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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 octobre 2001
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Yves Gleizes, Délégué général pour l'Armement

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La Commission a entendu M. Yves Gleizes, Délégué général pour l'Armement, sur le projet de budget pour 2002.

Le Président Paul Quilès a tout d'abord remercié M. Yves Gleizes d'être venu présenter à la Commission les crédits du projet de budget gérés par la DGA. Après avoir souligné que ces crédits, s'ils permettaient de respecter l'essentiel des objectifs de la programmation, imposaient néanmoins des contraintes strictes à la réalisation des programmes, il a demandé au Délégué général pour l'Armement comment il envisageait leur gestion en 2002. Il a également proposé que son audition permette de faire le point sur la situation des industries d'armement.

Dressant tout d'abord le bilan de l'activité de la DGA, le Délégué général pour l'Armement a indiqué qu'au vu des prévisions actuelles, les objectifs fixés au début de l'année 2001 par le ministre de la Défense en termes d'engagements et de paiements seraient tenus : le taux d'exécution budgétaire atteindra un niveau proche des records enregistrés au cours des trois dernières années, avec un montant de paiements qui atteindra, pour la DGA, 7,72 milliards d'euros. S'agissant des engagements, ils atteindront 14 milliards d'euros à la fin de l'année, soit un niveau supérieur de 21 % à celui de 2000 à périmètre équivalent. Les commandes globales représentent un montant d'engagements de 7,6 milliards d'euros, soit 6,7 milliards d'euros pour l'avion de transport futur A400M et 0,9 milliard d'euros pour la tranche complémentaire de 20 Rafale.

Abordant l'analyse des dépenses supportées par le titre III, M. Yves Gleizes a précisé que le coût d'intervention de la DGA étatique s'établirait en 2001 à 945 millions d'euros environ. Il a ajouté que ce coût avait baissé de 3 % par rapport à 2000 et de 22 % en francs courants (27 % en francs constants) depuis 1996, l'objectif d'une réduction de 30 % fixé pour la fin de l'année 2002 devant être atteint comme prévu. M. Yves Gleizes a fait observer que cette réduction avait été obtenue à périmètre de missions et d'activités identique, exclusivement par une réorganisation très profonde des structures, impliquant notamment une diminution de 25 % des effectifs employés. Il a considéré que de tels gains de productivité ne pouvaient être indéfiniment renouvelés, une limite ayant été atteinte, et que la DGA ne serait pas en mesure d'assurer pleinement ses missions si elle ne disposait pas de moyens dimensionnés en conséquence. Il a estimé que les effectifs de la DGA étaient parvenus au seuil critique pour le maintien des compétences nécessaires à la défense nationale, en particulier dans les services de programmes et à la Direction des centres d'expertise et d'essais.

Le Délégué général pour l'Armement a ensuite dressé un bilan capacitaire de l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002. Il a rappelé qu'elle avait été marquée par la revue des programmes de 1998 et par les « encoches » sur les crédits d'équipement des budgets qui ont suivi (- 70 milliards de francs par rapport aux prévisions de la loi de programmation militaire 1997-2002 et - 45 milliards de francs par rapport à celles de la revue de programmes). Les réductions budgétaires qui en ont résulté ont été partiellement compensées par les réductions de coût obtenues grâce aux commandes globales et à la mise sous contrôle de gestion des principaux programmes d'armement ainsi que par l'arrêt de quelques programmes devenus moins prioritaires. Le Délégué général pour l'Armement a ajouté que la réalisation des commandes et des livraisons serait globalement conforme aux objectifs issus de la revue des programmes.

Présentant le bilan des programmes par système de forces, M. Yves Gleizes a apporté les informations suivantes :

- s'agissant de la dissuasion, le développement des missiles M51 et ASMP-A s'est poursuivi conformément aux prévisions, avec la notification en décembre 2000 du contrat de développement du M51 et du contrat de réalisation de l'ASMP-A ;

- pour ce qui concerne le renseignement, le commandement et les communications, il a été décidé de lancer l'acquisition de drones intérimaires non prévus par la programmation afin d'augmenter les capacités de renseignement de théâtre, de manière à répondre aux besoins apparus lors d'engagements récents, au Kosovo notamment. Ainsi, après mise en concurrence, deux contrats d'acquisition de drones intérimaires ont été notifiés, l'un concernant un système tactique destiné à remplacer le CL 289 et l'autre relatif à l'acquisition d'un système Moyenne Altitude-Longue Endurance (MALE) ;

