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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 novembre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2704) (M. François Lamy, rapporteur)

- Informations relatives à la Commission

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La Commission a procédé à l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2704).

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a d'abord exposé que le projet de loi de finances rectificative ouvrait au budget de la Défense 910 millions de francs au titre III. Il a précisé que ces ouvertures se décomposaient en 500 millions de francs pour couvrir un surcroît de dépenses lié au renchérissement des carburants, 210 millions de francs pour le fonctionnement de la Gendarmerie, au titre notamment du paiement des loyers, 100 millions de francs pour le solde des surcoûts dus aux opérations extérieures, 40 millions de francs pour les charges liées à la lutte contre les effets des intempéries du début de l'année et 60 millions de francs destinés à poursuivre l'apurement de la dette du ministère de la Défense envers la SNCF.

Il a relevé que ces 910 millions de francs s'ajoutaient aux 2,7 milliards de francs ouverts au titre III par le collectif de printemps, qui se décomposaient eux-mêmes en deux dotations, l'une de 2,46 milliards de francs destinée au financement des charges supplémentaires entraînées par la hausse du coût des carburants, notamment opérationnels ainsi que par les opérations extérieures, au titre des soldes et du fonctionnement, l'autre de 240 millions de francs accordée à la Gendarmerie.

Le rapporteur pour avis a souligné qu'au total, en 2000, le titre III serait abondé en exécution de 3 610 millions de francs.

Il a ensuite fait observer que la gestion du titre III ne devrait laisser subsister que de très faibles reports de charges, encore inférieurs à ceux de 1999, année d'exécution déjà particulièrement rigoureuse. Puis il a précisé que les dotations supplémentaires successives accordées en 2000 au titre des dépenses de carburant permettraient bien de réaliser le programme d'achat prévu, malgré les hausses de prix considérables intervenues au cours de l'année. Il a signalé que l'armée de l'Air notamment avait bien reçu les volumes de carburants nécessaires à son programme d'entraînement.

Abordant alors les dépenses en capital du ministère de la Défense, M. François Lamy a exposé que les abondements de crédits du titre III étaient plus que compensés par des annulations aux titres V et VI. En effet, 3 982 millions de francs d'annulations de crédits d'équipement sont associés au projet de loi. Compte tenu des 2 390 millions de francs d'annulations résultant de l'arrêté du 26 avril 2000, le total des crédits de paiement annulés aux titres V et VI sur l'exercice est de 6 372 millions de francs, soit 7,68 % de la dotation initiale.

Le rapporteur pour avis a souligné le caractère routinier pris par cette pratique. En effet, en 1999 9,35 milliards de francs de crédits de paiement des titres V et VI du budget de la Défense ont été annulés, en 1998 7,05 milliards de francs, en 1997 5,01 milliards de francs, en 1996 8,5 milliards de francs, en 1995 11,89 milliards de francs, en 1994 2,5 milliards de francs, sous forme de « mise en réserve » devenue par la suite définitive, en 1993 9,01 milliards de francs, et en 1992 5,2 milliards de francs. M. François Lamy a exposé qu'il avait borné là ses recherches, une période de dix ans lui paraissant attester suffisamment du caractère devenu habituel des annulations de crédits d'équipement au budget de la Défense.

Le rapporteur pour avis a ensuite fait observer que les annulations opérées dans le cadre du projet de loi s'accompagnaient de l'ouverture à la consommation des crédits de report de l'année précédente, d'un montant de 6,6 milliards de francs en début d'exercice. De la sorte, le montant des crédits d'équipement ouverts à la consommation ne paraissait pas mis en cause. M. François Lamy a cependant estimé qu'en réalité, les reports ne seraient pas consommés, ou de façon marginale, dans la mesure où l'exécution des crédits suivait un rythme sensiblement équivalent à celui de 1999, lui-même égal à celui de 1998. De fait, alors qu'en 1999 86 milliards de francs de crédits de paiement avaient été ouverts en loi de finances initiale aux titres V et VI, les crédits disponibles se sont établis à 75,6 milliards de francs, les dépenses n'ayant été que de 69 milliards de francs hors transferts. M. François Lamy a conclu qu'il fallait se résoudre à constater que les annulations de crédits de paiement en 2000 étaient la simple conséquence de l'état d'exécution des dépenses en capital au cours de l'année.

