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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 octobre 1998
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Didier Boulaud,Vice-Président,
puis de M. Paul Quilès, Président

SOMMAIRE

 

pages

Projet de loi de finances pour 1999 : Défense

 

· Avis : Espace, Communication et Renseignement (M. Bernard Grasset, rapporteur)

2

Armée de l’air (M. Yann Galut, rapporteur pour avis)

4

Forces terrestres (M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis)

7

· Vote sur l’ensemble des crédits de la Défense

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La Commission a tout d’abord examiné les crédits de l’Espace, de la Communication et du Renseignement, sur le rapport de M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis.

M. Bernard Grasset a rappelé que, depuis la mise en oeuvre du satellite d’observation optique Hélios, la France s’était dotée d’une capacité autonome d’appréciation dans la prévention et l’analyse des crises qui confortait son indépendance de décision et d’action. Il a estimé qu’il était nécessaire de poursuivre les efforts qui ont permis d’accéder à ces techniques et ne pas quitter le « cercle vertueux » de la décision politique, du progrès scientifique et du savoir-faire industriel.

Le rapporteur pour avis a émis la crainte que le projet de budget pour 1999 comporte un risque de rupture avec les tendances précédentes, même s’il est nécessaire de prendre en compte les aléas et les perspectives de la coopération européenne dans le domaine des communications ou des programmes spatiaux. Il a estimé que, si les programmes destinés à la prévention des crises continuaient globalement d’être privilégiés, un certain ralentissement affectait le domaine spatial.

Présentant le projet de budget, il a rappelé que l’effort de notre pays dans le domaine spatial avait été sans comparaison en Europe et que les dotations budgétaires avaient progressé rapidement depuis dix ans jusqu’à dépasser 4 milliards de francs en francs courants dans les lois de finances initiales pour 1993, 1995 et 1996. Il a constaté que le niveau réel des dépenses, compte tenu des annulations et des transferts de crédits, n’avait toutefois pas excédé 2,5 milliards de francs au cours des trois derniers exercices. Alors qu’il était prévu de consacrer près de 4 % des crédits d’équipement à l’espace, la revue de programmes a autorisé un recalage des ressources par rapport aux possibilités financières et au déroulement réel des programmes.

M. Bernard Grasset a ensuite qualifié les dotations prévues pour l’espace de globalement raisonnables, compte tenu du niveau des dépenses réelles des précédents exercices. Il a estimé que la diminution des autorisations de programme de 10,66 % confirmait un ralentissement des programmes spatiaux et a fait observer que la réduction de 15,9 % des crédits de paiement qui passeront à 2 618 millions de francs contrastait avec l’augmentation globale des dotations en capital de la défense (+ 6,17 %).

Il a regretté le retour de l’imputation de dotations duales dans les crédits spatiaux en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire qui avait exclu toute contribution du ministère de la défense au BCRD. Il a rappelé que le niveau des transferts au BCRD devait graduellement baisser, en crédits de paiement, d’environ 1 milliard de francs en 1996 et 1997 (au titre des reports) à 500 millions de francs en 1998 pour disparaître par la suite. Si l’exercice 1998 correspond bien à ce schéma, le projet de budget pour 1999 prévoit un nouveau transfert de 900 millions de francs, destiné essentiellement aux recherches dans le domaine spatial et affecté au budget du CNES.

Le rapporteur pour avis a considéré que les transferts de crédits militaires vers les programmes civils pouvaient être acceptés si ceux-ci étaient effectivement affectés à des études amont qui présentaient un intérêt direct pour la Défense.

Mais la participation des crédits militaires aux dépenses spatiales civiles représente un simple abondement du budget du CNES. Les conséquences de la réaffectation de crédits duaux sur le budget spatial militaire sont d’autant plus importantes que le montant des crédits d’études relatives à l’espace gérées par la DGA ne dépasse pas 265 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 1999.

M. Bernard Grasset a ensuite souligné qu’en attendant que ses partenaires européens s’engagent sur des projets en coopération, la France garantit le bon déroulement des programmes majeurs qu’elle conduit dans le cadre du plan pluriannuel spatial militaire et prépare leur renouvellement afin d’assurer la nécessaire continuité de service. Il a ainsi indiqué que notre pays proposait à ses partenaires espagnol et italien de participer au lancement du satellite Hélios 1B en décembre 1999 pour assurer la continuité du premier satellite de ce type. Il a également précisé que, devant les incertitudes italienne, espagnole et belge concernant leur association au programme de seconde génération Hélios 2, et suite à l’abandon, que l’on espère provisoire, des projets allemands de coopération dans le domaine spatial, le projet de budget prévoyait un financement de 1,254 milliard de francs de crédits de paiement pour le développement du système Hélios 2.

