réduire les conséquences sur l'emploi, un redressement du plan de charge de l'entreprise était nécessaire.

M. Daniel Jaboulay, représentant de la Fédération CGT des travailleurs de l'Etat (FNTE-CGT) pour Giat-Industries, a souligné que l'évolution de Giat-Industries après sa transformation en société nationale avait été marquée par une perte progressive de compétences résultant de la fermeture de nombreux sites. Il a estimé que les questions relatives à la création d'une société commune avec RVI et au plan de charge avaient un même enjeu - celui de la survie de l'entreprise publique. Faisant valoir que Giat-Industries était actuellement au bord du gouffre, 20 milliards de francs de pertes ayant été accumulés sur 10 ans, il a souhaité que la représentation nationale se saisisse du problème afin que les décisions nécessaires soient rapidement prises.

Il a observé que seules les hypothèses de déflation des effectifs contenues dans le plan social (PSES) de l'entreprise étaient respectées, le chiffre d'affaires attendu pour 2000 s'élevant à 4 milliards de francs au lieu des 7,5 milliards de francs prévus. Faisant état d'une situation insupportable pour les personnels, il a souligné que certains établissements tels que celui de Saint-Chamond, avaient subi plus de 10 plans sociaux depuis plus de 20 ans.

Il a alors jugé indispensable, pour préserver l'avenir de Giat-Industries, d'inscrire dans le projet de budget une ligne budgétaire en faveur du VBCI et d'anticiper des commandes de Chars Leclerc et de CAESAR. Il a ensuite dénoncé certaines pratiques conduisant à priver Giat-Industries, sans consultation préalable, de la maîtrise d'_uvre de la réparation de matériels construits par ses établissements.

En conclusion, il a précisé que la CGT demandait que Giat-Industries réintègre le ministère de la Défense, la question statutaire lui paraissant essentielle. Il a également considéré que l'attribution de la maîtrise d'_uvre des armements blindés à une société commune associant Giat-Industries et RVI ouvrirait la voie à des alliances industrielles marginalisant des secteurs d'activité entiers de la société nationale et conduisant, à terme, à son éclatement.

Le Président Paul Quilès a alors souligné que des dotations étaient prévues, dans le projet de budget pour 2001, pour le programme VCI, rappelant par ailleurs que la décision prochaine de réalisation de l'A 400 M devrait être considérée comme acquise.

Mme Joëlle Guilleux a considéré que, dans un contexte de concurrence à l'échelle européenne, des entreprises privées réussissaient en accroissant leurs compétences et leurs capacités grâce à la constitution d'équipes performantes et à un effort adapté de recherche alors que, dans le même temps, les établissements industriels sous tutelle du ministère de la Défense perdaient de leur substance notamment du fait de l'absence de recrutement de personnels qualifiés et d'ingénieurs. Elle a estimé que si l'on persévérait dans cette voie, perspective qu'elle a jugé intolérable, leur place ne pourrait plus être que résiduelle et subalterne.

M. Daniel Desmeulles, membre de la Fédération CGT des travailleurs de l'Etat (FNTE-CGT) a souligné que les activités de construction neuve, d'entretien et de réparation de DCN devaient être pérennisées : disposant de 5 000 km de côtes, la France a besoin de chantiers navals privés pour la construction de navires de commerce garantissant son indépendance d'approvisionnement. Mais une Marine nationale forte assurant sa sécurité militaire lui est tout aussi nécessaire, de même que des moyens modernes et adaptés pour la prévention des risques maritimes et le contrôle des transports par mer, tout spécialement de produits dangereux. Il a estimé que de ces moyens de sécurité maritime civile pouvaient être conçus et réalisés par DCN. Il a en outre proposé la constitution, au sein de la Marine, d'une unité spécifique de garde-côtes dont la maintenance relèverait également de DCN. M. Daniel Desmeules a par ailleurs rappelé les demandes de son organisation concernant : l'arrêt du « plan Richard » avec sa cohorte de suppressions d'emplois, la confirmation du statut d'Etat de DCN, l'embauche sous statut des personnels qui le souhaiteraient dans les entreprises sous-traitantes et l'arrêt de la sous-traitance globale comme de l'externalisation des tâches. Plus généralement, M. Daniel Desmeules a estimé que DCN avait besoin d'un plan de charge, alors que près de 80 % des bâtiments de la Marine sont à renouveler.