Il a considéré en conséquence qu'il convenait de s'interroger d'abord, non sur le niveau des crédits après annulations mais sur la conduite de la dépense d'équipement. A ce propos, il a présenté les éléments d'information qui lui avaient été communiqués, soulignant leur similitude avec ceux qu'il avait mentionnés lors de l'examen du précédent collectif budgétaire de fin d'année. Le gel des engagements en 1995 et 1996 pourrait continuer d'avoir des conséquences sur les paiements ; la DGA a encore connu d'importantes difficultés de consommation des crédits pendant la première partie de l'année, avec l'entrée en service du logiciel Nabucco, qui a bloqué les paiements pendant près de six mois. Parmi les autres facteurs pouvant concourir à une situation où des crédits votés sont laissés sans emploi, le rapporteur pour avis a mentionné les baisses de coûts négociées par la DGA, mais aussi la surdotation chronique de certains articles, repérée par la Cour des Comptes, et enfin des retards dans la réalisation des principaux programmes internationaux dus soit à la difficulté pour les partenaires de s'entendre sur les délais et les spécifications, soit à des obstacles techniques. Il a souligné que la Cour des Comptes, dans son rapport sur l'exécution du budget de 1999, a signalé des retards d'exécution pour six programmes réalisés ou envisagés en coopération internationale, dont les frégates Horizon, le VBCI et les hélicoptères Tigre et NH 90.

Il a alors indiqué qu'il s'en tiendrait là, se bornant à espérer une clarification progressive de la situation, sachant que la Cour des Comptes conclut elle-même qu'« il reste très difficile d'apprécier les conséquences de la gestion budgétaire sur le contenu physique du titre V », faute notamment de documents suffisamment précis.

M. François Lamy a ensuite abordé les dotations en autorisations de programme du ministère de la Défense prévues par le projet de loi de finances rectificative. Il a indiqué qu'après le redéploiement de 6,87 milliards de francs d'autorisations de programme opéré par le collectif de printemps pour financer la commande de 27 hélicoptères NH 90, le projet de loi de finances rectificative comportait bien les ouvertures annoncées par le Ministre de la Défense pour la commande d'appareils A 400 M.

Il a précisé le dispositif adopté : 20 milliards de francs d'autorisations de programme sont mis en place, correspondant à la moitié des montants nécessaires pour la commande de 50 A 400 M. Le programme A 400 M figurant au chapitre 53-81, 18 044 millions de francs d'autorisations de programme sont ouverts en vue de son financement au sein de ce chapitre, sur un montant total d'ouvertures nouvelles de 18 194 millions de francs. En outre, une dotation de 1 956 millions de francs est redéployée au sein du chapitre 53-81, également en faveur de l'A 400 M. Correspondant à des redéploiements internes au chapitre, cette somme n'apparaît que dans l'exposé des motifs du projet de loi. Enfin 3 111 millions de francs d'autorisations de programme sont redéployés grâce à des annulations sur les autres chapitres du titre V, à l'exception du chapitre 51-71 relatif aux forces nucléaires. Au bout du compte, la dotation ouverte pour l'A 400 M se décompose en 15,082 milliards de francs d'autorisations de programme nouvelles, 3,111 milliards de francs de redéploiements entre chapitres et 1,956 milliard de francs de redéploiement interne au chapitre 53-81.

Le rapporteur pour avis a observé que, sur les 5,067 milliards de francs d'autorisations de programme ainsi redéployés, 3,95 concernaient des programmes gérés par l'armée de l'Air, le milliard de francs restant concernant la Marine et, surtout, l'armée de Terre.

