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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 18 juin 1998
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Didier Boulaud, Vice-Président,

SOMMAIRE

 

pages

– Examen de l’avis sur les projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification du protocole II d’interdiction des mines, annexé à la Convention de Genève (n° 29) et de la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel (n° 964) (M. Robert Gaïa, rapporteur pour avis)




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– Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat (n° 962), tendant à l’élimination des mines antipersonnel (M. Robert Gaïa, rapporteur)


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– Examen des avis sur les projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 (n° 33) et 1996 (n° 587) (M. François Lamy, rapporteur pour avis)


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La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Robert Gaïa, les projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification du protocole II d’interdiction des mines, annexé à la Convention de Genève (n° 29) et de la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel (n° 964).

Présentant le Protocole II révisé, annexé à la Convention de Genève, M. Robert Gaïa, rapporteur pour avis, a d’abord rappelé que la première version de ce Protocole, élaborée en 1980 dans le cadre consensuel de la Conférence du désarmement, interdisait l’utilisation des mines contre les civils ou sans discrimination et obligeait à établir des plans des champs de mines ainsi qu’à déminer ceux-ci après la fin du conflit, mais qu’elle s’était rapidement avérée inadaptée aux nouvelles conditions d’emploi de ces armes. Après avoir précisé que c’est la France qui, pour cette raison, avait, par la voix du Président François Mitterrand, pris en 1993 l’initiative d’une révision qui avait abouti, le 3 mai 1996, au nouveau Protocole II aujourd’hui soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale, il a exposé que la révision avait d’abord élargi le champ de la convention aux conflits armés non internationaux se déroulant sur le territoire des Etats signataires, c’est-à-dire aux guerres civiles, et estimé qu’il s’agissait d’un apport majeur, dans la mesure où c’est essentiellement dans ce cadre que les mines antipersonnel sont employées à des fins de terreur.

Il a ajouté que le Protocole II révisé interdisait aussi la fabrication et l’emploi de mines antipersonnel indétectables, celle de mines se déclenchant sous l’effet d’un détecteur de mines, la mise en place à distance de mines antipersonnel non dotées de mécanismes d’autodestruction ou d’autodésactivation dans un délai de 120 jours ainsi que le transfert de mines à un destinataire autre qu’un Etat signataire. Il a précisé que les parties s’engageaient également dans le protocole révisé à édicter des dispositions pénales sanctionnant la violation de ses dispositions.

Il a souligné toutefois que le protocole II révisé n’interdisait pas l’usage des mines antipersonnel et qu’il autorisait même celles à durée de vie illimitée pourvu qu’elles ne soient employées que dans des enceintes signalées, clôturées et surveillées et qu’elles soient détectables. Il a également fait remarquer qu’un délai de neuf ans était laissé aux Etats signataires pour se mettre en règle avec ses dispositions et qu’il n’était pas prévu de contrôle des transferts ni de vérification des engagements contractés.

Présentant alors la Convention d’Ottawa, il a d’abord exposé que celle-ci avait pour origine l’action de plusieurs puissances moyennes, parmi lesquelles le Canada, la Belgique et la Norvège, soutenues par une coalition d’associations humanitaires, comme Handicap international, qui entendaient remédier aux lacunes du Protocole II révisé et mobiliser l’opinion autour d’une initiative d’interdiction totale. Il a indiqué que cette convention avait été signée par 121 pays les 3 et 4 décembre 1997.

Analysant les dispositions de la Convention, le rapporteur a d’abord indiqué qu’elle interdisait totalement l’emploi, la mise au point, la production, le stockage, la conservation et le transfert des mines antipersonnel. Il a ajouté que les Etats signataires devraient détruire leur stock de mines antipersonnel dans les quatre ans, prévoir des sanctions pénales pour prévenir et réprimer les activités interdites par la Convention et qu’un mécanisme de vérification permettrait de contrôler le respect par les parties de leurs obligations.

Il a souligné que la Convention d’Ottawa comportait aussi des dispositions très substantielles en faveur des pays minés puisque chaque Etat partie en mesure de le faire devra non seulement fournir une aide au déminage et à la destruction des stocks de mines antipersonnel mais mener aussi des actions de soin et de réinsertion sociale et économique des victimes de ces armes ainsi que de sensibilisation à leurs dangers.

Après avoir rappelé l’ancienneté et la persévérance de la lutte de la France contre les ravages des mines antipersonnel, depuis 1986, date à laquelle elle a décidé de cesser d’exporter ces armes, jusqu’à l’été 1997, où en se ralliant au processus d’Ottawa, elle a donné une impulsion décisive en faveur de sa réussite, le rapporteur pour avis a signalé que même s’il était en retrait par rapport à la Convention d’Ottawa, le Protocole II de Genève révisé n’en devenait pas pour autant obsolète ni caduc mais prenait au contraire une importance nouvelle dans la mesure où, en plus de son extension aux théâtres de guerres civiles, il fournissait un très bon instrument pour amener les Etats non signataires de la Convention d’Ottawa à progresser vers l’interdiction complète. Il a fait remarquer à ce propos que le Protocole restait susceptible de révision dans le cadre consensuel et universel de la Conférence du désarmement.

