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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 24 octobre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Didier Boulaud, Vice-Président

SOMMAIRE

 

Pages

· Projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585) : Défense

Avis : Espace, Communications et Renseignement (M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis) rapporteur pour avis)

Titre III et personnels de la Défense (M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis) rapporteur pour avis)

Services communs (M. Michel Meylan, rapporteur pour avis)

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La Commission a tout d'abord examiné les crédits du ministère de la Défense pour 2001 consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement, sur le rapport de M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis.

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis, a estimé que, dans un contexte nouveau de dissémination des zones d'instabilité et de crises, face à une économie aux imbrications mondiales, l'Espace, les Communications et le Renseignement sont devenus un facteur déterminant de toute ambition stratégique. Il a fait observer que la France conduit depuis plusieurs décennies une politique spatiale militaire ambitieuse et qu'elle dispose dans ce domaine d'un budget qui la place au premier rang de l'effort des pays européens, les crédits réellement dépensés avoisinant 2,7 milliards de francs sur chacun des quatre derniers exercices.

Il a néanmoins tenu à replacer cet effort dans le contexte commercial international dont il a souligné le caractère de plus en plus déterminant. Il a à ce propos cité l'exemple du marché des lancements commerciaux, évalué à environ 50 milliards de dollars, qui se répartit entre le marché institutionnel civil américain pour 12,5 milliards de dollars, le marché militaire américain pour un montant analogue, le marché civil européen pour 4 à 5 milliards de dollars, le marché militaire européen pour 800 millions de dollars, le marché commercial mondial pour 9 milliards de dollars, et les marchés russe et japonais pour 10 milliards de dollars. Il en a déduit que le niveau des financements européens en faveur des lanceurs est insuffisant pour soutenir la difficile compétition qui s'annonce avec les industriels américains sur le marché concurrentiel.

Rappelant que la loi de finances initiale pour 2000 a marqué une rupture importante en situant les crédits de l'Espace militaire à un niveau à peine supérieur à 2 milliards de francs en autorisations de programme, le rapporteur pour avis s'est réjoui que le projet de budget pour 2001 rectifie cette inflexion exceptionnelle, liée pour une large part aux aléas de la coopération européenne. Il a qualifié de satisfaisant ce projet de budget, relevant notamment que les crédits consacrés à l'Espace militaire y bénéficient d'une augmentation significative, et que, par ailleurs, les enseignements du Kosovo ont été pris en considération.

Il a ensuite insisté sur le rattrapage budgétaire opéré par le projet de loi de finances pour 2001, les crédits de paiement étant revalorisés pour atteindre 3,3 % du montant des titres V et VI de la Défense, tout comme les autorisations de programme qui s'élèvent à 3,8 % de la dotation de ces titres. Il a jugé cette évolution d'autant plus satisfaisante que l'avenir reste préservé, le montant des crédits de paiement et autorisations de programme consacrés à la recherche demeurant relativement stable.

M. Bernard Grasset a cependant émis une certaine réserve quant à la baisse de la participation du ministère de la Défense au budget civil de recherche-développement (BCRD) pour l'exercice 2001. Considérant que la diminution du montant de ce transfert de 1,5 à 1,25 milliard de francs n'est pas négligeable, il n'en a pas moins regretté le maintien d'un versement dont la lisibilité, plus que le principe, est sujette à caution. Il a rappelé que cette imputation, essentiellement destinée aux recherches réalisées par le CNES, entre en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire qui avait exclu toute contribution du ministère de la Défense au BCRD et que les dotations ainsi transférées ne bénéficient que partiellement à la recherche militaire.

Le rapporteur pour avis a exprimé son accord avec les orientations du projet de budget, à un moment où les Etats-Unis reviennent en force sur tous les créneaux du domaine spatial avec la volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici 2005 et alors que certains pays, comme le Japon, la Chine ou l'Inde, confirment leurs ambitions et leur aptitude à venir concurrencer les programmes européens, aussi bien sur le plan des lanceurs que sur celui des satellites.