Il a aussi exposé qu'on ne pouvait encore préciser les réalisations physiques représentées par ces montants, le contrat n'étant pas signé.

Enfin, il a indiqué que le solde des autorisations de programme nécessaires serait mis en place lors de la signature du contrat, au premier trimestre 2001.

M. François Lamy a alors fait le point sur les opérations extérieures conduites en 2000. Il a indiqué qu'aux termes des données transmises par le ministère de la Défense, leur surcoût total était de 3,3 milliards de francs dont 2,9 milliards de francs pour le titre III et 387 millions de francs pour le titre V. Si l'on retranchait de ces sommes les missions exceptionnelles accomplies par la Gendarmerie dans les départements et territoires d'outre-mer, qui suivent le traitement budgétaire des opérations extérieures, sans relever de cette catégorie, le surcoût était de 3,24 milliards de francs, soit 2,85 milliards de francs au titre III et 382,5 millions de francs au titre V.

Le rapporteur pour avis a précisé que ce surcoût était en diminution de 1,38 milliard de francs par rapport à 1999, en raison, non pas d'une diminution du nombre des opérations mais de la réduction des tensions dans les Balkans. En effet, en 2000, l'opération du Kosovo aura représenté 1,55 milliard de francs de surcoûts, contre 2,89 en 1999, et celle de Bosnie-Herzégovine 931 millions de francs contre 1,03 milliard de francs l'année précédente. En revanche, les surcoûts dus aux opérations en Afrique augmentent un peu, pour des raisons liées à l'opération Khor-Angar à Djibouti ; l'interpénétration de cette opération avec les missions assurées par les forces prépositionnées à Djibouti rend cependant difficile l'évaluation rigoureuse de son surcoût.

M. François Lamy a jugé qu'au total, les opérations extérieures étaient marquées en 2000 par une continuité forte, dans le cadre d'une baisse d'intensité des tensions dans les Balkans.

Il a alors exposé que l'essentiel des opérations extérieures était toujours constitué par les missions des Balkans qui donnaient lieu aux trois quarts des surcoûts et mobilisaient les quatre cinquièmes des effectifs déployés avec 8 976 militaires sur 11 083. La KFOR, auprès de laquelle le rapporteur pour avis a mené une mission d'information en avril dernier, mobilise 5 800 militaires, soit plus de la moitié des soldats en opérations extérieures. La France fournit aussi 73 gendarmes à la MINUK. Quand à la SFOR en Bosnie-Herzégovine, elle poursuit sa réduction de format, décidée en 1998 devant l'apaisement de la situation. La force comprend 21 000 militaires désormais, au lieu de 31 000 en 1999 et compte un peu moins de 3 200 Français. Le rapporteur pour avis a rappelé qu'au Kosovo la France avait la charge de la Brigade multinationale Nord et en Bosnie-Herzégovine celle de la Division multinationale Sud-Est. Il a souligné que si, pour ces deux opérations, les questions politiques étaient loin d'être réglées, l'action de maintien de la paix était efficace et que les soldats français pouvaient être fiers de leur _uvre.

Il a ajouté qu'en Bosnie-Herzégovine, outre sa participation à la SFOR, la France était présente dans deux petites opérations qui n'en étaient pas dissociables, la mission d'observation de l'Union européenne, placée sous l'égide de l'OSCE, à laquelle notre pays fournit 30 observateurs (sur 300) et la mission dirigée par l'ONU de formation de la police, la MINUBH-GIP. La France affecte à cette mission de l'ONU une centaine de gendarmes sur un effectif total de 1 580 environ, effectif qui diminue parallèlement avec celui de la SFOR.

Enfin, M. François Lamy a signalé la petite mission, créée par l'UEO, de formation de la police albanaise, à laquelle la France affecte 25 gendarmes sur un effectif global de 150. Il a précisé que cette mission a été reconduite jusqu'en décembre 2000 et qu'il appartiendra à l'Union européenne de la reprendre si elle le souhaite.