- s'agissant de la projection de forces, les deux NTCD ont été commandés ainsi que les 27 hélicoptères NH 90 prévus. Quant à l'avion de transport futur A400M, le memorandum of understanding (MoU) a été signé en juin par les pays participants à l'exception du Portugal et de l'Italie, qui a annoncé depuis son retrait du projet. Le contrat correspondant devrait être signé par l'OCCAR, en principe le 16 novembre, sous réserve du bon aboutissement du processus d'approbation parlementaire en cours en Allemagne ;

- pour ce qui est de la frappe dans la profondeur, le porte-avions Charles de Gaulle a été admis au service actif. Il sera de nouveau disponible à la fin du mois de novembre, à l'issue de sa période d'entretien programmé. En ce qui concerne les Rafale Air et Marine, 61 commandes, dont 20 attendues en fin d'année, auront été passées et le développement du standard F2 aura été lancé. Enfin, 100 % des 100 missiles Apache antipiste et des 450 missiles de croisière Scalp ont été commandés ;

- pour la maîtrise du milieu aéroterrestre, 100 % des 406 chars Leclerc prévus par la loi de programmation 1997-2002 ont été commandés et 55 % livrés, la commande des 52 derniers chars venant d'être notifiée ;

- 67 % des 120 hélicoptères Tigre ont été commandés, soit 80 sur 120 ; 100 % des 39 engins de franchissement de l'avant ont été commandés et livrés alors que 65 des 550 VBCI ont déjà fait l'objet d'une commande ferme. Par ailleurs, il a été décidé de lancer l'acquisition du système Félin, non prévu par la programmation, de manière à accroître la capacité d'action et de protection du fantassin. En revanche, le développement du missile antichar de troisième génération moyenne portée (AC3G-MP) a été interrompu suite au retrait du partenaire britannique de la coopération ;

- s'agissant de la maîtrise du milieu aéronaval, les 5 frégates La Fayette ont été commandées et 4 livrées, la 5ème devant l'être à la fin du mois. Pour ce qui est de la frégate Horizon, le contrat de réalisation a été notifié fin octobre 2000. Enfin, le développement du missile antinavire futur a été interrompu au profit de nouveaux besoins plus prioritaires. L'interruption de ce programme pose un problème industriel non négligeable à EADS qui avait la charge de sa réalisation et qui souhaite préserver sa position de leader mondial dans le domaine des missiles mer-mer ;

- en matière de maîtrise du milieu aérospatial, l'armée de l'Air a déjà pris livraison de 94 % des 86 Mirage 2000D et 100 % des 37 Mirage 2000-5. Il a été décidé en outre de lancer l'acquisition d'un missile d'interception à domaine élargi (MIDE), non prévu par la programmation, dans le cadre du programme en coopération européenne METEOR, en vue d'améliorer la capacité de supériorité aérienne de l'aviation de combat. Le MoU relatif à ce programme a été signé en juin par le Royaume-Uni, la France et la Suède, l'Espagne et l'Allemagne n'ayant pas encore fait connaître leur décision définitive. Quant à l'Italie, elle a signé le 26 septembre ;

- enfin, s'agissant de la Gendarmerie, les 97 groupements sont tous équipés du système Rubis avec la totalité des relais et des terminaux.

Au total, s'agissant des grands programmes, le bilan peut être jugé plutôt satisfaisant.

M. Yves Gleizes a ajouté que le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 avait été préparé sur la base d'une approche capacitaire visant à l'acquisition des capacités opérationnelles requises par le modèle d'armée 2015. Il a donc été construit par systèmes de forces, et non plus par équipements et par armées comme précédemment. M. Yves Gleizes a estimé que cette méthode conférait une plus grande cohérence aux acquisitions et souligné qu'elle nécessitait une coopération plus étroite encore entre les états-majors et la DGA.