Il a reconnu les efforts des autres pays européens, qui ont notamment doté l'Agence Spatiale Européenne des moyens suffisants pour adapter Ariane 5 à la concurrence et pour engager une réflexion sur Galileosat, système de navigation par satellites concurrent du GPS américain et du Glonass russe. Mais il a souligné que ces pays investissaient davantage dans des programmes duaux à vocation majoritairement civile. Il a également observé que la coopération européenne semble changer de nature dans le domaine militaire, s'orientant désormais vers un usage opérationnel commun de filières nationales spécialisées plutôt que vers une conception et un financement conjoints d'un même système.

M. Bernard Grasset a fait valoir que ce contexte déterminait pour une large part les orientations spatiales françaises. Il a indiqué, à l'appui de ce constat, que notre pays devait assumer seul le financement de la relève de la filière d'observation optique Hélios, nos partenaires traditionnels ne souhaitant pas s'engager dans un programme qui ne leur accorderait pas les retombées industrielles de la maîtrise d'_uvre, ce qui se traduit par un niveau de crédits de paiement de 1 189 millions de francs pour le seul programme Hélios 2 au titre de l'année 2001. Il a ajouté que le renouvellement du système de télécommunications militaires spatiales Syracuse 2, s'effectuera sous maîtrise d'_uvre nationale dès 2002-2003, même si la France n'a pas pour autant renoncé à une coopération avec l'Allemagne au-delà de cette échéance, ce qui explique que 1 458 millions de francs d'autorisations de programme et 722 millions de francs de crédits de paiement soient inscrits au titre de ce programme dans le projet de budget.

Evoquant l'intérêt marqué de l'Allemagne et de l'Italie pour une coopération avec la France fondée sur un échange de capacités spatiales optiques et radar, il s'est prononcé en faveur de cette perspective, tout en exprimant quelques interrogations sur les moyens qu'Allemands et Italiens consacreront au développement de leurs programmes respectifs et sur le devenir des compétences industrielles françaises acquises grâce au développement préparatoire du programme Horus.

Le rapporteur pour avis a alors considéré que le Gouvernement veillait à préserver au mieux la position de pointe de la France dans la plupart des domaines de l'espace, y compris en ce qui concerne les programmes de cohérence et d'écoute électromagnétique. Il a précisé à cet égard que les efforts en la matière portent désormais sur la réalisation d'un essaim de microsatellites, dont le lancement est prévu pour 2004, alors que l'océanographie et la météorologie font l'objet d'un traitement favorable.

Abordant les mesures du projet de budget relatives aux systèmes de communication et aux moyens de renseignement, il s'est félicité que ces domaines continuent de recevoir une attention particulière.

Il a à cet égard mentionné le renouvellement et la modernisation des moyens de télécommunication et de transmission des forces, citant notamment la poursuite du programme de nouveau système de transmission MBTA destiné à l'armée de l'Air et pour lequel 426 millions de francs de crédits de paiement sont prévus. Il a également mentionné à ce propos les dotations significatives de l'armée de Terre en faveur des systèmes d'information, de télécommunication et de commandement (551,2 millions de francs d'autorisations de programme et 544 millions de francs de crédits de paiement) et l'augmentation très nette des crédits de la Marine pour ses systèmes de télécommunication et programmes spatiaux, les autorisations de programme demandées à ce titre s'élevant à un peu plus de 342 millions de francs alors que les crédits de paiement triplent à un peu plus de 683 millions de francs.

Le rapporteur pour avis a ajouté que les systèmes de recueil de renseignement seront eux aussi améliorés. Il a constaté avec satisfaction qu'un effort particulier était prévu en faveur des drones, conformément aux observations qu'il avait formulées dans son avis sur le projet de loi de finances pour l'année 2000.

Il a par ailleurs indiqué que, comme pour les exercices 1999 et 2000, le projet de loi de finances pour 2001 prévoyait une stabilité, voire dans certains cas une augmentation des crédits d'équipement et des crédits liés aux rémunérations et charges sociales des différents services de renseignement. Se référant à l'environnement international actuel et aux progrès technologiques en matière de renseignement, il a estimé que ces orientations allaient dans le bon sens, tout en se déclarant attentif à ce que la prochaine loi de programmation militaire les poursuive et les consolide. Se faisant l'écho de certains responsables de services qu'il avait entendus, il a regretté que la fonction du renseignement ne fasse pas l'objet d'une ligne budgétaire spécifique, gage de davantage de lisibilité et de cohérence.