Le rapporteur pour avis a alors exposé que les opérations en Afrique constituaient, comme en 1999, le second élément des opérations extérieures, avec 1 465 militaires, hors forces prépositionnées, et 576,7 millions de francs de surcoûts. Elles mobilisent 13 % des forces en opérations extérieures et sont source de 17,8 % de leur surcoût total. M. François Lamy a relevé que, dans ce domaine également, il n'y avait guère d'évolution depuis 1999, puisque 98 % des surcoûts restaient représentés par quatre opérations, la mission Corymbe, de présence continue d'un navire de guerre dans le Golfe de Guinée, et les trois missions d'assistance bilatérale que sont les opérations Khor-Angar, de renforcement du dispositif français à Djibouti devant les menaces éventuelles pouvant résulter de tensions entre l'Ethiopie et l'Erythrée, Epervier au Tchad, qui s'apparente à un dispositif prépositionné, et Aramis au Cameroun, mission de 70 personnels environ assurant des tâches d'assistance militaire, dont le Chef d'état-major des Armées a indiqué la nature à la Commission au cours d'une précédente audition.

Précisant que le reste des moyens affectés aux opérations extérieures en Afrique représentait 68 hommes et 12,7 millions de francs de surcoûts, le rapporteur pour avis a indiqué qu'ils correspondaient à la participation française à des missions multinationales, soit de maintien de la paix, soit d'observation. La France a ainsi fourni 3 officiers de liaison à la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) pour témoigner de son intérêt pour cette force de plus de 12 000 militaires. En outre, compte tenu des difficultés de la MINUSIL, 30 hommes ont été spécialement mobilisés pendant un mois et demi pour l'extraction éventuelle des officiers français en Sierra Leone, dans le cadre de l'opération Sloughi au Sénégal.

Quant aux missions d'observation, elles comprennent la participation française pour 25 observateurs sur 311 à la MINURSO, déployée au Sahara Occidental depuis 1991, ainsi que la contribution de la France au Bureau d'observation des Nations Unies en République Centrafricaine (BONUCA), mis en place à la suite du bon déroulement de la MINURCA. M. François Lamy a également mentionné la participation de la France à la MONUC en République démocratique du Congo, où 3 militaires français ont pour tâche principale de préparer le déploiement d'une partie des contingents d'une éventuelle opération plus ambitieuse.

Le rapporteur pour avis a ajouté que les Forces françaises de l'océan Indien avaient participé à quatre opérations humanitaires de quelques jours, deux au Mozambique pour lutter contre des inondations et deux à Madagascar pour assister les populations victimes de cyclones.

Il a alors considéré qu'on ne saurait conclure sur l'Afrique sans relever les propos suivants, tenus par le Général Jean-Pierre Kelche devant la Commission à propos de la présence militaire française en Côte d'Ivoire : « les missions dévolues aux forces françaises en Côte d'Ivoire excluent toute intervention de maintien de l'ordre. L'attitude française n'a pas fait l'objet de critiques de la part des gouvernements africains qui savent que la France n'a aucun projet d'intervention à des fins de maintien de l'ordre. Elle est conforme à l'accord de défense conclu en 1961 avec la Côte d'Ivoire et connu du Parlement ».