Mentionnant à l’appui de cette analyse l’évolution des positions des Etats-Unis et de la Russie, non signataires de la Convention d’Ottawa, en faveur d’une relance rapide de l’interdiction des transferts et des cessions de mines antipersonnel dans le cadre de la Conférence du désarmement, il a jugé que les prochains progrès viendraient d’améliorations du protocole de Genève destinées à restreindre de plus en plus la circulation et l’usage de ces armes.

Il a enfin, en conclusion, invité la Commission à donner un avis favorable à la fois à la ratification de la Convention d’Ottawa et à celle du Protocole II de Genève modifié.

La Commission a alors donné successivement un avis favorable à l’adoption des projets de loi (n° 29 et n° 964).

——fpfp——

La Commission a ensuite examiné, en deuxième lecture, la proposition de loi modifiée par le Sénat tendant à l’élimination des mines antipersonnel (n° 962), sur le rapport de M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa, rapporteur, a souligné que l’examen de la proposition de loi par le Sénat faisait apparaître une approbation totale par ce dernier des mesures proposées et des objectifs poursuivis par l’Assemblée nationale. Détaillant les décisions prises par le Sénat, il a indiqué qu’une des modifications essentielles qu’il avait apportée au texte consistait à ajouter aux activités interdites la conservation des mines, à côté de leur stockage et qu’il avait approuvé, quant au fond, la quasi totalité des autres dispositions de la proposition de loi.

Relevant que, de ce fait, les amendements adoptés par le Sénat étaient pour l’essentiel soit rédactionnels, soit de précision, il a ajouté qu’il ne pouvait toutefois pas proposer sans réserves à la Commission d’adopter sans modification la proposition de loi ainsi modifiée, l’ampleur des réécritures et des modifications de structure auxquelles il avait été procédé créant plusieurs difficultés.

Il a expliqué que celles-ci venaient d’abord des dispositions relatives aux exceptions aux interdictions ; il a relevé en particulier que la rédaction adoptée par le Sénat ne permettait plus le stockage des mines confiées à la France par les pays étrangers aux fins de destruction, mais seulement leur transfert. Regrettant la souplesse d’action ainsi ôtée aux services chargés de la destruction des mines, M. Robert Gaïa a estimé cependant que, dans la mesure où le Gouvernement avait approuvé la rédaction issue des débats du Sénat, il pouvait proposer à la Commission de la Défense de s’y rallier.

Il a également estimé que le Sénat, par les importantes modifications de structure qu’il avait introduites, sans rien apporter de significatif au fond du texte, lui avait fait prendre l’apparence d’une simple mesure d’application d’une convention soumise à ratification par le Gouvernement, alors que tel n’était pas le cas.

Il s’est enfin déclaré dubitatif sur l’intérêt de la disposition ajoutée par le Sénat pour sanctionner de façon spécifique le fait de faire obstacle aux procédures internationales d’établissement des faits prévues par la Convention d’Ottawa, eu égard notamment à l’existence des articles 433-6 à 433-9 du code pénal relatifs à la rébellion.

Concluant que, mis à part quelques amendements de forme, l’apport du Sénat se résumait à l’introduction, dans le dispositif législatif, d’imperfections sans conséquence sur le fond, le rapporteur a fait valoir que la mise en oeuvre d’un dispositif national d’élimination des mines antipersonnel revêtait un caractère d’urgence dans la mesure où elle devait permettre à la France de jouer pleinement son rôle d’exemple et d’entraînement pour les autres pays. Il a estimé qu’il revenait, dans ces conditions, à l’Assemblée nationale d’agir avec sagesse, et proposé en conséquence à la Commission d’adopter sans modification la proposition de loi.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a alors adopté sans modification la proposition de loi, modifiée par le Sénat (n° 962), tendant à l’élimination des mines antipersonnel.

——fpfp——

La Commission a enfin examiné, pour avis, sur le rapport de M. François Lamy, les projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 (n° 33) et de 1996 (n° 587).

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a tout d’abord regretté le caractère largement formel de la procédure d’examen des lois de règlement, faisant observer que celles-ci constituent, pour le budget de la Défense, la seule occasion de mener une analyse pertinente sur l’adéquation entre les crédits effectivement ouverts et les orientations fixées par la loi de programmation, eu égard à l’écart très important entre la loi de finances initiale et le budget exécuté. Il a indiqué que l’examen de la partie des lois de règlement relative aux crédits militaires permettait en outre de porter un regard sur les méthodes de gestion du ministère de la Défense, ce qui dépasse les simples enjeux de technique financière pour poser la question de l’effectivité du pouvoir de contrôle du Parlement sur un budget souvent peu transparent et permet de s’interroger sur le lien entre l’évolution des dotations et celle de leur contenu physique.