M. Bernard Grasset a précisé que, contrairement à l'année passée, il avait effectivement pu rencontrer les directeurs de la DRM et de la DPSD ainsi que le directeur général de la DGSE. Il a déduit de ces entretiens que, même s'il demeure perfectible, le contrôle parlementaire en la matière n'est pas inexistant.

Concluant son intervention, le rapporteur pour avis a jugé satisfaisantes les mesures du projet de budget de la Défense, aussi bien pour ce qui concerne l'Espace que pour ce qui a trait aux Communications et au Renseignement. Il a convenu n'avoir pas porté une telle appréciation au cours des années précédentes. Il a alors proposé à la Commission de donner un avis favorable aux crédits de la Défense consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement pour 2001.

Soulignant que M. Bernard Grasset avait admis que l'augmentation des crédits de l'Espace pour 2001 ne faisait que compenser la faiblesse de ceux de 2000, M. René Galy-Dejean a estimé qu'aucun effort n'avait en réalité été fait en faveur de ce domaine, en dépit de son caractère essentiel pour la défense. Après avoir fait valoir que l'avenir des capacités militaires de la France se jouait dans l'espace, il a regretté la poursuite de la pratique consistant à inscrire au budget de la Défense des crédits de recherche duale sur lesquels le ministère de la Défense n'a aucune maîtrise et qui représentent, dans le projet de loi de finances pour 2001, 1,25 milliard de francs. Il a estimé que ce montant de crédits à destination uniquement civile devrait être défalqué du budget d'équipement de la Défense. Il a indiqué que, pour ces raisons, le groupe RPR voterait contre l'adoption des crédits destinés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement.

M. René Galy-Dejean s'est par ailleurs interrogé sur l'efficacité comparée en matière satellitaire d'une démarche de coopération sur un même programme et d'une démarche qui se limite à la mise en commun des capacités de systèmes réalisés indépendamment.

Evoquant un article récent d'un éminent universitaire, M. Robert Poujade a souligné qu'il concluait que les capacités stratégiques européennes, de même que l'avenir du lanceur Ariane, seraient compromis si aucun effort significatif n'était entrepris en matière spatiale.

M. Guy-Michel Chauveau a rappelé que l'inscription de crédits destinés à l'aide à la reconversion de l'économie polynésienne dans le budget de la Défense n'avait pas non plus de lien avec les besoins des armées mais n'en traduisait pas moins les conséquences des décisions prises en matière de dissuasion. Il a jugé que le débat sur l'imputation de charges civiles au budget de la Défense existait de longue date mais qu'un consensus était apparu pour faire en sorte que les décideurs soient également les payeurs. Il s'est par ailleurs félicité de l'effort de recherche permis par les crédits de l'Espace dans le projet de budget, estimant que cet effort devrait être prolongé dans le cadre de la prochaine programmation.

Concernant la coopération spatiale européenne, M. Guy-Michel Chauveau a rappelé que les années récentes s'étaient traduites par d'importantes difficultés suite aux retraits allemands et italiens de plusieurs programmes. Il a souligné que, par contraste, la France n'avait cessé de faire en sorte que cette coopération retrouve son dynamisme, sans sous-estimer pour autant les choix difficiles auxquels était confrontée l'Allemagne. Il a estimé que la situation évoluait désormais en un sens positif.

M. Aloyse Warhouver a évoqué les difficultés, dues à la réglementation, relative à la protection des sites, que les opérateurs civils privés rencontraient pour la construction des infrastructures nécessaires aux communications hertziennes et les retards qui en résultaient, alors que le ministère de la Défense avait pu installer sans difficultés ses relais de transmission.

