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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 mai 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen de la proposition de résolution (n° 2865) de M. Pierre Cardo et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les procédures et le contrôle des ventes et livraisons d'armes (M. André Vauchez, Rapporteur)

- Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné sur le rapport de M. André Vauchez, rapporteur, la proposition de résolution (n° 2865) de M. Pierre Cardo et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les procédures et le contrôle des ventes et livraisons d'armes.

M. André Vauchez a d'abord souligné que, comme l'avait relevé le rapport de la mission d'information de la Commission sur le contrôle des exportations d'armement, publié l'an dernier, les exportations d'armement n'avaient jamais cessé en France de susciter des interrogations. Les exportations d'armement sont en effet perçues comme un élément d'action sur les relations entre les Etats. La révélation brutale de leur existence, dans des cas où elles n'étaient pas soupçonnées, ne laisse jamais indifférents les Français, qui y voient facilement la mise en _uvre d'une politique dont ils ont été tenus à l'écart. Le rapporteur a cité à ce propos les réactions devant les cessions faites au Rwanda, et de façon générale, devant les acquisitions d'armes par ce pays entre 1990 et 1994. Il a également évoqué les réactions entraînées par les récentes révélations d'achats de matériel de guerre par le Gouvernement angolais par l'intermédiaire du courtier Pierre Falcone.

Il a alors présenté la proposition de résolution (n° 2865) visant à créer une commission d'enquête sur les procédures et le contrôle des ventes et livraisons d'armes à l'étranger.

Exposant que cette initiative visait à éclaircir notamment les conditions et les modalités d'organisation des ventes et livraisons d'armes à l'étranger ainsi que les moyens de contrôle mis à la disposition de l'administration et du Parlement, il a constaté qu'elle avait bien pour objet de recueillir des éléments d'information sur le fonctionnement des services publics et donc qu'elle satisfaisait à la première condition de recevabilité posée par la loi pour la constitution d'une commission d'enquête.

Il a en revanche exposé que le Garde des Sceaux avait fait connaître que diverses poursuites judiciaires relatives à des ventes d'armes à l'étranger étaient actuellement en cours, notamment dans le ressort des Cours d'appel de Paris, Toulouse, Versailles et Bourges.

Il a alors souligné que l'une des procédures en cours, eu égard tant à ses protagonistes qu'à certains des chefs de mise en examen, pourrait entraîner des risques de difficultés juridiques réelles pour le fonctionnement d'une commission d'enquête parlementaire dans la partie du champ d'investigation envisagé par la proposition de résolution relative au rôle de la « cellule africaine de la Présidence de la République entre 1981 et 1995 ». Il en a conclu que, si la commission d'enquête était créée, elle devrait porter sur les autres questions mentionnées par la proposition de résolution, à savoir les conditions et les modalités d'organisation des ventes d'armes à l'étranger ainsi que les moyens de contrôle de l'administration et du Parlement.

Le rapporteur a alors fait remarquer que c'est bien ce travail d'investigation qui avait été réalisé par la mission d'information de la Commission sur le contrôle des exportations d'armement conduite par MM. Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veyret.

Il a rappelé le contenu du travail de la mission d'information tel qu'il ressortait de son rapport publié le 25 avril 2000. La mission a entendu en 27 séances d'audition l'ensemble des intervenants du secteur : administration, industriels, ONG, universitaires. S'étant fixé pour objectif d'abord de donner une information complète sur les procédures et les règles en vigueur, elle a présenté les dispositions législatives applicables, le mécanisme des décisions et les prérogatives de chaque administration concernée. Découvrant au cours de ses travaux les premiers éléments de la constitution de l'Europe de l'armement, elle en a également décrit les mécanismes et les enjeux. Enfin, elle a réfléchi sur les conditions permettant une meilleure information des citoyens et un meilleur contrôle de la représentation nationale sur les exportations d'armement et élaboré plusieurs propositions à ces fins.

