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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE
ET DES FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU

(Application de l'article 46, alinéa 2, du Règlement)

Vendredi 14 Septembre 2001
(15 heures)

Audition de MM. Daniel Vaillant, Ministre de l'Intérieur, Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères et Alain Richard, Ministre de la Défense, à la suite des attentats terroristes commis aux États-Unis d'Amérique.

Sous la présidence de M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale, et la coprésidence de M. François Loncle, Président de la Commission des Affaires étrangères, et de M. Paul Quilès, Président de la Commission de la Défense nationale et des forces armées.

La séance est ouverte à 15 heures.

M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale - Avant l'ouverture de nos débats, je vous demande d'observer une minute de silence en mémoire des victimes des attentats.

(Mmes et MM. les députés se lèvent et observent une minute de silence)

M. le Président - Mardi 11 septembre, les Etats-Unis ont été frappés par une vague d'attentats sans précédent dans leur histoire et dans celle de l'humanité. Sans précédent dans les moyens employés -des avions de ligne utilisés comme des bombes- et sans précédent par le nombre des victimes -probablement plusieurs milliers. Dans ces circonstances dramatiques, j'ai adressé au nom de la représentation nationale un message au président de la Chambre des représentants pour dire l'horreur, l'émotion et l'indignation que ressent comme nous la nation devant ces actes de barbarie. J'ai aussi, en accord avec leurs présidents respectifs, décidé de convoquer les deux commissions permanentes des affaires étrangères et de la défense dans une réunion ouverte à l'ensemble des députés et à la presse, pour témoigner de notre émotion et pour être associés à la réflexion et aux décisions du Gouvernement, du pouvoir exécutif. Les auteurs des attentats ont choisi de frapper au c_ur de la nation américaine. C'est le peuple américain qui a été frappé dans sa chair, c'est à lui qu'a été lancé le défi du terrorisme le plus odieux, mais ce sont tous les peuples qui doivent s'unir pour condamner ces actes.

La représentation nationale s'incline devant la douleur des victimes et des familles. Elles les assure de sa compassion et de sa solidarité. Mais au-delà de l'émotion, ne cédons pas à la psychose et au fatalisme. Il est dans la vie d'une nation des circonstances où elle doit savoir faire face aux défis qui mettent en jeu ses intérêts supérieurs. Ne cédons pas à la simplification. N'amalgamons pas islam et terrorisme : le monde musulman a réagi avec dignité à ces actes que ses principaux responsables ont condamnés. Je voudrais remercier l'ensemble des responsables politiques de notre pays pour l'esprit de responsabilité dont ils ont fait preuve. La réunion extraordinaire de ce jour permettra de faire le point sur la situation et d'examiner les mesures envisagées. Après l'intervention des présidents de commission et des ministres, les représentants de chaque groupe pourront interroger le Gouvernement. Toutefois, je vous rappelle que la réunion qui doit suivre au Sénat nous contraint à la brièveté.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères - Je vous remercie d'être si nombreux à cette réunion, dont je me félicite que le Président de notre assemblée l'ait convoquée.

Depuis ce sinistre mardi 11 septembre, depuis ces attentats abominables, nous partageons une intense émotion. Commence maintenant le temps de la réflexion, et viendra bientôt celui de l'action. Les attentats contre le World Trade Center et contre le Pentagone marquent une rupture dont il est difficile d'envisager toutes les implications. Ils marquent en tout cas un palier qui modifiera les relations internationales, en créant un climat d'insécurité généralisée. Plus que jamais donc, il faut, comme le dit le Premier ministre, raison garder. Nous devons conserver calme et clairvoyance, en veillant à ne pas succomber à la psychose. Nous devons empêcher que la riposte, si nécessaire qu'elle soit, ne devienne disproportionnée, irrationnelle et contreproductive et que s'enclenche une escalade de la violence. Nous ne devons pas confondre l'action de certains fanatiques islamistes et le monde arabo-musulman, qui, dans son ensemble, a condamné ces pratiques barbares. Gardons-nous de l'islamophobie et des affrontements civilisationnels. Nous devons montrer notre sympathie et notre solidarité au peuple américain, et la France a déjà largement affirmé son soutien. La coordination transatlantique est plus que jamais indispensable. Avant toute action, il faut identifier les responsables des attentats, reconstituer la chaîne de commandement, réunir les preuves irréfutables. Il n'est pas envisageable de tuer des innocents pour venger des innocents. Mais la riposte militaire ne sera pas suffisante. La communauté internationale doit s'engager, au plan politique, dans la résolution des diverses crises. Elle doit fournir un effort durable pour résoudre tous les conflits de la planète, à commencer par ceux du Proche-Orient.

J'ai l'habitude en commission d'être bref : je préfère laisser mon temps de parole aux députés. Mais je tiens à dire ce que j'ai sur le c_ur : assez de complaisance envers les régimes voyous, assez de négligence et d'approximations dans notre lutte contre le fanatisme religieux d'où qu'il vienne ! Il nous faut plus et mieux d'Europe, plus et mieux de relations transatlantiques, il nous faut du courage et de la détermination politiques.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense nationale et des forces armées - Dans le débat public qui s'engage à la suite de ces attentats monstrueux, notre Assemblée partage avec le Gouvernement la responsabilité majeure de décider s'il convient de réorienter notre politique de lutte contre le terrorisme international.