M. Bernard Grasset a souligné que, si l'effort de la France au sein de l'Europe était significatif, l'effort européen était en revanche globalement insuffisant, comme l'indiquent les chiffres suivants relatifs aux dépenses civiles et militaires dans le domaine de l'Espace : alors que les Etats-Unis dépensent pour ce secteur 165 milliards de francs par an et le Japon 17,5 milliards de francs, le Royaume-Uni lui consacre 1,8 milliard de francs, la France 14,5 milliards de francs, l'Italie 4,2 milliards de francs et l'Allemagne 5,8 milliards de francs. Certes, on observe actuellement une embellie dans la coopération européenne, due notamment au fait que l'Allemagne a été peu satisfaite de la qualité du renseignement d'origine satellitaire que les Etats-Unis lui ont donné pendant le conflit du Kosovo, mais il faut être conscient qu'à moins d'un effort significatif, il n'y aura plus de politique spatiale européenne crédible dans vingt ans. S'agissant de la mise en commun des capacités radar et optiques, elle est aujourd'hui techniquement faisable du fait des progrès dans le domaine du numérique.

Par ailleurs, M. Bernard Grasset a estimé que le transfert d'une dotation du ministère de la Défense vers le CNES pouvait s'expliquer notamment par l'utilisation de lanceurs civils pour placer sur orbite des satellites militaires.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la Défense pour 2001 consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement.

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La Commission a ensuite examiné les crédits du titre III et des personnels du projet de budget de la Défense pour 2001, sur le rapport de M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis.

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis, a indiqué que la situation des crédits du titre III pour 2001 présentait une amélioration par rapport à l'exercice 1999 mais aussi par rapport à l'actuel exercice 2000.

Il a précisé qu'en 2001, ces crédits s'élèveraient à 105,5 milliards de francs, soit une hausse de 0,5 % en francs courants. Dans le projet de budget de la Défense qui confirme l'évolution engagée en 1997, les ressources consacrées aux rémunérations, en hausse de 0,7 %, voient leur part dans le titre III augmenter pour en représenter désormais 80,2 % alors que les crédits de fonctionnement hors RCS diminuent de 0,4 %.

M. Aloyse Warhouver a ensuite indiqué que les effectifs budgétaires du ministère de la Défense s'établiraient, en 2001, à 446 143 personnes, en baisse de 5,9 %, en conformité avec la loi de programmation militaire. Compte tenu de la disparition de 39 657 postes d'appelés, ce sont 27 866 emplois nets qui sont supprimés.

Abordant la situation des personnels militaires, il a souligné que le projet prévoyait notamment la création de 7 700 emplois de militaires du rang, pour l'essentiel au profit de l'armée de Terre. Constatant que la baisse du chômage n'avait pas perturbé le recrutement prévu, il a néanmoins souligné que le nombre de candidats diminuait de manière préoccupante, des taux de 1,3 à 1,4 candidat par poste étant enregistrés en moyenne pour l'armée de Terre. Notant que, parmi les candidats le nombre de femmes était supérieur à celui des hommes, il a souligné l'intérêt de ne pas négliger la ressource féminine.

Rappelant que les effectifs d'appelés continuaient à se réduire, il a précisé que 5 500 postes d'appelés seraient supprimés par anticipation en 2001.

Pour qui concerne les cadres, il a indiqué que le nombre de sous-officiers était conforme à la programmation et que les effectifs d'officiers poursuivaient leur déflation, exception faite de la Gendarmerie et de l'armée de Terre qui a déjà atteint, par anticipation, ses objectifs pour 2002.

M. Aloyse Warhouver a souligné que la disparition de la conscription privait les armées de compétences mises à leur service de manière peu onéreuse, notamment dans le domaine médical ou dans d'autres spécialités techniques. Le remplacement de cette ressource constitue un défi auquel les armées tentent de répondre de plusieurs manières : revalorisation des rémunérations, recours ponctuel à la sous-traitance, recrutement d'officiers sous contrat et de réservistes...

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la situation des personnels civils, catégorie dont les effectifs budgétaires doivent connaître entre 1997 et 2002 une augmentation de 9 300 personnes (+12,3 %), et passer de 13 % à 19 % du total des emplois du ministère, mais dont les effectifs réels sont en déficit chronique.