Il a rappelé qu’en raison du coût élevé d’un système d’observation radar et de l’impossibilité pour un seul pays d’en assurer le financement, l’accès à la filière du renseignement « tout temps » avait été envisagé dans un cadre multinational avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Il a également indiqué que la préférence allemande pour un système d’observation radar avait alors lié les négociations sur les deux catégories de satellites d’observation, optique et radar. Par la suite, la persistance des incertitudes allemandes avait conduit le Gouvernement, dans le cadre de la revue de programmes, à arrêter le projet Horus, sans pour autant renoncer à l’acquisition d’une capacité d’observation radar sur la période du plan pluriannuel spatial militaire. Il a observé à ce propos que la maturité croissante du concept de petits satellites radar entraînait le réexamen des projets de recherche et des capacités d’observation des systèmes.

Le rapporteur pour avis a par ailleurs indiqué que le système de communications militaires spatiales Syracuse II reposait sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires. Des compléments au programme initial et des améliorations visent à prolonger la durée de vie de la composante spatiale de ce système jusqu’en 2005 en améliorant son interopérabilité avec les autres systèmes de télécommunications.

Il a justifié la recherche d’une coopération européenne pour le développement du successeur de Syracuse II par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux britannique et français et par la convergence des besoins opérationnels avec l’Allemagne. Il a considéré qu’en annonçant, le 12 août dernier, qu’elle ne prendrait pas part à la phase de définition de cette coopération, la Grande-Bretagne montrait qu’elle privilégiait une solution nationale en raison de différences d’approche sur le recours aux techniques EHF et de considérations industrielles.

Se félicitant que la France ne souhaite pas renoncer à la coopération, il a considéré qu’il serait peut-être nécessaire d’envisager une solution intermédiaire permettant de prolonger Syracuse II dans l’attente de la réalisation d’un système commun, même si cette solution ne permettait que des communications non protégées. Dans l’attente d’une décision, 318 millions de francs de crédits de paiement ont été inscrits dans le projet de budget pour 1999 afin que se poursuivent les études de faisabilité.

En résumé, le rapporteur pour avis a qualifié le budget de raisonnable tout en s’interrogeant sur la volonté réelle de coopération de nos partenaires européens dans le domaine spatial.

Mme Martine Lignières-Cassou s’est étonnée que le rapporteur pour avis déplore l’imputation au budget de la Défense du financement de la recherche duale.

M. Bernard Grasset a indiqué que le problème tenait, non au transfert de crédits militaires vers les budgets de recherche civile, mais à l’absence d’intérêt pour la défense des travaux ainsi financés, qui n’avaient pas véritablement de caractère dual. Il a estimé en conséquence que, dans la mesure où la recherche militaire ne bénéficiait pas des retombées des recherches civiles menées avec des crédits militaires, le budget de la Défense n’avait pas à assumer cette charge financière.

——fpfp——

La Commission a ensuite examiné les crédits de l’Armée de l’air pour 1999, sur le rapport de M. Yann Galut, rapporteur pour avis.

M.  Yann Galut a d’abord exposé que le projet de budget de l’Armée de l’air pour 1999 s’élèverait à 35,8 milliards de francs, soit une augmentation de 2,6 % par rapport à l’an dernier, et que, comme l’an dernier également, il représenterait 18,9 % du budget de la défense.

Il a indiqué que si le titre III, fixé à 15,8 milliards de francs, connaissait une légère diminution, de 0,98 %, le budget d’équipement, après avoir été réduit de 11,4 % en 1998 progressait de 5,6 %, et correspondait pratiquement, avec 20,38 milliards de francs de crédits de paiement, au montant « idéal » découlant de la revue de programmes.

S’agissant du titre III, le rapporteur pour avis a fait remarquer que, compte tenu des modifications de structure qu’il comportait, puisque notamment 220 millions de francs de crédits de paiement destinés à l’entretien du matériel passaient au titre V, l’essentiel n’était pas son évolution globale, mais la variation des grandes catégories de dépenses. Il a observé que, si, en conséquence de la professionnalisation, les crédits de rémunération y prenaient de plus en plus de place puisqu’ils augmentaient de 341,5 millions de francs, soit de 2,7 %, les crédits de fonctionnement, une fois mises à part les dépenses de carburant opérationnel, qui suivent l’évolution du prix du baril de pétrole, diminuaient de 5,2 % après avoir baissé de 4 % l’an dernier.