Il a indiqué que la même approche capacitaire avait été utilisée pour la préparation du futur, ajoutant que les investissements d'études avaient été strictement définis en vue de l'acquisition d'un modèle de capacités technologiques. Ce modèle correspond au noyau dur de capacités dont la maîtrise est souhaitée en 2015 en France et en Europe pour permettre le développement des équipements de défense dont le besoin pourrait apparaître dans les quinze ans qui suivront.

Le Délégué général pour l'Armement, rappelant que le projet de loi de programmation militaire prévoyait une augmentation de 10 % des crédits alloués aux études-amont, a jugé cet effort indispensable pour maintenir les capacités de recherche et technologie de l'industrie française de défense dans le contexte d'une programmation militaire à venir dominée par les fabrications.

Evoquant ensuite les méthodes de conduite des programmes et la politique d'acquisition, M. Yves Gleizes a précisé que la réduction cumulée des coûts des programmes mis sous contrôle de gestion s'élevait à plus de 9 milliards d'euros, l'objectif de 9,7 milliards d'euros devant être atteint d'ici la fin de l'année. Il a vu dans ces chiffres le résultat de l'effort collectif de la DGA, des opérationnels et des industriels. Il a par ailleurs indiqué que la DGA mettait à présent l'accent sur la réduction de la durée des développements en vue d'une plus grande réactivité face aux innovations technologiques et à l'évolution des besoins opérationnels. Cette démarche implique de lancer au plus tard la phase de développement des matériels sans modifier la date de leur mise en service. Elle suppose, au moment du lancement du développement, un niveau élevé de définition et de validation technologique du programme, ce qui nécessite une phase approfondie de levée de risques, comportant notamment la réalisation de démonstrateurs.

Abordant la situation de l'industrie française de l'armement, le Délégué général pour l'Armement a précisé que ses effectifs pouvaient être évalués à 166 000 personnes au 1er janvier 2001. Il a estimé que l'année 2000 avait été marquée par de bons résultats dans le domaine des prises de commandes à l'exportation, qui avoisinaient les 7 milliards d'euros dont 1,2 milliard d'euros pour les programmes en coopération. Il s'est plus particulièrement félicité des contrats de vente de Mirage 2000-5 en Grèce, de frégates et de leur armement sol-air à Singapour et de Mirage 2000 en Inde. Il a considéré que les résultats de l'année 2001 s'annonçaient plus nuancés en termes de montant des prises de commandes, un certain nombre de grandes décisions attendues en 2001 ayant été reportées en 2002. Il a toutefois relevé le succès du Tigre en Australie, qui constituera, une fois le contrat signé, la première vente à l'exportation de cet hélicoptère et mentionné le choix de trois des quatre pays nordiques engagés dans un programme commun d'acquisition d'hélicoptères de transport en faveur du NH 90. Il a ajouté que le choix par la Corée d'un avion de combat, dans le cadre d'une compétition pour laquelle a été remise une offre de Rafale assortie d'un important transfert de technologie, était à présent très attendu, de même que les décisions de l'Inde, de la Malaisie et du Portugal concernant l'acquisition du sous-marin Scorpène.

Il a indiqué par ailleurs que la DGA avait engagé une réflexion sur les fondements économiques de l'exportation d'armements et qu'elle organisera sur ce sujet un séminaire le 20 novembre prochain à l'Ecole Militaire.

M. Yves Gleizes a ensuite évoqué les restructurations industrielles. S'agissant de la construction navale, il s'est félicité que DCN entreprenne une profonde mutation pour devenir une société détenue par l'Etat capable de prendre part aux rapprochements européens. Après avoir rappelé que DCN avait déjà noué des alliances, notamment avec Thalès pour la maîtrise d'_uvre et la commercialisation des programmes à l'exportation et en coopération, il a souhaité qu'elle conserve son périmètre industriel et préserve le niveau et la qualification de ses effectifs.

Il a ensuite jugé que les marchés de l'armement terrestre, où l'électronique prenait le pas sur la mécanique, offraient des perspectives plus limitées de plan de charge à Giat-Industries et a estimé que cette entreprise devait conclure des partenariats, notamment dans le secteur des munitions, à l'image de la société commune qu'elle avait constituée avec Renault Véhicules Industriels pour la réalisation du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI).