Evoquant ensuite l'accueil qui avait été fait à ce travail, le rapporteur a rappelé que la Commission, comme ses comptes rendus l'attestent, en avait salué la qualité. Il a ajouté que, de façon significative, tel avait aussi été le cas à l'extérieur de l'Assemblée nationale puisque, par exemple la Lettre de l'Observatoire des Transferts d'Armement, ONG travaillant sur ces questions, indiquait notamment, dans son numéro 22 de juin 2000 consacré spécialement au rapport de la mission d'information, à propos de la description des procédures : « on saura gré à la mission parlementaire d'avoir débrouillé l'écheveau » de la « mécanique de contrôle » et concluait ainsi : « le rapport de la mission parlementaire contribuera certainement à introduire davantage de transparence dans le processus de contrôle et de soutien aux exportations d'armement de la France ».

M. André Vauchez a jugé qu'on pouvait dès lors considérer que le travail de description des acteurs, ainsi que du régime et des procédures de contrôle demandé par la proposition de résolution avait d'ores et déjà été fait, et bien fait.

Le rapporteur s'est alors interrogé sur les autres motifs présentés par la proposition de résolution à l'appui de la demande de création d'une commission d'enquête. Observant qu'il s'agissait en fait des insuffisances et lacunes relevées et étudiées par le rapport de la mission d'information (question du blocage sur le sol français des matériels déjà dédouanés en cas d'embargo subit, régime des cessions gratuites d'armement, contrôle du courtage et de l'activité de certaines sociétés comme la Société française d'exportation du ministère de l'intérieur (SOFREMI)), il a estimé qu'une des justifications de la commission d'enquête demandée pourrait être de proposer des mesures destinées à y remédier.

Il a cependant noté que sur deux des points signalés par la proposition de résolution, des réponses avaient déjà été formulées par le rapport de la mission d'information. Ce rapport a, en premier lieu, présenté les mesures prises par le SGDN, à la suite de l'affaire du Rwanda notamment, pour mieux suivre les matériels jusqu'à leur sortie de France, même après leur dédouanement, de façon à pouvoir appliquer un éventuel embargo, y compris à des matériels déjà dédouanés. La mission d'information a, en second lieu, fait ressortir que le régime du décret-loi du 18 avril 1939 s'appliquait aux armes quel que soit le statut du vendeur. La SOFREMI est donc soumise au droit commun et les armes exportées de France par cette société doivent être munies d'une autorisation accordée par la Commission interministérielle pour l'étude de l'exportation des matériels de guerre (CIEEMG), comme les autres. Le rapporteur a précisé à ce propos que seuls échappaient à la CIEEMG les matériels non classés matériels de guerre et notamment certains matériels de maintien de l'ordre pour lesquels, comme le précisait du reste le rapport de la mission d'information, un régime particulier était en cours d'élaboration dans le cadre de l'Union européenne.

Il a par ailleurs fait observer que, si la mission d'information de la Commission s'était d'abord préoccupée de transparence, elle avait également proposé l'audition annuelle des ministres des affaires étrangères et de la défense par les Commissions chargées de ces questions, suivie d'un débat en séance publique.

Il a alors rappelé qu'un premier progrès en ce sens avait été accompli, avec l'audition le 25 avril dernier par la Commission du ministre de la Défense, sur la question spécifique des exportations d'armement. Il a souligné que cette audition, qui n'avait pas vocation à rester unique, avait été l'occasion d'une présentation globale de l'action du Gouvernement en matière d'exportation d'armements.

Il a noté qu'un tour d'horizon très complet avait été effectué sur cette question au cours de l'audition du Ministre et que deux lacunes mentionnées par la proposition de résolution, concernant le régime des cessions gratuites et le contrôle du courtage, y avaient été évoquées.