Présentant la méthode qui avait permis à l’Armée de l’air d’absorber cette diminution continue, il a jugé qu’elle l’avait en fait anticipée, grâce à un effort de restructuration entamé depuis longtemps et qui se poursuit. Il a précisé que fin 1999, l’Armée de l’air disposerait de 36 bases aériennes, c’est-à-dire de 36 implantations, soit 18 de moins qu’en 1982. Il a souligné également que le budget de fonctionnement des bases avait été distingué des dépenses liées à l’activité opérationnelle et que la gestion en était décentralisée et confiée aux commandants de base. Il a ajouté que l’organisation des bases venait en outre d’être réformée : le commandant de base a désormais moins de subordonnés directs, et ceux-ci ont plus de responsabilités, le commandant en second notamment étant désormais en charge de l’activité des forces, libérant le commandant de base pour d’autres tâches parmi lesquelles le pilotage de la gestion de la base, le recrutement et la reconversion des militaires du rang.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la professionnalisation de l’Armée de l’air. Il a fait remarquer que celle-ci se poursuivait à un rythme rapide. Alors qu’elle disposait de plus de 32 000 appelés en 1996, il n’en est plus prévu que 11 000 en milieu d’année 1999 et 6 000 en 2000. A la fin 1998, elle n’en aura plus que 14 000, ce qui signifie qu’elle a d’ores et déjà perdu 60 % de ses effectifs d’appelés. Il a conclu que le budget de l’Armée de l’air pour l’an 2000 serait pratiquement le budget d’une armée professionnelle, ce qui faisait de l’année 1999 une année charnière pour sa professionnalisation.

A ce propos, il a indiqué que l’Armée de l’air allait créer 2 353 postes de militaires techniciens de l’air (MTA) sur l’année, portant l’effectif de militaires du rang engagés aux deux tiers de l’effectif final. Il a jugé que le choix d’un recrutement local, sous la responsabilité première de chaque base aérienne apparaissait efficace et prometteur, l’Armée de l’air semblant satisfaite des prestations fournies par les MTA et les MTA des conditions offertes par l’Armée de l’air. Il a rappelé que le Général Jean Rannou, Chef d’état-major de l’Armée de l’air, avait décrit à la Commission les actions de formation et de promotion que l’Armée de l’air avait décidées au profit des MTA pour leur permettre d’aborder au mieux la suite de leur carrière professionnelle.

Abordant les crédits du titre V, il a fait observer que ceux-ci correspondaient aux décisions de la revue de programmes et indiqué que, de ce fait, les opérations d’équipement prévues pour 1999 seraient toutes réalisées, qu’il s’agisse du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), des moyens de transmission des bases aériennes, des avions et des armements. Il a indiqué qu’était prévue la livraison de 22 Mirage 2000-5 issus de la transformation de Mirage 2000 de défense aérienne, de 12 Mirage 2000 D d’attaque au sol, mais aussi de 25 missiles MICA pour les Mirage 2000-5 et de 2 pods de désignation laser pour les Mirage 2000 D. Il a ajouté que ces livraisons permettraient à l’Armée de l’air de mettre en service en fin d’année son premier escadron de Mirage 2000-5 à Dijon et trois escadrons de combat de Mirage 2000 D. Il a ajouté que 500 armements air-sol modulaires seraient également commandés pour une livraison à partir de 2004, et que la force aérienne de projection retrouverait 9 Transall rénovés, recevrait 1 Casa CN 235 et commanderait 2 hélicoptères Cougar Resco.

S’agissant de l’avenir de l’Armée de l’air, il a évoqué le nouvel avion d’armes Rafale et le futur avion de transport. Il a souligné que l’article 15 du nouveau chapitre 53-71, spécifiquement consacré au Rafale Air, était doté dans le projet de budget de 3 750 millions de francs de crédits de paiement et de 3 123 millions de francs d’autorisations de programme. Il a ajouté que ces dotations garantissaient l’acquisition du Rafale par l’Armée de l’air. Il a rappelé qu’une commande pluriannuelle de cet appareil devait être passée prochainement et précisé que le Rafale serait livré à partir de 2005 pour compléter, puis remplacer les Mirage 2000 D d’attaque au sol après leur mise au standard F3, en 2008. Il a jugé que l’échéancier prévisionnel de retrait des avions de combat existants montrait que le calendrier de livraison du Rafale correspondait globalement aux besoins de l’Armée de l’air.

Faisant observer que les Transall puis les C 130 devraient être retirés du service à partir de 2004, il a indiqué que l’appareil qui les remplacerait devrait cependant présenter des spécifications très différentes puisqu’il serait destiné à assurer la projection des forces dans le cadre d’opérations extérieures ou de maintien de la paix, alors que le Transall avait été conçu pour la guerre en centre-Europe.