Evoquant l'ouverture du capital de SNECMA, il a souligné que cette opération favoriserait la recherche d'alliances européennes, tout en regrettant que le contexte boursier impose momentanément son report. Il a également fait ressortir l'intérêt industriel du projet « Herakles », qui vise à créer un pôle regroupant les activités de la SNPE et de SNECMA dans le domaine des poudres et explosifs et de la grosse propulsion.

S'agissant des perspectives ouvertes par le projet de budget et de sa cohérence avec le projet de loi de programmation militaire 2003-2008, le Délégué général pour l'Armement a indiqué qu'il avait peu de chose à ajouter à l'exposé du Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, devant la Commission et qu'on aurait pu en effet souhaiter un niveau de crédits d'équipement qui assure mieux la transition avec les annuités futures.

Il a ajouté que la DGA était consciente des contraintes créées par le niveau des crédits de paiement prévu pour 2002 et qu'elle s'obligeait d'ores et déjà à la prudence en matière d'engagements. Après avoir fait état de risques de reports de charges en fin d'exercice, en particulier en cas d'annulations de crédits, il s'est félicité que les études amont aient été préservées.

Il a ensuite jugé que le niveau des autorisations de programme rendrait également l'exercice 2002 difficile. En effet, la DGA souhaite développer la méthode des commandes globales qui permet, du fait de la meilleure visibilité donnée aux industriels, des réductions de coûts de 5 % à 10 %. Or, le niveau des autorisations de programme prévu pour 2002 limite le montant des commandes globales et ne permet pas en particulier de passer, conformément aux obligations contractuelles, la commande de la deuxième tranche du développement du M51 à la fin de l'année prochaine.

Après avoir regretté cette situation, due à une doctrine financière excessivement rigide, il a néanmoins indiqué que trois commandes globales seraient passées en 2002, l'une d'un montant de 740 millions d'euros pour le programme de famille de missiles sol-air futurs (FSAF), la deuxième de 80 millions d'euros pour la modernisation de 15 systèmes Roland, et la troisième de 28 millions d'euros pour la modernisation des transmissions des garnisons de l'armée de Terre.

Le Président Paul Quilès s'est interrogé sur l'impact de la réduction du coût des programmes sur la réalisation des objectifs de la loi de programmation militaire. Faisant remarquer que les économies réalisées sur les programmes en cours étaient de l'ordre de 8%, il en a conclu que logiquement, on devrait pouvoir en déduire qu'il était à présent possible de réaliser avec 83 milliards de francs un volume d'équipement initialement évalué à 90 milliards.

Il s'est ensuite interrogé sur le poids financier de la dissuasion et sur la possibilité de mener de front les programmes nucléaires et classiques dans le cadre de l'enveloppe budgétaire allouée à la Défense.

Mentionnant ensuite le développement de l'emploi des drones, notamment en Afghanistan, il a demandé au Délégué général pour l'Armement quelle place leur était faite dans la politique d'équipement militaire. Il a alors évoqué une proposition de coopération en matière de drones de moyenne altitude, dont le Ministre néerlandais de la Défense M. Franciscus De Grave venait de l'informer. Il a demandé au Délégué général pour l'Armement son sentiment sur cette proposition qui consiste en une offre de contribution financière à la réalisation d'un programme de drones de moyenne altitude, en contrepartie d'un droit de tirage sur l'usage des appareils. Il a enfin demandé si l'échéance de 2009 prévue pour la mise en service du système définitif de drones de moyenne altitude n'était pas trop tardive.

Le Délégué général pour l'Armement a répondu, d'une part, que l'enveloppe de la nouvelle programmation avait été calculée compte tenu des réductions de coût attendues et, d'autre part, que la baisse du niveau des ressources avait excédé les gains réalisés sur les seules années 1997 à 2002 grâce aux réductions de coûts. Il a ajouté que cette baisse avait eu un impact sur les programmes de cohérence opérationnelle et qu'elle avait entraîné la suppression de certains programmes.

Il a par ailleurs indiqué que, lors de la construction de la programmation 2003-2008, le parti avait été pris de sanctuariser les capacités nucléaires et que l'obligation de renouveler les deux composantes de la dissuasion pesait beaucoup sur la prochaine programmation, même si ce renouvellement avait été repoussé à l'horizon le plus tardif possible compatible avec le maintien du modèle, soit 2010 pour l'entrée en service du 4ème SNLE équipé du M51. Il a convenu que cette situation créait des contraintes fortes pour les programmes classiques.