Je tiens en premier lieu à remercier les ministres qui se sont rendus disponibles pour participer à cette première séance d'échanges. Nous sommes en effet sensibles à cette marque de reconnaissance des prérogatives de notre Assemblée.

J'exprime ma profonde sympathie au peuple américain, à son Parlement et à son Gouvernement. Mes pensées vont aussi aux milliers de victimes et à leurs familles. Mais si l'émotion est grande, notre devoir est aussi de comprendre ces actes afin d'empêcher qu'ils ne se renouvellent à l'avenir.

Mon sentiment est qu'on ne peut, sauf par métaphore, parler de guerre. Les auteurs, non identifiés, ne se sont en effet pas risqués à attenter aux instruments de la puissance américaine. Leurs objectifs avaient une valeur essentiellement symbolique et c'est aux populations civiles qu'ils s'en sont pris. Leurs actes, d'une barbarie extrême, ne peuvent être considérés au sens strict comme des actes de guerre. Pour autant, force est de constater qu'ils ont fait l'objet d'une préparation longue et minutieuse qui a impliqué selon toute vraisemblance plus de cinquante personnes. L'organisation de ces attaques est proprement saisissante. Leur but politique ne fait pas de doute : il s'agissait de révéler brutalement la vulnérabilité américaine en détruisant des symboles forts de la puissance des Etats-Unis. Pour la troisième fois de leur histoire, après Pearl Harbor en 1941 et le lancement du premier Spoutnik en 1957, les Américains se sont montrés vulnérables.

Qui sont les auteurs de ces actes ? Quels sont les contours et les structures de la ou des organisations impliquées ? Y a-t-il, derrière elles, des Etats qui les tolèrent, qui en sont les complices ou qui les contrôlent ? A l'évidence, beaucoup de questions demeurent mais plusieurs pistes sont d'ores et déjà suivies. Une organisation d'extrémistes islamistes basée en Afghanistan est particulièrement soupçonnée mais il convient d'observer la plus grande prudence, tant que les faits ne sont pas avérés, comme il faut se garder de tout amalgame. Nous ne sommes pas en présence d'une guerre de l'Islam contre l'Occident et pas davantage d'un combat du Bien contre le Mal ou des Occidentaux contre les Musulmans.

La lutte des Etats-Unis contre les réseaux qui les ont attaqués, peut-être avec la complicité de certains appareils d'Etat, est légitime ; tant de souffrance et d'humiliations ne peuvent rester impunies. Nous devons veiller cependant à ce que la riposte ne soit pas disproportionnée dans son ampleur ou inadéquate dans ses moyens.

Au titre des facteurs qui ont pu inspirer les terroristes dans leurs calculs délirants, sans doute faut-il retenir la permanence de certains conflits -notamment au Moyen-Orient- et le rejet de l'influence américaine, perçue comme excessive et unilatérale. Quoi qu'il en soit, rien ne peut excuser le terrorisme. Peut-on croire du reste que ces attentats n'auraient pas eu lieu si les négociations de Camp David et de Taba avaient abouti ?

Le terrorisme a pour terreau la haine, la frustration, la déstructuration sociale. Les Etats-Unis en appellent à notre solidarité : elle leur est acquise, tant pour la poursuite des opérations de secours que pour la recherche des responsables.

Aux termes de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord, relatif à la conduite à tenir en cas d'attaque extérieure contre l'un des Etats membres, chaque pays est juge des mesures à prendre. Il est d'ores et déjà acquis que notre pays ne peut envisager de participer à une action éventuelle que s'il est préalablement consulté et associé à la prise de décision. La solidarité militaire est en effet indissociable de la concertation.

Il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences stratégiques de ces événements sur la scène internationale. Les rapports militaires entre l'OTAN et la Russie en seront-ils resserrés ? Une mise en demeure du Pakistan et de l'Arabie Saoudite interviendra-t-elle ? Il convient en toute hypothèse de réexaminer les risques, les menaces et les postures stratégiques de chacun, car rien ne sera plus comme avant.

Ces bouleversements stratégiques doivent conduire à renforcer l'autorité et la capacité d'action des Nations unies qui seules disposent de la dimension universelle et de la légitimité requises.

Pour ce qui concerne notre pays, plusieurs questions restent en suspens.

Il convient en premier lieu que notre action diplomatique et notre participation active à la politique européenne de sécurité soient orientées de telle sorte qu'elles ne nous isolent pas sur la scène internationale. Prenons garde d'accroître notre vulnérabilité au terrorisme. Et nous devons poursuivre notre action pour combler le fossé entre le Nord et le Sud -qui, comme l'a démontré Durban, va grandissant.

Il y a lieu ensuite de mieux coordonner notre politique du renseignement et de la doter de moyens à la mesure de la menace. La priorité doit être donnée au renseignement humain, même si bien sûr les moyens techniques ne doivent pas être négligés.

L'outil militaire doit également être adapté en vue, notamment, de renforcer notre capacité d'intervention à distance. Nos choix budgétaires devront être revus à la lumière de cette exigence.