Dans ce cadre, il a constaté que les perspectives de réalisation du programme d’avion de transport futur (ATF) se concrétisaient progressivement et que, si le calendrier connaissait un léger glissement puisque, après que la fin de l’année 2005 eut été évoquée pour son entrée en service, le ministère semblait envisager maintenant plutôt le début 2006, le prélancement avait été signifié en juin dernier et un appel d’offre adressé fin juillet à Airbus Industrie, Boeing et Lockheed. Il a précisé que la remise des offres devait être faite le 31 janvier 1999.

Il a ajouté que la solution d’un achat sur étagère d’avions existants paraissait moins évidente qu’auparavant dans la mesure où certaines spécifications de l’Antonov 70, différentes de celles de l’ATF, nécessitaient des modifications sérieuses et où le Chef d’état-major de l’Armée de l’air avait par ailleurs fait état devant la Commission des inconvénients de l’achat d’une flotte mixte de C 17 et de C 130, le C 17 étant coûteux et ne disposant que de capacités tactiques limitées, tandis que le C 130 ne présentait pas une capacité d’emport suffisante.

En conclusion, le rapporteur pour avis a déclaré satisfaisant le projet de budget de l’Armée de l’air et a, en conséquence, proposé à la Commission d’émettre un avis favorable à son adoption.

M. Bernard Grasset s’est étonné que l’on puisse, année après année, annoncer que les décisions concernant la prise de commande du Rafale ou de l’ATF interviendront prochainement alors qu’elles sont sans cesse remises à plus tard. Par ailleurs, il s’est félicité de constater que l’hypothèse d’achat sur étagère d’un avion de transport et celle du remplacement du Transall par un Antonov semblaient susciter un intérêt moindre.

M. Guy Teissier a considéré qu’il convenait d’éviter de repousser indéfiniment le lancement du programme ATF dans la mesure où les Transall épuisent progressivement leur potentiel de vol et apparaissent de moins en moins adaptés aux missions.

M. Robert Poujade a fait part de ses préoccupations devant les retards mis à engager le programme d’avion de transport futur alors que le remplacement du Transall s’avérait de plus en plus nécessaire.

M. Arthur Paecht a souligné que l’ATF était actuellement le seul programme d’avion militaire prévu dans le cadre d’une coopération industrielle européenne, ce qui, outre l’amélioration des capacités des forces qu’il pouvait procurer, lui donnait une importance politique particulière. Il a estimé que les différences de priorités de la France et de l’Allemagne à l’égard de ce programme trouvaient leur origine dans le fait que l’armée française avait fait un usage plus intensif de ses Transall que l’armée allemande. Enfin, il a considéré que les cibles initiales du programme ATF avaient été surestimées mais que la redéfinition des spécifications de l’appareil avait permis une baisse de coût qui le rendait plus réaliste.

M. Jean Briane, exprimant le voeu que le programme d’avion de transport futur soit lancé dans de brefs délais, a déclaré ne pas partager sur ce point l’optimisme du rapporteur.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

— des crédits ont d’ores et déjà été inscrits en loi de finances pour permettre la commande d’avions Rafale ;

— les décisions concernant les réponses aux appels d’offre relatifs au remplacement des avions de transport Transall seront rendues publiques le 31 janvier 1999 ;

— le programme d’avion de transport futur constitue, du fait de sa proximité avec la famille Airbus et sa conception industrielle, une solution qu’il faut privilégier ;

— l’avion de transport futur représente la meilleure solution aux besoins exprimés par l’Armée de l’air ;

— globalement, les glissements constatés sur les différents programmes de l’Armée de l’air ne paraissaient pas de nature à altérer à terme ses capacités opérationnelles.

——fpfp——

La Commission a ensuite examiné les crédits de l’Armée de terre pour 1999, sur le rapport de M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Sandrier a tout d’abord rappelé l’engagement pris par le Gouvernement, conformément aux orientations définies par le Président de la République et votées par le Parlement, d’assurer le passage à une armée entièrement composée de professionnels et de volontaires, dont l’axe essentiel était la projection des forces. Il a précisé que l’avis qu’il avait préparé prenait en compte les différentes auditions tenues devant la Commission et en particulier celle des organisations syndicales des personnels civils ainsi que l’entretien qu’il avait eu avec le Chef d’état-major de l’Armée de terre.

Le projet de budget de l’Armée de terre pour 1999 s’élève à 49,2 milliards de francs, soit une augmentation comparable à celle de l’ensemble du budget de la Défense de 2,7 % par rapport aux crédits votés pour 1998. La part des crédits des forces terrestres s’établit, cette année encore, à 25,9 % du budget du ministère.