M. Jean-Jacques Le Gourrierec a souligné les difficultés soulevées par la définition des domaines d'application de l'externalisation. Il a également estimé que la perte de compétence de DCN résultait d'une politique de sous-traitance anarchique et d'un pilotage à court terme des structures de l'entreprise. Il a également exprimé sa préoccupation à l'égard de la situation du service de Santé des Armées qui risquait de ne plus être en mesure de soigner les personnels dans des conditions acceptables faute de moyens. Il a enfin déploré dans le domaine industriel, l'absence de plans de charge crédibles et de qualité.

Faisant état de son expérience professionnelle à la DGA dans le domaine des contrats en coopération, M. Gérard Du Parquet, membre de la Fédération de l'encadrement civil de la défense de la Confédération française de l'encadrement (FECD-CGC), a fait remarquer que l'Etat devrait prévoir l'accompagnement social des restructurations de l'industrie de défense, dont il assurait l'essentiel du plan de charge, à l'instar des efforts déjà consentis en faveur des industries navales, sidérurgiques et automobiles. S'agissant des paiements dus aux industriels, il a souligné les efforts faits par la DGA en vue d'une réduction des délais, tout en rappelant que les procédures du contrôle financier dépendant du ministère des Finances avaient pour effet de ralentir l'exécution des dépenses. Enfin, il a estimé que la coopération européenne en matière de programmes d'armement fonctionnait de façon imparfaite en raison des égoïsmes nationaux et du trop grand nombre de sites industriels en Europe. Il a par ailleurs rappelé que les entreprises européennes de défense étaient confrontées à la concurrence des industries américaines, elles-mêmes soumises à des restructurations et coupes budgétaires drastiques.

Il a également évoqué les difficultés statutaires rencontrées par les ingénieurs de la DGA obligés de démissionner préalablement de leur emploi pour occuper des postes de contractuels auprès de l'OCCAR. Puis, il a estimé nécessaire d'inciter au départ les agents civils volontaires au moyen d'un système de pécules analogue à celui prévu en faveur des personnels militaires.

M. François Rochebloine a fait état d'informations selon lesquelles l'arsenal de Brest allait perdre 2 500 emplois en raison de la baisse de son plan de charge.

Après avoir souligné la qualité des échanges, le Président Paul Quilès a souhaité replacer les préoccupations de chacun dans le nouveau contexte stratégique des bouleversements de l'après-guerre froide, des progrès de l'Europe de l'armement et de la défense et de la politique française de professionnalisation des armées.

Considérant que l'externalisation de certaines tâches de la défense était une question de fond, il a annoncé qu'il proposerait, au sein de la Commission, une réflexion sur ce sujet et en particulier sur la distinction des activités en cause selon qu'elles relèvent ou non du domaine régalien.

Il a souligné que la réponse à la question de l'éventuelle commande d'un deuxième porte-avions serait probablement apportée par la prochaine loi de programmation militaire. En ce qui concerne la recherche de défense, il a rappelé que Mme Martine Lignières-Cassou menait une réflexion sur les études amont dans le cadre de la préparation d'un rapport d'information comportant des propositions concrètes qu'elle présenterait à la fin de l'année.

S'agissant du commerce des armes, il a indiqué que, si certains pays adoptaient une attitude purement mercantile, ce n'était pas le cas de la France et a suggéré sur ce point la lecture du récent rapport d'information de MM. Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veyret sur le contrôle des exportations d'armement.

Enfin, il a souligné que la Commission étudierait avec sérieux les propositions qui lui ont été présentées et s'efforcerait d'en tenir compte dans le débat budgétaire, malgré les limitations que la Constitution impose à l'initiative parlementaire en matière financière.

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