S'agissant enfin de notre sécurité intérieure au sein de l'espace Schengen, l'action de l'Union européenne doit être mieux coordonnée et un niveau de sécurité élevé doit être maintenu, notamment en matière de transports aériens.

Pour mieux combattre le terrorisme international, il faut mieux le connaître. A cet effet, afin de poursuivre la réflexion sur le monde qui se dessine après le 11 septembre 2001, notre commission propose la création d'une mission parlementaire d'information.

Le monde du XXIe siècle est particulièrement inquiétant parce qu'il est moins prévisible. Pour la sécurité de la France et de l'Europe, pour nos valeurs et pour la paix dans le monde, nous devons nous montrer à la fois déterminés dans la lutte contre les menaces et ouverts à toutes les coopérations. Il convient notamment d'adapter notre outil de défense aux risques d'un environnement international instable.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Face à l'attaque sans précédent du 11 septembre dernier, je partage les sentiments de profonde réprobation qui se sont exprimés et j'en appelle à la solidarité, pour aujourd'hui et pour demain.

Les Etats-Unis ont démontré leur vulnérabilité à l'endroit même où elle était le moins envisageable et un tel bouleversement ne peut être sans conséquence sur la politique intérieure de l'ensemble des Etats. Le terrorisme ne va pas sans calcul, fût-il délirant et criminel. Ne s'agirait-il pas aujourd'hui de provoquer ce « choc des civilisations » dont on parle sans doute trop ? L'histoire enseigne comment le terrorisme vise à provoquer des affrontements bloc contre bloc.

S'il est une certitude, et le président Bush l'a du reste annoncé, c'est que les Etats-Unis vont riposter. Cela est conforme à l'article 51 de la Charte des Nations unies qui traite de la légitime défense. De même, nous serons dans le cadre de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord dès lors qu'il sera confirmé que l'attaque a été organisée de l'extérieur. Pour autant l'heure est encore à la prudence et la solidarité n'empêche pas que, le moment venu, chaque partie détermine sa propre action en fonction des nécessités du moment. Cela vaut notamment pour le recours à la force armée. Les Etats-Unis, qui examinent plusieurs hypothèses, ne nous ont jusqu'à présent rien demandé. Le moment venu, le Président de la République et le Gouvernement décideront de l'action à mener pour traduire la solidarité que notre pays à immédiatement proclamée.

Mais au-delà d'éventuelles représailles, il y a la question plus large de la lutte contre le terrorisme. Elle peut être préventive, radicale dès lors qu'elle s'attaque aux racines du mal, elle peut présenter une dimension militaire. Mais elle doit aussi s'exercer au jour le jour, et elle prend alors une forme policière, judiciaire et financière. A cet égard, la France a présenté l'année dernière aux Nations unies un texte visant à lutter contre le financement du terrorisme international, et je présenterai à la prochaine Assemblée générale de l'Organisation plusieurs propositions visant à le rendre directement applicable.

Les problèmes du monde, révélés de manière si éclatante à Gênes et à Durban, demeurent après ce 11 septembre qui change la donne stratégique. Toutes les grandes crises se traduisent par une redistribution des rapports de force, par des bouleversements politiques, mais chacun des acteurs saisit l'occasion pour atteindre ses objectifs permanents. Il faut donc faire attention à la notion de « bouleversement ». L'attitude des alliés des Etats-Unis, d'Israël et même des autres pays - j'étais à Moscou ce matin - dépendra de ce que les Américains choisiront de faire.

Sur le principe de la lute contre le terrorisme, l'accord est général, au-delà même des alliés des Américains. La Russie, la Chine, presque tous les dirigeants arabes ont condamné les attentats. Le secrétaire d'Etat américain a pu parler d'une « coalition mondiale ». N'y a-t-il pas là une raison de plus pour faire la paix au Proche-Orient ?

Les autorités françaises sont déterminées à affronter cette grande crise dans un esprit de solidarité et de cohésion. Nous tous devons faire preuve de lucidité, de sang-froid et de sens des responsabilités.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Je tiens, en ce jour de deuil national, à m'associer à la douleur du peuple américain. Je pense aux victimes innocentes et à leurs familles. J'ai une pensée toute particulière pour les policiers et pompiers morts ou blessés en portant secours aux victimes.

Ces actes effroyables de terrorisme ne peuvent qu'inspirer horreur, colère et indignation.

Prenons garde, cependant, à ne pas mélanger cette réaction légitime avec la haine de l'autre, à ne pas confondre terrorisme fondamentaliste et Islam.

Nous avons tous ensemble le devoir de protéger la cohésion nationale. Dès la connaissance de ce drame, j'ai proposé à nos amis américains de mettre à leur disposition nos capacités d'intervention en matière de sauvetage. Trois détachements d'intervention ont été mobilisés à cet effet et sont prêts à partir à tout moment, dès que les autorités américaines auront donné leur accord.

Même s'il n'y a pas de menaces identifiées contre notre pays, nous avons le devoir de faire preuve de vigilance et de précaution pour assurer la sécurité des Français. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé, sur ma proposition, de déclencher, le mardi 11 septembre à 17 heures, le plan « Vigipirate » renforcé.

Comme vous le savez, ce plan a pour objet de prévenir les menaces et de réagir aux actions susceptibles d'être engagées par des terroristes.