Les crédits de paiement inscrits au titre III s’élèvent à 30,7 milliards de francs contre 30,59 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 1998, en augmentation de 0,4 % en francs courants et en très légère diminution en francs constants (- 0,7 %). Ils sont en fait conservés à leur niveau précédent compte tenu du changement de périmètre budgétaire lié aux transferts de charges résultant de l’autonomisation de la Direction du Service national. M. Jean-Claude Sandrier a rappelé à ce propos que les crédits correspondant aux emplois de personnels civils ne figurent pas dans le budget de l’Armée de terre.

Les crédits de paiement inscrits aux titres V et VI progressent de 1,13 milliard de francs (46,5 %), en passant de 17,355 milliards de francs à 18,489 milliards de francs, résorbant ainsi partiellement l’encoche pratiquée en 1998, en cohérence avec les décisions résultant de la revue de programmes. Toutefois, les autorisations de programme enregistrent une forte baisse (- 9,8 %). Il convient de s’en inquiéter dans la mesure où le stock d’autorisations de programme dont disposait l’Armée de terre et qui pouvait justifier une baisse, est en train de s’assécher.

Le rapporteur pour avis a rappelé que le Général Philippe Mercier, Chef d’état-major de l’Armée de terre, avait, lors de la présentation de son budget, évoqué « sa satisfaction lucide » quant au titre V et son « inquiétude raisonnée » quant au titre III. Il a observé qu’on trahirait son appréciation si l’on ne prenait en compte qu’une seule de ces formulations, d’autant que le Général Philippe Mercier avait souligné que le projet de budget « permettait de poursuivre la refondation de l’Armée de terre » et « de garantir ses capacités opérationnelles ».

S’agissant des dépenses de fonctionnement, M. Jean-Claude Sandrier a indiqué que les crédits affectés aux rémunérations d’activité (22,4 milliards de francs) augmentaient globalement de 3,37 %, alors que les charges sociales (2,25 milliards de francs) subissaient une hausse de 4,63 % par contrecoup de la professionnalisation. Ces chapitres budgétaires intégreront en 1999 l’effet cumulé des hausses de rémunération de la fonction publique, soit 173 millions de francs en 1998 et 248,5 millions de francs en 1999. Les crédits de fonctionnement des forces (4,6 milliards de francs) enregistraient une baisse de 9,35 % ; les crédits d’alimentation (1,25 milliard de francs) connaissaient une diminution de 12 %, liée en grande partie à la réduction des effectifs d’appelés du contingent. Enfin, l’entretien programmé des matériels, était en forte contraction : - 33 % en crédits de paiement.

Abordant les grandes masses des titres V et VI, il a précisé qu’en crédits de paiement les dotations destinées à l’espace et aux systèmes d’information et de communication augmentaient de 18,2 %, celles consacrées aux études diminuaient de 5,9 %, les crédits finançant les équipements interarmées progressaient de 6,2 %, ceux propres à l’équipement de l’Armée de terre de 1,6 % et ceux dédiés aux infrastructures de 11,5 %. Enfin, il a souligné que les dotations consacrées au soutien des forces et à l’entretien programmé du matériel étaient respectivement en hausse de 14,4 % et de 3,2 %.

Le rapporteur pour avis a rappelé que la réforme engagée par la loi de programmation se traduira par une réduction des effectifs de l’ordre de 96 000 postes entre 1996 et 2002, pour atteindre un effectif global de 171 394 personnes dont 137 340 militaires et 33 954 civils. Le double mouvement de professionnalisation et de suppression de postes au cours des prochaines années se caractérisera, à l’horizon 2002, par une forte augmentation du taux d’encadrement (33 % en 1997, 49 % en 2002), un accroissement de la proportion du personnel civil de 14 % à 20 % et une progression régulière de la professionnalisation qui devra être accompagnée d’une réelle politique de gestion des ressources humaines.

Les effectifs militaires de l’Armée de terre sont fixés à 186 744 postes budgétaires par le projet de loi de finances pour 1999. Ils enregistrent globalement une diminution de 16 470 unités (- 8,1 %). L’année 1999 verra la suppression de 230 postes d’officiers, 1 220 postes de sous-officiers et 22 260 postes d’appelés. Elle verra, par contre, la création de 5 879 postes d’engagés et de 1 361 postes de volontaires. Le taux d’encadrement passera de 35,2 % en 1998 à 37,5 % en 1999.