Précisant que ce déficit n'avait fait qu'augmenter depuis 1997 pour atteindre un maximum de 15 399 emplois vacants en juin 2000, il a rappelé les efforts déployés par le ministère de la Défense pour le réduire : s'agissant des fonctionnaires, le ministère tente d'améliorer le rendement des concours et de mieux les faire connaître. Pour ce qui concerne les ouvriers d'Etat, le redéploiement semblant atteindre ses limites, des solutions alternatives sont mises en _uvre : obtention de dérogations d'embauche, transformation d'emplois vacants d'ouvriers d'Etat en emplois d'ouvriers fonctionnaires, recours mais de manière non systématique, à la sous-traitance.

M. Aloyse Warhouver a indiqué qu'au total, même s'il paraît difficile de pourvoir tous les postes vacants d'ici la fin de la loi de programmation, le déficit en civils pourrait être réduit à 5 500 fin 2000 et baisser encore un peu en 2001.

Abordant l'examen des crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales, M. Aloyse Warhouver a rappelé que la faible diminution de 0,43 % prévue pour 2001 faisait suite à des diminutions de plus grande ampleur intervenues en 1999 (- 9 %) et 2000 (- 1 %). Mais il a précisé que cette faible variation recouvrait d'une part une évolution du fonctionnement courant hors activité contrastée selon les armées et d'autre part une revalorisation unanimement appréciée des dotations d'activité.

Il a estimé que, si la réduction du format de l'armée de Terre pouvait justifier la réduction automatique d'un certain nombre de dotations, il était moins compréhensible que les besoins en matière d'informatique et de télécommunications de cette armée n'aient pas été mieux pris en compte. Il a par ailleurs indiqué que les crédits consacrés au recrutement des militaires du rang des forces terrestres restaient comptés, puisqu'ils représentaient environ 10 000 francs par recrue, à comparer avec les 20 000 francs par engagé volontaire dépensés par les Britanniques ou les 70 000 francs consentis par les Américains.

Il a par ailleurs indiqué que si les budgets de fonctionnement courant de la Marine et de l'armée de l'Air étaient moins controversés, c'est la Gendarmerie qui était la mieux lotie avec une revalorisation de 6,9 % de ses crédits qui traduit les engagements pris par le Ministre de la Défense au Conseil de la fonction militaire de la Gendarmerie ainsi qu'au Conseil de sécurité intérieure. Ces crédits prennent en compte les frais de fonctionnement associés au recrutement de 1 000 gendarmes supplémentaires en application des engagements du Ministre.

M. Aloyse Warhouver a précisé que les progrès les plus substantiels avaient été accomplis dans le domaine de l'activité des forces. Grâce à 120 millions de francs supplémentaires, l'armée de Terre devrait pouvoir s'entraîner 80 jours par an contre 68 en 1999 et 73 en 2000. Cet accroissement reste cependant encore loin de l'objectif des 100 jours d'entraînement annuel ainsi que des résultats obtenus par les armées anglo-saxonnes qui s'exercent 120 à 130 jours par an.

Il a souligné que les marins pourraient passer, en 2001, 94 jours en mer au lieu de 89 en moyenne cette année, l'objectif étant là aussi d'atteindre 100 jours. L'armée de l'Air, de son côté, pourra participer à plusieurs exercices internationaux dont le Red Flag américain où elle n'était plus représentée depuis 1998.

Le rapporteur pour avis a toutefois évoqué l'incertitude liée à la flambée des prix des produits pétroliers, appelant de ses v_ux un correctif en cours d'exercice si les crédits en carburant devaient s'avérer, comme c'est probable, insuffisants.

En conclusion, M. Aloyse Warhouver a noté que, même si la situation n'était pas encore totalement satisfaisante, notamment s'agissant du fonctionnement courant, le titre III du projet de budget de la Défense pour 2001 accordait aux forces armées les moyens nécessaires pour achever leur professionnalisation. Il a alors proposé à la Commission d'émettre un avis favorable à son adoption.