La procédure « Vigipirate renforcé » a déjà été mise en _uvre en septembre 1995 et en décembre 1996, à la suite des attentats commis dans notre pays.

Ce plan n'avait pas été formellement levé, mais il était en réalité au stade simple depuis 1997.

Le dispositif est donc réactivé au plus haut niveau.

Dès le 11 septembre au soir, j'ai donné trois instructions principales aux préfets : renforcer la surveillance et les contrôles autour des locaux diplomatiques américains et israéliens et dans les aéroports, les gares, les transports publics et les bâtiments publics pouvant constituer des cibles ; réunir et sensibiliser les responsables des établissements publics ou privés accueillant un public nombreux ; rencontrer les responsables des différentes communautés, afin de prendre des mesures pour éviter des heurts intercommunautaires et assurer la sécurité des lieux de culte.

Il y a toujours, en pareille circonstance, le risque que des actes provocateurs soient dirigés contre des édifices cultuels. La mise en _uvre du plan « Vigipirate » apporte, à cet égard, des réponses précises en termes de protection. Ces mesures sont d'autant plus nécessaires que nous approchons de deux moments forts de l'année pour le judaïsme, Rosh Ashana et Yom Kippour.

J'ai moi-même rencontré hier les représentants des communautés juive et musulmane et je veux rendre ici un hommage à leur sens des responsabilités.

Aussitôt après ces entretiens, j'ai donné des instructions particulières aux préfets.

Par ailleurs, ceux-ci sont en contact direct et permanent avec les maires, pour la mise en place du dispositif dans les communes, et ont déjà réuni leurs partenaires institutionnels et les acteurs économiques et sociaux.

S'agissant des moyens mis en _uvre, le centre opérationnel du ministère de l'intérieur et les centres zonaux ont été activés dès mardi soir. Au niveau national, des effectifs supplémentaires ont été mobilisés pour renforcer l'action de la sécurité publique et de la gendarmerie nationale : 2 360 C.R.S. et 1 300 gendarmes sont aujourd'hui engagés dans « Vigipirate » et 910 militaires sont venus renforcer les forces de l'ordre.

Pour Paris et la région parisienne, ce supplément d'effectif représente 1 000 fonctionnaires des CRS et gendarmes mobiles, ainsi que 600 militaires, sans compter la mobilisation de l'ensemble des services de police en Ile-de-France, soit l'équivalent de 5 000 hommes en permanence sur le terrain.

En ce qui concerne les policiers, j'ai reçu jeudi matin les responsables de leurs organisations syndicales pour les informer des mesures prises et des conséquences de la mise en place de « Vigipirate renforcé », qui va leur demander un effort supplémentaire, susceptible de durer. Ils ont tous adhéré aux mesures prises pour assurer la sécurité des Français.

Je souhaite, devant vous, redire ma confiance à la police nationale qui a toujours fait face à ses missions, notamment quand les circonstances sont exceptionnelles, et su répondre ainsi à l'attente des Français.

J'ai également réuni, mercredi matin, le comité interministériel de lutte antiterroriste, et je suis informé à tout moment de l'évolution de la situation.

Je peux vous assurer de l'intense mobilisation de nos services de renseignement, qui travaillent dans un excellent esprit de coopération avec les services américains et ceux des autres pays européens. Vous comprendrez que je ne puisse en dire plus.

Pour m'assurer de la mise en _uvre du dispositif, je suis allé sur le terrain rencontrer les personnels et j'ai réuni hier les préfets d'Ile-de-France. A la suite de ces contacts et afin de maintenir intacte la capacité opérationnelle des forces de sécurité, j'ai demandé le report ou la suppression de plusieurs manifestations se déroulant sur la voie publique et consommatrices d'effectifs. C'est ainsi qu'en accord avec ma collègue de la culture, la Journée du patrimoine a été reportée à une date ultérieure, de même que la Technoparade.

De plus, lors de ma rencontre avec les différentes communautés religieuses, j'ai demandé à ce que tout soit fait pour ne pas créer de situations susceptibles d'engendrer des tensions, en particulier entre les communautés.

En conclusion, je constate, d'abord, la capacité de notre pays à faire face à une situation exceptionnelle. Les services de l'Etat, mais aussi les maires et toutes les personnes publiques ou privées ayant une part de responsabilité en matière de sécurité ont fait preuve d'une remarquable capacité de réaction, pour prendre sans délai les mesures appropriées. S'agissant plus particulièrement des services de police, je veux souligner l'atout majeur que constitue en pareil cas l'existence d'une police nationale, du fait de l'unité de commandement et de la possibilité de déployer immédiatement les moyens là où ils sont nécessaires.

Deuxième enseignement : quel que soit le niveau de mobilisation des services publics, la sécurité des Français dépend aussi du comportement de chacun : vigilance, calme et sang-froid, esprit de responsabilité, telles sont les qualités indispensables dont les Français, une nouvelle fois, ont su faire preuve.

Ce civisme sera notre principale force dans les jours et les semaines qui viennent.

M. Alain Richard, ministre de la défense - Je veux m'associer à l'émotion suscitée par ces crimes odieux avant de réaffirmer notre détermination à faire reculer la menace terroriste.