Le rapporteur a rappelé qu'au cours de son audition par la Commission, le Ministre avait notamment indiqué, s'agissant des cessions gratuites d'équipement, qu'elles étaient intégralement soumises à un accord interministériel dans le cadre de la CIEEMG, préalablement à toute livraison. S'agissant du contrôle des opérations de courtage, le Ministre a exposé qu'il était indispensable d'aller également vers leur meilleur contrôle. Le rapporteur a ajouté que le Ministre avait alors décrit les mesures réglementaires préparées par le Gouvernement pour faciliter l'identification des courtiers et le contrôle a posteriori des opérations de courtage et d'intermédiation. Il a également souligné que le Ministre avait présenté à la Commission les projets de dispositions législatives qu'il élaborait en matière de contrôle a priori, pour permettre à l'administration d'interdire une opération de courtage ou de soumettre sa réalisation à des conditions particulières. Il a rappelé que ce texte devait définir des régimes d'autorisation préalable, de déclaration et de sanctions pénales pour les courtiers et contenir un régime de sanctions pénales applicables en cas de violation des embargos.

Le rapporteur a conclu qu'une réponse avait d'ores et déjà été donnée aux préoccupations des auteurs de la proposition de résolution, l'une des insuffisances qu'ils avaient signalées - le régime des cessions gratuites - ayant été corrigée et des mesures visant à remédier à l'autre (le contrôle du courtage) étant en cours de préparation.

En conclusion, le rapporteur a considéré que les résultats des travaux de la mission d'information de la Commission sur le contrôle des exportations d'armement, assortis du processus d'audition annuelle du Gouvernement mis en _uvre à la suite de ses propositions, satisfaisaient pleinement la partie juridiquement recevable des demandes de la proposition de résolution n° 2865. Il a en conséquence proposé à la Commission de rejeter cette proposition de résolution.

Le Président Paul Quilès, après avoir souligné la qualité de l'analyse du rapporteur, s'est rangé à ses conclusions. La commission d'enquête demandée lui a paru inutile et susceptible d'introduire de la confusion dans un débat qui devait rechercher d'abord la transparence. Il a souligné que le travail accompli par la mission d'information sur le contrôle des exportations d'armement avait été largement reconnu, au-delà même du Parlement, comme une étude de grande portée, jusqu'alors sans précédent. Il a jugé que l'Assemblée nationale et la Commission devaient poursuivre la démarche sérieuse qu'elles avaient engagée et qui avait conduit le Gouvernement à instaurer des modalités d'information du Parlement, sans doute perfectibles mais qui représentaient un indéniable progrès par rapport au passé.

M. Robert Poujade a relevé une certaine incohérence dans l'exposé des motifs de la proposition examinée par la Commission en remarquant qu'il lui paraissait contradictoire d'invoquer d'une part l'opacité du système français de contrôle des exportations d'armement et d'autre part, de l'assimiler à une « boîte noire », appareil électronique qui répond à un besoin de transparence, puisqu'il a pour finalité, en matière de navigation aérienne, d'enregistrer un grand nombre de données en vue de permettre une connaissance exacte du déroulement du vol.

M. Jean-Claude Sandrier s'est déclaré en plein accord avec les conclusion du rapporteur, soulignant que l'exposé des motifs de la proposition de résolution lui paraissait insuffisamment fondé dans ses développements relatifs à des imputations de fraudes ou d'infractions à la réglementation. Il a ajouté que les mécanismes français de contrôle ne présentaient pas de caractère secret et qu'en tout état de cause, on ne pouvait pas tirer argument de l'existence de pratiques illégales pour les remettre en cause. Il a observé à ce propos que les activités illégales qui, par nature, visaient à échapper à toute surveillance ne se contrôlaient pas mais qu'elles se combattaient.

La Commission a alors rejeté la proposition de résolution (n° 2865) de M. Pierre Cardo et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les procédures et le contrôle des ventes et livraisons d'armes, M. Antoine Carré s'abstenant au nom du groupe Démocratie Libérale.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur d'information sur l'aéronautique navale.

Elle a également désigné comme membres d'une mission d'information sur l'entretien de la flotte MM. Charles Cova, président, Jean-Noël Kerdraon, rapporteur, Antoine Carré, Robert Gaïa et Jean-Yves Le Drian.


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