Il a fait valoir à cet égard qu'il existait une autre convention, conclue en 1961 avec la Côte d'Ivoire, relative au maintien de l'ordre, dont la teneur était inconnue du Parlement. Précisant qu'elle était mentionnée, avec deux autres conclues avec le Gabon et le Tchad dans le rapport d'information sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures qu'il avait présenté à la Commission et remarquant que des clauses de cette nature pourraient figurer dans d'autres accords secrets, il a ajouté que la validité de ces conventions suscitait parfois les interrogations des spécialistes. Elles ont, en effet, été conclues avec des Etats qui avaient, à l'époque de leur entrée en vigueur, un lien institutionnel très fort avec la France, sous la forme d'une appartenance commune à la « Communauté », qui faisait l'objet de 11 articles de la Constitution de 1958, abrogés en 1995, et dont le président était le Président de la République française. On peut dès lors se demander si leur validité peut perdurer dans le contexte de la disparition de la Communauté. M. François Lamy a alors rappelé les propos tenus par le Chef d'état-major des Armées devant la Commission, faisant état d'un consensus entre les parties pour considérer que la France n'a pas de mission de maintien de l'ordre en Afrique. Puis il s'est demandé si les propos du Chef d'état-major des Armées signifiaient que les dispositions relatives au maintien de l'ordre de certaines conventions passées avec des pays africains étaient frappées de caducité et laissé la réponse à l'appréciation de la Commission, tout en indiquant qu'il se promettait d'approfondir cette question dans les prochains mois.

Le rapporteur pour avis a enfin évoqué les autres opérations extérieures conduites par la France, soulignant qu'elles impliquaient des montants et des effectifs beaucoup plus modestes. Le Moyen-Orient correspond à un peu plus de 3 % des moyens. Les missions n'y ont pas changé. Elles mobilisent 466 hommes, dont 261 pour la FINUL, et 180 pour l'opération Alysse de surveillance aérienne de l'Irak. L'opération Alysse, dont les vols opérationnels sont suspendus depuis deux ans, et pour une durée indéterminée, peut être considérée comme pratiquement sans signification désormais, même si elle fait toujours intervenir 165 militaires. M. François Lamy a rappelé, en revanche, que le Chef d'état-major des Armées s'était déclaré, devant la Commission, préoccupé par la situation de la FINUL, sous-dimensionnée pour accomplir son mandat, et surdimensionnée pour ses tâches actuelles, dans un environnement mouvant et difficile. Il a estimé que, compte tenu de l'évolution de la situation en Israël et dans les territoires palestiniens et de ses répercussions possibles au Liban, l'emploi de la FINUL par l'ONU devrait être suivi de très près, y compris par les autorités politiques, jugeant qu'il ne faudrait pas s'interdire de réexaminer, si nécessaire, les modalités de la présence de la France au sein de cette force.

Il a ensuite indiqué que la France avait renouvelé sa participation de quelques observateurs à la MONUG, en Géorgie, qu'elle ne contribuait que pour trois officiers de liaison à l'ATNUTO, au Timor et que l'engagement français dans la mission de formation de la police en Haïti (MIPONUH), avait pris fin avec cette mission le 15 mars 2000.

Enfin, il a observé que se poursuivaient toujours trois missions spécifiques de protection des ambassades de France en Algérie, au Congo et en République Centrafricaine, avec 146 militaires.

Achevant sa présentation, le rapporteur pour avis a souligné l'insuffisance des moyens de contrôle dont dispose le Parlement pour prendre des décisions informées en matière d'opérations extérieures. Il a d'abord rappelé que, dans le rapport d'information qu'il avait présenté sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, il avait proposé qu'un « jaune » budgétaire, annexé au projet de loi de finances initiale, éclaire le Parlement en précisant les caractéristiques de chaque opération, les conditions de sa création, son déroulement sur l'année, et les moyens en hommes et en matériels requis, mais aussi l'imputation budgétaire de ces moyens, par chapitre et par article. Il a souligné que les armées connaissaient ces montants et leurs imputations, puisqu'elles doivent les identifier pour bénéficier des ouvertures de crédits correspondantes ; en revanche, le Parlement ne saurait les retrouver dans les documents budgétaires, puisque le « bleu » ne comporte aucune ligne relative aux opérations extérieures et que les dépenses de rémunérations supplémentaires pour séjour à l'étranger sont dispersées au sein du chapitre 31-31, parmi les rémunérations principales, alors que celles relatives au fonctionnement sont fondues au sein des crédits des chapitres 34-03 à 34-06, relatifs au fonctionnement courant.