Je rappelle la participation des armées au renforcement de la sécurité générale. L'essentiel du dispositif est tourné vers la protection du public et des lieux de rassemblement. La mise en place du soutien militaire a été quasi immédiate. La gendarmerie a renforcé le dispositif par ses unités mobiles, tandis que ses formations permanentes ont élevé leur niveau d'alerte.

Nous avons par ailleurs mis en place un dispositif renforcé de défense aérienne, caractérisé par des temps de réaction particulièrement resserrés, de sorte que les avions de notre force aérienne de combat puissent intervenir si l'évolution d'un aéronef laisse présager un danger immédiat.

Nous avons aussi mis à la disposition des Américains des moyens de soutien et d'intervention d'urgence, afin de venir en aide aux professionnels de New York.

Le moment n'est pas venu d'exposer les choix que peut faire notre pays en matière d'action armée. M. Védrine vous a redit ce que nous avons annoncé hier au conseil de l'Alliance Atlantique. Nous sommes engagés par le traité, en cohérence avec la charte des Nations unies, à laquelle renvoie son article 5. Les décisions prises dans le cadre de l'Alliance sont des décisions nationales.

Nous devons engager une coopération très étroite pour recueillir et recouper toutes les informations utiles, ainsi que pour détecter les risques d'actes terroristes au niveau international. Comme l'a indiqué le président Quilès, nous devons travailler à renforcer, à terme, notre capacité de renseignement, pour parer des menaces terroristes dont on voit l'évolution. De telles agressions montrent la vulnérabilité de sociétés démocratiques ouvertes, qui ne vont pas renoncer à leurs valeurs dans la lutte antiterroriste.

Il est toujours utile, il est toujours d'actualité de prolonger les progrès récents de l'Europe de la défense qui sera, quoi qu'il arrive, un élément clé de l'équilibre des forces face au crime.

M. le Président - Avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous remercie pour votre présence massive, qui rend les conditions dans lesquelles se tient cette réunion quelque peu difficiles. Mais nous ne pouvions nous réunir dans l'hémicycle...

M. Pierre Lellouche - Dommage !

M. le Président - ...car cela aurait pu apparaître comme un détournement de procédure : je ne pouvais donner le sentiment que je convoquais le Parlement en session extraordinaire.

M. Pierre Lequiller - J'exprime ici l'immense émotion et la stupeur des députés du groupe DL face aux attentats qui ont touché au c_ur les Etats-Unis, pays ami dont la douleur est la nôtre. Cette solidarité du c_ur doit clairement déboucher sur une solidarité dans l'action et, de ce point de vue, nous approuvons les déclarations du chef de l'Etat comme la politique qu'il a définie.

Les événements de mardi marquent une rupture dans l'histoire des relations internationales ; les repères ont été bouleversés ; il faut en tirer les enseignements.

Le premier a trait à la stratégie militaire. Nous avons affaire à un conflit d'un ordre nouveau : il ne s'agit plus d'une guerre entre Etats identifiés mais du combat contre un ennemi multiple, insaisissable, aux réseaux complexes et opaques, bénéficiant de complicités étatiques parfois fort graves. Cette dimension, que l'on connaissait depuis la guerre froide, a désormais pris corps de manière tragique.

Deuxième enseignement, il faut adapter nos politiques à cette nouvelle donne. On l'a vu, même les services de renseignements américains n'ont pas été suffisants pour lutter contre ce terrorisme. A la mondialisation du terrorisme doit répondre une coopération antiterroriste renforcée avec, probablement, une structure intégrée au sein de l'OTAN qui s'inscrirait dans cette coalition internationale qu'a souhaitée hier Colin Powell.

Troisième enseignement, il faut saisir cette occasion dramatique mais historique de relancer fortement la politique de défense européenne, en insistant particulièrement sur ce renseignement.

Enfin, la sécurité intérieure doit être entièrement repensée face à un terrorisme d'un type nouveau, fondé sur une logistique implacable et le sacrifice humain. A nouvelle menace, nouvelle anticipation.

Je souhaite donc savoir comment le Gouvernement entend assurer la sécurisation de notre espace aérien, comment il entend repenser la protection des sites à forte population et des centrales nucléaires contre d'éventuelles attaques aériennes.

A plus court terme, nous souhaitons sans ambiguïté que la France participe avec ses alliés, en application de l'article 5 du traité de l'OTAN, aux opérations de rétorsion dont les objectifs devront être définis en totale concertation avec nous. Une action diplomatique d'ensemble passe sans doute par une relance de l'ONU avec laquelle les Etats-Unis semblent heureusement disposés à coopérer plus étroitement. La France doit _uvrer pour maintenir la communauté internationale de notre côté afin que la guerre contre l'hyperterrorisme soit comprise et approuvée par le plus grand nombre d'Etats.

M. Edouard Balladur - Je m'associe bien sûr à l'émotion exprimée par les orateurs précédents.

Le monde est aujourd'hui dans une situation extraordinairement nouvelle, conséquence de l'internationalisation des moyens de communication et du progrès technique. Le danger n'est pas seulement celui que nous croyions, il vient d'un terrorisme que son ubiquité, son insaisissabilité rendent bien difficile à combattre. Pourtant il faut le faire même si cela n'est ni simple ni rapide.