Il a ensuite exposé que les Néerlandais avaient été précurseurs en matière de drones tactiques avec le système Sperwer mais qu'ils n'avaient pas d'expérience dans le domaine des drones de moyenne altitude. En ce domaine la DGA avait passé avec EADS un contrat pour l'acquisition de trois systèmes intermédiaires pour des missions de renseignement tactique et opératif. Pour le drone de moyenne altitude définitif dont l'entrée en service est prévue pour 2009, la DGA n'a trouvé jusqu'à présent aucun partenaire européen. M. Yves Gleizes a ajouté qu'il était très difficile d'organiser la production européenne de drones en raison d'approches qui restent très nationales. La DGA considère cependant le développement de la coopération européenne en matière d'armement comme un objectif économique en raison du partage des frais fixes et de l'allongement des séries qu'elle permet et politique en raison du rôle de la France dans le domaine de la construction de l'Europe de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian s'est d'abord interrogé sur le projet de constitution par Thalès et DCN-I d'une société commune dénommée SSDN. Faisant remarquer que, depuis près de trois ans, cette constitution était annoncée comme imminente, il a demandé quelles étaient les raisons qui empêchaient qu'elle ait lieu, alors que le Parlement a adopté les dispositions nécessaires. S'étonnant de cette imminence de longue durée, il a souligné l'importance que revêtait la création de SSDN pour l'avenir de DCN.

Estimant que la réalisation des équipements programmés demanderait sans doute un financement supérieur de 20 % environ aux montants envisagés par le projet de loi de programmation militaire, M. René Galy-Dejean s'est interrogé sur la nécessité de retarder tel ou tel programme pour permettre la bonne réalisation des autres. Il a ensuite demandé au Délégué général pour l'Armement s'il était exact que les Etats-Unis avaient procédé à l'achat de sociétés d'armement terrestre allemandes.

Après s'être interrogé sur l'évolution des effectifs dans l'industrie d'armement, M. Jean-Noël Kerdraon a souhaité connaître les perspectives des marchés de défense en Turquie dès lors que ce pays avait modifié son attitude à l'égard des industriels français postérieurement à la reconnaissance législative du génocide arménien. Il a à ce propos plus particulièrement évoqué une offre française de patrouilleurs. Puis, il s'est félicité du maintien de l'unicité de DCN dans le cadre du projet de réforme statutaire de l'entreprise, en insistant sur l'importance du contrat d'entreprise à conclure avec l'Etat afin de donner des assurances, à quatre ou cinq années, en matière de plan de charges. Il a également précisé que les organisations syndicales de DCN percevaient l'enjeu stratégique représenté par cet engagement de l'Etat à l'égard de leur entreprise.

M. Yves Fromion a regretté l'impression de déshérence que donnait la situation de Giat-Industries, notamment depuis le départ de son dernier président. Il a souligné que cette situation avait suscité un surcroît d'inquiétude au sein des personnels. Il a alors souhaité savoir si des orientations précises étaient arrêtées pour le devenir de Giat-Industries et quelle était la part supportée par le budget de la défense au titre des recapitalisations successives de l'entreprise. Enfin, il a demandé des précisions concernant les grandes priorités de la politique spatiale militaire de la France.

M. Guy-Michel Chauveau s'est félicité de l'existence d'accords de coopération dans le domaine des études amont, notamment entre la France et le Royaume-Uni, en s'interrogeant toutefois sur leurs procédures de validation ainsi que sur l'implication de la DGA, des industriels et des états-majors dans ces coopérations. Il a également demandé s'il était envisageable de donner à l'OCCAR des missions dans le domaine de la recherche et technologie et d'asseoir la coopération européenne en ce domaine sur une analyse commune des menaces. Il s'est enfin enquis des perspectives d'avenir de Giat-Industries.

M. Christian Martin s'est inquiété des conséquences d'un éventuel retrait de l'Italie du programme A400M en précisant que le Premier Ministre avait adressé, à ce sujet, un courrier au Président du Conseil italien. Il a souhaité savoir si cette position italienne était définitive ou donnait lieu en fait à une renégociation. Il a ensuite demandé des précisions sur les perspectives du programme. Puis, il s'est interrogé sur le niveau de l'effort européen en matière de lanceurs et de satellites en comparaison de celui de la Russie et des Etats-Unis.