M. François Lamy a fait valoir qu'en l'absence de ces précisions, il était impossible de mettre en question nommément une opération à l'occasion du vote des crédits qui lui sont relatifs, alors même que le Parlement n'a pas été consulté sur sa création. Il a conclu qu'on ne saurait dans ces conditions dépasser la situation actuelle, qu'on ne peut considérer comme satisfaisante.

Il a alors fait observer que le Ministre de la Défense était bien conscient de la nécessité d'une amélioration en ce domaine, puisque, proposant des mesures nouvelles lors d'un point de presse fait le 2 février 1999, il déclarait : « nous établirons un rapport annuel au Parlement sur les opérations extérieures de la dernière année, présentant les moyens engagés dans ces opérations et une analyse des situations dans leurs zones de déroulement. Ce rapport sera situé dans l'année de sorte que, lors du collectif de la loi de finances en novembre et décembre, durant lequel le Parlement émet un vote pour autoriser les crédits exceptionnels couvrant les charges des opérations extérieures, il puisse y avoir un débat parlementaire fondé sur ce rapport ».

M. François Lamy a également estimé que le seul contrôle exercé lors de l'examen de la loi de finances rectificative de fin d'année était lui-même trop limité. En effet, par son vote, l'Assemblée nationale autorise des dépenses pour des services déjà faits et pour lesquels les militaires ont en tout état de cause droit à rémunération. De plus, sur un plan budgétaire, c'est la difficulté à dépenser les crédits d'équipement qui permet le facile règlement a posteriori des surcoûts des opérations extérieures. Il s'est demandé ce qu'il adviendrait le jour où, en raison notamment d'une meilleure entente internationale sur les programmes en coopération, d'une proportion plus forte de fabrications dans les dépenses d'équipement, voire d'une évaluation plus stricte des dotations en fonction des dépenses constatées les années précédentes, les annulations de crédits sur les titres V et VI ne permettraient plus aussi facilement de gager les ouvertures au titre III.

M. François Lamy a, à ce propos, rappelé que les dispositions de la circulaire de 1984 relative au financement des opérations extérieures prévoyaient qu'elles soient financées d'abord par des économies. Il en a déduit que, si les crédits d'équipement devaient être calculés plus strictement chaque année, c'est la livraison effective des matériels, ou l'entraînement des forces, qui devraient gager les surcoûts des engagements à l'extérieur : l'équipement et l'entraînement seraient alors d'autant moins satisfaisants que les engagements seraient importants et nombreux.

Il a conclu que, pour ces raisons, il convenait que les crédits consacrés aux opérations extérieures soient clairement identifiés dès la loi de finances initiale sur des chapitres spécifiques, chaque opération importante faisant l'objet d'un article. Il a estimé qu'une règle pourrait être fixée pour la détermination de ces dotations, les montants ainsi identifiés pouvant par exemple correspondre à la moyenne des dépenses des trois années précédentes. Les dispositions actuelles sur les lois de finances le permettent. La réforme en cours de l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances, si elle instaure la notion de « programme », devrait pouvoir l'autoriser également. M. François Lamy a considéré qu'une telle mesure relèverait d'une saine gestion et qu'elle recueillerait sans doute l'aval des Armées. Il a à ce propos rappelé que le Chef d'état-major des Armées avait exposé à la Commission que : « toute mesure contribuant, dès la loi de finances initiale, à une clarification du financement des opérations extérieures est souhaitable, sous réserve qu'elle n'obère pas le titre III et ne diminue pas les ressources nécessaires au fonctionnement et à l'entraînement des armées. L'inscription d'une provision destinée au financement des opérations extérieures ne peut donc être envisagée qu'en supplément de l'enveloppe affectée au titre III ». M. François Lamy a également fait valoir que l'identification en loi de finances initiale des dépenses d'opérations extérieures constituerait une mesure d'amélioration de la décision publique, puisqu'elle donnerait au Parlement un instrument adéquat pour consentir ou non les crédits correspondants. Le Parlement pourrait ainsi, en attendant des dispositions plus ambitieuses relatives aux conditions de création des opérations extérieures, exercer un contrôle annuel effectif sur leur poursuite, comme il en a le droit et le devoir.