Par qui doit être mené ce combat ? L'ONU a la responsabilité de fixer les règles générales. Mais l'organisation a besoin d'un bras séculier, qui soit celui du plus grand nombre d'Etats possible. Ce pourrait être le Conseil de sécurité, les cinq membres permanents, à défaut l'OTAN. Mais ne nous faisons pas d'illusion, si nous n'y parvenons pas, ce sera les Etats-Unis.

Contre qui doit-on agir ? Des Etats, ce qui serait le plus aisé ? Mais nul ne sait lesquels. Ou bien des organisations ? Probablement devra-t-on agir contre les deux.

Dans quel sens faut-il agir ? L'opinion publique comme tous les responsables politiques pensent qu'il ne faut pas confondre les terroristes et les groupes religieux ou nationaux dont ils sont issus. Ne globalisons pas la lutte contre le terrorisme !

Parce qu'il convient le plus possible de réduire les causes de tension, il faut s'intéresser particulièrement à trois zones de conflits proches de nous : les Balkans, l'Europe orientale, le Proche-Orient. Il est temps que la communauté internationale prenne des décisions et exerce une forte pression afin d'imposer une paix durable.

Enfin, quel type d'actions militaires doivent-elles être menées ? Aucun moyen n'est exclu a priori mais on ne sait ni qui, ni où, ni comment frapper. Ces actions devront être compatibles avec les principes du droit international et respecter le plus possible les droits de l'homme, même si cela sera parfois difficile.

Le monde a changé brusquement. Il n'est plus nécessaire de s'interroger sur la mondialisation, dont on avait surtout vu les aspects économiques et dont on s'aperçoit des considérables implications techniques et militaires qu'elle comporte.

De même, l'OTAN, ne nous leurrons pas, va redevenir le bras séculier dont nous avons besoin. Au nom d'une solidarité totale avec le peuple américain, le RPR souhaite que notre pays s'associe à une action internationale coordonnée et modulée en fonction de nos objectifs. Il ne faut rien exclure a priori mais il ne faut pas non plus tout permettre automatiquement.

Je me réjouis de l'image de cohésion que donne le pouvoir exécutif depuis trois jours. Dans ces circonstances difficiles, il faut tout faire pour la maintenir.

M. Jean-Marc Ayrault - Les autorités françaises ont marqué la solidarité de notre nation avec les Etats-Unis et avec le peuple américain. Les députés socialistes s'associent pleinement, comme tous les Français à ces témoignages de solidarité.

Après cette tragédie à l'impact planétaire, la riposte est au c_ur des interrogations. Elle est pour nous nécessaire, comme la lutte contre le terrorisme, mais cela ne saurait priver la France de sa liberté d'appréciation. Les institutions européennes et internationales ont un rôle essentiel à jouer.

Comme l'a rappelé le Premier ministre, il n'est pas question de se lancer dans une croisade qui provoquerait une nouvelle fracture planétaire. Veillons à ce que la parole publique, nationale comme internationale, demeure maîtrisée et mesurée. Il n'y a pas d'un côté les démocraties occidentales et de l'autre un Orient intégriste. Ne tombons pas dans le piège machiavélique tendu par les terroristes. L'Islam n'est pas l'islamisme. N'érigeons pas un nouveau mur de Berlin planétaire. Nous devons être ensemble dans la lutte implacable contre le fanatisme, l'obscurantisme, le terrorisme mais aussi pour la tolérance, le respect des croyances, la justice, le développement, la paix. Nous devons travailler au règlement des conflits qui demeurent, en premier lieu au Moyen-Orient.

La France doit être unie et solidaire dans cette épreuve.

L'Etat a montré son unité, sa fermeté, son sang-froid et les Français ont pu les mesurer avec le renforcement du plan Vigipirate, qui a évité la psychose. Mais des inquiétudes légitimes demeurent.

Gardons-nous de stigmatiser, de procéder à des généralisations abusives et humiliantes. Quiconque montrerait du doigt une origine, une confession, une couleur de peau doit être rappelé à l'ordre, et le cas échéant sanctionné.

Il ne doit pas y avoir de fracture au niveau mondial ; il ne doit pas y en avoir dans la République. Nous sommes tous des Français, à droits et devoirs égaux.

Nous avons tous le même ennemi, le terrorisme qui fomente le meurtre de masse, le fanatisme qui veut mettre à bas nos valeurs.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez annoncé un certain nombre de mesures. Pouvez-vous préciser celles que vous comptez prendre pour que la paix civile et l'unité républicaine soient préservées et même renforcées dans cette épreuve ? L'Assemblée nationale pourra également prendre des initiatives afin d'y contribuer.

M. Alain Bocquet - Les parlementaires communistes condamnent sans appel les auteurs des attentats terroristes qui ont frappé New York et Washington.

Pleinement solidaires du peuple américain, ils tiennent d'abord à exprimer leur compassion aux milliers de victimes et à leurs familles, face à ce qui, jusqu'alors, était pour eux impensable et qui les plonge dans la stupeur et l'incompréhension.

Dès l'annonce des attentats, Robert Hue a exprimé cette solidarité et notre indignation devant des actes odieux et barbares, contre des civils innocents.