Il a ensuite présenté conjointement les deux avis sur les lois de règlement pour les budgets de 1995 et 1996, soulignant leur caractère indissociable tant dans leurs modalités que dans les enseignements qu’ils livrent. Il a souligné l’absence de correspondance stricte entre les crédits votés en début d’année et les dépenses nettes du ministère de la Défense en 1995 et 1996, dont l’évolution avait même été inverse de celle présentée en loi de finances initiale, et fait observer que ce décalage tenait exclusivement aux dépenses d’équipement. Il a rappelé qu’alors qu’en loi de finances initiale, le budget de la Défense pour 1996 affichait par rapport à 1995 une baisse de 2,4 % de son montant global et de 6,3 % pour les dépenses d’équipement, les dépenses nettes s’étaient révélées en exécution supérieures à celles de 1995 de 3 % pour l’ensemble des crédits militaires, et de 4,4% pour les dépenses d’équipement. Il a fait observer que la raison essentielle de cette déconnexion entre la loi de finances initiale et le budget exécuté tenait à la très forte régulation appliquée, à l’époque, au budget de la Défense, en conséquence d’une politique budgétaire et fiscale particulièrement rigoureuse. Il a relevé que cette régulation s’était traduite essentiellement par un niveau élevé d’annulations de crédits d’équipement (12 milliards de francs en 1995 et 8,5 milliards de francs en 1996) et par une masse très importante de reports de crédits qui avaient permis au budget de la Défense de jouer le rôle de variable d’ajustement du déficit de l’Etat.

Sans prétendre jeter l’anathème sur le principe même de la régulation budgétaire, M. François Lamy a toutefois déploré ses modalités, mentionnant notamment le caractère verbal des instructions reçues du ministère du Budget par le contrôleur financier sans que, par définition, les gestionnaires du ministère en soient informés. Il a estimé que cette procédure paraissait peu compatible avec les engagements du ministère de la Défense à l’égard de ses fournisseurs et, après avoir rappelé que le paiement de plus de 12 milliards de francs de charges avait été reporté en 1995 sur l’exercice 1996, il a précisé que sur ces 12 milliards de francs 8 milliards avaient entraîné le versement d’intérêts moratoires pour une somme de 812 millions de francs en 1996, soit une augmentation de 157 % par rapport à 1995.

Le rapporteur pour avis a en conséquence souligné que l’exercice 1995 apparaissait catastrophique puisqu’il s’était traduit par une baisse de 15,5 % des crédits d’équipement entre la loi de finances initiale et le budget exécuté, y compris toutefois les transferts vers le budget civil de la recherche. Il a ajouté que l’exercice 1996 s’était révélé tout aussi délicat en raison de trois contraintes : la contrainte financière héritée de l’exercice 1995, la contrainte budgétaire très forte de 1996 et la nécessité de ne pas hypothéquer d’entrée de jeu la loi de programmation 1997-2002.

M. François Lamy, soulignant la rupture introduite par la crise financière issue des exercices 1995 et 1996, a relevé que deux enseignements pouvaient en être tirés.

Il a insisté sur la nécessité de faire évoluer le budget de la Défense dans un cadre pluriannuel clair et réaliste, soulignant que l’exercice 1996 en avait été dépourvu, ce qui avait donné lieu à des errements chaotiques. Il a d’ailleurs fait observer que c’est précisément ce constat, nourri des enseignements tirés de l’échec de la loi de programmation 1995-2000, qui avait présidé à la revue de programmes permettant d’actualiser les données retenues par la loi de programmation militaire 1997-2002.

Il a souligné en outre que la lourdeur des processus de gestion internes au ministère de la Défense avait contribué à amplifier les effets de la régulation et les carences de la programmation, tout en indiquant que des améliorations étaient récemment intervenues sur ce point, notamment à la suite de la signature d’une instruction interministérielle commune aux ministères du Budget et de la Défense. Il a rappelé, à ce propos, que le ministère de la Défense avait, depuis le 1er janvier 1998, adopté la comptabilité spéciale des investissements, en vigueur dans les ministères civils depuis quinze ans déjà. Il a également indiqué qu’était actuellement envisagée une réforme de la nomenclature budgétaire susceptible de permettre un suivi plus fin de l’affectation des crédits d’équipement, et articulée autour de la notion d’« opération budgétaire d’investissement », qui se situerait à un niveau intermédiaire entre l’extrême globalité de certains chapitres du titre V et les quelques 8 000 opérations budgétaires existant actuellement. Il a enfin souligné que les signes de dysfonctionnements les plus flagrants tels que les intérêts moratoires semblaient partiellement résorbés (environ 300 millions de francs en 1997), des mesures ayant par ailleurs été prises pour limiter leurs effets négatifs sur les petites et moyennes entreprises partenaires du ministère de la Défense.

M. François Lamy a estimé que s’il fallait se féliciter de cette évolution des pratiques gestionnaires et budgétaires, il restait néanmoins à espérer qu’elles se traduiraient rapidement dans la présentation des documents budgétaires, notamment à l’occasion de la loi de finances pour 1999.

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 et de 1996.


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