M. René Galy-Dejean a observé que les hauts responsables militaires se livraient à des recherches sémantiques élaborées pour exprimer la désespérance de leurs armées, par exemple lorsque l'un d'entre eux a qualifié le projet de budget de « budget a minima » pour laisser entendre qu'il était un peu moins mauvais que les précédents. Il a alors souligné que, comme le rapporteur en avait lui-même convenu, le titre III du projet de budget de la Défense était entaché d'un vice congénital, à savoir l'insuffisance du niveau des crédits prévus pour les carburants des forces. Doutant que les cours du pétrole évoluent rapidement d'une manière plus conforme aux prévisions budgétaires, il a dénoncé l'hypothèque qui pesait ainsi sur le niveau d'entraînement des armées et, par conséquent, sur le moral des troupes. Il a considéré que les responsables opérationnels auraient le plus grand mal à exécuter le projet de budget de fonctionnement, annonçant que le groupe RPR s'abstiendrait lors du vote.

M. Aloyse Warhouver a souligné que seul le général Yves Crène, Chef d'état-major de l'armée de Terre, avait évoqué un niveau de crédits de fonctionnement a minima, les autres chefs d'état-major s'étant montrés relativement satisfaits de ces crédits. Il a, par ailleurs, estimé que certaines baisses du moral des forces s'expliquaient davantage par la disparition du contingent que par d'éventuelles sous-dotations des crédits de carburants, auxquelles le Parlement devra de toute évidence remédier à l'occasion d'une prochaine loi de finances rectificative.

M. Guy-Michel Chauveau a remarqué avec satisfaction que le titre III du projet de budget de la Défense était conforme aux prévisions de la loi de programmation. Il s'est néanmoins interrogé sur les économies résultant des déficits constatés en emplois civils. Il a par ailleurs souligné que les difficultés de l'exécution budgétaire n'étaient pas nouvelles et qu'il était rare que les dépenses réelles correspondent aux prévisions normalement établies vers le milieu de l'année précédant celle de la loi de finances initiale. Il a estimé que, comme de coutume, des ajustements seraient si nécessaire effectués dans une loi de finances rectificative. Il a conclu en estimant que la Commission avait à examiner un bon titre III, même si son niveau était sans doute plus élevé que celui qui était envisagé au début du processus de professionnalisation.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits du titre III et des personnels du projet de budget de la Défense pour 2001, les membres des groupes RPR et DL s'abstenant.

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La Commission a enfin examiné les crédits des Services communs de la Défense, sur le rapport de M. Michel Meylan, rapporteur pour avis.

M. Michel Meylan a souhaité faire porter l'analyse de l'adaptation des services communs sur quatre d'entre eux : la Délégation générale pour l'Armement (DGA), le Service de santé des armées, le Service des essences et la Délégation à l'information et à la communication de la Défense.

Il a, en premier lieu, s'agissant de la DGA, constaté pour le regretter que certaines réponses essentielles au questionnaire budgétaire adressé au ministère de la Défense au mois de juin manquaient à ce jour. Ainsi, il ne disposait pas des éléments d'information demandés sur la réforme de la DGA en 2000, et notamment sur ses conséquences sur la gestion globale des crédits d'équipement. Il a rappelé qu'il ne s'agissait pas d'une question annexe, comme l'ont montré les exécutions des trois budgets précédents qui ont toutes pâti de l'effet des réformes mises en _uvre au sein de la DGA. Il a précisé qu'il ne disposait pas non plus des informations relatives au niveau des intérêts moratoires ou encore au détail des commandes pluriannuelles. Il a estimé que de telles méthodes nuisaient à l'efficacité du travail de l'Assemblée nationale dans le domaine budgétaire, alors même que ses pouvoirs en ce domaine étaient extrêmement limités.