Le rapporteur pour avis a alors proposé à la Commission de voter une observation demandant d'une part, que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un « jaune » budgétaire détaillé, comportant une imputation précise des crédits consacrés aux opérations extérieures, d'autre part, qu'une partie significative des opérations extérieures soit financée dès la loi de finances initiale, sur des chapitres et articles spécifiquement consacrés à ces opérations.

Il a ensuite proposé à la Commission de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative.

Le Président Paul Quilès a observé qu'il s'agissait de propositions récurrentes de la Commission et souhaité qu'elles se traduisent en actes.

Après avoir remarqué que le montant des autorisations de programme nouvelles ouvertes au titre du programme A 400 M restait sensiblement inférieur aux besoins, M. René Galy-Dejean a comparé les redéploiements de dotations opérés pour les compléter à l'exercice délicat que représente l'étalement de la pâte à tarte. Il s'est alors interrogé sur les trous que ces redéploiements pourraient faire apparaître dans les budgets des Armées. Puis il a demandé au rapporteur de préciser les modalités exactes de l'opération de financement du programme A 400 M.

M. François Lamy a précisé que, sur les 20 milliards de francs d'autorisations de programme affectés au financement de l'A 400 M, 15 milliards de francs étaient constitués d'autorisations de programme nouvelles, les 5 restants étant liés à des redéploiements d'autorisations de programme existantes. Il a expliqué que le contrat étant toujours en cours de négociation, il n'était pas possible à ce jour de connaître précisément l'utilisation des autorisations de programme destinées au programme A 400 M.

M. René Galy-Dejean a estimé qu'en dépit de la présentation habile qu'en avait faite le rapporteur pour avis, de nombreuses critiques à l'égard du projet de collectif pouvaient être relevées dans son exposé. Il a admis que certaines mesures préjudiciables à la Défense étaient liées à des pratiques anciennes, qui se poursuivaient. Il a observé par ailleurs qu'il était peu probable que les 6,6 milliards de francs de crédits reportés sur 2000 puissent être consommés et souligné que les réformes menées au sein du ministère de la Défense n'avaient pas mis un terme aux dysfonctionnements dont il souffrait. Il a mentionné à cet égard le fait que le refroidissement des engagements des années 1995-1996 ait encore des conséquences en 2000 sur le montant des mandatements. Il a également jugé inadmissible que l'installation d'un nouveau logiciel se traduise par un blocage des paiements de 6 mois, particulièrement dommageable aux sous-traitants des grandes entreprises de défense, soulignant qu'il n'était pas anormal, dans de telles conditions, que le ministère de la Défense ne soit pas en mesure de consommer les crédits qui lui sont accordés. Il a à cet égard observé qu'il était physiquement impossible pour le contrôleur financier de viser l'ensemble des mandats en souffrance dans les derniers mois de l'année puis jugé préoccupantes les données de l'exécution des crédits en 1999 (86 milliards de francs ouverts en loi de finances initiale, 75 milliards de francs engagés et 69 milliards de francs dépensés). Au vu de l'ensemble de ces observations, il a fait savoir que le groupe RPR se prononcerait contre le projet de loi de finances rectificative.

M. Jean Briane s'est demandé si la proposition du rapporteur tendant à inscrire au titre III du budget de la Défense une dotation couvrant une part substantielle du coût des opérations extérieures avait de réelles chances d'être suivie d'effets, rappelant qu'il s'agissait d'un v_u formulé depuis déjà plusieurs années.