S’agissant des pécules institués par la loi n° 96-111 du 19 décembre 1996, 1 189 ont été accordés en 1997 sur les 3 651 demandés et 1 482 sur 3 336 en 1998. Sur ces deux années, 243 officiers et 2 428 sous-officiers ont bénéficié d’un pécule de départ anticipé pour un coût global de 688,7 millions de francs. L’enveloppe budgétaire destinée aux pécules pour 1999 s’élève à 301,38 millions de francs et devrait permettre le départ anticipé de 175 officiers et 869 sous-officiers. En 1998, 65 sous-officiers et 244 sous-officiers auront par ailleurs quitté l’Armée de terre pour intégrer le Gendarmerie, alors que 31 officiers et 149 sous-officiers auront été intégrés dans la fonction publique.

La revalorisation de la rémunération des militaires du rang professionnel hors primes spécifiques liées à l’activité se situe désormais mensuellement à 6 250 francs. Par ailleurs, plusieurs mesures ont été prises pour faciliter le recrutement des engagés : revalorisation de l’indemnité de départ des caporaux, augmentation de la prime d’engagement et amélioration des indemnités de déménagement.

Les 1 361 volontaires du service national devraient occuper au sein de l’Armée de terre des emplois combattants, comme militaires du rang ou cadres de contact. Ils bénéficieront d’une rémunération équivalente à celle des emplois jeunes, avantages en nature inclus. Des crédits à hauteur de 87,8 millions de francs sont ouverts à cet effet. Enfin, la dotation destinée aux réserves, rémunérations et activités, s’élève à 185,8 millions de francs dans le projet de budget pour 1999, en hausse de 4,4 %.

Les postes budgétaires correspondant à des emplois civils augmentent de 368 unités dans le projet de budget pour 1999. Toutefois, force est de constater qu’il semble difficile qu’au cours de l’exercice à venir, l’Armée de terre puisse non seulement pourvoir ces nouveaux postes mais aussi résorber le déficit accumulé, qui représente environ 11 % des emplois budgétaires 1998. Sans doute, conviendrait-il que le ministère de la Défense s’efforce, par de véritables mesures incitatives et plus convaincantes, de permettre aux ouvriers d’Etat de pouvoir occuper sans difficultés majeures bon nombre de ces emplois. Il devient en effet difficilement compréhensible que les suppressions d’emplois se poursuivent ou s’accroissent à GIAT-Industries, à la DCN ainsi qu’à la DGA, alors que l’armée se trouve dans l’impossibilité de faire face à ses besoins en personnels civils.

Le rapporteur pour avis a relevé une certaine contradiction dans une politique qui obéit à la volonté affichée de disposer d’un outil professionnalisé afin d’accroître l’efficacité des forces mais qui, en réduisant les crédits de fonctionnement diminue le nombre de journées consacrées à l’entraînement d’un effectif de professionnels en nombre croissant. C’est ainsi que le nombre moyen de jours d’activités qui était de 100 en 1995 passe à un objectif de 70 dans le projet de budget pour 1999, et que les crédits correspondants enregistrent quasiment une diminution de moitié sur cette même période. Il a toutefois estimé que la contradiction principale résidait dans la mise en œuvre de la professionnalisation, dont le coût allait croissant, au moins dans les premières années, alors qu’était appliquée au même moment une politique de contrainte budgétaire générale et de pression sur la dépense publique.

Comme l’a précisé le Chef d’état-major de l’Armée de terre, l’année 1999 verra la suite des opérations de réorganisation et de restructuration des forces terrestres. La liste des formations dissoutes, transférées ou restructurées est longue, elle sera intégralement publiée dans l’avis écrit. Au regard de l’ampleur de ce mouvement, il convient de signaler la création de 4 organismes de commandement, d’une compagnie de commandement et de transmission et du 2ème régiment étranger du Génie sur le site du plateau d’Albion.

Le nouveau modèle d’armée a privilégié la fonction de projection, dans des délais très courts, de forces réduites en nombre, mais immédiatement disponibles et opérationnelles. Cette fonction impose une mobilité accrue des matériels. Par ailleurs, les trois hypothèses d’emploi définies dans la revue de programmes - actions de prévention et de présence internationale, opérations de gestion de crise et de maintien de la paix, conflits régionaux de haute intensité (Europe et au Proche et Moyen-Orient, Afrique) - requièrent en règle générale des armements très mobiles, donc aisément projetables.

Les grands programmes d’armement terrestre évoluent dans ce cadre. Depuis le lancement du programme, 310 chars Leclerc ont été commandés et 172 ont été livrés ; 44 nouveaux exemplaires seront commandés et 33 devraient être livrés en 1999. Le programme bénéficie de 2,23 milliards de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 1999.