Revenant sur les questions de fond, il a observé qu'une réforme majeure était intervenue à la DGA en 2000, avec sa séparation dorénavant complète d'avec la direction des constructions navales, devenue un service à compétence nationale. Après avoir rappelé qu'il avait posé à plusieurs reprises, dans ses précédents rapports, la question du périmètre optimal de la DGA, il a jugé que cette séparation constituait un début de réponse. Considérant que la DGA ne pouvait être en même temps gestionnaire de 80 % du budget d'investissement de la Défense et opérateur industriel, il a estimé qu'il ne s'agissait là que d'un début. La moitié du budget de fonctionnement de la DGA est encore consacré à la direction des centres d'expertises et d'essais (DCE), c'est-à-dire à une activité industrielle. Or, à terme, ce statut n'est pas tenable : dans un contexte européen, les centres d'essais sont appelés à entrer de plus en plus en concurrence. Ils doivent par conséquent adopter des modes de fonctionnement semblables à ceux des entreprises. Il a reconnu que, d'ores et déjà, la DGA essayait d'insuffler une culture d'entreprise dans cette direction, notamment en privilégiant une approche contractuelle. D'un autre côté, la DGA reconnaît elle-même que cette direction ne dispose pas encore des outils comptables suffisants pour lui permettre de sortir du régime budgétaire. Une réforme est en cours depuis 1998, qui n'a pas encore abouti. Dès que tel sera le cas, la question du statut de la DCE devra être posée afin de garantir la compétitivité de ce service et d'accroître encore la réduction du coût d'intervention de la DGA.

S'interrogeant sur l'objectif assigné à la DGA en 1996 de réduire le coût des programmes de 30 % à l'échéance de 2002, il a indiqué que la diminution du coût à terminaison des programmes devrait atteindre 10,5 % à la fin de l'année 2000. Les commandes pluriannuelles représentent l'un des principaux leviers d'action sur le coût des programmes et devraient atteindre 20,7 milliards de francs en 2000. Le rapporteur pour avis a toutefois fait valoir que ce montant ne pourrait être atteint que si la commande du missile balistique M 51, qui représente 6,9 milliards de francs, était notifiée avant le 31 décembre 2000. Après avoir rappelé que, lors de son audition par la Commission, le Délégué général pour l'armement avait exprimé sa conviction que tel serait le cas, il a souligné que la notification de cette commande avant la fin de le l'année était d'autant plus souhaitable que, dans l'hypothèse contraire, le niveau d'engagement des autorisations de programme en 2000 serait médiocre, ce qui ne pourrait que donner crédit aux argumentations qui mettent en cause la capacité du ministère de la Défense à dépenser les dotations dont il dispose. M. Michel Meylan a jugé que l'objectif des 30 % de réduction des coûts des programmes ne pourrait par ailleurs être atteint que si la DGA accentuait son effort sur la réduction de leurs délais de réalisation. Tel est le sens de la politique engagée aujourd'hui qui vise à réduire la durée de la phase de développement. A cet égard, un retard sur le programme M 51 irait à l'encontre de ce principe.

Le rapporteur pour avis a alors souligné que le nouveau projet de réforme des structures de la DGA visait à un meilleur contrôle des programmes. Il serait en effet question de centraliser la gestion de tous les programmes au niveau du délégué lui-même. Dans la mesure où la DGA souffre traditionnellement de l'extrême lourdeur de ses circuits de décision, il a estimé que ce raccourcissement de la chaîne ne pouvait qu'accroître son efficacité.

M. Michel Meylan a enfin évoqué les progrès de l'Europe de l'armement, notamment dans le cadre de l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR) où la DGA joue un rôle important. D'un côté, le nombre de pays candidats ne cesse de croître, ce qui se traduira par l'augmentation du nombre de programmes en coopération gérés par l'OCCAR. Les nouveaux programmes seraient en outre de grande ampleur, comme la frégate Horizon ou l'avion de transport futur. De l'autre, il faut bien constater, comme l'an dernier, que le processus de ratification de la convention permettant à l'OCCAR d'acquérir la personnalité juridique est toujours en cours en Italie et que, jusqu'à présent, le fonctionnement des programmes en coopération est plutôt laborieux. M. Michel Meylan a estimé que les décisions politiques liées à la constitution d'une force de projection européenne pouvaient le dynamiser.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté la situation des services de soutien interarmées que sont le service de Santé, le service des essences et la Délégation à l'information et à la communication de la Défense.

Il a indiqué que le service de Santé participait de plus en plus activement à toutes les opérations extérieures conduites par les armées. Ce soutien a nécessité en moyenne plus de 350 personnels médicaux et paramédicaux, contre 300 l'année dernière. Dans le cadre des opérations multinationales, il convient de signaler les coopérations croissantes que le service de Santé développe avec ses homologues des armées étrangères, principalement européennes. Il a toutefois indiqué que le prélèvement des personnels pour les besoins des opérations extérieures - notamment en ce qui concerne les infirmiers-techniciens des hôpitaux - continuait d'avoir des répercussions sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers, puisque ces militaires ne sont pas remplacés durant leur absence.