De même avons-nous pleinement souscrit aux déclarations faites au nom de la France par le Président de la République et le Premier ministre.

Les images épouvantables retransmises par les télévisions ont atteint chacun au plus profond de son humanité.

Aujourd'hui, alors que des milliers de sauveurs et bénévoles vers qui vont notre admiration et notre soutien, sont engagés dans une course contre la montre désespérée, l'heure est au sang-froid, à la responsabilité.

Le peuple américain nous donne un exemple de dignité dans cette terrible adversité. Nous devons l'aider.

Tout doit être mis en _uvre pour que les instigateurs et commanditaires de ces attentats soient recherchés et châtiés, chaque Etat devant s'engager à ne pas leur offrir le refuge.

La communauté internationale, jusqu'ici presque unanime, sera-t-elle soumise au bon vouloir de quelques-uns qui en appellent à une guerre de l'Occident contre on ne sait trop qui, ou à des décisions unilatérales ?

En condamnant sans appel le terrorisme, qu'aucune cause ne saura jamais légitimer, nous appelons aussi à construire un monde de paix, afin que jamais plus ne se reproduise une telle abomination. A notre sens, il appartient aux opinons publiques de faire entendre leur voix pour éviter des dérives et des engrenages dont personne ne peut mesurer les conséquences. Les solutions sont avant tout d'ordre politique. Car on n'éradiquera pas le terrorisme, en ajoutant la violence à la violence, la haine à la haine.

De même, gardons-nous de ceux qui, sous couvert de sécurité, avancent des projets politiques qui mettraient en cause les droits et les libertés des salariés et des citoyens, et contribueraient à développer le racisme et la haine de l'autre.

Je remercie le Président de l'Assemblée nationale d'avoir pris cette initiative, qui nous permet d'entendre le Gouvernement, et d'affirmer sans réserve, la solidarité de l'Assemblée nationale au peuple américain.

La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir au sein des instances européennes et de l'O.N.U. dont il faut renforcer l'autorité, pour créer les conditions permettant de combattre efficacement le terrorisme.

Reste que la gravité de la situation mériterait une convocation extraordinaire du Parlement afin que les décisions qui doivent être prises le soient en concertation avec la représentation nationale.

M. Pierre Lellouche - Tout à fait.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Ce dramatique attentat suscite une émotion qui sera durable, devant la haine, le massacre d'innocents, le défi glacé à la superpuissance américaine. Mais, je le dis au nom de l'UDF, à la haine ne doit pas répondre la haine, mais la détermination à agir sur les plans militaire et politique pour assurer notre sécurité intérieure et extérieure.

Cette barbarie revendiquée, ce crime contre l'humanité assumé ont parfois suscité des réactions inacceptables. Certains pensent que de telles exactions sont légitimes.

Les condamnations émises par les dirigeants des Etats ne sont pas toujours unanimement partagées par leurs peuples. D'autres ont fait l'amalgame entre quelques fanatiques et la communauté musulmane toute entière ; certaines déclarations indignes contre les musulmans, les juifs, les chrétiens sont trop facilement revenues.

La France et l'Europe doivent montrer que le chemin qu'elles choisissent est celui d'une communauté qui respecte l'intégrité et les libertés des personnes, sans pour autant donner des leçons car la barbarie, au XXe siècle, a aussi été de notre fait.

Ensemble, nous devons dire à nos amis américains notre entier soutien et notre engagement dans la lutte contre le terrorisme international.

Ce faisant, quatre obligations s'imposent à nous. C'est d'abord une exigence de solidarité envers le peuple américain, qui a payé un lourd tribut à la liberté. C'est ensuite un esprit de responsabilité que nous devons manifester, ce qui passe par le renforcement de la force diplomatique, militaire, politique de l'Europe, plus que jamais nécessaire à la paix dans le monde et au Proche-Orient. C'est aussi de lucidité et de volonté qu'il nous faut faire preuve pour garantir la sécurité partout en France et rétablir l'autorité publique sur le sol de la République. Des inquiétudes demeurent, en raison des craintes de représailles après une riposte légitime. Nous avons enfin un devoir de vérité qui exclut de désigner un bouc émissaire. Pour maîtriser une guerre d'un nouveau type, il faut non cultiver la repentance mais se forger une morale de l'action.

Ces quatre obligations m'amènent à poser autant de questions.

Dans quel cadre allons-nous exercer notre solidarité, et jusqu'où, alors que l'efficacité des opérations à mener exige le secret ? Les Etats-Unis ne nous demandent rien pour l'instant, mais tout est prévisible.

Quel message vont envoyer, quelles initiatives vont prendre la France et l'Europe en faveur du processus de paix au Moyen-Orient ?

Quelles précautions va-t-on prendre, et peut-être quelle révision de notre système de sécurité intérieur faut-il envisager ?

Enfin quels moyens nouveaux pour notre défense va-t-on demander à la représentation nationale ?

Au regard des obligations fortes qui s'imposent à nous, ce sont les questions que le groupe UDF pose au Gouvernement.

M. Gérard Charasse - Il n'est pas de mot pour dire notre horreur devant l'acte de guerre perpétré contre les Etats-Unis et, en fait, contre le monde entier.