M. André Vauchez a regretté l'insuffisance d'information de la Commission sur le contenu des accords de défense liant la France aux pays africains et demandé si un rapport d'information ne pourrait pas éclairer davantage le Parlement en ce domaine. Il a, par ailleurs, attiré l'attention sur les possibilités d'information et d'échanges de vues avec des personnalités africaines qu'offrait la coopération décentralisée.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a apporté les éléments de réponse suivants :

- la réflexion sur la modification de l'ordonnance de 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ainsi que l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire créent un climat favorable à une amélioration des dispositions financières relatives aux opérations extérieures ;

- une liste des conventions liant la France à des pays africains est communiquée au Parlement et publiée notamment dans l'avis budgétaire annuel de la Commission sur les crédits des affaires étrangères mais le contenu de certains de ces textes est secret. Il n'est pas exclu par ailleurs que l'existence même d'autres accords secrets ne soit pas connue du Parlement. S'agissant des conventions comportant certaines dispositions relatives au maintien de l'ordre, l'argument traditionnel selon lequel leur publication pourrait favoriser une surenchère de la part des partenaires africains de la France n'est plus recevable dès lors qu'il a été décidé de ne plus les appliquer.

Par ailleurs, le rôle de protection et d'éventuelle évacuation des ressortissants européens dévolu aux forces prépositionnées en Afrique n'est pas sans susciter des interrogations, compte tenu du nombre de personnes concernées.

M. René Galy-Dejean a demandé si un changement de l'attitude de la France en Afrique pouvait être confirmé.

Le Président Paul Quilès a souligné qu'une évolution de la politique de coopération de la France avec les pays africains dans le domaine de la défense et de la sécurité pouvait être observée. Il a par ailleurs observé qu'un affichage brutal de la caducité de l'ensemble des dispositions des conventions passées avec les pays africains en matière de défense pourrait être source de difficultés. Il a alors fait valoir que l'application concrète d'une politique revêtait au moins autant de signification qu'une proclamation de principes généraux.

A propos de la proposition d'observation présentée par le rapporteur pour avis, M. René Galy-Dejean a regretté que le financement des opérations extérieures ne soit pas pris en compte par la loi de finances initiale et n'apparaisse que dans les collectifs budgétaires, pratique qui retirait beaucoup de leur signification aux votes du Parlement dans le cadre de la discussion budgétaire annuelle.

Il a alors considéré que l'approbation donnée par le Parlement, en loi de finances rectificative, aux dépenses relatives à des opérations extérieures ne devrait concerner que des opérations exceptionnelles survenant en cours d'exercice et non pas des opérations dont le cadre est déjà créé. A cet égard, il a rappelé le souhait formulé en ce sens par le Président de la République. Sous cette réserve, M. René Galy-Dejean a approuvé au nom du groupe RPR la proposition d'observation du rapporteur pour avis.

M. Robert Gaïa, après s'être déclaré pleinement d'accord avec la proposition d'observation, a fait valoir que le renforcement du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures supposait également de modifier l'article 35 de la Constitution, de manière à prévoir une saisine du Parlement lors de l'engagement des forces en dehors du territoire de la République.

La Commission a alors adopté à l'unanimité la proposition d'observation du rapporteur pour avis.

Elle a ensuite émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative, le groupe RPR votant contre.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé M. Robert Gaïa rapporteur d'information sur les actions civilo-militaires.

La Commission a également nommé M. Michel Dasseux rapporteur d'information sur l'externalisation de certaines tâches relevant du ministère de la Défense.

Dans le cadre des orientations du rapport d'information de MM. Bernard Grasset et Charles Cova sur les actions destinées à renforcer le lien entre la Nation et son armée et à la suite du débat tenu au cours de la séance précédente avec la participation notamment de M. Charles Cova, la Commission a décidé d'établir un programme des missions qu'elle conduira dans les unités des armées au cours du printemps 2001.

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