Il a noté que les effectifs du service de Santé continuaient la baisse entamée en 1997, se rapprochant ainsi de l'objectif de 13 500 personnes en 2002. Il a fait observer que les tensions qu'il avait signalées, il y a un an, dans les effectifs de médecins des armées, loin de s'atténuer, s'étaient plutôt aggravées malgré les mesures prises pour favoriser le recrutement. Ces mesures, qui concernent principalement l'augmentation du nombre des postes aux concours et le recrutement sur titres de médecins diplômés, apparaissent donc insuffisantes. Certes, ce n'est pas en un an que l'on peut apporter une solution à une situation déjà ancienne. Mais si l'on veut éviter le risque d'une pénurie de médecins militaires dans les années à venir, peut-être faudra-t-il vraiment aborder la question de la revalorisation de ce métier, notamment sur le plan financier, afin de le rendre plus attractif.

S'agissant de l'activité et des crédits du service des essences, les cessions de produits pétroliers aux armées ont augmenté de près de 9 % en 1999 par rapport à 1998 et les approvisionnements ont connu une hausse plus légère, de 0,9 %. Ils ont surtout progressé sur les théâtres d'opération. En métropole, la flambée des cours du baril et du dollar a obligé le service à ralentir ses achats, ce qui a entraîné une baisse des stocks, de 12 % entre janvier 1999 et janvier 2000 et de 19 % de janvier à juin 2000. M. Michel Meylan a indiqué que le service participait de façon importante et systématique au soutien pétrolier des forces en opérations extérieures. Il était actuellement présent dans plusieurs pays d'Afrique ainsi qu'en ex-Yougoslavie, où se trouvait le contingent le plus important, avec 270 hommes. Le total des effectifs projetés du service s'élève au 30 juin 2000 à 434, en augmentation de 13 % par rapport à l'année dernière, ce qui n'est pas sans créer des difficultés, notamment pendant la période hivernale et à l'occasion des relèves.

M. Michel Meylan a ajouté que le service des essences des armées serait entièrement professionnalisé en 2001, précisant que, pour compenser la disparition des appelés, le nombre des militaires du rang engagés progresserait en 2001 de 53 pour atteindre 831, la loi de programmation ayant fixé leur nombre à 850 en 2002.

Evoquant enfin la situation de la délégation à l'information et à la communication de la Défense (DICOD), créée en 1998 en remplacement du SIRPA, M. Michel Meylan a rappelé qu'elle était dirigée par un délégué civil, qui exerçait en outre les fonctions de porte-parole du Ministre et qu'elle relevait directement du Ministre de la Défense, dont elle avait pour mission de conduire la politique générale d'information et de communication.

Le budget de fonctionnement et d'infrastructure de la délégation - hors rémunérations et charges sociales - s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2001, à 89 millions de francs en crédits de paiement, en augmentation de 19,2 % par rapport au budget de 2000. Cette augmentation est principalement due à la réforme de l'établissement cinématographique et photographique des armées (ECPA), qui sera achevée en 2001 et donnera à cet établissement des moyens accrus. Comme le service de Santé, la DICOD doit faire face à l'extinction prochaine de la ressource en appelés hautement qualifiés dont elle disposait. En plus du recours à la sous-traitance, elle devra sans doute, pour remédier à ce déficit prévisible, étudier et mettre en place une filière d'experts en communication.

Au vu de l'ensemble de ces observations, M. Michel Meylan a proposé à la Commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs du ministère de la Défense pour 2001, indiquant qu'il s'abstiendrait à titre personnel.

M. René Galy-Dejean a indiqué que, comme le rapporteur, les membres du groupe RPR s'abstiendraient.

M. Guy-Michel Chauveau a regretté que, comme le rapporteur pour avis l'avait noté, un trop grand nombre de questions parlementaires reste encore sans réponse.

M. René Galy-Dejean s'est associé à cette observation.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs de la Défense pour 2001.

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