M. Loïc Bouvard, après s'être félicité des résultats des programmes de réduction de coûts conduits par la DGA, a toutefois demandé pourquoi ils n'avaient pas été décidés plus tôt. Il a ensuite souhaité savoir si DCN serait effectivement maître d'_uvre du développement et de la construction des frégates multimissions et des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda. Concernant Giat-Industries, il s'est interrogé sur ses perspectives de plan de charges au terme des contrats concernant le char Leclerc. Il a ensuite évoqué l'éventualité de rapprochements industriels transatlantiques, en citant à cet égard les liens tissés entre EADS et Northrop-Grumman ainsi qu'entre Thales et Raytheon. Il a ensuite souligné la disproportion des efforts de recherche européens et américains dans le domaine de l'espace et plus particulièrement de l'espace militaire.

M. Jean-Claude Viollet a insisté sur la prise en compte, dans le processus de réforme de DCN, des questions relatives à la capitalisation, au statut des personnels et aux engagements de commande de l'Etat pour les programmes en cours. Il a souhaité connaître les perspectives offertes par l'Etat à DCN dans le cadre du futur contrat d'entreprise, en indiquant qu'à des engagements précis de commande devaient répondre, de la part de l'entreprise, des résultats en termes de gains de productivité, malgré les surcoûts de fonctionnement inévitables à court terme. S'étant également félicité de la baisse des coûts des grands programmes d'armement, il a insisté sur la nécessité de réduire également les coûts de possession des matériels en recherchant notamment une meilleure organisation de leur maintien en condition opérationnelle et une plus grande standardisation des fabrications.

M. Roland Garrigues a demandé si le marché des armements avait été modifié par les événements du 11 septembre et si des besoins nouveaux étaient apparus en matière d'équipement militaire.

M. Robert Poujade a souligné que l'intention annoncée de l'Italie de se retirer du programme A400M n'avait aucun caractère définitif.

M. Yves Gleizes a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- la décision relative à la création de SSDN pourrait avoir lieu en janvier 2002. Des difficultés de négociation liées principalement à l'évaluation des apports ont été à l'origine des premiers retards. Puis, l'annonce du changement de statut de DCN a donné lieu à de nouvelles discussions. Mais un accord semble désormais proche ;

- il est de la responsabilité historique de la DGA de soutenir le nouveau départ de DCN, dans le cadre de relations qui sont devenues celles de fournisseur à client. Le contrat d'entreprise devra contenir des engagements de l'Etat destinés à donner à DCN la plus grande stabilité et visibilité possible concernant son avenir. L'évaluation des immobilisations et les besoins de capitalisation de DCN donnent lieu à un audit. L'effort financier nécessaire à cette capitalisation ne paraît pas pouvoir être supporté par le budget de la Défense. DCN a vocation à se positionner sur l'entretien lourd des grands bâtiments. Pour des raisons évidentes, le programme de SNA Barracuda sera réalisé par DCN. S'agissant du programme des frégates multimissions, DCN jouera un rôle central dans sa réalisation. Il s'agit d'un type de bâtiment novateur, très performant qui sera mis en _uvre par un équipage réduit. Des coopérations européennes sont recherchées pour sa construction, malgré les difficultés liées à la non-coïncidence des calendriers de renouvellement des flottes européennes. En tout état de cause une éventuelle coopération n'affecterait pas le volume financier des commandes attribuées à DCN ;

- Giat-Industries va bientôt être doté d'un nouveau Président Directeur Général, puisque Luc Vigneron, l'actuel Directeur général, a été proposé à ce poste par le conseil d'administration. Il lui reste à être nommé par le Conseil des ministres. Les dernières recapitalisations de Giat-Industries n'ont pas été financées par le budget de la Défense mais des annulations de crédits militaires de même montant ont été constatées. Giat-Industries dispose de pistes à l'exportation, mais ses marchés sont étroits. Le VBCI souffrira de la concurrence du MRAV réalisé par l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Giat-Industries a donc un besoin impérieux de nouer des alliances industrielles ;