Le groupe RCV s'associe au message d'amitié et de solidarité que le Président de l'Assemblée nationale a adressé au peuple américain, et approuve les mesures prises par le Gouvernement ainsi que les réactions du Premier ministre et du Président de la République. Dans cette épreuve, nous sommes aux côtés de nos collègues représentants et sénateurs. Les Etats-Unis ont subi une agression injuste, aveugle, impardonnable, et nous sommes avec eux dans la douleur, comme nous le serons aussi quand il faudra manifester la fermeté des Etats -et cela sans aveuglement ni amalgame ni manichéisme. Le chemin sera difficile, car l'ennemi n'a pas de visage, sinon celui de la haine. Mais nous avons l'espoir que la politique étrangère et de sécurité commune sera reconnue comme une nécessité -je vous prie d'y penser.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Quelques mots de mon domaine, la sécurité intérieure. Le plan Vigipirate répond à un souci de précaution et de dissuasion. Il ne doit provoquer aucune psychose, mais bien au contraire rassurer grâce à une présence massive, diffuse, mobile, sous la forme de patrouilles mixtes, policiers et militaires. Les préfets ont pris les initiatives nécessaires pour prévenir toute provocation et tout affrontement entre communautés. Je suis tout à fait rassuré pour avoir reçu moi-même, hier, des représentants des communautés juive et musulmane : le CRIF a annulé la manifestation prévue, et le recteur Boubakeur a formellement désavoué la violence, en répétant que l'Islam, c'était la vie, non la mort. Mais la sécurité intérieure n'est pas vraiment le débat de cet après-midi...

M. Pierre Lellouche - Ce devrait être le débat !

M. le Président - N'oublions pas la dignité de cet instant. Le débat pourra reprendre ultérieurement.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Je ne tiens nullement à l'esquiver, et nous le reprendrons quand vous voudrez. Je voudrais seulement ajouter que la sécurité intérieure est aussi un enjeu européen, et que la coopération policière doit se renforcer pour mieux contrôler les frontières, et pour surveiller les trafics d'armes notamment. Nous avons le constant souci de maîtriser les flux migratoires afin de favoriser l'intégration et de prévenir les heurts entre communautés.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - M. Balladur et Donnedieu de Vabres ont demandé sous quelle forme la solidarité s'exercerait. Pour l'instant, nous avons exprimé notre solidarité, et cela a été très apprécié des Américains. Mais ils n'ont pas encore fait leur choix quant à la manière dont ils réagiront, et selon le choix qu'ils feront, ils auront ou non besoin de notre concours. Nous apprécierons, le moment venu, leurs demandes éventuelles.

S'agissant de la lutte contre le terrorisme, l'ONU aura un rôle à jouer. Mais il ne faut pas seulement punir, il faut aussi prévenir, et éradiquer les raisons profondes, conflits régionaux et idéologiques, financements. Vous avez insisté à juste titre sur la nécessité de résoudre les nombreux drames régionaux que la planète connaît. C'est aussi la position de tous nos partenaires européens, et je me réjouis que les diplomaties européennes se soient beaucoup rapprochées à cet égard.

M. Alain Richard, ministre de la défense - En ce qui concerne la maîtrise de la menace aérienne, Monsieur Lequiller, nous sommes au bon niveau pour le délai de réaction -à partir du moment où une situation de crise dans un aéronef a été repérée par l'aviation civile. D'autre part, vous réclamez une attitude claire des Etats démocratiques à l'égard des Etats manifestant une connivence avec le terrorisme. La France satisfait à cette exigence.

Monsieur le Premier ministre Balladur a parlé de l'importance de la résolution des conflits régionaux pour enrayer les actions terroristes ; c'est à quoi nous nous employons depuis plusieurs années dans les Balkans, en recourant à la force, si nécessaire, pour juguler les situations de crise. L'Europe est très impliquée dans ces opérations et je pense que nous agissons aujourd'hui bien mieux qu'il y a seulement cinq ans.

M. le Président - Nous venons d'entendre les groupes et les réponses des ministres, mais le débat ne s'achève bien entendu pas avec cette réunion. J'invite les présidents des commissions permanentes à aller au-delà, par exemple en procédant à l'audition des communautés musulmane, juive, protestante et catholique. Cela serait d'une grande utilité pour observer leurs réactions et alimenter la réflexion.

Je voudrais remercier tous ceux qui sont intervenus pour la dignité et le sens des responsabilités dont ils ont fait preuve, et pour la contribution qu'ils ont apportée à la réflexion. Le travail spécifique qui a eu lieu aujourd'hui ne peut s'envisager qu'en relation avec l'action habituelle des commissions. Je sais que les prochaines réunions prévues verront les auditions du ministre des affaires étrangères, du nouvel ambassadeur américain en France et, début novembre, de Shimon Pérès. Elles pourront ainsi alimenter notre réflexion et, par là, peser sur les décisions des responsables politiques.

Il est l'heure de lever la séance. Je me réjouis que la réunion se soit tenue dans cette salle : ainsi, au lieu de voir gauche et droite s'affronter, j'ai face à moi l'ensemble de la représentation nationale unie dans la solidarité et l'expression de son émotion.

La séance est levée à 16 heures 35.


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