Le véhicule blindé de combat d’infanterie à roues devrait être le successeur de l’AMX 10 P. Sa grande mobilité lui procure une furtivité certaine qui concourt à sa protection. Les difficultés rencontrées dans la réalisation de ce programme mené en coopération avec l’Allemagne et le Royaume-Uni conduisent à s’interroger sur l’opportunité de le conduire sur des bases nationales, malgré les réticences exprimées, pour des raisons de coût financier, à l’égard du Vextra proposé par GIAT-Industries, blindé dont l’état-major reconnaît les hautes qualités. M. Jean-Claude Sandrier a considéré qu’on évoquait souvent le coût du maintien des emplois, mais moins souvent celui de leur suppression. Dans la période très difficile que traverse GIAT-Industries, le choix du Vextra permettrait des transitions moins douloureuses.

S’agissant des hélicoptères, il a souligné qu’une commande groupée de 80 hélicoptères Tigre devrait être prochainement notifiée à Eurocopter, les premières livraisons étant prévues pour 2003, et que 889 millions de francs de crédits de paiement sont affectés à ce programme dans le projet de loi de finances. Il a indiqué également que le développement du NH90 se poursuivait. Bien que les premières livraisons de cet hélicoptère à l’Armée de terre ne doivent intervenir qu’en 2011, 347 millions de francs de crédits de paiement sont inscrits à son budget dans le projet de loi de finances pour 1999.

Enfin, l’année 1999 verra la livraison du système de commandement des forces, destiné à améliorer la cohérence et le rendement de la chaîne de commandement, et la commande du second. Ce système comprendra dans sa première version deux PC de niveau brigade. Au total, 110 millions de francs de crédits de paiement seront consacrés à ce programme, dont 77 millions en développement et 33 millions en fabrications.

Le rapporteur pour avis a souligné en conclusion que personne ne pouvait s’étonner d’un certain nombre de difficultés financières, d’autant plus prévisibles que chacun savait que le coût de la professionnalisation irait croissant durant les premières années, alors que les contraintes budgétaires instituées par le pacte de stabilité pèseraient sur les dépenses publiques. De même, il a estimé que personne ne pouvait s’étonner de la légitime décision consistant à autoriser le report d’incorporation des jeunes ayant un contrat de travail ni de la dépréciation du service militaire, dès lors que sa fin est programmée et que la journée d’appel de préparation à la Défense est déjà mise en place. Il a donc estimé qu’il convenait de ne pas exagérer l’importance du déficit d’appelés. En revanche, il a considéré que le sous-effectif de personnels civils était moins compréhensible et qu’il convenait de prendre les mesures nécessaires pour résoudre ce problème. Il a néanmoins estimé que l’ensemble de ces difficultés n’altéraient pas, de manière significative, les capacités opérationnelles de l’Armée de terre, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là. Il a indiqué à ce propos que le Chef d’état-major de l’Armée de terre lui avait confirmé que, conformément aux objectifs prévus pour la phase de transition, les forces terrestres étaient capables de projeter sans aucun problème 20 000 hommes et les matériels correspondants.

En conclusion, M. Jean-Claude Sandrier a émis le voeu que le budget de l’Armée de terre, élaboré avec un certain nombre de contraintes, ne soit pas d’emblée grevé par des reports de charges de l’ordre de 300 millions de francs, qui doivent être impérativement couverts par des ressources nouvelles dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative.

M. Michel Voisin a demandé si les crédits prévus pour l’Armée de terre prenaient en compte les emplois civils. Rappelant que le Chef d’état-major de l’Armée de terre avait indiqué que les forces terrestres étaient actuellement en mesure de projeter 20 000 hommes, il s’est interrogé sur la possibilité d’atteindre, dans trois ans, l’objectif, fixé par la loi de programmation militaire, d’une capacité de projection de 50 000 hommes au sein d’une force internationale.

M. Guy-Michel Chauveau a souhaité savoir quelles étaient les conséquences de la baisse de 5 % des crédits d’études, soulignant que certains pays européens profitaient d’une atténuation des besoins de fabrication pour maintenir leur effort de recherche.

M. Guy Teissier, après avoir qualifié le projet de budget de « tendu », a rappelé l’inquiétude formulée devant la Commission de la Défense par les Chefs d’état-major des différentes armées. Il a souligné le civisme des jeunes Français qui continuent de répondre à l’appel du service national, alors que, devant le refus de ses jeunes, la Belgique a dû arrêter la conscription plus tôt que prévu.

Le Président Paul Quilès a fait remarquer à ce propos les contradictions des discours qui se félicitent du civisme des appelés, tout en s’alarmant d’un risque de déficit de la ressource procurée par le service national et de ses conséquences sur la valeur opérationnelle des forces.