- le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 est sincère : si les annuités sont respectées, il sera tout à fait possible de le mettre en _uvre, notamment dans le domaine nucléaire, d'autant que certains programmes classiques ont été étalés, qu'il s'agisse de la réduction des livraisons du Tigre, de 50 à 37, ou du ralentissement du rythme de livraison du Rafale. L'étalement des livraisons du Rafale a toutefois atteint ses limites alors qu'il serait plus avantageux du point de vue militaire et financier de procéder à des acquisitions en bloc ;

- l'OCCAR est aujourd'hui un organisme qui rassemble 180 personnes, recrutées pour leurs compétences, et non en fonction de leur nationalité. Cette petite structure a pour mission principale de gérer les programmes en coopération, sans interférences extérieures sur la base d'un acquis constitué par les Etats. En revanche, elle n'est pas en mesure à ce jour de conduire les programmes ab initio, comme l'a montré l'exemple de l'A400M. De même, s'agissant des études amont, l'OCCAR n'a pas les moyens techniques ni scientifiques de les mener et sera, dans un premier temps, seulement en mesure, une fois les spécifications définies entre les nations, de réaliser des démonstrateurs ;

- en matière spatiale militaire, la France est bien placée pour vendre des capacités du satellite de communications Syracuse III à l'OTAN. Quant au satellite Hélios 2, il s'agit d'un programme de satellite optique de très grande capacité. Des projets de coopération sont par ailleurs en cours pour permettre l'échange du renseignement spatial d'origine optique obtenu par la France contre les données recueillies par moyens radar par l'Italie, avec le satellite Cosmo Skymed, et l'Allemagne, avec le satellite SAR Lupe.

M. Yves Fromion a demandé s'il était envisageable de remédier par une coopération européenne à l'absence actuelle de permanence des capacités d'observation de Hélios.

M. Yves Gleizes a indiqué que les échanges de capacités avec les Italiens et les Allemands et le recours au système dual Pléiades réalisé sous maîtrise d'ouvrage du CNES permettront d'accroître la fréquence des renseignements d'origine satellitaire. Il a ajouté que la discontinuité de l'observation d'un point géographique précis était liée à la nature même des satellites défilants, dès lors que leur nombre est limité. Il n'en reste pas moins qu'actuellement l'utilisation simultanée de deux satellites Hélios 1 permet d'obtenir des informations satisfaisantes.

M. René Galy-Dejean s'est alors interrogé sur le recours éventuel des états-majors des différentes armées au système civil d'observation par satellites SPOT.

M. Yves Gleizes a répondu que le système SPOT contribuait à la cartographie des armées. Il a ensuite apporté les compléments de réponses suivants :

- le retrait italien du programme A400M, qui n'entraînerait qu'une faible hausse de son coût, n'aurait pas la même incidence que celui des Allemands ;

- la DGA n'a pas relevé de demande d'exportation d'armes suspectes depuis le 11 septembre dernier. Une réflexion devrait par ailleurs être engagée au sujet de la protection des populations car cette mission n'incombe pas à la DGA, qui est chargée de la sécurité des forces, bien que le laboratoire du Centre du Bouchet traite, dans les circonstances actuelles, 600 à 700 colis suspects de toute nature ;

- les industriels français maîtrisent certaines « briques » d'un système de défense antimissile. Une défense contre des missiles balistiques d'une portée de l'ordre de 600 km est un objectif réaliste, sur la base d'un élargissement des capacités du missile Aster. Une défense élargie nécessiterait des développements au niveau européen, même si certains éléments sont à la portée des entreprises françaises, notamment dans les domaines de l'alerte avancée et de la poursuite ;

- toute coopération industrielle transatlantique suppose un équilibre entre les entreprises américaines et leurs homologues européennes et une réciprocité dans l'ouverture des marchés comme le montre le partenariat entre Thalès et Raytheon. La législation américaine sur les exportations d'armement et la propriété industrielle doit en outre évoluer, l'administration actuelle se révélant pour le moment moins ouverte à ce sujet que la précédente. Quant au partenariat entre EADS et Northrop-Grumman, il ne doit pas porter préjudice au démonstrateur européen SOSTAR de surveillance du champ de bataille ;

- les industriels américains n'ont pas racheté de société d'armement terrestre allemande, même s'ils cherchent effectivement à se positionner en Europe.


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