M. Jean-Claude Sandrier a apporté les éléments de réponse suivants :

— le Général Philippe Mercier a indiqué qu’il n’y avait pas de difficultés particulières à atteindre l’objectif de projeter 50 000 hommes en 2002, compte tenu du recrutement progressif d’engagés et de l’évolution des structures d’année en année ;

— le budget de l’Armée de terre n’a jamais inclus de dotations concernant les rémunérations des personnels civils ;

— l’état-major de l’Armée de terre n’a pas formulé d’inquiétudes face à la réduction de 5 % des études car des baisses conjoncturelles sont concevables, tant sur les développements que sur les fabrications, en fonction du déroulement des programmes. En revanche, il a émis des réserves à l’égard de la perspective d’une baisse prolongée du niveau de l’effort de recherche ;

— il n’y a pas de remise en cause de la conscription et toutes les analyses confirment le civisme des jeunes Français ;

— il convient de ne pas exagérer les propos du Chef d’état-major de l’Armée de terre sur le déficit en appelés.

——fpfp——

La Commission de la Défense a alors procédé au vote sur l’ensemble des crédits de la Défense pour 1999.

Elle a tout d’abord adopté à l’unanimité deux observations, l’une présentée par M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine, relative à la gestion et à la politique d’embauche de la DCN, l’autre, par M. Charles Cova relative à la situation des sous-lieutenants retraités et des veuves allocataires.

M. Michel Voisin a souligné que, si le projet de budget de la Défense pour 1999 avait d’abord paru favorable, une analyse approfondie des dotations montrait qu’il était présenté en trompe l’oeil. Il a alors indiqué que le groupe UDF réservait son vote sur ces crédits.

M. Guy-Michel Chauveau a estimé qu’il convenait de se féliciter du niveau des dotations budgétaires compte tenu de la situation de l’exercice 1998 et des circonstances économiques et financières. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait les crédits de la Défense.

Après avoir considéré que le projet de budget pour 1999 se caractérisait par de fortes contraintes soulignées par la plupart des Chefs d’état-major, M. Charles Cova a fait observer que la hausse de 6,2 % des crédits d’équipement n’était pas à la hauteur des ambitions de la loi de programmation militaire. Il a émis le voeu que l’exécution budgétaire soit conforme aux dotations initiales, notamment pour les 25 programmes d’armement dont les dotations sont individualisées. Il a rappelé que le Général Philippe Mercier, Chef d’état-major de l’Armée de terre, avait estimé que les crédits d’équipement ne pouvaient plus être entamés qu’à la marge sauf à créer de véritables ruptures capacitaires, et que, si le Chef d’état-major de l’Armée de l’air avait fait preuve d’un optimisme réconfortant sur le niveau des crédits de fonctionnement, les Chefs d’état-major des deux autres armées avaient « tiré le signal d’alarme ». Le Chef d’état-major de la Marine avait évoqué avec inquiétude la réduction d’activité générale, fait état d’un risque de « casser l’outil » et souligné que la Marine était à la limite de la rupture de capacité alors que ses missions ne sont pas diminuées, et qu’il est impossible de prévoir les nécessités opérationnelles qui pourraient surgir. M. Charles Cova a également rappelé que le Chef d’état-major de l’Armée de terre avait mis l’accent sur la réduction sévère des crédits de fonctionnement dont il a souligné qu’elle entraînerait une baisse draconienne des objectifs de soutien et d’activité, même s’il a jugé par ailleurs que le projet de budget lui permettait de poursuivre la refondation de son armée. Enfin, il a rappelé l’inquiétude exprimée par le rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie nationale, M. Georges Lemoine, à l’égard de la faiblesse du titre III.

M. Charles Cova a alors estimé que, si le projet de budget pour 1999 témoignait d’un léger redressement par rapport à 1998, l’extrême contrainte financière qu’il établissait entraînerait une réduction des objectifs de soutien et d’activité et ramènerait au concept de disponibilité différée pour certaines unités. Il a indiqué que le groupe RPR s’abstiendrait sur les crédits de la Défense.

Se déclarant en accord avec les propos tenus par M. Charles Cova, M. Guy Teissier a souligné les difficultés que soulevaient certaines réductions de dotations, notamment liées au fonctionnement courant, et a estimé que le budget de la Défense, outil opérationnel, risquait de devenir un outil opératoire. Il a indiqué que le groupe DL voterait contre les crédits de la Défense.

La Commission de la Défense a alors donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la Défense pour 1999, les commissaires appartenant au groupe DL votant contre, ceux du groupe RPR s’abstenant et ceux du groupe UDF ne prenant pas part au vote.


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